Le sublime et son interprétation chinoise au xxe siècle
p. 81-91
Texte intégral
1Dans la Chine de la première moitié du xxe siècle s’ouvrant à la modernité, parmi les concepts venus de l’Occident, via le Japon, le sublime a joué un grand rôle. Cette dimension originaire de l’Europe a fasciné les intellectuels1, les artistes, mais aussi les dirigeants chinois, qui l’ont interprétée et utilisée à leur profit. Mao Zedong (Mao Tsé-tung) en particulier s’en est servi comme d’un fer de lance en vue de la construction de l’homme nouveau de la société chinoise moderne2.
2Le premier intellectuel chinois à s’être véritablement intéressé au sublime est Wang Guowei (1877-1927), qui étudia attentivement l’idéalisme germanique, en particulier Kant et Schopenhauer, mais encore Nietzsche. Il fut à la fois un lettré traditionnel et un précurseur dans la réception de la philosophie et de l’esthétique occidentales. Dans un premier temps très influencé par Kant et Schopenhauer, il conçut une esthétique permettant un dialogue entre l’esthétique chinoise traditionnelle et la philosophie européenne3. Mais il fut aussi le premier chinois à lire et à analyser Nietzsche, à le citer dans ses propres écrits vers 1910. Néanmoins, les doctrines défendues par Nietzsche l’inquiétaient, en raison de leur pouvoir destructeur, parce qu’elles menaçaient la tradition confucéenne qui était la colonne vertébrale de la vie intellectuelle chinoise. Le contact avec les théories de Nietzsche finit par troubler Wang Guowei au point de le pousser à brûler ses écrits sur la philosophie et l’esthétique4, qu’il abandonna ensuite5, et voire même de le conduire au suicide6. Wang Guowei relie en effet le sublime au tragique, notamment pour expliquer la souffrance des personnages principaux dans le célèbre roman Rêve dans le pavillon Rouge (Honglou meng)7. Il y voit incarnées les tensions entre désir et objets du désir, entre souffrance humaine et sa sublimation dans l’art. Pourtant, il souscrit à la reconstruction de l’esthétique kantienne par Schopenhauer et, à l’instar de ce dernier, il considère l’expérience du sublime comme supérieure, parce qu’elle détache des désirs de la vie et de leurs contingences. Il suit alors Schopenhauer sur sa conception de la littérature, plaçant la tragédie au sommet en raison de son caractère sublime. Il traduit « sentiment du sublime » par zhuangmei zhi qing 壯美之情, littéralement « sentiment du beau grandiose », par opposition au « sentiment du beau » youmei zhi qing 優美之情, littéralement « sentiment du beau gracieux8 », et « sublime » par hongzhuang 宏壯, c’est-à-dire « puissant et grandiose9 ». Il en vient à combiner le sublime germanique avec la doctrine confucéenne de l’intégrité morale et de la grandeur. Mais pour Wang Guowei, la catharsis est impossible, et il adapte la conception bouddhique de la négation des désirs à deux modes de conscience dans l’expérience de la tragédie :
« L’expérience du beau tranquillise nos esprits agités et concentre nos sens sur les formes agréables des objets, favorisant la contemplation désintéressée et nous empêchant de rechercher des choses désirables. L’expérience du sublime est plus efficace et puissante. Des objets terrifiants et nous submergeant nous arrachent avec force à tous nos attachements aux intérêts de la vie10. »
3À la suite de Wang Guowei, Zhu Guangqian (1897-1986) est considéré en Chine comme le premier grand spécialiste d’esthétique, mieux rompu que Wang Guowei à la philosophie occidentale. Zhu Guangqian propose une traduction en chinois du sublime longinien en 193611 : reprenant la typologie esthétique de Nietzsche, il oppose la beauté virile du sublime à la beauté féminine de la grâce et constate à son tour qu’il n’existe pas en chinois de terme correspondant précisément au sens de sublime, mais que plusieurs expressions chinoises traditionnelles s’en approchent, les énumérant : xionghun 雄渾 (« mâle, viril » + « grand, immense »), jingjian 勁健 (« fort, vigoureux » + « solide »), weida 偉大 (« grand, imposant, remarquable » + « grand, noble »), chonggao 崇高 (« éminent » + « haut »), zhuangyan 莊嚴 (« majestueux » + « sévère, imposant »). Il choisit de traduire « sublime » par xiongwei 雄偉 en expliquant qu’il suit l’interprétation kantienne : xiong 雄 (« mâle, viril ») pour l’aspect abstrait et sans limites de la force du sublime et wei 偉 (« grand, imposant, remarquable ») pour sa grandeur12. Il est également le premier à publier une Histoire de l’esthétique occidentale (Xifang meixue shi) en 1963 ; il y présente le traité Du sublime du pseudo-Longin et sa diffusion en Europe grâce à Boileau et traduit sublime par chonggao 崇高 (signifiant « éminent, remarquable »)13, probablement parce qu’alors, c’est déjà la traduction couramment admise. Zhu Guangqian diffère de Wang Guowei en ce qu’il ne cherche pas à reconsidérer la tradition chinoise à l’aune de la philosophie occidentale, mais à traduire en chinois de façon compréhensible des concepts et notions éloignés de la pensée chinoise, ce à quoi il réussit parfaitement.
