Introduction
p. 11-40
Texte intégral
1Si la politique actuelle de la Martinique relance la filière caféicole dans l’objectif de redynamiser l’économie locale en s’appuyant notamment sur la prestigieuse histoire caféière de l’île, la recherche historique n’a pas su tirer parti de la richesse de ce passé agricole. Cette thèse est l’aboutissement d’une prise de conscience du vide historiographique portant sur les cultures dites « secondaires » de la Martinique. Le café comme angle d’approche de l’histoire martiniquaise est apparu comme une évidence. La recherche historique avait trop souvent perçu l’histoire de la Martinique au travers du paradigme de l’habitation sucrerie. Mes travaux de master I et II1 portant sur les habitations caféières avaient mis en évidence un monde très différent de celui jusqu’alors décrit, une société à part entière fonctionnant avec ses propres règles celles de moyens et surtout petits propriétaires.
2L’étude de celle-ci a laissé dans un premier temps entrevoir un monde organisé autour de l’habitation. Quelle justification pouvait-on alors trouver dans le choix de ce sujet qui n’était à première vue qu’un aspect de plus de l’histoire de l’habitation déjà bien documentée ? Pourquoi s’intéresser à ce sujet à un moment où le renouvellement de la recherche historique en décrie l’aspect limité ? L’habitation a correspondu pendant près d’un demi-siècle au seul prisme à travers lequel il était possible d’appréhender les différentes facettes de la société martiniquaise et antillaise plus généralement. Or, « il est inévitable qu’au fil des années un concept épuise son capital heuristique, qu’une idée-force s’érode au point de canaliser la recherche dans les mêmes directions au lieu de la pousser vers de nouvelles. Vient un moment où il convient de se demander ce que le concept de société de plantation fait voir de nouveau dans les régions et époques qu’il embrasse, et en quoi l’étude de nouveaux éléments qu’il offre dans ce cadre enrichit le concept même2 ». Anne Pérotin-Dumon résume ici assez bien le rôle de la recherche dans le renouvellement des concepts et des axes qui la sous-tendent. Les sociétés antillaises ont trop souvent été conjuguées à travers, pour reprendre ses mots, « la trilogie consacrée sucre-esclaves-plantations3 ». Or, il serait par trop simpliste d’affirmer que cette société, riche et complexe, se limitait au monde restreint des planteurs sucriers blancs. Il convient donc, pour à la fois recentrer et ouvrir la problématique, de sortir du holism en déconstruisant cet amalgame bien ancré dans l’historiographie. La plupart des historiens chercheurs comme leurs homologues sociologues et anthropologues utilisent indifféremment la trilogie sucre-esclaves-plantation pour traiter de l’évolution des sociétés des anciennes colonies en général. Ce rapprochement réducteur, il faut l’avouer, met face à face « l’oppresseur » et « l’oppressé », le couple maître/esclave dont elle simplifie et à la fois restreint le cadre d’étude.
3Les derniers ouvrages portant sur les habitations en sont l’illustration. Ainsi, le plus récent, celui de Sylvie Meslien4, qui se veut, pour reprendre ses mots, « plus pédagogique que scientifique », et entend toucher un large public pour une meilleure connaissance du passé martiniquais, n’a que la canne à sucre pour objet. Dans le même ordre d’idée, l’ouvrage d’Émile Eadie sur les habitations de la Martinique du xviie au xxe siècle définit l’habitation, sans préciser qu’il existait à la Martinique plusieurs familles d’habitations : « il convient de rappeler que l’“habitation” permet à la colonie d’assurer son rôle économique, à savoir qu’une production de bonne valeur marchande doit être commercialisée vers la métropole dont elle dépend. L’“habitation” consacrée à la production de sucre de canne est dénommée habitation-sucrerie […]5 ». Le travail comparatiste de Jean Crusol, intitulé Les îles à sucre6 marque dans toute son ampleur cette volonté d’appréhender le passé et le présent des sociétés des anciennes îles coloniales de la Caraïbe, de l’océan Indien ou du Pacifique à travers l’approche économique d’une seule et même exploitation : la canne à sucre. Plus général, l’ouvrage de Laurent Jalabert7, qui analyse l’incidence de la France métropolitaine dans le développement de la Martinique en tant que DOM, consacre un chapitre sur la part de l’héritage colonial dans cette construction. Celui-ci (une dizaine de pages) définit encore une fois la canne à sucre comme l’unique culture : « l’adoption de la culture de la canne à sucre comme monoactivité va profondément marquer la société des Antilles françaises. Elle est symbolisée par la structuration des paysages autour de grandes exploitations aux formes géométriques. Le jardin précaire dominé par des cultures vivrières disparaît, sauf dans les mornes8 ».
4Le bilan que fait Christian Schnakenbourg sur l’historiographie économique dans le récent Guide de la recherche en histoire antillaise et guyanaise donne l’ampleur des lacunes en la matière. Il exprime sans détour que « toute l’histoire de la Guadeloupe et de la Martinique de 1635 au troisième quart du xxe siècle n’est presque uniquement que celle de l’habitation […] » et à plus fortes raisons de celle tournée vers l’exploitation de la canne à sucre. Il le précise lui-même : « d’autres domaines sont purement et simplement délaissés, uniquement parce que le hasard ou le manque d’intérêt ont fait qu’ils n’ont pas encore rencontré leurs historiens (les cultures dites « secondaires », l’industrie rhumière, le commerce extérieur aux xixe et xxe siècles […]) ». Il continue dans ce sens en insistant bien sur le fait que « la paysannerie, la petite propriété et les cultures vivrières, les activités non agricoles, la population […] ne sont pas abordées dans les pages9 » constitutives de son analyse historiographique et bibliographique.
5Le sucre semble donc être, pour les politiques comme pour les historiens, sinon le seul objet, du moins l’objet d’étude clé qui permet d’appréhender les structures sociales et économiques martiniquaises tant des ères esclavagistes que contemporaines.
6La canne à sucre a certes été la plus importante des cultures de la Martinique tout au long de la période coloniale, mais le tabac, l’indigo essentiellement au xviie siècle, le cacao, le café, les cultures vivrières aux xviiie et xixe siècles ont également, bien qu’à une échelle moindre, contribué au développement de l’économie et joué en cela un rôle non négligeable dans la formation et l’évolution de la société créole. La plus importante de ces cultures dites « secondaires » est sans conteste, le café qui, au plus fort de son exportation, en 1774, dépasse même le sucre dans les chiffres de la balance du commerce (17 291 875 livres coloniales contre 12 157 64510). La culture du café mobilise, en outre, trois fois plus d’habitations que celle du sucre au xviiie comme au xixe siècle (949 caféières contre 324 sucrières en 1789 et respectivement 1 290 contre 495 en 1835).
7Les chiffres de l’exploitation caféière martiniquaise n’ont certes pas de commune mesure avec ceux de Saint-Domingue puis d’Haïti, néanmoins cette branche a constitué, pareillement pour les deux îles, un secteur agricole économiquement rentable pendant environ un siècle (1730-1830). Et même si, la mémoire collective martiniquaise associe davantage la Guadeloupe à l’exploitation caféière11, la Martinique a, des deux îles, occupé le premier rang en matière d’exportation jusqu’au xixe siècle12.
8Le but de cette thèse est donc de combler une partie du vide historiographique en matière de cultures « secondaires » martiniquaises lesquelles comprennent, il va sans dire, tout ce qui n’est pas la culture de la canne à sucre. Cette expression « secondaire » utilisée de manière courante dans les archives a cependant une connotation péjorative à l’égard des cultures bien moins lucrative que la première. Or, nous verrons que la culture du café n’est pas systématiquement incluse dans cette catégorie marginale, comme si, par son statut intermédiaire, dû à la valeur de la denrée, elle avait pu bénéficier d’une autre considération.
9Autour de cette exploitation s’est organisée une unité de production appelée « habitation caféière », constituant, à l’instar de l’habitation sucrière, un espace de vie où une part importante de la société créole a évolué. La question qui s’impose alors concerne les caractéristiques sociales, ethniques, culturelles et économiques de la population aussi bien libre que servile qui a évolué au sein de cet univers. Cette enquête n’a été possible que par une analyse des habitations du xviiie siècle et du début du xixe siècle qui a révélé les spécificités des petites propriétés martiniquaises. Pour cela, il a fallu interroger l’habitation en dépassant les schèmes et les modèles que ce sujet avait véhiculés à travers la pérennisation d’amalgames construits et entretenus par les récits de voyageurs tout au long de l’histoire antillaise. Ces derniers ne percevaient parfois leurs contemporains qu’au prisme d’une observation artificielle et orientée, visible dans les écrits de nombre d’administrateurs.
10Ce travail voudrait déconstruire l’histoire monolithique de l’habitation pour mieux percevoir la multiplicité de ses aspects. Les exploitants caféiers n’étaient pas nécessairement des hommes blancs, créoles et fortunés. Le quotidien des esclaves (unique main-d’œuvre de l’exploitation caféière jusqu’en 1848) n’a pas été équivalent et uniforme.
11L’habitation martiniquaise n’a, dans cette optique relativiste, pas grand-chose à voir avec les plantations de Saint-Domingue auxquelles s’attachent pour reprendre les termes de J. Cauna les noms des plus illustres familles de la noblesse française. La taille, influant sur le revenu, faisait la différence : « la tradition populaire distingue d’ailleurs les “seigneurs” de St-Domingue des “Messieurs” de la Martinique et des “Bonnes gens” de la Guadeloupe13 ». On peut dire que les habitations martiniquaises, comme d’ailleurs celles de la Guadeloupe, se rapprochent davantage de celles de la partie sud de Saint-Domingue où la population est surtout « rurale, très mêlée de petits blancs et gens de couleur vivant sur des exploitations plus modestes14 ». À l’exemple de la stratification sociale qui existe à Saint-Domingue entre les grands sucriers absentéistes et les caféiers dont la « mentalité est moins industrielle, plus paternelle, voire familiale, et il n’est pas rare de les trouver mêlés, ou même alliés, à des gens de couleur15 », les « habitants-caféiers » martiniquais se distinguent considérablement des « habitants-sucriers ».
