Chapitre III. Les habitations caféières martiniquaises
p. 99-124
Texte intégral
Localisation géographique
1La culture du café débute aux colonies françaises d’Amérique à un moment où la grande majorité des terres mises en valeur est déjà occupée par les champs de canne. Les terres déjà exploitées correspondent principalement aux meilleurs terrains (accessibles aux cabrouets) des plaines côtières ou de l’intérieur des terres. Ainsi, seules les terres non « habituées », localisées à flanc de montagnes, ont pu faire l’objet de défrichements plus tardifs pour recevoir l’exploitation caféière. Ces terres correspondent d’ailleurs parfaitement aux besoins des caféiers qui aiment le climat tempéré et la composition des sols des mornes martiniquais :
« La ponce forme à elle seule toutes les hauteurs qui s’étendent jusqu’au Morne rouge et de la Calebasse. Réduite en parcelles d’un très petit volume et combinée avec le détritus des végétaux qui sont tombés d’eux-mêmes, et les engrais déposés par les habitants, elle tient lieu de terre végétale et produit même de très belles récoltes en café et en vivres de toute espèce1. »
2La réussite du café arabica nécessite la réunion d’un certain nombre de facteurs, repris en grande partie par le manuel de Laborie2. Au regard de ce dernier, la réalité de l’exploitation caféière ne diffère pas fondamentalement d’une colonie à l’autre. Laborie conseille aux planteurs de la Jamaïque d’installer leurs plantations de café dans les hautes terres :
« The climate is cooler on the high mountains: the soil is always deeper and more firm; rain is more frequent; in general the declivity is less; the trees, in short, are more lasting: all this is seen on the first appearance […]3. »
3En Martinique, l’accession à la terre suffit à la création d’une habitation caféière. Peu importe le quartier, le café s’implante indifféremment au gré du bon vouloir et des opportunités des exploitants. Bien que pionnier dans cette filière, l’arrondissement de Saint-Pierre composé en 1730 des paroisses du Carbet, du Précheur et de Saint-Pierre est rapidement dépassé par les autres arrondissements (voir graphique 11). Il faut dire qu’au sein de ce territoire, les terrains vierges sont rares. La région est convoitée parce que voisine de la principale ville portuaire des Antilles. En 1730, le quartier de Saint-Pierre comprend environ une « âme4 » par carré, celui du Marin : 0,7, Trinité : 0,6, et enfin Fort-Royal : 0,55. Par la proximité des commodités offertes par la grande ville, le prix du terrain dans l’arrondissement de Saint-Pierre est plus élevé que dans les autres (2 303 contre 1 814 livres le carré6). Or, les colons qui se lancent dans l’exploitation caféière ont peu de moyens, ce qui explique le peu de plantations au sein de l’arrondissement de Saint-Pierre.
Graphique 9. – Nombre de carrés de café cultivés par arrondissement de 1730 à 1820.
Graphique 10. – Pourcentage des terres cultivées en café par arrondissement (1730-1818).
4Jusque dans les années 1750, l’exploitation caféière est à peu près équilibrée sur les trois plus grands arrondissements : Fort-Royal : 28 921 carrés, Trinité : 24 299, le Marin : 20 898. Celui de Saint-Pierre reste en marge avec ses 13 283 carrés. Afin d’obtenir les pourcentages d’occupation du sol par l’exploitation caféière, les chiffres du graphique supra ont été reportés sur la superficie totale de chacun des arrondissements donnant ainsi le graphique infra.
5Dans les premiers temps, le Marin est le plus densément occupé par la culture du café, suivi de près par Trinité. Après la crise engendrée par la guerre de Sept Ans, Fort-Royal dépasse les autres.
Graphique 11. – Nature des terrains et types de culture (en carrés) par arrondissement en 1785.
6La topographie des arrondissements renseigne sur le choix du type de terrain. Les planteurs caféiers se sont davantage orientés vers les arrondissements au relief accidenté. En effet, un rapport du xviiie siècle observe que les mornes constituent des zones particulièrement favorables à la culture : « le cafféier se plait sur les collines et les montagnes où il a toujours le pied sec, et la teste souvent arrosée de douces pluies7 ».
7Cependant, avec l’expérience, le climat a prévalu sur la topographie dans le choix du terrain. En 1785, le Marin est le cas le plus parlant. Malgré un relief idéal, les cultivateurs de café s’en sont progressivement détournés du fait d’une pluviométrie insuffisante.
8Les terrains ont été progressivement choisis en fonction du climat, des qualités de la terre, et de la pluviométrie. Les cartes (présentes dans le cahier couleur) montrent l’évolution de l’implantation des plantations de café au sein de l’île au fil des décennies. Elles permettent de constater qu’au moment de l’apogée de cette culture, toutes les paroisses sont cultivées en café.
Carte 2. – Répartition géographique des habitations caféières recensées à partir du dépouillement notarial de 1776 à 1786.
© M. Hardy.
Carte 3. – Répartition géographique des habitations caféières recensées à partir du dépouillement notarial de 1816 à 1826.
© M. Hardy.
Carte 4. – Répartition géographique des habitations caféières recensées à partir du dépouillement notarial de 1856 à 1866.
© M. Hardy.
9Plus tard, on observe une importante concentration de caféiers dans des zones géographiques aux caractéristiques similaires : humidité de l’air, température fraîche et terre légère. Elles correspondent aux paroisses du Gros-Morne, de Saint-Hyacinthe (Lorrain actuel), du Lamentin, de Trinité, et de Rivière-Pilote.
10Les paroisses les plus caféières changent au fil des décennies, mais trois se détachent des autres par leur importance et leur pérennité dans cette culture : Gros-Morne, Lamentin et Rivière-Pilote. Les mornes élevés ont très rapidement constitué le milieu privilégié de cette culture.
Graphique 12. – Pourcentages des différents types de terrains et d’exploitation sur chaque arrondissement en 1785.
Évolution du nombre
11L’évolution du nombre de caféières est difficilement percevable avant 1784. Avant cette date, les recensements distinguent deux catégories d’habitations : les sucreries, les « cafféyères et autres de toutes espèces8 ». Ensuite, les pratiques changent et chaque type d’habitations a sa propre ligne dans les recensements.
12Au fil des années (1785-1870), à cheval sur deux siècles, le nombre d’habitations évolue de manière disparate. Il est relativement stable jusqu’en 1826, augmente ensuite jusqu’à atteindre, en 1833, un nombre record de 1 478 habitations puis ne cesse de diminuer jusqu’à la fin du xixe siècle.
Graphique 13. – Nombre d’habitations caféières à la Martinique (1785-1865).
13Cette courbe, sujette aux vides archivistiques, fait office de courbe de tendance, et ne permet pas d’approcher avec exactitude, ni la période d’augmentation du nombre d’habitations (les chiffres entre 1826 et 1832 manquent à l’appel), ni la date de reprise de la formation des habitations caféières. La courbe place l’augmentation du nombre d’habitations entre 1826 et 1834. Aucune mutation conjoncturelle et commerciale ne peut être rattachée à ce phénomène, résultat certainement des politiques de relance mises en place à la même période, notamment en 18269.
14Le nombre d’habitations entame ensuite une nouvelle phase de diminution jusqu’en 1845, puis remonte quelque peu pour reprendre son inexorable déclin, jusque dans les années 1850-1860 où son nombre se stabilise aux alentours de la centaine d’unités.
15Le tableau 9 aide à percevoir l’évolution de la diversité des propriétés rurales sur plusieurs décennies au cours du xixe siècle.
Tableau 9. – Nombre d’habitations à la Martinique au xixe siècle.
1826 | 1835 | 1845 | 1855 | 1865 | 1875 | |
Sucreries | 405 | 495 | 485 | 529 | 504 | 564 |
Caféières | 878 | 1 290 | 715 | 429 | 138 | 156 |
Vivrières | – | 1 648 | 1 948 | 2 521 | 5 478 | 5 478 |
Cacaoyères | 92 | – | – | 37 | 66 | 74 |
Cotonnières | 114 | – | – | 3 | 19 | 29 |
ADM, Série géographique, 1Mi1319, cahier no 10, 1826, Agriculture ; 1Mi1489, compte moral et raisonné pour l’exercice de 1835. ANOM, tableaux et relevés de populations, de cultures, de commerce, de navigation pour 1845, 1855, 1865, 1875.