4 Un autre grand intellectuel de l’époque, dont l’influence a été considérable en tant que président de l’université de Pékin et fondateur de l’Academia sinica (l’Académie des sciences de Chine), Cai Yuanpei (1868-1940), met en place l’enseignement de l’esthétique dans le cursus des universités chinoises ; il traduit de son côté sublime par chonghong 崇閎14, expression formée des caractères « éminent » et « vaste ». Dans son discours devant l’Académie des sciences de Chine de 1917, « Remplaçons la religion par l’éducation esthétique », Cai Yuanpei souligne l’universalité de l’émotion esthétique, par opposition avec les religions qui sont limitées à une région et à une époque15. Il insiste sur la capacité de sublimation de l’art, en particulier la tragédie, « liée à la beauté du sublime », prenant pour exemples le destin tragique des protagonistes du roman Rêve dans le pavillon rouge ou le personnage historique Qu Yuan (vers 339-vers 278), que nous étudierons plus loin. Il relève enfin que l’art « nous rapproche chaque jour du sublime », ce qui est déjà essentiel, dit-il.
5Dans la première moitié du xxe siècle, de nombreux auteurs, tel Wang Guowei, tentent de retrouver dans la littérature chinoise une dimension comparable à celle du sublime européen, en particulier la notion traditionnelle du « souffle masculin et solide » (yanggang zhi qi) de l’éthique confucéenne, le chapitre « Vent et os » (Fenggu) du traité de théorie littéraire Esprit lettré et gravure de dragons (Wenxin diaolong) de Liu Xie (vers 465-vers 521)16, ou encore deux des vingt-quatre catégories esthétiques de la poésie énumérées par Sikong Tu (837-908) : « grandiose » xionghun 雄渾 et « libéré » haofang 豪放17. Ils cherchent à proposer l’expérience du dialogue avec la culture chinoise traditionnelle à la lumière de la philosophie occidentale18.
6Mais la génération suivante des savants et intellectuels chinois ne se contente plus de traductions ou de reconsidérations : elle veut mettre en pratique le sublime et le faire entrer dans la politique.
