Du corps, chez les rois hellénistiques
Les pathologies du pouvoir
p. 307-330
Texte intégral
1Du corps du roi hellénistique, peut-on savoir et même dire quelque chose – je veux parler du corps réel, singulier et en définitive naturel, du sôma qui n’est pas encore revêtu des insignes du pouvoir, du corps qui n’est pas encore devenu blason1 ? Absolument rien, répond un courant de l’histoire de l’art, pour qui le corps est tout entier pris par les exigences de la pompe, toujours déjà transfiguré et réinventé dans une iconographie qui n’a pas pour but de révéler un individu, mais de désigner un roi2. Portraits de fonction plutôt que d’homme, fortement incarnées mais dépersonnalisées, les représentations du roi n’aident certainement pas à cerner la physionomie du monarque. C’est pourquoi on propose ici un chemin de traverse : quitter le monde des images pour celui des textes, cesser de s’interroger sur l’apparence naturelle des rois pour explorer la manière dont cette nature a joué au sommet du pouvoir. Plus précisément, y a-t-il eu fétichisation des processus biologiques au cœur des dynasties hellénistiques, c’est-à-dire transformation du corps même en instrument de pouvoir3 ?
2La question est évidemment trop massive. Je ne l’aborderai que de biais, par les maladies qui, en raison du risque mortel qu’elles font courir à celui qui monopolise le pouvoir, sont révélatrices du degré de cohérence des monarchies. On se concentrera sur trois phénomènes. D’une manière générale, la santé du souverain a presque toujours été masquée et lorsqu’elle a été rendue publique, à l’instar d’Alexandre, c’est toujours comme un fait brut et sans incidence sur la conduite des affaires du royaume. Malgré cette vérité générale, certaines maladies ont été utilisées par les moralistes et les rois de sorte que la vie même du monarque semble parfois être érigée en paradigme de la royauté. Au sujet de ces deux exceptions, on montrera pourtant que l’investissement politique a été très localisé, incomplet et concentré sur des moments critiques, comme si le pouvoir ne parvenait jamais à intégrer le fait de son incarnation. Mais avant d’en venir à ce point, on voudrait commencer par justifier plus systématiquement qu’on se passe des images.
Écarter les images ?
3Il est vrai en effet que certains portraits se distinguent par des traits individualisés, en deçà des signes désignant le monarque : ici une barbe, là un style de chevelure, ou plus généralement un visage particulier4. D’autres vont jusqu’à refléter le vieillissement du roi, creusant ses traits avec l’âge5. Enfin, il n’est pas concevable qu’un art dont les anciens critiques, Xénocrate notamment, ont valorisé le pouvoir d’imiter la réalité – ce qui n’exclut pas l’imagination (φαντασία/inventum) – n’ait guère emporté avec lui une part du sujet qu’il représentait6. Quelle part (matérielle ou idéale, particulière ou générique), c’est affaire de jugement. À cette condition néanmoins, les portraits pourraient servir de source concernant le corps du roi. Et pourtant, cette hypothèse n’emporte pas l’adhésion pour des raisons de nature esthétique, politique, épistémologique.
4Esthétiquement, le portrait représente un individu. Mais on se trompe en le définissant d’abord à partir de la ressemblance avec son modèle. Qu’une fourmi, marchant sur le sable, trace l’image parfaite de Churchill ne suffit pas à en faire un portrait (Putnam), que des nuages ressemblent à des loups et des chevaux n’en fait pas plus des μιμητικῆς ἔργα (Philostrate, Aristote) : chaque fois il manque l’intention et la référence à la chose7. Or, non seulement cette dénotation n’a pas besoin d’une mimèsis exacte pour fonctionner, mais en plus elle ne repose pas sur le seul physique. Une autre série d’indications intervient, comme par exemple pour la statuaire, le matériau, le lieu d’érection, les attributs du personnage et l’inscription8. Sans ces éléments contextuels, le spectateur ancien est aussi démuni que nous. Les Modernes ont ainsi du mal à discriminer pour Ptolémée III les images d’Hermès des portraits du roi9, mais Posidippe s’interrogeait déjà :
« — “C’est de Cypris cette statue ?” — “Voyons, n’est-ce pas Bérénice ?” À qui des deux la dira-t-on plus ressemblante (ὁμοιοτέραν), je me le demande. »
5De fait, les savants ont ici identifié la reine, et plutôt Bérénice II que Bérénice I10.
6On peut y voir la preuve qu’on ne reconnaissait pas le roi – ou la reine – à la seule représentation de ses traits ; on doit y voir la preuve, autrement dit, que le portrait du roi ne se prêtait pas à une politique. Ici rien n’est uniforme et l’on doit donc écarter l’idée, convenue à partir de l’époque moderne, selon laquelle le portrait royal obéirait à une propagande standardisée, notamment sur la monnaie11. L’image ne révélait que fort peu les traits du souverain, variant en fonction des différents ateliers de fabrication12, ou de décisions très générales. Chaque souverain avait le choix entre la reprise des codes iconographiques de son prédécesseur ou la rupture avec eux, plus ou moins appuyée, qui sous-tendait la prétention à continuer ou fonder une dynastie13. Impossible de pousser plus avant l’analyse. L’individualisation extrême de certains monarques n’a ainsi de valeur que par opposition avec leurs prédécesseurs ou voisins, dont elle les différencie, tandis qu’elle passe parfois par l’importation entière d’une formule de pathos entièrement définie chez d’autres14. Pour finir, selon O. Jaeggi les possibilités d’individualisation étaient limitées à quelques traits seulement du visage, eux-mêmes transposables entre les portraits15.
7Enfin se pose un problème épistémologique : en glosant les portraits, on ne fait que répéter ce que les souverains voulaient qu’on vît d’eux ou les conventions esthétiques d’un genre particulier. Certes, certains monarques ont été dépeints par les sources littéraires, longuement parfois. Toutefois ces cas sont rares et on ne peut jamais vraiment assurer la véracité de ces portraits, souvent très tardifs, qui ont peut-être les statues de ces souverains pour support16. Comble du cercle logique, le portrait lui-même pourrait en plus ne refléter que la stylisation du corps à laquelle le roi s’est livré lui-même, véritable comédien offrant au regard son sôma comme image première de son ethos17. Si l’on songe que le portrait de philosophe le plus « vériste » de l’Antiquité – Socrate – est en fait le portrait d’un type iconographique – le Silène – c’est à désespérer18.
8Épistémologie, politique, esthétique : comment interpréter par exemple la courbure du cou d’Alexandre, trait le plus saillant de son portrait19 ? Comme l’indice d’un torticolis (caput obstipum, dernièrement lié à un syndrome de Brown) ou d’une scoliose20 ? Comme le signe de sa mollesse, développant un portrait moral qui combine les dispositions les plus opposées21 ? Mais, tourné à gauche ou à droite, n’a-t-il pas plutôt une valeur plastique ? Associé au reste des traits d’Alexandre, il initie en effet un jeu de déséquilibres qui donne vie à la statue22. Or, enfermer le mouvement dans une forme fixe par les tensions et les relâchements, c’est la mimèsis propre de la statuaire23. Dans les termes de la critique antique, on aurait tantôt l’expression de l’ἀκρίβεια de Lysippe, tantôt le ῥυθμός qu’il a insufflé au portrait pour mieux atteindre les standards esthétiques de l’époque. Sans doute vaut-il mieux concéder avec Stewart que les portraits révèlent la « personne » plutôt que l’individu – mais c’est alors reconnaître que du prince, ils ne nous donnent à voir que la face (πρόσωπον/persona) et non le visage (uultus) qu’on cherche dans cette étude24. Il faut donc procéder autrement.
Alexandre : routine et maladie
« Voici ce qui est écrit dans les Éphémérides sur sa maladie : “Le dix-huit du mois Daesios, il coucha dans la salle de bains à cause de la fièvre. Le lendemain, après s’être baigné, il revint dans sa chambre et joua aux dés toute la journée avec Médios ; puis il prit son bain à une heure tardive, fit un sacrifice aux dieux et dîna ; pendant la nuit, il eut la fièvre. Le vingt, après un nouveau bain, il fit le sacrifice habituel ; puis, couché dans la salle de bains, il passa le temps à écouter Néarque et ses officiers parler de leur voyage et de la grande mer. Le vingt et un, il fit comme la veille, mais sa température monta et la nuit fut mauvaise. Le jour suivant, la fièvre fut très forte. On le changea de place, et il coucha auprès de la grande piscine ; là, il s’entretint avec ses officiers des postes vacants dans le commandement, et il les engagea à ne nommer que des hommes éprouvés”25. »
9Les Éphémérides nous introduisent au cœur du palais de Babylone. Si l’on peut discuter de leur contenu précis ou de la date à laquelle les Argéades s’en sont dotés, leur authenticité demeure aujourd’hui hors de doute, et il faut faire confiance à Plutarque qui précise plus loin que « la plupart de ces choses sont écrites ainsi, au mot près, dans les Éphémérides (τούτων τὰ πλεῖστα κατὰ λέξιν ἐν ταῖς ᾿Εφημερίσιν οὔτω γέγραπται)26 ». Démontrant la fluidité qui règne dans les temps et les espaces du pouvoir, ils traitent indistinctement de loisir et d’administration27.
10Les rois hellénistiques poursuivront cette pratique quoique sous des noms divers, comme en Macédoine où un Antigone se rafraîchit la mémoire ἐκ τῶν ὑπομνημάτων, expression qui a aussi désigné les Éphémérides d’Alexandre28. Eumène en était l’auteur, occupant le poste de secrétaire royal chez Arrien, secrétaire en chef chez Plutarque ou ὑπομνηματογράφος pour le Ps.-Callisthène, et les Diadoques créeront des offices équivalents29. Paroles et actes, affaires officielles et vie privée, tout se trouvait consigné dans cet écrit destiné au roi, à la fois mémoire et miroir de ses actes30.
11Ce genre d’écrit n’avait pas vocation à sortir du palais. À une époque tardive cependant, il a été possible de les consulter, comme le suggère un passage transmis dans le corpus de Lucien :
« Dernièrement, je suis tombé sur les archives macédoniennes de la maison royale, tellement réjoui, j’ai acquis sans détour le livre, et maintenant je viens de me souvenir que je l’ai à la maison31. »
12De même, Diodore de Sicile et Appien prétendent avoir accédé aux archives lagides32. Pour les Éphémérides d’Alexandre, Strattis pouvait écrire 5 livres à leur sujet dans la première moitié du iiie siècle av. J.-C.33. Les questions cruciales – s’agissait-il des archives en entier ou d’extraits ; sont-elles sorties immédiatement après la mort d’Alexandre ou plus tard ? –, déterminant la nature de l’écrit, demeurent cependant insolubles34. Reste que certains passages ont été glosés et parfois repris verbatim. Aussi trouve-t-on là ce qui constituait la matière même de la vie du roi Alexandre, c’est-à-dire le caractère répétitif et mécanique du bios aulikos, jusques et y compris dans ses dimensions les plus festives :
« On parlait du roi Alexandre, dont on affirma qu’il ne buvait pas beaucoup […]. Philinos prouva que c’était là des balivernes, d’après les Éphémérides royales (ἐκ τῶν βασιλικῶν ἐφημερίδων), dans lesquelles reviennent constamment les mots : “dormant pendant cette journée, par l’effet de la boisson”, quelquefois même : “ainsi que la journée suivante” (ἐν αἷς συνεχέστατα γέγραπται καὶ πλειστάκις ὅτι ‘τήνδε τὴν ἡμέραν ἐκ τοῦ πότου καθεύδων’ ἔστι δ’ ὅτε ‘καὶ τὴν ἐφεξῆς’)35. »
13« Reviennent constamment les mots » : la formule révèle la nature de la vie curiale autant que la sobriété des informations contenues dans ce journal. Elle vérifie la nature routinière de l’existence royale, dans ses travaux, comme on le lit en plusieurs endroits à propos de cette vie qui « recèle de nombreux soucis, labeurs et peu de loisirs », mais aussi dans ses loisirs36. Cette routine s’accompagne d’une pratique d’écriture, qui sert à se souvenir autant qu’à guider l’action future. S’il faut trouver un précédent à cette graphomanie du pouvoir on se tournera vers l’Orient37. Ainsi Ptolémée II, qui lisait les rapports au petit matin, prolongeait-il peut-être une coutume de l’époque pharaonique38. Le contenu des Éphémérides surprend néanmoins. S’y trouvent notés tous les événements, majeurs comme mineurs, avec la plus grande rigueur. Le parallèle le plus proche provient ici des Achéménides, où l’on trouve des archives, que les Grecs appellent registres ou parchemins royaux (βασιλικαὶ ἀναγραφαί vel. διφθέραι). Ils semblent avoir eu les mêmes usages que les hypomnemata et traiter de l’administration aussi bien que des loisirs du prince39. Incluent-ils aussi des notations sur sa santé ? Pourquoi pas : les chroniques mésopotamiennes, qu’Alan Samuel invoquait en guise de parallèle, le faisaient déjà.
