La création des diocèses de Maillezais et de Luçon au début du xive siècle
p. 229-249
Texte intégral
1Si beaucoup d'historiens font mention de l'apparition de nouveaux diocèses en France sous Jean XXII, ils se bornent la plupart du temps à en donner la liste, sans s'interroger plus avant sur ce phénomène. Luçon et Maillezais font partie de ces créations et leur érection à partir de l'ancien diocèse de Poitiers soulève un certain nombre de questions qui ne sont jamais abordées dans les études consacrées aux nouveaux diocèses méridionaux, en particulier ceux de la province de Toulouse1. Ces deux nouveaux diocèses poitevins sont donc encore fort méconnus, du fait de leur petite taille et des aléas de leurs archives. Comme on le sait, du fait de la disparition presque complète des sources locales pour Maillezais (ainsi d'ailleurs que pour Luçon), on en est réduit à s'appuyer sur des archives d'origine diverse, notamment royale ou pontificale, pour en apprendre davantage2.
2Pourtant la création de ces deux diocèses n'a pas été le fait du hasard, ni sans doute d'une simple lubie du souverain pontife : même si elle s'inscrit dans un remodelage plus large de la physionomie religieuse du Sud de la France, elle répond très certainement à une nécessité spécifique. Or la plupart des historiens qui se sont penchés sur la réforme entreprise par Jean XXII n'ont considéré le démembrement du diocèse de Poitiers que comme un cas à part, sans fournir plus d'explications3. Pourtant, à plusieurs titres, la création de Luçon et Maillezais fait figure d'exception : il est donc légitime de s'interroger plus avant à ce sujet, et de tenter de rassembler d'autres éléments de réponse.
3Plusieurs questions se posent alors : d'une manière générale, pourquoi cette vague de créations se produit-elle au début du xive siècle ? À quelles préoccupations réelles ce nouveau découpage répond-il ? Pourquoi Jean XXII a-t-il choisi d'établir la plupart des nouveaux diocèses à partir d'abbayes bénédictines, les transformant donc en chapitres réguliers ? De manière plus particulière, pourquoi y a t-il eu démembrement du diocèse de Poitiers, alors que les autres diocèses concernés sont tous situés dans le sud de la France ? Dans quelle mesure le pouvoir royal est-il intervenu dans cette décision ? Et pourquoi est-ce Luçon et Maillezais qui ont été choisis comme nouveaux sites épiscopaux (alors que leur position géographique n'est guère favorable), plutôt que d'autres abbayes de la région (comme la Grainetière ou Mauléon) ?
La création de nouveaux diocèses
4La création des évêchés de Luçon et de Maillezais par le pape Jean XXII en 1317 n'est pas un fait isolé ; elle fait partie d'un mouvement plus large qui aboutit à un total de seize nouveaux évêchés dans le sud de la France en 1317 et 1318. Ces créations de nouveaux diocèses, ainsi d'ailleurs que le redécoupage des provinces ecclésiastiques du Midi de la France, s'inscrivent dans le processus de réorganisation de l'administration pontificale menée par Jean XXII : celui-ci, quelques mois seulement après son accession au pontificat, redessine en fait complètement la géographie ecclésiastique du sud de la France. La question de la division des grands diocèses français n'est d'ailleurs pas complètement nouvelle pour les autorités pontificales, mais elle ne semble pas avoir été posée jusqu'alors d'un point de vue global. Jean XXII a semble-t-il tiré les leçons de la création du diocèse de Pamiers par Boniface VIII en 1295, dont la procédure avait été plutôt bâclée, en particulier au niveau de la délimitation du nouveau diocèse4.
5À l'exception de Luçon et Maillezais, les nouveaux évêchés sont créés entre le 11 juillet 1317 et le 7 avril 1318, soit en moins d'un an, par démembrement des grands diocèses plus anciens du Sud de la France :
- dans la province de Bordeaux :
- Condom à partir d'Agen ;
- Sarlat à partir de Périgueux ;
- Luçon et Maillezais à partir de Poitiers5 ;
- dans la province de Bourges :
- Tulle à partir de Limoges ;
- Castres à partir d'Albi ;
- Vabres à partir de Rodez ;
- Saint Flour à partir de Clermont ;
- Montauban est créé à partir de Cahors ;
- Narbonne est démembrée par la création des diocèses de Saint-Pons- de-Thomières et d'Alet (celui de Limoux n'a qu'une existence éphémère, jusqu'en 1318) ;
- le grand diocèse de Toulouse est également démembré, mais d'une manière un peu différente : Toulouse est érigé en province ecclésiastique et devient siège d'archevêché6. Les diocèses de Rieux, Lombez et Saint-Papoul sont créés simultanément (en juillet 1317), puis ceux de Lavaur et Mirepoix le sont en septembre 1317.
6Cette opération d'envergure est bien connue. Elle a nécessité plus d'une cinquantaine de textes, les premières bulles d'érection de juillet 1317 étant ensuite complétées par une autre série de bulles précisant les délimitations des diocèses (faisant suite à un long travail d'enquêteurs nommés par le pape, au plus près du terrain) : les nouvelles frontières diocésaines sont fixées en février 1318.
7Un projet aussi ambitieux n'a sans doute pas été décidé et mis à exécution à la hâte ; il a certainement été soigneusement élaboré par les autorités apostoliques, même si tous les détails n'en ont pas été réglés immédiatement. On ignore d'ailleurs si ce projet remonte au pontificat de Clément V, prédécesseur de Jean XXII -ce dernier le reprenant alors à son compte-, ou si c'est bien ce second prélat qui en est l'instigateur, les créations survenant en effet à peine un an après son élection. On a reconnu depuis longtemps les qualités d'administrateur de Jean XXII7, ce qui a d'ailleurs conduit jusqu'à présent à lui attribuer la paternité de ces créations ; mais le cas particulier des diocèses poitevins pourrait faire envisager une antériorité du projet remontant à Clément V. Jean XXII, au contraire de son prédécesseur, n'avait pas de raisons particulières de s'intéresser à Poitiers8 et il n'indique nulle part pourquoi le diocèse poitevin a été inclus dans une réorganisation touchant par ailleurs uniquement des diocèses méridionaux.
8Les raisons officielles avancées pour la création de ces nouveaux évêchés sont précisées dans la bulle Salvator noster9, ainsi que dans chacune des différentes bulles d'érection de ces diocèses, éditées dans les volumes de la Gallia Christiana10. En rapprochant les bulles de création des diocèses de Vabres, Sarlat, Tulle, Lavaur et Mirepoix de celles recueillies pour Luçon et Maillezais dans les archives pontificales, on constate rapidement de nombreux éléments communs. Au début de chaque bulle s'exprime la volonté d'un meilleur contrôle des populations de fidèles : la division des anciens grands diocèses en plusieurs circonscriptions plus petites est justifiée par le fait des surfaces trop étendues et des populations trop nombreuses pour être efficacement tenues par un seul et même évêque : « un seul pasteur ne peut suffire dans ce diocèse vaste et peuplé11 ». L'autre argument avancé est le laxisme des prélats méridionaux indignes de leur charge, élément dénoncé de manière explicite dans Salvator noster et qui implique un changement radical de personnel.
9Le premier argument - la taille des diocèses-, présent dans toutes les bulles d'érection et repris par tous les historiens, semble effectivement solide et peut se justifier dans une certaine mesure : on atteint en ce début de xive siècle le « plein Moyen Âge ». La population de l'Occident médiéval atteint son maximum et n'a pas encore été frappée par la grande épidémie de peste de 1348, ni par les ravages de la guerre de Cent Ans. Un petit territoire, doté d'un personnel ecclésiastique moins nombreux, est plus facilement contrôlable et permet un meilleur encadrement pastoral des fidèles. L'argument s'applique donc notamment à l'immense diocèse de Toulouse (réduit au quart de sa superficie initiale) ou même à celui de Poitiers. Mais dans ce cas, pourquoi avoir laissé inchangés d'autres très grands diocèses, comme ceux de Bourges, de Besançon ou du Mans ? Le remaniement pontifical laisse subsister de grandes inégalités dans la géographie ecclésiastique de la France, y compris dans le Sud. Cette raison avancée par Jean XXII paraît donc à elle seule largement insuffisante.