7 Contrairement à Wang Guowei, à Zhu Guangqian ou à Cai Yuanpei qui prônent une autonomie de l’esthétique par rapport à la politique et à l’idéologie, qui conçoivent un sublime désintéressé, et qui sont plus ou moins considérés comme des conservateurs, nonobstant leur travail pionnier et leur ouverture, la génération suivante des intellectuels progressistes du mouvement du 4 mai 191919 met clairement et définitivement l’esthétique au service de la politique. Par contraste avec Wang Guowei en particulier, ces intellectuels prennent à leur compte le nihilisme de Nietzsche avec enthousiasme : loin de le percevoir comme une tendance paralysante vers la négativité, ils le conçoivent comme un moyen d’accueillir les idées modernes et révolutionnaires. De façon significative, le théoricien de la littérature et penseur marxiste Zhou Yang (1908-1989), à la tête de la Ligue des écrivains de gauche (Zhongguo zuoyi zuojia lianmeng) dans les années 1930, soutient que les théories de Nietzsche ont exercé une influence prépondérante et positive sur lui. Il le rappelle dans son autobiographie écrite en 1943 :
« Je me suis profondément entiché de la pensée de Nietzsche, qui a eu un effet considérable sur ma vie. Je dois dire que ce fut l’effet d’une révolution : il m’a appris à oser désavouer toute convention, toute tradition et toute autorité. Il m’a nettoyé le cerveau. Sans ce nettoyage, je n’aurais peut-être pas accepté le marxisme aussi purement et directement20. »
8Le nihilisme nietzschéen qui sublime la souffrance a joué un rôle important dans le rejet des anciennes institutions et de l’idéologie du passé, tout autant que dans la réception des nouvelles idées et pratiques. Mais si Nietzsche se servait du nihilisme pour attaquer la modernité21, c’est au contraire pour accueillir cette dernière que les intellectuels chinois ont utilisé le nihilisme à leur profit.
9L’écrivain, savant et homme politique Guo Moruo (1892-1978) s’oppose à la vision esthétisante du sublime par Zhu Guangqian et propose de considérer le sublime notamment à travers le prisme de la figure historique de Qu Yuan (vers 339-vers 278)22 dès 1920. D’après les Mémoires historiques de Sima Qian (145-86), chap. lxxxiv, le poète Qu Yuan, qui vécut à l’époque des Royaumes Combattants (ve siècle avant J.-C.-221 avant J.-C.), était un descendant de la maison royale de Chu et homme de confiance du roi de Chu, Huai. Victime des intrigues d’un autre conseiller, il est banni à deux reprises ; c’est alors qu’il rédige le Lisao (Tristesse de l’éloignement), l’un des chefs-d’œuvre de la poésie ancienne chinoise. Le roi de Chu ne l’ayant plus pour conseiller, et mal avisé, conduit son royaume à la défaite contre le puissant État de Qin ; de désespoir, Qu Yuan se suicide par noyade dans la rivière Miluo23. Sa mort est depuis commémorée lors de la fête du double Cinq (cinquième jour du cinquième mois lunaire). Qu Yuan, mis en scène dans ses pièces historiques par Guo Moruo dès 1920, devient une figure sublime du héros patriote24 : Guo rédige une pièce de théâtre, Qu Yuan25, jouée en 1942, en pleine guerre contre le Japon, qui rencontre un succès immédiat et populaire. Guo Moruo crée dans la première moitié du xxe siècle des pièces historiques, et par cela, il constitue un premier répertoire de tragédies chinoises. Ainsi, après la découverte du sublime selon Longin, Burke, Kant ou Nietzsche, l’accent est mis par la Chine moderne sur le « sublime romantique26 », et sur ses liens avec le politique.
10Mais c’est du plus haut de l’État que le sublime est mis à l’honneur, par le Grand Timonier lui-même, dans un de ses fameux discours de Yan’an, datant du 11 juin 1945, devant le septième congrès national du Parti communiste chinois :
« À présent, deux grandes montagnes oppressent le peuple chinois : l’une est l’impérialisme, l’autre le féodalisme. Le parti communiste chinois a décidé depuis longtemps de déblayer ces deux montagnes. Nous devons persévérer et y travailler sans cesse jusqu’à ce que nous parvenions à notre tour à émouvoir le dieu-d’en-haut. Ce dieu-d’en-haut ne nous est pas étranger, ce sont les masses du peuple chinois. Si, venant de partout dans le pays, elles nous rejoignent pour déblayer ces montagnes avec nous, comment ces montagnes ne pourraient-elles pas être aplanies27 ? »
11Pour les Chinois, dans ce discours, Mao Zedong fait explicitement référence à l’anecdote du « vieux crétin qui déplace les montagnes » (Yugong yi shan). Cette histoire provient d’un ouvrage taoïste, le Liezi (Questions à Tang)28, qui met en scène un personnage un peu simple d’esprit – le vieux « crétin », ainsi traduit plutôt que « vieux sot », par référence au « crétin des Alpes » de Hugo29 – face à un « sage » auquel contre toute attente il donne une leçon. Comme dans bien des paraboles taoïstes, les normes sont renversées. L’histoire raconte comment le vieil homme, âgé de quatre-vingt-dix ans, décide de déblayer deux montagnes qui font obstacle aux déplacements de la famille vers le sud et empêchent toute vue. Sa femme essaie de le raisonner, en raison de ses faibles forces et de son âge avancé, mais il ne l’écoute pas et se fait aider de toute sa famille, enfants et petits-enfants. Les voyant faire, une veuve et son rejeton en bas âge viennent les aider. Dans un village voisin, un « vieux sage » se moque du vieux crétin incapable d’arracher même un brin d’herbe et qui veut déplacer terre et rochers. Celui-ci lui répond que, même si lui meurt, ses enfants et petits-enfants continueront le travail qu’il a entrepris, et leurs enfants et petits-enfants à leur tour, sur des générations sans discontinuer. Et pour finir : « Où réside la difficulté de niveler la montagne qui, elle, n’augmente pas ? » Ce à quoi le prétendu sage n’eut plus rien à répondre. Le dieu-d’en-haut en fut ému et envoya deux immortels pour finir de déplacer les montagnes.
