Des statistiques privées aux statistiques publiques
Brève histoire de l’indice des prix à la consommation en Argentine
p. 121-140
Texte intégral
1Aujourd’hui, les statistiques aident les agents économiques et sociaux à évoluer dans l’économie et à prendre des décisions. L’indice des prix à la consommation (IPC), le produit intérieur brut (PIB), le taux de chômage, entre autres, décrivent et interprètent la réalité1. Ces statistiques sont généralement, mais pas exclusivement, produites par des agences nationales de statistiques. Le sceau public et officiel est perçu comme un gage d’objectivité et crée la confiance dans les chiffres. Toutefois, la frontière entre statistiques publiques et statistiques privées peut être floue, et la trajectoire d’un outil de quantification n’est pas forcément linéaire.
2Comme l’affirme Matthew Hayes2, l’IPC est devenu l’indicateur qui rend visible le problème économique que représente l’inflation pour un Gouvernement. Pourquoi est-il important de décrypter l’histoire de l’IPC argentin ? Premièrement, mesurer l’inflation est particulièrement pertinent en Argentine car ce pays a connu plusieurs périodes d’inflation depuis son indépendance. Après la Seconde Guerre mondiale, l’IPC est utilisé pour juger des résultats du Gouvernement. Les épisodes d’hyperinflation de 1989 à 1991 ont ouvert la voie à de profondes réformes économiques néolibérales ; depuis, le « fantôme de l’inflation rampante3 » conditionne la politique économique du pays. Les Argentins ont développé à la fois un intérêt particulier pour l’IPC officiel et des comportements spécifiques et des connaissances pratiques pour gérer les augmentations de prix4. L’importance croissante de l’inflation dans les résultats macroéconomiques de l’Argentine a conduit à l’élaboration de théories nationales sur l’inflation5. L’IPC est donc un outil statistique et politique fondamental étroitement associé à un problème macroéconomique important qui persiste encore de nos jours, de même que le PIB est un indicateur essentiel de développement national et d’expansion au niveau mondial6. De plus, même si l’indice des prix argentin est né pratiquement en même temps que celui des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, il s’est toujours distingué de ses équivalents étrangers par sa couverture géographique et par le nombre et le type de prix officiellement estimés. À l’origine, l’IPC argentin était un indicateur davantage économique que social, contrairement aux indices étrangers à la même époque7. Dans les années 1930, toutefois, l’objet de cet indicateur change et l’IPC revêt progressivement d’autres fonctions et usages politiques, comme nous le verrons dans ce chapitre. Enfin, l’importance politique de l’IPC s’est accrue lors de la dernière crise qu’il a connue, lorsque les chiffres officiels ont été discrédités par l’intervention du politique dans l’élaboration de l’indice des prix. Depuis, l’IPC officiel a perdu en crédibilité au niveau international et a disparu pour un temps des revues spécialisées et des rapports des organisations internationales. Le débat public qui s’est ouvert dans le pays sur l’IPC (2007-2015) n’est pas le même que dans les autres pays. De récentes controverses ont porté sur l’intégration de certains coûts dans l’indice8 et sur les innovations continues qui entraînent un renouvellement rapide des produits et la multiplication des modes de vente9. Le débat de la période 2007-2015 a essentiellement porté sur les prix utilisés pour calculer l’IPC officiel, et une bataille des chiffres a supplanté la controverse méthodologique10.
3L’histoire de l’IPC argentin est un chantier en cours11. L’objet de ce chapitre est de mettre en lumière les fluctuations de l’indice des prix entre sphère privée et sphère publique au cours de trois périodes successives : premièrement, lors de l’affaiblissement de l’Argentine libérale lié à la Première Guerre mondiale ; deuxièmement, pendant les années d’expansion industrielle qui ont vu l’État renforcer sa présence dans l’économie et la société ; et troisièmement, lors de l’apparition du modèle d’accumulation et de développement après la crise de 2001-2002. Les mouvements de l’indice des prix entre sphère privée et sphère publique ont été étroitement imbriqués, notamment à sa création et au cours de la période 2007-2015.
4Après cette introduction, nous étudierons l’origine de l’IPC argentin, puis comment il est devenu un indicateur public officiel, en nous attachant plus particulièrement aux changements que le pays et l’IPC ont connus dans les années 1930 et dans la seconde moitié du xxe siècle. La troisième partie sera consacrée à la crise de confiance dans l’IPC officiel (2007-2015) et au développement d’outils alternatifs. La dernière partie nous permettra de conclure.
La naissance d’un outil de quantification
5Estimer l’indice du coût de la vie (ICV)12 est devenu une pratique courante au début du xxe siècle. Malgré sa place périphérique dans l’économie mondiale du fait de son rôle d’exportateur de matières premières vers l’Europe, et en dépit de sa position marginale par rapport aux centres scientifiques et aux circuits transnationaux de connaissances spécialisées, l’Argentine ne fait pas exception. La genèse de l’indice, de même que son élaboration au cours de ses premières années de vie, ne fut ni exclusivement publique ni exclusivement privée. Tout d’abord, il est difficile de classer cet indicateur, en tant qu’objet statistique prêt à l’emploi, comme un bien public ou privé. De plus, le lien entre cet indicateur et l’homme qui a introduit les indices chiffrés dans l’appareil statistique argentin, Alejandro E. Bunge13, est fort. Le destin de l’ICV est lié à la trajectoire de cette figure clé de l’histoire des statistiques argentines14. Le revers de la médaille est la faible institutionnalisation de l’ICV à cette époque du fait des ambiguïtés qui l’entourent. Cet indice reflète la porosité entre l’État et la société civile qui caractérise les premières décennies du xxe siècle. À cette époque, le pays dispose d’un système de gouvernement représentatif et libéral mais l’État est composé à la fois de champs bureaucratiques forts et de secteurs d’activité plus poreux, les « zones grises », dans lesquels il est presque impossible de distinguer les intérêts publics des intérêts privés.
6L’ICV a été publié pour la première fois dans l’édition de 1918 de la Revue argentine d’économie (Revista de economía argentina, REA), un périodique consacré à l’économie et aux statistiques, créé et dirigé par Bunge. L’objet de cette revue était de diffuser des connaissances économiques auprès du grand public alors qu’un cercle d’économistes commençait à se constituer15. La REA était une publication indépendante, financée par les abonnements et la publicité ; elle n’était pas un bulletin ni un rapport de l’agence publique des statistiques16. En 1918, Bunge est tout à fait introduit dans les statistiques officielles argentines17 : il est à la tête de la direction générale des Statistiques de la Nation (Dirección General de Estadística de la Nación, DGEN) [1915-1921, 1923-1925] et il a dirigé la Division statistique (División de Estadística, DE) du département national du Travail (Departamento Nacional de Trabajo, DNT) [1913-1915]. L’article de la REA, signé par Bunge, attire l’attention sur le fait que l’évolution des salaires et des prix ne fait l’objet d’aucune recherche en Argentine18, ce qui fait de l’ICV le premier indicateur dans ce pays. L’ICV est un indice privé, quasi officiel, publié de manière privée, qui utilise des données sur les prix recueillies par certains bureaux du Service national des statistiques et les études de la DE relatives au budget des ménages. En 1919 et 192019, la REA publie deux articles qui mettent respectivement à jour les estimations de l’ICV pour 1918 et 1919. L’ICV est étendu à l’année 1923 lorsque sa publication par la DGEN (1924) en fait un indicateur public officiel. Il est mis à jour par Bunge dans son article publié en 1928 dans la REA après son départ de la DGEN20 ; l’ICV perd alors son soutien officiel. La seule estimation pour les années 1928 et 1929 apparaît incidemment dans un article de la REA sur les salaires publié en 193021. Dans la mesure où les séries de données mises à jour ne sont pas élaborées par le Service national des statistiques, l’indicateur cesse d’être officiel et public. Le tableau ci-après illustre cette trajectoire irrégulière.