12On a là une « société d’habitation » bien particulière qui, en décalage avec la prestigieuse image parfois attachée à ce terme16, s’avère dans sa grande majorité, à la Martinique comme à la Guadeloupe, celle des petits planteurs. Les habitations caféières martiniquaises n’ont en effet, pas grand-chose à voir avec la Plantation Jamaica étudiée par Higman17. Les caféiers martiniquais gèrent seuls leur propriété que, par opposition, les caféiers absentees de la Jamaïque cèdent à des planting attorneys ou à des overseers (géreurs). Je ne parlerai donc pas de « société de plantation », mais bien plus de « société d’habitation » mieux adaptée à l’objet. Cette expression, définie et conceptualisée par Jacques Petitjean Roget18, a cependant un sens quelque peu éloigné de celui que je donnerai à la « société d’habitation caféière19 ». En effet, la thèse de J. Petitjean Roget définit la « société d’habitation » durant la période d’installation des colons sur le territoire, pendant laquelle seule la culture de la canne a cours. Or, par leurs dimensions, les habitations sucreries sont très éloignées des habitations caféières : les premières cultivent en moyenne 42 à 45 carrés de cannes entre 177020 et 178921, les secondes 4 carrés de café entre 1776 et 178622. La superficie totale moyenne de 19 hectares23 des caféières martiniquaises entre 1776 et 1786 ne se compare pas davantage à celle des caféières de 145 hectares (dont 27 cultivés en café)24 de Saint-Domingue. B. W. Higman explique qu’à la Jamaïque les plantations caféières se distinguent considérablement des plantations sucrières par le profil de leurs propriétaires : « 80% of the sugar estates were owned by absentees. On the other hand, 75% of coffee plantations and roughly 85% of pens were controlled by resident-proprietors ». Cet historien ne fournit aucun chiffre quant à la superficie moyenne des exploitations essentiellement tenues par des « small farmers25 ». Higman précise par ailleurs qu’en 1900, seule une petite minorité des plantations exploite plus de 50 acres de café (soit 25 ha)26. Ce qui semble à première vue insignifiant pour les historiens de la Jamaïque est conséquent au regard de la superficie moyenne des habitations caféières martiniquaises.
13Si l’aspect général des habitations a focalisé l’intérêt de la recherche, l’approche sociale a presque toujours été négligée. Il s’agit donc d’enrichir la recherche historique en matière d’étude sociale à un moment où les bilans historiographiques à travers le récent Guide de la recherche en histoire antillaise et guyanaise déplorent l’absence d’études concernant les esclaves et les Blancs créoles martiniquais. Frédéric Régent, Myriam Cottias et bien d’autres se sont fait l’écho des lacunes historiographiques portant sur la société antillaise de manière générale. Ils ont ciblé la Martinique comme terrain d’étude délaissé, notamment en ce qui concerne le monde servile. Pour reprendre les termes de F. Régent, « il manque encore à l’historiographie une grande étude sur les esclaves de la Martinique27 ». Et le monde blanc n’est pas mieux loti : « les groupes sociaux d’origine européenne sont paradoxalement les moins connus, alors que c’est sur eux que l’historien dispose de plus de sources. Il n’y a aucune étude d’ensemble et ces groupes sociaux sont la plupart du temps étudiés à travers le prisme de l’esclavage ou des angles très précis28 ». Les Libres de couleur ont fait, quant à eux, l’objet, à partir des années 1970, d’un vif intérêt de la part des chercheurs à partir des travaux de l’abbé Bernard David qui ont mis en évidence « the three social classes as one and the same population29 ». L’article d’Émile Hayot30 ouvre ensuite de nouvelles perspectives en associant les Blancs et les Libres de couleur dans la sphère du travail. Les recherches de Léo Élisabeth31, celles de Jean-François Niort32, de David Geggus33, et plus récemment encore celles d’Abel Louis34 ou de Jessica Pierre-Louis35 ainsi que quelques travaux de master donnent une approche plus approfondie de la question. L’objectif de l’historiographie portant sur ce groupe est d’appréhender tant ses comportements sociaux que ses ressources propres dans sa lutte égalitaire36.
14Ma thèse entend mettre en lumière un groupe professionnel peu connu, celui des caféiers. Tout en rendant compte des temps de rupture de l’histoire qui ont marqué cette population en lui forgeant un nouveau profil, elle tente de révéler les étapes de la mutation des caféiers blancs en caféiers de couleur, des esclaves en travailleurs libres, des travailleurs en propriétaires. Si l’historiographie portant sur les esclaves a déjà subi plusieurs renouvellements de ses perspectives, obligeant le chercheur à en tenir compte, celle portant sur les propriétaires reste à construire et à conceptualiser.
15Cette étude, en s’inscrivant dans cette démarche, s’attache à cerner les modes de vie des caféiers libres ou esclaves, l’occupation du territoire, l’organisation du monde bâti et du paysage agricole ; l’objectif étant de permettre d’évaluer l’effectivité de l’agency au sein des ateliers37 serviles et l’ampleur du contrôle social mis en place.
16Ce travail doit appréhender « l’homme caféier » dans tous ses aspects et au rythme de son évolution, opérée entre 1720 et 1860. Dans un premier temps, nous ne parlerons pas d’« habitants ». En effet, ce terme, employé pendant plus de deux siècles pour désigner le personnage principal de toute habitation, n’a pas suffisamment été interrogé. Bien que ce terme soit passé dans le vocabulaire courant de la recherche scientifique antillaise (à juste titre, puisque le plus adapté), il semble important de le revisiter pour savoir ce qu’il représentait dans l’acception des contemporains des xviiie et xixe siècles. Ce questionnement doit révéler si le fait d’être qualifié d’habitant impliquait nécessairement la possession d’une habitation, s’il s’agissait d’une qualification, d’un statut et/ou d’une profession.
17Par leur fonction commune, les caféiers ont-ils un statut commun qui les ferait appartenir à un groupe social à part ? Selon Anne Perotin-Dumon, « un groupe social se forme souvent par le fait que ses membres sont ensemble rejetés par les autres38 ». À l’instar des sucriers, les caféiers bénéficient dans les sources de l’appellation « habitants » pourtant leur activité souvent associée à un bas niveau économique leur vaut une certaine condescendance de la part du reste de la société. Ce mépris engendré par cette fonction suffit-il à postuler l’existence d’une entité caféière dotée d’une certaine autonomie dans l’histoire martiniquaise39 ?
18Cette étude sociale ne peut être envisagée sans une mise en lumière préalable du contexte économique et commercial caféier sur le long terme. À l’inverse des sujets de thèse qui concernent des phénomènes ponctuels, le mien, qui s’étale sur près d’un siècle et demi, pourrait paraître ambitieux si l’exigence d’en percevoir les évolutions ne justifiait un bornage chronologique aussi large. Bien que la Révolution de 1789 n’ait pas remis en question les structures sociales et économiques de la Martinique40, la mise en perspective des bouleversements profonds qu’elle a engendrés dans le secteur caféier, interroge les liens qui unissaient les événements économiques, politiques et sociaux des colonies, aux changements qui s’opérèrent en métropole et dans le reste du monde.
19Les mouvances de l’histoire globale ou connectée obligent à envisager le champ d’études à travers de nouveaux schèmes. Bien qu’il faille s’écarter de toute approche européocentrée, il ne s’agit pas de réécrire l’histoire des colonies sans tenir compte des métamorphoses structurelles de leur métropole. Il faut donc garder à l’esprit que « quelque déséquilibrés qu’aient pu être les rapports de forces, le “reste du monde” n’a pas été passif dans une histoire produite “conjointement”41 ». L’historiographie des Antilles françaises, amorcée il y a maintenant un peu plus de quarante ans, s’est posé en rupture avec la tendance historiographique métropolitaine. Elle a cherché à construire l’histoire « antillano-caribéenne » indépendamment des événements métropolitains et européens, estimant que les dynamiques internes de cet espace caribéen avaient été sous-évoluées. 1848 est devenu alors la rupture de l’époque moderne et contemporaine dans les vieilles colonies françaises. La Révolution de 1789 n’avait en effet opéré aucun changement immédiat en Martinique, et cela avec d’autant plus de singularité que cette île avait simultanément été sous domination anglaise42. Cependant, ma thèse ne s’attache pas à respecter un espace-temps prédéfini par l’actuel bornage chronologique, inspirant le choix des sujets d’étude à travers la scission de l’histoire en deux périodes, l’une moderne, l’autre contemporaine. Ni 1789 ni 1848 n’ont donc pu être retenus comme borne chronologique. Dans une tentative de perception des modifications internes au groupe professionnel étudié, les grandes ruptures historiques ne se justifiaient pas. Mon analyse se situe donc à cheval sur les deux grandes périodes (moderne et contemporaine) de l’histoire antillaise, elle débute avec l’arrivée du café en Martinique (la décennie 1720) et se termine avec la fin de la période mercantile (les années 1860). Le rapprochement du xviiie et du xixe siècle prend toute sa signification au regard de l’histoire locale du café.
État des lieux de la recherche historique
20Les anciennes colonies françaises ont été, en premier lieu, étudiées par les historiens modernistes, comme des territoires colonisés, occupés et valorisés par la métropole pour son enrichissement. Leur histoire a donc été, pendant de nombreuses années, appréhendée à travers le prisme du mercantilisme43 dans l’unique but de quantifier ce que les colonies avaient réellement apporté à la métropole et de définir les raisons pour lesquelles elles avaient cessé d’être aussi rentables que par le passé. L’aspect colonial constituait le seul intérêt des recherches : « earlier historians have given prominence to the maritime sphere but looking at it from the standpoint of the metropolis and its interests44 ». Ensuite, à partir des années 1970, les historiens se sont penchés sur la question du commerce transatlantique, et c’est principalement pour cette raison que l’historiographie du café aux Antilles se compose essentiellement d’études économiques ou commerciales.
21Avant de devenir l’une des denrées les plus rémunératrices des échanges internationaux, le café a été l’un des principaux moteurs de la croissance économique des villes portuaires européennes au cours du xviiie siècle. Il est donc, tout d’abord, perçu en tant que produit commercial, premier rouage des arcanes du négoce des grands ports européens à leur âge d’or. Nombre d’études en font acte : celles de Pierre Dardel45, Jean Tarrade46, Paul Butel47, Hervé du Halgouet48, ainsi que d’autres plus axées sur le café de Gilbert Buti49, Michel Courdurier50, ou Antony Turner51.
22Mais dans les anciennes colonies françaises de la Caraïbe, derrière le mot café se profile comme en filigrane une société, elle aussi en pleine expansion, en métamorphose permanente, un monde peu connu dont l’histoire n’a jusque-là été qu’esquissée.
23La dimension sociale et humaine de l’univers caféier a cependant commencé à être étudiée pour l’Amérique latine et certaines îles de la Caraïbe, nouveaux espaces caféiers au cours des xixe et xxe siècles. L’histoire plus contemporaine de ces exploitations, ainsi que leurs dimensions bien plus conséquentes, ont davantage attiré l’attention des chercheurs que le monde caféier martiniquais, pourtant pionnier dans le secteur. En Martinique, cette culture reste dans l’acception commune, une culture de seconde zone.
