Les victimes de violences conjugales en Bretagne au xixe siècle
p. 259-277
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Index géographique : France
Texte intégral
1Si les archives judiciaires sont depuis un certain temps reconnues comme une source capitale de l'étude des sociétés d'autrefois, dans la mesure où nous sommes souvent obligés par ailleurs de nous contenter de documents officiels qui ne laissent guère qu'entrevoir la vie quotidienne du « petit peuple », il reste que l'étude de la violence familiale à partir de ce type d'archives pose des problèmes spécifiques. Nous manquons d'études concernant la petite et la moyenne délinquance familiale : les quelques éléments qu'ont pu me fournir des études entreprises sur les justices de paix d'Ille-et-Vilaine semblent montrer que le tribunal de paix n'était pratiquement jamais saisi de telles affaires. Les sources policières que j'ai pu étudier n'en disent pas davantage. Il faudrait collecter un nombre suffisant de cas de coups et blessures « simples » portés devant le tribunal correctionnel pour avoir une idée de ce qu'il en est à ce niveau. Nous allons donc fonder notre travail sur les dossiers de la cour d'assises, qui ne prennent par définition en compte que les affaires les plus graves. D'où la question lancinante : sont-elles représentatives ? Question moins simple qu'il n'y paraît, triple question en fait. Premièrement, sont-elles représentatives de la criminalité réelle, et quelle part de cette dernière nous demeure cachée ? Deuxièmement, sont-elles représentatives de l'ensemble des déviances familiales, y compris les moins graves. Troisièmement, ceci étant le point le plus important : sont-elles représentatives, sont-elles l'image exacerbée, le double monstrueux de comportements habituels et normatifs que nous ne pourrions saisir vraiment qu'à travers elles ? La première question ne nous retiendra guère ici, la seconde davantage et la troisième de manière plus centrale encore. Pour ne pas nous égarer sur des pistes trop hétérogènes et envisager le mieux possible un champ très précis, nous nous intéresserons plus particulièrement aux violences conjugales, c'est-à-dire commises entre mari et femme, entre concubins, mais aussi entre, par exemple, mari et amant de la femme, ou femme et maîtresse du mari, au détriment donc des parricides, des homicides commis sur oncles et tantes, entre frères et sœurs, qui ne nous arrêteront qu'incidemment, et bien sûr des infanticides et avortements qui posent des problèmes entièrement différents, et ne nous retiendront pas du tout ici.
2Il ne s'agit pas là d'une synthèse finale, mais d'un travail reposant sur plusieurs échantillons nettement différents par les dates considérées et les origines géographiques, mais dont la mise en perspective peut faire surgir d'utiles hypothèses. Les trois principaux sont représentés par une étude sur les violences familiales dans l'arrondissement de Rennes entre 1811 et 1914 (non exhaustive : une série de sondages m'a permis d'évaluer le nombre des faits pris en compte à environ la moitié du total jugé ; mais la sélection paraît avoir été à peu près aléatoire, ce qui rend l'échantillon pertinent)1 - une étude sur le crime « passionnel » dans l'ensemble du département d'Ille-et-Vilaine entre 1870 et 1914, crime dans lequel les violences conjugales ou quasi conjugales sont fortement majoritaires2 - et enfin, une dernière concernant les crimes familiaux (avortements et infanticides strictement exclus, ce qui laisse subsister uniquement le même type d'affaires que dans le cas précédent) dans les Côtes-du-Nord entre 1850 et 19003. Outre que les dates sont différentes, les localisations géographiques déterminent un environnement social différent : un arrondissement sinon fortement urbanisé, du moins comportant une ville relativement importante (Rennes) ; un département plus ouvert sur le monde et plus urbanisé (l'Ille-et-Vilaine), enfin un département très rural (profond...), les Côtes-du-Nord4.
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Effectifs
3Dans l'arrondissement de Rennes, de 1811 à 1914 (échantillon aléatoire-voir ci-dessus), les violences conjugales correspondraient à 16,7 % des violences familiales, ce qui donne 36 affaires jugées par la cour d'assises, soit 18 meurtres, 10 tentatives ou coups et blessures graves, 2 « viols », 6 cas de bigamie (échantillon « DD »). Pour l'Ille-et-Vilaine entière, entre 1870 et 1914, on compterait 90 affaires « passionnelles » (entre maris et femmes, amants et maîtresses), dont 32 tentatives et 58 homicides effectifs (échantillon « MU »). Pour l'ensemble du département des Côtes-du-Nord (échantillon « VG »), le total serait de 72 crimes « familiaux », dont 42 meurtres ou assassinats effectifs entre époux de 1850 à 1900 (tentatives et tous autres types de crimes passionnels non compris)5
4Dans l'échantillon « DD », 31 procédures sur 36 concernent le mari (86 %), 5 la femme, 68 sur 90 (75,5 %) dans l'échantillon « MU », mais 25 (59,5 %) « seulement » contre 17 dans les Côtes-du-Nord (échantillon « VG »). On en tirera tout de suite une première conclusion : si les victimes sont majoritairement des femmes, les hommes tués ou objets de tentatives de la part de leur femme ou de leur maîtresse (de leur femme, dans une écrasante majorité) ne sont nullement des exceptions, mais forment une minorité significative et parfois importante.
5On a écarté de cette étude les attentats à la pudeur : en cette matière, il faut rappeler que le viol entre époux n'existe pas dans la législation du siècle dernier6 \ Seuls viendront donc éventuellement aux assises les actes « contre nature », et encore presque uniquement lorsqu'ils ont amené un homicide. Le niveau quantitatif de leur pratique réelle ne peut donc pas du tout être estimé par ce biais : il est probable que la plupart du temps, ils n'emportaient aucune suite judiciaire et restaient, violemment condamnés par la morale dominante, de l'ordre du secret intime le plus complet. L'affaire Martin est un très rare exemple (en fait, unique dans nos échantillons) de cas venu devant la cour sans qu'il y ait eu meurtre ou tentative.
« Pendant huit jours environ après notre mariage, il ne faisait pas ce qu'il devait faire, à partir de ce moment après s'être servi de moi naturellement, il me disait de me retourner de l'autre côté, dans cette position il me mettait la verge dans l'anus, il faisait ainsi, à peu près une fois par mois, plus tard. [...] il me dit : je veux te mettre mon affaire dans la bouche [...] Quand je ne voulais pas consentir, il me frappait 7. »
6La Haute-Bretagne, champ de notre étude, apparaît globalement comme un ensemble géographique que l'on pourrait situer dans les rangs intermédiaires à l'intérieur d'une hiérarchie de l'incidence des crimes de sang. Les remarquables cartes du grand rapport rétrospectif du Compte Général (rapport pour 1880), qui récapitulent cinquante ans de déviance, montrent la Bretagne, l'Ille-et-Vilaine et les Côtes-du-Nord en particulier, moins criminogène que la région parisienne ou la Corse, mais nettement plus que le centre de la France ou la région alpine, à peu près à égalité avec la vallée du Rhône, le Languedoc ou la Haute-Normandie8 Les indications par départements donnent en cinquante ans 19 accusés9 de crimes contre l'ordre public et les personnes (moyenne annuelle) pour 100 000 habitants en Ille-et-Vilaine (soit 37 personnes en nombre brut), 14 dans les Côtes-du-Nord (soit 30 personnes), 17 pour l'ensemble de la France10 Si l'on suit les calculs de Joëlle Guillais11, le nombre de crimes " passionnels " pour la décennie 1870-1880 représenterait environ 13,5 % du total des crimes parvenus devant les cours d'assises12. Cela donnerait à peu près cinq accusés par an pour l'Ille-et-Vilaine, un peu moins pour les Côtes-du-Nord. Sachant que ces chiffres hypothétiques comprennent forcément nombre d'affaires qu'on ne peut classer comme « conjugales » ou même « familiales », il semblerait que nos échantillons ne soient pas très éloignés de la réalité : chaque année, dans chacun de nos deux départements témoins, deux personnes seraient tuées, ou manqueraient de l'être, par leur mari, leur femme, le mari de leur maîtresse ou la femme de leur amant. Qui et pourquoi ?