Tableau 1. – La trajectoire de l’ICV.
Année de publication | Publication | Auteur | Période | Sources des données |
1918 | REA | A. E. Bunge | 1910-1917 | DGEN, DNT |
1919 | REA | A. E. Bunge | 1910-1918 | DGEN, DNT |
1920 | REA | Valle et Ferrari, note de Bunge | 1910-1919 | DGEN, DNT |
1924 | DGEN | A. E. Bunge | 1914-1923 | DGEN |
1928 | REA | A. E. Bunge | 1914-1926 | DGEN, REA |
1930 | REA | non spécifié | 1928-1929 | non spécifié |
7Dans les premières années, l’ICV est marqué par l’absence de frontière claire entre les travaux du secteur public et ceux du secteur privé ; cela est dû à la dilution des frontières de l’État qui caractérise le Gouvernement de Hipólito Yrigoyen (1916-1922) ; cette ambivalence perdure sous le Gouvernement de Marcelo Torcuato de Alvear (1922-1928)22. Le chevauchement des intérêts publics et privés ne semble pas poser de problème. Toutefois, certains opposants au Gouvernement d’Yrigoyen s’en inquiètent. Dans l’étude de 1920 de la DGEN relative au budget, le député socialiste Nicolás Repetto dénonce une escroquerie. Selon lui, la REA utilise les agents les plus brillants et les plus loyaux de la DGEN pour publier en avant-première les données dans la presse, puis dans la REA, et enfin dans les rapports annuels de la DGEN.
8À cette époque, Bunge est le seul à avoir élaboré et publié des indices en Argentine. Quelles sont ses motivations ? L’objectif de Bunge est autant universitaire (il veut développer des connaissances économiques) que politique. Bunge travaille à « élaborer de nouveaux outils de niveau international23 ». Il développe donc l’ICV pour accroître son prestige professionnel et universitaire. D’autres indices sont utilisés pour la première fois en 1917 pour mesurer les exportations et les importations24. L’ICV a été conçu pour servir de base au coefficient de correction monétaire. Il est utilisé pour quantifier le pouvoir d’achat de la monnaie nationale par rapport aux autres monnaies25, puisque l’abandon en 1914 de la Caisse d’émission (Caja de Conversión, la version argentine de l’étalon-or) rend impossible l’utilisation de l’étalon-or pour opérer cette comparaison. Bunge développe des concepts et des outils de mesure du pouvoir d’achat de la monnaie, du revenu national et du commerce extérieur, posant ainsi les bases d’une vision macroéconomique nationale. Ce point de vue s’écarte du consensus de l’époque selon lequel l’économie argentine doit renouer avec la dynamique d’avant-guerre. Parallèlement, c’est la REA et non le Gouvernement qui pousse à un débat sur « les stratégies de développement et les politiques économiques qui permettront au pays de renouer avec le dynamisme économique perdu pendant la Première Guerre mondiale26 ». Le Gouvernement ne veut pas contrarier les intérêts des propriétaires fonciers ni remettre en cause la structure fondamentale de l’économie.
9Les innovations de Bunge en matière statistique, notamment l’ICV, ne sont pas conformes au consensus qui domine dans l’économie en tant que discipline universitaire. Ses idées sont également éloignées des choix de politique économique qui prévalent au sein des Gouvernements radicaux (1916-1930). Bunge imagine et propose des changements dans le circuit économique des matières premières exportées. Il estime que le pays doit transformer la structure de son économie, qui ne renforce pas les intérêts nationaux et n’encourage pas l’industrialisation. Bunge développe sa vision macroéconomique en se fondant sur des statistiques. Les indices statistiques comptent parmi les outils qui lui permettent d’élaborer un modèle plus convaincant, fondé sur des connaissances objectives et neutres27. Ses points de vue économiques sont hétérodoxes. Pourtant, Bunge n’est pas un marginal : il appartient à l’élite et est lié à l’establishment économique.
10Dans la mesure où l’économie du pays repose fortement sur ses exportations de produits agricoles, les statistiques commerciales occupent une place prédominante dans les statistiques publiques. C’est pour cette raison que les indices statistiques ont dans un premier temps été utilisés par Bunge pour élaborer des indicateurs moins controversés et plus « importants », comme l’indice des prix et les volumes du commerce extérieur. La nouveauté technique que constitue l’ICV vise à suivre la valeur de la monnaie argentine et permet de mesurer et d’expliquer les cycles commerciaux. Le calcul de l’ICV va gagner en importance et en intérêt dans un contexte particulier. L’Argentine a connu des augmentations de prix pendant la Première Guerre mondiale et, jusqu’en 1921, ces épisodes inflationnistes ont affecté les conditions de vie de la population, notamment dans les villes. L’arrêt initial des importations et l’augmentation de la demande européenne en produits agricoles après la guerre mettent fin à la hausse des prix des produits de base sur le marché national, ce qui a un effet négatif sur les salaires réels et entraîne une série de grèves28. La plupart des citoyens n’ont qu’une idée rudimentaire de l’augmentation du coût de la vie ; l’ICV permet d’en mesurer l’ampleur.
11Du fait, d’une part, de son caractère novateur par rapport aux connaissances économiques de l’époque, et d’autre part, de l’origine sociale et du militantisme au sein du catholicisme social de Bunge qui a terni son image d’expert auprès du public, la diffusion de l’ICV est entourée d’une certaine méfiance. Bunge est associé aux politiques conservatrices et à une pensée économique hétérodoxe, et ses chiffres sont critiqués par divers groupes sociaux, notamment par les syndicats et les militants socialistes29. Les controverses autour de l’ICV sont fortes car les différentes publications de cet indice coïncident avec une augmentation générale des prix et une récession économique. L’ICV reflète les changements qui interviennent dans l’économie argentine à la suite de la Première Guerre mondiale. Pour Hernán González Bollo30, la prospérité des années 1920 a affaibli l’impact politique et social de l’ICV. Néanmoins, le fait que les salaires nominaux augmentent de manière substantielle à cette époque par rapport au milieu de la décennie précédente31 ne peut, à lui seul, expliquer la disparition de l’ICV. Il est important de rappeler que Bunge a quitté la DGEN en juin 1925. Il n’a ensuite plus jamais occupé de poste important dans l’appareil statistique national.