10Le second argument est également séduisant : une des motivations profondes du nouveau souverain pontife a très certainement été de substituer ses propres réseaux de soutien à ceux de son prédécesseur. La décision de créer de nouveaux diocèses ne s'est pas faite en concertation avec les évêques des anciens diocèses, et ceux-ci -on s'en doute— n'ont pas dû accepter de bon cœur d'être dépouillés par le démembrement de leur diocèse. En effet, en cédant à de nouveaux prélats une partie non négligeable de la surface de leur diocèse, ils leur abandonnent du même coup une part importante des revenus qu'ils pouvaient tirer de ces territoires. Mais ces mêmes évêques à la tête de vastes diocèses sont des personnages considérables12 et, en outre, ils peuvent avoir des velléités d'indépendance, ce qu'un pouvoir pontifical en expansion ne peut plus tolérer. La création de nouveaux diocèses permet donc de réduire leur puissance et, dans le même temps, de s'attacher la reconnaissance d'autres prélats en les nommant évêques. O, l'élection de Jean XXII ne s'est pas faite dans la facilité, loin s'en faut (cf. les menaces d'assassinat par les Gascons en plein consistoire), et celui-ci est à la recherche d'un soutien sans faille au sein de la hiérarchie ecclésiastique (d'où les nominations de nombreux Quercynois aux sièges épiscopaux et élévations au cardinalat).
11De fait, si on regarde la liste des diocèses concernés, on constate qu'un certain nombre de familiers ou de parents de Clément V sont touchés par ce remaniement : Amanieu, Béraud et Bernard de Farges, neveux du pape (évêques d'Agen, d'Albi et archevêque de Narbonne), et surtout Gaillard de Preyssac, l'évêque de Toulouse. Cependant, si certains historiens ont pu parler de véritable « chasse aux sorcières » contre le clan des Got (voire de procès quasiment « staliniens13 »), il faut remarquer que tous les détenteurs des sièges démembrés n'étaient pas non plus -loin de là- des soutiens de l'ancien pontife (Aubert Aycelin de Montaigu à Clermont, Pierre de Plaine- Cassagne à Rodez, ou même Géraud Roger à Limoges, pourtant nommé par Jean XXII lui-même le 12 janvier 1317). Il faut même relever à l'inverse le soutien sans faille de Jean XXII à un personnage tel que Gaillard de La Mothe, pourtant proche parent de Clément V (qu'il élève au cardinalat dans sa première promotion cardinalice du 18 décembre 131614.
12En ce qui concerne le démembrement du diocèse de Poitiers, il ne semble pas qu'il y ait eu d'opposition particulière de la part de l'évêque Fort d'Aux (neveu du camérier Arnaud d'Aux) -du moins sur le principe même du démembrement. Mais celui-ci venait à peine d'être pourvu du siège, avec une dispense d'âge, suite à la résignation de l'évêché par son oncle, promu au cardinalat par Clément V en 1312, en même temps que le futur Jean XXII. Ce dernier semble d'ailleurs vouloir ménager à la fois l'oncle et le neveu : l'année précédente à Lyon, Arnaud d'Aux, cardinal-évêque d'Al- bano, bien que membre du parti gascon avait contribué à élire Jacques Duèze au pontificat15. Le nouveau pape a certainement voulu se concilier l'oncle en ne dépouillant pas trop le neveu : le diocèse de Poitiers conserve plus de la moitié de sa surface, les deux nouveaux évêchés créés sont de taille modeste, et si les deux évêchés ont des menses à peu près égales, l'évêque de Poitiers conserve une mense très supérieure à celle de ses deux nouveaux voisins16. Cela n'empêche d'ailleurs pas Fort d'Aux de récriminer sur la réduction de ses revenus17.
13Les considérations personnelles, bien que présentes dans la mise en œuvre de ce projet, ne sont sans doute pas non plus déterminantes. Mais les bulles ne fournissent guère d'autres explications et ne nous éclairent pas davantage sur les motivations réelles du pouvoir pontifical. Il faut donc envisager, par-delà les textes des bulles, les différents types de raisons possibles.
Le démembrement du diocèse de Poitiers
14On connaît l'organisation du diocèse de Poitiers par le pouillé du début du xive siècle établi par l'évêque Gauthier de Bruges qui dresse l'état des bénéfices de son diocèse18. Celui-ci est alors l'un des plus vastes de France, avec ses 1 220 paroisses, ses 55 abbayes, ses 543 prieurés et ses 16 collégiales19. C'est aussi l'un des plus riches de l'Ouest, si l'on se réfère aux taxes pour les « communs services » versées chaque année à la Chambre Apostolique20 ou à la valeur des décimes21.
15Le diocèse de Poitiers était alors découpé en 3 archidiaconés, subdivisés en 23 archiprêtrés et 8 doyennés (un neuvième doyenné, celui d'Aize- nay, situé au nord-ouest du diocèse, est indépendant des archidiaconés ; un certain nombre d'églises paroissiales sont de même indépendantes des doyennés et des archiprêtrés22). L'archidiaconé de Brioux (ou Briançay, de Brio- censis) comprenait 12 archiprêtrés (Ambernac, Ruffec, Bouin, Chaunay, Gençay, Rom, Lusignan, Melle, Sanxay, Exoudun, Saint-Maixent et Ardin) et 3 doyennés (Fontenay, Mareuil et Talmont [dont 15 paroisses seulement font partie de l'archidiaconé de Brioux : les autres, soit 38, n'y sont pas intégrées]). C'est le plus vaste des trois archidiaconés et il forme toute la partie sud et ouest du diocèse. L'archidiaconé de Thouars comprenait quant à lui 2 archiprêtrés et 5 doyennés : les archiprêtrés de Pareds (Alperiensis) et Parthe- nay, et les doyennés de Montaigu, Saint-Laurent-sur-Sèvre, Vihiers, Thouars et Bressuire. Il compose la partie nord du diocèse. L'archidiaconé de Poitiers comptait lui seulement 9 archiprêtrés : Mirebeau, Loudun, Châtellerault, la Sie (Sedis), Mortemer, Lussac, Montmorillon, Faye-la-Vineuse et Angle. Il comprend toute la partie nord-est de l'ancien diocèse, et constituera le noyau du nouveau diocèse de Poitiers en 1317. Comme on le voit, le territoire soumis à la juridiction de ces trois archidiaconés est assez inégalement réparti, puisque l'archidiaconé de Brioux compte 500 paroisses, alors que celui de Thouars n'en compte que 320, et celui de Poitiers 245 (non comprises les 30 paroisses de la ville de Poitiers même).
16Le démembrement du diocèse de Poitiers ampute celui-ci d'environ 40 % de son territoire :
- Le diocèse de Luçon est constitué du doyenné d'Aizenay, de deux des doyennés de Brioux (Mareuil et Talmont), du doyenné de Montaigu et de l'archiprêtré de Pareds (venant de l'archidiaconé de Thouars).
- Le diocèse de Maillezais reçoit quant à lui trois des doyennés de l'archidiaconé de Thouars (Saint-Laurent-sur-Sèvre, Vihiers et Bres- suire), ainsi que le doyenné de Fontenay et l'archiprêtré d'Ardin (provenant de l'archidiaconé de Brioux23).
17La carte ci-jointe montre le découpage de l'ancien diocèse de Poitiers tel qu'il a été réalisé en 1317, et donne également les limites des anciens archidiaconés du début du xive siècle24.
18On obtient donc un découpage quelque peu arbitraire : alors que l'ancien siège se retrouve en position presque centrale vis-à-vis de son nouveau découpage diocésain, les nouvelles cités épiscopales de Luçon et Maillezais sont totalement excentrées, situées à l'extrême Sud par rapport aux territoires sous leur juridiction ; le diocèse de Maillezais, du fait du découpage adopté (respectant les anciennes circonscriptions), a une configuration particulièrement médiocre, étirée du Nord au Sud et très étroite en son milieu (12 km seulement de large en son centre). Au vu de cette situation, il n'est pas certain que le souci d'un contrôle plus effectif sur les populations ait vraiment été au premier plan des préoccupations du Saint-Siège ; les deux nouveaux sièges d'évêchés n'occupent pas la meilleure place pour cette mission et le diocèse de Poitiers, s'il perd toute sa façade occidentale, reste encore fort vaste. Il conserve 750 paroisses, 34 abbayes, 275 prieurés et tous les chapitres collégiaux, alors que Luçon compte seulement 245 paroisses, 13 abbayes, 122 prieurés ; et Maillezais 225 paroisses, 8 abbayes, et 146 prieurés25. Contrairement à ce qui se fait dans une majorité des nouveaux diocèses créés, aucune fondation de collégiale séculière ne vient compléter ce remaniement26. Malgré la création des deux nouveaux évêchés, Poitiers reste donc, par son importance traditionnelle, la capitale religieuse incontestée du Poitou et entend continuer à affirmer cette domination sur l'ensemble de la région, aussi bien sur ses nouveaux territoires que sur les anciens. On le constate d'ailleurs très rapidement, par les conflits qui éclatent les années suivantes entre les trois diocèses poitevins.