Portraits
7Le crime conjugal ne semble pas appartenir à un milieu particulier. Rien ne serait plus faux en tout cas que d'en faire un crime de bourgeois bafoués ou d'ouvriers poussés par la misère, un crime citadin en tout cas. C'est pourtant un lieu commun récurrent que l'on peut trouver çà et là dans les colonnes de la presse, nationale comme régionale. Voici par exemple L'Écho de l'Ouest, petite publication de petite ville (Vitré), dans son numéro du 28 février 1898 : « Nous sommes en présence d'un de ces drames de famille qui deviennent assez fréquents [pourquoi diable : "deviennent" ?] dans les grandes villes et font leur apparition aussi13 dans les petits centres14 »
8Or, dans les Côtes-du-Nord (échantillon « VG »), 100 % des criminels (et donc des victimes) sont des ruraux15. Il est vrai qu'on y compte « seulement » 13 familles de cultivateurs contre 12 d'autres professions, dont 6 commerçants, essentiellement des aubergistes, pour les hommes ; et 10 « ménagères » non paysannes, 4 cultivatrices, 2 aubergistes et 1 marchande, pour les femmes. En Ille-et-Vilaine (échantillon « MU »), 70 % des affaires concernent les ruraux, et par profession, on dénombre 25,6 % de cultivateurs et 7,25 % de domestiques de ferme contre 26,7 % d'artisans, 11,1 % de commerçants, 9 % d'ouvriers du bâtiment, 7,25 % de domestiques attachés à la personne, etc. La dichotomie entre réalité et représentation est ici patente. Dans les Côtes-du-Nord, les ruraux sont surreprésentés à un point étonnant : certes, le département est très peu urbanisé (une seule ville importante et encore, Saint-Brieuc), mais tout de même ! En Ille-et-Vilaine, leur proportion correspond ni plus ni moins à celle qu'ils occupent dans la démographie locale. Reste que le milieu finalement mal connu des ruraux non-agriculteurs semble plus fragile, plus exposé, peut-être parce que plus ouvert, plus mobile, un peu moins misérable. La question est à creuser.
Moyens
9La façon dont les victimes passent de vie à trépas est sans mystère. Dans les Côtes-du-Nord (échantillon « VG ») sur 72 affaires, conjugales et autres, 32 (44,4 %) concernent une mort entraînée par les coups. Entre crimes masculins et féminins, il existe certes une différence, mais pas forcément aussi marquée qu'on pourrait le croire. Les hommes tuent de façon très primitive : 54 % par coups de pied et de poing, 8 par étranglements, 12 par armes blanches, 10 par armes à feu, 16 autrement (objets et instruments divers, étouffements, mais aucun empoisonnement). Les femmes tuent aussi beaucoup par coups de pied et de poing (25 %), étranglements (15 %), objets divers (20 %), mais l'empoisonnement reste, il est vrai, le crime féminin majeur (40 %)16.
10En Ille-et-Vilaine, dans l'échantillon « MU », 42,5 % des meurtres de femmes sont commis par coups, coups de bâton, étranglements ; 32 % par armes à feu ; 18 par armes blanches variées (dont beaucoup d'instruments de travail) ; 1,5 % par empoisonnements (le reste se composant de cas divers, dont plusieurs attaques au pétrole qu'on tente d'enflammer ensuite). Pour ce qui est des meurtres d'hommes, 54 % (12 cas) sont dus aux coups ou étranglements ; 13,6 % aux armes à feu (3 cas, et uniquement le revolver alors que les hommes utilisent aussi le fusil de chasse), 4,5 % (un cas) à une arme blanche, 18 % à l'empoisonnement (4 cas), 9 % (deux cas) sont le fait de femmes complices qui ont aidé le meurtrier principal (toujours un homme)17
11L'analyse d'autres séries ne permet pas d'infirmer ces conclusions : les victimes de meurtres conjugaux, dans ces départements ruraux, ne périssent guère de manière « moderne », mais dans l'ensemble de façon primitive et brutale. Les femmes ne sont nullement de faibles créatures qui devraient obligatoirement prendre leur mari par surprise ou l'empoisonner pour le tuer, mais il est exact que les empoisonneuses existent, les empoisonneurs pratiquement pas ; la différence de force physique joue malgré tout, mais elle est loin de s'exercer toujours à sens unique.
causes et prétextes
12Tuer son prochain, et même son conjoint, n'est pas vraiment un acte banal. Qu'est-ce qui pousse les assassins à sauter le pas, à « passer à l'acte » comme commencent à le dire médecins et criminologues ? Laissons ici, d'abord, parler les faits.
L'alcool
13On pourrait penser que nombre de femmes (mais aussi d'hommes) meurent ou sont victimes d'un conjoint alcoolique. Mais la réalité n'est pas si simple. Il est vrai que ce premier cas de figure existe bel et bien. Ainsi, Anne-Marie Duffié déclare à la cour : « À peine marié, il s'est mis à boire, et pendant qu'il était ivre, il m'injuriait et me maltraitait18. » Dans les Côtes-du-Nord, sur 72 accusés, 22 sont définis comme des alcooliques invétérés avant leur crime19 mais avec une certaine disproportion, un gros tiers des hommes étant dans ce cas contre (quand même) un quart des femmes.
14L'alcoolisme peut agir aussi de manière secondaire comme révélateur d'une haine : Jacques Le Bourhis tue sa femme d'un coup de pied dans les parties génitales (13 septembre 1891)20, parce qu'il ne supportait plus ses reproches : elle l'accusait de dilapider ses revenus au cabaret et de laisser sa famille sans ressources, alors que, artisan aisé, il avait largement les moyens de pourvoir à ses besoins. L'ivresse de la victime peut aussi lui être fatale, en déclenchant la colère d'un conjoint exaspéré. Ainsi, en Ille-et-Vilaine, le 17 octobre 1870, une violente dispute éclate entre les époux Richard, cabaretiers à Guipry : le mari, ivre, traite sa femme de « garce » et de « putain ». Elle lui lance alors à la tête un « morceau de bois ». Il s'effondre le crâne ensanglanté : elle le couche avec l'aide de sa fille, tente de lui poser des questions toute la nuit, lui propose du bouillon, mais il ne répond pas... Il meurt vers cinq heures du matin. L'homme avait une réputation de violence, sa femme était connue pour sa « bonne conduite »21 Une variante de ce type d'agression : le criminel peut tuer sa victime parce qu'il ne tolère plus son vice. Le 24 décembre 1885, Jean-Marie Riou tue sa femme à coups de pied dans le crâne, car il ne supporte plus qu'elle l'accueille chaque soir complètement ivre en hurlant. Il ne regrettera pas son geste22 En tout, 12 % des victimes, ce qui est sans doute considérable, de l'échantillon des Côtes-du-Nord étaient ivres au moment du meurtre. Dans l'échantillon « MU », 17 % des affaires concernent des couples où le mari et la femme, le criminel et la victime, buvaient régulièrement l'un et l'autre.