14Cette comparaison est certes forcée car ces chroniques mésopotamiennes ne sont alors plus des œuvres commandées pour le pouvoir, mais elle demeure instructive40. D’une manière générale, les Éphémérides s’en rapprochent en tant que chronique objective des pathologies du souverain. Ils s’en distinguent cependant par la précision avec laquelle l’agonie est décrite, identifiant la maladie, montrant à travers la répétition des mêmes symptômes comment le corps du roi se consume, perd ses forces, avec cette fièvre qui ne cesse de monter41. Dans les chroniques d’époque néobabylonienne, le récit des maladies ne dépasse jamais une phrase, sauf à deux occasions : la longue agonie de l’un pendant 11 mois, ou le décès soudain d’un autre, malade à midi, mort le soir même42. Pourtant même là on n’atteint jamais l’acribie des Éphémérides qui décrivent l’état du roi à divers moments de la journée. Le caractère quasi-narratif de la mort d’Alexandre témoigne de la curieuse nature des Éphémérides : plus qu’une chronique, moins qu’une histoire43.
15Cet écrit paraît avoir eu une double nature, simple outil de pouvoir d’un côté, reflet de sa pratique, dans ses dimensions administrative et idéologique de l’autre. C’est bien d’abord un outil d’administration et son caractère descriptif et informatif, peut-être la meilleure preuve de son authenticité, correspond bien aux journaux de santé connus pour d’autres époques44. Ensuite pourtant, il enregistre davantage que des faits. Par-deçà, il en donne les raisons, comme lorsqu’il signale à plusieurs reprises qu’Alexandre dort à cause de l’alcool (ἐκ τοῦ πότου)45. Par-delà, il les prolonge en rapportant les paramètres des décisions du roi, voire ses projets inachevés46. Si elles n’étaient qu’une archive, on voit mal pourquoi les Éphémérides mentionneraient la volonté de nommer des hommes éprouvés et pourquoi elles rappelleraient au souverain qu’un tel jour, il a eu le désir de faire ceci. Éthylomètres de la cour, elles enregistraient et reconduisaient la place stratégique du banquet chez les élites macédoniennes47 ; recueil des discussions au sommet, elles sculptaient au plus près la figure du dirigeant au point que Cinzia Bearzot puisse y voir une quasi-autobiographie48. Portrait d’un milieu et d’un homme, elles servaient ainsi la gloire du souverain en mêlant les fils de la petite et de la grande histoire, le récit de ses maladies et de ses décisions.
16Or, et voici l’étonnant, les Éphémérides n’ont presque rien à dire de la mort d’Alexandre. Ce n’est qu’un fait brut. On n’a pas essayé de relever le corps naturel par le symbolique, ni de sauver le Roi quand le roi mourrait, en faisant survenir la gloire au cœur même du pathétique49. Pourtant, des récits ont eu tôt fait de circuler à l’extérieur de la cour, autour de la mort du souverain, faisant de lui l’acteur de sa postérité, enregistrant ses derniers mots, valorisant d’une manière générale sa continence50. Les Éphémérides elles-mêmes ont pu nourrir a posteriori une telle curiosité puisque Strattis, qui les commentait, a écrit un volume Sur la mort d’Alexandre51. En somme, la dissociation entre ce qu’on écrivait à l’intérieur et à l’extérieur de la cour d’Alexandre est spectaculaire. On doit en déduire que la classe dirigeante n’a pas entièrement saisi les potentialités inscrites dans le fait monarchique de l’incarnation.
17Le jugement doit-il être étendu à l’époque hellénistique ? Polybe, Diodore, Tite-Live et même Plutarque, le plus disert, mentionnent peu les maladies des rois et souvent de façon incidente, afin de justifier leur éloignement des événements politiques par une incapacité temporaire52. Pour l’essentiel, ils suivent un usage établi chez les souverains et ne mettent pas en avant la souffrance des corps avant l’issue finale. Autrement dit, le silence général sur les maladies des rois s’explique par un ensemble de raisons, de l’intérêt politique des uns aux conventions historiographiques des autres. Mais certains phénomènes montrent que le corps du roi a été parfois un enjeu politique et historique, si bien qu’il convient de nuancer le jugement sur ces deux plans, comme on le fera dans les deux parties suivantes. On montrera comment certains historiens ont vu dans le sôma une figuration du pouvoir tandis que d’autres, souverains ou courtisans, ont réussi à utiliser politiquement les processus biologiques. Dans les deux cas pourtant, on n’a pu dépasser le stade d’une conscience morcelée du corps royal.
Lisibilité de l’histoire sur les corps royaux
18Quid de l’usage des maladies dans l’historiographie antique ? Il s’agit là de s’intéresser, non pas à la précision des auteurs concernant les affections, car on confondrait alors histoire et médecine, mais plutôt aux raisons et à la manière dont il leur était possible d’en rendre compte, du sens qu’elles prenaient, au-delà de leur contenu informatif. Seul le versant symbolique de la maladie nous intéresse ici, et on montrera qu’elle révèle le pouvoir de deux manières, tantôt par contrepoint ou contraste, tantôt comme son résultat, par l’incarnation dans des figures monstrueuses.
19Le contrepoint d’abord : si l’on trouve peu de mentions des corps souffrants, c’est que l’historiographie se soumet entièrement à la vieille convention de l’exemplum. La mort de maladie, avec sa souffrance sourde et douloureuse, n’intéresse pas, contrairement à la belle mort, au trépas brillant et frappant qui fauche des corps inentamés53. Néanmoins, il arrive que le thème soit retravaillé lorsque les circonstances s’y prêtent, pour valoriser l’exceptionnelle continence des souverains, parce qu’ils remplissent leur office malgré leurs souffrances. Sous le malade, le roi persiste et fait signe. Après avoir repoussé les Illyriens, Antigone Dôson meurt sur le champ de bataille, victime d’une tuberculose dont il souffrait depuis longtemps54. L’anecdote ne doit sa reprise qu’à la coïncidence de la victoire et de la mort du roi, qui sied aussi bien aux modèles rhétoriques qu’aux écrits, anecdotiques et édifiants, de Phylarque55. Il en va de même pour Attale, qui s’écroule lors d’un discours prononcé face à l’assemblée thébaine56. Paralysé, il est ramené à Pergame, où il meurt. Comme si le thème des honneurs pour les ambassadeurs morts en mission n’était pas suffisant, l’historien précise qu’Attale est mort « en travaillant à la plus belle de toutes les œuvres : en combattant pour la liberté des Grecs (ἀγωνιζόμενος ὑπὲρ τῆς τῶν Ἑλλήνων ἐλευθερίας) », ce qu’Eumène qualifiera de mort « en pleine action (κατὰ τὰς πράξεις)57 ». Dans l’un et l’autre cas, l’historiographie n’a rompu son silence que pour faire place aux lieux communs élaborés depuis longtemps. Le souverain meurt dans une lutte, avec constance et malgré la souffrance : contre les Barbares ou pour les Grecs, c’est tout comme, et la santé du souverain n’a de sens que par contraste avec sa réussite.
20Le résultat et la symbolisation corporelle ensuite : la maladie peut conclure une existence indigne par une mort méritée. Cassandre « mourut d’une manière peu réjouissante ; en effet, il fut pris par une hydropisie, et des vers se mirent à sortir de lui, alors qu’il était vivant (οὐ μὴν οὐδὲ αὐτὸς χαίρων τὸν βίον κατέστρεψεν· ἐπλήσθη γὰρ ὑδέρῳ, καὶ ἀπ’ αὐτοῦ ζῶντι ἐγένοντο εὐλαί)58 ». Quant à Antiochos IV, « les yeux de l’impie fourmillaient de vers (σκώληκας ἀναζεῖν) et […], lui vivant (ζῶντος), ses chairs se détachaient par lambeaux59 ». Ces récits ne sont évidemment pas crédibles, mais leur structure identique mérite d’être commentée60. Construits autour du thème de la réciprocité, ils articulent les actes du monarque et le châtiment de la divinité, retrouvant un jeu de langage qui associe poux (φθεῖρες) et destruction (φθείρω)61. Cassandre liquide les Argéades mais périt avec ses enfants, châtié par le dieu62. La décomposition frappe Antiochos par analogie aux souffrances qu’il a infligées aux entrailles (σπλάγχνα) des autres63. Le premier modèle de toutes ces histoires remonte à Hérodote qui écrivait non sans humour à propos de Phérétime que « vivante, elle se mit à fourmiller de vers tant, on le voit, la vengeance excessivement vigoureuse attire sur les êtres humains la colère des dieux (ζώουσα γὰρ εὐλέων ἐξέζεσε, ὡς ἄρα ἀνθρώποισι αἱ λίην ἰσχυραὶ τιμωρίαι πρὸς θεῶν ἐπίφθονοι γίνονται)64 ».
21La gale, maladie pourtant bénigne, fascine au point qu’on en recense les victimes depuis Aristote, et se trouve particulièrement appliquée aux tyrans comme le signe de leur existence autophage, avec ces vivants qui suppurent du vivant pour le détruire (exese zousa)65. C’est que, longue et douloureuse, elle grave le pouvoir et son caractère à même la peau, comme pour Satyros, frère du tyran Cléarque, dont la maladie « donnait à penser à ceux qui le voyaient qu’il payait le châtiment pour la conduite cruelle et illégale qu’il avait eue à l’endroit de ses concitoyens » ; il souffrait de la gale et, nous dit-on, d’un cancer des testicules66. Si les mythes connaissent cet appariement naturel entre un pouvoir monstrueux et un corps difforme, ici les choses sont saisies dans le temps – un mal secret qui dure et ronge le corps – qui fait apparaître le corps comme principe de lisibilité historique67. Le sôma assume le pouvoir et l’incarne en résumant sa nature, bonne ou mauvaise68. De ce point de vue, les rois hellénistiques peuvent être comparés aux corps-fétiches que Frazer a trop fait connaître69. Cassandre et Antiochos, boucs émissaires, représentent leur face négative où le divin s’inscrit comme châtiment et non comme capacité mystique. L’aspect inverse du faiseur de pluie se retrouverait peut-être alors sur le visage joufflu de ces rois qui ont voulu incarner la prodigalité (tryphè)70. Ces tentatives n’ont pas été comprises. Du moins, dans l’historiographie gréco-latine, ceux qui ont cherché à somatiser la prospérité sont traités d’obèses dégénérés ; leur physique, qui en faisait des surhommes auprès des sujets, est pathologiquement résumé à la maladie71.
Politique des maladies
22Convoquées lors de la mort du souverain, les maladies ont donc permis à l’historiographie de construire des exemples frappants et significatifs. Aussi y avait-il comme un horizon d’attente et une place politique pour les pathologies, même si l’historiographie s’est limitée à l’éclat de morts belles ou justes. On ne peut en rester à ces récits plus ou moins fantaisistes, et l’on doit se tourner vers les souverains eux-mêmes pour étudier leur rapport aux affections. L’essentiel des anecdotes tourne ici autour d’une pragmatique des maladies : on veut dire que les acteurs politiques ont pu se servir à l’occasion des maladies du roi sans que cet usage ne soit théorisé, ni n’aille plus loin qu’un simple coup dans le cadre d’une intrigue.
23De fait, les maladies permettent de tracer une frontière entre les intimes du souverain et les autres. Les faiblesses des souverains sont masquées, souvent en vain, pour maintenir l’illusion d’un pouvoir fort, gagner du temps et, le cas échéant, assurer la transition avec un héritier. Par exemple, le médecin de Philippe V cache le vieillissement prématuré du souverain et ne s’ouvre qu’à Persée, le successeur, de sa mort prochaine :
« Il dissimula la mort du roi à tous ceux qui se trouvaient hors du palais (omnes qui extra regiam erant). Persée prit donc tout le monde au dépourvu et à l’improviste et s’empara du trône qu’il avait conquis par son crime72. »
24Ce passage s’intègre dans un récit à charge, où Persée se trouve accusé d’avoir assassiné son frère Démétrios, pour régner. Derrière les fables qu’élabore Tite-Live, les historiens ont reconnu depuis longtemps les traces d’une lutte entre un parti pro-romain mené par Démétrios et un autre, conduit par Persée. Sa victoire est ici complète : débarrassé de son frère, il conserve la fidélité des courtisans et la nouvelle ne sort pas des murs du palais le temps qu’il revienne de Thrace à Amphipolis. La succession était réfléchie – des courriers sont préparés à l’avance – et la sénilité de Philippe a dû être masquée, au moins un temps, par la complicité des médecins.