Des raisons financières
19Les motifs fiscaux et financiers ont été souvent avancés comme explication complémentaire par les historiens (contribuant en partie à l'image d'avidité associée à l'administration pontificale) : il paraît pertinent de replacer cette question dans son contexte historique, de façon plus précise, afin de mieux prendre en compte cet argument : Jacques Duèze vient juste d'accéder au pontificat, le 7 août 1316, sous le nom de Jean XXII. S'il s'est installé à Avignon (dont il a été l'évêque), cela n'est que de façon provisoire, du moins dans son esprit, toute la politique qu'il mène durant son pontificat étant en effet axée vers un retour prochain de la papauté à Rome. Or pour rentrer à Rome le pape doit d'abord reconquérir fermement les possessions de la papauté en Italie du Nord, en particulier Bologne et la Roma- gne : toute la région est alors plongée dans l'anarchie et soumise aux troubles. Jean XXII s'appuie sur Florence et le roi de Sicile, mais il doit affronter l'alliance gibeline des Visconti à Milan, de la Toscane, de Vérone et de Pise. Il lui faut donc recruter une armée à même de s'opposer à eux. La création de ces nouveaux diocèses, par les rentrées fiscales qu'elle permet, peut donc participer à l'élaboration générale de la fiscalité pontificale lancée par Jean XXII27. Celui-ci n'a pas agi n'importe comment, et J.-M. Vidal comme J.-L. Gazzaniga ont relevé que les évêchés démembrés étaient suffisamment riches pour supporter à leurs dépens la création de nouveaux diocèses28. C'est certainement le cas pour Poitiers.
20Toutefois, il faut relativiser l'importance de cette contribution dans le financement général de la papauté sous Jean XXII. Le trésor a certes été mis à mal par son prédécesseur, mais il n'est pas du tout certain que la création de 16 nouveaux diocèses et de la province ecclésiastique de Toulouse ait permis à elle seule de renflouer ce trésor (surtout à l'échelle de la France, avec ses 130 diocèses, et plus encore à celle de la Chrétienté latine). Il ne s'agit donc pas d'une opération spéculative de premier plan, ou du moins produisant de fortes rentrées d'argent immédiates : Jean XXII en est semble- t-il d'autant plus conscient qu'il renonce aux revenus initiaux de ces créations en faveur d'appuis politiques et qu'il lèvera par ailleurs d'autres subsides pour financer sa politique italienne.
Des raisons politiques
21Il faut également considérer que ces nouveaux diocèses sont créés dans les limites du royaume de France, et le roi de France a dû être au moins informé à ce sujet. Or, Philippe V était comte de Poitiers avant son accession au trône et il a œuvré pour mettre Jacques Duèze sur le siège pontifical. Ce dernier entretient donc de bons rapports avec lui, du moins pendant le début de son pontificat. En effet, Jean XXII se concilie le roi de France en lui abandonnant en partie le revenu des annates jusqu'en 132029. Celles- ci sont réclamées au profit du trésor apostolique depuis le pontificat de Clément V, mais sont développées par Jean XXII dès le mois de décembre 1316 : par la bulle Si gratanter advertitis, le nouveau souverain pontife réserve - à quelques exceptions près — à la Chambre apostolique les annates de tous les bénéfices alors vacants ou dont la vacance interviendrait dans les trois ans à venir. Or, la France est justement épargnée par cette mesure : Jean XXII a en effet accordé à Charles de Blois dès le 11 septembre précédent le privilège de percevoir ces annates dans les terres situées dans sa mouvance et dans le comté du Maine ; Philippe le Long a reçu la même faveur pour la France, la Navarre et le comté de Bourgogne pour une durée de quatre ans à compter du 14 septembre 131630.
22La création de nouveaux diocèses est alors profitable à la fois au pouvoir pontifical et à la royauté française : en augmentant le nombre d'évêchés, on augmente forcément d'autant le nombre d'évêques ; comme les nouveaux évêques sont presque tous des abbés de monastères (du fait du mode de constitution des nouveaux évêchés), on a également une nouvelle fournée d'abbés nommés. Or, la politique de Jean XXII conduit dès cette période à une réserve de l'ensemble des bénéfices majeurs (évêques et abbés) au profit de la papauté.
23Comme on le voit, le schéma de la réforme entreprise par Jean XXII est plus complexe qu'il n'y paraît, mêlant préoccupations financières et politiques ; il dépasse les seuls arguments mis en avant dans le texte des bulles. Il faut cependant remarquer que ces créations auraient pu également impliquer une multiplication des bénéfices attachés à chaque nouvel évêché, puisqu'il y a alors création d'un chapitre cathédral et de dignités attachées à l'entourage de l'évêque ; les revenus de tous ces nouveaux bénéfices auraient également pu revenir au roi. Mais le choix d'abbayes comme nouveaux sièges épiscopaux a entraîné de fait la constitution de chapitres réguliers à partir des communautés de moines préexistantes, sans qu'il y ait eu semble- t-il de modifications dans leurs structures31. On peut supposer que Jean XXII mène là encore une politique spécifique envers les bénédictins, plutôt qu'une simple quête de revenus.
24Même si la documentation disponible reste malheureusement muette à ce sujet, il n'est pas improbable que Philippe V, ancien comte de Poitiers, soit pour quelque chose dans l'intégration du diocèse de Poitiers à la réforme du nouveau souverain pontife. Il serait intéressant de déterminer quel a pu être la position royale vis-à-vis de cette réforme en général, et tout particulièrement vis-à-vis du Poitou32. Il faut rappeler qu'au début du xive siècle, cette province n'est intégrée que depuis peu au domaine royal, et que les barons poitevins feront encore longtemps preuve, face au pouvoir royal, d'une farouche volonté d'indépendance - tout particulièrement pendant la guerre de Cent ans-. Il n'est donc pas inconcevable d'envisager une intervention royale comme explication au cas particulier que présentent Maille- zais et Luçon vis-à-vis des autres créations de diocèses. On pourrait y voir une volonté concertée d'un meilleur contrôle de la société poitevine, d'un point de vue tant religieux que politique. Dans cette optique, on peut mentionner une série de documents antérieurs, remontant à l'épiscopat de Gauthier de Bruges : celui-ci a eu en effet à lutter contre les méfaits et les exactions commises par les archidiacres et les archiprêtres de son diocèse33. De même, nous connaissons par Dom Fonteneau plusieurs lettres de Philippe le Bel des années 1307-1308, soutenant l'évêque de Poitiers dans son action34.
Des raisons religieuses
25Un autre motif a été souvent avancé comme moteur principal de cette réforme : le problème des hérésies, phénomène récurrent surtout en ce qui concerne le diocèse de Toulouse. Un découpage plus étroit du territoire pourrait y resserrer le contrôle de l'Église sur les populations et empêcher le développement des hérésies dans une région toujours suspecte aux yeux de la papauté. Mais beaucoup d'historiens ont négligé cet aspect car ce motif ne figure pas dans la bulle Salvator noster (alors qu'il figurait de manière explicite dans la bulle Romanus Pontifex de Boniface VIII). De fait, selon M. Fournié, A. Dubreil-Arcin et F. Ryckebusch, la géographie des remaniements diocésains de 1317 ne coïncide pas complètement avec celle de l'hérésie cathare ou vaudoise, contrairement à ceux initiés en 1295 et seules les modifications touchant les provinces de Narbonne et de Toulouse pourraient être effectivement en rapport avec l'extirpation définitive de l'hérésie cathare.