12La montagne n’est-elle pas l’incarnation même du sublime, par sa grandeur, son éminence, sa puissance, sa férocité, son immuabilité, son inaccessibilité30 ? Or au sublime de la montagne, par nature inamovible, répond le sublime du crétin, dont l’entreprise folle émeut même le dieu-d’en-haut. C’est cet exemple tiré d’une parabole taoïste que Mao Zedong exploite avec grand à-propos et avec une indéniable clairvoyance pour galvaniser ses troupes et le peuple chinois épuisés par plus de dix ans de guerre avec le Japon31. Ce même exemple servira également au moment de la Révolution culturelle (1966-1976)32, et il fait partie des textes fondamentaux du fameux « Petit livre rouge », les Citations du Président Mao (Mao Zhuxi yulu) [chap. xix, « L’héroïsme révolutionnaire »].
13Reste que l’exemple héroïque de Yugong, le « vieux crétin qui déplace les montagnes » a d’abord été mis en avant dans le domaine pictural, en 1940, par le futur président de l’Académie centrale des beaux-arts de Pékin et président de l’Association des artistes chinois : Xu Beihong (1895-1953). Celui-ci exercera ces hautes fonctions en 1949, au moment de la prise du pouvoir par le Parti communiste chinois. L’une de ses peintures les plus admirées en Chine jusqu’à présent est en effet Le vieux crétin déplace les montagnes, œuvre monumentale qui avait pour objectif de concilier esthétique chinoise et occidentale, mais encore technique du dessin d’après nature et coup de pinceau chinois. Les conceptions esthétiques de l’artiste surpassent certainement la valeur artistique de ce rouleau33, reste que cette peinture est encore considérée en Chine comme un chef-d’œuvre. Xu Beihong était particulièrement habile aux portraits, notamment à l’huile, ainsi qu’aux chevaux à l’encre. Cette œuvre est aujourd’hui conservée dans le musée qui porte son nom, établi dans son ancienne habitation à Pékin (fig. 1).
14Mais la figure héroïque et sublime de Yugong n’est pas seulement demeurée un modèle abstrait ou cantonné à l’idéologie et à la propagande. Il a été mis en œuvre dans la pratique, sous l’égide du Grand Timonier. C’est ainsi notamment que la dimension du lac Dongting a été drastiquement réduite, par l’apport de terre en masse sur ses berges par des cohortes de Chinois enthousiastes, afin de développer les terres cultivées et habitées34, malgré des inondations terribles en 1954. Mao ne tint aucunement compte de l’avis des scientifiques : en cette période du Grand Bond en avant, la subsistance de la population chinoise méritait bien l’héroïsme sublime du socialisme. Ces hauts faits patriotiques furent immortalisés dans la pierre en 1969, en pleine révolution culturelle, par des poèmes calligraphiés de Mao et des sculptures en ronde-bosse représentant la population chinoise en train de lutter contre les flots sur le monument commémoratif de Wuhan intitulé La Stèle commémorative de la digue contre les inondations de Wuhan (Wuhan fangxun jinianbei ou Wuhan fanghong jinianbei). La stèle fait face au fleuve Bleu, dans le district actuel de Jiang’an, à Hankou ; haute de trente-sept mètres, elle surplombe la plaine. Il s’agit de fait d’un obélisque décoré du portrait de Mao ; son poème Nager (Youyong) de 1956 est gravé au-dessous, sur la face principale de l’obélisque et sur sa base, haute de près de cinq mètres, les reliefs sur deux faces de la base (fig. 2, 3 et 4).