25Toutefois, les choses ne sont parfois pas aussi simples entre le roi et ses philoi :
« Le roi Antiochos [III] au Conseil et au peuple de Cos, salut ! Apollophanès, devenu médecin de notre père et de notre frère, après avoir établi de nombreuses et grandes preuves de sa compétence dans son art, est dans le plus haut rang auprès de chacun d’eux, jouit de l’honneur du premier rang, se trouve être aussi pour nous “parent” et “tropheus” et s’est comporté avec zèle et affection et dans le passé73. »
26Du rôle d’Apollophanès, élève d’Erasistrate, on ne saura rien, sinon ces banalités sur sa compétence : son action est démonétisée en formulaire74. Seul compte ce que le roi tient à développer, c’est-à-dire, en l’occurrence, la « titulature aulique » d’Apollophanès (proedreus, sungeneus, suntropheus) qui ne correspond à aucune fonction réelle exercée auprès du monarque75. Sans doute n’est-il pas visé en tant que médecin, mais en tant que φίλος76. Or, il est connu chez Polybe à ces deux titres précisément. À l’avènement du jeune Antiochos III, il a déjà servi ses deux prédécesseurs Séleucos II Kallinikos (245-225) et Séleucos III Sôter (225-223). Par sa longévité et sa fonction qui suppose la confiance du patient, le médecin est « tout particulièrement apprécié du roi (ἀγαπώμενος ὑπὸ τοῦ βασιλέως διαφερόντως)77 ». Il initie une révolution de palais :
« Prétextant que le roi éprouvait des vertiges, on écarta pour quelques jours de sa personne les courtisans et les gardes du corps, non sans lui réserver d’avoir des entretiens particuliers avec les amis de son choix, qui viendraient apparemment pour rendre visite au malade (οἷς βούλοιντο κατ’ ἰδίαν χρηματίζειν διὰ τὴν τῆς ἐπισκέψεως πρόφασιν) […] Les médecins (τῶν ἰατρῶν) ayant prescrit à Antiochos de faire des promenades dans la fraîcheur du petit matin, Herméias se présenta à l’heure prévue pour cet exercice accompagné de ceux des amis du roi qui étaient du complot. Les autres étaient fort en retard, du fait que la promenade royale s’effectuait bien plus tôt que d’habitude. On put ainsi entraîner Herméias assez loin du camp, dans un endroit où il n’y avait personne, puis on le poignarda en un moment où le roi s’était un peu écarté comme pour satisfaire quelque besoin78. »
27S’il est vrai que les successions des rois hellénistiques s’accompagnent de purges dans les cercles du pouvoir, celle de Séleucos III s’est révélée particulièrement sanglante, avec l’élimination de deux puissants officiers (Molon et Alexandros, satrapes de Médie et de Perse) et du vice-roi à Séleucie du Tigre, Herméias, qui confisquait la réalité du pouvoir selon Polybe, qui profite de sources internes pour livrer un récit très circonstancié79. Dans cette lutte, la maladie fournit un prétexte permettant de bouleverser les hiérarchies auliques, l’ordre des préséances et du pouvoir. L’historien distingue bien entre ceux qui sont titulaires d’un rôle auprès du roi (ethismenous et therapeia), ignorants, et les philoi véritables, qui seuls ont le droit de visiter le roi. La maladie feinte permet de se jouer d’un courtisan puissant mais distant, en lui interdisant l’accès au roi pendant une courte période, avant de l’éliminer à l’écart de ses soutiens. Le pluriel (tôn hiatrôn) est fautif car c’est bien Apollophanès qui conseille ici le roi et élabore un stratagème, lequel passera auprès des non-initiés pour de la médecine véritable80.
28Maladies cachées aux sujets, voire à certains courtisans : les récits fuitaient pourtant. S’en souciait-on en dehors de ces périodes critiques pour véhiculer une image positive de la santé du roi hors du palais ? Il semble que non. En effet, demeurent aujourd’hui 16 inscriptions portant mention de sacrifice pour la santé (hygieia) du prince. Partout, il s’agit d’initiatives locales et particulières visant à se concilier les bonnes grâces d’un souverain81 : les monarques ne s’en occupaient donc pas. Seule l’Égypte a coordonné ce type de sacrifices au culte dynastique82, et une inscription tardive commande de « faire les prières et les […] pour la santé et le salut du roi, de la reine et de leurs enfants, les jours désignés83 ». Mais dans ce cas précis, l’initiative provient du clergé égyptien, allié au souverain après une période marquée par les révoltes dans la chôra : on ne peut débrouiller les responsabilités des uns et de l’autre dans cette routinisation de la déférence. Il en va donc ici des rois comme d’Eumène – il « avait perdu toute sa vigueur physique, mais s’appuyait sur la distinction de son esprit (τῇ μὲν σωματικῇ δυνάμει παραλελυμένος ἦν, τῇ δὲ τῆς ψυχῆς λαμπρότητι προσανεῖχεν) » – et la santé semble avoir peu compté : un physique vacillant pouvait toujours être compensé par d’autres qualités84. Dans les cas analysés plus haut, les maladies n’étaient d’ailleurs investies d’aucun sens : faits ou prétextes, elles n’ont été utilisées que par pragmatisme. Restent deux cas à ma connaissance où les pathologies ont été l’objet d’usages plus élaborés, même si on en verra aussitôt les limites.
29Premier cas : Antigone Monophtalmos moquait volontiers les absences de son fils, justifiées par un rhume, mais expliquées par l’abus de boisson, de femmes et d’enfants85. Le bon mot, dûment enregistré par Plutarque, permet de faire le portrait moral d’un capitaine ἐρωτικός et ποτικός86. Le Béotien l’insère cependant dans une série d’anecdotes concernant les rapports d’Antigone avec son fils, qui « tolérait sa vie dissolue, ses prodigalités et ses excès de boisson87 ». Se trouve ainsi définit un style de gouvernement, défini par la douceur (praotès) et la concorde (homonoia), vanté par Antigone lui-même à l’égard des autres puissances, en d’autres circonstances. Le Borgne enjoint ainsi des ambassadeurs à rapporter l’harmonie et la confiance régnant au sommet du pouvoir (τὴν πρὸς υἱὸν ὁμόνοιαν καὶ πίστιν) :
« Dites aussi dans votre rapport, Messieurs, comment nous sommes ensemble, mon fils et moi88. »
30Toutefois, ces plaisanteries ne sont pas décisives pour construire l’édifice du pouvoir. Elles sont adressées à un public choisi – en fait, elles ne sortent pas du cercle dirigeant – et ne doivent leur conservation qu’à leur caractère édifiant.
31Second cas : la célèbre maladie d’amour du futur Antiochos I pour sa belle-mère, Stratonice. Le jeune homme, secrètement amoureux de Stratonice, mariée à son vieux père, Séleucos, sombre dans la mélancolie et se laisse mourir. Un savant découvre l’origine du mal, s’en ouvre prudemment à Séleucos qui, par tendresse paternelle, cède alors sa femme à son fils89. Erwin Rohde y a vu une fable édifiante, dont la teneur doit beaucoup à l’Hippolyte d’Euripide90. Mais l’anecdote possède un fondement historique, puisque Stratonice a bien été mariée à Séleucos puis à Antiochos, qui a bien reçu la corégence91. Le sens originel de cette histoire semble bien politique, même si de Valère Maxime à l’Empereur Julien, le récit perd cette teneur, fait disparaître le prince pour se concentrer sur la figure du médecin92. Dans nos premières sources en tout cas, le thème de la maladie habille un transfert anticipé du pouvoir en accident dynastique. Séleucos, âgé de 70 ans, déjà pourvu d’un héritier, unit Stratonice à son fils, donne la famille en même temps que le royaume, évitant les conflits dynastiques par une forme de lévirat inter uiuos93. Il convoque même une assemblée pour annoncer ses décisions, et nomme officiellement son fils « roi » des hautes-satrapies, alors que ce dernier possédait déjà un pouvoir de fait sur ces régions. Chez Appien, les troupes acclament Séleucos, entre autres, comme le « meilleur des pères94 ». La maladie semble avoir donc servi de prétexte pour résoudre un problème dynastique. Livrée comme une justification, ne représente-t-elle pas une exception par rapport au silence qui entoure généralement les affections des souverains ?
32Il semble pourtant que ce discours, s’il a jamais été tenu, ne s’adressait pas tant au peuple ou à l’armée qu’aux cercles dirigeants. Là encore, voudrait-on rapidement montrer, il s’agit d’un récit à usage interne, fait par et pour les élites. La teneur de l’anecdote ne doit pas être banalisée, à la fois en lien avec la tradition et inventive : c’est l’œuvre d’un savant95. Son thème, d’abord, existait auparavant, si bien que le récit peut être traité comme une forme de réécriture : ainsi lui a-t-on trouvé des racines chez Hérodote, qui liait déjà inceste et toute-puissance monarchique96. Sa figure centrale, ensuite, est foncièrement originale : l’amant dépressif n’existait pas avant, où l’on ne trouve que fureur et homicide, comme dans l’Hippolyte, justement97. La symptomatologie enfin, détaillée quoique commune, est un indice supplémentaire pour attribuer ce récit à un homme cultivé. L’ensemble offre dans ses premières versions un portrait à l’avantage du père comme du fils, sachant que l’inceste du deuxième type n’est pas condamné en Grèce ancienne98. Qui a pu l’écrire ? Un lettré inconnu, qui appartenait à la cour – Appien fait ainsi dire au roi lui-même que cela fait une belle histoire (διήγμα καλὸν)99. Davantage, le thème de la maladie n’est jamais exposé en public : aucune référence n’y est faite dans les discours prononcés par Séleucos100. En somme, ce récit n’est pas sorti des cercles proches du pouvoir et semble plutôt illustrer une forme de culture aulique. Aussi l’anecdote a-t-elle été transmise pour sa littéraire, ce qui s’est fait au prix d’un éloignement avec son objet originel, de l’Antiquité jusqu’à Goethe101.
Conclusion
33Ce rapide parcours appelle à deux conclusions, générale et particulière.
34En général, à rebours d’une historiographie presque tout entière concentrée sur les aspects symboliques du corps, il y a lieu de réfléchir sur le corps réel, biologique, naturel, à condition de lui restituer une certaine épaisseur, c’est-à-dire un caractère contraignant. Pour le dire abstraitement, avant que d’être l’espace d’un discours qu’on pourrait librement contrôler (par diverses techniques : maîtrise de soi, jeu conscient sur des « opérateurs symboliques », plus généralement stylisation de l’existence) ou d’être le lieu d’expression privilégié d’une culture, il convient préalablement, me semble-t-il, de considérer le corps comme ce qui échappe et résiste à toute forme de reprise dans ces deux domaines.
35Pareille hypothèse de raisonnement trouve une traduction particulière dans les monarchies hellénistiques. Tout se passe comme si l’on avait négligé la dépendance de ces régimes à l’égard de celui qui est à leur tête. Ils sont régis par un seul, mais la faiblesse et la mortalité de ce dernier ne sont pas prises en compte, alors même qu’elles risquent de menacer gravement la gestion des affaires. L’historiographie se borne à une lecture conventionnelle des maladies, tantôt pour valoriser les rois brillants mais souffrants, tantôt pour lire sur le corps boursouflé de certains tyrans le signe de leur exercice perverti du pouvoir. Les acteurs politiques n’ont guère fait mieux, en utilisant les maladies uniquement dans le cadre de complots tramés à l’ombre de la cour, ou dans celui d’une forme d’humour réservé aux happy few qui la peuplaient. L’incarnation du pouvoir est demeurée comme un fait brut, très peu intégré dans une trame discursive qui aurait pu le justifier ou le renforcer. Le corps n’était pas un enjeu de souveraineté. Or ce caractère n’a rien d’hasardeux et, ici comme en d’autres domaines, on peut dire que, puissantes en pratique, les monarchies hellénistiques sont faibles en théorie, ou que leur champ d’activité est remarquablement plus développé que leur idéologie102.
Notes de bas de page
1 Je tiens à remercier très sincèrement A. Gangloff et G. Gorre pour avoir accepté d’inclure cet article dans le recueil, et l’avoir très sensiblement amélioré par leurs relectures et leurs remarques. De même, je dois à la relectrice ou au relecteur anonyme d’avoir eu connaissance des articles de M. Coltelloni-Trannoy et de C. Husquin cités infra, qui donnent de nombreux parallèles pour le monde romain.
2 Pollitt Jerome Jordan, Art in the Hellenistic Age, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 1986, p. 62, pour la notion de role portrait. De fait, réalisme et idéalisme sont tenus pour des tendances entre lesquelles l’artiste choisit. Le problème du portrait (ressemblance entre œuvre et modèle), jugé insoluble, est évacué au profit d’une étude de l’esthétique de l’individualisation et d’une exploration des topoi et autres motifs réemployés dans différents genres de portrait. Dans tous les cas, il est extrêmement difficile de séparer, dans un portrait, ce qui relève de l’une ou l’autre de ces tendances (ainsi voir Giuliani Luca, Bildnis und Botschaft: Hermeneutische Untersuchungen zur Bildniskunst der römischen Republik, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1986, p. 151 sq., sur le portrait d’Alexandre où seule la torsion violente du cou semble propre au monarque). Fittschen Klaus, Griechische Porträts, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1988, p. 3-4, jugeant qu’il est impossible d’établir le degré de ressemblance entre le portrait et son modèle préfère étudier l’individualisation des statues, au moyen de traits spécifiques, coupés de leur substrat. Himmelmann Nikolaus, Realistische Themen in der griechischen Kunst der archaischen und klassischen Zeit, Berlin/New York, de Gruyter, 1994, montre que les détails « vrais » sont toujours révélateurs d’un arrière-plan social typique, comme le ventre mou des kouroi de Samos (p. 5) ou la modération de Thémistocle à travers ces caractéristiques d’athlète (p. 68-69) : contra Giuliani Luca, « Rezenzion: N. Himmelmann: Realistische Themen in der griechischen Kunst der archaischen und klassichen Zeit, Berlin, 1994 », Gnomon, no 70 (7), 1998, p. 628-638, part. p. 634, et Jaeggi Othmar, Die griechischen Porträts. Antike Repräsentation – moderne Projektion, Berlin, Reimer, 2008, p. 58. Queyrel François, « Le corps du roi hellénistique », in Francis Prost et Jérôme Wilgaux (dir.), Penser et représenter le corps dans l’Antiquité. Actes du colloque international de Rennes, 1-4 septembre 2004, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 361-376, part. p. 370, « constate que la représentation du corps royal a pour objet de présenter le statut royal » et non l’individu (de même chez Galbois Estelle, « Un jeu de regard. Réflexions sur l’élaboration du portrait royal dans la peinture hellénistique », Pallas, no 92, 2013, p. 71-85, et « Le visage du pouvoir : les souverains hellénistiques entre texte et image », Pallas, no 93, 2013, p. 111-129. Ce jugement est généralisé dans Queyrel François, « Réalisme et mode de représentation dans l’art du portrait hellénistique : le cas de Délos », Ktèma, no 34, 2009, p. 243-255. Jaeggi Othmar, Die griechischen Porträts, op. cit., interroge la grammaire du portrait, c’est-à-dire les petites différences à l’intérieur d’une esthétique commune, qui supportent des messages politiques ou des manifestes (repräsentative oder politische Aussage, p. 62) ; cf. aussi la revue des tentatives précédentes p. 21-36, et sur le portrait du roi p. 68-74 (les rois ne sont pas reconnaissables als solche sans différenciation physique) et 78-83.