24Les historiens de la Jamaïque, de Saint-Domingue, de Cuba se sont dès le départ intéressés à l’aspect humain de cette culture constitutive de leur histoire. Ainsi peut-on citer pour la Jamaïque les travaux de Barry Higman52 ou de James Delle53 (pour ces deux chercheurs l’approche reste avant tout économique), ceux de David Geggus54, de Michel-Rolph Trouillot55 ou de Gabriel Debien56 pour Saint-Domingue, ou encore ceux moins volumineux de Robert Vasquez57. Ces travaux serviront de base au travail de comparaison nécessaire à toute analyse historique.
25Pour l’Amérique latine qui constitue encore de nos jours un important producteur de café, la réalité est toute autre. Le sujet étant beaucoup plus tangible pour les historiens à travers la persistance des anciennes exploitations et de leurs archives, les études sont nombreuses. Parmi les travaux qui se rapprochent le plus de nos thématiques de recherche, on peut citer A coffee frontier, land, society, and politics in Duaca, Venezuela 1830-1936 de Doug Zarrington, Paysannerie du café des hautes terres tropicales de François Bart, enfin l’ouvrage de William Gervase Clarence-Smith intitulé : The Global Coffee Economy in Africa, Asia, and latin America, 1500-1989 traite de l’histoire des pays encore producteurs de café. En Amérique centrale (Guatemala, El Salvador, Honduras et Nicaragua) où le café ne s’est réellement développé qu’au cours de la première moitié du xixe siècle, « the influence of coffee on political development was significant and favoured the tendency to concentrate power in the hands of an elit oligarchy58 ». Au Costa Rica où les structures foncières et sociales auraient pu rappeler celles du café de la Martinique, notons qu’à la différence de ce qui a lieu dans le reste de l’Amérique centrale « coffee is considered to have broken a trend of poverty and agrarian reform contributing to an egalitarian approach […]. Coffee is understood as generating wealth anf prosperity for all, as the essence of being “Costa Rican”59 ». Il faut dire qu’au Costa Rica, la société est plutôt inclusive facilitée par un métissage homogène permettant à la population d’avoir une perception du monde assez similaire. D’autre part, on observe une division du travail entre l’élite oligarchique du café qui n’a pas vocation à cultiver le café sur ses propriétés, mais qui finance et commercialise le café produit par les petits et moyens exploitants de telle sorte que « la division of labour establish a relationship of exploitation between producer and beneficiador60 ».
26Comparativement, le café, en Martinique, n’a, ni fait la fortune d’une oligarchie politique, ni engendré de cohésion sociale ou de hiérarchie de dépendance au sein du même secteur.
27Enfin, au Brésil, où les études sur le café demeurent jusqu’à nos jours pléthoriques notamment pour le xxe siècle, les réalités caféières sont également peu comparables à celles de la Martinique. Selon S. Topic, au Brésil, « le café ne fut pas vraiment un produit colonial [puisque sa croissance a été favorisée par l’ouverture de nouveaux marchés représentés par les anciennes 13 colonies], son système de production, basé sur des latifundia employant une main-d’œuvre esclave, était un héritage colonial. Cet héritage et la présence de terres disponibles ont été des facteurs beaucoup plus importants dans l’implantation d’une production à grande échelle que les exigences économiques ou agronomiques de la culture du café61 ». D’autre part, son industrie caféière tardive ne s’est pas développée uniquement grâce à la main-d’œuvre servile puisqu’à peine deux décennies après l’abolition de la traite, le Brésil met en place un substitut à l’esclavage : le colonat. Il ne sera donc pas directement fait de rapprochement ni avec les pays d’Amérique centrale ni avec le Brésil dont les caractéristiques caféières sont trop éloignées de celles de la Martinique.
28Enfin d’un tout autre point de vue géographique et afin de balayer l’ensemble des anciennes colonies françaises, Bourbon (actuelle île de la Réunion) a connu un développement caféier à peu près synchrone à celui des Antilles. Notons cependant le rôle liminaire de cette culture à Bourbon face à celle de la canne à sucre entamée bien plus tardivement au début du xixe siècle. Cette chronologie confère au café un rôle de premier choix dans la genèse agricole de l’île contrairement aux Antilles et plus particulièrement à la Martinique où la formation de la société d’habitation s’est faite bien antérieurement sur la base des cultures de la canne et du pétun. Néanmoins, la concomitance des deux systèmes caféiers autorise l’insertion dans ce travail de références dans l’objectif d’un approfondissement de l’analyse.
29L’historiographie française quant à elle, par l’évolution qu’elle a connue dans les années 1960, est passée d’une histoire économique et commerciale à une nouvelle histoire, orientée vers l’étude des hommes et de leur vie. L’historiographie antillaise plus récente, axée sur l’« Amérique des plantations62 », s’est inspirée dès le départ du renouvellement de la pensée scientifique s’intéressant, de ce fait, aux hommes délaissés jusque-là par les effets de l’intégrationnisme postcolonial. Le café a cependant fait les frais de l’attrait général des historiens pour l’étude commerciale des denrées coloniales. Comme le disait si bien Philippe Gardey, « l’étude du grand commerce, en lui-même, n’était pas un sujet neuf, ce fut même un des secteurs pionniers de l’histoire économique de la période moderne […] des années trente aux années soixante. Ce fut alors la grande époque de la conquête du quantitatif, de l’accumulation des données sérielles pour mesurer des trafics portuaires ou comprendre des fluctuations conjoncturelles. […], Mais toutes ces données laissaient l’homme de côté63 ». De fait, de même que l’histoire de l’esclavage est restée non traitée jusqu’aux années 1980, l’histoire des planteurs et en particulier celle des « petits » n’a été que peu abordée. À l’inverse, l’ampleur des plantations des grandes Antilles a permis de mieux appréhender les structures sociales des exploitations caféières. À Saint-Domingue, il n’était pas rare, mais plutôt commun qu’un planteur créole ou d’origine métropolitaine possède simultanément les deux sortes d’exploitation (caféière et sucrière)64. La variété permettait de faire face aux fluctuations des cours et de la demande. Les exploitants caféiers de Saint-Domingue avaient parfois un statut proche de celui des sucriers dans la hiérarchie économique. Il est donc difficile de comparer les planteurs caféiers martiniquais ou guadeloupéens que Caroline Oudin-Bastide qualifie d’« habitacos » (petits habitants) aux propriétaires de Saint-Domingue de la même manière qu’il paraît compliqué de les associer à la classe des grands habitants sucriers que cette dernière historienne dénomme : classe de loisir65.
30De telle sorte qu’il n’y avait pas à Saint-Domingue comme c’était le cas en Martinique ou en Guadeloupe cette déconsidération de la filière caféière chez ceux qui aspirant à devenir sucriers recherchaient la reconnaissance sociale qu’ils pensaient ne jamais pouvoir atteindre en tant que caféiers. C’est ce que Gérard Lafleur qualifie de « vaine gloriole66 » et Caroline Oudin-Bastide de « préjugé du travail de la terre et tropisme sucrier67 ». La rapidité de la progression sociale des planteurs caféiers de Saint-Domingue, comme la tout autre importance de leur assise financière, leur a épargné le mépris subi par cette profession à la Martinique. Ainsi, à Saint-Domingue, le seul fait de posséder une plantation, quelle que soit sa dimension ou la denrée produite, suffisait à valoriser le propriétaire : « le mot homme veut dire blanc propriétaire68 », dans la même veine « le rêve de tous est de devenir “habitant”. L’habitation même grevée de dettes ou incomplètement payée est synonyme de richesse et de considération69 ». Bien sûr, dans la hiérarchie, la prévalence était inconditionnellement donnée à l’habitation sucrerie : « les seuls vrais [habitants], ce sont les producteurs de sucre70 ».
31Les représentations mentales, structurant et hiérarchisant la société coloniale, étaient donc communes à l’ensemble des Antilles et dépassaient jusqu’aux limites de l’Atlantique, puisque la même réalité opposait les propriétaires caféiers, aux grands sucriers de Bourbon, bien qu’arrivés dans un deuxième temps seulement au cours du xixe siècle71. Seule la superficie des habitations constituait la différence entre la Martinique, la Guadeloupe, les autres îles des Antilles et de l’océan Indien. C’est donc l’analyse de ce groupe socioprofessionnel que je me propose de faire. Qui étaient les maîtres caféiers ? Qui étaient les esclaves caféiers ? Quel était leur mode de vie ? Cette analyse ambitionne d’apporter une contribution, aussi modeste soit-elle, de l’univers esclavisé. M’appuyant sur un certain nombre d’études caribéennes qui mettent en évidence le fait que les relations maîtres/esclaves divergeaient en fonction du milieu dans lequel évoluaient les individus, mes recherches antérieures72 ont entrouvert le champ laissant maintes interrogations en suspens.
32Dans leurs travaux, David Geggus73 et Michel-Rolph Trouillot74 accordent aux esclaves des caféières de Saint-Domingue une place de choix. Ils comparent leurs particularités démographiques, leur mode de vie et leur rythme de travail à ceux des esclaves de sucreries d’une même région. Dans son ouvrage portant sur les esclaves des Antilles françaises, Gabriel Debien aborde parfois leur condition de vie spécifique, mais son analyse reste, dans ce domaine, trop superficielle. Enfin, on peut encore compter sur quelques études éparses notamment celle de Roselyne Siguret75 et de Keith Manuel76.
33L’histoire du café de la Guadeloupe plus proche, à mon sens, de celle de la Martinique a davantage intéressé les historiens. Un certain nombre d’articles et de chapitres d’ouvrages sur la question ont été rédigés, à l’inverse de la Martinique. Cet attrait des historiens guadeloupéens s’explique par la survie de l’activité caféière dans l’île jusqu’à nos jours. Alors que la crise de l’exploitation caféière, que Gérard Lafleur77 situe pour la Guadeloupe au début du xixe siècle, est perceptible sur les deux îles, les conséquences ne paraissent pas aussi dramatiques de part et d’autre. La crise n’a pas engendré la fin de la filière en Guadeloupe comme cela a été le cas en Martinique. Certes, la surface plantée a considérablement diminué, passant de 10 000 hectares à la fin du xviiie siècle à environ 3 000 dans la seconde moitié du xixe siècle, mais l’activité a réussi à se maintenir en Guadeloupe et a même connu une légère hausse au début du xxe siècle. L’exploitation caféière en Martinique est bien en deçà, approximativement 500 hectares sont encore cultivés par 200 caféières alors qu’elles étaient plus proches du millier dans le premier quart du xixe siècle.
