Introduction de la troisième partie
p. 249-258
Texte intégral
État de la recherche
1La société martiniquaise aux xviie, xviiie et xixe siècles jusqu’à l’émancipation a été organisée et régie par un régime colonial mercantile reposant sur l’esclavage. Ce dernier faisait fonctionner la colonie pour les besoins de la métropole qui en dictait alors les règles. Le système colonial esclavagiste, mis en place au cours du xviie siècle, concomitamment aux débuts de l’exploitation cannière, a alors instauré des hiérarchies sociales reposant sur un puissant préjugé de couleur plaçant l’homme blanc (quelle que soit sa situation économique et sociale) au sommet de la pyramide sociale, l’homme noir, déshumanisé et esclavisé, en bas1.
2À la différence de Porto Rico où la main-d’œuvre servile n’a tenu qu’un rôle secondaire dans le développement de la culture du café2, la Martinique fait partie des îles de la Caraïbe où les esclaves en ont constitué l’élément clé. Jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1848, ils formaient la main-d’œuvre de l’habitation caféière martiniquaise lorsque celle-ci n’était pas exclusivement constituée du maître et de sa famille.
3Dans les Antilles françaises, l’histoire des esclaves a été surtout traitée à travers celle de la colonisation à laquelle elle est attachée. Le bilan historiographique de Frédéric Régent3 ne mentionne que huit titres portants sur les esclaves aux Antilles françaises et aucun sur la Martinique4 en particulier. Dans les études portant sur l’esclavage, l’accent est mis en premier lieu sur le système juridique, économique et sur l’organisation globale du travail. Les esclaves en tant qu’individus sont oubliés et confondus dans la masse totale des travailleurs serviles bien souvent appréhendée comme un tout homogène.
4Parallèlement, dans les Antilles anglophones et dans l’Amérique des plantations, les esclaves en tant qu’objet d’étude à part entière ont, plus rapidement, dès les années 1970, intéressé les historiens, ce qui a déterminé l’émergence d’axes de recherche au gré du renouvellement du questionnement historique. Ainsi en l’espace de quatre décennies, on a pu assister à une transformation totale des concepts, une métamorphose de la grille de lecture des esclaves laquelle évoluant au rythme d’une meilleure appréhension de leurs univers.
5Concernant le travail individuel des esclaves et leur champ d’action, la recherche historique, des années 1950-1960, avait avancé, dans un premier temps, qu’ils travaillaient exclusivement au service de leur maître dans un espace restreint à l’habitation sans aucune marge de manœuvre. Dans les années 1970, elle a ensuite revu la donne mettant en évidence « leurs marges d’autonomie, dans leur vie sociale, culturelle et économique […] ils pouvaient aussi, avec ou sans l’assentiment des maîtres, s’insérer dans l’économie marchande5 ». Depuis, l’agency des esclaves, trop fréquemment systématisée, est remise en question. À la lumière de l’évolution de l’historiographie américaine, on constate que la recherche historique portant sur les esclaves aux Antilles françaises reste insuffisante.
6Néanmoins, pour une approche globale de la question servile, les travaux de Gabriel Debien6 et de Nicole Vanony-Frisch7, concernant les Antilles françaises, demeurent les ouvrages de référence. Ils mettent les esclaves au centre de l’analyse. Toutefois, celui de G. Debien, bien que riche en informations, reste, comme l’auteur le précise lui-même, incomplet. Saint-Domingue est au centre de l’étude, la Martinique et la Guadeloupe ne sont abordées qu’a minima. Celui de N. Vanony-Frisch, avec son corpus de 8 820 esclaves traite 10 % de la population servile de la Guadeloupe, plus recentré, constituera l’analyse de référence pour comparer mes résultats. Notons cependant qu’il analyse l’ensemble des esclaves guadeloupéens comme un groupe uni, sans distinction aucune entre les esclaves sucriers (qui représentent la moitié du corpus), les esclaves caféiers (qui en constituent 23 %) et les esclaves appartenant à d’autres types d’établissements. Il semble pourtant hautement probable que les esclaves aient des modes de vie, des conditions sanitaires et un rythme de travail différents en fonction des structures dans lesquelles ils évoluent.
7Seul David Geggus a permis d’en entrevoir quelques aspects dans son article portant sur une étude comparée du mode de vie des esclaves des plantations caféières et sucrières de Saint-Domingue8.