26Ils mettent par contre en évidence les préoccupations de Jean XXII vis- à-vis des Spirituels et des Béguins, et ce dès son accession au pontificat en 1316 : plusieurs éléments semblent démontrer sa volonté répressive envers ce mouvement. Dès 1316, Jean XXII confirme les condamnations du concile de Vienne de 1311 ; il condamne également les Spirituels qu'il interroge lui-même en Avignon en 1317 et dont il fait emprisonner un certain nombre d'entre eux. Quatre sont brûlés à Marseille en 1318, premiers d'une longue série de bûchers35. Dans la province de Tarragone, également scindée en deux en 1318, l'archevêque s'en prend nettement aux Tertiaires franciscains et aux Béguins de son diocèse36. De même, plusieurs des premiers évêques nommés par Jean XXII dans les nouveaux diocèses du Sud participent activement à la lutte contre les Spirituels37. Si Poitiers n'était a priori pas concerné par le catharisme, il n'en est pas de même pour cet autre mouvement : on sait en effet que le diocèse a été secoué en 1315 par une affaire de Spirituels38. Ainsi, toujours selon M. Fournié, A. Dubreil-Arcin et F. Ryckebusch, « si l'on s'en tient à la bulle que le souverain pontife adresse le 26 février 1322 aux métropolitains des zones qu'il considère comme gagnées par les errements des Spirituels ou des Béguins [les archevêques de Narbonne, Toulouse, Auch, Bordeaux, Saragosse, Arles, Aix-en-Provence, Vienne et Embrun], la création des évêchés concorderait avec la lutte contre l'hérésie39 ». Pour autant, les auteurs nuancent cette hypothèse bien tentante : ils constatent que la majorité des condamnations visant les Spirituels concernent en fait la province de Narbonne, et que la modification de la carte diocésaine ne touche en rien le fonctionnement de la justice inquisitoriale, que ce soit à Carcassonne (avec Jean de Beaune) ou à Toulouse (aux mains de Bernard Gui de 1309 à 1323). Ils relèvent aussi que « l'attitude de Jean XXII à l'égard des Spirituels est, à tout le moins, paradoxale : très dure à l'égard des exaltés qui remettent en cause son autorité, il fait montre d'une tolérance voire d'une fascination à l'égard des têtes pensantes du mouvement [Ubertin de Casale séjourne à la Curie ; Philippe de Majorque se voit pressenti - et avec insistance - pour l'évêché de Mirepoix, qu'il refuse avec force]. »
27Les seules raisons religieuses paraissent donc une fois de plus insuffisantes pour justifier un remodelage d'une telle ampleur : comme on le voit, cette initiative de Jean XXII ne s'inscrit pas non plus dans un simple schéma administratif et centralisateur : elle procède de plusieurs facteurs, où la forte volonté réformatrice du pape s'exprime dans toute sa complexité.
L'organisation des nouveaux diocèses
28Si le remodelage ecclésiastique entrepris par Jean XXII n'a pas rencontré d'obstacles majeurs, la mise en place effective des nouveaux diocèses sur le terrain a par contre soulevé différents problèmes d'organisation : il fallait d'abord trouver des sièges aux nouveaux évêchés, puis désigner les premiers titulaires de ces sièges épiscopaux.
Les nouveaux sièges d'évêchés
29On constate que bon nombre des sièges des nouveaux évêchés sont des monastères ou prieurés existant dans l'ancien diocèse d'origine et que le premier évêque est le plus souvent l'ancien titulaire de cet établissement40. Jean XXII a de plus choisi majoritairement des abbayes bénédictines, et quelques bénéfices augustins41. Ce ne sont donc pas des créations ex nihilo, mais l'érection en cités épiscopales d'anciennes abbayes. Cette transformation présente plusieurs avantages : les abbayes disposent déjà toutes sur place d'une église (pouvant être transformée en cathédrale) et des bâtiments conventuels nécessaires au futur chapitre (sans qu'il soit besoin d'en édifier de nouveaux). Elles accueillent en outre une communauté religieuse déjà bien implantée au niveau local, à l'importance numérique variable mais dotée de tout le personnel nécessaire au fonctionnement du nouveau siège épiscopal. Enfin, la plupart d'entre elles dominent déjà un petit noyau urbain pouvant sans doute assurer la prospérité du nouveau siège. C'est cet argument qui est avancé par Jean XXII dans les lettres qu'il adresse aux nouveaux évêques de Maillezais et de Luçon42. Les abbayes choisies sont donc transformées en évêchés et continuent à fonctionner de la même façon qu'auparavant : les moines forment le nouveau chapitre cathédral tout en conservant leur statut de réguliers. Dès 1318, le pouvoir pontifical intervient d'ailleurs aussi à plusieurs reprises dans la répartition des biens des menses épiscopale et capitulaire, afin qu'elle se fasse de manière à peu près harmonieuse.
30Cependant, si l'on observe la situation des différents établissements religieux dans les régions concernées (et en particulier le maillage bénédictin), on peut s'interroger sur le choix effectué par le pouvoir pontifical de certaines abbayes plutôt que d'autres. L'historiographie traditionnelle a long temps présenté Luçon et Maillezais comme les deux abbayes les plus florissantes de la région, justifiant de ce fait même leur choix comme nouveau siège d'évêché (sans qu'une étude de leur temporel n'ait d'ailleurs été esquissée43). Dans le même temps, les recherches archéologiques ont longtemps affirmé que les travaux d'embellissement effectués à Maillezais (et dans une moindre mesure à Luçon) dataient des années 1317-1320, soit au moment de l'érection des deux abbayes en sièges épiscopaux, laissant à penser que ces travaux étaient rendus nécessaires par le changement de statut de l'église abbatiale. Mais les recherches récentes menées par M.-Th. Camus44 semblent faire remonter ces travaux à la période antérieure, soit plutôt les années 1280-1290. On peut donc penser que ces campagnes de travaux menées à Luçon et Maillezais ont contribué à leur choix comme sièges des nouveaux évêchés poitevins, plutôt que d'en être une conséquence. À cet égard, les deux abbés Pierre de la Veyrie et Geoffroy Pouvreau ont certainement joué un rôle déterminant ; on sait en particulier que Maillezais a considérablement accru ses possessions à la fin du xiiie siècle. Toutefois, s'ils ont certainement mené une politique dynamique dans leur établissement, on ne peut pas en conclure pour autant que Luçon et Maillezais aient été les deux abbayes les plus importantes du Bas-Poitou, si on les compare avec les autres grandes abbayes de la région (notamment Saint-Michel-en- l'Herm ou Nieul-sur-l'Autize).
31Plus largement, on constate que le pape, s'il choisit en majorité (11 sur 16) des abbayes bénédictines comme sièges des nouveaux évêchés, ne privilégie en effet pas des abbayes de premier plan qui peuvent s'offrir à lui et où les abbés exercent déjà un pouvoir bien affirmé. Ce choix semble obéir également à des raisons tactiques : si Jean XXII reconnaît le mérite des bénédictins, il souhaite aussi les contrôler de façon plus rapprochée45. L'élévation en sièges épiscopaux d'abbayes de moindre envergure, ce qui leur donne une importance et une autorité certaines sur les nouveaux diocèses, permet à Jean XXII de contrebalancer l'influence des grandes abbayes au plan local pour renforcer l'emprise du pouvoir pontifical46. Cela expliquerait assez bien le choix de l'abbaye de Luçon plutôt que celui de l'abbaye voisine de Saint-Michel-en-l'Herm, à l'influence bien plus importante dans la région du Bas-Poitou47.
32Le choix de respecter au moins en partie les anciennes circonscriptions archidiaconales combinées à cette sélection d'établissements préexistants et à l'activité des deux abbés a sans doute davantage déterminé le choix final de Luçon et Maillezais que la simple logique géographique, qui aurait pu faire préférer d'autres sites pour l'établissement d'un évêché.
Les limites des nouveaux diocèses
33Une fois les créations déterminées et les sièges épiscopaux choisis, il restait ensuite à définir les limites des nouveaux diocèses. Or, ce problème des limites n'a semble-t-il pas été considéré au départ comme déterminant par la papauté, même si les déboires de Boniface VIII avec le diocèse de Pamiers ne sont pas oubliés. Les limites des nouveaux diocèses sont indiquées comme devant être fermes et définitives dans les bulles d'érection, mais elles ne sont pas définies plus précisément pour un certain nombre de ces diocèses ; il faut parfois plusieurs ajustements pour parvenir à un découpage définitif48. Il semble que l'établissement des limites n'a pas réellement suivi un plan préconçu mais se soit fait plutôt au coup par coup. Pour Luçon et Maillezais, on a suivi dès le départ le découpage des doyennés et des archiprêtrés existants en les répartissant entre les trois diocèses. Pour d'autres diocèses, la délimitation territoriale a pu s'appuyer sur des « frontières naturelles » telles que les rivières : pour Sarlat on se sert des limites données par la Vézère et la Dordogne ; Condom est séparé d'Agen par la Garonne49.