12En dépit du rapport de la DGEN de 1924, l’ICV n’est pas un indice reconnu. Il ne fait l’objet d’aucune mise à jour. Pour Raúl Prebisch32, le directeur adjoint de la DGEN, cela est dû au manque d’effectifs au sein de l’agence. Toutefois, l’absence de mise à jour de l’ICV illustre aussi les choix et les priorités de l’office statistique dans un contexte de moyens limités (humains, financiers, etc.). L’ICV apparaît moins important que les chiffres du commerce extérieur car l’élite politique continue de donner la priorité au modèle fondé sur les exportations dont il faut mesurer les résultats. Il est étrange que l’ambivalence qui a entouré les débuts de l’ICV ait été contemporaine de l’expansion et du renforcement de l’appareil statistique national des années 192033. Le développement des statistiques officielles est une réalité, mais cela ne signifie pas que tous les obstacles ont été surmontés. Le mécontentement, la méfiance à l’égard des chiffres existants et une inquiétude quant à leur pérennité demeurent.
13Lorsque la Caisse d’émission et la « normalité » monétaire sont rétablies en 1927, l’ICV perd encore plus de son importance. L’indice n’est plus utilisé comme coefficient de correction monétaire comme à l’origine. Il ne joue aucun rôle dans la politique économique menée, une caractéristique qui, selon Thomas A. Stapleford34, aide à assurer une cohérence à cette politique. L’ICV n’est pas un outil de prise de décision car il n’est pas au-dessus de tout soupçon. Après l’échec du plan d’Herrera Vegas de 1922-192335, et surtout avec la réélection d’Yrigoyen en 1928, Bunge devient très critique à l’égard du Gouvernement36. Ce contexte économique et politique, associé au limogeage en 1928 du directeur de la DGEN par Yrigoyen, éloigne Bunge du Service national des statistiques, ce qui a une incidence sur la publication des mises à jour de l’ICV qui retombent alors dans la sphère privée.
L’indice des prix à la consommation s’impose comme chiffre public
14Après la crise de 1929-1930, les mesures de contrôle des changes et la dévaluation favorisent le développement de l’industrie manufacturière, qui bénéficie également de la structure industrielle préexistante. Ces changements ainsi que la semi-autarcie imposée par la Seconde Guerre mondiale créent les conditions d’un État actif, assumant un rôle de régulation de l’économie et des relations entre travailleurs et employeurs. Le déclin de la croissance démographique et l’urbanisation entraînent des évolutions sociales majeures. En 1932, deux ans exactement après le coup d’État, le conservateur Agustín Pedro Justo est élu président. L’État s’empare de la question de la mesure du coût de la vie. Cette même année 1932, Justo signe un décret faisant état de la nécessité de mesurer les fluctuations du pouvoir d’achat des salaires et établissant un nouvel ICV37. La tâche est attribuée à la DE du DNT et à un expert des questions du travail, l’espagnol José Francisco Figuerola, qui sera nommé à la tête de la DE peu après38. L’indice est publié en 193539 puis mis à jour mensuellement. L’élaboration de l’ICV du DNT s’impose comme une mesure de politique publique, faisant de cet indice un indicateur public et officiel40.
15Vers la fin du xixe siècle, aux États-Unis comme en Europe de l’Ouest, industrialisation et urbanisation font naître de nouveaux enjeux informationnels qui ont une incidence sur les systèmes statistiques nationaux41. De la fin des années 1920 jusqu’à la Grande Dépression en Argentine a lieu la prise de conscience que les salaires pouvaient absorber la production locale dans un contexte de croissance industrielle et d’urbanisation. Le « besoin impératif » d’« établir rapidement une connaissance des faits économiques et sociaux » afin de résoudre les problèmes entre capital et travail prend forme dans le décret d’octobre 1934 réorganisant les missions de la DE42, un texte qui s’inscrit dans l’effort de normalisation du Service national des statistiques voulu par Justo. La justification de ce projet est exposée dans l’introduction du rapport de 1935 du DNT dans lequel l’ICV est publié, qui déclare que « la justice sociale dépend fortement d’une bonne compréhension » entre travailleurs et employeurs et des conditions de vie des premiers43. Selon la vision macroéconomique de Bunge et alors que le modèle fondé sur l’exportation de produits agricoles reste prédominant, les données sociales et sur le travail contribuent à asseoir de solides arguments en faveur d’une hausse du pouvoir d’achat des salaires comme pilier d’une politique de relance économique. Pour cela, une nouvelle image de la Nation doit s’imposer avec, selon les termes de Ian Hacking44, la classe ouvrière comme acteur clé. À cet égard, la collecte de statistiques sociales est une composante fondamentale, notamment en raison de l’irrégularité des recensements de la population45. Avec les décrets de 1932 et 1934, la composition statistique de la classe ouvrière devient une question de politique publique. Cette production de connaissances facilite la gestion des relations antagonistes entre travailleurs et employeurs, ce qui constitue la première étape de la mise en œuvre d’une politique fondée sur des données probantes, visant à encourager ou à imposer certains comportements.
16Le Gouvernement conservateur confie l’élaboration de l’ICV à la DE du DNT, alors qu’il était précédemment publié par la DGEN. Jusque-là, aucun consensus ne s’était dégagé sur la question de savoir quelle agence devait être chargée de l’estimation de l’ICV, et différentes tentatives de collecte de données sur les prix coexistaient. L’intérêt porté à cet indice faiblissait du fait du manque de clarté de ses objectifs et de son utilisation. Mais tout cela change lorsque l’ICV est lié aux conditions de vie de la classe ouvrière. Il acquiert une fonction politique de médiation pour les relations entre classes sociales46. Depuis l’arrivée de Bunge à la tête de la DE, celle-ci avait collecté un grand nombre de données sur la classe ouvrière urbaine. Il semblait donc « naturel » que cette division soit chargée d’élaborer un instrument de mesure des conditions de vie de la classe ouvrière. De plus, lorsque le directeur de l’Organisation internationale du travail (OIT), Albert Thomas, s’enquiert de l’existence d’un tel indice en Argentine en 1928, il laisse entendre qu’il préférerait que son élaboration soit confiée à la DE. Étant donné l’évolution des relations entre l’Argentine et l’OIT depuis les années 193047, cet avis ne pouvait pas être ignoré.
17Du fait de la fraude électorale généralisée et des contraintes politiques qui dominent après 1932, les Gouvernements conservateurs des années 1930 ne bénéficient que d’une faible légitimité politique, qu’ils cherchent à renforcer par des moyens techniques48. Ils encouragent donc la mesure du coût de la vie, l’objectif étant de préserver la paix sociale et de répondre à l’inquiétude des statisticiens officiels quant aux conditions de subsistance des familles de la classe ouvrière. Le DNT avait été créé pour établir un diagnostic de la situation de la classe ouvrière et promouvoir une législation sur le travail. Cela explique que ses recherches statistiques se soient focalisées sur les ouvriers, et non sur les différents groupes sociaux du pays. La méthodologie de l’ICV prenait en compte les familles ouvrières urbaines les plus pauvres (en excluant explicitement les foyers des autres classes sociales), et son panier était constitué uniquement de produits de consommation de base49. L’indice n’était donc pas conçu comme une mesure de l’évolution globale des prix.