15Le rôle de l'alcool peut aussi être polyvalent, simple élément dans une chaîne de comportement complexe : par exemple, la victime boit parce qu'elle cherche à oublier d'autres sévices ou des agressions qu'elle juge intolérables. Pierre et Célina A., exploitants agricoles, sont mariés depuis 17 ans, sobres, et vivent en bonne intelligence apparente. Un jour, le mari a une aventure avec une servante : sa femme se met à boire. En 1901, elle rentre chez elle ivre, avec son jeune enfant dans les bras. Pierre se jette sur elle, s'empare de l'enfant, puis roue sa femme de coups de pied. Il rentre chez lui, couche l'enfant, puis part s'enivrer dans les auberges sans plus se préoccuper de Célina, qui est parvenue à regagner sa maison et a demandé à son mari d'appeler un médecin. Elle meurt quelques heures plus tard d'une hémorragie interne... Indulgent, le jury condamne le mari à six mois de prison, estimant sans doute qu'il avait été, le brave homme, indûment provoqué...23
Le refus de l'autre
16On classera sous cette rubrique l'ensemble des faits qui ne sont motivés ni par l'alcoolisme, ni par la passion amoureuse ou la jalousie, ni par le profit, mais qui ont en commun le refus d'accepter le conjoint comme un partenaire sinon aimé, du moins estimé. Ce sont, au sens propre de l'expression, les véritables couples infernaux, chez qui la haine s'exprime de façon variée, mais aboutit finalement à l'irréparable. La distinction entre les catégories qui suivent est évidemment un peu forcée : on trouve souvent des éléments mixtes dans les cas présentés.
17Le meurtre n'est souvent que l'ultime aboutissement de violences moins graves, mais répétées et anciennes. D'où deux cas de figure : ou bien, la victime finale, trucidée par son souffre-douleur habituel, reçoit alors la " rétribution " de ses propres débordements. Dix femmes, sur dix-sept accusées d'homicide (58,8 %), sont ainsi concernées dans l'échantillon des Côtes-du-Nord. Jeanne Perquin, de Plumaugat, battue depuis très longtemps par son mari, lui fait parvenir un purgatif au phosphore alors qu'il est aux champs (9 octobre 1867). Il meurt peu après24. Ou bien, le meurtrier, qui avait l'habitude de frapper à tout propos, voire hors de propos, porte un jour un coup un peu plus rude que les autres, qui entraîne la mort : la victimisation de la même personne qu'auparavant change brusquement d'échelle et de dimensions. Dans les Côtes-du-Nord, sur 42 hommes ou femmes accusés, 22 (presque tous des hommes) étaient définis comme « violents » avant leur crime25 Bernard Schnapper note que les « excès, sévices, injures » étaient à l'origine de 87 à 92 % des demandes en séparation avant la loi Naquet sur le divorce de 1884, et que 85 à 90 % étaient formulées par des femmes26. Dans l'échantillon « MU », 8 demandes de séparation sur 11 (toutes ici d'origine féminine) sont motivées par la violence excessive (!) et continue du mari. En fait, tout laisse à penser que seuls les coups répétés et graves déterminent des réactions juridiques et/ou physiques de la femme, et que la réalité quotidienne ne doit pas (au moins dans les campagnes) se situer très loin d'un « droit à correction » de la part du mari, droit perçu comme un élément « ordinaire » et peu condamnable de la vie conjugale, analogue à celui dont disposent les parents sur leurs enfants : « J'ai élevé treize enfants, je n'ai jamais relevé leurs jupes ou défait leurs pantalons pour les fesser. Lorsque j'avais à me plaindre d'eux, je prenais ma gaule et je tapais dessus », déclare une paysanne des Charentes en 1874 lors de l'enquête sur une affaire de mœurs mettant en cause un ecclésiastique : à l'évidence, il lui aurait paru scandaleux de découvrir le derrière de ses enfants, et parfaitement normal de les assommer à coups de bâton, ou à peu près...27 Si nombre de traditions montrent que la communauté réprouve sévèrement les coups portés par la femme à son mari, qui rompent l'équilibre naturel et inversent la hiérarchie normale28 infiniment plus rares semblent avoir été les coutumes ridiculisant le mari qui bat sa femme. Paul Sébillot en signale justement en Haute-Bretagne29 : il s'agit là sans doute d'inversions localisées de l'usage traditionnel dont il n'est même pas sûr qu'elles aient souvent été mises en pratique. L'observation des affaires que nous avons citées semble prouver le contraire30
18Ceci dit, les coups de femme à mari, sans doute moins fréquents, ne semblent pas vraiment rares non plus et amènent à douter que les traditions rapportées par Sébillot ou Van Gennep, la promenade à califourchon sur l'âne du mari ridicule en particulier, aient vraiment été fréquentes et dissuasives. En Ille-et-Vilaine, entre 1871 et 1914, huit femmes sont jugées pour coups et blessures volontaires suivis de mort sans intention de la donner, sur leur mari : dans six cas, tous les torts leur sont attribués. Dans ces occurrences, l'époux a « un bon naturel », est de « caractère facile et doux », alors que la femme est « méchante et impérieuse », « avare et revendicatrice »31. Certaines font l'objet de portraits particulièrement défavorables, telle Mélanie Deschamps, veuve Goudal, 39 ans, cultivatrice à Monthaut (arrondissement de Fougères). Déjà condamnée à 4 mois de prison pour coups volontaires et outrages à témoins à l'audience, elle a tué son mari à coups de trique. Elle «jouit d'une très mauvaise réputation, sa moralité est détestable [...] elle passe pour avoir eu, du vivant de son mari, des relations intimes avec certains individus et s'être livrée à eux même devant ses enfants [et même] à des actes honteux que l'on n'ose répéter ici. [...] Cette femme a en outre, un caractère extrêmement violent. Il y a cinq ans, elle a tellement battu sa belle-sœur que celle-ci en est restée souffrante pendant quatre semaines. Elle a également cassé le bras à son mari qui n'en a jamais dit un mot32 ».
19Elle est pourtant acquittée, et la plupart des autres femmes dans une situation similaire ne sont guère plus lourdement sanctionnées. Anne-Marie Rétif, femme Davy, tue son époux à coups de branche de châtaigner en s'écriant : « Ah ! Tu es bien dur à tuer. Mais si je n'arrive pas avec le bois, j'irai chercher la hache. » Elle n'est condamnée (ici pour meurtre) qu'à 2 ans de prison ; il est vrai que le défunt avait la réputation d'être ivrogne, jaloux et violent33 Si le fait de battre son mari régulièrement avait vraiment été une circonstance aggravante et extraordinaire, on peut penser que le jury en aurait tenu quelque compte.
20La victime peut aussi amener sa propre perte en faussant l'ordre social ordinaire, celui qui fait de l'homme non seulement le chef du ménage, mais aussi celui qui gagne le pain quotidien, principalement en tout cas34. Jean-Claude Vallée a tué sa femme. Pourquoi ? L'explication qu'il donne constitue sans doute (pour lui) une justification : « Elle était toujours à me résister, voulant m'indiquer ce que j'avais à faire, de telle sorte que je finissais par m'emporter et que je lui tapais dessus35 » Ou bien, il arrive en sens contraire que la victime soit le mari qui ne peut plus assumer son rôle : le 28 juillet 1889, Joséphine Payoux, 54 ans, femme de cultivateur aisé à Lanrelas, frappe à mort son mari avec un bâton. Depuis un an et demi, l'homme ne pouvait plus cultiver sa terre par faiblesse physique. Les témoins attestent que la femme ne quittait jamais son bâton et frappait régulièrement son mari. Ce soir-là, elle lui administra une correction mortelle malgré les protestations d'un de ses fils36
21On ne niera pas que la vie des paysans bretons du xixe siècle ne soit en général fort rude, et c'est s'illusionner que de penser qu'ils l'acceptaient toujours avec résignation. En juillet 1884, François-Marie Le Collen, 53 ans, 5 enfants, rentre chez lui et se plaint à sa femme de l'obscurité qui règne dans la maison. Comme elle ne répond pas, il prend sa fourche, la bat pendant une heure et demie jusqu'à ce que mort s'ensuive37... La victime, ici, est morte comme un objet qu'on casse - stupidement - pour se soulager des misères de la vie quotidienne. Doit-on ajouter à ce cas de figure celui des maris qui tuent leur femme enceinte ? C'est possible. L'annonce d'une nouvelle grossesse a pu pousser à bout des hommes qui ne supportaient plus leur quotidien, et la victime devient ici l'incarnation d'une famille et d'une vie familiale que l'homme ne supporte plus. Un fait vient à l'appui de cette hypothèse : la sauvagerie particulière de tels homicides. Sur les 5 femmes tuées à coups de sabots dans les Côtes-du-Nord, 4 étaient enceintes38.