34Le pouvoir pontifical se devait enfin de garantir l'intégrité et l'indépendance des nouveaux diocèses vis-à-vis des anciens évêques possesseurs : l'indépendance juridique est fortement affirmée dans les bulles d'érection par l'autorité papale et ne doit donc en théorie pas poser de problèmes. Dans les faits, cette indépendance sera très vivement contestée par les évêques.
Les nouveaux évêques
35Comme on l'a vu, les évêques nommés par Jean XXII sont pour la plupart des réguliers (en majorité des bénédictins). On connaît par ailleurs l'attachement du souverain pontife aux réguliers, puisque la plupart des évêques qui sont nommés à des évêchés devenus vacants sous son pontificat le sont également. Mais ces nouveaux évêques sont aussi, pour la plupart, des méridionaux : ceux-ci ne quittent pas leur région d'origine et permettent à Jean XXII de s'assurer une clientèle proche de lui et localisée non loin d'Avignon. De fait, la plupart d'entre eux ont soutenu activement l'entreprise pontificale. Si, pour les évêchés du Midi, Jean XXII s'est donc constitué un réseau de relations sûres, en nommant également des personnages issus de son entourage ou même de sa parenté (ses deux frères Bertrand et Guillaume sont respectivement évêque de Rieux puis de Cahors, et évêque de Saint-Papoul50), on ne sait pas dans quelle mesure il agit de même pour Luçon ou Maillezais, qui sont situés bien plus loin et échappent quelque peu aux explications valables pour le Sud.
36Il faudrait obtenir davantage de renseignements sur les deux premiers évêques de ces diocèses afin de déterminer s'ils doivent leur élévation uniquement à leur mérite personnel (comme cela figure d'ailleurs dans les bulles d'érection51), s'ils ont bénéficié de l'appui du pape, de celle d'Arnaud d'Aux, ou d'un soutien royal (en particulier de la part de l'ancien comte de Poitiers), ou s'ils ont seulement hérité du titre d'évêque par le choix de leur abbaye comme nouveau siège d'évêché. On ne dispose malheureusement à leur sujet que de très peu d'éléments prosopographiques, qui nous permettraient de donner davantage de précisions. On sait seulement qu'ils se trouvaient tous les deux en Avignon à la date de leur nomination, puisqu'ils reçoivent ce jour-là la permission de se retirer de la Curie, mais on ne connaît pas précisément la raison de leur présence52.
Les conséquences des nouvelles créations
37Malgré la volonté du Saint-Siège, l'ensemble des problèmes n'a pas été réglé par les seules bulles d'érection ; par la suite les anciens évêques n'ont pas arrêté de contester ces créations, soit en profitant du flou subsistant autour des limites des nouveaux diocèses (restées souvent imprécises) -ce qui nécessite dès l'année suivante l'envoi de nouvelles bulles précisant davantage ces limites (en particulier pour les diocèses créés à partir de Toulouse) -, soit en contestant l'indépendance d'une partie du territoire du nouveau diocèse. On en a d'ailleurs l'illustration pour Luçon très peu de temps après la création : en 1319 survient une contestation au sujet du doyenné de Mareuil. Jean de Cherchemont, doyen de Poitiers, obtient du pape le droit d'y exercer sa juridiction, malgré l'opposition de l'évêque de Luçon53. Le pape semble donc revenir sur les termes de la bulle de 1317, qui garantissait l'indépendance des domaines relevant du nouveau diocèse : mais la stature politique de Jean de Cherchemont a très certainement joué un rôle déterminant dans cette affaire54. À peine un an après la création des deux nouveaux diocèses poitevins, une autre bulle de Jean XXII, qui concerne cette fois l'évêché de Maillezais, va dans le même sens que la contestation précédente : cette bulle déclare que, contrairement aux prétentions de l'évêque de Maillezais, la terre de Sainte-Pezenne et l'église de ce lieu ainsi que l'église de Sihec sont dans les limites de l'officialité de Niort, au diocèse de Poitiers, et appartiennent à l'évêque de Poitiers55. On sait également que le chapitre et les abbayes du diocèse de Poitiers ont gardé après 1317 le droit de présentation sur 17 paroisses des deux nouveaux diocèses.
38On a de même conservé trace d'une contestation à propos d'un droit de luminaire que les curés des diocèses de Luçon et de Maillezais sont censés payer à la cathédrale de Poitiers. On ne connaît pas l'origine exacte de cette querelle : il est probable que ce droit date d'avant 1317 et fasse ainsi partie des « hommages et redevances » mentionnés dans la bulle d'érection (ces droits ne sont pas clairement explicités, ce qui laisse un certain flou propice à ce type de conflits56). En 1366, les curés de Luçon reconnaissent être redevables de ce droit de luminaire, et ce depuis le démembrement du diocèse de Poitiers57. Le clergé de Luçon et de Maillezais a sans doute dû être obligé de payer ce droit de luminaire à la cathédrale de Poitiers, ce qu'il a certainement fait de très mauvaise grâce : un siècle plus tard, en 1460, le chapitre de Poitiers obtient à nouveau une commission contraignant les curés de Luçon à lui payer ce droit58. On retrouve encore ce même droit de luminaire en 1511, avec une sentence rendue au profit des chanoines de Saint-Pierre de Poitiers contre plusieurs curés de Luçon, sur le paiement de ce droit au chapitre de Poitiers59. Et les contestations à propos de ce droit de luminaire se sont poursuivies bien au-delà, tout au long des xvie et xviie siècles, tant pour Luçon que Maillezais.
39Ces contestations de toutes sortes ont nécessité à plus ou moins longue échéance d'autres interventions pontificales qui n'ont pas forcément donné raison aux nouveaux diocèses (les papes succédant à Jean XXII menant notamment leur propre politique bénéficiale). On voit alors les évêques des nouveaux diocèses demander l'intervention du pouvoir royal pour défendre leurs intérêts : ainsi le roi Charles IV octroie en 1323 des lettres de sauvegarde à l'évêque de Luçon, Pierre de la Veyrie, ainsi qu'à son chapitre, répondant favorablement à leur demande60. Cette protection royale devait être nécessaire pour éviter de nouveaux conflits, en particulier avec l'évêque de Poitiers. On sait que l'évêque de Maillezais lui obtint la création par Philippe V d'un marché hebdomadaire dans sa cité, favorisant très certainement la prospérité du lieu61.
Un bilan négatif ?
40Le bilan de ces créations a longtemps été jugé négatif par les historiens, au seul motif de la petite taille des nouveaux diocèses. Ce bilan n'est en effet pas particulièrement positif pour les diocèses eux-mêmes : la prospérité économique n'a pas vraiment été au rendez-vous. Comme beaucoup d'historiens l'ont conclu62, la plupart de ces nouveaux diocèses ont sans doute effectivement plutôt végété, du fait de leur petite taille initiale et certainement aussi du fait du retournement de la conjoncture économique au xive siècle. Un point a peut-être aussi joué un rôle aggravant : la majorité de ces évêchés ont gardé leur statut de réguliers (le chapitre de Luçon n'est sécularisé qu'en 1469, celui de Maillezais ne le sera qu'après son transfert à La Rochelle, en 1666), et n'ont donc pas attiré de chanoines par la mise à disposition de prébendes. La plupart des cités épiscopales (à l'exception de Montauban) n'ont donc jamais dépassé le stade de petites bourgades.