8Les historiens américains, qui se sont très rapidement penchés sur les questions du travail, du quotidien et de la famille des esclaves, n’ont malheureusement étudié que les ateliers aux effectifs importants de plus de 50 individus. Ainsi les débats conceptuels n’ont porté que sur une frange restreinte de la société servile. Le bilan historiographique est donc évident : les esclaves des villes et ceux de petites plantations n’ont pas été étudiés. Il semble curieux que les chercheurs aient essentiellement porté leur attention sur les grands ateliers alors même qu’ils ne constituaient pas la norme des ateliers américains :
« De fait, plus de 88 % des esclaves des États-Unis vivaient dans des plantations de moins de 50 esclaves (par contraste avec le monde caraïbe)9. »
9À l’instar des États-Unis, la Martinique compte un nombre considérable de petits ateliers. En 1787, les 1 320 habitations de type secondaire (caféières, cacaoyères, cotonnières, vivrières, etc.) mobilisent 19 768 esclaves contre 16 646 utilisés par les 324 sucreries. Ainsi 54 % de l’ensemble des esclaves agricoles travaillent dans de petits ateliers constitués de 15 individus en moyenne et 46 % dans des ateliers plus importants, de 51 membres environ10. Avec l’arrivée du xixe siècle, la tendance s’inverse. En 1835, seuls 36 % des esclaves travaillent au sein de petits ateliers, le nombre d’exploitations de type secondaires disparaissant au profit de la canne.
10Pour le reste des Antilles, la norme n’est pas aux petits ateliers. Aussi est-il compréhensible que les études portent davantage sur les grands, et cela, malgré l’attrait des historiens pour la florissante économie caféière de Saint-Domingue et des autres îles de la Caraïbe à la fin du xviiie et au début du xixe siècle. Un nombre non négligeable d’anthropologues, historiens de la Caraïbe spécialistes de Saint-Domingue (Gabriel Debien11, David Geggus12, Michel-Rolph Trouillot13), de la Jamaïque (Barry Higman14), de Cuba (Theresa Singleton15), de Porto Rico (Laird Bergad16) ont étudié de manière plus ou moins complète, l’histoire du café. Malheureusement ces travaux portent bien plus sur la denrée que sur son aspect social. D’ailleurs, lorsque l’historien se penche sur la question, l’analyse ne dépasse pas, à ma connaissance, le cadre de l’article ou de la contribution. Néanmoins, ces travaux esquissent des données essentielles à la mise en perspective du sujet. Ainsi Michel-Rolph Trouillot dans son étude sur les planteurs et esclaves caféiers des Antilles17 fournit un canevas essentiel à l’appréhension de cette branche. Il montre que la réalité sociale se transformait en fonction du milieu dans lequel l’individu évoluait et met en évidence trois caractéristiques propres aux plantations caféières :
« Relative small size, highland location, and comparatively simple and undemanding organisation of labor18. »
11Ces trois propriétés ont d’ailleurs eu toute leur importance dans la vie des esclaves. Meredith Jonh19 fait partie des quelques historiens qui ont cherché, tout comme Michel-Rolph Trouillot, à mettre en évidence la différence qu’il y a dans le mode de vie ou la longévité des esclaves en fonction du type de plantation.
12Encore faut-il néanmoins garder à l’esprit que toutes les habitations caféières ne sont pas comparables. Tant s’en faut. Qu’y a-t-il de commun20 entre les caféières jamaïcaines, comprenant en moyenne 128 esclaves en 1832, et les habitations caféières martiniquaises d’environ 9 esclaves en 183521 ? Pas grand-chose à vrai dire, si ce n’est qu’elles se distinguent toutes deux de leurs homologues sucrières qui occupent respectivement en moyenne 223 esclaves et 72 esclaves aux mêmes dates.
13L’effectif servile moyen des habitations caféières martiniquaises de la fin du xviiie siècle est d’environ 15 têtes. Il s’éloigne également substantiellement de celui de la plantation caféière dominguoise que Roseline Siguret évalue à environ 28 esclaves et que Michel-Rolph Trouillot considère comme ne dépassant pas 40 individus jusqu’aux années 179022. Néanmoins, il se rapproche bien plus de celui de l’habitation guadeloupéenne qui possède en moyenne 18 esclaves en 183523 et encore davantage de celui de la trinidadienne d’environ 7 esclaves en 181324.