16Avec le xixe siècle, les documents administratifs changent de registre dans la désignation des habitations caféières. Ils ne parlent plus de « cafféyères » à proprement parler, mais classent celles-ci dans un groupe d’exploitations de type secondaire, désignées sous le nom de « petites cultures ». Elles sont alors clairement mises en opposition avec : « les sucreries, les poteries, les chaufourneries, les rummeries, les vinaigreries ». La distinction se fait aussi dans la tarification de la capitation. Les « petites cultures » paient 12 livres coloniales, les sucreries 18, les poteries 2510. La culture du café à la Martinique ne fait alors plus partie, dès le début du xixe siècle, des grandes cultures d’exportation.
Organisation et structure
17À l’instar des habitations sucrières, les caféières sont des unités agro-industrielles composées de fonds de terre, de bâtiments (de vie ou d’exploitation), de plantations, et de biens meubles (comprenant la main-d’œuvre servile). Les habitations caféières décrites dans les actes notariés apparaissent plurielles. Leurs caractéristiques évoluent en fonction de deux critères : la superficie de l’habitation et les sommes investies dans la construction des bâtiments. Trois grands types d’habitations ont ainsi pu être distingués (cf. cahier couleur, cartes 2, 3 et 4). Cette modélisation a été effectuée à partir des moyennes superficielles des éléments constitutifs des 794 caféières recensées dans le notariat de 1776 à 1826. Les habitations de la période 1856 à 1866 ont été exclues de cette étude métrique les données étant particulièrement lacunaires pour cette période.
18Le dépouillement notarial a permis d’évaluer qu’entre 1776 et 1786 le foncier représentait 35 % de l’investissement total, les esclaves 31 %, les bâtiments 18 %, les plantations 11 % et enfin le mobilier et les animaux 5 %. La donne change considérablement avec le début du xixe siècle : entre 1816 et 1826, les esclaves représentent la majeure partie de l’investissement total soit 48 % puis viennent les terres : 30 %, les bâtiments et les plantations chacun : 11 %.
19Michel-Rolph Trouillot explique qu’à Saint-Domingue à la fin du xviiie siècle : « investissements of coffee planters in buildings materials, and tools were also less than those of their sugar counterparts11 ». Néanmoins, à Saint-Domingue les planteurs caféiers investissent bien plus qu’en Martinique dans les constructions. En effet, le matériel et les outils énumérés par M.-R. Trouillot : « a cistern, a basin, a storage room, living quarters, and a rudimentary mill12 » n’existent pas au sein des caféières martiniquaises, ou du moins très rarement. En Martinique, les infrastructures se limitent pour l’essentiel aux bâtiments domestiques, à la case à café avec son moulin et à un espace de séchage.
20Au fil des décennies, au rythme des évolutions de la filière caféière, les secteurs d’investissement du capital évoluent. Entre 1856 et 1866, alors que l’économie caféière d’exportation est à ses derniers balbutiements, la terre tient la plus grande part dans l’évaluation totale (environ 48 %), tandis que le bâti et les plantations ne tiennent plus qu’une part minime (respectivement 10 % et 9 %). Le reste est réparti diversement entre les animaux, le mobilier, les vivres vendus avec l’habitation, etc.
Plantations
21L’exploitation caféière martiniquaise a tout d’abord été basée sur la monoculture. Ce n’est que tardivement, au cours du xixe siècle, que les planteurs ont commencé à diversifier leurs cultures au rythme de la faillite du système. Sur quels principes agronomes reposent l’exploitation caféière au sein des habitations martiniquaises des xviiie et xixe siècles ? Je reviendrai brièvement ici sur des questions techniques qui intéressent peu les historiens férus d’histoire sociale, mais qui revêtent un intérêt indéniable en matière d’évolution agricole.
22Sainte-Croix, observateur de la deuxième décennie du xixe siècle, décrit les premières étapes de la culture du café :
« on commence à planter le café en pépinière ; on prépare la terre en faisant faire des fossés de trois pieds carrés sur un pied et demi de profondeur, à la distance de huit à dix pieds, et en quinconce ou carré ; on transplante le pied de café pour en former des pièces, lorsqu’il a six mois ; et les planteurs de cette denrée prétendent que la pleine lune de mars est préférable13 ».
23Cette description permet de calculer un nombre moyen de 1 512 pieds de café par carré de terre. Cette quantité se rapproche considérablement de la moyenne d’environ 1 490 des caféières analysées entre 1776 et 1786. En tenant compte des 1 100 pieds plantés en moyenne par hectare de terre à Saint-Domingue (soit 968 pieds par carré)14, on perçoit une concentration plus élevée des cultures en Martinique. Pendant un temps, la fertilité des terres (auparavant vierges de toute culture) permet aux planteurs caféiers martiniquais de tirer parti au maximum du peu de terre possédée. Mais, peu à peu, cette capacité s’amoindrit et les plantations se font plus espacées dans les premières décennies du xixe siècle : 1 100 arbres par carré de terre. Cette différence s’explique par le souci croissant de prévenir l’appauvrissement des terres et par une augmentation de la diversification des cultures au sein des champs de caféiers. Ces derniers ne sont alors plus distinctement séparés du reste des plantations qui désormais fleurit, pour une grande part, au milieu des caféiers (« manioc planté dans les cafés15 »). Serait-ce le résultat de l’évolution des techniques de production avec une prise en compte des besoins en matière d’ombrage de la plante (consécutive à l’observation et l’expérimentation longue de presque un siècle) ?
24On est alors loin, aux xviiie et xixe siècles en Martinique, des exploitations démesurées basées sur la monoculture qui se développent à Saint-Domingue à la fin du xviiie siècle et qui se répandront par la suite à la Jamaïque puis dans la majorité des pays sud-américains au cours du xixe siècle. On est également très loin des 2 500 pieds au carré rencontrés par Gabriel Debien sur l’habitation caféière Bologne à Baillif en Guadeloupe16.
25Les habitations caféières martiniquaises se sont implantées sur des terrains propices à la diversification des cultures. À en croire Jean-Baptiste Leblond, le parc environnant l’habitation ressemblait à de luxuriants jardins d’éden pratiquant la polyculture. Il décrit en 1767, le jardin d’une d’entre elles :
« J’allais tous les matins avec mon hôte visiter son jardin où la plupart des plantes potagères de l’Europe figuraient parmi celles du pays […]. Une haie de citronniers en fleurs mêlés à la charmante poincillade entourait ce joli jardin, que la rose, l’œillet et d’autres fleurs agréables embaumaient de leurs parfums délicieux. Déjà les nouvelles pousses des orangers et des pamplemousses étaient chargées de fleurs et de fruits ; le papayer, aux feuilles élégamment découpées, aux fruits jaunes, comme le melon à côte dont ils ont à peu près la grosseur, le bananier de plusieurs sortes, l’abricotier, l’avocat, le corossol, le cocotier pittoresque, la pomme cannelle et d’autres arbres, d’autres fruits du pays qui ne le cèdent point aux nôtres en beauté et en saveur, élevaient leurs têtes verdoyantes à travers et au-dessus des cases ou demeures des Noirs ; […] tout enfin rappelait le souvenir de nos jardins anglais […] ne retrace-t-il pas les fameux jardins d’Épicure17 ? »
26Cette description idyllique semble avoir bénéficié du regard bienveillant que procure la nouveauté. Il est vrai que l’habitation caféière aurait pu constituer l’espace privilégié de la polyculture, pourtant, ce type de jardin ne correspond pas à la norme. Sur un ensemble de 1 018 actes notariés, allant de 1776 à 1866, 622 actes décrivent les plantations cultivées sur l’habitation. Sur ce nombre, seule une petite minorité de planteurs cultive vergers et potagers. L’accent est davantage mis sur les vivres de première nécessité destinés à la nourriture, à moindre coût, des esclaves. La description de J. B. Leblond fait donc écho à un nombre restreint de caféières décrites dans le notariat entre 1776 et 1786. Les jardins luxuriants sont l’apanage d’un certain type d’habitant, la personnalité influant beaucoup sur l’originalité du jardin qui prenait parfois l’allure d’un jardin anglais. En effet, seules 18 habitations sur 279 (dont les plantations sont décrites) soit 6 % comprennent des arbres fruitiers de toutes espèces dans leurs plantations. C’est à croire qu’à la fin du xviiie siècle, la présence d’arbres fruitiers et de certaines plantations d’origine européenne sur les habitations était le fait de quelques passionnés.