41Il faut néanmoins nuancer ce jugement négatif : pour autant, ces nouveaux diocèses ne sont pas forcément les plus misérables, si on les compare aux sièges plus prestigieux du nord de la France et plus encore aux petits diocèses du Sud-Est. Si on regarde la liste des diocèses les plus riches établie par L. Caillet pour le pontificat de Jean XXII63, on constate que Toulouse est plus riche que Chartres ou Reims ; certains nouveaux diocèses (Castres, Condom, Lombez, Mirepoix, Montauban, Saint-Papoul) sont taxés au même niveau que les diocèses normands d'Avranches, Coutances ou Evreux, que Troyes ou Tours (6 000 à 7 500 fl. or64). Luçon et Maillezais, s'ils ne sont pas de premier plan (avec 3 000 fl. or), sont avec Saint- Flour au niveau de Mâcon, Cahors, Lodève, Uzès, Grenoble, des grands diocèses bretons (Quimper, Rennes Saint-Malo), et supérieurs à Sens, Châlons-sur-Saône, Marseille, Orange, Toulon ou Nice. Si on ne trouve guère d'éléments probants pour Maillezais, coincé entre le littoral et la capitale provinciale, Luçon avait certainement des atouts pour devenir un évêché florissant : le littoral offre par exemple plusieurs ports (Talmont, les Sables- d'Olonne, Bourgneuf) ; surtout, la pointe nord-ouest du diocèse constitue la partie sud de la « Baie » de Bourgneuf, où le commerce international du sel prend alors son essor, et dégage de très substantiels bénéfices65. Il n'est pas sûr par contre que l'évêque ou le chapitre profitent réellement de ce commerce au xive ou au xve siècle : Luçon est apparemment situé trop loin au Sud pour exercer son influence sur cette partie du diocèse (comprise dans le doyenné d'Aizenay) et son accès à la mer est définitivement ensablé dès le xive siècle. De manière générale, nombre d'évêques se lancèrent dès les premières années de leur épiscopat dans des politiques de grands travaux, destinées à donner à ces nouvelles circonscriptions une réelle identité diocésaine : même si tous n'y sont pas parvenus, cela suppose qu'ils pouvaient d'une manière ou d'une autre disposer de revenus suffisants66.
42Occupant une place à part dans la réforme de Jean XXII, les diocèses de Luçon et de Maillezais laissent subsister diverses interrogations, tant sur leur existence même que sur le choix des sièges d'évêchés. S'ils n'ont pas connu l'essor que l'on pouvait espérer, c'est très certainement du fait de la position dominante tenue par Poitiers : les deux nouvelles cités épiscopa- les n'ont guère pu rivaliser avec la capitale régionale qu'était alors cette ville. Pour autant, ces trois diocèses sont ensuite constamment regroupés et considérés comme faisant partie d'un même espace « poitevin », et si Poitiers a conservé sa prééminence, les sièges de Maillezais et de Luçon n'ont pas été par la suite occupés que par des personnages de second plan. Pierre de Thury ou Nicolas Cœur n'ont sans doute pas eu à rougir de leurs diocèses, et il faut donc sans doute largement réviser cette appellation « d'évêché crotté » qu'on leur a trop longtemps associé.
Notes de bas de page
1 Citons notamment Vidal (J.-M.), « Documents sur les origines de la province ecclésiastique de Toulouse (1295-1318) », Annales de Saint-Louis-des-Français, Rome, Toulouse-Privat, 1901 ; Vidal (J.-M.), « Les origines de la province ecclésiastique de Toulouse (1295-1318) », Annales du Midi, tome xv, 1903, p. 289-328, 469-592 ; Gazzaniga (J.-L.), « La création de la Province ecclésiastique de Toulouse par Jean XXII », La papauté d'Avignon et le Languedoc (1316-1342), Cahiers de Fanjeaux, n° 26, 1991, Toulouse, p. 143-155 ; Gazzaniga (J.-L.), « Notes sur la province ecclésiastique de Toulouse et les papes d'Avignon », Les prélats, l'Église et la société xie-xve siècles. Hommage à Bernard Guillemain, Bordeaux, 1994, p. 165-172, ainsi que Fournié (M.), Dubreil-Arcin (A.) et Ryckebusch (F.), « Jean XXII et le remodelage de la carte ecclésiastique du Midi de la France : une réforme discrète » (à paraître), qui offre de nouvelles perspectives.
2 Il faut mentionner l'immense travail effectué par l'abbé Louis Delhommeau, ancien archiviste diocésain de Luçon, pour la reconstitution des archives de ces deux diocèses : les différents fichiers qu'il a constitués en plus de 20 ans de recherche sont des ressources essentielles pour l'étude du clergé bas-poitevin. Cf. Delhommeau (L.), Notes et documents pour servir à l'histoire de l'abbaye Saint-Pierre de Maillezais..., Paris, 1961 ; Documents pour l'histoire de l'évêché de Luçon 1317-1801, Luçon, 1980, 222 p., et Supplément..., 1985.
3 Seul R. Durand s'est interrogé de manière récente à ce sujet : Durand (R.), « Jean XXII et le Poitou », Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest., 4e série, tome IX, 1967-1968, p. 91-152.
4 Sur toute cette affaire, voir Vidal (J.-M.), Histoire des évêques de Pamiers, 2 vol., Toulouse-Paris, 1926, t. I, Bernard Saisset (1232-1311). Le conflit ouvert avec l'évêque de Toulouse, qui a vu son diocèse amputé de près de la moitié de sa surface, impose rapidement une révision de la délimitation : Clément V, après avoir nommé son neveu Gaillard de Preyssac à Toulouse (22 janvier 1306), reprend la procédure et détermine une nouvelle délimitation, plus à l'avantage de ce dernier (bulle Justicia et Fax, 1308).
5 L'érection de Luçon et Maillezais date du 13 août 1317 (ASV, Reg. Aven. 7, fol. 429, et Reg. Vat. 66 n° 4111), publiées par l'EFR (= LC JXXII n° 4697 ; à la même date n° 4696 pour Condom, n° 4724 pour Tulle et n° 5430 pour Sarlat).
6 J.-M. Vidal fournit de nombreux documents originaux sur cette érection de Toulouse en archevêché (« Les origines de la province... », op. cit. n. 1).
7 Même si les jugements sur son oeuvre ont longtemps été négatifs, dans la lignée de l'historiographie moderne, décriant les fameux « évêchés crottés », dont Luçon et Maillezais ne sont pas les moindres : on retrouve ainsi des distiques faciles du style « Chapitres de Jean XXII, chapitres de gueux » ou « Beati qui habitant urbes Exceptis Saint-Papoul et Maillezais ». Cf. Fournié (M.), Dubreil-Arcin (A.), Ryckebusch (F.), op. cit. n. 1.
8 Voir Labande (E.-R.), « Clément V et le Poitou », Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 4= série, tome iv, 1957, p. 11-33 et 83-109.
9 Le Bras (G.), Institutions ecclésiastiques de la Chrétienté médiévale, Paris, Bloud et Gay, 1964, tome 1, p. 231. Jean XXII y énonce les justes causes de sa création, l'opportunité du conseil des cardinaux, le pouvoir absolu du pontife qui fixe les frontières et le statut.
10 Gallia Christiana..., vol. I, partie Instrumenta, col. 58-59 ; vol. II, col. 210-211 et 497-498 ; vol. XIII, col. 236-238. La bulle concernant Condom n'est pas éditée dans la Gallia, l'auteur indiquant qu'elle est identique à celle donnée pour Luçon et Maillezais. La bulle d'érection du diocèse de Saint-Flour n'est pas non plus fournie par la Gallia, qui se borne à mentionner son existence dans les archives diocésaines. Un formulaire de ces bulles d'érection se trouve dans les registres de Jean XXII (Coulon (A.), Lettres secrètes..., tome 1, n° 110).
11 L'argumentation est par exemple aussi bien reprise dans le cas de Toulouse [Gazzniga (J.-L.), « La création de la Province... », op. cit. n. 1, p. 146] que dans celui de Castre [Biget (J.-L.), « Une abbaye urbaine qui devient cathédrale ; Saint-Benoît de Castres », Les Moines noirs (xiiie - xive s.), Cahiers de Fanjeaux, n° 19, 1984, Toulouse, p. 153-192],
12 Qu'on a souvent montrés plus préoccupés de leurs revenus que d'un quelconque souci pastoral, ce qui n'est sans doute pas leur rendre justice (comme l'équipe des Fasti Ecclesiae Gallicanae s'est attelée à le démontrer depuis plusieurs années).
13 Shatzmiller (J.), Justice et injustice au début du xive siècle, l'enquête sur l'archevêque d'Aix et sa renonciation en 1318, École Française de Rome, 1999.