3 Elias Norbert, La Société de cour, Paris, Flammarion, 2008, p. 72 sq. La question se pose d’autant plus qu’Alexandre et ses successeurs ont importé le cérémonial aulique achéménide, qui place le corps du roi au centre de toutes les attentions, Llewellyn-Jones Lloyd, « “That My Body is Strong”: The Physique and Appearance of Achaemenid Monarchy », in Dietrich Boschung, Alan Shapiro et Frank Waschek (éd.), Bodies in Transition: Dissolving the Boundaries of Embodied Knowledge, Paderborn, Fink, 2015, p. 213-250.
4 Pour les attributs des rois hellénistiques Smith Roland R. R., Hellenistic Royal Portraits, Oxford, Clarendon Press, 1988, p. 32-45. Pour la barbe, Alonso Troncoso Víctor, « The Bearded King and the Beardless Hero: from Philip II to Alexander the Great », in Elizabeth D. Carney et Daniel Ogden (éd.), Philip II and Alexander the Great: Father and Son, Lives and Afterlives, Oxford/New York, Oxford University Press, 2010, p. 13-24 ; il paraît difficile d’attribuer à cette mode, d’ailleurs différenciée entre la barbe complète, le collier ou les favoris, une signification politique : Linfert Andreas, « Bärtige Herrscher », Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts, no 91, 1976, p. 157-174, contra Smith Roland R. R., Hellenistic Royal Portraits, op. cit., n. 2 p. 46 ; de même Lorber Catharine et Iossif Panagiotis P., « Seleucid Campaign Beards », AC, no 78, 2009, p. 87-115, voient dans les barbes temporaires des Séleucides le signe d’un vœu, néanmoins Fleischer Robert, Studien zur seleukidischen Kunst Band 1. Herrscherbildnisse, Mayence, von Zabern, 1991, donnait à ces barbes des significations différentes, jusqu’au produit d’une simple fantaisie personnelle (p. 121). Pour les traits individualisés, ils se retrouvent surtout chez les fondateurs de dynastie, comme Ptolémée I (Kyrieleis Helmut, Bildnisse der Ptolemäer, Berlin, Mann, 1975, pl. I, 2), Séleucos I ou Antiochos I, d’ailleurs responsable de l’image du premier (Fleischer Robert, Studien zur seleukidischen Kunst, op. cit. pl. 1, a et d, 11, c-e ; p. 120-121). Hoff Ralf von den, « Naturalism and Classicism. Style and Perception of Early Hellenistic Portraits », in Peter Schultz et Hoff Ralf von den (éd.), Early Hellenistic Portraiture. Image, Style, Context, Cambridge/New York/Melbourne, Cambridge University Press, 2007, p. 49-62, p. 54-57, note que ces portraits se conforment à l’air du temps, qui veut que les portraits véhiculent l’apparence véritable des monarques et apportent un sentiment de présence : ainsi de Ptolémée I et de Séleucos I (encore que les portraits de ce dernier sont posthumes malgré les cas problématiques de Houghton Arthur et Lorber Catharine, Seleucid Coins: A Comprehensive Catalogue. Part I Seleucus I through Antiochus III, New York/Lancaster/Londres, The American Numismatic Society, 2002, no 469 et 471 et p. 160-161 ; cf. Iossif Panagiotis P., « Les “cornes” des Séleucides : vers une divinisation “discrète” », CEA, no 49, 2012, p. 43-147, part. p. 43-45). Peut-on appliquer ce raisonnement à Démétrios Poliorcète, qui est idéalisé dans les monnaies frappées durant tout son règne ? Von den Hoff le fait en s’appuyant sur l’hymne ithyphallique, où il est décrit comme dieu présent (thème commun pour l’époque : Chaniotis Angelos, « The Divinity of hellenistic Rulers », in Andrew Erskine [éd.], A Companion to the hellenistic World, Oxford, Blackwell, 2003 ; Chaniotis Angelos, « The Ithyphallic Hymn for Demetrios Poliorketes and Hellenistic Religious Mentality », in Panagiotis P. Iossif, Andrzej S. Chankowski et Catharine Lorber [éd.], More than men, less than gods: studies on royal cult and imperial worship: proceedings of the international colloquium organized by the Belgian School at Athens [November 1-2, 2007], Louvain, Peeters, 2011, p. 157-195 ; Chaniotis Angelos, « La divinité mortelle d’Antiochos III à Téos », Kernos, no 20, 2007, p. 153-171). C’est toutefois oublier que Plutarque rappelle combien l’apparence même de Démétrios l’a transformé en quasi roi caché (Vie de Démétrios, 42). Certes, on peut faire de l’absence une modalité spécifique de présence (comme par exemple en anthropologie, Bazin Jean, « Le roi sans visage », L’Homme, no 170 [2], 2004, p. 11-23, part. p. 15), mais il resterait alors que c’est justement cette modalité qui le différencie de ses contemporains.
5 On pense aux premières monnaies d’Antiochos III qui présentent un roi juvénile aux traits très atténués. Par son nez allongé et pointu, il rappelle les portraits de son père. Autour de 210-205 av. J.-C., elles laissent place à un portrait ascétique où le toupet se réduit en signe de maturité : Fleischer Robert, Studien zur seleukidischen Kunst, op. cit., p. 31-34 et p. 122 pour la synthèse. Il revient néanmoins, dans son troisième type, à un portrait idéalisé, signe que le temps affecte peu l’iconographie du roi. De plus, pendant un temps, tous ces types de monnaies coexistent et continuent à être frappés en parallèle. De la même manière, certains portraits d’Alexandre, qu’on fait remonter à Lysippe, sont plus réalistes que d’autres, qui dépendent de la sculpture attique (Hölscher Tonio, Ideal und Wirklichkeit in den Bildnissen Alexanders des Grossen, Heidelberg, Carl Winter Universitätsverlag, 1971, p. 9-10) sans qu’on puisse classer ces représentations chronologiquement.
6 Sur Xénocrate, Schweitzer Bernhardt, Xenocrates von Athen. Beiträge zur Geschichte der antiken Kunstforschung und Kunstanschauung, Tübingen, Niemeyer, 1932 ; concernant le problème de l’invention, voir le développement de Rouveret Agnès, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne, ve siècle av. J.-C. – ier siècle ap. J.-C., Rome, École française de Rome, 2014, p. 383-465 et sur Xénocrate part. p. 436-440 ainsi que l’appendice I).
7 Putnam Hilary W., Raison, vérité et histoire, Paris, Minuit, 1984, p. 11-15 ; Philostrate, Vie d’Apollonios, 2.22, cf. Aristote, Des rêves, 461b 15 sq.
8 Jaeggi Othmar, Die griechischen Porträts, op. cit., p. 63.
9 Queyrel François, « Iconographie hellénistique : pour une méthodologie des identifications », RN, no 152, 1997, p. 429-451, p. 435 pour le problème ; Kyrieleis Helmut, Bildnisse der Ptolemäer, op. cit., p. 25-42 et Queyrel François, « Les portraits de Ptolémée III Évergète et la problématique de l’iconographie lagide de style grec », JS, no 1, 2002, p. 3-73 pour l’iconographie de ce monarque.
10 Anthologie de Planude, 68 ; il s’agit sans doute de Bérénice I plutôt que de Bérénice II, femme de Ptolémée III : Cameron Alan, « Two Mistresses of Ptolemy Philadelphus », GRBS, no 31, 1990, p. 287-311, part. p. 293-294. On objectera que les portraits des Ptolémées sont spécialement désincarnés, que cette confusion provient de l’identification des reines avec Aphrodite en général, et sert la propagande des Lagides en particulier (Gutzwiller Kathryn, « Callimachus’ Lock of Berenice: Fantasy, Romance, and Propaganda », AJPh, no 113, 1992, p. 359-385 et Carney Elizabeth Donnelly, « The Initiation of Cult for Royal Macedonian Women », CPh, no 95 [1], 2000, p. 21-43, p. 38 pour le premier aspect ; pour le second, parmi une multitude d’écrits, Kyrieleis Helmut, Bildnisse der Ptolemäer, op. cit., p. 78-94, 140-148, 154-155, et Thompson Dorothy B., Ptolemaic Oinochoai and Portraits in Faience. Aspects of the Ruler-cult, Oxford, Clarendon Press, 1973, p. 57-59 pour les représentations iconographiques, ou bien Fraser Peter M., Ptolemaic Alexandria I: Text, Oxford, Clarendon Press, 1972, p. 237-240 pour la poésie ; de son côté, Tondriau J. L., « Princesses ptolémaïques comparées ou identifiées à des déesses [iiie-ier siècles av. J.-C.] », Bulletin de la Société d’Archéologie d’Alexandrie, no 37, 1948, p. 12-33, fournit la liste de ces princesses lagides assimilées aux divinités). En l’occurrence, il s’agit plutôt d’un topos des épigrammes descriptifs, que l’on retrouve à propos de divers personnages : ainsi par exemple Anthologie Palatine, 12.54 ou 76 (Méléagre), 77 (Asclépiade ou Posidippe), 78 (Méléagre).
11 Les espaces économiques ne sont pas fermés, sauf l’Égypte (cf. Mørkholm Otto, Early Hellenistic Coinage from the Accession of Alexander to the Peace of Apamea, 336-188 B. C., Cambridge/New York/Port Chester, Cambridge University Press, 1991, p. 104), et les sujets manipulent des monnaies aux droits variés (Marcellesi Marie-Christine, Pergame de la fin du ve au début du ier siècle avant J.-C. : pratiques monétaires et histoire, Pise/Rome, Fabrizio Serra, 2012, carte 2, pour les monnaies de Pergame retrouvées autour de la Méditerranée ; Panagopoulou Ekaterini, « The Antigonids: Patterns of a Royal Economy », in Zofia H. Archibald, John K. Davies, Vincent Gabrielsen et Graham J. Oliver (éd.), Hellenistic Economies, Londres/New York, Routledge, 2001, p. 313-362, fig. 11.5-10, pour celles des Lagides et des Antigonides – ces derniers ayant d’ailleurs délibérément laisser rentrer les monnaies de leurs rivaux sur leur territoire, comme le montre Panagopoulou, p. 347-356. Les émissions monétaires sont d’abord liées au paiement des soldats, et non à la nécessité de faire circuler un portrait, sauf pour les monnaies de commémoration (Callataÿ François de, « Guerres et monnayages à l’époque hellénistique. Essai de mise en perspective suivi d’une annexe sur le monnayage de Mithridate VI Eupator », in Jean Andreau et Gerassimos G. Aperghis (éd.), Économie antique : la guerre dans les économies antiques. Troisièmes rencontres sur l’économie antique, Saint-Bertrand-de-Comminges, 6-8 mai 1999, Saint-Bertrand-de-Comminges, musée archéologique départemental de Saint-Bertrand-de-Comminges, 2000, p. 337-364 pour un essai général ; Aperghis Gerassimos G., The Seleukid Royal Economy. The Finances and Financial Administration of Seleukid Empire, New York/Cambridge/Melbourne, Cambridge University Press, 2004, p. 245, arrive aux mêmes conclusions à propos des Séleucides). De plus, chaque frappe n’abolit ni n’entraîne le retrait des types précédents – les tétradrachmes au portrait de Ptolémée I demeurent par exemple en usage pendant trois siècles : Picard Olivier, « Le portrait de Ptolémée I ou comment construire la monnaie d’un nouveau royaume », CEA, no 49, 2012, p. 19-41, p. 4. En Égypte du reste, on a vécu sous un double régime de représentation dans la statuaire, tantôt grecque, tantôt égyptienne, continuant la tradition pharaonique. Impossible cependant d’aller plus loin, puisque le lieu d’érection de ces œuvres est inconnu : Stanwick Paul E., Egyptian royal Sculptures of the Ptolemaic Period, Ann Arbor, UMI Dissertation services, 1999, p. 172-178.