27Néanmoins avec les décennies, l’arbre fruitier acquiert davantage de place au sein de l’habitation, entre 1816 et 1826 : 27 habitations sur 231 (soit 12 %) en possèdent, entre 1856 et 1866 : 51 habitations sur 102 (soit la moitié des habitations). Avec le temps, les cultures secondaires prennent une toute nouvelle importance au sein des habitations qui tendent progressivement vers la diversification des cultures. D’ailleurs, le caféier occupe progressivement une position de second choix au sein des habitations.
Espace domestique
La maison du maître
« On voyait la verdure sombre des plantations de caféiers, à travers lesquelles on distinguait des maisons d’assez belle apparence, entourées de maisons plus petites, couvertes en feuilles de palmiers, appelées cases et où demeurent les Noirs. C’est là ce qu’on nomme des habitations. Comme autant de jolis villages, elles se trouvent groupées çà et là sur les mornes ou dans les vallons.
Là où finissent les habitations de caféiers, commencent les sucreries […]18. »
28C’est bien ici les habitations caféières décrites avec brio par Jean-Baptiste Leblond en 1767, moment du fulgurant essor de l’exploitation. Aperçues d’un navire, les demeures des maîtres paraissent agréables, mais qu’en est-il réellement ?
29Une fois le narrateur à terre dans les hauteurs de l’île, la peinture change de nuances : « la situation pittoresque des habitations, placées dans les vallons, sur les collines, à travers quelques rochers, de loin représentent des ruines près de s’écrouler19 ». Cette description est la seule recensée à avoir dépeint notre sujet d’étude. Encore une fois, les actes notariés sauvent de la pénurie d’informations et permettent d’approcher la facture des bâtiments.
30On perçoit alors la médiocrité des fondations reposant parfois sur des roches calcaires, parfois sur des poteaux plantés en terre et la vétusté de la facture souvent de vulgaires planches de « sape », parfois de roseaux ou bambous.
31Seuls quelques logements de maîtres s’écartent de ce descriptif et se rapprochent alors davantage des maisons des sucriers, mais la plupart des propriétaires caféiers habitent dans des maisons vétustes, faites de bois et couvertes de paille. De fait, la chaleur des tropiques n’impose pas la construction de bâtiments en dur comme en métropole. Alors que le mode de vie des habitants caféiers moyens s’approche considérablement de celui de l’« aristocratie rurale » de la fin du xviie siècle étudiée par Jean-Marie Pérouse de Montclos20, son habitat s’en écarte considérablement et se rapproche davantage de celui des cabanes constitutives du village des charbonniers en Franche-Comté représenté par Taylor et Nodier en 1825. Ainsi son mode de vie égale celui des hommes vivant dans une « chaumière, où on lit les aventures d’Amadis et où l’on mange les mains sur la table », mais s’éloigne considérablement de « la bauge, où l’on passe l’hiver dans ses excréments jusqu’au grand nettoyage de printemps » deux modèles que Pérouse de Montclos oppose.
32Pour revenir aux Antilles, le logement des habitants caféiers martiniquais ne s’écarte pas substantiellement de la maison de leurs homologues dominguois décrite par J. Cauna21. Qu’ils soient aux habitants caféiers ou aux sucriers, le logement, appelé « “Grande Caze” était de bois, sur les sucreries des plaines, sans étage, entouré d’une galerie, d’assez piètres apparences si l’on songe aux grandes maisons coloniales de Louisiane22 ». Cette vétusté de l’architecture dominguoise s’explique par le fait que l’habitation n’est considérée que comme un lieu de passage consacré à l’enrichissement rapide et ponctuel du propriétaire : « en règle générale, on considérait qu’on était là que de passage, pour s’enrichir avant tout, et l’on ne faisait pas de grands frais pour la maison23 ». La maison sert ensuite de logement pour le géreur qui remplace le propriétaire dans la gestion de l’habitation.
33Cette pratique architecturale inhérente aux « propriétaires absentéistes » est peu répandue en Martinique. La pauvreté de l’habitat est la résultante de ses possibilités financières.
34L’étude du notariat révèle les différentes dénominations de la maison du maître dont l’étude sémantique de Danielle Bégot24 passe au crible la terminologie, l’étymologie et la symbolique. Dans le prolongement de cette approche, il importe d’appréhender les critères de choix du rédacteur dans l’utilisation des appellations qui servaient à désigner le logement du maître et de manière approfondie, de tenter de savoir quels éléments réels ou symboliques permettaient dans l’imaginaire des contemporains de faire la distinction entre les différents termes usités. La question est aussi de savoir si des termes qui aujourd’hui sont des synonymes l’ont également été aux xviiie et xixe siècles.
35Le dépouillement a permis de mettre en exergue l’existence d’un lexique de plus de vingt termes désignant le logement du maître. De la case, à la maison, de la maison au pavillon, les appellations sont multiples. Néanmoins, elles reposent sur des « mots noyaux » déclinés sous différentes formes, par l’apposition d’un qualificatif, qui en fait varier le sens. Ce qui donne de manière plus explicite :
36Pour le « mot noyau » case :
case à loger ;
case à demeurer ;
case de maître.
37Pour le « mot noyau » maison :
maison à loger ;
maison à demeurer ;
maison de maître.
38Ce constat permet de dire que les mots « case » et « maître » ne sont pas antinomiques puisqu’ils côtoient les mêmes groupes nominaux. Ainsi un maître peut vivre dans une case sans que son statut soit pour autant déprécié.
39D. Bégot a opposé la « maison de maître » à forte connotation sociale aux autres terminologies plus neutres de « maison à loger » ou « maison à demeurer ». Au fil de ses recherches, elle a constaté que l’expression « maison de maître » ne s’impose réellement dans la terminologie qu’après 1848. Le dépouillement exhaustif préabolitionniste effectué sur deux périodes 1776-1786 et 1816-1826 a permis de mettre en évidence que sur un ensemble de 194 descriptions allant de 1776 à 1786, l’expression n’a été rencontrée qu’une seule fois en 1784. L’expression est toutefois usitée plus ou moins régulièrement bien avant 1848. En effet, elle apparaît dans les actes dès 1817, de manière moins régulière il est vrai que pour la période post-abolition, mais tout de même 20 fois. Ces 20 occurrences correspondent à 10 % des descriptifs de cette période, tandis que pour la période allant de 1856 à 1866 cette expression est utilisée dans 25 % des cas. Ces résultats permettent d’appuyer le constat de D. Bégot selon lequel cette expression a pris sa place dans le vocabulaire notarial dès l’avènement de ce qu’elle appelle « le durcissement de la société coloniale », après 1815, et qu’elle a ensuite pris plus d’ampleur.
40Une évolution chronologique est aussi perceptible dans l’utilisation des autres expressions. À l’instar de la « maison de maître », la « maison principale » met du temps à apparaître de manière régulière. L’expression « maison principale » n’est rencontrée qu’une seule fois avant 1789. Elle tarde à s’imposer dans les débuts du xixe siècle, mais devient ensuite l’expression phare du logement du maître. Il s’agit d’un marqueur à forte connotation sociale. En effet, les deux expressions « maison de maître » et « maison principale » sont très proches l’une de l’autre, l’une pouvant d’ailleurs remplacer l’autre. Une habitation décrite en 1817 contient « une maison de maître dite aussi principale25 ». Mais il ne faut pour autant pas oublier le sens littéral de principale qui souligne aussi parfois, outre l’importance du corps de logis et sa symbolique, la dépendance des bâtiments : « très souvent, en effet, la “maison principale” est accompagnée de pavillons annexes qui servent à loger une partie de la famille26 ». Effectivement, il arrive que l’habitation comprenne aussi d’autres bâtiments servant de logement. Sur 67 habitations possédant des maisons principales 14 sont assorties de bâtiments annexes montrant ainsi que la maison n’est pas le seul logement de l’habitation. Cette expression recouvrait donc deux aspects (un fonctionnel, un symbolique).