18Contrairement à l’indice de Bunge, l’ICV du DNT s’impose durablement comme un indicateur public. L’ICV est associé à la DE plutôt qu’à la personne de Figuerola, ce qui contribue à en faire un outil légitime et pérenne. La conception du nouvel ICV est guidée par l’intérêt de Figuerola pour la classe ouvrière, dont il estime qu’elle doit bénéficier d’une plus grande protection de l’État, et par son inquiétude concernant le pouvoir d’achat des salaires. Mais, à la différence de celui de Bunge, le nom de Figuerola ne figure pas dans les rapports du DNT. L’indice semble être une mesure « objective » et « impersonnelle ». Comme le montre Theodore Porter50, un chiffre impersonnel jouit d’une plus grande crédibilité et d’une plus grande confiance sociale. L’ICV obtient l’aval de la Confédération générale du travail et est utilisé par la classe ouvrière51. Il fournit aux travailleurs des données probantes « scientifiques » pour appuyer leurs revendications salariales et démontrer qu’elles sont « justes ». L’ICV commence alors, selon les mots de Porter52, à « donner une orientation aux activités mêmes qu’il mesure ». En d’autres termes, l’ICV est considéré comme fiable, il est durable, et il contribue à une politique publique en direction de la classe ouvrière. L’indice a été conçu comme un outil de compréhension des conditions de vie de la classe ouvrière, mais son utilisation a un objectif politique, celui de contribuer à stabiliser les relations entre classes sociales dans une économie capitaliste et à concevoir une politique sociale. Comme l’explique Cecilia T. Lanata-Briones53, l’ICV du DNT correspond à un artefact social et politique stable, car il est légitime aux yeux de plusieurs acteurs de la société et en particulier aux yeux de la classe ouvrière
19Au cours des décennies suivantes, l’ICV continue à être produit par l’État, mais avec d’importants changements. La demande toujours plus forte de production d’informations encourage une plus grande institutionnalisation du système statistique54. Cela s’explique à la fois par l’importance grandissante de l’évolution des salaires et des prix depuis le milieu des années 1940 et par la montée en puissance de la planification d’État et du développementalisme. Les institutions sont contraintes d’adapter leurs statistiques afin de satisfaire la demande de chiffres sur les prix, les salaires, la production et la consommation. Une nouvelle étude sur le budget des ménages de la classe ouvrière est menée par la direction nationale des Statistiques et Recensements (Dirección Nacional de Estadísticas y Censos, DNEC) au cours de l’année 1960, et les pondérations de l’ICV ainsi que les articles pris en compte sont révisés55. Selon Eduardo Martín Cuesta56, la publication de 1963 illustre les nouveaux modèles de politique publique en présentant des informations inédites et plus représentatives, mais également plus précises et plus homogènes, des caractéristiques indispensables à une planification d’État. L’ICV est introduit dans les comptes nationaux. Il acquiert une nouvelle fonction d’orientation de la politique économique gouvernementale. Comme l’explique Hayes57, l’ICV développe de nouveaux usages au sein des pratiques de gestion économique keynésienne et devient un outil de contrôle et de supervision de l’État.
20Par ailleurs, l’inflation étant un problème politique central, l’indice des prix est rapidement utilisé pour évaluer le succès ou l’échec des politiques de stabilisation mises en œuvre par le Gouvernement58. Dans les années 1960, les controverses sont vives en Argentine au sujet des hausses de prix, de leurs causes et de leur impact sur le développement économique et social. Il s’agit d’une période importante dans l’évolution des idées et des théories économiques sur l’inflation. L’Amérique latine, par l’intensité des débats qu’elle connaît, contribue de manière fondamentale aux connaissances économiques de l’après-guerre à travers la théorie dite de l’inflation structurelle59. Les causes de l’inflation et les moyens de l’endiguer divisent la communauté des économistes comme jamais auparavant. Ces nouveaux acteurs génèrent une demande constante d’informations statistiques publiques. L’indice des prix est donc de plus en plus utilisé par l’État et par d’autres acteurs, qui rejoignent ainsi les syndicats qui se servent de l’ICV depuis les années 193060. Les économistes de différentes écoles de pensée émettent de nouvelles critiques des chiffres officiels. Toutefois, ils ne remettent en cause ni la pertinence de l’indice, ni le monopole de l’État sur son élaboration.
21Dans les années 1970, quelques années après que la direction nationale des Statistiques et Recensements soit devenue l’Institut national des statistiques et des recensements (Instituto Nacional de Estadísticas y Censos, Indec), l’État commence à publier l’IPC. La famille de la classe ouvrière, implicite dans la dénomination antérieure de l’indice, fait place à l’idée d’un consommateur argentin « abstrait ». Progressivement, les études s’élargissent à l’ensemble de la société, puisqu’il est devenu pertinent de comparer les niveaux de vie des différents groupes sociaux. Étant donné la prévalence de la pensée macroéconomique keynésienne et comme l’État intervient de plus en plus dans l’économie pour la piloter, surveiller l’équilibre entre l’offre globale et la demande globale, notamment des biens de consommation, est essentiel pour l’élaboration des politiques. L’IPC devient donc une mesure centrale pour étudier l’économie dans son ensemble.
22À la fin des années 1970, les utilisations sociales de l’IPC sont de plus en plus nombreuses : l’indice devient un outil d’indexation. L’indexation formelle ou factuelle des contrats, loyers, salaires et prix s’impose et s’étend progressivement tout au long des années 1980, jusqu’à son interdiction officielle par le Plan de convertibilité (1991-2001). Certains universitaires estiment que l’indexation des salaires en Argentine était initialement (1978-1981) un mécanisme de marché : elle n’avait pas été imposée par le Gouvernement61. Néanmoins, l’IPC de l’Indec devient une référence collective. Il rend visible les fluctuations économiques pour les agents économiques (entreprises et travailleurs) et permet d’ajuster les décisions sur les contrats et les prix. Ces utilisations contribuent également à lui donner plus de poids comme chiffre public. Parallèlement aux développements techniques de l’IPC de l’Indec, des événements importants, gravés dans la mémoire collective de l’Argentine – le Rodrigazo de 197562 et les épisodes d’hyperinflation de 1989 et 199163 –, placent l’IPC au centre de la scène politique et en font une préoccupation essentielle du Gouvernement et de la société.
Crise de confiance et concurrence entre les estimations
23L’inflation persistante contribue à conforter l’IPC de l’Indec en tant qu’objet statistique fiable. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que l’indice est produit exclusivement par l’État. De 2007 à 2015, parallèlement à la crise de confiance qui frappe l’indice officiel, la production d’IPC privés augmente à un rythme inhabituel. Cela confirme la règle de la logique expansive des chiffres de Márquez Arellano64 qui établit que, si un indicateur statistique précédemment admis comme légitime commence à être perçu socialement comme faux ou biaisé, il est remplacé par un autre. La méfiance à l’égard d’un chiffre entraîne la production de nouveaux chiffres. Les auteurs et la méthodologie peuvent être mis en cause, mais pas la capacité des chiffres à refléter la réalité. Les discussions à propos d’un indicateur chiffré ne peuvent donc être réglées que par la création d’un nouvel indicateur chiffré, ce qui étend le champ de la quantification. Dans une Argentine soumise à cette dynamique expansive, le manque de crédibilité va mener au remplacement progressif de l’indice officiel par d’autres indicateurs pour aider à la coordination des pratiques sociales.