12 Smith Roland R. R., Hellenistic Royal Portraits, op. cit., p. 27-31 sur la standardisation très relative du portrait royal suivant les divers types de médias ; Ma John, Statues and Cities: Honorific Portraits and Civic Identity in the Hellenistic World, Oxford, Oxford University Press, 2013, part. p. 183-186 sur la production locale des statues. Un exemple frappant : le vase d’Apulée décoré c. 330 par le peintre Darius représente Alexandre barbu, parce que l’artiste n’a pas connaissance des autres représentations du Conquérant et qu’il recourt aux imageries classiques du stratège : Stewart Andrew, Faces of Power. Alexander’s Image and Hellenistic Politics, Berkeley/Los Angeles/Oxford, University of California Press, 1993, p. 150-153. On peut aussi repérer des variations dans la monnaie, cf. Iossif Panagiotis P., « Les “cornes” des Séleucides », art. cité, p. 51, sur les deux types de cornes (grecque ou mésopotamienne) ornant le portrait monétaire de Séleucos I, en avant ou en arrière, à perspective réaliste ou à points de vue multiples, qui ont été produites dans des ateliers séparés et ont circulé dans deux régions de l’empire. Ces variations n’empêchent cependant pas qu’on ait défini certains canons au sommet du royaume.
13 Les monnaies fournissent ici la meilleure source – je ne compte pas les hypothétiques cryptoportraits. Pour les Lagides, Kyrieleis Helmut, Bildnisse der Ptolemäer, op. cit., p. 158-164, note la forte idéalisation, à partir du iiie siècle av. J.-C., des portraits royaux, qu’il attribue à l’idéologie dynastique, à la sécurité dont jouissait le royaume lui-même, à une conception dépersonnalisée de l’exercice du pouvoir et à une plastique en partie héritée des modèles égyptiens. De la même manière les Attalides n’élaborent que deux types iconographiques, les Philétaires et les Eumènes, signe de la supériorité de la dynastie sur les individus : cf. Queyrel François, Les Portraits des Attalides : fonction et représentation, Athènes/Paris, de Boccard, 2003, p. 13 ; Marcellesi Marie-Christine, « De Philétaire à Eumène II : image et pouvoir chez les Attalides », CEA, no 49, 2012, p. 149-165. À l’inverse, les Séleucides présentent des formules iconographiques assez individualisées mais on peut remarquer avec Fleischer Robert, Studien zur seleukidischen Kunst, op. cit., p. 122-123 sq., qu’un nouveau type naît clairement avec Antiochos IV, qui sera repris ou fortement mis à distance par ses successeurs. Les Antigonides présentent un cas particulier où l’on compte deux ruptures : le passage des monnaies personnalisées de Démétrios Poliorcète aux formules sans portrait de ses successeurs (Mathisen Ralph W., « Pan Heads and Poseidon Heads. Two Third Century Macedonian Tetradrachm Types », Journal of the Society of Ancient Numismatics, no 16, 1985, p. 29-35) et le retour du portrait royal, mais humanisé (sans cornes, avec une barbe) dans la série I des tétradrachmes de Philippe V, que Persée reprendra. Le problème réside dans la datation de cette série (Mamroth Alfred, « Die Silbermünzen des makedonischen Königs Philippos V. von Makedonien », Zeitschrift für Numismatik, no 40, 1930, p. 277-303 ; Boehringer Christof, Zur Chronologie Mittelhellenistischer Münzserien 220-160 v. Chr., Berlin, de Gruyter, 1972, p. 104-107 ; Hammond Nicholas G. L. et Walbank Frank W., A History of Macedonia, III: 336-167 B.C, Oxford, Clarendon Press, 1988, p. 461-464).
14 Ainsi de Timarchos dont les tétradrachmes de Séleucie du Tigre empruntent la quasi-totalité du schéma élaboré par son allié Eukratidès de Bactriane (Fleischer Robert, Studien zur seleukidischen Kunst, op. cit., pl. 31a et p. 59, à comparer avec pl. 58b). Le vérisme des petits dynastes d’Asie mineure peut être expliqué de diverses manières : Laubscher Hans Peter, Fischer und Landleute. Studien zur Hellenstischen Genreplastik, Mayence sur le Rhin, von Zabern, 1982, p. 66, suppose que, ne pouvant se raccrocher à d’autres légitimités, ils valorisent ainsi leur compétence personnelle. Ils sont d’ailleurs souvent représentés avec des armes : Smith Roland R. R., Hellenistic Royal Portraits, op. cit., p. 113-114. En l’absence de textes, de tels raisonnements paraissent incertains. On peut ainsi remarquer que Fleischer Robert, Studien zur seleukidischen Kunst, op. cit., p. 126-127, propose une explication inverse à propos des derniers Séleucides, dont l’obésité, synonyme de prospérité (tryphè) viserait à compenser la situation d’un royaume à feu et à sang. Comment expliquer que, dans une même situation, les uns se présentent maigres et énergiques, et les autres gros et gras ?
15 Jaeggi Othmar, Die griechischen Porträts, op. cit., p. 76, voir aussi p. 79 et l’illustration no 33 qui, comparant les profils de différents souverains, y compris les plus individualisés, montre qu’ils sont structurellement identiques, malgré les différences physiognomoniques. De la même manière, J. Wilgaux (Wilgaux Jérôme, « Les descriptions physiques dans les Vies Parallèles de Plutarque », in Pierre Maréchaux et Bernard Mineo [dir.], Plutarque et la construction de l’Histoire. Entre récit historique et invention littéraire, Presses universitaires de Rennes, 2020, p. 75-88) insiste sur l’ambivalence des descriptions physiques chez le Béotien.
16 Plutarque, Vie d’Alexandre, 4.1-7, est le premier à fournir une description détaillée du Conquérant : Von Schwarzenberg Erkinger, « The portraiture of Alexander », in Ernst Badian, Denis Van Berchem et Bernard Grange (dir.), Alexandre le Grand. Image et réalité. Fondation Hardt, Entretiens 23, Vandœuvres/Genève, Fondation Hardt, 1976, p. 223-278, part. p. 249. Leimbach R., « Plutarch über das Aussehen Alexanders des Grossen », AA, no 94, 1979, p. 213-220, soutient ainsi qu’il décrit les caractéristiques d’Alexandre lui-même. Cependant, vu la fréquence à laquelle le Béotien se reporte aux statues, on peut raisonnablement douter de ce point, à l’instar de Fehr Burkhard, Bewegungsweisen und Verhaltensideale: physiognomische Deutungsmöglichkeiten d. Bewegungungsdarstellung an griechischen Statuen d. 5. u 4. Jhs. v. Chr, Bad Bramstedt, Moreland Editions, 1979, p. 67-68. Sur l’usage des statues d’Alexandre chez Plutarque, Wardman Alan, « Description of Personal Appearance in Plutarch and Suetonius: the Use of Statues as Evidence », CQ, no 17 (2), 1967, p. 414-420, part. p. 417 ; Mossman Judith, « Plutarch’s use of Statues », in Michael A. Flower et Mar Toher (éd.), Georgica: Greek Studies in honour of George Cawkwell, Londres, Institute of Classical Studies, 1991, p. 98-119, p. 115, notent bien que Plutarque ne s’intéresse guère à l’apparence d’Alexandre mais plutôt à l’ethos qui transparaît de ses statues et de ses actions.
17 Sur le style en Grèce ancienne, Meier Christian, La Politique et la grâce. Anthropologie politique de la beauté grecque, Paris, Seuil, 1987. Sur le corps comme image première, Belting Hans, Pour une anthropologie des images, Paris, Gallimard, 2004, p. 51 et 133. Alexandre, dont les sources insistent sur la théâtralité, ne s’est-il pas alors comporté selon les canons qu’il voulait qu’on représentât (Hölscher Tonio, Ideal und Wirklichkeit, op. cit., p. 38 ; Fehr Burkhard, Bewegungsweisen und Verhaltensideale, op. cit., p. 77-79 ; Stewart Andrew, Faces of Power, op. cit., p. 76) ? La chose est aussi vraie de l’époque hellénistique, notamment de certains de ses successeurs immédiats (Mastrocinque Attilio, « Demetrios tragodoumenos [propaganda e letteratura al tempo di Demetrio Poliorcete] », Athenaeum, no 57, 1979, p. 260-276, et Chaniotis Angelos, « Theatricality beyond the Theater. Staging Public Life in the Hellenistic World », Pallas, no 47, 1997, p. 219-259) qui ont imité jusqu’aux caractéristiques physiques du Conquérant (Plutarque, Vie de Pyrrhos 8.2 et Moralia 53 C).
18 Frontisi-Ducroux Françoise, Du Masque au visage. Aspects de l’identité en Grèce ancienne, Paris, Flammarion, 1995, p. 53-55.
19 Hölscher Tonio, Ideal und Wirklichkeit, op. cit., p. 33-34 pour l’analyse, et n. 107 pour les références littéraires.
20 Dechambre Arnaud, « Caractères des figures d’Alexandre le Grand et de Zénon le Stoïcien, éclairés par la médecine », RA, no 9 (2), 1853, p. 422-440, p. 433-434, suivi par Schreiber Theodor, Studien über das Bildniss Alexanders des Grossen. Ein Beitrag zur alexandrinischen Kunstgeschichte mit einem Anhang über die Anfänge des Alexanderkultes, Leipzig, Teubner, 1903, p. 24-26, avec la bibliographie antérieure. Dernières tentatives, Schachermeyr Fritz, Alexander der Grosse. Das Problem seiner Persönlichkeit und seines Wirkens, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 1973 ; Lascaratos John et Damanakis Alexander, « Ocular torticollis: a New Explanation for the Abnormal Head-posture of Alexander the Great », The Lancet, 347, 1996, p. 521-523 ; Ashrafian Hustan, « The Death of Alexander the Great – A Spinal Twist of Fate », Journal of the History of the Neurosciences, no 13, 2, 2004, p. 138-142. Pour d’autres références, Von Schwarzenberg Erkinger, « Der lysippische Alexander », Bonner Jahrbücher, no 167, 1967, p. 58-118, n. 87 p. 108, Von Schwarzenberg Erkinger, « The portraiture of Alexander », art. cité., n. 1 p. 251. La chose a été contestée très tôt Hölscher Tonio, Ideal und Wirklichkeit, op. cit., n. 113 p. 34.
21 Sur le cou en particulier, ibid., p. 34 ; Fehr Burkhard, Bewegungsweisen und Verhaltensideale, op. cit., p. 69-70 ; Stewart Andrew, Faces of Power, op. cit., p. 76.
22 Fehr Burkhard, Bewegungsweisen und Verhaltensideale, op. cit., p. 70. Kiilerich Bente, « Physiognomics and the Iconography of Alexander », Symbolae Osloenses, no 63, 1988, p. 51-66, p. 62-63, remarque que la tournure du cou est peut-être une pose théâtrale.
23 Xénophon, Mémorables, 3.10.6-8.
24 Stewart Andrew, « Rezenzion: O. Jaeggi, Die griechischen Porträts, Berlin, 2008 », Sehepunkt, no 10 (1), 2010, [http://www.sehepunkte.de/2010/01/16114.html] ; Mauss Marcel, Sociologie et anthropologie, Paris, Presses universitaires de France, 2003, p. 355. Par face on entend l’identité sociale présentée aux autres par opposition au visage qui renvoie aux traits singuliers d’un individu. Pour un bilan historiographique, Ildefonse Frédérique, « La personne en Grèce ancienne », Terrain, no 52, 2009, p. 64-77.