14 Sur cet aspect « sélectif » de la politique de Jean XXII, voir l'analyse de Fournié (M.), Dubreil-Arcin (A.) et Ryckebusch (F.), op. cit. n. 1
15 Sur les circonstances de l'élection de Jean XXII, voir l'article de Mollat (G.), « L'élection du pape Jean XXII », Revue d'histoire de l'Église de France., tome I, 1910, p. 34-49 et 147-166.
16 Favreau (R.), La ville de Poitiers à la fin du Moyen-Àge : une capitale régionale, Poitiers, Société des Antiquaires de l'Ouest, 1978, p 123.
17 LC JXXII, n° 14798. Après le démembrement, les revenus de l'évêque de Poitiers peuvent être estimés à environ 2800 1., d'après le montant payé pour la décime (280 1.), soit un peu moins de la moitié des revenus précédents. Cf. Durand (R.), op. cit. n. 3, p. 99.
18 Sur les conditions d'élaboration du Grand Gauthier, voir Rédet (L.), « Cartulaire de l'évêché de Poiriers ou Grand-Gauthier [1185-1505] », Archives historiques du Poitou, t. X, Poitiers, 1881, p.XXV-XXXII, 1-424.
19 Favreau (R.), op. cit. n. 16, p. 122.
20 Hoberg (H.), Taxae pro servitiis communibus ex libris obligationum ab anno 1295 usque ad annum 1455 confectis, Studi e Testi, n° 144, Cité du Vatican, 1949. D'après les registres pontificaux les revenus des diocèses du Centre-Ouest sont les suivants : Poitiers 4 400 florins, Bourges et Bordeaux 4 000, Tours 2 500, Saintes 2 000, Angers 1700, Nantes 1 100, Angoulême 1 000.
21 Favreau (R), op. cit. n. 16, p. 122. L'auteur fournit des valeurs pour la fin du xiiie siècle et le début du xive siècle : Poitiers paie 5 480 1. en 1289 (contre 3018 pour Saintes et 1 032 pour Angoulême) et 5 552 1. au début du xive siècle (contre 2939 pour Saintes, 1 036 pour Angoulême, 944 pour Nantes et 2013 pour Tours).
22 Rédet (L.), Dictionnaire topographique du département de la Vienne concernant les noms de lieux anciens et modernes, Paris, Imp. Nationale, 1881, XXXVI-526 p., p. XIII-XVI. A. Amanieu note que l'on trouve les doyennés plutôt au Nord, au Centre et à l'Ouest, et les archiprêtrés plutôt en Bourgogne, en Languedoc ou en Guyenne : Poitiers apparaît donc ici comme un point de contact entre Nord et Sud (article « archiprêtre » du Dictionnaire de droit canonique, tome I, 1935, col. 1004-1026).
23 Ce découpage répartit de fait l'ancien archidiaconé de Thouars (englobant à peu près dans son entier le pagus Toarcensis) dans les trois diocèses ainsi formés.
24 On a utilisé comme source pour cette carte les travaux de l'abbé Aillery (E.), Pouilléde l'évêché de Luçon), Fontenay-le-Comte, Imp. Robuchon, 1860, 310 p., et ceux de Beauchet-Filleau (H.), Pouillé du diocèse de Poitiers, Niort-Poitiers, 1869, XLIV-515 p.
25 Favreau (R.), op. cit. n. 16, p. 123, reprenant le décompte fait par R. Durand. Poitiers conserve en particulier sur son territoire les abbayes les plus importantes que l'on peut estimer d'après le montant des taxes pontificales, cf. Hoberg (H.), op. cit. n. 20 : ainsi au début du xive siècle Saint-Maixent paie 1 200 florins, Montierneuf 700, Saint-Jouin-de-Marnes 520, Nouaillé et Charroux 300, Saint- Benoît-de-Quincay 250, Nanteuil-en-Vallée, Fontgombault et Sainte-Croix-d'Angle 200. Luçon dispose de l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm (500 florins) et de celle de Nieul-sur-l'Autise (200 fi.) ; Maillezais de l'abbaye de l'Absie-en-Gâtine (200 fl.) et de celle de Mauléon (100 fl.).
26 Ces collégiales sont établies sur un modèle type en 1318 : deux sont créées à Toulouse, une à Saint- Papoul, Castres, Montauban, Alet et Sarlat ; elles disposent de 2000 1. de revenus, abritent douze chanoines à la tête desquels se trouve un doyen ; cf. Lemaître (J.-L.), « Les créations de collégiales en Languedoc par les papes et les cardinaux sous les pontificats de Jean XXII et de Benoît XII », La papauté et le Languedoc (1316-1342), Cahiers de Fanjeaux,n° 26, 1991, Toulouse, p. 157-198.
27 Sur les aspects financiers, voir Caillet (L.), La papauté d'Avignon et l'Église de France - la politique bénéficiale du pape Jean XXII en France (1316-1334), Paris, PUF, 1975, 603 p. Si l'auteur analyse très précisément les mécanismes financiers du pontificat de Jean XXII, il ne tient semble-t-il pas assez compte des aspects politiques et des liens personnels.
28 M. Fournié, A. Dubreil-Arcin et F. Ryckebusch (op. cit. n. 1) ont relevé les éléments de la carrière de Jacques Duèze montrant sa très bonne connaissance de la situation financière des diocèses du Sud de la France.
29 Ces annates constituent les revenus de la première année d'un bénéfice, réservées à la Chambre Apostolique à la suite d'une nouvelle collation.
30 Sur l'origine et le fonctionnement des annates, voir l'ouvrage de Ch. Samaran et G. Mollat, La fiscalité pontificale en France au xive siècle, Paris, 1905, p. 23-34. Le pouvoir royal a si bien su profiter de ce privilège qu'à l'expiration du délai accordé Jean XXII se refuse à le concéder à nouveau -malgré l'insistance royale -, tant les églises du royaume ont été accablées d'impôts. Les annates ne sont à nouveau levées en France qu'à partir de 1326 (en 1333 pour Luçon et Maillezais), avec certains allégements spécifiques.
31 Des modifications (en particulier des créations d'offices) ont pu intervenir par la suite en accord avec les évêques, mais on ne relève pas pour ces nouveaux diocèses de création de systèmes de prébendes tels qu'on les trouve dans les autres diocèses médiévaux.
32 Il faudrait par exemple examiner en détail la correspondance de Jean XXII avec Philippe V.
33 Règlement du 9 décembre 1298, contre ceux qui exigeaient plus que leurs droits pour leurs visites (Poitiers, Médiathèque François-Mitterrand, coll. Dom Fonteneau, vol. XXV, p. 249-252).
34 Notamment une lettre du 27 décembre 1307 qui ordonne au sénéchal de Poitou et de Saintonge et au bailli de Touraine de prêter main-forte à Arnaud d Aux et à son officiai pour l'emprisonnement des clercs incorrigibles (Poitiers, Médiathèque, coll. Dom Fonteneau, vol. III, p. 461).
35 Duvernoy (J.), Cathares, Vaudois et Béguins dissidents du pays d'Oc, Toulouse, 1994, p. 188.
36 Aurell (M.), « Eschatologie, spiritualité et politique dans la confédération catalano-aragonaise (1282-1412) », Fin du monde et signes des temps. Visionnaires et prophètes en France méridionale (fin xiiie- début xve), Cahiers de Fanjeaux, n° 27, 1992, Toulouse, p. 198.
37 Il s'agit notamment de Barthélémy de Gogens, de Déodat de Séverac, de Raymond de Mostué- jouls ou de Jacques Fournier.
38 Oliger (L.), « Fr. Bertrandi de Turre processus contra spirituales Aquitaniae (1315) et card. Jacobi de Columna litterae defensoriae spiritualium provinciae (1316) », Archivum Franciscanum Historicum, tome XVI, 1923, p. 323-355.
39 Fournié (M.), Dubreil-Arcin (A.), Ryckebusch (F.), op. cit. n. 1.
40 Hormis à Luçon et Maillezais, c'est par exemple le cas pour l'abbaye de Castres, au diocèse d'Albi, étudiée par J.-L. Biget, op. cit. n. 11.