14Les effectifs des ateliers caféiers martiniquais sont donc comparables à ceux des habitations caféières des petites Antilles, connues pour leurs petits effectifs. Or, l’analyse d’Orlando Patterson basée sur 66 groupes d’esclaves, de tous horizons, a mis en évidence le fait que « l’esclavage était plus dur dans les petites plantations (séparation des familles, ventes, exploitation sexuelle, violences diverses), par suite des contacts plus fréquents entre maîtres et esclaves. De même les régimes alimentaires étaient-ils moins bons dans les petites plantations et l’âge de la première grossesse plus bas25 ». M.-R. Trouillot est plus nuancé dans ses propos, il s’appuie pour cela sur le manuel de Laborie26. Enfin pour Arthur Stinchcombe, « les liens varient en fonction du nombre d’esclaves détenus : un propriétaire qui possède peu d’esclaves en libère davantage27 ».
15Quelles sont alors les conditions de vie des esclaves des habitations caféières martiniquaises ? Il semble difficile de trancher sur la question et cela à plus forte raison que la Martinique constitue, comme l’a mis en avant Arthur Stinchcombe, une société esclavagiste dans laquelle « l’esclavage sous sa forme extrême est souhaitable et devient prédominant28 ». Ainsi l’habitation caféière, bien que constituée d’un système interne nécessairement différent du grand complexe sucrier, est dirigée par des maîtres, avant toute autre chose, esclavagistes. À plus forte raison, l’indigence dans laquelle les propriétaires caféiers vivent bien souvent, justifie rigidité, sévérité, voire même brutalité à l’égard des esclaves. Malgré la complexité d’une telle question, le développement qui suit tente d’y répondre.
16Cette étude repose sur la comparaison de deux périodes (1776-1786 et 1816-1826) qui ont rarement été confrontées par l’historiographie. Et pour cause, le découpage de l’histoire, en différentes époques, a induit un traitement par période (moderne et contemporaine séparées par 1789). Pourtant, il m’a semblé que l’appréhension de l’évolution de la société servile des caféières martiniquaises passait immanquablement par un questionnement comparatif des univers de ces mêmes esclaves à deux moments clés de l’histoire du café (1776-1786 : période de prospérité de l’ère caféière martiniquaise, 1816-1826 : période postrévolutionnaire).
Méthodologie
17Dans une de ses analyses, Michel-Rolph Trouillot a étudié les planteurs et les esclaves des caféières à l’échelle des Antilles29. Ce travail comparatiste possède l’intérêt d’analyser de manière synthétique (une dizaine de pages) les différentes caractéristiques de cette culture en fonction du lieu de son exploitation. Il distingue alors trois périodes dans l’ère caféière antillaise : la première allant de la moitié des années 1730 au début des années 1760, par lui appelée « time of rapid growth », la deuxième allant de la paix de Paris à la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791, qualifiée de « golden age of coffee production in the Antilles », la troisième et dernière s’achève avec la crise de la surproduction des années 1830-1840, suite à l’intensification de la production caféière brésilienne. Il explique que dans chacune des îles l’évolution de la culture s’est faite au gré des possibilités locales d’accession à la terre et au capital.
18La Martinique constitue l’une des seules îles de l’archipel antillais, avec la Guadeloupe, à avoir eu une certaine continuité dans sa production caféière tout au long des trois périodes. Cette réalité est remarquable au regard de la production caféière des autres îles (Porto Rico, Cuba, Jamaïque) qui n’est entamée qu’à la fin du xviiie siècle.
19Malgré une couverture chiffrée de tout le xviiie siècle par les recensements (regroupés sous la série G1 aux ANOM), il n’a pas été possible d’évaluer le nombre d’esclaves utilisés par cette culture.
20En effet, le classement se contente de ventiler les esclaves par tranche d’âge et par sexe. Seuls quelques sporadiques mémoires à vocation statistique ou autres comptes rendus administratifs (tel que le relevé statistique de Sainte-Croix) précisent le type d’habitation auquel appartiennent les esclaves. Au xviiie siècle, l’accent est presque exclusivement mis sur les habitations sucreries. Il faut attendre, le début du xixe siècle, pour que les esclaves soient plus systématiquement ventilés par types d’habitation. La publication annuelle des États de population, de cultures et de commerce relatifs aux colonies françaises par le ministère de la Marine et des Colonies en 1835 apporte la richesse et la diversité des informations qui associent alors la population, les cultures et le commerce.