25 Plutarque, Vie d’Alexandre, 76.1-5 (FGrHist 117 F3b).
26 Plutarque, Vie d’Alexandre, 77.1 (FGrHist 117 F3b). La précision kata lexin n’est pas décisive, puisque Plutarque l’utilise dans un passage citant faussement Hérodote (De la malignité d’Hérodote, Moralia, 861 C). Néanmoins, les récits de Plutarque et d’Arrien diffèrent très peu (Wirth Gerhard, « Ephemeridenspekulationen », in Hansjörg Kalcyk, Brigitte Gullath et Andreas Graeber [dir], Studien zur alten Geschichte. Siegfried Lauffer zum 70. Geburtstag, Rome, Bretschneider, 1986, p. 1049-1075, p. 1064 sq. pour la comparaison) et ces discordances peuvent être expliquées par l’usage d’une autre source, Aristobule en particulier : Bosworth Albert B., From Arrian to Alexander. Studies in historical Interpretation, Oxford, Clarendon Press, 1988, p. 166-167. Wilcken Ulrich, « Ὑπομνηματισμοί », Philologus, no 53, 1894, p. 80-126, soutient que les Éphémérides sont une forme première (Vorbild) des futurs hypomnemata, qu’ils contenaient des affaires aussi bien curiales qu’administratives et militaires (p. 115-116) et qu’ils constituaient la source d’Arrien via Ptolémée (p. 117-120). Ces points n’ont pas été modifiés par l’historiographie subséquente à l’article de Wilcken (Kaërst Julius, « Ptolemaios und die Ephemeriden Alexanders der Grosse », Philologus, no 56, 1897, p. 334-339 ; Meyer Eduard, « Arrians Geschichte Alexanders des Grossen », Hermes, no 33/4, 1898, p. 648-652 ; Lehmann Carl F., « Zu den Ephemeriden Alexanders des Grossen », Hermes, no 36/2, 1901, p. 319-320 ; Robinson Charles A., The Ephemerides of Alexander’s Expedition, Providence, Brown University, 1932 ; Pédech Paul, Historiens compagnons d’Alexandre : Callisthène, Onésicrite, Néarque, Ptolémée, Aristobule, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 246-251). Pearson Lionel, « The Diary and the Letters of Alexander the Great », Historia, no 3/4, 1955, p. 429-455, parce qu’il est question de Sarapis dans Arrien pense que les Éphémérides sont un faux, qu’il attribue à Strattis d’Olynthe. Samuel Alan E., « Alexander’s “Royal Journals” », Historia, no 14/1, 1965, p. 1-12, pense qu’il s’agit de la traduction de journaux babyloniens par Eumène. Bosworth Albert B., « The Death of Alexander the Great: Rumour and Propaganda », CQ, no 21/1, 1971, p. 112-136, montre que les arguments des uns et des autres sont infondés. S’il s’agit bien d’un faux, la paternité en revient à Eumène, afin de sauver du discrédit le camp d’Antipater, accusé d’avoir empoisonné Alexandre. Hammond Nicholas G. L., Three historians of Alexander the Great the so-called vulgate authors, Diodorus, Justin and Curtius, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, p. 4-11, réaffirme la position traditionnelle et, malgré la critique de Badian Ernst, « The Ring and the Book », in Wolfgang Will et Johannes Heinrichs (éd.), Zu Alexander der Grosse: Festschrift G. Wirth zum 60. Geburtstag am 9.12.86. II, Amsterdam, Hakkert, 1987, p. 605-625 (désormais Badian Ernst, « The Ring and the Book », in Ernst Badian, Collected papers on Alexander the Great, New York, Routledge, 2012, p. 325-337), revient plusieurs fois sur le sujet (Hammond Nicholas G. L., « The Royal Journal of Alexander », Historia, no 37, 1988, p. 129-150 ; Hammond Nicholas G. L., « A Note on Royal Journal », Historia, no 40/3, 1991, p. 382-384). Le travail de Hammond emporte la conviction en général, même si, sur le détail, il peut être contesté (voir par exemple Anson Edward M., « The “Ephemerides” of Alexander the Great », Historia, no 45/4, 1996, p. 501-504, p. 502-503, par ailleurs en faveur de l’authenticité des Éphémérides, ou encore Chugg Andrew, « The Journal of Alexander the Great », The Ancient History Bulletin, no 19/3, 2005, p. 155-175).
27 Pace Bosworth Albert B., Conquest and Empire. The Reign of Alexander the Great, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 299. De plus, on pourrait penser que les Éphémérides ne mentionnent que ce que le souverain fait, et non ce qu’il décide mais cf. Plutarque, Vie d’Alexandre, 76.6, et Wilcken Ulrich, « Ὑπομνηματισμοί », art. cité, p. 115.
28 Polyen, 4.6.2 ; Diodore de Sicile, 18.4.2.
29 Arrien, Anabase, 7.4.6 ; Plutarque, Vie d’Eumène, 1.4 ; Ps.-Callisthène, 3.33.14 cf. aussi Athénée, 10.434b. Ainsi connaît-on le ὁ ἐπὶ τοῦ γραμματείου des Antigonides (Polybe, 4.87.8, Juhel Pierre O., « ὁ ἐπὶ + substantif au génitif, titre des fonctionnaires de l’administration hellénistique en général et des hauts fonctionnaires royaux de la Macédoine antigonide en particulier », Tyche, no 24, 2010, p. 59-76 p. 60). En Égypte, le roi se fait communiquer les relations de la veille par les rédacteurs (τῶν ἀναγεγραμμένων, Ps.-Aristée, Lettre à Philocrate, 300 ; Bikerman Elias Joseph, « Notes sur la chancellerie des Lagides », Revue internationale des droits de l’Antiquité, no 2, 1953, p. 251-267, part. p. 262 pour le lien avec les Éphémérides). Peut-être faut-il aussi aller jusqu’à y inclure les lettres royales (Polybe, 18.33.2 ; 30.13.10) comme le fait Hammond Nicholas G. L., « The Royal Journal of Alexander », art. cité, p. 131-132. En ce cas, on y trouvait la copie de toutes les décisions royales, et les rapports qui circulaient dans l’administration (comme par exemple SEG, XIII, 403 pour les Antigonides).
30 Pfister Friedrich, « Das Alexander-Archiv und die hellenistisch-römische Wissenschaft », Historia, no 10/1, 1961, p. 30-67 et Hammond Nicholas G. L., « The Royal Journal of Alexander », art. cité, p. 131-132 pour la liste.
31 Lucien, Éloge de Démosthène, 26 : Μακεδονικοῖς, εἶπεν, ἐντυχὼν τῆς βασιλικῆς οἰκίας ὑπομνήμασιν, καὶ τότε ὑπερησθεὶς τὸ βιβλίον οὐ κατὰ πάρεργον ἐκτησάμην καὶ νῦν ὑπεμνήσθην ἔχων οἴκαδε. Sur l’authenticité de l’écrit voir la mise au point de Pernot Laurent, La Rhétorique de l’éloge dans le monde gréco-romain, t. II : Les valeurs, Paris, Institut d’études augustiniennes, 1993, p. 572-577.
32 Diodore de Sicile, 3.38.1 ; Appien, Histoire romaine, préface, 10.
33 Souda s. v. « Strattis ». Pour la datation, Hammond Nicholas G. L., « The Royal Journal of Alexander », art. cité, p. 141-142 ; Badian Ernst, « The Ring and the Book », art. cité, p. 334. Si l’on retient l’hypothèse de Hammond Nicholas G. L., « A Papyrus Commentary on Alexander’s Balkan Campaign », GRBS, no 28, 1987, p. 331-347, alors on peut lire un Commentaire de ce genre dans le papyrus remontant au iie siècle avant notre ère publié par Clarysse Willy et Schepens Guido, « A Ptolemaic Fragment of an Alexander History », Chronique d’Égypte, no 60, 1985, p. 30-47.
34 On peut toutefois écarter deux hypothèses symétriques sur la nature de cet écrit, celle qui en fait un écrit court, et celle qui en fait un faux. Ainsi, Samuel Alan E., « Alexander’s “Royal Journals” », art. cité, p. 3-6 ou Bosworth Albert B., « The Death of Alexander the Great », art. cité, p. 118, pensent que les Éphémérides ne concernent que les derniers mois de la vie d’Alexandre. Mais cette idée est contestable à partir des autres passages (cf. Hammond Nicholas G. L., « A Papyrus Commentary on Alexander’s Balkan Campaign », art. cité, n. 20 p. 136 et Bosworth Albert B., Conquest and Empire, op. cit., p. 170-171). Deuxième option, si l’on y voit des faux ou des outils de propagande, il faut supposer une sortie rapide pour contrer les rumeurs d’empoisonnement (Plutarque, Vie des dix orateurs, Moralia, 849 F) et un écrit court. Cette position pose au moins trois problèmes. On devrait d’abord identifier le public visé initialement (les soldats ? les cités ?). On devrait ensuite reconnaître combien ce geste a échoué (l’argument de l’empoisonnement est ainsi encore repris en 319, cf. Diodore de Sicile, 19.11.8). On devrait enfin expliquer pourquoi un écrit court a permis de composer au moins un commentaire de 5 livres (ce qui semble beaucoup si l’écrit concernait les derniers mois d’Alexandre, même pour une Vorstudie, pace Bosworth Albert B., Conquest and Empire, op. cit., p. 181). Il vaut donc mieux supposer que les Éphémérides sont authentiques et qu’ils étaient relativement longs (concernant au moins les dernières années d’Alexandre, cf. Plutarque, Vie d’Eumène, 2). Resteraient à élucider la chaîne de transmission et la date de l’édition de ces écrits, qui doivent avoir été transformés en livres à un moment donné de leur carrière. Hammond Nicholas G. L., Three historians of Alexander the Great, op. cit., p. 9-10, les pense interceptés par Ptolémée avec la momie du roi, mais rien ne le prouve, cf. Badian Ernst, « The Ring and the Book », art. cité, p. 335-336. Anson Edward M., « The “Ephemerides” », art. cité, p. 503 pense que les extraits seront édités sous Antigone Gonatas en Macédoine. Sans doute pense-t-il que les Éphémérides sont passés d’Eumène à Hiéronymos de Cardia, qui publiera ses histoires sous les Antigonides (Lehmann Carl F., art. cité, p. 320 et la nuance de Hornblower Jane, Hieronymus of Cardia, Oxford/New York, Oxford University Press, 1981, n. 114 p. 132). À tout prendre, il est peut-être plus simple de réaménager une ancienne hypothèse. En effet, Athénée, 10.434b (FGrHist 117 T1) mentionne un certain Diodotos d’Érythrées, qui aurait écrit les Éphémérides avec Eumène de Cardia. Ce co-autorat est problématique et les solutions envisagées par les savants sont contestables, comme l’a rappelé Chugg Andrew, « The Journal of Alexander the Great », art. cité, p. 156-157. Ce dernier tend à penser que Diodotos aurait été un bématiste d’Alexandre, chargé d’y ajouter des informations géographiques. Néanmoins, c’est une supposition hardie – elle est fondée sur le rapprochement des noms de Diodotos et de Diognetos, un des bématistes d’Alexandre – qui n’explique pas la promotion d’un bématiste au rang de coauteur des Éphémérides, lorsqu’il y avait plusieurs autres hommes chargés de ces mesures. Il me paraît plus simple d’avouer que de ce Diodotos, on ne sait rien – et notamment, on ne sait même pas s’il a participé aux expéditions d’Alexandre le Grand, cf. Heckel Waldemar, Who’s Who in the Age of Alexander the Great: Prosopography of Alexander’s Empire, Oxford, Blackwell, 2006, n. 301 p. 308. Peut-être a-t-il simplement été l’éditeur des Éphémérides, comme le voulait Niese Benedictus, Geschichte der griechischen und makedonischen Staaten seit der Schlacht bei Chaeronea, t. I : Geschichte Alexanders des Grossen und seiner Nachfolger und der West hellenen b.z.j. 281, Gotha, Perthes, 1893, p. 1. On tiendrait alors le responsable de la transformation des Éphémérides en livre.
35 Plutarque, Propos de table 1.6, Moralia, 623 C-E.
36 Séleucos note ensuite que si les masses savaient combien de temps les monarques passent à administrer leur royaume, répondant aux doléances des uns et des autres, on « ne ramasserait même pas un diadème tombé à terre (ἐρριμμένον οὐκ ἂν ἀνελέσθαι διάδημα) », Plutarque, Moralia, 790a-b. Sur le métier de roi et le gouvernement par lettre, voir aussi Polybe, 5.57 et Caton, 20 F. Pour l’emploi du temps d’un roi, cf. Holleaux Maurice, Études d’épigraphie et d’histoire grecques, t. III, Paris, de Boccard, 1942, p. 300, ou Xénophon, Cyropédie, 7.5.42 sur l’absence de loisir (scholè) au pouvoir.
37 La chose était remarquée par Meyer Eduard, Geschichte des Altertums, vol. 3, Stuttgart, Cotta, 1901, p. 46-47 et à sa suite par Kaerts J., RE V, s. v. « Ephemeris », col. 2751.
38 Ps.-Aristée, Lettre à Philocrate, 297-298 pour Ptolémée II, avec Diodore de Sicile, 1.70.4, qui, après avoir rapporté que chaque heure de la vie du Pharaon était réglée par la loi, relate qu’au petit matin, il lisait les dépêches venant du royaume. Pour le lien entre ces textes, cf. Samuel Alan E., « Alexander’s “Royal Journals” », art. cité, p. 3.
39 Esther, 10.2 pour la gloire du roi avec Ctésias, fr. 5 (Diodore de Sicile, 2.32.4) ; cf. aussi le livre des bienfaiteurs Esther, 2.23 et 6.1 avec Hérodote, 8.90 et Thucydide, 1.129 ; Briant Pierre, Histoire de l’Empire perse de Cyrus à Alexandre, Paris, Fayard, 1996 p. 315. Ils servaient d’outil de gouvernement (Esdras, 4.14-15), sont consultés par le prince (Esther, 6.1). Ils racontent les conquêtes mais peut-être aussi la vie de cour (cf. Héraclide dans Athénée, 4.145b-146a [FGrHist 689 F2] avec Lewis David, « The King’s Dinner: [Polyaenus IV 3.32] », in Heleen Sancisi-Weerdenburg et Amélie Kuhrt [éd.], Achaemenid history, t. II : The Greek Sources. Proceedings of the Groningen 1984 Achaemenid history workshop, Leyde, Nederlands Inst. voor het Nabije Oosten, 1987, p. 79-87).
40 Samuel Alan E., « Alexander’s “Royal Journals” », art. cité, p. 9-10 ; Glassner Jean-Jacques, Chroniques mésopotamiennes, Paris, Les Belles Lettres, 1993, p. 59.