41 Échappent à cette règle « le chapitre de Rieux, érigé à partir d'un prieuré-cure, et l'éphémère évêché de Limoux, créé à partir de la paroisse Saint-Martin le 20 août 1317. Il convient sans doute d'y ajouter Mirepoix, érigé à partir d'un prieuré de Saint-Victor de Marseille, mais qui est sans doute plus un prieuré-cure qu'un véritable prieuré conventuel » (Fournié (M.), Dubreil-Arcin (A.), Ryckebusch (F.), op. cit. n. 1).
42 Respectivement LC JXXII n° 4694 et 4695.
43 Beaunier (Dom), Abbayes et prieurés de l'ancienne France, tome III, Les provinces ecclésiastiques d'Auch et de Bordeaux, p. 150.
44 Camus (M.-Th.), « L'abbatiale Saint-Pierre de Maillezais, l'œuvre romane », Congrès archéologique de France, Vendée, 1997, p. 161-186. Sur les fortifications successives du site de Maillezais, voir l'article de N. Faucherre, « L'ancienne abbaye Saint-Pierre de Maillezais : note sur la datation et l'intérêt monumental de ses modifications », Recherches Vendéennes, n° 8, 2001, p. 289-310.
45 M. Fournie, A. Dubreil-Arcin et F. Ryckebusch (op. cit. n. 1) mettent en lumière le rôle jusqu'ici occulté de Jean XXII comme premier réformateur de l'ordre bénédictin (avant Benoît XII), du moins dans le Midi. Ils montrent aussi la volonté du pape de canaliser par ce biais l'idéal réformateur de certains franciscains.
46 Gazzaniga (J.-L.), « La création de la Province... », op. cit. n. 1, p. 149. Selon lui, Jean XXII souhaite contrer l'influence dans le Midi des abbayes de Saint-Victor de Marseille, de la Chaise- Dieu ou encore de Moissac.
47 L'abbaye bénédictine de Saint-Michel-en-l'Herm, par sa participation au creusement du « canal des cinq abbés » au cours du xiiie siècle, est l'un des établissements à l'origine de la mise en valeur de la zone de l'actuel marais poitevin ; sur ce sujet, voir Sarrazin (J.-L.), « Maîtrise de l'eau et société en marais poitevin (vers 1190-1283) », Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, tome 92, 1985, p. 333-354 et l'article du même auteur dans le présent volume.
48 Les bulles précisant les limites des diocèses sont ainsi du 22 novembre 1317 pour Vabres, du 9 janvier 1318 pour Sarlat, du 5 février 1318 pour Tulle.
49 Les deux systèmes ne sont pas incompatibles : la limite Sud du diocèse de Maillezais coïncide grossièrement avec le cours de la Sèvre Niortaise puis de son affluent l'Egray, suivant en cela l'ancien découpage des doyennés.
50 Gazzaniga (J.-L.), « La création de la Province... », op. cit. n. 1, p. 152.
51 «...Ideo te, tunc monasterii praedicti abbatem, virum utique nobilissimae generis decorum linearum, scientia praeditum, vitae ac morum honestate praedatum, discretioniset consilii maturitate conspicuum, in temporalibus quidem et in spiritualibus circumspectum, duximus oculos nostras mentis ; Quibus omnibus débita meditatione pensatis, te, pro tua nobilitate et eisdem fructibus ob tuorum exigentia merito- rum acceptis, te ipsum, fratrum consilio et praefatae pleditudine potestatis, eidem ecclesiae provide- mus... » (LC JXXII n° 4695).
52 LC JXXII n° 5979 et 5980. Quelques éléments, relevés par R. Durand, indiquent que les deux abbés auraient d'ailleurs plutôt bénéficié de la bienveillance de Bertrand de Got comme archevêque de Bordeaux ou plus tard de Clément V. Cf. Durand (R.), op. cit. n. 3, p. 102.
53 ASV, Reg. Vat. 69, n° 966 ; Reg. Aven. 12, fol. 68, daté du 3 avril 1319 (LC JXXII n° 9193).
54 Originaire d'une famille noble du Poitou, Jean de Cherchemont est seigneur de Venours ; chanoine de Paris (1316-1328), de Chartres (1316), de Beauvais (1328), doyen de Poitiers (1316, 1321), il est choisi comme chancelier par le comte Charles de Valois en 1319 et succède à Pierre de Chap- pes comme trésorier de Laon, puis comme chancelier de France en 1321 (il exerce cet office à deux reprises, de février 1321 à la mort de Philippe V, puis du 19 novembre 1323 jusqu'à son décès). Il meurt subitement le 25 octobre 1328, lors d'un voyage en Poitou (et est inhumé à Ménigoute par l'évêque de Poitiers). Ses héritiers ont dû affronter toutes sortes de difficultés soulevées par les exactions et extorsions dont il avait été semble-t-il l'auteur durant son administration, son orgueil et sa dureté lui ayant créé nombre d'inimitiés. Sur ce personnage, voir Millet (H.), Les chanoines du chapitre cathédral de Laon 1272-1412, École Française de Rome, 1982, 548 p., p. 444 ; Du Chesne (Fr.), Histoire des chanceliers et gardes des sceaux de France..., Paris, 1680, p. 286-292 ; Anselme (Père), Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France..., 9 vol., Paris, 1726-1733, Reprints Paris, éd. du Palais Royal, 1967, tome vi, p. 309.
55 Rédet (L.), op. cit. n. 18, p. 167 (au fol. 119 du cartulaire, du 29 septembre 1318) ; et Poitiers, Médiathèque, coll. Dom Fonteneau, vol. III, p. 547-549.
56 « Exceptis homagiis et deneriis, si aliqua in praedictis vel earum altera diocesi existerent, ratione quarum dumtaxat quivis teneretur facere homagium episcopo Pictavensi », extrait de la bulle de fondation (LC JXXII n° 4697).
57 Poitiers, Archives départementales de la Vienne, G 311, du 9 juillet 1366. On dispose aussi pour ce droit de luminaire d'une quittance de la somme de 4 1. 10 s. en date du 7 novembre de la même année, délivrée au chevecier de la cathédrale de Poitiers par le procureur de l'évêque de Luçon.
58 Poitiers, Arch. Dép. de la Vienne, G 309 et 310 (arrêt du Parlement de 1479). Ce droit portant sur l'ensemble des bénéfices du Poitou était au xve siècle perçu par la fabrique du chapitre de Poitiers, et les versements conjoints (y compris ceux de Luçon et Maillezais) rapportaient quand même annuellement près de 1 000 livres.
59 Poitiers, Arch. dép. de la Vienne, G 311, daté du 23 mai 1511.
60 Paris, Archives nationales, JJ 61, n° 359, fol 157, de juillet 1323.
61 Paris, Arch. nat., JJ 60, n° 7, fol. 2 v°, de février 1321. Document publié par Guéri (P.), « Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France », Archives historiques du Poitou, tome IX, p. 198-199.
62 On peut citer André Vauchez, qui écrit : « Cette nouvelle géographie ecclésiastique devait se maintenir jusqu'en 1791. Elle contribua sans doute à rapprocher les pasteurs des fidèles, mais, dans l'en semble, cette réforme ne fut pas très heureuse : beaucoup de ces diocèses étaient trop peu peuplés et trop pauvres pour entretenir une cathédrale, un évêque et un chapitre, et la plupart d'entre eux végétèrent » (dans L'Histoire de la France religieuse, Seuil, 1988, tome I, p. 372).
63 Caillet (L.), op. cit. n. 27, p. 509 et p. 487-508. Comparaison établie sur la base du Liber came- rae de 1471.
64 Jean Favier signale d'ailleurs qu'à la fin du xive siècle la papauté d'Avignon savait pouvoir compter sur ces petits évêchés pour lui fournir des subsides en cas de besoin. Cf. Favier (J.), Les finances pontificales à l'époque du Grand Schisme d'Occident (1378-1409), Paris, de Boccard, 1966, p. 530.
65 Sur le commerce du sel de la baie de Bourgneuf à la fin du Moyen Âge, voir en particulier Bouhier (Cl.), « Les établissements religieux de Noirmoutier et le commerce du sel », Bulletin Philologique et Historique - 1972, Paris, 1979, p. 105-111.
66 Au contraire des anciennes cathédrales méridionales, dont les chantiers marquent le pas dans les années 1320-1340, les travaux sur les abbayes érigées en évêchés (à Rieux, Mirepoix, Sarlat, Saint- Papoul notament) s'épanouissent dans la période 1325-1350.
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