22Enfin, les motivations de certains actes nous restent inaccessibles, sauf à constater que le couple, la cohabitation permanente, est un lieu privilégié du développement de la haine parfaite, lorsqu'il n'y a plus aucun élément d'entente, subjectif ou objectif. Ce sont les actes les plus barbares en général39 Le meurtrier a accumulé au cours du temps une dose d'animosité qui « explose » à un moment donné pour une raison ou pour une autre. Julien Le Gouaziou, laboureur à Tréverec, 41 ans, s'entend depuis longtemps fort mal avec sa femme. Un jour de 1877, rentrant des champs, il se querelle avec elle, la frappe à coups de sabot sur la tête. Comme elle tente de s'échapper, il la poursuit, la rattrape, la ramène à la maison et lui cogne le crâne contre le foyer de pierre. Puis, il se couche en la laissant agoniser toute la nuit, et le matin se rend aux champs sans plus s'inquiéter. Ce sont des voisins qui la découvrent morte dans la matinée40 Constant Bretagne, lui, a tenté de faire passer sa femme Marie pour folle, en pure perte. Finalement, il la bat à mort de telle façon que selon les enquêteurs, il sera « impossible d'y trouver une portion de peau saine, de la dimension d'une carte à jouer41 ».
23Ces cas s'insèrent le plus souvent dans un contexte très dégradé où les injures sont quotidiennes et entretiennent elles-mêmes la haine : « Garce, putain, bougresse, bourrique, monstre », sont des qualificatifs adressés aux femmes. Mais les maris aussi sont victimes d'insultes : « maquereau, soûlard, bourrique », de menaces et surtout de campagnes insidieuses ou ouvertes de dénigrements et de rumeurs : Perrine Blusson répand la rumeur selon laquelle son mari n'est « ni fille ni gars42 ». Elle avait affirmé aux voisins que son enfant nouveau-né « n'était pas le fruit de ses rapports avec son mari ». Ce type de stratégie semble typiquement féminin : nous ne retrouvons rien de semblable de « l'autre côté ». Mais ce genre de meurtre peut également survenir sans aucun avertissement : Charlotte Toux tue son mari pendant son sommeil à coups de hache et de fourche, et pourtant elle passait pour douce, elle avait 49 ans, 7 enfants. Le mari, charpentier, bon ouvrier, pas très fréquemment ivre, l'était ce soir-là. Elle n'en eut aucun remords43...
24La haine peut s'accompagner d'une froideur totale à l'égard de la victime, manifestant l'anéantissement, ou l'absence dès le départ, du moindre sentiment d'attachement. Victor T. tue sa femme à coups de couteau et à une voisine qui s'empresse, il déclare sans émotion apparente : « Ce n'est pas la peine, elle est morte la bourrique44. » Les époux R. ne s'entendent plus depuis longtemps. Un après-midi de 1909, une querelle éclate, Henri poursuit sa femme qui tombe. Il la frappe, la traîne sur plusieurs mètres, la frappe encore, puis l'abandonne sans connaissance pour aller se coucher. À minuit, il retourne la voir, elle crie faiblement ; il la soulève alors deux ou trois fois et lui cogne violemment la tête contre une racine de chêne. Elle meurt le lendemain45. Valentin F. lance une hache à la tête de sa femme, puis la laisse agoniser durant plusieurs heures avec une parfaite indifférence46
Amour, sexe et jalousie
25Le refus des relations sexuelles est une circonstance conduisant bien moins souvent au meurtre que d'autres, en tout cas dans le champ de notre étude. Certaines femmes peuvent refuser les relations sexuelles, mais il est à peu près certain que cette configuration conduit rarement à l'homicide. On trouve cependant quelques rares cas d'époux exécutés parce que la femme ne voulait plus supporter les relations conjugales " normales ". Marie-Jeanne Rouault, 26 ans, tue son mari à Plaintel en le faisant boire jusqu'à l'ivresse lors d'une fête locale, puis en l'étranglant : elle refusait de coucher avec lui depuis la nuit de noces47
26La plupart du temps, le mari se contente d'user, légalement comme on l'a déjà signalé, de sa force. Jean Martin, surpris par sa belle-mère en train de violenter son épouse, lui rétorque que « c'était sa femme et qu'il avait le droit de s'en servir48 ». Mais celle-ci, comme on l'a vu, portera plainte pour attentat à la pudeur en invoquant les moeurs sexuelles contre nature de son mari. Encore s'agit-il d'un cas unique. Exceptionnels également, les maris victimes d'un meurtre suscité par de telles pratiques. Jeanne-Marie M., femme L., journalière à Laillé, épouse d'un ouvrier des mines de Pont-Péan, empoisonne son mari en invoquant divers motifs reconnus par les témoins comme sans fondement, sauf sur un point qu'ils ne peuvent évidemment éclaircir : L. aurait exigé de sa femme des relations « contre-nature ». Mais les témoins accablent la femme, accusée d'ivrognerie constante et de négligence. Elle est condamnée à mort (sa peine étant commuée)49
27Les cas les plus courants, et ils le sont assez peu, sont ceux de maris victimes non de leur brutalité, mais de leur impuissance sexuelle ou de leur stérilité (sans doute allègrement confondues). Jean Hardy est assassiné par sa femme parce qu'il « vivait avec elle comme un frère avec sa soeur et jamais il n'avait fait son devoir de mari50 ». Perrine Drouillet, femme Busson, tue le sien « Parce que le but du mariage est d'avoir des enfants et que son mari ne pouvait en faire51. »
28Dans l'échantillon « VG » (Côtes-du-Nord), l'adultère seul représente 21 % des causes de crimes entre époux (9 cas), 25 % dans l'échantillon « MU » (23 cas). Avec les deux cas de figure classiques et symétriques : le cas le plus simple est celui du châtiment de l'adultère (victime parce que coupable). Noël Briand, marin, 54 ans, de Trigavoux, apprend que sa femme est la maîtresse d'un homme du village de Plestin. Le 6 mars 1854, en plein jour, il lui assène de violents coups de pied et de poing et la tue. Il est arrêté sans avoir pris la moindre peine pour dissimuler son acte52 Il sera acquitté, en considération sans doute de la « mauvaise réputation » de sa femme. Mais on peut également trouver des cas analogues, mais un peu différents, où le meurtrier tue parce que, dit-il, son conjoint « ne l'aimait plus » et manifestait un souci de plus en plus net d'éviter la cohabitation. Une affaire similaire est celle de Pierre Le Coq, qui tue sa femme en juin 1852 à coups de fusil, parce que, à la suite d'une condamnation de son mari à un mois de prison, elle ne voulait pas reprendre la vie commune ; or, tous les voisins attestent que Le Coq était follement amoureux de sa femme53. Marie T. quant à elle, divorcée, se remarie avec un gendarme en 1908 ; rapidement, elle se plaint de la « froideur » de son mari. Folle de jalousie, elle lui tire un soir un coup de revolver dans l'oreille, dont il réchappera54... On peut noter que dans les cas où le mari découvre l'infidélité de sa femme et se « contente » de tuer, ou de tenter de le faire, sa femme ou l'amant, l'acquittement est sinon de droit, en tout cas fréquent : cas du cabaretier Ambroise Dartois en 189255 qui tire sur sa femme et l'ami d'icelle ; d'Eugène R. qui abat l'amant de sa femme en 189856 de Victor R. qui tue sa femme à coups de couteau après avoir découvert un billet doux de son amant tombé de son corset le soir57... Il est assez vraisemblable que ce genre d'homicide est plus fortement masculin. Le cas inverse est celui du « coupable » qui se débarrasse de la femme ou du mari gênant (victime parce qu'obstacle). Ainsi, Suzanne Soliment, épouse Bousquet, demeurant à Plusquellec, 27 ans, mariée à un cultivateur de 33 ans depuis 5 ans. Légèrement portée sur la boisson, elle se met à entretenir une relation sexuelle avec son cousin. Le mari, mis au courant, lui pardonne. Mais le 31 décembre 1862, après une soirée passée chez des voisins, elle attend que son époux soit endormi et l'étrangle. Le motif donné explicitement sera la volonté de continuer la relation adultère…58
29Ce second type de méfaits est plus fréquent et surtout beaucoup plus varié. Se rattachent ainsi à lui la série des homicides ou tentatives issus de la cohabitation entre homme ou femme et amant ou maîtresse, configuration qui résulte notamment (cas des domestiques exclu, comme on le verra ci-après) d'une pratique courante, comme l'écrit le procureur de la république de Dinan en 1875 à propos d'une affaire qui se terminera d'ailleurs sans aucune violence : « Cette promiscuité si fréquente dans les campagnes aurait donné prise à la raillerie et aux soupçons59 » La victime est alors la femme ou le mari (plus souvent le mari) qui a accueilli à son foyer l'intrus fatal... Exemple : en 1908, Henriette D. vit en mauvaise intelligence avec son époux. Ils prennent en pension un jeune tailleur de pierre, Léon, qui couche dans leur chambre. Un an plus tard, Henriette s'enfuit avec Léon, mais revient très vite, faute d'argent. Elle pense alors à empoisonner son mari. Un jour, Léon et l'époux légitime sont ivres tous deux et gardent le lit... Elle prépare à leur intention deux écuelles de lait et dans celle de son mari verse de l'arsenic, dont il ne meurt pourtant pas. Le matin, elle en reverse alors dans son café, et cette fois il décède (quelques jours plus tard). Henriette s'enfuit avec Léon, mais ils sont arrêtés en janvier 191060.