Graphique 14. – Évolution des expressions pour désigner le logement du maître au fil des décennies.
41Concernant le terme de case, D. Bégot a, de même, relevé que contrairement aux pratiques de Saint-Domingue, le terme « grand’case » a très peu été usité en Martinique et en Guadeloupe si ce n’est, on le suppose, dans le langage oral. Il n’est en effet jamais rencontré dans les actes dépouillés. Cette même historienne constate une progressive disparition de l’utilisation de terme pour désigner la maison du maître et interroge : serait-elle advenue concomitamment au « triomphe du clivage socioethnique qui aurait abouti, avec la montée en puissance des habitations-sucreries, et l’opposition absolue maison de maître/case servile27 » ?
42Au sein des habitations caféières, la réalité est tout autre. En effet, aucune éviction du terme case n’a été constatée. Seule une petite diminution durant la première moitié du xixe siècle est à remarquer. On assiste ensuite à une nouvelle recrudescence de l’emploi du terme dans la décennie 1856-1866. Il semble qu’a contrario de ce qui s’est produit dans la société sucrière où l’on a cherché très rapidement à distinguer la demeure du maître de celle de l’esclave, dans le milieu caféier, le type de construction et l’apparence extérieure des habitats respectifs pouvaient paraître parfois très proches. On a tout lieu de penser que la représentation sociale des habitants caféiers ne devait pas être étrangère à la dénomination de son habitat ; le nom attribué au domicile correspondrait alors à l’image de son occupant. Pour appuyer ce propos, une analyse fine du profil des habitants vivants dans des cases a été opérée.
43Sur les trois périodes étudiées, sur 375 propriétaires dont le nom du logement est précisé, 100 vivent dans une case. 32 sont habitants, 23 propriétaires, 9 habitants-propriétaires, 18 ont une profession, 3 sont à la retraite (dont 2 sont d’anciens militaires et le dernier, un ancien marchand-tailleur). Les petits métiers sont majoritaires : 8 sont charpentiers, 2 marins, 2 cordonniers, 1 agriculteur, 1 marchand, 1 géreur d’habitation, la dernière est cuisinière. Parmi les 18 caféiers ayant une profession, seuls deux appartiennent aux classes sociales supérieures de la société : l’un est avoué à la cour royale de la colonie et au tribunal de première instance de Fort-Royal, l’autre est capitaine commandant du dit quartier du Macouba et membre de la chambre d’agriculture et il est fort probable que ces derniers n’aient jamais logé au sein de ces habitations.
44Les habitants caféiers vivant dans des cases appartiendraient donc majoritairement à une classe dépourvue de titres. Le profil ethnique de cette catégorie sociale va également dans ce sens, 19 de ces habitants (soit environ 1/20) sont des Libres de couleur, classe intermédiaire qui amorce alors son ascension sociale et économique. Les habitations qui comprennent une case en guise de logement du maître (qu’on appellera désormais par souci de clarté : « habitations/case ») correspondent aux propriétés qu’il est aisé de se procurer, pourvu que l’on se soit constitué un petit pécule. En effet, à la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle, ces « habitations/cases » mesurent et valent en moyenne 5,5 carrés et 16 434 livres, tandis que la superficie et la valeur moyenne des habitations caféières s’élèvent à 13 carrés et 49 270 livres. Ainsi, une habitation caféière commune mesure et vaut trois fois plus qu’une « habitation/case ». Après 1848, l’ordre de valeur change, mais l’écart entre l’habitation classique et l’« habitation/case » reste inchangé voire en légère augmentation, l’écart moyen est de 4 hectares contre 14 et 6 070 francs contre 15 575. Le terme « case » est employé de facto par le notaire lorsque la description du logis se rapproche de la définition de la case antillaise classique.
45Comme l’explique Danielle Bégot, la définition académique de la case n’a jamais réellement été opérée aux xviie, xviiie et xixe siècles. Le décalage entre l’idée que s’en faisaient les académiciens français et la réalité de son usage était trop important pour qu’une juste définition ait pu en être donnée. Ainsi voici comment, la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie française, la définit : « Maison. Il n’est point en usage propre […] Il est de style familier28. » Cette définition est suffisamment explicite ; le terme ne peut être utilisé qu’en langage familier. Une approche empirique s’impose donc pour y voir clair dans la définition du terme case que le notaire utilise pour désigner toute construction d’aspect vétuste.
46La définition qu’en donnent les premiers chroniqueurs semble la plus juste : « par quoi se définit en effet la case, aux îles, si ce n’est par le recours à des matériaux quasiment bruts, en apparence si peu travaillés qu’ils paraissent appartenir au règne végétal plus qu’à celui de l’industrie humaine29 ». Les descriptions notariales vont dans ce sens. Sur un ensemble de 100 cases, seules 59 sont décrites de manière plus ou moins détaillée. La majorité d’entre elles (27), sont construites « fourches en terre » ou « poteaux en terre », seulement 6 sont construites sur un solage, 1 sur sole. Ces trois types de bâti donnent une idée de la structure de la case. Comme il en est pour les autres bâtiments de l’habitation caféière, la case tout autant que la maison est construite à partir de matériaux provenant en grande partie du site. De fait, entre l’une et l’autre le type de bâti diffère fort peu.
47L’essentiel des constructions des campagnes martiniquaises des xviie, xviiie, xixe et une partie du xxe siècle repose sur deux techniques de fondations : les premières sont enfoncées dans le sol (constructions dites « fourches en terre »), les deuxièmes sont érigées afin que la structure en bois soit isolée de l’humidité du sol (constructions sur « sol », « sole », « solle » ou « solage »). La construction « fourches en terre » ne nécessite pas de fondations. Elle est donc moins onéreuse et plus rapide que la construction sur « solage » ou « sole ». Aucune des cases étudiées n’est construite en dur et le bois du cru constitue le matériau de construction le plus usité (24), d’autres cases sont palissadées de roseaux (9), de gaulettes (5) et parfois de bambous (1). La facture de la toiture diffère rarement de la paille (51), seules trois cases sont recouvertes d’essentes. L’état de ces cases est d’ailleurs des plus misérables, 14 d’entre elles sont déclarées en mauvais état, parfois tombant en ruine ou citées pour mémoire. Dans ces cas, la morphologie du logement du maître ne devait pas s’éloigner de beaucoup de celui de ses esclaves. D’ailleurs, une très grande majorité de ces maîtres au profil modeste ne possèdent pas d’esclaves (60 sur 100). Pour les 40 autres, la moyenne de quatre à cinq esclaves qui leur est attribuée, rapprochée aux 14 esclaves que les habitants caféiers possèdent en moyenne, laisse supposer un niveau de richesse très bas.
48Ainsi, bien que le terme case soit plus proche de l’univers esclave que de celui du maître, il semble que l’apparence et le type de construction du logement éclipsent les considérations sociales et hiérarchiques lors du choix des termes. Lorsqu’il n’est pas considéré de bon goût par le propriétaire que le notaire qualifie son logement de case, le seul choix d’une épithète approprié peut ménager les susceptibilités. C’est le cas du logement de Pierre-Michel Poulet habitant propriétaire qui est qualifié de « case de maître30 » le 18 septembre 1824. Nul doute que cette expression a été choisie afin de distinguer la case du propriétaire des deux autres cases à nègres.
49Dans certaines expressions usitées pour désigner le logement du maître sur l’habitation, la connotation sociale est patente. D’ailleurs, le choix des dénominations tient également compte des dimensions. Les maisons sont, de manière générale, plus grandes que les cases : 16,5 par 30 pieds pour les premières contre 13 par 24 pour les secondes, soit une différence moyenne de 13 mètres de long sur 5 de large31.