15Il va sans dire que ces constructions sublimes finalement ne résistèrent pas aux fureurs de la nature et que de terribles inondations finirent par réduire à néant ces travaux pharaoniques et par décimer la population installée sur les berges du lac Dongting en 1998.
16Selon le philosophe Cheng Chung-ying, l’esthétique chinoise ne sépare pas le beau et le sublime comme dans l’esthétique kantienne35. Cela expliquerait probablement comment le sublime (chonggao) en tant que catégorie esthétique a pu devenir un catalyseur du discours et des hauts faits maoïstes dans la Chine du xxe siècle : incarnant le beau ultime, c’est-à-dire à la fois moral, politique, idéologique et esthétique, le sublime est devenu le fer de lance de la construction de la Chine moderne, marxiste et matérialiste. En revanche, à la fin du xxe siècle, selon la thèse de Wang Ban, la Chine aurait connu une véritable « dé-sublimation36 ».
17 Reste que toute cette entreprise phénoménale a pu se produire en raison d’une mécompréhension du sublime, ou de son interprétation extrêmement spécifique et idéologique ; n’est retenu dans la Chine maoïste que le contenu héroïque, romantique du sublime, en laissant de côté son aspect libérateur pour l’individu. Au lieu de servir de moyen pour agrandir le sujet et le faire émerger à lui-même, il a au contraire été employé comme un outil totalitaire de réduction et de soumission de l’homme au profit de la grandeur de l’idéal commun, décidé d’en haut et sans concertation.
Notes de bas de page
1 Zheng Y., From Burke and Wordsworth to the Modern Sublime in Chinese Literature, Purdue, Purdue University Press, 2010, p. 81-82.
2 Voir au sujet de la littérature chinoise : Wang B., The Sublime Figure of History : Aesthetics and Politics in Twentieth-Century China, Stanford, Stanford University Press, 1997.
3 Chen Ch., « Rapport d’influence : la conceptualisation d’une valeur de l’esthétique chinoise ancienne par référence aux conceptions de l’Occident », Extrême-Orient-Extrême-Occident, vol. 1 : Essais de poétique chinoise comparée, 1982, p. 120-134.
4 Il détruisit ses Recueils de Jing’an (Jing’an wenji). Plusieurs textes de Wang Guowei sur Nietzsche ont été redécouverts au cours du xxe siècle, voir Fo Ch., Wang Guowei zhexue meixue lunwen jiyi (Recueil des textes perdus de Wang Guowei sur la philosophie et l’esthétique), Shanghai, Huadong shifan daxue chubanshe, 1993.
5 Voir Luo Z., « Haining Wang Zhongque gong zhuan » (« Biographie de Wang Guowei de Haining »), in Wang G., Wang Guantang xiansheng quanji (« Œuvres complètes de maître Wang Guantang »), vol. 16, Taipei, Wenhua chubanshe, 1968, p. 7019-7022. Voir aussi Shao L., Nietzsche in China, New York, Peter Lang, 1999, p. 24.
6 Wang Guowei se suicida par noyade à cinquante ans le 2 juin 1927 dans le jardin impérial à Pékin. Sur le lien entre son suicide et la philosophie occidentale, voir Li Z., The Chinese Aesthetic Tradition, trad. M. Bell Samei, Honolulu, University of Hawai’i Press, 2010, p. 212. Sur le lien entre son suicide et le nihilisme, voir notamment Kelly D. A., « The Highest Chinadom : Nietzsche and the Chinese Mind », in Nietzsche and Asian Thought, éd. G. Parkes, Chicago, University of Chicago Press, 1991, p. 153.