30Autre exemple de nature voisine, mais qui nous met en présence d'une victime peu commode et récalcitrante, ce qui incite les criminels à monter une opération complexe et assez rare : Fanny, domestique en 1904 à Paramé chez un cultivateur, rencontre Eugène, épicier à Dinan, et devient sa maîtresse. Quelque temps plus tard, elle épouse un sieur T., commerçant (cafetier-épicier) à Dinard, tout en continuant à entretenir des relations avec Eugène, témoin à son mariage, et qui vient habiter comme domestique chez les T. Ceux-ci possédant une certaine aisance, Eugène ne couche pas dans leur chambre, mais dans une pièce contiguë... Le mari conçoit cependant des soupçons et les deux amants décident de s'en débarrasser. Eugène se rend à Saint-Malo et fait connaissance d'un chômeur, Joseph, qui accepte moyennant cent francs d'exécuter le mari. Ils achètent un revolver, puis se rendent à Dinard par le train, où ils arrivent à 22 heures. Joseph se rend chez T. pour prendre une consommation et repérer les lieux. Il revient à 23 heures : le café est fermé, mais il frappe pour qu'on lui ouvre et lui vende deux bouteilles de vin. T. ouvre et le conduit au cellier. Au moment où il se baisse, Joseph lui tire un coup de revolver dans la tête, coup qui ne lui fait qu'une blessure légère. T. bondit alors sur Joseph qui tire à nouveau deux fois, dans le cou et dans l'épaule, mais T., qui est très fort, réussit à terrasser Joseph et l'assomme à coups de pierre. La gendarmerie, alertée par les voisins, inquiets du bruit et des hurlements61 arrive et envoie T. et Joseph à l'hôpital, puis arrête Eugène et Fanny. Au procès, tous se rejetteront mutuellement la responsabilité principale62
31D'un type semblable, mais inversé, sont les cas de maris tombant amoureux d'une domestique, tel, après 15 ans de mariage, Sauvé, dont la femme subit les violences physiques et verbales des deux amants, tout en étant obligée de contempler leurs ébats dans le lit conjugal63.
32Autre sorte de victime « désignée » : le vieillard ayant eu le tort d'épouser une fille trop jeune pour lui. Adèle Piron, qui a 32 ans, est mariée à un homme de 72 ans dont elle a eu 2 enfants. Elle entretient une relation passionnelle avec un jeune homme de 20 ans et finit par empoisonner son mari et ses deux enfants64. On tient là une affaire particulièrement dramatique : on y retrouve un « commensal adultère », comme l'écrit le juge de paix qui a diligenté les premières constatations, un ouvrier carrier qui avait des relations sexuelles au vu et au su du mari qui y trouvait un avantage financier, car l'amant apportait son salaire à une famille déshéritée dont le père ne pouvait plus travailler. C'est lorsque le jeune homme, fatigué de la situation65 décida de prendre du champ, qu'Adèle Piron accomplit son geste fatal. Fait rarissime, elle fut condamnée à mort.
33On trouve par ailleurs des cas, pas si rares, où l'adultère peut se compliquer de querelles liées à l'argent, sans que le crime ou le délit soient à proprement parler suscités par le profit : la victime a eu alors, la plupart du temps, le tort de se plaindre que le conjoint dilapide pour les beaux yeux d'un amant ou d'une maîtresse (surtout) l'argent du ménage. Elle est en quelque sorte un obstacle « moral ». La femme Henry est violemment battue par son mari (sans que mort s'ensuive, mais l'affaire se termine quand même aux assises), après qu'elle lui a déclaré : « Je sais bien que vous allez encore boire avec elle. Il paraît que c'est elle qui vous donne le conseil de me battre et de me massacrer66 » Au total, les femmes semblent proportionnellement plus fortement impliquées dans ce genre de violences (même si les hommes restent majoritaires).
34Enfin, très rares sont les configurations d'un troisième type, véritables histoires d'amour pur, où seuls entrent en ligne de compte des sentiments élevés. Voici un cas à peu près unique, presque une version bretonne de Roméo et Juliette, où la victime principale était entièrement consentante : Louis L. et Victorine L67 sont tous deux ouvriers dans la chaussure à Fougères et leurs parents s'opposent à leur mariage. Le 10 octobre 1899, ils décident d'en finir : Victorine s'est munie de tranchets de cordonniers qu'elle a « empruntés » sur son lieu de travail. Ils se rendent dans la forêt de Fougères, demeurent une heure ensemble, puis Victorine demande à son ami de la tuer : il hésite, elle insiste. Il la frappe alors violemment au coeur et elle meurt sur le coup. Louis se blesse ensuite au cou et à la poitrine, mais les blessures sont légères. Il se livrera lui-même à la police68
35Au total, le portrait des victimes dans ces types de crime amène à conforter le point de vue de Jean-Louis Flandrin : « Pourtant, si l'on ne prend pas comme seule définition de l'amour celle qu'en ont donnée les cultures aristocratique et citadine, on s'apercevra que le mariage d'amour a été plus facile et plus courant à la campagne que chez les bourgeois69. »
36De fait, Joëlle Guillais ne relève sur 90 affaires jugées dans la Seine, donc en milieu purement urbain entre 1870 et 1881, « que » onze cas d'homicides motivés par l'adultère, soit 12,2 % seulement du total70. Le meurtre du ou de la coupable, l'élimination de l'obstacle à un nouveau départ, relèvent bien d'un comportement où le sentiment amoureux, brutal ou raffiné, là n'est pas la question, tient une place considérable. On ne voit pas d'ailleurs pas bien pourquoi les campagnes auraient ignoré de telles manifestations, sauf à considérer les ruraux comme des sortes de pithécanthropes modernes, ce qui est parfois sous-jacent à certains raisonnements. Il est vrai que, parmi la population ici concernée, on trouve un nombre élevé de petits commerçants et artisans ruraux, plus encore que de vrais paysans. La remarque mériterait d'être confirmée et approfondie, les deux populations n'ayant vraisemblablement pas les mêmes comportements, ni économiques, ni politiques, ni sociaux, ni personnels.