24Au début de la dernière année de la présidence de Néstor Kirchner (2003-2007), le Gouvernement s’immisce dans le fonctionnement de l’Indec, un phénomène qui se poursuit sous les Gouvernements de Cristina Fernández (2007-2015). En 2007, les statisticiens responsables du calcul de l’IPC sont démis de leurs fonctions et remplacés par des proches du secrétaire au Commerce. Ces interventions et les modifications apportées au calcul de l’IPC suscitent des réactions dans la société. Des associations professionnelles, le syndicat des agents du secteur public et plusieurs ex-agents de l’Indec expriment publiquement leur inquiétude concernant le manque d’indépendance des statistiques officielles et la modification de la méthode de calcul de l’IPC65. Les interrogations se concentrent sur le mode de calcul de l’indice, en particulier sur les prix utilisés. La précision de la mesure de l’inflation66 par l’Indec est publiquement débattue. Outre la question éthico-politique que soulèvent les tentatives du Gouvernement de manipuler l’indice, la controverse naît du fait que l’IPC affecte de nombreux intérêts : ceux des dirigeants d’entreprises, des salariés, des locataires, des détenteurs d’obligations et des emprunteurs auprès des banques, entre autres, susceptibles d’être favorisés ou non selon le niveau de l’IPC.
25Rapidement, les questionnements se multiplient. Ce qui aurait pu n’être qu’une controverse sur les conventions de mesure devient un débat sur les prix utilisés pour élaborer l’IPC officiel. Les doutes soulevés par les estimations de l’inflation produites par l’Indec encouragent la prolifération des chiffres alternatifs, non officiels. Au moins une dizaine d’entreprises de conseil économique et de centres de recherches économiques, qui utilisaient jusque-là les données de l’Indec, deviennent des « usines » à collecter des informations sur les prix et à produire des indices synthétiques. Des organisations de consommateurs déploient, elles aussi, des initiatives de surveillance des prix pour être en mesure de contester les chiffres officiels. Ainsi, une mission jusque-là socialement déléguée à l’État et à son appareil statistique en vient à être prise en charge par une pluralité d’acteurs.
26Pour les entreprises de conseil, le fait qu’une donnée cruciale pour leurs activités quotidiennes soit politiquement « contaminée » les incite alors à élaborer des indices de prix alternatifs. Ces entreprises estiment qu’il s’agit d’une réponse « naturelle » à la faible crédibilité de l’IPC de l’Indec. Les producteurs de ces indices alternatifs revendiquent leur indépendance par rapport au Gouvernement pour légitimer leurs statistiques. L’origine privée de leurs indices est présentée comme un gage automatique d’objectivité et d’impartialité. Nombre d’entre eux revendique une position « neutre » par rapport aux groupes sociaux et politiques ayant des intérêts dans la mesure de l’inflation.
27Avec la montée en puissance des indices alternatifs, la chaîne de production et de diffusion des informations statistiques s’apparente à un marché dans lequel chaque entreprise de conseil économique peut proposer sa marchandise. La production d’indices modifie en partie les caractéristiques de l’activité de conseil dont la valeur ajoutée était initialement l’interprétation par des experts de données officielles. Ces experts fournissent désormais eux-mêmes des évaluations d’inflation, dans un contexte de confusion collective sur la référence statistique à utiliser pour établir les contrats et prendre des décisions. L’IPC de l’Indec cesse, dans une certaine mesure, d’être un bien public pour devenir un produit marchand, puisque commercialisé. Les consultants bénéficient ainsi à titre privé d’un bien (l’information) jusque-là fourni gratuitement par l’État. Même si ces indices alternatifs privés sont publiés, leur élaboration reste symboliquement profitable aux entreprises de conseil. Avec les IPC alternatifs, dont les valeurs sont systématiquement plus élevées que celles de l’IPC de l’Indec, les consultants gagnent en notoriété. Ce pseudo-marché des indices de prix présente également l’avantage d’être non réglementé. Il n’existe aucune procédure de certification permettant d’évaluer l’authenticité, la rigueur ou la précision des indices produits et vendus. L’évaluation de la qualité de ces indices revient à des citoyens isolés et peu formés aux statistiques. Les consommateurs, utilisateurs ou lecteurs occasionnels des données statistiques disposent de capacités inégales pour juger de la fiabilité de ces IPC alternatifs. En l’absence de références de base solides pour évaluer ces nombreux indices, comment comparer les diagnostics et prévisions des entreprises de conseil sur l’inflation ?
28Les IPC alternatifs ne satisfont pas aux mêmes normes de qualité que ceux produits par l’agence nationale des statistiques. Pour l’Indec, les entreprises de conseil « n’ont ni l’histoire, ni la structure, ni l’expérience de cette institution et de ses agents67 ». Les consultants reconnaissent publiquement leurs limites et leur manque d’outils spécialisés. Ils ne disposent pas du savoir-faire interne de l’agence publique des statistiques qui n’est pas formalisé dans les rapports officiels ou dans des manuels de procédures. Ce savoir-faire, tacite et interne à l’Indec et auquel les cabinets de conseil n’ont pas accès, est le produit du travail quotidien d’enregistrement de données et de calcul de l’IPC par des statisticiens expérimentés. De plus, les consultants ne disposent pas de la structure opérationnelle qui leur permettrait de reproduire les enquêtes sur les prix de l’Indec dans toute leur ampleur, une tâche par ailleurs économiquement irréalisable68. La production privée d’IPC ne peut pas être considérée comme une activité entièrement indépendante et désintéressée. Les données produites par les entreprises de conseil sont entachées par la recherche du profit. Pour eux, la production de connaissances n’est pas une priorité en soi.
29Dans une étude publiée en 2010, des universitaires soulignent que « comme cela se produit avec d’autres biens publics, [l’]offre privée [d’IPC] se heurte à de nombreuses difficultés et limites. Dans ces conditions, il n’existe pas de substitut rigoureusement acceptable aux informations qui doivent être générées par un système cohérent de statistiques publiques et dont la production est, par conséquent, une obligation de l’État qui ne peut être déléguée69 ». Aucun consensus ne se dégage sur la question de savoir si les statistiques publiques doivent être remplacées par des mesures privées. Toutefois, des personnes aux opinions et aux formations diverses s’accordent pour dire que l’Indec doit engager les changements institutionnels nécessaires pour garantir sa rigueur technique et son indépendance politique.
30La pluralité des acteurs impliqués dans l’élaboration des IPC alternatifs entraîne une diversification des procédures techniques employées pour observer et décrire les variations de prix. Chaque procédure de mesure suppose des choix techniques et des évaluations spécifiques qui, à leur tour, influent sur la réalité qu’elle est censée décrire. Néanmoins, dans un contexte de hausse prolongée de l’inflation, l’utilisation de statistiques alternatives s’est développée sans les exigences de rigueur, de professionnalisme et d’impartialité qui sont souvent imposées aux agences de statistiques publiques. La prolifération d’IPC alternatifs a même eu pour conséquence d’alimenter le scepticisme sur la validité des statistiques officielles. Pour une partie du public, les indices privés reflètent mieux l’ampleur des variations de prix. Ces chiffres sont devenus plus convaincants pour différentes raisons : des estimations plus élevées confirment les attentes sociales parce qu’elles traduisent plus fidèlement la vie quotidienne que ne le fait l’IPC de l’Indec, et parce qu’elles correspondent mieux aux ressentis des citoyens. Dans la sphère publique, les différentes mesures sont en concurrence pour être visibles et crédibles, en cherchant à influencer la perception de l’inflation. Les mesures alternatives sont désormais considérées par les citoyens comme étant le « reflet » de l’inflation « réelle ». À force d’être cités dans les médias, les chiffres alternatifs deviennent des données « évidentes » et « fiables ». En raison de l’absence de critiques et de la faiblesse de la controverse méthodologique, leurs origines douteuses passent inaperçues. L’écart entre les résultats de l’IPC officiel et les estimations privées se creuse d’année en année. Les indices alternatifs sont considérés par le public comme un instrument socialement valide qui permet de contrebalancer l’effet de distorsion de la réalité des chiffres du Gouvernement et de l’Indec.