7 Voir Cai Z., « The Influence of Nietzsche in Wang Guowei’s Essay On the Dream of the Red Chamber », Philosophy East and West, vol. 54, n° 2, avril 2004, p. 171-193, en particulier p. 175. Voir aussi Wang G., Nicaishi zhi xueshuo (Études sur maître Nietzsche), Jiaoyu shijie (Le monde de l’éducation), n° 78, 1904, p. 9-20, et 79 ; 1904, p. 9-21.
8 Voir Wang G., Honglou meng pinglun (Critique du Rêve dans le pavillon Rouge, 1904), in Wang Guantang xiansheng quanji (Œuvres complètes de maître Wang Guantang), op. cit., vol. 5, (p. 1628-1671) p. 1629. Le texte est également disponible en ligne [http://www.hungmi.com/bbs/viewtopic.php?id=14].
9 Voir Wang G., Renjian cihua (Propos sur la poésie du monde humain, 1910), Changchun, Jilin wenshi chubanshe, 1999, § 3 et § 4, p. 5, 7 : est « beau » (youmei 優美) « l’état sans le moi » (wuwo zhi jing 無我之境), « sublime » (hongzhuang 宏壯), l’état avec présence du moi » (youwo zhi jing 有我之境). Il conçoit ainsi un « état sans le moi » (wuwo zhi jing 無我之境) dans lequel « on ne sait plus lequel est le moi et lequel est l’objet », et où « les objets sont vus à travers la perspective des objets » (yiwu guan wu 以物觀物). Cet état, difficile à atteindre en poésie et à créer, est mis en perspective avec « l’état où le moi est présent » (youwo zhi jing 有我之境), dans lequel les « objets sont vus à travers la perspective du moi » (yi wo guan wu 以我觀物) et qui est qualifié de « sublime » (hongzhuang 宏壯).
10 Wang G., Shubenhua zhi zhexue ji jiaoyuxue shuo (La philosophie de Schopenhauer et ses théories sur l’éducation, 1904), in Wang Guantang xiansheng quanji (Œuvres complètes de maître Wang Guantang), op. cit., vol. 5, (p. 1026-1040), p. 1028.
11 Zhu G., Wenyi xinlixue (Psychologie des lettres et des arts), chap. xv, in Zhu G., Meixue wenji (Recueil d’écrits sur l’esthétique), 4 vol., vol. 1, Shanghai, Shanghai wenyi chubanshe, 1986, p. 231 ; Zhu Guangqian traduit Du sublime de Longin par « du style sublime » (Lun xiongwei ti), ibid., p. 231.
12 Ibid., vol. 1, p. 231-232.
13 Zhu G., Xifang meixue shi (Histoire de l’esthétique occidentale), in Zhu G., Meixue wenji (Recueil d’écrits sur l’esthétique), op. cit., vol. 4, sur Longin chap. iv, p. 113, sur Boileau, Burke et Kant, chap. xii, p. 393-394.
14 Cai Y., « Yi meiyu dai zongjiao » (Remplaçons la religion par l’éducation esthétique), conférence prononcée à l’Académie de Chine de Pékin, le 8 avril 1917 et publiée dans Xin qingnian (La Nouvelle jeunesse), 1er août 1917, vol. 3, n° 6. À la fin de sa conférence, Cai rappelle que, « en esthétique, principalement, une distinction est faite entre beauté ornementale (duli zhi mei 都麗之美) et beauté sublime (chonghong zhi mei 崇閎之美) (que les japonais traduisent respectivement par “beauté gracieuse” (youmei) et par “beauté grandiose” (zhuangmei)). »
15 Cette allocution est intégralement traduite en anglais par Julia F. Andrews, in Denton K. A. (dir)., Modern Chinese Literary Thought : Writings on Literature, 1893-1945, Stanford, Stanford University Press, 1996, p. 182-189.
16 Voir la traduction de cet ouvrage par Vincent Yu-chung Shih (trad, ann.), The Literary Mind and the Carving of Dragons. A Study of Thought and Patern in Chinese Literature, Hong Kong, The Chinese University Press, 1983, p. 312-317 (fenggu).