Les techniques de construction
50Les techniques de construction et les matériaux sont de précieux indicateurs du niveau économique de l’exploitant. La facture la plus noble reste bien entendu la pierre de taille pour les murs, la tuile pour la toiture. Cependant, aucune des maisons étudiées ne cumule ces deux éléments et seules deux maisons sont construites en pierre de taille. L’état de l’une d’elles, qualifié de ruine, constitue la raison pour laquelle le matériau de couverture n’est pas précisé (il est néanmoins stipulé qu’elle est carrelée, chose très rare), la toiture de l’autre est faite d’essentes. Ces deux maisons constituent des exceptions chez les caféiers martiniquais pour leur type de construction tout comme pour leurs dimensions : 24 par 37 pieds. Elles semblent appartenir toutes deux à un certain type d’habitation déjà mentionné qu’on pourrait qualifier d’« habitations de villégiature ». De taille réduite (2,3 et 9,5 carrés), situées sur les hauteurs de Saint-Pierre, elles exploitent le café comme une multitude d’autres denrées et constituent davantage un espace de replis pour le citadin, qu’une exploitation formée à des fins économiques.
51Le type de bâti de la maison du propriétaire annonce son niveau d’aisance, il diffère ainsi d’une habitation à l’autre. Réservée pour l’essentiel aux grands habitants sucriers, la pierre de taille ne fait donc pas partie des matériaux choisis et utilisés par les caféiers, le bois domine et constitue le matériau de base des constructions.
52Il existe cependant une gamme intermédiaire entre la pierre de taille et le bois, celle de la « maçonnerie » ou « maçonne ». Moins noble que la pierre de taille, mais plus solide que le bois, ce type de construction, formé de matériaux composites (moellons ou terres cuites) agglomérés par un mortier à base de chaux et de sable, offrait l’assurance de la solidité en cas de cyclone. Il n’est cependant pas non plus très répandu, seules 13 maisons sont entièrement de maçonnerie, 6 en partie et le reste en bois. 4 d’entre elles ont une toiture en tuiles, 7 autres en essentes, 3 mi-essentes, mi-tuiles, 1 est couverte de paille. La maçonnerie est souvent associée à une toiture de qualité. À l’image des maisons de pierres de taille, ces maisons de maçonne appartiennent à une classe privilégiée. Alors que ces dernières ne sont rencontrées au sein des habitations caféières étudiées que dans le premier quart du xixe siècle, les maisons de maçonnerie se répartissent uniformément sur les deux siècles. Ces dernières sont bien plus grandes que la moyenne des autres maisons (20 par 43,5 pieds). La majorité d’entre elles appartiennent à la catégorie supérieure des maisons du maître, 3 sont des « maisons de maître », 8 sont des « maisons principales » et 8 autres de simples « maisons » (sans épithète).
53Concernant la majorité des maisons, diverses catégories de bois sont utilisées. Du fait de leur dureté, les bois dits « du pays » servent essentiellement à fabriquer les poteaux ou les traverses. L’essentiel des planches provient des pays du nord de l’Europe ou du Canada. Pour cette raison, le terme « bois blanc » est souvent synonyme de planches. Pour les petits propriétaires caféiers aux revenus modestes, l’achat de matériaux pour la construction du logis est impensable. Les bois issus de l’exploitation ou du voisinage font parfaitement l’affaire. Ce type de construction est facilement accessible aux xviiie et xixe siècles, époque où chaque propriétaire terrien conserve sur son habitation un certain nombre de carrés de terre dédiés aux arbres de haute futaie, destinés à la construction. La désignation de ces arbres dans les actes aide à comprendre leur vocation : « le reste [du terrain] en bois debout » ou « en bois de construction ». Construit en bois local, peu transformé, le corps de logis se fonde alors dans le paysage.
54Tout autant que les matériaux, le mode de construction diffère en fonction des moyens du propriétaire. Plusieurs variantes sont recensées. Certaines concernent les fondations de la maison, d’autres le corps de bâti ou l’habillage des façades.
55Pour les fondations, la technique la plus simple est celle de l’ancrage dans le sol, la maison est alors dite « bâtie fourches en terre » ou « poteaux en terre ». Les poteaux descendent alors dans le sol et constituent un solide ancrage, obligatoire dans ces zones cycloniques. Comme l’explique Goupy des Marets pour la Guyane, ce type de fondations a été conçu pour les occupations opportunistes temporaires d’un terrain, il est donc des plus précaires :
« Les bâtiments de bousillage se commencent par planter des fourches en terre, suivant la longueur et la largeur qu’on veut faire la case et par-dessus les fourches on y pose des perches en travers qu’on attache avec de la corde comme je l’ai marqué qu’on fait aux carbets indiens observant de mettre dans le milieu de la largeur de la case des fourches beaucoup plus longues que celles des côtés afin de poser une perche dessus et l’attacher avec une corde pour en faire le toit qui vienne descendre sur les perches des côtés et après d’une fourche à l’autre, on y met des gaulettes qu’on lie avec des cordes, ayant soin de laisser un endroit pour servir de porte et même de fenêtres aussi, si on en veut et après on enduit bien le tout avec de la terre de sorte que la case paroisse de terre bien unie32. »
56Cette description date certes du début du xviie siècle, mais comme l’atteste la proximité de la terminologie utilisée dans le récit avec celle rencontrée dans les descriptions notariales de la fin du xviiie et du xixe siècle : (« fourches en terre », « palissadée de gaulettes »), il semble peu probable que les techniques décrites aient considérablement changé avec le temps. Notons néanmoins que le type de construction décrit est des plus archaïques.
Fig. 1. – Croquis construction sur sole ou solage.
© Jean-Michel Hardy, architecte DPLG.
57Sur 222 logements pour lesquels le type de bâti est précisé, 74 (soit 33 %) ont des fondations « fourches » ou « poteaux en terre ». La plupart d’entre elles sont couvertes de paille (46), 24 d’essentes et 4 de tuiles. Elles sont le plus souvent en planches et contrairement à la description précédente, aucun bousillage n’est recensé. Cependant, 11 maisons fourches en terre (soit environ 1/6) sont palissadées en roseaux ou en gaulettes, technique de construction associant souvent au bois tressé un torchis à base de paille, de sable et de chaux, équivalent du bousillage garantissant l’étanchéité de la maison.
58Les maisons ancrées dans le sol semblent pour l’essentiel dépourvues de dallage, mais pires encore, 66 maisons n’ont ni ancrage ni solage, ce qui les expose à une destruction complète au moindre coup de vent. Pour ces dernières, la précarité est la plus totale.
59La technique de fondations la plus souvent rencontrée consiste à poser la structure principale (poteaux et poutres maîtresses) sur des soubassements appelés « solage », « solle » ou « sol », on dit alors que la maison est « bâtie sur sole ». Le « solage » est bien souvent de « maçonne » ou de « maçonnerie ». Quant aux « sol » ou « solle », la question est plus complexe. Aucune édition du Dictionnaire de l’Académie française des xviiie et xixe siècles ne définit ce terme. Seuls les Canadiens ont gardé dans leurs techniques de construction en bois des traces de ces pratiques. Ils appellent ce type de construction : « poteaux-sur-sole » : « [elle] offre une structure plus durable que les poteaux en terre ou d’autres techniques simples, surtout lorsque les soles sont placés sur une fondation en pierre, au dessus du sol33 ». Le SPCF, glossaire mis en place par la Société de Parler français au Canada34, définit « la sole » comme étant la pièce de bois placée à plat dans diverses constructions. Cette poutre horizontale, la plus basse de la structure, recevant les pièces verticales ou poteaux, est appelée aujourd’hui sablière ou encore limon par les charpentiers français, ce qui n’est pas sans faire référence au sol.