31Avec le temps, le débat sur les chiffres officiels de l’inflation se réduit à une controverse politique. Les entreprises de conseil privées appartiennent à différentes écoles de pensée économique et servent des intérêts différents. Toutefois, elles montrent un niveau élevé de cohésion interne. Leurs chiffres échappent au contrôle et à l’évaluation par les pairs. Ils entrent en concurrence principalement avec l’État, mais pas réellement entre eux. Depuis 2012, les IPC privés sont regroupés sous un indice moyen connu sous le nom d’indice du Congrès et publié régulièrement par la presse. Cet indice tient son nom du fait qu’il a reçu le soutien de députés de l’opposition et qu’il est publié chaque mois par le Parlement. Ce soutien de dirigeants politiques a contribué à renforcer la tendance à la hausse des prix et l’importance de l’inflation dans le débat public.
32Les indices des prix alternatifs bénéficient aussi du soutien implicite de certains membres du Gouvernement. Par exemple, jusqu’en 2012 au moins, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale approuve des accords salariaux entre employeurs et syndicats conclus sur la base d’indices alternatifs. L’utilisation de ces estimations pour valider des niveaux d’indexation des salaires plus élevés illustre l’absence de soutien de l’IPC de l’Indec par les syndicats et les employeurs. Les négociations salariales se poursuivent alors que l’Indec continue de subir une ingérence du Gouvernement, parce que les partenaires sociaux disposent d’autres mécanismes de coordination leur permettant de résoudre les frictions sur la redistribution.
33La crise de confiance à l’égard des chiffres publics encourage la mise au point de différents référentiels (plus intuitifs ou plus systématiques), dans un contexte économique de moins en moins lisible et de plus en plus incertain. L’absence d’un indice des prix crédible réduit les possibilités pour le Gouvernement de contrôler, ou du moins de limiter, les anticipations inflationnistes. Ces anticipations se multiplient et, à leur tour, accélèrent la hausse des prix, comme lors des épisodes inflationnistes passés. Cette fois, néanmoins, les calculs et les prévisions de l’inflation ne se fondent plus sur un indice général largement accepté. Les agents économiques utilisent les chiffres qui leur semblent être les plus proches de la réalité ou ceux qui leur conviennent le mieux.
Conclusion
34L’indice des prix en Argentine est caractérisé par une origine ambiguë et une histoire tortueuse. Les idées de Bunge et la nouveauté de sa méthodologie quantitative n’ont souvent pas été comprises par ses contemporains, peu enclins à lire des rapports statistiques et à leur accorder du crédit. L’ICV est initialement conçu comme un coefficient de correction monétaire du fait de la hausse des prix due à la Première Guerre mondiale et de l’abandon de la Caisse d’émission. Après le rétablissement de la Caisse d’émission et le retour à la stabilité, le coefficient n’a plus de raison d’être. Dans ce nouveau contexte économique et politique, l’ICV devient un instrument fiable, suivant l’analyse d’Alain Desrosières70, alors que les Gouvernements affirment leur rôle de régulateurs économiques et sociaux. Le premier changement important est le passage des objectifs premiers de l’ICV de Bunge, à savoir évaluer le pouvoir d’achat de la monnaie nationale, à un rôle de médiation dans les négociations salariales et d’atténuation des tensions sociales. Dans les années 1960, les usages de l’ICV se multiplient et en font un outil de planification d’État. Il a pour objet de refléter l’évolution des prix dans l’économie et commence à être utilisé comme un outil pour le contrôle de l’inflation.
35D’un point de vue historique, le secteur privé argentin, par rapport à ce qui s’est passé dans d’autres pays, a peu produit de statistiques largement utilisées. Traditionnellement, l’État a concentré cette production en créant son propre appareil statistique. Dans les années 1920 et 1930, des organisations telles que l’Union industrielle argentine et la Société rurale argentine tentent de créer leurs propres agences de statistiques et de produire des chiffres de manière régulière, sans toujours y parvenir. Ces efforts portent presque exclusivement sur leurs domaines d’action. En remontant plus loin dans le temps, on trouve quelques exemples de transition d’une production privée vers une production publique de statistiques au xixe siècle71, mais aucun exemple d’un phénomène inverse. Par ailleurs, les syndicats argentins et leurs instituts de recherches ne sont pas des acteurs importants de la production de statistiques fiables, comme c’est le cas en France72. En dépit du faible nombre d’entreprises de conseil, une norme est établie en 1951 (la loi 14.046) qui prend acte de l’existence d’initiatives privées pour l’élaboration et la diffusion de statistiques, et qui tente de mettre en place des outils permettant au Gouvernement de les réglementer ou de les soumettre à son contrôle direct. Cette loi, qui reste en vigueur jusqu’au renversement du Gouvernement Perón lors du coup d’État militaire de 1955, établit que les données statistiques produites par des agents privés doivent être évaluées et approuvées par la direction générale du Service national des statistiques avant d’être publiées. Ce texte traduit la méfiance persistante, vis-à-vis de la circulation des données statistiques, depuis la Seconde Guerre mondiale, quand la diffusion de ces chiffres devait faire l’objet de restrictions car ils étaient assimilés à des secrets militaires.
36À l’opposé du quasi-monopole de l’État sur le calcul de l’IPC qui a prévalu pendant le second après-guerre, au début du xxie siècle, de nombreux acteurs, aux intérêts particuliers et souvent en conflit, ont participé à l’élaboration de l’IPC en Argentine. Ces acteurs privés se sont imposés en même temps que l’État perdait de son autorité dans la controverse sur la mesure de la réalité de l’inflation. Il est paradoxal que l’outil officiel de mesure de l’inflation ait subi une nouvelle crise de crédibilité peu après que le Gouvernement eut rouvert les négociations salariales en 2003 et que les syndicats eurent retrouvé un instrument utile dans leur combat pour la défense du pouvoir d’achat des salaires. Ces accords se sont poursuivis, mais cette crise a érodé la capacité de l’IPC à servir des objectifs politiques et sociaux autres que ceux pour lesquels il avait été utilisé jusque-là et qui avaient contribué à en faire un outil durable, à savoir : coordonner les décisions individuelles, orienter les attentes et produire des références communes utiles au débat démocratique. L’État abandonne ces tâches essentielles aux agents privés. Après avoir alerté sur l’urgence statistique en 2016, un nouveau Gouvernement, pro-marché, caractérisé par son conservatisme budgétaire et politique, reprend les rênes de la quantification officielle de la réalité. Des recherches futures établiront si cette reprise en main permettra de renforcer les statistiques publiques, ou s’il s’agit d’une première étape vers l’implantation d’une culture du résultat mesuré par des institutions privées comme c’est le cas dans d’autres contextes néolibéraux.