34Cette différence d’évolution permet d’expliquer qu’à la Guadeloupe il existe jusqu’à ce jour quelques anciennes habitations, vestiges totalement absents du territoire martiniquais. De vieilles habitations caféières font partie intégrante du patrimoine guadeloupéen au même titre que les sucreries. La Grivelière reste l’habitation de référence dans ce domaine, bien qu’elle ait subi un certain nombre de remaniements depuis le xixe siècle, et que l’habitat des travailleurs soit au stade de ruines. Elle constitue néanmoins un témoin du passé, permettant de réelles comparaisons avec les plans des plantations caféières des grandes Antilles, ce qui n’est pas le cas pour la Martinique. C’est là sans doute l’origine de l’intérêt porté par les historiens guadeloupéens à une histoire dont les témoins ont disparu en Martinique. De l’ensemble des objets, appartenant au patrimoine martiniquais, et recensés dans les 397 pages du Patrimoine des communes de la Martinique78, le passé caféier martiniquais est totalement absent. Seul un moulin du xixe siècle rappelle que l’on consommait du café à cette époque dans l’île. Cependant, bien que les travaux sur le café soient plus nombreux en Guadeloupe, la présence de l’article de Gérard Richard sur La Grivelière, habitation-caféière de Vieux-Habitants79 dans l’ouvrage collectif intitulé : Le sucre, de l’Antiquité à son destin antillais atteste que l’histoire du café n’a pas encore trouvé sa place, mais seulement une certaine légitimité à travers le prisme d’études historiques portant sur le sucre. Or, comme nous le verrons, bien que tout semble rapprocher ces deux denrées qui ont fait la richesse des anciennes colonies françaises (Saint-Domingue, Guadeloupe, Martinique et île Bourbon), l’histoire du sucre n’est pas celle du café.
Les documents d’archives
Sources administratives
La correspondance administrative
35La correspondance administrative80 a constitué ma principale source en ce qu’elle comprend une multitude de documents de toutes sortes : lettres, dépêches, missives, copie d’actes officiels (arrêts, ordonnances, édits), mémoires de gouverneurs, de négociants, des chambres de commerce, d’anonymes.
36À la fin du xviiie siècle, la variété des archives administratives s’explique par le fait que le ministre et le bureau de colonies doivent justifier leurs décisions en matière de législation, d’imposition ou d’administration de la colonie, par des études chiffrées. La documentation se fait d’ailleurs plus riche à mesure de la mise en place de la centralisation administrative et de l’émergence d’écoles de pensées telle que la physiocratie. Les mémoires, témoins des grands débats et discussions de 1765, 1774-1775 et 1784-178581, abondent alors.
37Ces manuscrits ont permis l’appréhension des grandes étapes structurant le système commercial caféier martiniquais en révélant les différentes politiques menées par le gouvernement.
Recensements et sources statistiques
38L’utilisation des recensements et autres sources statistiques s’est avérée essentielle pour quantifier les terres cultivées, les habitations, les esclaves et le volume des échanges (exportations, importations) de l’île. Cependant, elle s’est montrée délicate pour de multiples raisons notamment à cause de l’hétérogénéité des informations données, des lacunes substantielles, des discontinuités, etc.
39Pour les années allant de 1720 à 1835, la décision de me reporter aux chiffres de Chr. Schnakenbourg a découlé des difficultés que le recollement des sources statistiques a représentées. En effet, les chiffres se trouvent aisément dans les recensements regroupés dans la série G1 des ANOM (Les statistiques de la Martinique sont à peu près complètes de 1765 à 1788 avec, néanmoins, des lacunes de 1778 à 1780 et pour 1785), mais les séries sont loin d’être intégrales et les ruptures posent problème, pour peu que l’on ait à traiter d’une période dans sa globalité. Certains recensements sont consultables sur microfilm aux archives départementales de la Martinique dans la série 5MI89, mais ils concernent uniquement les années 1732, 1735, 1751, 1784, 1786, 1787, 1788. Il existe bien encore quelques pages manuscrites (répertoriées dans la série 1J8) qui évaluent les productions agricoles, mais elles ne sont pas datées et ne permettent donc aucune exploitation fiable.
40Les choses se compliquent davantage quand il s’agit de la période révolutionnaire. Les sources administratives de cette période sont, de fait, inexistantes. Selon P. Lavolée : « tous les documents officiels relatifs à l’année 1789, ainsi que ceux qui s’étendaient jusqu’à 1815, ont été détruits pendant l’occupation anglaise, il n’en reste plus de traces, nous a-t-on dit, cette lacune se prolongeant même jusqu’à l’année 1831, la première où l’on ait commencé les recensements statistiques82 ». Il a donc fallu adapter les méthodes d’investigation et d’analyse. De 1789 à 1816, on peut seulement compter sur les « chiffres cités par le préfet colonial Laussat et déclarés provenir des recensements des ans XI et XII » et ceux trouvés dans les statistiques de Moreau de Jonnès pour les années 1806 et 1816. Le reste de la période est lacunaire du fait des répétitives occupations anglaises et de l’interruption des relations entre la métropole et la Martinique pendant le blocus continental.
41Pour la période allant de 1835 à 1870, les différents tomes de l’État de commerce, de cultures et de population relatif aux colonies françaises, publiés chaque année, ont été d’un grand apport en raison de la diversité des informations contenues. Aux changements de forme se sont additionnées une modification du type de données recensées, des unités de mesure ainsi qu’une diversification des données récoltées notamment concernant les esclaves (nuptialité, décès ou baptêmes). Jusque-là, les recensements se cantonnaient à l’estimation des biens de la colonie (nombre d’individus par catégorie sociale et juridique, par genre et par âge, nombre d’exploitations par denrée cultivée). Pour évaluer la production de l’île et ses échanges commerciaux, il fallait se référer aux états de commerce. L’intérêt de cette nouvelle publication réside donc dans la réunion de l’ensemble des informations concernant la colonie, regroupées sous plusieurs rubriques (population, culture, commerce) et ventilées par colonie. Un seul bulletin suffit pour comparer les données de différents secteurs, de différentes colonies.
42La première difficulté a été d’uniformiser les informations relatives à la fin du xviiie et au début du xixe siècle éparpillées dans l’immensité des fonds d’archives, et celles traitant du reste du xixe siècle, regroupées dans l’État de commerce, de cultures et de population relatif aux colonies françaises. Les mesures de poids, de monnaies et de superficies ont changé au cours des deux siècles. Il a donc fallu adapter, convertir, chiffres et données afin que les graphiques et les courbes aient du sens. Les superficies agricoles fournies en carrés à la fin du xviiie et au début du xixe siècle passent en hectares à partir de 1828 (« le système métrique n’a été introduit aux Antilles qu’en 1828. Antérieurement, les superficies étaient comptées en “carrés” ou “carreaux” de 100 pas de côté […]. En Martinique, la superficie du carré représentait donc 1,2927 hectare83 »), les données économiques et commerciales en livre-poids de marc au kilo se mesurent en livre coloniale puis se transforme en franc.
43Pour les diverses conversions, les valeurs des différentes unités de mesure données par Christian Schnakenbourg ont servi de références :
« En Martinique le pas valait 3,5 pieds, soit 1,137 mètre, et la superficie du carré représentait donc 1,2927 ha ».
Le quintal « mesure de Paris » valait 48,9 kg.
Enfin, la conversion de la livre en franc est plus complexe. D’ailleurs Chr. Schnakenbourg ne s’y essaie pas, considérant certainement qu’elle n’avait aucune justification dans ses travaux qu’il interrompt en 1835. Cependant, les actes notariés dépouillés ont permis d’évaluer que 100 francs valaient environ 185 anciennes livres coloniales dans les années 1820.
44Au rythme de l’analyse, une unité de mesure a été préférée à une autre, le type de conversion différant en fonction de la démonstration.
45Les discordances rencontrées dans les chiffres ont constitué une autre difficulté, il a fallu traiter les informations avec d’infinies précautions. Les chiffres divergent parfois du simple au double pour une même année. À plusieurs reprises, le choix entre deux chiffres s’est avéré nécessaire, il s’agissait de retenir le plus probable. Néanmoins, faut-il le préciser, tous les chiffres, même ceux qui concernent le xixe siècle sont sujets à caution. Chr. Schnakenbourg en explique les raisons :
« Les feuilles dites de recensements, qui comprennent la population, l’espèce et l’étendue des cultures, le nombre et la valeur des bestiaux sont, tous les ans, adressées aux commissaires commandants des quartiers. Pour les remplir, chacun d’eux appelle individuellement chaque habitant, afin de recevoir la déclaration des quantités de terres affectées par lui aux diverses cultures du pays. Par suite de l’insouciance naturelle des colons, beaucoup d’entre eux ne se rendent pas à la convocation, et chargent un voisin de répondre à leur place. On comprendra mieux encore le peu de valeur de semblables déclarations, lorsque l’on saura que la plupart des habitants ignorent souvent le nombre de leurs carrés de terre, et presque toujours leur exacte contenance. Aucun contrôle ne s’exerce à la suite de ces déclarations, et n’assure leur sincérité. C’est à la direction qu’une récapitulation générale s’opère. Il arrive fréquemment qu’on y reconnaisse des disproportions si énormes, qu’on est obligé de les faire disparaître […]84. »
46Les chiffres ou recensements ne doivent donc pas être pris au « pied du chiffre », mais seulement avoir valeur d’estimation, d’étalonnage. Ainsi les ordonnances, qui concernent l’imposition, donnent un aperçu du degré de fiabilité des sources chiffrées, en voici un cas d’école :
« Toutes les denrées exportées de la colonie […], un droit d’un pour cent de la valeur, laquelle sera constatée au Domaine ; Io. Par les factures des Commissionnaires vendeurs ; 2o. Par celles des premiers vendeurs, lorsque les denrées auront passé dans une main tierce avant de parvenir au Capitaine chargeur ; 3o. Par une estimation certifiée par un Capitaine de navire et deux Commissionnaires, lorsque les denrées seront chargées à fret par les Habitans eux-mêmes ; et, à l’égard des denrées vendues par divers en petites quantités, et dont l’estimation partielle deviendrait trop minutieuse, le capitaine qui devra les déclarer au Domaine85. »
47Il était de l’intérêt du capitaine de sous-déclarer ses marchandises afin de payer moins d’impôts. D’autant plus que la fraude paraît aisée quand il s’agit de petites quantités mises en fret par les petits habitants eux-mêmes. Il est indispensable de bien peser la pertinence de chaque chiffre.
Conseil privé
48Le conseil privé fut créé en 1826 en vertu des ordonnances royales des 21 août 1825 et 2 janvier 1826. Son rôle était équivalent à celui des conseils de préfecture, il gérait toutes les affaires contentieuses administratives. Ses compétences incluaient l’examen des comptes des comptables locaux, les avis sur le budget de la colonie, sur les projets de travaux, sur la fixation des impôts, sur les affranchissements d’esclaves, sur les concessions, etc. Sa consultation a été précieuse en ce qu’il décrit les projets pour la colonie notamment ceux se rapportant à l’agriculture. Il donne des tableaux des taxes et impôts touchant les denrées. Son dépouillement effectué pour les années 1829 à 1870 a ainsi permis d’apprécier l’évolution de la filière caféière au fil du xixe siècle et de confronter l’évolution de l’impôt à celle de la filière.