41 Διὰ τὸ πυρέξαι, ἐπύρεξε, ἐπύρεττε, πυρέττων, ὁ δὲ πυρετὸς οὐκ ἀνῆκεν chez Plutarque ; ἐπύρεσσεν, πυρέσσειν, οὐκέτι ἐλινύειν πυρέσσοντα, καὶ τὴν νύκτα πυρέσσειν κακῶς καὶ τὴν ἡμέραν, καὶ τὴν ἄλλην νύκτα καὶ τὴν ἡμέραν chez Arrien.
42 Glassner Jean-Jacques, Chroniques mésopotamiennes, op. cit., p. 99.
43 Je dois l’idée d’une narration à Bearzot Cinzia, « Royal Autobiography in the Hellenistic Age », in Gabriele Marasco (éd.), Political Autobiographies and Memoirs in Antiquity, Leyde, Brill, 2011, p. 37-85, p. 48.
44 Voir le journal du médecin de Louis XIII, Héroard Jean, Journal de Jean Héroard, Paris, Fayard, 1989.
45 Élien, Histoire variée, 3.23 ; Plutarque, Propos de table, 1.6, Moralia, 623 E ; Bosworth Albert B., Conquest and Empire, op. cit., p. 174.
46 Voir Arrien, Anabase, 7.25.4 (FGrHist 117 F3a) où Alexandre explique à Néarque et aux autres commandants ses projets de navigation (cf. l’argument de Bearzot Cinzia, « Royal Autobiography », art. cité, p. 52-53). De même, on peut faire valoir que ce document n’est pas centré sur le roi seul, cf. Arrien, Anabase, 7.26.2-3 (FGrHist 117 F3a) et Plutarque, Vie d’Alexandre, 76.9 (FGrHist 117 F3b) pour la consultation d’un oracle par les courtisans au moment de l’agonie du souverain.
47 En dernière analyse, Vössing Konrad, Mensa regia: das Bankett beim hellenistischen König und beim römischen Kaiser, Munich, Saur, 2004, p. 66-92, et Kottaridi Angeliki, « The Royal Banquet: a Capital Institution », in Angeliki Kottaridi, Susan Walker et Yannis Galanakis (éd.), Heracles to Alexander: Treasures from the Royal Capital of Macedon, a Hellenic Kingdom in the Age of Democracy, Oxford, Ashmolean Museum, 2011, p. 167-180.
48 Bearzot Cinzia, « Royal Autobiography », art. cité, p. 48 sq.
49 Cf. le journal de santé de Louis XIV par Fagon dans Marin Louis, « Le corps pathétique du Roi. Sur le Journal de la santé du Roi Louix XIV », Revue des sciences humaines, no 198/2, 1985, p. 31-49, part. p. 47-48.
50 Alexandre est comme frappé alors qu’il boit, il est veillé quelques temps puis, se sachant mourir, il donne son anneau et prononce une dernière parole frappante (Diodore de Sicile, 17.117.1-5 ; cf. Arrien, 7.26.3). Alexandre est resté maître de lui-même jusqu’à la fin (dans ses actes avec l’anneau, dans ses paroles aussi, avec ses derniers mots : sur l’attitude attendue à la mort, Garland Robert, The Greek Way of Death, Ithaca/New York, Cornell University Press, 1985, p. 20) selon un schéma qui est repris dans le Liber de morte et dans le Roman d’Alexandre où, non seulement Alexandre peut dire adieu à ses proches, mais en plus rédiger un testament, contrôlant sa destinée posthume, comme si le roi ne mourrait jamais.
51 Souda s. v. « Strattis ».
52 Corvisier Jean-Nicolas, « Médecine et biographie chez Plutarque », REG, no 107/1, 1994, p. 129-157, pour la liste et l’analyse ; Plutarque, Vie de Démétrios, 43.1-2, pour un roi retenu par la maladie. Savalli-Lestrade Ivana, « Rumeurs et silences autour des rois hellénistiques », in Brigitte Boissavit-Camus, François Chausson et Hervé Inglebert (dir.), La Mort du souverain entre Antiquité et haut Moyen Âge, Paris, Picard, 2003, p. 65-82, p. 67-68, pour un aperçu des morts des rois.
53 Vernant Jean-Pierre, « La belle mort et le cadavre outragé », in Jean-Pierre Vernant, L’Individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989, p. 41-79, part. p. 62 et n. 65 pour l’épopée ; Loraux Nicole, « Un absent de l’histoire ? Le corps dans l’historiographie thucydidéenne », Mètis, no 12, 1997, p. 223-267 pour l’historiographie. Plus récemment, voir Azoulay Vincent, Pericles of Athens, Princeton, Princeton University Press, 2014, p. 163. Ptolémée III « mourut de maladie », écrit Polybe, 2.71.3, sans plus de précision.
54 Plutarque, Vie de Cléomène, 30.2 (FGrHist 81 F60). Même maladie pour Antigone Gonatas, Vie de Cléomène, 16.7 ; Green Peter, Alexander to Actium. The Historical Evolution of the Hellenistic Age, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1990, p. 255, en fait un mal héréditaire.
55 Plutarque, Vie de Cléomène, 30.4 ; Polybe, 2.56, cf. Pédech Paul, Trois Historiens méconnus. Théopompe, Duris, Phylarque, Paris, Les Belles Lettres, 1989, p. 459-460, quant à l’obsession de Phylarque pour les chefs, et sur l’histoire tragique Marincola John, « Beyond Pity and Fear: the Emotions of History », AncSoc, no 33, 2003, p. 285-315.
56 Polybe, 18.17.6 ; Tite-Live, 33.21.1-5.
57 Polybe, 18.41.9 et 21.20.2-5, cf. Habicht Christian, « Tod auf der Gesandtschaftsreise », Studi ellenistici, no 13, 2001, p. 9-17.
58 Pausanias, 9.7.3-4.
59 II. Macc., 9.9. Cf. I. Macc. 6.8 ; Appien, Livre syriaque, 66 ; Polybe, 31.9, 4 où Antiochos est aussi malade ; II. Macc, 1, 16, il est lapidé puis découpé en morceaux tandis que sa tête est jetée à la foule.
60 Pour le monde romain, voir les parallèles et les analysées proposés dans Coltelloni-Trannoy Michèle, « Le corps du prince furieux, image de la terreur politique », in Gianpaolo Urso (dir.), Terror et pauor. Violenza, intimidazione, clandestinità nel mondo antico, Milan, ETS, 2006, p. 301-333, part. p. 302 et n. 6 sur les limites d’une lecture médicale, et p. 317-318 sur les poux et les vers qui infestent les corps impériaux. Une analyse similaire été déployée à propos d’Hadrien dans Husquin Caroline, « Les deux corps du prince : corporalités impériales et traitement littéraire à travers l’exemple d’Hadrien », Annales de Janua, n° 6, 2018 (en ligne).
61 Fritsch Peter et Kinzl Konrad, « Phtheiriasis », Der Hautarzt, no 21, 1970, p. 127-130.
62 Pausanias, 9.7.4 pour le châtiment divin, entre la mort des Argéades et ses descendants. Cette tradition provient des anciens partisans d’Olympias et peut-être de Hiéronymos de Cardia : Berve Helmut, Das Alexanderreich auf Prosopographischer Grundlage. Zweiter Band: Prosopographie, Munich, Beck, 1926, p. 202 ; Africa Thomas, « Worms and the Death of Kings: A Cautionary Note on Disease and History », ClAnt, no 1/1, 1982, p. 1-17, p. 6 ; Landucci Gattinoni Franca, L’arte del potere: vita e opere di Cassandro di Macedonia, Stuttgart, Steiner, 2003, n. 152 p. 84 pour les autres sources.
63 II. Macc. 9.6.
64 Hérodote, 4.205. Cf. Schamp Jacques, « La mort en fleurs : considérations sur la maladie “pédiculaire” de Sylla », AC, no 60, 1991, p. 139-170, part. p. 164-167 ; Mendels Doron, « A Note on the Tradition of Antiochus IV’s Death », Israel Exploration Journal, no 31/1, 1981, p. 53-56, part. p. 54-55, rapporte cette version de la mort d’Antiochos à la prière contemporaine de Nabonide.
65 Aristote, Histoire des animaux, 5.31, 556b 28-557a 4 ; sur le topos, Africa Thomas, « Worms and the Death of Kings », art. cité concernant les tyrans ; Schamp Jacques, « La mort en fleurs », art. cité, p. 146-147 ; Cilliers Louise et Retief François, « The Sulla Syndrome », Acta classica, no 43, 2000, p. 33-44, part. n. 32 p. 36. Sur la maladie, Keaveney Arthur et Madden John, « Phthiriasis and its Victims », Symbolae Osloenses, no 57, 1982, p. 87-99 : fréquente, elle n’explique pas la mort des individus, le plus souvent rapportée à une forme de tuberculose, cf. Lorein Geert Wouter, « Some Aspects of the Life and Death of Antiochus IV Epiphanes: A New Presentation of Old Viewpoints », AncSoc, no 31, 2001, p. 157-171, part. p. 169-170 pour Antiochos IV.
66 Memnon dans Photios, Bibliothèque, 223a, (FGrHist 434 F1) : τοῖς ὁρῶσιν ἐννοεῖν δίκας ἀναιτεῖσθαι ὧν ὠμῶς τε καὶ παρανόμως τοὺς πολίτας διέθεσαν ; Davaze Virginie, Memnon, historien d’Héraclée du Pont : commentaire historique, thèse d’histoire, dir. Alexandru Avram, université du Maine, 2014, p. 179.
67 Vernant Jean-Pierre et Vidal-Naquet Pierre, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, t. II, Paris, La Découverte, 1986, p. 45-77 pour le mythe ; Tondo Isabella, « Le corps du roi. Esthétique de la tyrannie dans les tragédies de Sénèque », in Marie-Hélène Garelli et Valérie Visa-Ondarçuhu (dir.), Corps en jeu de l’Antiquité à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 41-54, sur le théâtre.
68 Clastres Pierre, La Société contre l’État. Recherches d’anthropologie politique, Paris, Minuit, 1974, p. 153-154 ; Lefort Claude, L’Invention démocratique. Les limites de la domination totalitaire, Paris, Fayard, 1981, p. 171.
69 Frazer James, Le Rameau d’or, Paris, Robert Laffont, 1983, t. I, p. 235 sq. contra Mauss Marcel, Œuvres, t. II, Paris, Minuit, 1969, p. 244-245. À la suite de Heusch Luc de, Le Roi Kongo et les monstres sacrés, Paris, Gallimard, 2000, p. 24, on y voit « une personne vivante dont la capacité mystique est étroitement liée à l’intégrité physique ». En Grèce, Rose Herbert J., « The Evidence for Divine Kings in Greece », in La regalità sacra. Contributi al tema dell’VIII congresso internazionale di storia delle religioni, Louvain, Brill, 1955, p. 371-378, concluait qu’il n’existait aucune royauté sacrée. Mondi Robert, « Σκεπτροῦχοι βασιλεῖς: an Argument for Divine Kingship in Early Greece », Arethusa, no 13/2, 1980, p. 203-216, en trouve toutefois des traces incomplètes chez Homère (cf. déjà Gernet Louis, Anthropologie de la Grèce antique, Paris, Flammarion, 1982, p. 235 sq.). Le thème a pu persister à travers les punitions divines pour les tyrans, Luraghi Nino, « To die like a Tyrant », in Nino Luraghi, Ulrich Gotter et Kai Trampedach (éd.), The Splendors and Miseries of Ruling Alone, Stuttgart, Steiner, 2013, p. 49-71, part. p. 57-60.
70 La figure du thaumaturge est trop isolée pour être analysée, Bloch Marc, Les Rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, 1983, n. 2 p. 59-60 ; Lévêque Pierre, Pyrrhos, Paris, de Boccard, 1957, p. 270-271. On pense essentiellement aux Lagides, où, pour l’historiographie, c’est presque une philosophie royale à l’usage des Égyptiens : Müller Sabine, Das hellenistische Königspaar in der medialen Repräsentation Ptolemaios II. und Arsinoe II., Berlin/New York, De Gruyter, 2009, n. 24 p. 159, avec bibliographie antérieure. Si dès le début de leur dynastie, les Lagides mettent en scène leur tryphè (voir Callixène de Rhodes dans Athénée 5.196a sq. [FGrHist 627 F2]), ce n’est qu’à partir de Ptolémée VIII qu’on voit leurs statues s’épaissir, dans un choix conscient qui rappelle certaines statues pré-ptolémaïques (Stanwick Paul Edmund, Egyptian royal Sculptures, op. cit., p. 155-157, part. p. 156). Fleischer Robert, « Hellenistic Royal Iconography on Coins », in Per Bilde, Troels Engberg-Pedersen, Lise Hannestad et Jan Zahle (éd.), Aspects of Hellenistic Kingship, Aarhus/Oakville, Aarhus University Press, 1996, p. 28-40, p. 36, remarque que les Séleucides leur empruntent cette imagerie à partir d’Antiochos VIII.
71 Heinen Heinz, « Aspects et problèmes de la monarchie ptolémaïque », Ktèma, no 3, 1978, p. 177-199, Heinen Heinz, « Die Tryphè des Ptolemaios VIII. Euergetes II. Beobachtungen zum ptolemäischer Herrscherideal und zu einer römischen Gesandtschaft in Ägypten (140/39 v. Chr.) », in Heinz Heinen, Karl F. Stroheker, Gerold Walser et Hermann Bengtson (éd.), Althistorische Studien: Herman Bengtson zum 70. Geburtstag dargebracht von Kollegen und Schülern, Wiesbaden, Steiner, 1983, p. 116-130, sur le biais romain à l’œuvre.