21Si les recensements ne ventilent pas les esclaves par type d’exploitation, ils sont un peu plus prolixes en matière de culture. Des années 1730 aux années 1760, le nombre de pieds de café par paroisse est précisé. En 1764, une catégorie supplémentaire apparaît, celle des habitations, mais les caféières sont confondues avec d’autres exploitations sous la rubrique « caféières et autres de cette espèce » en opposition avec les sucreries classées dans une colonne à part. Heureusement, l’inventaire de 1785 distingue chaque type d’habitation. C’est donc à partir de cette date que la main-d’œuvre utilisée par le café a pu être évaluée.
22En 1785, la culture du café occupe l’équivalent de 3 961 carrés de terre, soit environ 17 % des terres cultivées à la Martinique (23 303 carrés), la canne en occupe alors 55 %. Les 955 habitations caféières recensées30 utilisent environ 14 300 esclaves, soit environ 20 % de la masse servile martiniquaise. Cette évaluation, absente des sources et de la bibliographie, a été obtenue par le produit du nombre total d’habitations caféières indiqué dans le recensement et du nombre moyen d’esclaves par habitation (obtenu à partir du notariat).
23Ce pourcentage est relativement élevé au regard des 15 à 17 % d’esclaves utilisés par cette culture à la Jamaïque pendant la période la plus florissante de son exploitation (1810-1832)31. Cependant, il se rapproche considérablement des 23 % qu’occupaient seulement 213 habitations à la Guadeloupe après les années 178032. Cette comparaison permet de constater que les caféières guadeloupéennes utilisaient bien plus de main-d’œuvre que les Martiniquaises pourtant bien plus nombreuses. La culture du café à Sainte-Lucie, par comparaison, utilise en 1815 la même proportion de main-d’œuvre : 20 % soit un effectif de 3 526 esclaves, contre 9 713 par la canne à sucre33.
24L’étude sociale des esclaves caféiers, conformément à l’absence préalablement mentionnée de papiers d’habitations, reposera presque exclusivement sur les informations recueillies dans le notariat. Mon dépouillement a mis en évidence, un échantillon total de 4 583 esclaves appartenant à des caféières : 1 420 ont été recensés entre 1776 et 1786, 2 631 entre 1816 et 1826. Pour la première période, ils représentent 2 % de la population esclave martiniquaise, évaluée à 70 091 âmes en 178534 et 10 % des 14 300 esclaves utilisés par le secteur caféier. Pour la deuxième, 3 % des 77 339 esclaves recensés en 182035, 21 % des 12 292 esclaves caféiers en 1826.
25L’échantillon étudié peut donc être considéré comme représentatif de la réalité servile au sein du milieu caféier.
Problème de sources et de chiffres
26L’acte notarié constitue la source la plus riche concernant les différents éléments constitutifs de l’habitation, malheureusement la population servile n’y est pas toujours suffisamment détaillée. 10 % des actes dépouillés se contentent de donner le nombre d’esclaves, 10 autres énumèrent seulement les prénoms, sans plus de précisions. Néanmoins, les 80 % restant comprennent des listes plus détaillées qui précisent la couleur ou l’ethnie, l’âge, la valeur des esclaves et même parfois, mais plus rarement, le lien de parenté, la qualification, l’état sanitaire (maladies ou handicap) ou l’état de marronnage. Avant de commencer, trois éléments d’analyse méritent quelques précisions méthodologiques : la périodisation du dépouillement des actes, l’âge des esclaves étudiés et les questions de fécondité et de mortalité des esclaves.
La périodisation
27Le dépouillement notarial a volontairement été périodisé afin d’allier pertinence et gain de temps. Trois périodes de dix ans, à intervalles réguliers de trente ans, ont été arrêtées pour une étude exhaustive, deux se situent avant l’abolition : 1776-1786 et 1816-1826. Les listes d’esclaves recensées sont donc comprises entre ses bornes. 1 228 esclaves ont été dénombrés pendant la première décennie contre 2 133 pendant la deuxième. La différence est conséquente, les comparaisons se sont donc basées sur les pourcentages calculés afin d’éviter toute erreur de proportion.
L’âge
28Il a été, très rapidement, mis en évidence que tout comme le prix, l’âge des esclaves n’était pas réellement connu des maîtres. À l’aide de certaines précisions physiques, il a été toutefois possible de confirmer ou d’infirmer l’évaluation du notaire. Certains ateliers, retrouvés à quelques années d’intervalle, ont permis de mettre en évidence les distorsions existantes entre l’âge déclaré et l’âge qu’auraient dû avoir les esclaves en question. Certains esclaves d’un même atelier prenaient 15 ans d’autres en perdaient un ou deux… L’ajout de l’adverbe « environ » montre que l’âge annoncé correspondait à une approximation. Quelques chiffres ronds, représentatifs d’une tranche d’âge, apparaissent fortuitement plus souvent que d’autres. Ainsi rencontre-t-on beaucoup de 20 ans contre très peu de 19 ou de 21 ans, âges qui encadrent cette année charnière. Il en va de même pour les 25 ans et tous les chiffres multiples de cinq. Cette réalité ne s’observe, cependant, pas chez les enfants pour qui l’âge est beaucoup mieux connu, preuve que le maître tenait un cahier des esclaves36 où il notait les naissances.