Le profit
37Peu d'hommes ou de femmes sont ici victimes de motivations de ce type. Le milieu, la pauvreté, ne s'y prêtaient sans doute pas. Toutefois, il faut distinguer : si le crime proprement crapuleux est rare, de sordides conflits de pauvres gens tournant autour de sommes dérisoires, faibles ou moyennes (150, 200 francs : pour un paysan breton de 1850, ce n'est pas là un montant insignifiant), peuvent amener des issues fatales. Rare mais pas inconnu : voici un exemple unique, parfaitement atypique, celui de François Moro, qui le 8 janvier 1890 tue sa femme à coups de gourdin, en laissant l'arme du crime à côté du corps et en simulant une attaque de voleurs. Il avait contracté un contrat d'assurance-décès sur deux têtes, pour une somme considérable71... Le jury lui infligera les travaux forcés à perpétuité72. Plus « ordinaire », le cas de la femme Tardif qui empoisonne son mari « par un calcul d'intérêt et une sordide cupidité pour avoir une part considérable dans le partage de la communauté à laquelle elle n'avait presque rien apporté73 ».
attitudes de la société environnante
Attitude des voisins
38Le discours ethnologique et folkloriste a souvent tendance à présenter le couple rural vivant sous le contrôle permanent et contraignant de la communauté74 Il faut croire qu'il s'agit là d'un idéal de comportement, d'une norme de principe, qui viserait peut-être, entre autres, à éviter l'intervention des autorités supérieures (étatiques, au xixe siècle) dans la vie de la collectivité. Dans la réalité, cette contrainte est largement contrebattue par une autre force, dont on peut discuter du caractère, fondamentalement humain ou au contraire caractéristique du développement de l'individualisme occidental, et qui est celle de l'égoïsme familial, du repli sur soi, du sentiment qu'il est vain de se mêler des affaires des autres et qu'on ne peut y prendre inutilement que des coups. En fait, dans les affaires parvenues au stade des assises, les voisins semblent souvent passifs.
39Le 18 octobre 1892, à Saint-Guen, Ezonen Isidore commence à battre sa femme après le souper, ce qui est fréquent, car Joséphine Tominet, son épouse, venait souvent se réfugier chez les voisins après de semblables scènes. Ce soir-là elle fut battue un peu trop. Mais les voisins n'en avaient jamais rien dit75... Ou encore, voici Perrine Baugé qui refuse d'intervenir dans les affaires des époux Jugon : « La femme Jugon me dit que son mari venait de la frapper de deux coups de poing, et ne voulant pas me mêler des affaires de leur ménage, je rentrai chez moi76. » Jean-Marie Daufin (48 ans, expert et donc d'un milieu différent des protagonistes) déclare : « Je crus qu'il s'agissait encore d'une de ces querelles comme il s'en produisait souvent dans le ménage, et je continuai mon chemin », alors que la femme Duffé est en train de mourir sous les coups77... Ou encore : dans une querelle entre les époux Dubois (arrondissement de Fougères), des coups violents (la femme Dubois ayant la jambe cassée) ne troublent pas le voisinage. « Nous ne crûmes pas devoir quitter notre ouvrage ni intervenir dans des querelles de ménage78. »
40La dénonciation à la justice par les voisins existe quelquefois dans les cas d'infanticide ou de coups d'enfants à parents. Elle semble tout à fait rarissime dans les affaires de coups, même mortels, entre époux. Dans celles d'attentat à la pudeur ou de viol, dominent à l'évidence les conseils d'éloignement afin de régler l'affaire « en douceur ». Par ailleurs, dans ce type de crimes, les policiers semblent eux aussi manifester une surdité certaine (voir ainsi l'affaire Marie Bordier, violée par son père, et dont le bureau de police de Rennes refuse d'enregistrer la plainte - ce sera l'intervention d'un médecin qui fera déboucher l'affaire sur le plan judiciaire)79
41Voyeurs, ils le sont soit ouvertement (cas des coups portés par Jean-Marie Berthelot à sa mère et qui attirent une foule nombreuse... qui regarde la scène sans intervenir80), soit en catimini, notamment dans les affaires de mœurs. « J'aperçus de notre jardin de la lumière dans le grenier de Cherel, voulant savoir pourquoi cette lumière était là, je montai dans mon grenier qui est à côté de celui de Cherel, du haut de mon échelle, je vis par un trou Joseph Cherel couché sur Henriette Tardif. Un instant après, j'allai chez Cherel sous prétexte d'emprunter un rabot, Cherel n'était pas encore descendu du grenier81. »
42Parfaitement au fait des situations conflictuelles, il est courant que, lorsque se produit le drame, les faits soient anciens et parfaitement connus du voisinage : entre beaucoup d'autres, Jean-Baptiste Babonneau « faisait depuis leur mariage subir journellement à sa femme les plus coupables sévices82 ».
Existence de complices
43Dans ce type d'affaires, ils sont évidemment fort rares : un des très rares exemples est celui de l'affaire Françoise Le Gars, une aubergiste de 45 ans, qui le 31 janvier 1885 tue son mari à coups de pied au visage et au ventre, avec l'aide de deux clients ivrognes et attardés à qui elle a « expliqué » les différends qui l'opposaient à son conjoint83.
Verdict
44Dans l'échantillon « DD », en Ille-et-Vilaine, les verdicts pour crimes conjugaux donnent 19,44 % d'acquittements, 36,11 % de peines de prison ou réclusion, 27,78 % de travaux forcés à temps, 8,33 % de travaux forcés à perpétuité, aucune peine de mort, 8,33 % de suites indéterminées (dossier incomplet). Globalement, sur l'ensemble du siècle, la répression est nettement plus forte que pour les avortements, à peu près du même niveau que pour les viols, plus faible que pour les infanticides ou les violences sur parents84
45Dans l'échantillon « MU » (1870-1914), on compte 20 % d'acquittements, 41 % de peines de prison ou réclusion, 23,1 % de travaux forcés à temps, 13,3 % de travaux forcés à perpétuité, 2,5 % (2 en tout) de condamnations à mort85. Il semble que les périodes 1870-1890 et 1891-1914 se distinguent ici nettement : dans la seconde les acquittements sont plus nombreux, mais les condamnations aux travaux forcés à perpétuité aussi, tandis que les rares condamnations à mort disparaissent complètement (la dernière étant celle de Freyard, mais il était l'unique récidiviste connu dans ce genre d'affaires, et d'ailleurs elle n'est pas confirmée par le président de la République qui gracie l'intéressé)86
46Enfin, dans l'échantillon des Côtes-du-Nord (« VG »), on a : 16,7 % d'acquittements, 13,8 % de prison ou de réclusion, 33,3 % de travaux forcés à temps, 30,5 % de travaux forcés à perpétuité, 5,7 % de condamnations à mort (quatre cas).
47Les deux premiers échantillons montrent une convergence assez remarquable, d'autant plus qu'ils portent sur des périodes et des populations différentes. Le troisième semble marquer une sévérité plus forte dans le département des Côtes-du-Nord, mais il faut se garder de conclusions hâtives : on rappellera qu'il ne comporte que des crimes ayant abouti à des décès effectifs, alors que les deux premiers comprennent des tentatives. La plus grande rigueur apparente pourrait s'expliquer par ce seul biais.