72 Tite-Live, 40.56.11, cf. Savalli-Lestrade Ivana, « Rumeurs et silences », art. cité, p. 72-73.
73 SEG 33 673 et Habicht Christian, « Neues zur hellenistischen Geschichte von Kos », Chiron, no 37, 2007, p. 123-152, part. n. 151 p. 144 pour la l. 5 : [βα]σιλεὺς Ἀντίοχος Κώιων [τῆι βουλῆι καὶ τῶι] | [δή]μωι χαίρειν · Ἀπολλοφάνην τ[ὸν ἰατρὸν τοῦ πατρὸς ἡ|μῶν] κ̣αὶ τοῦ ἀδελφοῦ γεγενημέ[νον καὶ πολλὰς καὶ μεγά|λας πεπ]οιημένον ἀποδείξεις ἐ[μπειρίας τῆς κατὰ τὴν | τέχνην π]α̣ρά τε ἐκείνοις ὄντ[α ἐν μεγίστηι προαγωγῇ | καὶ προ]εδρίαι καὶ ἡμεῖν ὑπάρ[χοντα συγγενῆ καὶ τρο|φέα προσεν]ηνεγμένον τε [μετὰ ἐκτενείας καὶ φιλοστορ|γίας κατά τε] τὸν πρότερο[ν χρόνον καὶ - - - - - - -] | [- - - - - - - - -] τεο[- - - - - - ].
74 Pour les autres sources, Samama Évelyne, Les Médecins dans le monde grec : sources épigraphiques sur la naissance d’un corps médical, Genève/Paris, Droz, 2003, n. 52 p. 244. Sur les manières plus ou moins conventionnelles pour désigner la compétence du médecin, Massar Natacha, Soigner et servir : histoire sociale et culturelle de la médecine grecque à l’époque hellénistique, Paris, de Boccard, 2005, p. 65-70. Il n’était pas nécessaire que le souverain s’exprime ici de manière aussi vague. D’autres se sont montrés plus précis dans la traumatologie, comme Antiochos I qui « a écrit que, ayant été blessé près de la gorge dans la bataille, il a été guéri et tiré du danger par Métrodoros le médecin (ἐπειδὴ ὁ βασιλεὺς Ἀντίοχος ἐ<φ>έσ|ταλκεν, ὅτι τραυματίας γενόμενος | ἐν τῆι μάχηι εἰς τὸν τράχηλον | θεραπευθ<εί>η ὑπὸ Μητροδώρου τοῦ | ἰατροῦ ἀκινδύν<ω>ς) » (OGIS, 220).
75 Mooren Leon, The Aulic titulature in Ptolemaic Egypt. Introduction and Prosopography, Bruxelles, Paleis der Academiën, 1975, p. 2, pour la titulature des courtisans. Les titres sont assez traditionnels et ne correspondent pas à l’inflation qui se produit après 200 chez les Séleucides (Strootman Rolf, « Hellenistic Court Society: the Seleucid Imperial Court under Antiochos the Great, 223-187 BCE », in Jeroen Duindam [éd.], Rulers & Elites: Comparative Studies in Governance, Leyde, Brill, 2011, p. 63-89, p. 85-87). Ne faut-il pas alors remonter la date de cette inscription (223-187) à la première partie du règne d’Antiochos (223-200) ?
76 Apollophanès comme philos, Marasco Gabriele, « Les médecins de cour à l’époque hellénistique », REG, no 109, 1996, p. 435-466, p. 444-445. D’une manière générale, Mastrocinque Attilio, « Les médecins des Séleucides », in Philip van der Eijk, Herman F. J. Horstmanshoof et Pieter H. Schrijvers, Ancient Medicine in its Socio-cultural Context: Papers read at the Congress held at Leiden University, 13-15 April 199, Amsterdam, Atlanta, 1995, p. 143-151.
77 Polybe, 5.56.1 ; sur la confiance, Massar Natacha, Soigner et servir, op. cit., p. 59-63.
78 Polybe, 5.56.7-12. Autre exemple de maladie diplomatique, 31.14.1.
79 Müller Sabine, Massnahmen der Herrschaftssicherung gegenüber der makedonischen Opposition bei Alexander dem Grossen, Francfort, Peter Lang, 2003 en général ; Strootman Rolf, « Hellenistic Court Society », art. cité, p. 74 sq. pour Antiochos III.
80 Polybe, 5.56.2 et 7 ; à titre d’exemple, les promenades à l’extérieur sont conseillées par Arétée de Cappadoce pour soigner les vertiges (skopômatoi, De curatione diuturnorum morborum, 1.3.13 [CMG, II, 2 p. 152 l. 1], voir aussi 1.3.8 [CMG, 2, 2 p. 150 l. 29 sq.] ou de même Galien, De sanitate tuenda libri six [CMG, V, 4, 2 p. 325 l. 3-7]). Sur le lien médical entre Antiochos et Apollophane, Mastrocinque Attilio, « Les médecins des Séleucides », art. cité, p. 148.
81 À Athènes, la santé et le salut du prince sont associées à celle du peuple. Ils auront tôt fait, d’ailleurs, de le remplacer par d’autres entités (Rome, etc.), cf. Anastasiadis Vasilis I., « Οι Επί Σωτηρία θυσίες στα Αθηναϊκά ψηφίσματα της Ελληνιστικής εποχής », Ελληνικά, no 41, 1990, p. 225-233. Pour Pergame, OGIS, 332 l. 28-33, dont les formules sont similaires à OGIS, 90. Le culte est desservi par des prêtres de la cité : Hamon Patrice, « Les prêtres du culte royal dans la capitale des Attalides : note sur le décret de Pergame en l’honneur du roi Attale III (OGIS 332) », Chiron, no 34, 2004, p. 169-185. Ailleurs cf. IG, XII Suppl., 250 ; IG, XII, 4, 291. On connaît parfois les raisons ayant motivé de tels décrets, comme à Ainos, qui vient d’être conquise (Rigsby Kent J., Asylia. Territorial Inviolability in the hellenistic World, Berkeley, University of California Press, 1996, p. 141).
82 OGIS, 90, l. 35-36 ; SEG VIII 784 l. 4-5.
83 SEG L 1639 l. 4-6 : [καὶ ποιε͂σθαι | εὐχὰς καὶ - - - ὑπὲρ τᾶς ὑγιείας καὶ σωτηρίας τῶ βα]σιλεῦς καὶ τᾶν βασιλ̣[ισσᾶν καὶ | τῶν τέκνων αὐτῶν ἐν ταῖς τεταγμέναις ἁμ]έ̣ραις.
84 Polybe 32.8.1 et Souda s. v. « Eumène ». La sauvegarde de la vertu par le biais de l’intellect est parfois plus ambiguë, cf. Posidonius, FGrHist 87 F79, ou Plutarque, Vie de Philopoimen, 13.5 sur quelques Lagides. Sur la masculinité des souverains hellénistiques, Roy Jim, « The Masculinity of the Hellenistic King », in Lin Foxhall et John Salmon (dir.), When Men were Men: Masculinity, Power, and Identity in Classical Antiquity, Londres/New York, Routledge, 1998, p. 111-135.
85 Plutarque, Vie de Démétrios, 19.7-8.
86 Plutarque, Vie de Démétrios, 1.8.
87 Plutarque, Vie de Démétrios, 19.9.
88 Plutarque, Vie de Démétrios, 3.1.
89 Sur les variations de l’identité du savant, qui ne peut être Érasistrate pour des raisons chronologiques, voir la synthèse de Massar Natacha, Soigner et servir, op. cit., p. 107-112.
90 Rohde Erwin, Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig, Breitkopf, 1900, p. 55-59, note aussi le parallèle de CMG, IV, I1b, p. 176 ; Mesk Josef, « Antiochos und Stratonike », RhM, no 68, 1913, p. 366-394, part. p. 386 pour Euripide.
91 Diodore de Sicile, 21.20 ; Plutarque, Vie de Démétrios, 51.4 ; OGIS, 214.
92 Garofalo Ivan, « Il principe e il medico », Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università di Siena, no 11, 1990, p. 291-299 ; Romani Silvia, « Stratonice e Antioco malato d’amore », in Antonio Stramaglia, Ἔρως. Antiche trame greche d’amore, Bari, Levante, 2000, p. 271-282 sur l’altération du récit ; Amundsen Darrell, « Romanticizing the Ancient Medical Profession. The Characterization of the Physician in the Graeco-Roman Novel », Bulletin of the History of Medicine, no 48, 1974, p. 320-337, p. 328-336 sur le thème de la maladie d’amour dans les récits médicaux.
93 Ogden Daniel, Polygamy, Prostitutes and Death. The Hellenistic Dynasties, Londres/Swansea/Oakville, Classical Press of Wales, 1999, p. 122-123.
94 Appien, Livre syriaque, 326.
95 Brodersen Kai, « Der liebeskranke Königssohn und die seleukidische Herrschaftsauffassung », Athenaeum, no 63, 1985, p. 459-469, part. p. 461-463 en fait un morceau de rhétorique, contra Hillgruber Michael, « Liebe, Weisheit und Verzicht: zu Herkunft und Entwicklung der Geschichte von Antiochos und Stratonike », in Thomas Brüggemann, Burkhard Meissner et Christian Mileta (dir.), Studia hellenistica et historiographica. Festschrift für Andreas Mehl, Möhrlenbach, Computus Druck Satz & Verlag, 2010, p. 73-102, p. 96 pour qui l’histoire varie trop peu pour être une pure élaboration rhétorique. Hammer Severinus, « De fabulae, quae est de Antiocho et Stratonica, origine », Eos, no 24, 1919, p. 35-42, part. p. 40-42 et Müller Carl Werner, « Der König, der kranke Prinz und der kluge Arzt: eine hellenistische Novelle in kaiserzeitlicher Brechung », in Jens P. Clausen (éd.), Iubilet cum Bonna Rhenus. Festschrift zum 150 jährigen Bestehen des Bonner Kreis, Berlin, Logos Verlag, 2004, p. 91-114, rapportent le dialogue à la Nouvelle Comédie.
96 Zerdik Arthur, Quaestiones appianeae, Cologne, Fiencke, 1886, p. 25, renvoie à Hérodote, 3.31 ; Brodersen Kai, « Der liebeskranke Königssohn », art. cité, p. 468, à d’autres passages d’Hérodote.
97 Toohey Peter, « Love, Lovesickness, and Melancholia », Illinois Classical Studies, no 17/2, 1992, p. 265-286, p. 268-275.
98 Bonnard Jean-Baptiste, « Phèdre sans inceste. À propos de la théorie de l’inceste du deuxième type et de ses applications en histoire grecque », RH, no 62/1, 2002, p. 77-107, p. 99.
99 Appien, Livre syriaque, 317. Sur l’identité du savant, Breebaart Abraham B., « King Seleucus I, Antiochus, and Stratonice », Mnemosyne, no 20, 1967, p. 154-164, part. p. 157, pour Phylarque, contra Landucci Gattinoni Franca, « Problemi dinastici e opinione pubblica nel “caso” di Stratonice », in Marta Sordi (éd.), Aspetti dell’opinione pubblica nel mondo antico, Milan, Vita e Pensiero, 1978, p. 74-84 pour Hiéronymos contra Primo Andrea, La storiografia sui Seleucidi da Megastene a Eusebio di Cesarea, Pise/Rome, Fabrizio Serra, 2009, n. 300 p. 247. Hillgruber Michael, « Liebe, Weisheit und Verzicht », p. 98 en fait un récit légitimiste faisant partie d’une sorte de Roman de Séleucos, sur lequel Appien se serait appuyé.
100 Appien, Livre syriaque, 320 sq. ; Plutarque, Vie de Démétrios, 38.11.
101 Goethe, Wilhelm Meister, longuement cité par Fischer Thomas, « Nochmals zum liebeskranken Königssohn: ein Aspekt hellenistischer Politik und Wirkungsgeschichte », in Gerhard Binder et Bernd Effe (éd.), Liebe und Leidenschaft: historische Aspekte von Erotik und Sexualitat, Trier, Wissenschaftlicher Verlag Trier, 1993, p. 123-144. Stricto sensu, il ne peut donc s’agir de propagande pace Funck Bernd, « Die Wurzeln der hellenistischen Euergetes-Religion im Staat und in den Städten des Seleukos Nikator », in Elisabeth C. Welskopf (éd.), Hellenische Poleis III, Berlin, Akademia, 1974, p. 1290-1334, part. p. 1313-1314 ; Breebaart Abraham B., « King Seleucus I, Antiochus, and Stratonice », art. cité, ou Landucci Gattinoni Franca, « Problemi dinastici e opinione pubblica nel “caso” di Stratonice », art. cité, p. 75.
102 Voir ainsi les conclusions de Capdetrey Laurent, « Les chemins de l’État antique : l’exemple des royaumes hellénistiques », Cahiers d’histoire, no 134, 2017, p. 21-40 à propos de l’État dans les monarchies hellénistiques.
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