60Ainsi, on a tout lieu de penser que les maisons construites sur « sole », « sol » ou « solle » étaient de factures plus robustes que celles « fourches en terre » élues pour leurs rapidités d’exécution et réclamant moins de main-d’œuvre et de matériaux. Le corps du logement reposait sur des rondins de bois grossièrement équarris (appelées soles) afin que la charpente soit isolée du sol et donc de l’humidité. Ces pièces de bois lorsque les moyens du propriétaire le permettaient étaient posées sur un muret en périphérie de la maison appelé « solage », complété parfois par un dallage en maçonnerie.
61Ce type de bâti concerne 137 des 222 maisons soit un pourcentage de 62 %. Sur ce nombre, 54 (soit 39 %) ont un « solage en maçonne » ou des « soles en maçonne », le corps des maisons restantes (83 soit 61 %) repose sur les « soles » directement. L’ajout d’une maçonnerie aux techniques d’assemblage leur conférait la plus-value d’une réelle qualité de vie au quotidien, l’intérieur de la maison étant dallée et non plus de terre battue. Le notaire précisait parfois que la maison construite sur sole n’était pas carrelée. Ces constructions sur « sole », pouvaient également recevoir un dallage en maçonnerie et être ainsi aménagées pour durer. Sur l’ensemble des maisons le carrelage est rare, il l’est cependant plus fréquent dans les maisons bâties sur sole ou solage, 7 d’entre elles sont carrelées. Aucune des maisons fourches ou poteaux en terre ne l’est.
62Concernant la couverture, la tendance s’inverse. La paille n’est plus majoritaire comme elle l’était pour les maisons fourches en terre, les essentes tiennent la première place avec 58 % des effectifs, la paille a alors un rôle très minoritaire avec 23 % des toitures, suivie de la tuile, matériau coûteux, avec une présence quasi marginale de 8 %.
63La facture de ces maisons diffère ostensiblement des précédentes, la construction en charpente qui caractérise la construction sur sole ou solage s’oppose à la vulgaire palissade de bois qui catégorisent à la baisse les constructions « fourches » ou « poteaux en terre ».
64En résumé, il existe deux familles de bâti qui permettent d’apprécier le standing de la maison et, par voie de conséquence, le mode de vie de ses occupants. Les constructions fourches en terre sont le lot des économiquement faibles qui choisissent le type de construction le plus rapide et le moins onéreux. Un peu plus d’un tiers des caféiers sont dans ces conditions. Les constructions sur soles sont l’apanage de la majorité des propriétaires caféiers qui, jouissant d’une meilleure assise financière, ont le temps et les moyens de construire une maison plus raffinée. Cette dernière catégorie de construction n’est pourtant pas à confondre avec les constructions en dur (maçonnerie et pierre de taille) que l’on retrouve sur les riches habitations caféières de Saint-Pierre ou sur les habitations sucreries du reste de l’île. Une hiérarchie est donc palpable au sein des différents types de constructions. Aussi est-il judicieux de se questionner sur une éventuelle corrélation entre les techniques de construction et le nom attribué aux maisons.
65Sur ces 74 logements « fourches en terre », 42 ont une appellation neutre c’est-à-dire « maison », 24 sont appelées « cases », 5 « maisons principales » et 1 « maison de maître ».
66Sur 132 logements sur « sole » ou « solage », 97 sont appelées « maisons », 25 « maisons principales », 11 « maisons de maître », 8 « cases » et 2 « pavillons ».
Graphique 15. – Appellation des logements en fonction de leur type de bâti 1776 à 1866.
67Ces chiffres laissent apparaître une corrélation entre l’appellation et le type de construction. Dans la plupart des cas, le notaire utilise le simple nom de maison pour désigner le logement du maître. Cependant, lorsqu’un nom plus connoté apparaît, ce dernier prend tout son sens dans l’apparence et la morphologie du bâtiment. Les maisons « bâties sur soles » et appelées « cases » sont toutes aussi rares que les maisons construites « fourches en terre » et désignées « maison de maître ».
Organisation architecturale
68De manière générale, la case ou la maison regroupe tous les lieux de vie du maître : la salle à manger, les cabinets, les offices et les chambres. Cependant, lorsque le propriétaire est peu fortuné il associe lieu de vie et lieu de travail.
69La maison du maître est alors conçue sur un schéma, avant tout utilitaire. Avant de songer au confort, l’exploitant organise sa maison en fonction de son exploitation. En guise d’exemple, la case de Jean-François Grassevau, cordonnier de Saint-Pierre en 1856, est divisée en trois pièces : une chambre, un boucan et une case à moulin35. D’autres encore ont un étage spécialement pensé et construit pour le séchage du café, c’est le cas de la maison de Jacques Longchamp Villamant munie de caisses roulantes en guise de toit : « la maison est divisée en quatre appartements en bas et en haut les caisses roulantes36 ». Les caisses étaient disposées entre le plafond et le toit, tout comme elles pouvaient l’être en dessous du plancher. Dans d’autres habitations, les caisses roulantes pour le café sont posées à même le sol devant la maison, faisant même parfois face au pignon central.
70À l’inverse, lorsque le propriétaire a les moyens financiers, il distingue les espaces domestiques des espaces de travail et au sein même de l’espace domestique une séparation est faite entre la vie publique (lieux de réception) et la vie intime (communs). C’est le cas de l’habitation de Louise-Eveline de Perrinelle Dumay37 qui, en plus de la maison principale composée d’une salle et deux galeries ayant chacune à son extrémité un cabinet, possède un pavillon dans lequel se situent les chambres surmontées d’un grenier. Néanmoins, notons que cette habitation constitue une exception dans la qualité de ses constructions : la plupart de ses sols sont carrelés ou planchéiés, les fenêtres sont vitrées (summum du raffinement), il faut dire qu’au regard de son estimation totale : 140 250 livres, elle se rapproche davantage du standing d’une habitation sucrerie.
71La maison du caféier n’est jamais peinte, d’ailleurs Émile Hayot précise que parce que « l’habitation martiniquaise a été jusqu’à la Révolution fort simple et tout juste décente. La peinture n’était certainement pas d’un usage courant. Aussi ne trouvons-nous à l’exercer [à Fort-Royal] que deux nègres libres, dont l’un Africain affranchi et seulement à partir de 178738 ».
72D’une maison à l’autre, on remarque peu de différences dans l’organisation des commodités. La maison, quelle que soit son appellation, semble toujours plus ou moins organisée de la même façon, « le sallon de compagnie est ordinairement la pièce d’entrée ; il tient lieu de vestibule pour communiquer dans les autres parties de la maison39 » et une ou deux chambres. Cet ensemble de pièces est parfois agrémenté d’un cabinet (« lieu de retraite pour travailler ou converser en particulier40 ») ou d’une office (« lieu dans une maison, où l’on fait, où l’on prépare tout ce qu’on sert sur table, et dans lequel on garde le linge et la vaisselle41 »). La maison comprend aussi une ou plusieurs galeries, plus souvent ouvertes que fermées, mais dans lesquelles le propriétaire aménage parfois des espaces particuliers. Elle possède parfois un galetas (mansarde) dans lequel se situent le plus souvent des chambres. Seuls les greniers servent parfois de magasin pour stocker les récoltes en attendant leur vente.
73Enfin, la maison ne comprend pas de cuisine qui par commodité et pour éviter les risques d’incendie se situe dans un bâtiment séparé.
Cuisine et dépendances
74À la différence de l’office dans laquelle se trouvaient le vaisselier et tous les ustensiles de ménage, la cuisine, plus vétuste, située à l’extérieur de la maison, contenait le foyer aussi appelé potager (« sorte de foyer élevé, qui est pratiqué dans une cuisine pour y dresser les potages, pour les y faire mitonner, et pour faire les ragoûts42 ») et le four. C’est dans ce bâtiment de maigre facture qu’étaient cuisinés les repas. Il comprenait aussi parfois la platine montée servant à la fabrication de la farine de manioc, mais dans un tiers des cas, cette dernière était placée dans un bâtiment, à part, appelé : case à farine ou gragerie. Que ce soit la cuisine ou la gragerie, la facture est modeste, faite de bois et couverte de paille. Ces deux bâtiments appartiennent davantage à l’univers domestique qu’à celui du maître.
