Introduction à la troisième partie. Le contexte dans lequel évoluent les Beatles
p. 181-182
Texte intégral
1Du xvie au xixe siècle, l’Angleterre est en expansion : expansion démographique, économique (accélérée grâce à la révolution industrielle et à celle des transports) et territoriale (unification du royaume et colonisation). Philippe Chassaigne parle « d’hégémonie mondiale » de la Grande-Bretagne entre 1815 et 1914, une hégémonie économique qui se « doublait d’une puissance coloniale avec laquelle aucun pays ne pouvait rivaliser : l’Angleterre était bel et bien la superpuissance mondiale en ce troisième quart de xixe siècle1 ». Cette hégémonie commence à prendre fin à partir du tournant du xixe et du xxe siècle, au bénéfice des États-Unis. Plusieurs graves crises économiques (années 1870 et années 1930) et deux guerres mondiales diminuent grandement ses ressources. Et dès la fin de la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne devient une « puissance de rang moyen2 ». Cependant, il faut ici relativiser le déclin du pays qui reste malgré tout une grande puissance (économique et militaire). Et ce relatif déclin n’empêche nullement l’amélioration des conditions de vie de la population, en grande partie grâce aux luttes sociales des années 1930-1940. L’Angleterre connaît une période économique relativement prospère du début des années 1950 au milieu des années 1960 ; le taux de chômage ne dépasse pas 2,5 % et « les salaires réels progressèrent en moyenne de 29 % entre 1951 et 19643 ». La situation économique se dégrade ensuite, à la fois au niveau international (le pays se fait doubler par d’autres dans la course à l’accumulation des richesses) et au niveau national (la lutte contre les inégalités économiques s’affaiblit). C’est précisément durant cette période qu’émerge le phénomène Beatles, et plus largement celui du rock anglais, qui fera la fierté du pays. On comprend d’ailleurs pourquoi la Reine et le gouvernement valorisent le succès mondial des Beatles, qui permet de dominer culturellement (à défaut de dominer économiquement ou militairement), et de donner l’illusion d’une continuité de la domination anglaise sur le monde… Cette toile de fond socio-économique ainsi posée, quelles sont plus précisément les conditions de production de la musique populaire anglaise ?
2Si l’on peut distinguer une musique « populaire » et une musique « savante » dans toutes les sociétés divisées en classes sociales comme l’Angleterre, le terme « populaire », au milieu du xxe siècle, ne renvoie plus à la même réalité sociale (et musicale) qu’un siècle auparavant. Alors que la musique « populaire » au début du xixe siècle est produite par les membres des classes populaires (paysans, ouvriers, artisans, etc.) et pour eux-mêmes, c’est plus rarement le cas dès la fin du siècle. Se met progressivement en place l’industrie de la musique de masse, une industrie (en expansion rapide au xxe siècle) qui est investie par des individus issus de différents milieux sociaux (y compris de la classe dominante pour les entrepreneurs qui font fortune grâce à elle). Les musiciens à son service bénéficient de conditions (d’apprentissage et d’exercice de leur métier) très différentes de celles des musiciens populaires amateurs du siècle précédent. Si ces conditions ne sont pas encore comparables à celles dont bénéficient les musiciens savants, elles sont toutefois bien plus confortables, et on peut légitimement se demander si cela n’a pas produit d’effets sur la valeur esthétique de leurs productions. C’est particulièrement évident dans le cas des Beatles, dont nous allons étudier la trajectoire en deux temps : 1/ les conditions d’apprentissage et leurs conditions de production jusqu’à leur tout premier succès (1940-1962) ; 2/ les conditions de leurs activités compositionnelles une fois au service de l’industrie du disque, jusqu’à la dissolution (officieuse4) du groupe (1963-1969).
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