48Globalement, la société et l'institution judiciaire ne traitent pas les crimes familiaux, conjugaux en particulier, comme des actes sans importance, comme on le croit quelquefois. L'acquittement n'est pas la règle : les lourdes peines ne sont pas inconnues, même si la peine de mort semble à peu près exclue (y compris pour les parricides) à partir du dernier tiers du xixe siècle. La relative raréfaction des peines moyennes (prison) au profit des acquittements ou des travaux forcés semble indiquer une volonté claire de distinguer ce qui est excusable de ce qui ne l'est point : dans cette distinction, les circonstances et la personne de la victime jouent le rôle essentiel. Les hommes et femmes qui ont provoqué, dépassé les bornes admises, entamé un véritable processus de destruction du lien social, sont jugés largement responsables de ce qui leur advient, leurs assassins bénéficient de l'indulgence du jury, et l'inverse est vrai. Dans un sens comme dans l'autre, la distinction entre partie saine et partie malade de la population est en marche.
49En manière de conclusion provisoire, on pourra peut-être énoncer ces quelques hypothèses, sous réserve de corrections ultérieures : La violence conjugale grave dans ces milieux ruraux est pratiquement toujours le résultat d'une longue dégradation et de la prégnance de pratiques brutales quotidiennes. C'est la petite violence qui mène aux affaires capitales. Or, elle semble avoir été plus que fréquente, banale. Les mécanisme par lesquels on passe de l'une à l'autre restent donc quelque peu mystérieux. Le contrôle interne (religieux, ici) ou externe (la peur du châtiment, la difficulté à dissimuler le crime) constituent des explications, mais on peut aussi se demander combien de victimes de ce type ont été enterrées sans que l'inquiétude ne dépasse le stade des soupçons, voire moins.
50La violence masculine est incontestablement plus présente que celle des femmes, mais celle-ci n'est nullement négligeable. Surtout, on a l'impression que le statut de victime ou de meurtrier a souvent dépendu d'un rien, d'une circonstance imprévisible, d'un regard ou d'une remarque, que tel passe à l'acte, poussé à bout, qui aurait lui-même pu faire l'objet d'une élimination à quelques jours ou à quelques heures près.
51Le contrôle de la communauté semble plus lâche qu'on ne le croit généralement. Les rites censés le faciliter sont ou bien inefficaces, ou peu pris au sérieux, ou trop rares pour être crédibles. Le voisinage n'agit souvent que lorsque le mal est fait.
52Enfin, la sanction judiciaire prouve que ce genre de crimes peut parfois susciter la compréhension la plus large de la part des jurés. Menaçant peu l'ordre social bourgeois, peu susceptible de récidive, totalement inoffensif pour la propriété, le crime conjugal mérite une grande sévérité, aux yeux du jury d'assises, lorsqu'il est particulièrement atroce et manifeste une corruption morale totale. Mais si la victime pouvait être coupable, si elle avait « mauvaise réputation », on ne versera que peu de larmes sur sa tombe.
53Jean-François Tanguy
Notes de bas de page
1 D. Deloget, Ordre et désordre des familles, Les violences familiales dans l'arrondissement de Rennes de 1811 à 1914, mémoire de maîtrise, dir. C. Geslin, Université de Rennes-II Haute-Bretagne, 1996. Noté dans la suite de ce travail " DD ".
2 M. Urvoy, Le crime passionnel en Ille-et-Vilaine, 1870-1914, mémoire de maîtrise, dir. J.-F. Tanguy, Université de Rennes-II Haute-Bretagne, 1998. Noté dans la suite de ce travail, " MU ".
3 V. Guigen, Les Crimes familiaux dans les Côtes-d'Armor de 1850 à 1900, mémoire de maîtrise, dir. J.-F. Tanguy, Université de Rennes-II Haute-Bretagne, 1999. Noté dans la suite de ce travail, " VG "
4 D'autres mémoires de maîtrise, entrepris ou non sous ma direction, ont été utilisés, notamment, S. Pesneau, La Femme, du crime à la prison. La criminalité féminine en. Ille-et-Vilaine, 1871-1914, mémoire de maîtrise, dir. J.-F. Tanguy, Université de Rennes-II Haute-Bretagne, 1996 ; D. Le Boulch, Ordre et désordre en pays fougerais, 1848-1872, dir. C. Geslin, Université de Rennes-II Haute-Bretagne, 1995 ; G. Chaton, Surveiller, conseiller et punir : la justice de paix du canton de Guichen sous le Second Empire, 1852-1870, mémoire de maîtrise, dir. J.-F. Tanguy, Université de Rennes-II Haute-Bretagne, 1998; M. Monvoisin, L'activité de la justice de paix de Redon dans la seconde moitié du xixe siècle, mémoire de maîtrise, dir. J.-F. Tanguy, Université de Rennes-II Haute-Bretagne, 1998. À noter que nous centrons notre réflexion sur les victimes, mais que dans ce type d'affaires, il est bien évident qu'il est très difficile de séparer l'étude des auteurs et celle des « subissant ». Contrairement au crime crapuleux, politique, de vengeance non familiale, etc., criminel et victime partagent ici obligatoirement même milieu social, même résidence, même environnement, et ainsi de suite.
5 Dans les trois principaux échantillons utilisés, les renvois devant les assises pour « coups et blessures volontaires suivis de mort sans intention de la donner " (art. 309 du code pénal) n'ont pas été retenus. Les cas analysés portent donc tous sur des homicides ou tentatives d'homicide volontaires (en tout cas que le juge d'instruction et les magistrats des chambres d'accusation ont estimés volontaires !). Une fois pour toutes, lorsqu'on évoque les échantillons cités par la suite, on fait référence aux effectifs ici mentionnés, qui ne comprennent pas uniquement des crimes " conjugaux ". Par contre, l'analyse de cas particuliers se réfère presque uniquement à ce type précis de population statistique, quitte à les éclairer par l'évocation d'autres infractions.
6 " Il faut que l'acte de violence nécessaire pour constituer le viol soit illicite ; le mari qui se servirait de la violence à l'égard de sa femme ne commettrait donc pas ce crime [...] (Cass. 18 mai 1854, n° 161...) ", L. Courcelle, Répertoire de Police administrative et judiciaire, Paris-Nancy, Berger-Levrault,, 1896, p. 443.
7 Archives départementales d'Ille-et-Vilaine (ADIV), 2 U 889, PV du 27 juin 1861 (affaire Martin).
8 Compte Général de l'Administration de la Justice Criminelle pour 1880, Paris, Imprimerie Nationale, 1882, annexes, carte des crimes contre les personnes.
9 Un accusé ne correspond pas automatiquement à une victime. Mais dans le domaine qui nous occupe, les crimes commis par plusieurs personnes sur UNE autre, ou par UNE personne sur plusieurs autres, sont rarissimes...
10 . Compte Général..., op. cit., annexe 22.
11 J. Guillais, La chair de l'autre, Le crime passionnel au xixe siècle, Paris, Olivier Orban, 1986, p. 41.
12 Crimes contre les biens exclus.
13 C'est moi qui souligne.
14 L'Écho de l'Ouest. 28/02/1898.
15 V. Guigen, Les crimes familiaux..., op. cit., p. 11 et p. 21.
16 V. Guigen, Les crimes familiaux..., op. cit., p. 124.
17 M. Urvoy, Le crime passionnel..., op. cit., p. 54 et 55 et annexes 4 et 5.
18 ADIV, 2 U 992, affaire Jean-Marie Duffié, déposition de sa femme, 14 juin 1882.
19 V. Guigen, Les crimes familiaux..., op. cit., p. 53.
20 Archives départementales des Côtes d'Armor (ADCA), 2 U 806, affaire Le Bourhis.
21 ADIV, 2 U 932, affaire Richard. La meurtrière est acquittée.
22 A DCA, 2 U 800, affaire Riou.
23 ADIV, 2 U 1 107.
24 ADCA, 2 U 779.
25 V. Guigen, Les crimes familiaux..., op. cit., p. 53.
26 B. Schnapper, « La séparation de corps de 1837 à 1914, Essai de sociologie juridique », in Voies nouvelles en histoire du droit : la famille, la justice, la répression pénale (xvie xixe siècles). Paris, PUF, 1993, p. 500
27 ADIV, 1 U, dossiers personnels des magistrats, Arnault de Guenyveau
28 Voir les très nombreux exemples cités par Van Gennep. A. Van Gennep, Le Folklore français, Paris, A. et J. Picard, 1943, 1946, 1948, rééd. Robert Laffont, 1998, p. 900 et suivantes.