75Une multitude d’autres petits bâtiments gravitaient autour de la maison du maître. Leur existence permet d’évaluer le mode de vie de ce dernier.
Citerne ou case à eau
76L’absence de citerne ou de case à eau43, dans la majorité des descriptifs d’habitation, laisse apparaître une réalité quelque peu différente de ce que l’étude de la structure sucrière avait présenté. En dehors du voisinage d’une rivière, la citerne semblait indispensable à la survie et au fonctionnement d’un complexe industriel. Pourtant seuls 3 % des habitations caféières décrites dans les actes dépouillés en possèdent une. D’ailleurs, elle semble être l’apanage des grosses habitations aux moyens financiers importants. De fait, celles qui en possèdent ont une superficie d’environ 27 carrés et sont estimées 131 968 livres en moyenne.
77Comment s’organisaient les autres pour leurs besoins en eau ? La localisation géographique des habitations a permis de constater que 26 % d’entre elles sont bornées par une rivière, 10 % par une ravine44. On perçoit alors la rudimentarité de l’alimentation en eau sur ces habitations au sein desquelles les provisions en eau devaient être sommaires et la consommation restreinte à l’utilisation de jarres…
78Cette caractéristique de la plupart des habitations caféières révèle la précarité de leur installation. Leur équipement est bien souvent réduit au strict minimum. La pertinence de toute construction supplémentaire est minutieusement évaluée et si le logement du propriétaire est de facture modeste, la construction d’une citerne en dur paraît difficilement envisageable. L’absence de cet équipement (pourtant élément de base des grandes habitations) a permis, en tout cas, de supposer que la méthode sèche devait être préférée à la méthode humide dans la transformation du café.
79Qu’en est-il du reste de l’équipement industriel ?
Bâtiments et ustensiles de manufacture
80Malgré des techniques semblables d’une île à l’autre des Antilles françaises, les bâtiments des habitations caféières de la Martinique diffèrent considérablement de ceux de Saint-Domingue. En effet, Jacques de Cauna a pu constater la présence, dans cette dernière île, « de pierres dans les mornes, la nécessité de se protéger du froid et les multiples opérations de lavage, broyage et séchage nécessaires à la préparation du café entraînèrent la construction de nombreuses installations en dur sur les caféières45 ». Ces dernières ont permis aux historiens de Saint-Domingue d’avoir accès à de nombreux vestiges pour étudier dans le détail l’organisation du travail servile au sein de ces structures. À l’inverse, à la Martinique, aucune structure n’a survécu et seules les archives, notamment le notariat, permettent d’esquisser une ossature de l’espace industriel.
81Le nombre de bâtiments varie en fonction des possibilités financières de l’habitant et de la technique de transformation du café choisie. Les espaces consacrés au travail des esclaves sont peu nombreux, leur nombre oscille entre zéro et trois.
82Un grand nombre de petites habitations ne possèdent aucun bâtiment consacré au café, seuls quelques équipements et installations permettent de s’assurer que le traitement des cerises s’effectuait au sein de l’habitation. La présence du moulin à café dans la cuisine ou dans la case à manioc et de quelques « nattes tressées » ou tiroirs rappellent la fonction première de l’habitation. À l’opposé, certaines grandes habitations multiplient les constructions, permettant ainsi de distinguer les différentes tâches.
Tableau 10. – Bâtiments servant à la transformation du café mentionnés dans le notariat.
1776-1786 | 1816-1826 | 1856-1866 | |
Case à café ou case à moulin | 74 (33 %) | 70 (32 %) | 29 (32 %) |
Case à tiroirs | 30 (13 %) | 27 (12 %) | 5 (5 %) |
Glacis | 21 (9 %) | 18 (8 %) | 15 (16 %) |
Boucan | 13 (6 %) | 13 (6 %) | 2 (2 %) |
Aucun bâtiment ni infrastructure | 130 (58 %) | 135 (61 %) | 52 (57 %) |
83Le tableau permet de constater que les propriétaires caféiers investissent peu dans la construction de bâtiments dévolus à la transformation du café. Quelle que soit la période étudiée, seul un tiers des propriétaires a au minimum un bâtiment consacré au café. Le moulin à café, qui trouve sa place habituellement dans une case à café, occupe souvent la cuisine ou la gragerie. Les bâtiments sont polyvalents et réemployés à l’envie. La case à tiroirs, ou le boucan46 à café pour les propriétaires les plus fortunés, sont remplacés par un glacis (en terre ou en maçonnerie pour ceux qui bénéficient de plus de moyens), des nattes ou des tiroirs à café placés sous la maison principale. Cependant, le séchage sur glacis est plutôt rare en Martinique et en Guadeloupe alors qu’il constitue visiblement la norme à l’île Bourbon où il est appelé argamasse (terme qui désigne à la fois l’aire de séchage et la chaux qui sert à la fabriquer). Cette divergence s’explique par la faiblesse numérique des ateliers d’esclaves aux Antilles. Le séchage sur glacis, en milieu tropical, nécessite la surveillance d’une partie des esclaves dévolus à cette tache afin qu’en cas de pluie, le café soit ramassé rapidement. Il permettait, certes, le traitement d’une plus grosse quantité de café, cependant on lui préférait celui sur tiroirs plus efficace et moins risqué.
84Le propriétaire martiniquais n’a que rarement les moyens de construire des bâtiments industriels et l’unique élément représentatif d’une quelconque activité caféière reste le moulin à café : 51 % des cultivateurs caféiers en possèdent un. Comment pratiquent les autres ? La transformation se fait-elle alors au sein de manufactures dédiées comme c’est le cas en Guadeloupe ?
85Selon Anne Pérotin-Dumon, trop pauvres pour investir dans des bâtiments et ustensiles de manufacture, une partie des planteurs caféiers guadeloupéens se contente de récolter le café et le vende alors brut à une manufacture spécialisée dans la transformation. Dans son étude sur la ville, elle précise :
« Ces petites entreprises qui relèvent de ce qu’on pourrait appeler les industries agroalimentaires ne figurent pas sur le relevé des manufactures opéré par l’administration ; toutefois nous allons le voir, elles répondent à la définition que nous en avons donnée. La bonification consiste à débarrasser les grains de café préalablement séchés de la parche qui les enveloppe (les grains eux-mêmes ont été obtenus en passant les cerises dans une dépulpeuse ou moulin qui sépare le grain de la pulpe). L’opération se fait à l’aide de “canots” ou mortiers en bois dont les pilons sont actionnés par un moulin à eau. On a encore besoin d’eau pour laver les grains de café après la “dépulpation”. La bonification du café se fait donc le long des rivières et ravines47. »
86Aucune manufacture similaire en Martinique n’a été trouvée. Cependant au regard de l’analyse des bâtiments et ustensiles composant les habitations martiniquaises il ne pouvait en être autrement. La manufacture de bonification décrite ressemble sensiblement à une habitation caféière de condition moyenne, à cela près, qu’elle ne possède pas de plantations. Elle est constituée de bâtiments de logement et d’une « manufacture qui comprend des boucans ou sècheries, en bois (dont l’un est équipé de 38 tiroirs à coulisses), et un bâtiment en maçonnerie couvert de tuiles qui abrite un moulin à piler le café en bois du pays48 ».
87A. Pérotin-Dumon ne précise pas l’importance de ces bonifieries. Transforment-elles la majorité du café guadeloupéen ou uniquement celui des plantations n’appartenant pas à des habitations ? La question demeure ouverte pour la Martinique.
88Néanmoins, un élément permet d’aller plus loin : la désignation des différents types de café. Les mercuriales distinguent, en effet, deux sortes de café : le café habitant et le café bonifié. Le café habitant se reconnaissait à la pellicule argentée qui le recouvrait, le café bonifié en était dépourvu puisque disparue lors du passage du grain dans le moulin à eau comprenant pilons et mortiers en fonte49. Ces dernières informations laissent supposer qu’il existait deux méthodes de transformation du café : un café produit, récolté et transformé au sein de l’habitation : le café habitant, un autre produit et récolté au sein d’une habitation, mais transformé dans une bonifierie : le café bonifié.