Conseil souverain
49Le Conseil souverain de la Martinique, source entièrement consultable aux archives de la Martinique, sous la série B, est essentiel dans l’appréhension des événements touchant la colonie. Son rôle consistait essentiellement à l’enregistrement des actes royaux, des ordonnances et arrêtés des administrateurs. Il renseigne donc sur de multiples sujets : état du commerce et des cultures, répartitions des impositions annuelles, etc. Son dépouillement a été précieux en ce qu’il a permis la comparaison des denrées entre elles sur la base de leurs impositions. Cette source donne aussi d’approcher les problèmes rencontrés dans la colonie à travers les questions qui étaient débattues lors des assemblées.
Le notariat
50La correspondance administrative ne décrit que de manière succincte le mode de vie des habitants caféiers et ce d’autant plus qu’il s’agit de rapports administratifs codifiés et souvent empreints des préjugés émanant de la classe dominante à qui ils sont destinés. Malgré l’intérêt de ces descriptions en ce qu’elles révèlent la perception qu’avaient les rédacteurs de leurs contemporains, seule une étude exhaustive du fonds notarial peut promouvoir une approche globale de la société d’habitations. Dans cet objectif, il a fallu très rapidement périodiser, sans cela le dépouillement de l’ensemble du notariat sur deux siècles n’aurait pas été fécond. Seule une bonne périodisation permettrait de mettre en évidence les évolutions. Trois périodes majeures, de dix années chacune, se sont imposées.
La première s’étale de 1776 à 1786. Elle commence avec les premières minutes, conservées grâce à la création par édit royal du Dépôt des papiers publics des colonies en 1776, et consultables aux Archives départementales de la Martinique, et se termine avant le début de la Révolution. Elle a été retenue comme représentative de l’ère caféière dans toute son ampleur. Les années 1770 correspondent en effet à l’apogée de la culture qui se prolonge dans les années 1780 avec les chiffres les plus élevés de l’exploitation caféière martiniquaise.
La deuxième période 1816-1826 correspond au retour de la paix après une période de troubles (révolutions, guerres, occupations, perturbations du trafic maritime). Anne Pérotin-Dumon montre assez bien l’impact de la période révolutionnaire sur les ports de Guadeloupe :
« [En 1808] l’activité des ports guadeloupéens en guerre est réduite à néant, car les relations directes avec les ports de France ont pratiquement cessé depuis une vingtaine d’années et le lien commercial entre ports et plantations, qui était le fondement même de la “colonie de commerce”, s’est gravement détérioré […] c’est la fin du grand commerce atlantique telle que l’ont vécu les ports des Antilles françaises. “La guerre maritime et les prolongements de la révolution coloniale ont détruit l’économie coloniale et le système d’échanges qu’elles animaient”, a écrit Butel à propos de Bordeaux sous la Révolution et l’Empire, qualifiant l’armement en course de “spéculation essentielle”86. »
51La similarité conjoncturelle des deux îles justifie le choix de cette borne chronologique. L’étude des actes compris dans cette période devrait révéler la situation économique des exploitants caféiers après une période compliquée.
La troisième et dernière période 1856-1866 est post-abolition et correspond à la fin du café en tant que denrée d’exportation. Les annuaires ou recensements affichent des chiffres négatifs ou très bas dans les colonnes des exportations de café, positifs dans les colonnes des importations.
52L’analyse n’a porté que sur les actes mentionnant l’existence de plantations de café, quel que soit leur nombre, qu’elles soient cultivées sur des habitations ou non. La mention de café déterminait le choix de relever l’acte. 249 bobines ont été dépouillées exhaustivement et ont permis de mettre en évidence un total de 898 actes au cours des périodes prédéfinies et 117 à d’autres dates. Ces derniers en grossissant les effectifs ont permis, parfois, de vérifier ou de compléter le propos.
Tableau 1. – Types d’actes par période.
Types d’actes | 1776-1786 | 1816-1826 | 1856-1866 | Totaux |
Vente | 278 | 250 | 101 | 629 |
Contrat de mariage | 17 | 63 | 11 | 91 |
Bail | 23 | 6 | 28 | 57 |
Adjudication/déguerpissement/ rétrocession/règlement liquidation/quittance | 8 | 16 | 19 | 43 |
Donation/cession/affectation/partage | 10 | 23 | 6 | 39 |
Inventaire/estimation | 10 | 5 | 15 | |
Échange | 5 | 8 | 13 | |
Société | 4 | 4 | 3 | 11 |
Totaux | 355 | 375 | 168 | 898 |
La liste des fonds notariés utilisés est détaillée en annexes.
Les ventes
53Les ventes d’habitations caféières diminuent graduellement au fil du xixe siècle. Cette diminution s’explique facilement au regard de l’évolution du nombre d’habitations caféières, il passe de 955 unités en 178587 à 878 en 182688, enfin à 154 en 186689.
54Il est à remarquer que les actes faisant appel à la justice ou dans lesquels interviennent des créanciers et des débiteurs (tels que les déguerpissements, les adjudications, etc.), peu présents à la fin du xviiie siècle, apparaissent progressivement au cours du xixe siècle. Cette augmentation atteste d’un progressif malaise dans l’économie caféière.
55Le dépouillement notarial a permis de générer une série de cartes localisant les habitations au sein de l’île pendant les trois périodes. Ces cartes ont été réalisées en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il a fallu dessiner un fonds de carte à partir d’une carte géoréférencée dans le logiciel Qgis. Cette réalisation impliquait de tenir compte des limites paroissiales des xviiie et xixe siècles elles ont ensuite évolué à partir de 1848 avec la transformation des paroisses en communes, et l’apparition de nouvelles délimitations. Pour ce travail de retraçage, les limites du fonds de carte de V. Cousseau90 ont servi de base. Pour en dessiner les contours, cet historien s’était inspiré de la carte de Moreau du Temple. Cette carte correspond donc au tracé des paroisses de la deuxième partie du xviiie siècle et aurait dû subir quelques modifications de découpage pour la seconde moitié du xixe siècle. Néanmoins, considérant que ces changements ne biaisaient ni le raisonnement ni les résultats, le même fonds de carte a été gardé pour les trois périodes afin de faciliter la comparaison.
Carte 1. – Paroisses de la seconde moitié du xviiie siècle à 1848, puis communes de la Martinique.
© M. Hardy.
Le contrat de mariage
56Le dépouillement du notariat a mis en évidence 121 contrats de mariage faisant référence à des habitations caféières. Ce type d’acte a toute son importance dans une étude sociale en ce qu’il donne de nombreux détails : le nom, la profession (fonction ou statut), le lieu de résidence, l’âge, la catégorie ethnique ou sociale des futurs époux : propriétaires de l’habitation et le nom, la profession et le lieu de résidence de leurs parents91. Les parents des futurs époux tiennent une grande place dans les contrats de mariage, de fait, un édit du roi, daté du mois de mars 1697, oblige leur assentiment. Seuls les garçons de plus de 30 ans, les filles de plus de 25, les veuves (passées lors d’une première noce sous l’autorité de leur mari), les enfants qui sont sans nouvelles de leurs parents absents du territoire sont dispensés de l’autorisation parentale92. L’ultime information concerne les signatures, lorsque les contractants ne peuvent pas signer, le notaire en stipule systématiquement les raisons (illettrisme, invalidité ou infirmité).
57Comme son nom l’indique, le contrat de mariage est un acte juridique qui a pour objectif de définir le régime matrimonial des futurs époux. Il définit un certain nombre d’arrangements, notamment sur le plan financier, qui règlent le cours du mariage avant que l’union ne soit définitivement conclue par la bénédiction sacramentelle. Il semblerait qu’au xviiie siècle le contrat de mariage semble concerner la majorité des mariages, par conséquent, il n’est en aucun cas représentatif d’une catégorie sociale. Une étude sur la Nouvelle-France au xviiie siècle a permis de le mettre en évidence : selon les régions 70 à 85 % des conjoints constituent un contrat de mariage et tous les groupes sociaux libres sont représentés93. Les actes dépouillés révèlent que toutes les catégories socio-économiques du groupe étudié sont concernées par la rédaction du contrat de mariage : Gens de couleur libres, Blancs, personnes aisées ou plus modestes.
Les déguerpissements
58Les déguerpissements donnent l’évolution de l’habitation sur plusieurs années. Comme le nom l’indique, ils ont pour vocation de déloger ou de déposséder quelqu’un de ses biens. La définition contemporaine diffère quelque peu de celle de l’époque moderne. Alors qu’aujourd’hui, le déguerpissement implique que l’État soit le propriétaire des lieux, autrefois, c’était l’occupant qui l’était, il devait alors s’en déposséder pour régler les dettes à son actif. Au regard des actes voici la définition qui semble la plus adaptée : le déguerpissement est l’« abandon de la propriété ou de la possession d’un immeuble pour se soustraire aux charges foncières qui le grèvent94 ».
59Cinq minutes notariales font acte de déguerpissement, en exposent les raisons, révèlent ensuite le nom et la fonction des nouveaux propriétaires, mais surtout, et ce qui est essentiel, donnent l’évolution de l’habitation en comparant son état au moment de sa cession puis de son déguerpissement. Ce type d’acte permet de pouvoir saisir les transformations qu’ont subies immeubles ou propriétés, en l’occurrence ici des habitations caféières pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies. Ces sources sont essentielles pour entrevoir l’évolution de la masse servile sur plusieurs années. Le détail des déguerpissements recensés est donné dans le tableau suivant.
Tableau 2. – Références et détails des actes de déguerpissement recensés.
No | Cote | Notaire | Date d’achat de l’habitation | Date du déguerpissement | Nombre d’années séparant l’achat du déguerpissement |
1 | 1Mi418 | Me Leblanc | 3 janvier 1766 | 29 décembre 1783 | 17 |
2 | 1Mi1020 | Me Husson | 1er septembre 1803 | 5 juin 1818 | 15 |
3 | 1Mil018 | Me Husson | 17 septembre 1812 | 12 février 1816 | 4 |
4 | 1Mi585 | Me de Bernard de Feissal | 10 juillet 1818 | 17 décembre 1822 | 4 |
5 | 1Mi585 | Me de Bernard de Feissal | Septembre 1819 | 27 mai 1822 | 2 |
Les périodiques
60Selon le dictionnaire des journaux (1600-1789)95, ce n’est qu’à la fin de la décennie 1760 que le premier journal de la Martinique voit le jour sous le nom de Gazette de la Martinique. Son organisation bipartite lui confère deux fonctions principales : la publication de textes officiels et la diffusion d’informations pratiques (publicité, avis de vente ou de perte d’objets). Les dates extrêmes de ses publications sont encore mal connues, mais les premiers numéros retrouvés datent de 1766, les derniers consultables aux Archives départementales de la Martinique sont de 1831. Les numéros conservés renseignent sur la vie quotidienne tout autant que sur les sociabilités qui se font au quotidien au sein de la colonie, bien que le quotidien au sein des caféières y demeure lettre morte. Avec l’arrivée du xixe siècle, plusieurs autres journaux sont créés. La première publication du Journal officiel de la Martinique a lieu en 1818 et perdure jusqu’au xxe siècle : le Courrier de la Martinique apparaît pour la première fois en 1832, le Martiniquais, économie politique, commerce, industrie, littérature en 1854. Ces derniers sont importants pour la connaissance des mouvements commerciaux des denrées, les évolutions des productions de l’île et pour l’appréhension des événements qui touchent l’île, telle que l’abolition de l’esclavage.
