Introduction à la première partie
p. 21-22
Texte intégral
1Cette partie présente les mères qui sont amenées à abandonner leur enfant et l’évolution de leur profil au fil des décennies. Au-delà de notre analyse, nous nous sommes efforcée de donner la parole à ces femmes. Souvent, ce qu’elles disent est relayé par la sage-femme ou un autre professionnel présent lors de l’accouchement, la préposée ou le travailleur social qui les reçoit lors de l’abandon. Elles s’expriment aussi directement, à travers les courriers qu’elles adressent au service de protection de l’enfance ou aux nourrices. Ce sont souvent des écrits pour faire une demande, et pour certaines sans doute, cet objectif les amène à insister sur l’aspect critique de leur situation ou au contraire sur son amélioration. Mais nous y lisons surtout une profonde sincérité. Les quelques fautes d’orthographe ont été corrigées. Pour quelques lettres cependant, il est apparu préférable de conserver l’orthographe et la ponctuation, pour ne pas dénaturer le propos. Une note de bas de page le signale. Dans l’ensemble, même au début du xxe siècle, les mères s’expriment dans un bon français et sont toujours soucieuses de mettre des formules de politesse. Si nous ne mentionnons que rarement ces dernières, c’est uniquement pour ne garder que l’essentiel. Lorsque nous citons les propos oraux de personnes rencontrées, nous reprenons leurs paroles telles quelles.
2Le premier chapitre expose les modalités des abandons. Les trois chapitres suivants présentent les caractéristiques de ces mères singulières et notamment leur âge, leur situation matrimoniale et leur profession. Le cinquième s’intéresse aux facteurs conduisant à un abandon. Dans le dernier, nous évaluons le nombre de mères qui abandonnent et son évolution.
3Dans chaque chapitre, les mères des premières décennies du xxe siècle sont évoquées en premier, avec un focus sur les incidences de la Première Guerre mondiale et de la crise économique de 1929, quand il est pertinent. Ensuite, sont présentées les mères qui ont abandonné pendant la Seconde Guerre mondiale, puis celles de la deuxième moitié du xxe siècle et du xxie siècle. Des caractéristiques communes rassemblent ces femmes et peuvent même amener à ne pas distinguer les périodes. Des différences apparaissent aussi, liées à la singularité de chacune, mais aussi fonction des conditions économiques, des moyens contraceptifs disponibles, de la législation et du regard de la société.
4Avant d’aller plus loin, quelques précisions sont nécessaires. Parmi les enfants accueillis par l’Assistance publique qui deviendra ensuite Aide sociale à l’enfance, il convient de distinguer les pupilles de l’État1 des autres enfants confiés (ou « assistés »). Ces derniers2 restent sous la puissance paternelle (autorité parentale à partir de 1970) de leurs parents. Le préfet n’a la tutelle qu’à l’égard des pupilles. La loi du 27 juin 1904, qui rénove l’Assistance publique, distingue quatre catégories de pupilles : les « enfants trouvés », les « enfants abandonnés », les orphelins pauvres et les enfants dits « moralement abandonnés ». L’enfant trouvé est un « enfant qui, né de père et mère inconnus, a été trouvé dans un lieu quelconque ou porté dans un établissement dépositaire ». Ce qui le caractérise, c’est son absence de filiation à l’état civil. Un pupille est dit abandonné, s’il est « né de père ou de mère connus, en est délaissé sans qu’on puisse recourir à eux ou à leurs ascendants ». L’enfant orphelin n’a « ni père, ni mère, ni ascendants auxquels on puisse recourir, n’a aucun moyen d’existence ». Les enfants « moralement abandonnés » le sont suite à une décision judiciaire, de déchéance ou de délégation de la puissance paternelle3. Par la suite, les dénominations ont évolué mais les catégories de pupilles restent comparables : ceux dont la filiation n’est pas établie ou du moins n’est pas indiquée, ceux dont la filiation est établie et qui sont abandonnés par l’un ou les deux parents, et ceux qui deviennent pupilles suite à une décision de justice ou parce qu’ils sont orphelins.
5Le cœur de notre ouvrage concerne les mères des enfants « trouvés » et des enfants « abandonnés ». Ce sont les seules qui prennent une décision d’abandon. La frontière est cependant parfois ténue.
Notes de bas de page
1 Il ne faut pas confondre les pupilles de l’État qui sont sous la tutelle du préfet, avec les pupilles de la Nation, créés par une loi du 27 juillet 1917, dont l’un ou les deux parents ont été victimes de la guerre et pour lesquels une aide financière est apportée pour pourvoir à leur éducation. Ces derniers sont le plus souvent élevés par un membre de leur famille.
2 Parmi les enfants confiés non pupilles, il y a d’une part, les enfants « en dépôt » (terme de la première moitié du xxe siècle) ou « accueillis » ou « recueillis temporairement » qui sont confiés provisoirement par leurs parents. D’autre part, on rencontre les enfants « en garde » dont la garde, mais pas l’autorité parentale, est retirée aux parents par un jugement.
3 La puissance paternelle est retirée de plein droit pour certains crimes ou délits commis par le parent envers ou avec ses enfants. Pour d’autres, la déchéance est laissée à l’appréciation du tribunal. Par ailleurs, lorsque l’Assistance publique, des associations de bienfaisance autorisées, des particuliers « ont accepté la charge de mineurs de [moins de] 16 ans, que des pères, mères, ou tuteurs leur ont confiés, le tribunal […] peut, […], décider qu’il y a lieu, dans l’intérêt de l’enfant de déléguer à l’Assistance publique les droits de puissance paternelle abandonnés par les parents ». Il en va de même pour les situations de parents disparus.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008