Fécondité et mortalité
29Les listes d’esclaves des actes notariés sont de très mauvais indicateurs démographiques. Leur caractère ponctuel ne permet pas une analyse pointue de la question. Je me contenterai donc d’évaluer la potentielle fécondité des femmes esclaves à partir de leur nombre d’enfants. Quant à la mortalité, je m’abstiendrai de toute conclusion, me contentant d’une estimation de leur espérance de vie en fonction de l’âge de chacun des esclaves et du nombre de personnes âgées déclarées.
Présentation de l’échantillon étudié
30Pour le traitement des 4 583 esclaves recensés, j’ai opté pour une saisie de données via Access. Ce système de gestion de base de données relationnelle m’a semblé le plus adapté pour répondre aux questionnements croisés. Sur ces 4 583 esclaves, seulement 3 361 ont fait l’objet d’une description. Bien que les notaires ne soient pas aussi prolixes qu’on aurait pu le souhaiter, peu d’ateliers d’esclaves font simplement l’objet d’une citation a minima (nombre d’esclaves). Il est plus courant qu’une liste soit dressée précisant le prénom de chacun des esclaves dans un ordre établi, ce qui permet d’opérer certains rapprochements et par déduction de connaître le genre de chacun.
31La comparaison des caractéristiques serviles sur deux périodes séparées par la période de révolutions, d’occupations et de troubles (1789-1815) aide à mieux cerner l’impact que cette dernière a pu avoir sur la structure sociale de l’île.
Tableau 43. – Les esclaves à travers les actes notariés de 1776 à 1786 et de 1816 à 1826.
Nombre d’habitations | 1 021 |
Nombre total d’esclaves | 4 583 |
Nombre d’esclaves pour lesquels certaines informations sont apportées | 3 361 |
Nombre d’esclaves seulement cités | 781 |
Nombre d’esclaves dont seulement le prénom est donné | 345 |
Notes de bas de page
1 Bonniol Jean-Luc, « La couleur des hommes, principe d’organisation sociale. Le cas antillais », Ethnologie française, 20, no 4, 1990.
2 Bergad Laird W., Coffee and the Growth of Agrarian Capitalism in Nineteenth-Century Puerto-Rico, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1983, p. 59.
3 Régent Frédéric, « Esclavage et société, Guadeloupe, Martinique, xviie-xviiie siècle. Bilan de la recherche en histoire sociale dans les Antilles d’Ancien Régime », in Guide de la recherche…, op. cit.
4 On peut néanmoins compter sur les travaux plus ciblés de Leti Geneviève, Santé et Société Esclavagiste à la Martinique (1802-1848), L’Harmattan, 1998 et de Delisle Philippe, Histoire religieuse des Antilles et de la Guyane françaises : des chrétientés sous les tropiques ? 1815-1911, Karthala, 2000.
5 Ndiaye Pap, « Nouvelles questions autour du travail et de la famille des esclaves dans le sud des États-Unis », in Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 52-4bis, mai 2005, p. 20.
6 Debien Gabriel, Les esclaves aux Antilles françaises (xviie-xviiie siècles), op. cit.
7 Vanony-Frisch Nicole, « Les esclaves de la Guadeloupe à la fin de l’Ancien Régime d’après les sources notariales (1770-1789) », Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe, 1er et 2e trimestres 1985, 176 p.
8 Geggus David P., « Sugar and Coffee Cultivation in Saint Domingue and the Shaping of the Slave Labor Force », art. cité.
9 Ndiaye Pap, « Nouvelles questions autour du travail et de la famille des esclaves dans le sud des États-Unis », art. cité.
10 ADM, C8A88, Correspondance générale, 1788, fo 281, t. II.
11 Debien Gabriel, « La caféière et la sucrerie Bologne au Baillif (1787) », op. cit.; Debien Gabriel, « Le plan et les débuts d’une caféière à Saint-Domingue : la plantation “La Merveillère” aux Anses-à-Pitre (1789-1792) », op. cit.