61Les périodiques révèlent une réalité bien différente de celle qui transparaît à travers la correspondance administrative. Cette dernière correspond, en effet, davantage à l’idéologie des élites locales figées dans un carcan aux barrières sociales infranchissables. Les périodiques, tout autant que les actes notariés, mettent en relief une société bien moins contrastée avec bien plus de perméabilité que celle décrite par les ouvrages à caractère de sources qui ont pendant longtemps inspiré les historiens.
Les ouvrages ayant valeur de sources
62Un nombre considérable d’ouvrages contemporains des xviiie et xixe siècles sont arrivés jusqu’à nous96. Ces manuscrits demandent d’infinies précautions dans leur utilisation en ce qu’ils demeurent extrêmement subjectifs et souvent orientés par les courants de pensée contemporains de leur rédaction. Ils sont, pour la plupart, rédigés par l’élite de la société. Ainsi aucun ouvrage rédigé par un esclave ou un Libre de couleur des Antilles françaises n’a encore été recensé. Deux sortes de mémoire existent, les uns émanent de la plume des administrateurs de la colonie, les autres proviennent de l’observation de naturalistes, voyageurs, observateurs ; leur vocation très éloignée donne une approche divergente. Les premiers, dans une logique coloniale, s’attachent à rendre compte à la métropole de tout ce qu’ils savent des principaux secteurs économiques. Les mêmes rubriques rythment leur lecture : l’agriculture, le commerce et l’industrie ; trois secteurs qui doivent être impulsés pour la gloire et l’enrichissement de la métropole. Ces mémoires s’apparentent beaucoup à la correspondance administrative de par leur appartenance à la « machine coloniale97 ». Les auteurs de ces ouvrages sont la plupart du temps des « administrateurs souvent ignorants à leur arrivée des réalités coloniales, vivent en pratique dans le monde clos des Grands Blancs, propriétaires de riches “habitations” et possesseurs d’ateliers d’esclaves noirs […]. Tout naturellement ils en arrivent à partager les mentalités des colons98 ». Ainsi a-t-on accès à travers les descriptions émanant de ces ouvrages à la vision de l’élite locale.
63Le deuxième type de mémoires ou manuscrits rédigés aux xviiie et xixe siècles avait généralement une vocation pédagogique décrivant scrupuleusement les ressources et les richesses d’un territoire éloigné encore peu connu de la métropole. Souvent issus de l’observation de naturalistes ou de voyageurs de passage dans la colonie, les descriptions se cantonnent, dans la plupart des cas, aux éléments topographiques, botaniques et lorsqu’ils sont agronomiques, la culture de la canne est méticuleusement détaillée au détriment des autres cultures. Le mode de vie des habitants de ces contrées lointaines est décrit lorsqu’il possède un intérêt pour le novice dans son particularisme et son originalité. Ainsi n’est-il pas rare de voir ces ouvrages véhiculer des clichés sur les caractéristiques sociales et sur les mœurs dans les colonies.
64Il existe aussi quelques manuels de planteurs, mais ici encore, seul le sucre est digne d’intérêt, en Martinique et en Guadeloupe du moins, parce que Saint-Domingue a été l’objet d’inspiration de l’unique et principal manuel sur l’exploitation caféière connue dans la Caraïbe : le manuel de Laborie99. Je ne m’y référerai que dans un nombre limité de fois considérant que les descriptions et explications qui en ressortent ne peuvent être calquées sur les caractéristiques des habitations caféières martiniquaises.
65Ce type de bibliographie ne donne donc qu’une approche limitée de l’histoire, empreinte de préjugés et faussée par une vision de haut en bas de la société. Néanmoins, l’utilisation de certains de ces mémoires permet, par une confrontation avec d’autres types de sources, de mettre en évidence le décalage qui existait entre la réalité et la perception qu’avaient les contemporains de l’époque moderne et du début de l’époque contemporaine sur le monde dans lequel ils évoluaient.
L’iconographie
66Si l’habitation sucrerie a largement été représentée dans l’iconographie coloniale des Antilles françaises, l’habitation caféière martiniquaise fait figure de parent pauvre dans le domaine. Plusieurs raisons expliquent ce constat.
67Deux grandes périodes jalonnent l’histoire de la représentation iconographique de la Martinique des débuts de la colonisation jusqu’au xxe siècle. La première concerne les premiers temps de la colonisation, l’iconographie constitue alors « un des moyens privilégiés de faire connaître au grand public le Nouveau Monde100 ». Les chroniqueurs s’attachent à faire illustrer leurs propos par des dessinateurs européens. Parmi ces nombreuses représentations, l’exploitation sucrière est présentée comme l’archétype des exploitations coloniales. Le travail de l’indigo et du tabac sont parfois également représentés, mais celui d’autres comme le cacao n’y trouve pas leur place. Notons qu’alors même que le café n’a pas encore fait son entrée aux Antilles, une hiérarchie se dessine déjà entre les cultures dignes d’intérêt et celles qui ne le sont pas. Le curseur est fixé sur la rentabilité et la technicité de la transformation du produit. Mais l’ordre d’arrivée des cultures joue un rôle prépondérant dans le souci et la volonté de représenter.
68En effet, à Bourbon, le café, première culture d’exportation jusqu’au développement de la canne à partir de 1815, a plus largement inspiré les illustrateurs. Alors qu’aucune représentation d’exploitation caféière aux Antilles françaises n’a encore été recensée à ce jour, elles sont plusieurs pour Bourbon. L’aquarelle attribuée à J. J. Patu de Rosemont donne à voir la transformation du café par les esclaves au sein d’une caféière de l’île de l’océan indien. Ce dessin permet de constater qu’il n’y avait pas de commune mesure entre les exploitations caféières de Bourdon et celles de la Martinique aussi bien dans leur superficie que dans la taille de leurs ateliers. Les techniques de transformations ne sont pas plus comparables.
69Enfin la seconde période correspond au développement de la lithographie à partir de la deuxième moitié du xixe siècle qui permet de toucher un large public avec une diffusion de masse notamment à travers les journaux tels que l’Illustration. « C’est dans cette effervescence iconographique que s’opère l’identification absolue entre les Antilles et la culture de la canne. L’imagerie tropicale se concentre désormais sur le sucre, et de manière presque exclusive, suivant en cela l’effacement progressif des cultures secondaires dans les colonies françaises d’Amérique101. » Face au monopole du sucre, le café trouve d’autant plus difficilement sa place dans les représentations que son exploitation est alors déclinante à la différence du premier qui bénéficie d’un nouveau départ consécutivement à l’industrialisation de l’économie cannière.
70Notons également, que même si l’habitation sucrerie a été favorisée dans la représentation artistique, ce sont les aspects industriels qui ont la faveur des illustrateurs. Ce qui importe n’est pas de décrire un mode de vie, mais d’expliquer une organisation industrielle qui seule justifie l’existence de la colonie. Dans son article sur les représentations iconographiques de l’habitation-sucrerie, Danielle Bégot exprime la difficulté de trouver une représentation de l’habitation-sucrerie dans son entièreté. L’espace domestique est souvent oublié ou représenté au second plan avec peu de détails et d’intérêt pour le chercheur en histoire sociale…
Plan et distribution thématique
71Le monde de l’habitation est considérablement imbriqué dans celui du commerce, l’un conditionnant et impulsant le devenir de l’autre. Pour l’étudier, il importe dans un premier temps de comprendre les grandes phases de la production caféière martiniquaise. Cela suppose d’avoir une vision globale de l’évolution de la culture du café, de son introduction à son déclin (partie 1), en la replaçant dans un contexte international. À partir de son arrivée sur le territoire martiniquais dans les années 1720 (partie 1, chapitre i), l’exploitation caféière se développe jusqu’à la Révolution française, tournant économique difficile qui génère une rupture dans les réseaux commerciaux et d’importantes restructurations. L’exploitation caféière commence alors son déclin (partie 1, chapitre ii).
72À l’échelle locale, les habitations peuvent ensuite être présentées. Chacune a sa propre dynamique, presque indépendamment de l’évolution générale de l’économie caféière présentée en première partie. Un certain nombre d’éléments locaux inhérents à l’évolution des habitations sont aussi à l’origine de la faillite de la filière au cours du xixe siècle. Tout comme les habitations sucrières, mais à une échelle moindre, les habitations ont une organisation tripartite : les plantations, les bâtiments d’exploitation (espace de travail), les lieux de vie (partie 1, chapitre iii).
73Enfin, ces structures économiques n’existent pas sans l’Homme caféier, qui est-il ? L’étude des caféiers permet d’appréhender la société martiniquaise dans toute sa diversité. L’analyse sociale tend vers l’intersectionnalité en ce qu’elle entend étudier le monde caféier dans sa diversité, afin de prendre en compte la pluralité des expériences à l’intersection des genres, races et de la classe. Son étude débute par une analyse sociologique des propriétaires. Leurs caractéristiques démographiques et sociologiques, ainsi que leur mode de vie (partie 2, chapitre iv) esquissent de multiples profils aux structures et comportements sociaux uniques. Ils peuvent être hommes, femmes, blanc(he)s, noir(e)s, riches ou pauvres (partie 2, chapitre v). Quelle que soit l’époque étudiée, les hommes caféiers ont des caractéristiques comportementales propres et un mode de vie particulier au sein d’un univers qui semble restreint (partie 2, chapitre vi). Pourtant l’habitation ne constitue pas l’unique sphère sociale et économique des propriétaires caféiers, ces derniers ne sont d’ailleurs pas nécessairement habitants de profession et font parfois aussi partie du monde du commerce et du négoce. Émergent alors les relations et les connexions qui existaient entre le monde de l’habitation, producteur de denrées, et la ville, terrain de vente et de sociabilité.
74Les esclaves, principal moteur de l’exploitation agricole, sont ensuite étudiés non pas comme entité uniforme, mais dans l’objectif de toucher du doigt leur particularisme, ainsi que l’agentivité par eux mise en place au sein de ces structures (partie 3). Avec l’abolition de l’esclavage, le café, tremplin économique, constitue leur porte d’entrée vers l’indépendance (partie 3, chapitre ix).