Notes de bas de page
1 Alain Desrosières, Prouver et gouverner. Une analyse politique des statistiques publiques, Paris, La Découverte, 2014.
2 Matthew Hayes, « The Social History of Quantifying Inflation: A Sociological Critique », Journal of Economic Issues, 65(1), 2011, p. 107.
3 Cecilia Levit, Ricardo Ortiz, « La hiperinflación argentina: prehistoria de los años noventa », Revista Época, 1(1), 1999, p. 65.
4 Federico Neiburg, « Inflation: Economists and Economic Cultures in Brazil and Argentina », Comparative Studies in Society and History, 48(3), 2006, p. 604-633.
5 Roberto Frenkel, « El régimen de alta inflación y el nivel de actividad », dans José Pablo Arellano (dir.), Inflación rebelde en América Latina, Santiago du Chili, Hachette, 1990.
6 Philipp Lepenies, The Power of a Single Number. A Political History of GDP, New York, Columbia University Press, 2016.
7 Cecilia T. Lanata-Briones, « Constructing Cost of Living Indexes: Ideas and Individuals, Argentina, 1918-1935 », History of Political Economy, 53(1), 2021, p. 57-87.
8 Robert O’Neill, Jeff Ralph et Paul A. Smith, Inflation. History and Measurement, Londres, Palgrave Macmillan, 2017.
9 Florence Jany-Catrice, « Conflicts in the Calculation and Use of the Price Index: The Case of France », Cambridge Journal of Economics, 42(4), 2018, p. 963-986.
10 Claudia Daniel et Cecilia T. Lanata-Briones, « Battles over Numbers: the Case of the Argentine Consumer Price Index (2007-2015) », Economy and Society, 48(1), 2019, p. 127-151.
11 Eduardo Martín Cuesta, « El costo de nivel de vida en la Capital Federal de 1963 y los cambios de paradigmas estadísticos en Argentina », Estadística y sociedad, 4, 2016, p. 93-108 ; Claudia Daniel et Cecilia T. Lanata-Briones, art. cité ; Cecilia T. Lanata-Briones, Constructing Public Statistics: The History of the Argentine Cost of Living Index, 1918-1943, doctorat, sous la direction de Colin M. Lewis et Chris Minns, London School of Economics and Political Science, 2016.
12 Pour étudier l’indicateur qui mesurait les mouvements des prix pendant la première moitié du xxe siècle, il convient, d’un point de vue historique, d’utiliser le terme d’ICV, qui était utilisé par ceux qui l’ont développé.
13 Alejandro E. Bunge (1880-1943) a suivi des études d’ingénieur en Allemagne. Du fait de son éducation et de son histoire familiale, Bunge faisait partie de l’establishment. Il a été professeur de statistiques à la faculté d’économie de l’université de Buenos Aires. En raison des divers postes qu’il a occupés, Bunge était connu comme économiste, statisticien et démographe. Ses travaux sont influencés par ceux de Friedrich List, Irving Fisher et Arthur Bowley entre autres. Dans les années 1920, Bunge commence à participer aux conseils d’administration de diverses entreprises, une fonction qu’il n’abandonne pas pendant son second mandat en tant que directeur de la DGEN. Pour plus d’informations, voir Hernán González Bollo, La teodicea estadística de Alejandro E. Bunge (1880-1943), Buenos Aires, Imago Mundi, 2012.
14 Cecilia T. Lanata-Briones, thèse de doctorat.
15 Jimena Caravaca et Mariano B. Plotkin, « Crisis, ciencias sociales y elites estatales: la constitución del campo de los economistas estatales en la Argentina, 1910-1935 », Desarrollo económico, 47-187, 2007, p. 401-428.
16 Jorge Pantaleón, Una nación a medida. Creencia económica y estadística en la Argentina (1918-1952), Buenos Aires, Ediciones Al Margen, 2009.
17 L’histoire du système argentin de statistiques débute dans la seconde moitié du xixe siècle. Ses origines et l’essentiel de son histoire sont caractérisés par une décentralisation et une absence de coordination (Claudia Daniel, « Una escuela científica en el Estado. Los estadísticos oficiales en la Argentina de entreguerras », dans Mariano B. Plotkin et Eduardo A. Zimmermann [dir.], Los saberes del Estado, Buenos Aires, Edhasa, 2012, p. 63-102 ; Hernán González Bollo, La fábrica de las cifras oficiales del Estado argentino [1869-1947], Buenos Aires, université de Quilmes, 2014).
18 Alejandro E. Bunge, « Costo de la vida en la Argentina, de 1910 a 1917 », Revista de economía argentina, 1(1), 1918, p. 43.
19 Alejandro E. Bunge, « Costo de la vida en la Argentina. Sus variaciones de 1910 a 1918 », Revista de economía argentina, 3 (16), 1919, p. 309-332 ; Juan Carlos Valle et Ludovico A. Ferrari, « Costo de la vida en la Argentina de 1910 a 1919 », Revista de economía argentina, 4(22), 1920, p. 256-261.
20 Alejandro E. Bunge, « El costo de la vida y los salarios en la Argentina (I) », Revista de economía argentina, 21(123), 1928, p. 199-207.
21 « Los salarios nominales y reales en la Capital federal », Revista de economía argentina, 12(144), 1930, p. 455-456.
22 En 1916, un membre de l’Union civique radicale (Unión Cívica Radical, UCR) est pour la première fois démocratiquement élu président. Les politiques économiques des Gouvernements radicaux (1916-1930) sont marquées par une continuité par rapport à celles des précédents Gouvernements conservateurs. L’objectif de l’UCR n’était pas de transformer l’économie fondée sur les exportations de matières premières, mais d’étendre l’accès à l’État pour conserver le soutien des classes moyennes, des travailleurs indépendants et des salariés qui avaient élu les radicaux et avaient soutenu leur proposition de n’opérer que des changements limités au niveau des institutions (David Rock [dir.], Argentina en el siglo xx, Buenos Aires, Lenguaje Claro, 2009, p. 95-99).
23 Hernán González Bollo, La fábrica…, op. cit., p. 27.
24 Dirección General de Estadística de la Nación (DGEN), El intercambio económico de la República Argentina en 1916, Buenos Aires, G. Kraft Impresor, 1917.
25 Alejandro E. Bunge, The Coefficient of Money Correction: The Use of Index Numbers in the Determination of Fluctuations in the Purchasing Power of Money, Washington DC, s./ed., 1920.
26 Juan José Llach, La Argentina que no fue, Buenos Aires, IDES, 1985, p. 52.
27 Hernán González Bollo, La fábrica…, op. cit. ; Cecilia T. Lanata-Briones, « Constructing Cost of Living Indexes… », art. cité.
28 David Rock (dir.), op. cit., p. 106.
29 « Por el abaratamiento de la vida », La Vanguardia, 14 septembre 1919, p. 6.