17 Voir la traduction de cet ouvrage par Herbert Giles dans Minfordj. et Lau J. S. M. (dir.), Classical Chinese Literature. An Anthology of Translations, vol. 1 : From Antiquity to the Tang Dynasty, New York, Columbia University Press, 2002, p. 944-945 (xionghun) et p. 949 (haofang).
18 Li Z., The Chinese Aesthetic Tradition, op. cit., p. 209-214.
19 Le mouvement du 4 mai 1919 est une révolte d’intellectuels refusant la signature du traité donnant au Japon les territoires occupés par l’Allemagne en Chine. Mais il est également l’expression du rejet violent des anciennes valeurs lettrées confucéennes, accusées d’être à l’origine de la défaite de la Chine, au profit de l’accueil de la modernité et de l’occidentalisation. Les plus radicaux de ces intellectuels deviennent peu après marxistes et fondent le Parti communiste chinois en 1921. Voir Bianco L., Les Origines de la révolution chinoise, Paris, Gallimard, 1967, p. 62-81.
20 Zhou Y., « Wode zizhuan » (« Mon autobiographie »), Sanzhou Yanjiu, n° 6, 2009. [http://www.sanzhou.net/article/2009-1-9/327-1.htm].
21 Saint Girons B., Le Sublime, de l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « Littérature et idée », 2005, p. 110.
22 Zheng Y., « The Figuration of a Sublime Origin : Guo Moruo’s Qu Yuan », Modern Chinese Literature and Culture, vol. 16, n° 1, printemps 2004, p. 153-198.
23 Sa biographie est traduite par Rémi Mathieu, in Élégies de Chu (collectif), Paris, Gallimard, p. 26-32.
24 Voir Eberstein B. (éd.), A Selective Guide to Chinese Literature 1900-1949, vol. 4 : The Drama, Leyde, E. J. Brill, 1990, (p. 115-119) p. 117.
25 La pièce a été traduite en français par Liang Pai-tchin : Kouo Mo-jo, Kiu Yuan, Paris, Gallimard, 1957.
26 Saint Girons B., Le Sublime, de l’Antiquité à nos jours, op. cit., p. 110-116.
27 Ce discours est facilement accessible en ligne : [http://cpc.people.com.cn/GB/64184/64185/66617/4488947.html], d’après les Œuvres choisies de Mao Zedong (Mao Zedong xuanji), chap. iii, Pékin, Renmin chubanshe, 1991.
28 Cette anecdote est traduite par Benedykt Grynpas, dans Lie-tseu, Le Vrai Classique du vide parfait, Paris, Gallimard/Unesco, 1961, p. 108-109.
29 Saint Girons B., Les Monstres du sublime. Victor Hugo, le génie et la montagne, Paris, Paris-Méditerranée, 2005, p. 116-118.
30 Saint Girons B., Fiat lux. Une philosophie du sublime, Paris, Quai Voltaire, coll. « La République des lettres », 1990.
31 Voir Bianco L., Les origines de la révolution chinoise, op. cit., p. 250-288.
32 Voir Guillermaz J., Le Parti communiste chinois au pouvoir, Paris, Payot, 1979, t. II, p. 464.
33 Andrews J. F., Painters and Politics in the People’s Republic of China, 1949-1979, Paris/ Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1994, p. 30-31.
34 Shapiro J., Mao’s War Against Nature, Politics and the Environment in Revolutionary China, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2001. Voir aussi Haski P., « Le Dongting reprend ses terres. La poldérisation du lac chinois, symbole des années Mao, se révèle un désastre », Libération, 19 août 2002 : [http://www.liberation.fr/monde/2002/08/29/le-dongting-reprend-ses-terres_413796].
35 Cheng C.-Y. (Cheng Zhongying), « Chinese-Western Conceptions of Beauty and Good and their Cultural Implications », in K.-H. Pohl (dir.), Chinese Thought in a Global Context : A Dialogue Between Chinese and Western Philosophical Approaches, Leyde, Brill, 1999 (p. 190-235), p. 201-202.
36 Wang B., The Sublime Figure of History, op. cit.
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