Notes de bas de page
1 Hardy Marie, Caféières et sucreries sur la côte au vent de la Martinique : une étude de cas (Trinité, Sainte-Marie, Robert) à partir de minutes notariales de la fin du xviiie siècle, mémoire de master 1 : histoire soutenue sous la direction de Danielle Bégot, université des Antilles et de la Guyane, juin 2007 ; Hardy Marie, Les habitations caféières de Saint-Pierre et de Saint-Hyacinthe de 1776 à 1815, mémoire de master 2 : histoire soutenu sous la direction de Danielle Bégot, université des Antilles et de la Guyane, 2008.
2 Pérotin-Dumon Anne, La ville aux îles, la ville dans l’île, Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, Paris, Karthala, 2000, p. 57.
3 Pérotin-Dumon Anne, La ville aux îles, la ville dans l’île, Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, op. cit., p. 58.
4 Meslien Sylvie, La canne à sucre et ses enjeux aux Antilles françaises, des origines au début du xxe siècle, Martinique, CRDP, 2009.
5 Eadie Émile, Éléments d’histoire des habitations de la Martinique du xviie au xxe siècle, Martinique, CRDP, 2007. Cet ouvrage se situe dans la droite ligne de sa thèse qui portait déjà sur le sucre : Eadie Émile, Émile Bougenot : un gadzart à la Martinique (1838-1925) : la vapeur dans la fabrication du sucre à la Martinique de 1860 à nos jours, Atelier national de reproduction des thèses, EHESS, Paris, 1994.
6 Crusol Jean, Les îles à sucre, de la colonisation à la mondialisation, Mercuès, Les Persiades, 2007.
7 Jalabert Laurent, La colonisation sans nom, la Martinique de 1960 à nos jours, Paris, Les Indes savantes, 2007.
8 Ibid., p. 14.
9 Schnakenbourg Christian, « Histoire économique », in Guide de la recherche en histoire antillaise et guyanaise, vol. 1, Éditions du comité des travaux historiques et scientifiques/Académie des sciences d’outre-mer, 2011, p. 968.
10 Pour le prix des denrées je me suis référée aux chiffres donnés dans le Fonds généralités aux ADM (1Mi236, le 8 mars 1772, réflexions sur les manières d’imposer les colonies), pour les chiffres de la production des deux denrées pour l’année 1774 au travail de Statistiques de Schnakenbourg.
11 Cette assertion émane des chiffres obtenus d’un sondage effectué après de 100 personnes questionnées dans les rues de Fort-de-France. Ce sondage a été opéré dans le cadre d’une communication intitulée « le café martiniquais, un objet de patrimonialisation ? » présentée par Marie Hardy le 5 mars 2011 au colloque international à Cayenne intitulé « Territoire et patrimonialisation ».
12 Pour le xviiie siècle voir Schnakenbourg Christian, « Statistiques pour l’histoire de l’économie de plantation en Guadeloupe et Martinique (1635-1835) », in Annales des Antilles, Bulletin de la société d’histoire de la Guadeloupe, no 21, 1977, p. 121., pour le xixe siècle se référer aux États annuels de population, de cultures et de commerce relatifs aux colonies françaises, à partir de 1834 consultables aux ANOM.
13 Cauna Jacques de, L’Eldorado des Aquitains, Gascons, Basques et Béarnais aux Îles d’Amérique (xviie-xviiie siècles), Biarritz, Atlantica, 1998, p. 42.
14 Cauna Jacques de, Haïti : l’éternelle révolution, Histoire de sa décolonisation (1789-1804), Monein, Éditions Pyremonde, 2009, p. 45.
15 Carteau Jean-Félix, Soirées bermudiennes, p. 97, in ibid., p. 53.
16 Pierre Pluchon dans sa présentation sur les plantations des Antilles et de la Guyane exprime bien cette tendance à faire d’elles un moyen d’accéder à la richesse : « Les plantations, ou Habitations, comme disent les Français, sont ces propriétés agro-industrielles, bâties à coups de spéculation, qui, par la production de leurs denrées, sucre, café, indigo et coton procurent la richesse aux colonies américaines », in Pluchon Pierre, Histoire des Antilles et de la Guyane, Toulouse, Privat, 1982, p. 203.
17 Higman Barry W., « Physical and Economic Environments », in Shepherd Verene et McD. Beckles Hilary (éd.), Caribbean Slavery in the Atlantic World, A student Reader, Oxford, 2000, p. 365-389.
18 Petitjean Roget Jacques, La société d’habitation à la Martinique, un demi-siècle de formation 1635-1685, Histoire, Paris VII, Lille III, 1980.
19 Cf. paragraphe sur la définition de l’habitant.
20 ANOM, G1-470bis, Recensement général de la colonie de la Martinique pour la population et la culture pour l’année 1770.
21 ANOM, G1-470bis, op. cit., année 1789.
22 Cette moyenne a été calculée à partir des données issues du dépouillement des registres notariés, puis vérifiée par les chiffres du recensement de 1789 qui donne une moyenne de 5 carrés.
23 Les recensements constitués avant tout dans un objectif économique ne donnent malheureusement pas les superficies totales des habitations, seules les terres cultivées importaient. L’étude d’un millier d’actes notariés a néanmoins donné les moyennes suivantes : une habitation caféière martiniquaise mesurait en moyenne 15 carrés (soit 19 hectares) entre 1776 et 1786, 12 carrés (soit 16 hectares) entre 1816 et 1826, 16 hectares entre 1856 et 1866.
24 Geggus David P., « Sugar and Coffee Cultivation in Saint Domingue and the Shaping of the Slave Labor Force », in Berlin Ira et Morgan Philip D. (éd.), Cultivation and Culture, Labor and the Shaping of Slave life in the Americas, Charlottesville/Londres, University Press of Virginia, 1993, p. 75.
25 Hurwitz Samuel, Jamaica. A Historical Portrait, New York, Praeger Publishers, 1971, p. 51.
26 Higman Barry W., « Coffee plantations », in Jamaica surveyed, Plantation maps and plans of the eighteenth and nineteenth centuries, Jamaïque, Institute of Jamaica Publications Limited, 1988, p. 14.
27 Régent Frédéric, « Esclavage et société, Guadeloupe, Martinique, xviie-xviiie siècle. Bilan de la recherche en histoire sociale dans les Antilles d’Ancien Régime », in Guide de la recherche en histoire antillaise et guyanaise, Péronnas, CTHS, 2011, p. 411-424.
28 Régent Frédéric, « Esclavage et société, Guadeloupe, Martinique, xviie-xviiie siècle. Bilan de la recherche en histoire sociale dans les Antilles d’Ancien Régime », in Guide de la recherche en histoire antillaise et guyanaise, Péronnas, CTHS, 2011, p. 415.
29 Pérotin-Dumon Anne et Mam-Lam-Fouck Serge, « Historiography of the French Antilles and French Guyana », in Higman B. W. (éd.), General history of the caribbean, Methodology and Historiography of the Caribbean, vol. VI, Londres/Oxford, UNESCO, 1999, p. 647.
30 Hayot Émile, « Les Gens de couleur libres du Fort-Royal, 1679-1823 », in RFHOM, vol. LVI, no 202, 1969, p. 5-98.
31 Élisabeth Léo, La société martiniquaise aux xviie et xviiie siècles. 1664-1789, Paris, Karthala, 2003, 526 p. Élisabeth Léo, Le cahier de doléances des gens de couleur libres, C.A.R.D.H/C.R.D.P, 16 mars 1988, p. 19-36.
32 Niort Jean-François, « Les libres de couleur dans la société coloniale ou la ségrégation à l’œuvre (xviie-xixe siècles) », Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe, no 131, janvier 2002, p. 61-111.
33 Geggus David, « Esclaves et gens de couleur libres de la Martinique pendant l’époque révolutionnaire napoléonienne : trois instants de résistance », Bulletin de la Société d’histoire de la Martinique, no 31, 1997, p. 58-76.
34 Louis Abel, Les libres de couleur en Martinique des origines à 1815 : l’entre-deux d’un groupe social dans la tourmente coloniale, Histoire, université des Antilles et de la Guyane, Campus de Schœlcher, 2011, 856 p.
35 Pierre-Louis Jessica, Les libres de couleur face au préjugé : franchir la barrière à la Martinique aux xviie-xviiie siècles, thèse de doctorat d’histoire, Schoelcher, université des Antilles et de la Guyane, juin 2015.
36 Lebeau Auguste, De la condition des gens de couleur libres sous l’Ancien Régime, thèse de droit, Paris, 1903. Duval Christianne, La condition juridique des hommes de couleur libres à la Martinique au temps de l’esclavage, thèse de droit, Paris, Paris II, 1975.
37 Selon le Dictionnaire de l’Académie française de 1762 l’atelier « se prend collectivement pour tous les Ouvriers qui travaillent sous un même Maître », il s’emploie aussi dans les colonies pour désigner le groupe d’esclaves attaché à une habitation.
38 Pérotin-Dumon Anne, La ville aux îles, la ville dans l’île, Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, Paris, Karthala, 2000, p. 689.
39 Aussi faut-il imaginer qu’un groupe social est souvent un objet socialement construit et socialement défini. Ici, c’est la société martiniquaise dans son entièreté qui serait à l’origine de cette construction puisque perception négative, il semble y avoir.
40 La Révolution de 1789 n’a en effet opéré aucun changement immédiat en Martinique, et cela d’autant plus que cette dernière a tout de suite été sous domination anglaise. En 1794, peu de temps après la Révolution française qui abolissait l’esclavage les colons, qui n’entendent pas faire les frais d’une révolution qui leur enlève la main-d’œuvre indispensable à leur exploitation, passent sous domination anglaise. Pendant la longue occupation, les colons bénéficient donc du maintien des acquis issus de l’Ancien Régime. Lorsque la Martinique repasse aux mains de la France en 1802, l’esclavage a déjà été restauré par Napoléon Bonaparte. Ainsi la Martinique contrairement à la Guadeloupe n’a pas connu de première abolition de l’esclavage.
41 Douki Caroline et Minard Philippe, « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 54-4bis, mai 2007, p. 7-21.
42 Voir note 39.
43 On entend par « mercantilisme » la politique économique et commerciale de la France du xviiie siècle dont Colbert fût le grand maître d’œuvre. En opposition avec la politique libérale commencée au xixe siècle, elle visait le contrôle national de tous les mouvements économiques et financiers.
44 Pérotin-Dumon Anne et Mam-Lam-Fouck Serge, « Historiography of the French Antilles and French Guyana », art. cité, p. 645.
45 Dardelb Pierre, Navires et marchandises dans les ports de Rouen et du Havre au xviiie siècle, Paris, École pratique des hautes études, 1963, 787 p.