89La destination du café conditionnait son mode de transformation. De seconde qualité, le café destiné à la consommation locale recevait un minimum de transformations. Le consommateur local devait alors se charger de la dernière étape de la bonification en enlevant la parche avant de le torréfier.
90Bien que la vocation initiale du café fût d’approvisionner la France, cette denrée acquit rapidement les faveurs des Martiniquais et dès les premières décennies de son exploitation, sa consommation est chose faite à l’échelle de l’île. En 1739, une ordonnance demande à ce que les particuliers cessent de vanner et de jeter la paille de café dans les rues de la ville :
« Nous a été représenté que plusieurs particuliers, vanner [sic] leurs cafés dans les rues des villes et des bourgs de cette île, ce qui mettait les passans aux risques d’être aveuglés par les pailles que le vent emporte, cause beaucoup de saletés dans les rues et occasionne des boues pendant les temps de pluies et donne lieu de craindre que dans les temps secs, ces pailles ne fussent allumées par les étincelles et les fumailles que les passans laissent tomber de leurs pipes […]50. »
« Faisons très expresses défenses à tous particuliers et habitans, de faire vanner leurs Cafés dans les rues, et d’y jetter les pailles des Cafés qu’ils auront vannés chez eux […]51. »
91Cette ordonnance permet de voir que le café n’était pas systématiquement bonifié au sein de l’habitation et était vendu en cerise sur les marchés de l’île en petite quantité.
Notes de bas de page
1 ADM, Série géographique, 1Mi1319, tableau détaillé des cultures de 1893.
2 Laborie Pierre-Joseph, The coffee planter of Saint Domingo, op. cit.
3 Ibid., p. 7.
4 La terminologie des recensements de cette époque est ici reprise, cependant par « âmes » ils entendaient les individus libres, les esclaves ne sont donc pas comptabilisés dans ce nombre.
5 Le calcul de la densité des différents arrondissements a été opéré à partir des chiffres donnés dans le recensement de 1730, ANOM G1-470bis.
6 Les prix du carré de terre correspondent à ceux donnés dans les actes de vente dépouillés.
7 ADM, Fonds généralités, 1Mi236, s. d., xviiie siècle, Mémoire sur les différents types de culture.
8 ANOM, G1-470bis. Recensement général de la colonie de la Martinique pour la population et la culture pour l’année 1772.
9 Hardy-Seguette Marie, « Travail servile en milieu caféier martiniquais aux xviiie et xixe siècles », dans Travail servile et dynamiques économiques xvie-xxie siècle, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, parution à venir.
10 ADM, Conseil souverain, B24, le 14 novembre 1808, fo 233 vo. Tarif des contributions pour l’année 1809.
11 Trouillot Michel-Rolph, « Motion in the system: Coffee, Color, and Slavery in Eighteenth-century Saint-Domingue », op. cit., p. 346.
12 Ibid.
13 ADM, 4Mi32, Sainte-Croix, Statistiques de la Martinique avec une carte de cette île, 1820.
14 Geggus David P., « Sugar and Coffee Cultivation in Saint Domingue and the Shaping of the Slave Labor Force », art. cité, p. 77.
15 ADM, 1Mi1116, Me Rochery, le 29 décembre 1777, acte de vente no 211.
16 Debien Gabriel, « La caféière et la sucrerie Bologne au Baillif (1787) », in BSHG, no 3-4, 1965, p. 11-21.
17 Leblond Jean-Baptiste, Voyage aux Antilles, d’île en île, de la Martinique à Trinidad (1767-1773), Paris, Karthala, 2000, p. 59.
18 Leblond Jean-Baptiste, Voyage aux Antilles, d’île en île, de la Martinique à Trinidad (1767-1773), op. cit., p. 38.
19 Ibid., p. 44.
20 Perousse de Montclos Jean-Marie, Histoire de l’architecture française, De la Renaissance à la Révolution, Paris, Caisse nationale des monuments historiques et des sites/Mengès, 1989, p. 451.
21 Cauna Jacques de, L’Eldorado des Aquitains, Gascons, Basques et Béarnais aux Îles d’Amérique (xviie-xviiie siècles), op. cit., p. 203.
22 Ibid., p. 212.
23 Ibid., p. 213.
24 Bégot Danielle, « Maisons de maître et grand’cases aux Antilles françaises (xviie-xixe siècles) », in Burac Maurice et Bégot Danielle (éd.), L’habitation/plantation – Héritages et mutations. Caraïbes et Amérique, Paris, Karthala, 2011, p. 15-25.
25 ADM, 1Mi1019, Me Husson, juillet 1817, acte no 605.
26 Bégot Danielle, « Maisons de maître et grand’cases aux Antilles françaises (xviie-xixe siècles) », art. cité, p. 2.
27 Ibid., p. 5.
28 Dictionnaire de l’Académie française, 1762, 4e édition, p. 253.
29 Bégot Danielle, « Maisons de maître et grand’cases aux Antilles françaises (xviie-xixe siècles) », art. cité, p. 6.
30 ADM, 1mi937, Me Gallet, acte de vente no 24, le 18 septembre 1824.
31 D’après les définitions d’Émile Littré et d’Antoine Furetière, le pied du roi équivaut à 12 pouces soit 0,325 m.
32 Goupy des Marets Jean, Voyage de Goupy aux Îles d’Amérique et aux côtes d’Afrique en 1675 et 1676, 1687 à 1690, in Le Roux Yannick, L’habitation guyanaise sous l’Ancien Régime, étude de la culture matérielle, thèse de doctorat, EHESS, Paris, 1994, p. 597.
33 [www.pc.gc.ca], Lieu historique national du Canada Rocky Mountain House, Techniques de construction en bois.
34 Glossaire de 1930 mis en place durant plus d’un quart de siècle par la Société du Parler français au Canada.
35 ADM, 1Mi666, Me Catalogne, le 31 juillet 1856, vente.
36 ADM, 1Mi558, Me Bartouilh, le 7 mai 1819, vente.
37 ADM, 1Mi739, Me Damaret fils, le 13 janvier 1819, substitution.
38 Hayot Émile, « Les Gens de couleur libres du Fort-Royal, 1679-1823 », art. cité, p. 30.
39 Robin Charles-César, Voyages dans l’intérieur de la Louisianne, de la Floride occidentale, et dans les Isles de la Martinique et de Saint-Domingue pendant les années 1802, 1803, 1804, 1805 et 1806, op. cit., p. 33.
40 Dictionnaire de l’Académie française, 4e éd., Paris, Bernard Brunet (imprimeur de l’Académie française), 1762, p. 229.
41 Ibid., p. 244.
42 Ibid., p. 432.
43 Case dévolue à l’entrepôt de jarres à eau.
44 On entendait par ravine le lit des cours d’eau généré par le ravinement des eaux de pluie.
45 Cauna Jacques de, L’Eldorado des Aquitains, Gascons, Basques et Béarnais aux Îles d’Amérique (xviie-xviiie siècles), op. cit., p. 203.
46 Aucun descriptif ne décrit précisément les boucans, néanmoins, la plupart d’entre eux sont composés de tiroirs, un des actes précise qu’il sert à égoutter les cafés récoltés (ADM, 1Mi433, le 24 novembre 1786, Me Lefèbvre).
47 Pérotin-Dumon Anne, La ville aux îles, la ville dans l’île, Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, op. cit., p. 530.
48 ADGuadeloupe, MN, BT, Castet, 20 décembre 1806, in Pérotin-Dumon Anne, La ville aux îles, la ville dans l’île, Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, op. cit., p. 532.
49 Aubry-Lecomte C., « Culture et production du café dans les colonies », in Revue maritime et coloniale, no 15, 1865, p. 349-362.
50 ADM, Conseil souverain de la Martinique, B6, 12 mars 1739, fo 189 vo, enregistrement ordonnance du lieutenant-général Champigny et de l’intendant La Croix.
51 ADM, Code de la Martinique, t. I (1642-1754), no 154, p. 423, le 12 mars 1739, ordonnance portant défense de faire vanner des cafés, dans les rues des villes et bourgs.
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