29 P. Sébillot Coutumes populaires de la haute Bretagne, Paris, Maisonneuve, 1886, p. 142.
30 D'où le danger des formules normatives issues des enquêtes ethnologiques ou folkloriques : « en Haute-Bretagne, les [c'est moi qui souligne] maris qui battaient leurs femmes étaient aussi victimes de la communauté et toute la querelle du ménage était étalée au grand jour » ; M. Segalen, Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, 1980, rééd., 1984, Coll. Champs, p. 49. L'étude des dossiers d'assises montre que dans l'immense majorité des cas, les maris violents venus à l'homicide avaient laissé pendant longtemps le voisinage inerte, placide et totalement indifférent (de fait ! On ne juge pas ici de l'existence ou non d'une indifférence éthique). Voir par exemple le cas cité p. 12. On ne voit pas pourquoi seuls les époux meurtriers auraient fait l'objet d'un tel détachement. Les études analogues faites sur d'autres régions confortent ce point de vue : « Est considéré comme violent, ou plutôt comme du ressort d'une violence méritant une sanction (ce qui n'est pas le cas de l'ensemble des comportements violents dont certains sont au contraire une marque de savoir y faire), tout acte de brutalité qui prendrait à rebours le sens dans lequel circule le respect : la rudesse d'un vieux envers un jeune ou d'un mari pour sa femme possède une légitimité correctrice ; la violence exercée en sens inverse ne peut en revanche être admise » ; E. Claverie et P. Lamaison, L'impossible mariage, Violence et parenté en Gévaudan, xviie, xviiie et xixe siècles, Paris, Hachette, 1982, p. 79. Du moins en théorie ; dans la réalité, elle l'est quelquefois (voir les lignes suivantes).
31 S. Pesneau, La femme, du crime à la prison..., op. cit., p. 68.
32 ADIV, 2 U 950, janvier 1874.
33 ADIV, 2 U 976, octobre 1879.
34 Même si l'image doit être fortement nuancée. Voir M. Segalen, Mari et femme..., op. cit., chapitre VI, qui toutefois observe (p. 180) : « Mais même si la femme rosse son époux, commande aux domestiques, décide des semailles et des moissons, le ménage rural doit maintenir l'image de l'autorité masculine vis-à-vis du groupe social, afin de respecter la norme qui commande la reproduction du groupe social. »
35 ADIV, 2 U 993, interrogatoire, 27 septembre 1882.
36 ADCA, 2 U 804.
37 ADCA, 2 U 798.
38 V. Guigen, Les Crimes familiaux..., op. cit., p. 74.
39 Ce qui ne veut pas dire du tout les plus punis ! Voir les notes suivantes !
40 ADCA, 2 U 788.
41 ADIV, 2 U 994, 1883. Mais 20 ans de travaux forcés « seulement ». Le jury lui a découvert des circonstances atténuantes...
42 ADIV, 2 U 851, interrogatoire de Perrine Blusson, 7 mars 1857, et acte d'accusation.
43 ADCA, 2 U 787, 1876.
44 ADIV, 2 U, 951, acte d'accusation, 23 octobre 1899, travaux forcés à perpétuité. Ceci dit, la haine semble ici le motif principal mais combinée à une sordide affaire de quelques sous...
45 ADIV, 2 U 1 150, 1909, 18 mois de prison... Les circonstances semblent très atténuantes au jury ! L'épouse n'avait pas bonne réputation...
46 ADIV, 2 U 58, 1910, et un acquittement à la clé !
47 ADCA, 2 U 811, 1895, affaire Rouault.
48 ADIV, 2 U 889, 27 juin 1861.
49 ADIV, 2 U 1 141, octobre 1907.
50 ADIV, 2 U 545, déposition de Magdeleine Rouault, 19 juin 1817.
51 ADIV, 2 U 851, acte d'accusation, 25 mars 1857, affaire Busson.
52 ADCA, 2 U 765.
53 ADCA, 2 U 763.
54 ADIV, 2 U 1 154. Elle est condamnée à 5 ans de prison.
55 ADIV, 2 U 1 050.
56 ADIV, 2 U 1 088.
57 ADIV, 2 U 1 085.
58 ADCA, 2 U 774.
59 ADIV, 1 U dossiers personnels des magistrats, Collet de la Lande.
60 ADIV, 2 U 1 156, année 1910. Pour le couple, la sanction est majeure : les travaux forcés à perpétuité. Il s'agit en effet d'une affaire d'assassinat, avec préméditation, mais le jury y trouve quelques circonstances atténuantes, évitant aux meurtriers le passage sous la « Machine à Chariot », comme l'appelait Aristide Bruant.
61 . Quand même...
62 ADIV, 2U 1 122. La cour prononce une peine de 8 ans de réclusion pour les trois protagonistes. Cela paraît peu sévère... Il semble que T. n'ait guère été sympathique et que, sans être Roméo ni Juliette, le « couple infernal » ait montré son attachement réciproque réel... Quant à Joseph, la misère l'excuserait partiellement.
63 ADIV, 2 U 598, acte d'accusation, 4 janvier 1823.
64 ADIV, 2 U 850.
65 En fait, il quitte la maison lorsque Adèle le prévient qu'elle est enceinte. Pas de son mari, bien sûr...
66 ADIV, 2 U 786, déposition de la victime, 26 juillet 1848.
67 Ils ne sont pas parents...
68 ADIV, 2 U 1 096. Verdict : 5 ans de prison. Le jury aurait-il soupçonné Louis d'avoir volontairement « raté » son suicide ?
69 J.-L. Flandrin, Les amours paysannes, xvie-xixe siècles, Paris, Gallimard-Julliard, 1981, p. 96.
70 J. Guillais, La chair de l'autre..., op. cit., p. 143 et 337.
71 Le montant exact est incertain, le contrat ne figurant pas dans les pièces de l'accusation. En tout cas, c'était « beaucoup »...
72 ADCA, 2 U 805. On notera que même dans ce cas, où il y a à l'évidence préméditation et aucune circonstances atténuantes, le jury répugne à condamner à mort pour l'assassinat d'un conjoint.
73 ADIV, 2 U 820, acte d'accusation, 1853.
74 « La communauté villageoise [...] va surveiller les relations entre les époux et veiller à ce que l'ordre social ne soit pas remis en cause par un mari complaisant ou faible, par une femme acariâtre ou paresseuse ». M. Segalen, Mari et femme..., op. cit., p. 42.
75 ADCA, 2 U 808.
76 ADIV, 2 U 643, déposition de Perrine Baugé dans l'affaire Jugon, 21 juillet 1829.
77 ADIV, 2 U 992, 24 juin 1882, déposition Daufin dans l'affaire Duffé.
78 ADIV, 2 U 793, déposition d'Anne Vallier.
79 ADIV, 2 U 946, affaire Bordier, déposition Jeanne-Marie Beaugendre, 20 mars 1873.
80 ADIV, 2 U 647, affaire Berthelot, déposition d'un témoin (Anne Tulanne, 4 avril 1830).
81 ADIV, 2 U 759, affaire Cherel, déposition du témoin Pierre Blusson, 28 février 1846.
82 ADIV, 2 U 966, acte d'accusation du 20 juillet 1877.
83 ADCA, 2 U 800.
84 D. Deloget, Ordre et désordre des familles..., op. cit., annexe 18.
85 M. Urvoy, Le crime passionnel..., op. cit., p. 68.
86 M. Urvoy, Le crime passionnel..., op. cit., p.69.
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