12 Geggus David P., « Sugar and Coffee Cultivation in Saint Domingue and the Shaping of the Slave Labor Force », art. cité.
13 Trouillot Michel-Rolph, « Coffee Planters and Coffee Slaves in the Antilles: the Impact of a Secondary Crop », art. cité.
14 Higman Barry W., Slave Population and Economy in Jamaica, 1807-1834, op. cit. Higman Barry W., « Coffee plantations », art. cité.
15 Singleton Theresa A., « Slavery and Spatial Dialectics on Cuban coffee plantations », in World Archaeology, vol. 33, no 1, 1er juin 2001, p. 98-114.
16 Bergad Laird W., Coffee and the Growth of Agrarian Capitalism in Nineteenth-Century Puerto-Rico, op. cit.
17 Trouillot Michel-Rolph, « Coffee Planters and Coffee Slaves in the Antilles: the Impact of a Secondary Crop », art. cité.
18 Ibid., p. 131.
19 Jonh Meredith A., The Plantation Slaves of Trinidad, 1783-1816: A Mathematical and Demographic Enquiry, United Kingdom, Cambridge University Press, 1988.
20 Estimant que les systèmes économiques étaient trop éloignés, l’habitation martiniquaise ne sera pas comparée à l’habitation portoricaine qui repose presqu’exclusivement sur une main-d’œuvre salariée libre. Se référer à Bergad Laird W., Coffee and the Growth of Agrarian Capitalism in Nineteenth-Century Puerto-Rico, op. cit., p. 59.
21 ANOM, États de population, de cultures et de commerce relatifs aux colonies françaises, pour l’année 1835, avec le complément des états de 1834, ministère de la Marine et des Colonies.
22 Trouillot Michel-Rolph, « Motion in the system: Coffee, Color, and Slavery in Eighteenth-century Saint-Domingue », op. cit., p. 347.
23 Schnakenbourg Christian, Histoire de l’industrie sucrière en Guadeloupe aux xixe et xxe siècles : La crise du système esclavagiste (1835-1847), Paris, L’Harmattan, 1980, 254 p.
24 Jonh Meredith A., Plantations Slaves of Trinidad, 1783-1816. A mathematical and demographic enquiry, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 55. Trouillot Michel-Rolph, « Coffee Planters and Coffee Slaves in the Antilles: the Impact of a Secondary Crop », art. cité, p. 131.
25 Patterson Orlando, Slavery and Social Death: a Comparative Study, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1982. Ndiaye Pap, « Nouvelles questions autour du travail et de la famille des esclaves dans le sud des États-Unis », art. cité.
26 Laborie Pierre-Joseph, The coffee planter of Saint Domingo, op. cit.
27 Chivallon Christine, Espace et identité à la Martinique, paysannerie des mornes et reconquête collective 1840-1960, Paris, CNRS Éditions, 1998, p. 794.
28 Selon Stinchcombe Arthur L., « trois facteurs principaux favorisent cette prédominance : le fait que le sucre occupe une grande part de l’économie, l’existence d’une aristocratie de planteurs solidaires dans leur style de vie et ayant intérêt à voir naître des institutions esclavagistes, et la liberté laissée aux planteurs par l’Empire de diriger le gouvernement des îles » dans « Liberté et oppression des esclaves aux Caraïbes au xviiie siècle », in Revue française de science politique, no 5, 44e année 1994, p. 790.
29 Trouillot Michel-Rolph, « Coffee Planters and Coffee Slaves in the Antilles: the Impact of a Secondary Crop », art. cité.
30 ANOM, G1-470bis, Recensement général de la colonie de la Martinique pour la population et la culture pour l’année 1785.
31 Trouillot Michel-Rolph, « Coffee Planters and Coffee Slaves in the Antilles: the Impact of a Secondary Crop », art. cité, p. 125.
32 Ibid.
33 Ibid.
34 ANOM, recensement général G1-470bis.
35 ADM, 4Mi32, Sainte-Croix, Statistiques de la Martinique avec une carte de cette île, 1820.
36 Gabriel Debien appelle le cahier des esclaves « une liste très aérée des esclaves pour qu’on pût y mettre des annotations après chaque nom : la date de leur entrée ou de leur naissance, leurs accidents, leurs maladies, leurs séjours à l’hôpital, leur fuite et leur motif, etc. », in Debien Gabriel, Les esclaves aux Antilles françaises (xviie-xviiie siècles), op. cit., p. 11.
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