30 Hernán González Bollo, La fábrica…, op. cit., p. 139.
31 Alejandro E. Bunge, « El costo de la vida… », art. cité, p. 204.
32 Raúl Prebisch, « Anotaciones a la estadística nacional », Revista de economía argentina, 15(86), 1925, p. 85-104.
33 Hernán González Bollo, La fábrica…, op. cit.
34 Thomas A. Stapleford, The Cost of Living in America: A Political History of Economic Statistics, 1880-2000, New York, Cambridge University Press, 2009.
35 Le plan Herrera Vegas a été le premier programme économique argentin intégrant des mesures fiscales, financières et douanières. Il a été élaboré grâce au modèle économique de Bunge (Hernán González Bollo, La fábrica…, op. cit., p. 141, 147-159) qui était à l’époque le principal conseiller du ministre Herrera Vegas (Jorge Pantaleón, op. cit., p. 66).
36 Jorge Pantaleón, op. cit.
37 « Costo de la vida. Reglas para proceder a la investigación del costo de la vida de la población obrera. Encuesta básica y rectificaciones periódicas », Boletín informativo del departamento nacional de Trabajo (BIDNT), 15(163), 1933, p. 3548.
38 Figuerola (Barcelone, 1897-Buenos Aires, 1970) a occupé la fonction de secrétaire général de la délégation de la Catalogne au ministère du Travail espagnol sous la dictature de Primo de Rivera. À la chute de la dictature en 1930, il intervient comme conseiller juridique au sein de la Compagnie hispano-américaine d’électricité (Compañía Hispano Americana de Electricidad, CHADE) à Buenos Aires et devient rapidement le représentant du DNT dans la Compagnie (Cecilia T. Lanata-Briones, thèse de doctorat). Dans le gouvernement de Juan Domingo Perón, il est nommé secrétaire technique (avec rang de ministre).
39 Departamento Nacional de Trabajo, « Costo de la vida. Presupuestos familiares. Precios de artículos de primera necesidad. Índices del costo de la vida », Investigaciones especiales. Serie C 1, 1935.
40 Cecilia T. Lanata-Briones, thèse de doctorat.
41 Jean-Pierre Beaud et Jean-Guy Prévost, Statistics, Public Debate and the State, 1800-1945: A Social, Political and Intellectual History of Numbers, Londres, Routledge, 2012, p. 67.
42 « Estadística. Decreto no 50.720 modificando el artículo 8 del decreto de enero de 1913, reglamentario de la ley 8999-Reorganización de los servicios de estadística del trabajo », Boletín informativo del Departamento Nacional de Trabajo (BIDNT), 26(177-178), 1934, p. 4032.
43 Departamento Nacional de Trabajo, « Costo de la vida… », art. cité, p. 3.
44 Ian Hacking, The Taming of Chance, Cambridge, Cambridge University Press, 2010 (1990).
45 Entre 1914 et 1947, il n’y a pas eu de recensement national. La régularité décennale de cette enquête commence en 1960.
46 L’indice a servi de référence pour les négociations salariales d’autres pays, par exemple en France (Béatrice Touchelay, « Les ordres de la mesure des prix. Luttes politiques, bureaucratiques et sociales autour de l’indice des prix à la consommation [1911-2012] », Politix, 1[105], 2014, p. 117-138 ; id., « La fabuleuse histoire de l’indice des prix de détail en France », Entreprises et histoire, 2[79], 2015, p. 135-146).
47 Cecilia T. Lanata-Briones, thèse de doctorat.
48 Claudia Daniel, « Una escuela científica… », art. cité, p. 63-102.
49 Departamento Nacional de Trabajo, art. cité.
50 Theodore M. Porter, Trust in Numbers: The Pursuit of Objectivity in Science and Public Life, Princeton, Princeton University Press, 1995, p. 74.
51 Claudia Daniel, « L’objectivation des risques, le langage des certitudes. Les statistiques du travail en Argentine pendant la période 1930-1943 », Sociologie et sociétés. La statistique en action, 43(2), 2011, p. 185-187.
52 Theodore M. Porter, op. cit., p. 45.
53 Cecilia T. Lanata-Briones, « Constructing Cost of Living Indexes… », art. cité.
54 Claudia Daniel, « Aparato estadístico, paradigma de la planificación y desarrollismo en la Argentina (1955-1970) », História Unisinos, 22(4), nov.-déc. 2018.
55 Dirección Nacional de Estadística y Censos, Costo de nivel de vida en la Capital Federal. Nueva encuesta sobre condiciones de vida de la familia obrera año 1960, Buenos Aires, 1963.
56 Eduardo Martín Cuesta, art. cité, p. 103-104.
57 Matthew Hayes, art. cité, p. 105.
58 Thomas A. Stapleford, op. cit.
59 Ces débats permettent aux économistes professionnels de devenir des intellectuels reconnus. Plusieurs études menées en Argentine et dans d’autres pays d’Amérique latine ont démontré le caractère contemporain de ce processus (Mariana Heredia, À quoi sert un économiste, Paris, La Découverte, 2014).
60 Voir Claudia Daniel, « L’objectivation des risques… », art. cité, p. 177-200 pour une analyse approfondie des utilisations de l’ICV par les syndicats.
61 Hector L. Dieguez et Pablo Gerchunoff, « La dinámica del mercado laboral urbano en la Argentina 1976-1981 », Desarrollo económico, 24(93), 1984, p. 3-40.
62 Plan de lutte contre l’inflation lancé par le ministre de l’Économie, Celestino Rodrigo, membre du Gouvernement d’Isabel Perón (note de l’éditeur).
63 Dans les deux cas, l’inflation annuelle s’est élevée à près de 200 %.
64 Rodrigo Antonio Márquez Arellano, La medida de lo posible. Cuantificación y esfera pública en Chile, thèse de doctorat, sous la direction de Patricio Silva, université de Leyde, 2010.
65 L’intervention du Gouvernement dans l’élaboration de l’IPC ternit l’image publique d’indépendance et de rigueur technique de l’Indec, et affaiblit l’autorité du système statistique de l’État dans son ensemble. Le pouvoir exécutif fait l’objet de plaintes pour interférence politique dans la préparation des indicateurs économiques, principalement de l’IPC.
66 Claudia Daniel et Cecilia T. Lanata-Briones, « Battles over numbers… », art. cité.
67 Communication interne, signée par la direction de l’Indec et destinée à son personnel, datée du 30 janvier 2008, citée dans Soledad A. Pérez, « Controversias en torno a los métodos de medición y a las medidas oficiales de la pobreza en la Argentina reciente », Perfiles latinoamericanos, 41, janvier-juin 2013, p. 113.
68 Les entreprises de conseil et les associations de consommateurs disposent de ressources moins importantes pour réaliser des collectes de prix représentatives et dans tout le pays. Leurs études reposent sur des données recueillies au moyen d’échantillons peu fiables, d’enquêtes téléphoniques ou sur les sites de vente en ligne.
69 Université de Buenos Aires, Informe técnico de la Universidad de Buenos Aires con relación a la situación del Instituto nacional de estadísticas y censos, Buenos Aires, 2010, p. 10.
70 Alain Desrosières, op. cit.
71 Hernán González Bollo, La fábrica…, op. cit.
72 Voir Béatrice Touchelay, art. cités, sur la pertinence d’un IPC élaboré par les syndicats dans les années 1970.
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