46 Tarrade Jean, Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime. L’évolution du régime de l’« exclusif » de 1763 à 1789, Paris, PUF, 1972, 891 p.
47 Butel Paul, La croissance commerciale bordelaise dans la seconde moitié du xviiie siècle, Paris I, 1973, 1 164 p.
48 Halgouet Hervé du, Nantes, ses relations commerciales avec les îles d’Amérique au xviiie siècle, ses armateurs, Rennes, Imprimerie Oberthur, 1939, 292 p.
49 Tuchscherer Michel (éd.), Marseille entre Moka et café des îles : espaces, flux, réseaux xviie-xviiie siècles, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 2001, 410 p.
50 Courdurier Michel, « Du café du Yémen au café des Antilles ou renversements de courants commerciaux sur la place de Marseille (xviie-xviiie siècles) », in Le café en Méditerranée, Histoire, Anthropologie, Économie, xviiie-xxe siècle, 1980, p. 73-93.
51 Turner Antony, Le café, essai historique, Paris, Blusson, 2002.
52 Higman Barry W., « Coffee plantations », art. cité. Higman Barry W., Slave Population and Economy in Jamaica, 1807-1834, Barbados, University of the West Indies Press, 1995.
53 Delle James A., An Archaeology of Social Space, Analyzing Coffee Plantations in Jamaica’s Blue Mountains, New York/Londres, Plenum Press, 1998. Bustard Wendy, « An Archaeology of Social Space: Analyzing Coffee Plantations in Jamaica’s Blue Mountains by James A. Delle », in Journal of Anthropological Research, vol. 55, no 1, Spring 1999, p. 170-172.
54 Geggus David P., « Sugar and Coffee Cultivation in Saint Domingue and the Shaping of the Slave Labor Force », art. cité.
55 Trouillot Michel-Rolph, « Coffee Planters and Coffee Slaves in the Antilles: the Impact of a Secondary Crop », in Berlin Ira et Morgan Philip D. (éd.), Cultivation and Culture, Labor and the Shaping of Slave life in the Americas, Charlottesville/Londres, University Press of Virginia, 1993, p. 124-137 ; Trouillot Michel-Rolph, « Motion in the system: Coffee, Color, and Slavery in Eighteenth-century Saint-Domingue », Review, V, no 3, Winter 1982, p. 331-388.
56 Debien Gabriel, « Le plan et les débuts d’une caféière à Saint-Domingue : la plantation “La Merveillère” aux Anses-à-Pitre (1789-1792) », in Revue de la Société d’histoire et de géographie d’Haïti, vol. 14, no 51, 1943, p. 12-32. Debien Gabriel, « Plantations à la Guadeloupe, la caféière et la sucrerie Bologne au Baillif (1787) », in BSHG, no 3-4, 1965, p. 11-21.
57 Vasquez Robert, « Café et identité nationale : Cuba au xixe siècle », in La fleur du café, caféiculteurs de l’Amérique hispanophone, Paris, Karthala, 2000, p. 344.
58 Vogt Melissa, Variance In Approach Toward A “Sustainable” Coffee Industry In Costa Rica: Perspectives from Within; Lessons and Insights, Ubiquity Press, 2019, p. 22, [https://0-www-jstor-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/stable/j.ctv11cvx7c.8?refreqid=excelsior%3Ab8999c75490a318664b05ac61b48ba7e&seq=7#metadata_info_tab_contents], consulté le 26 octobre 2020.
59 Ibid.
60 Vogt Melissa, Variance In Approach Toward A “Sustainable” Coffee Industry In Costa Rica: Perspectives from Within; Lessons and Insights, op. cit.
61 Topic S., « La fazenda brésilienne : usine aux champs ou village paysan ? », Ateliers de Caravelle, no 14, novembre 1999, p. 107-115, in Grandjean Pernette et Tulet Jean-Christian, « Le café, culture exemplaire du Brésil », in Caravelle. Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, vol. 75, no 1, 2000, p. 95.
62 Pour reprendre la formule de Charles Wagley.
63 Gardey Philippe, Négociants et marchands à Bordeaux, de la guerre d’Amérique à la restauration (1780-1830), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2009, p. 18.
64 On peut citer la famille de la Comtesse de Rouvray et un grand nombre de familles dont Jacques de Cauna fait l’étude prosopographique dans son ouvrage intitulé : L’eldorado des aquitains, Gascons, Basques et Béarnais aux Îles d’Amérique (xviie-xviiie siècles) dont la famille de Brossard-Laguehaye.
65 Oudin-Bastide Caroline, Travail, capitalisme et société esclavagiste, Guadeloupe, Martinique (xviie-xixe siècles), Paris, La Découverte, 2005, 347 p.
66 Lafleur Gérard, « La culture du café en Guadeloupe de son introduction à sa quasi-disparition », in BSHG, no 145, 2006, p. 59-120.
67 Oudin-Bastide Caroline, Travail, capitalisme et société esclavagiste, Guadeloupe, Martinique (xviie-xixe siècles), op. cit., p. 101.
68 Saint-Louis Vertus, « Femmes et familles dans la société esclavagiste de Saint-Domingue », in Revue haïtienne d’histoire et de géographie, vol. 76, spécial « Les femmes et l’esclavage », mars 2002, p. 2-12.
69 Rogers Dominique, « Les libres de couleur dans les capitales de Saint-Domingue : fortune, mentalités et intégration à la fin de l’Ancien Régime (1776-1789) », op. cit., p. 63.
70 Ibid.
71 Ève Prosper, Histoire d’une renommée, l’aventure du caféier à Bourbon, la Réunion des années 1710 à nos jours, Saint-André de la Réunion, Océan Éditions, 2006.
72 Se référer à mes mémoires de master I : Les habitations caféières de la côte au vent de la Martinique soutenu en juin 2007 et master II : Les habitations caféières de Saint-Pierre et de Saint-Hyacinthe de 1776 à 1815 soutenu en septembre 2008, tous deux dirigés par Mme Danielle Bégot.
73 Geggus David P., « Sugar and Coffee Cultivation in Saint Domingue and the Shaping of the Slave Labor Force », art. cité.
74 Trouillot Michel-Rolph, « Coffee Planters and Coffee Slaves in the Antilles: the Impact of a Secondary Crop », art. cité.
75 Siguret Roselyne, « Esclaves d’indigoteries et de caféières au quartier Jacmel, 1757-1791 », in Revue française d’histoire d’outre-mer, no 199, 1968, p. 230.
76 Keith A. Manuel, University of Florida.
77 Lafleur Gérard, « La culture du café en Guadeloupe de son introduction à sa quasi-disparition », art. cité.
78 Le patrimoine des communes de la Martinique, Flohic Éditions, 1998, (Le Patrimoine des Communes de France).
79 Richard Gérard, « La Grivelière, habitation-caféière de Vieux-Habitants », in Bégot Danielle et Hocquet Jean-Claude, Le sucre, de l’antiquité à son destin antillais, Paris, Éditions du CTHS, 2000, p. 243-263.
80 ADM, C8A, Correspondance administrative.
81 Tarrade Jean, Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime. L’évolution du régime de l’« exclusif » de 1763 à 1789, vol. II, Paris, PUF, 1972, p. 713.
82 Lavollée M. P., Ministère de la Marine et des Finances. Notes sur les cultures et la production de la Martinique et de la Guadeloupe. Extrait d’un rapport aux ministres de la marine et des Finances, Guadeloupe, juin 1839, Paris, Imprimerie royale, juin 1841, p. 18.
83 Schnakenbourg Christian, « Statistiques pour l’histoire de l’économie de plantation en Guadeloupe et Martinique (1635-1835) », art. cité, p. 56.
84 Schnakenbourg Christian, « Statistiques pour l’histoire de l’économie de plantation en Guadeloupe et Martinique (1635-1835) », op. cit., p. 18.
85 ADM, Code de la Martinique, t. IV, le 15 février 1789, no 749. Ordonnance concernant l’imposition sur la Martinique pour l’année 1789.
86 Pérotin-Dumon Anne, La ville aux îles, la ville dans l’île, Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, op. cit., p. 269-270.
87 ANOM, G1-470bis, Recensement général de la colonie de la Martinique pour la population et la culture pour l’année 1785.
88 Schnakenbourg Christian, « Statistiques pour l’histoire de l’économie de plantation en Guadeloupe et Martinique (1635-1835) », art. cité, p. 108.
89 ANOM, États de population, de cultures et de commerce relatifs aux colonies françaises, pour l’année 1835, avec le complément des états de 1834, ministère de la Marine et des Colonies.
90 Je tiens d’ailleurs ici à remercier Vincent Cousseau qui a eu l’amabilité de bien vouloir communiquer son fonds de carte sous format JPEG, me facilitant ainsi le travail de recoupement géographique.
91 ADM, arrêt du conseil Souverain du 13 mai 1758, t. 2, acte XII.
92 Tubermont Guérin de, Traité des contrats de mariage, contenant un recueil des maximes les plus approuvées pour les régler et les dresser avec précaution…, Paris, D. Beugnié, 1708.
93 Pilon Nathalie, Le destin des veuves et des veufs de la région de Montréal au milieu du xviiie siècle. Pour mieux comprendre la monoparentalité dans le Québec préindustriel, mémoire de maîtrise en histoire, université de Montréal, 2000, 136 p.
94 Capitant Henri, Vocabulaire juridique, PUF, Paris, 1936, in Le trésor de la langue française, dictionnaire de la langue du xixe et du xxe siècle.
95 [http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0518-gazette-de-la-martinique].
96 Se référer à la bibliographie de fin de thèse.
97 Cette expression est empruntée aux historiens des sciences aux colonies à l’origine du livre suivant : McClellan III James E. et Regourd François, The Colonial Machine: French Science and Overseas Expansion in the Old Regime, Belgium, Brepols, coll. « Collection of Studies from the International Academy of the History of Science », no 87, 2011, 694 p.
98 Colloque international : Tarrade Jean, Les abolitions de l’esclavage de L. F. Sonthonax à V. Schoelcher 1793-1794-1848, 3, 4 et 5 février 1994, université de Paris VIII/Presses universitaires de Vincennes/Éditions UNESCO, 1994.
99 Laborie Pierre-Joseph, The coffee planter of Saint Domingo, Londres, T. Cadell and W. Davies, 1798.
100 Bégot Danielle, « À propos des représentations iconographiques de l’habitation-sucrerie aux Antilles-françaises », in Construire l’histoire antillaise, Paris, CTHS, 2002, p. 289-308.
101 Bégot Danielle, « Exposé inaugural. Sucre, îles, images : iconographie et histoire aux Antilles françaises », in Le sucre, de l’Antiquité à son destin antillais, Paris, CTHS, 2000, p. 21-40.
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