La mise en jeu du devenir-autre dans la rencontre documentaire
p. 233-246
Texte intégral
1Dans l’échange qui s’effectue entre un auteur-documentariste désireux de s’ouvrir à d’autres mondes et à d’autres perspectives sur le monde, et la personne qu’il rencontre, appartenant à des espaces géographique, culturel et socio-politique différents des siens, l’objectif recherché est le plus souvent l’atténuation de l’écart différentiel initial. Pour y parvenir, la méthodologie documentaire se doit d’articuler le plus adéquatement possible le désir de rendre compte de l’autre, objectivement, et la propension à la transfiguration subjective, inéluctable, du monde « étranger » appréhendé. Documenter l’événement d’une confrontation à l’altérité peut alors être une voie à emprunter. L’œuvre témoigne ainsi de la rencontre « altérante » entre un enquêteur et un enquêté, un interviewer et un interviewé, un auteur et un modèle, un dominant et un dominé, avec tous les glissements, les superpositions et les déclinaisons possibles de ces rapports dissymétriques. Mais, compte tenu des facteurs distinctifs qui posent un écart constitutif (plus ou moins grand) entre les locuteurs (l’enquêteur, d’un côté, et l’enquêté, de l’autre), comment arriver à élaborer un dispositif à même de faire naître une relation qui transforme réellement le partage habituel de places assignées, et comment documenter cet événement, si possible, émancipateur ? Enfin, comment proposer une œuvre dans laquelle le déplacement des positions respectives des locuteurs engage également, par propagation, une transformation du spectateur, c’est-à-dire contribue au changement du « rapport à l’autre » du spectateur lui-même ?
2D’emblée, il faut admettre que le documentariste ne peut se voiler la face : il construit une rencontre fictive, mensongère. En effet, en utilisant une caméra, un appareil photographique, un téléphone portable, ou encore, un langage littéraire, gestuel ou scénique, le documentariste est le metteur en scène du dispositif de captation de l’événement documenté. Cet art documentaire reflète bien une réalité (en l’occurrence une rencontre humaine), mais celle-ci apparaît dans un contexte fictif, puisqu’artificiellement agencé, selon les choix de l’auteur. C’est pourquoi il s’agit nécessairement d’un art que le titre d’un film d’Agnès Varda, réalisé en 1981, nous aide à caractériser : Documenteur. Cet art documenteur, quel que soit le médium qu’il utilise, documentera un mensonge en train de s’élaborer. Bien sûr, ce mensonge en dit long. Il est symptomatique. C’est pourquoi les événements relationnels, déterminés par des coordonnées culturelles, des investissements désirants et des prises de position formelles différents, appelleront un processus interprétatif. En effet, l’enjeu (pour l’auteur de cet art documentaire explorant l’altérité) est de montrer des processus de subjectivation qui activent des processus de véridiction. Quelles sympathies, antipathies, identifications, distanciations, décentrations, réflexions, transferts ou contre-transferts, l’auteur choisit-il d’engager lors de l’échange ? Quels enjeux éthiques et politiques ces choix de modalités relationnelles suscitées et documentées enveloppent-ils ?
3Sensible à ces questions, Pier Paolo Pasolini prend pour modèle un dispositif d’énonciation littéraire, le « discours indirect libre1 », afin de concevoir une façon adéquate de rapporter la parole de l’autre. Dans un discours indirect libre (« Marcel alla se confier à sa mère : il fallait absolument qu’il épousât Albertine », selon un exemple donné par Gérard Genette), l’énoncé rapporté du personnage n’est ni entre guillemets ni introduit par un verbe introducteur (que l’on nomme aussi « embrayeur »). Il devient donc une proposition indépendante. Par conséquent, la voix du narrateur et celle du personnage s’enchevêtrent, sans pour autant se confondre. L’auteur relaie une parole tout en participant linguistiquement au monde du personnage, différent du sien. C’est le seul moyen dont il dispose pour ne pas « ramener toutes les autres expériences de vie à une analogie substantielle avec la sienne2 ». S’appuyant ici sur la pensée d’Antonio Gramsci, Pasolini estime que c’est en rapportant une parole étrangère à son univers linguistique habituel qu’un auteur peut in fine accéder à la compréhension d’un milieu social et culturel différent du sien. La particularité du discours indirect libre est d’être à la fois un discours revécu (« discorso rivissuto »), qui engage une vraie participation de l’auteur à un univers linguistique étranger au sien (ce que ne permet pas le « discours direct »), et un discours rapporté (« discorso indiretto »), qui atteste l’écart d’origine entre la langue de l’écrivain et la langue du personnage (ce que ne permet pas le « monologue intérieur », notamment en usage dans une littérature bourgeoise qui commet l’erreur de s’identifier à l’humanité tout entière, selon Pasolini).
4De façon pertinente et féconde, Deleuze importe dans les champs de la pratique documentaire et du cinéma politique, le dispositif grammatical du discours indirect libre, que Pasolini avait transposé en « subjective indirecte libre » (« soggettiva libera indiretta »), quant à lui, pour défendre un « cinéma de poésie ». Dans L’image-temps, le discours indirect libre tel que le conçoit Deleuze favorise l’émergence d’un « devenir-autre » chez le filmé et chez le filmeur, qu’il nomme alors « double devenir ». Toutefois, dans certaines œuvres documentaires interprétées par Deleuze, en particulier celles de Jean Rouch, la réciprocité des métamorphoses subjectives, telle que le cinéaste lui-même la conçoit et la met en pratique, relève-t-elle d’un double devenir au sens deleuzien ? Cette étude montrera que deux conceptions antagoniques du double devenir coexistent dans la pensée deleuzienne, l’une supposant un devenir-autre bidirectionnel, interpersonnel, l’autre, un devenir-autre paradoxalement unidirectionnel. Si le premier double devenir est réciproque et peut ouvrir à une politique de l’altérité critique et émancipatrice, le second est non réciproque et compromet les chances d’une rencontre non idéalisée avec l’autre, ainsi que celles d’une véritable sortie de l’état de subalternité pour l’autre rencontré.
Le dispositif d’énonciation d’un « double-devenir » réciproque : le cas de la « ciné-transe »
5Selon Pasolini, lorsqu’il est transposé au cinéma, le discours indirect libre, procédé d’énonciation littéraire, rend possible, un nouvel art cinématographique : un « cinéma de poésie ». Cette importation du discours indirect libre littéraire dans le champ cinématographique fait subir à cette énonciation une mutation. C’est pourquoi Pasolini nomme « subjective indirecte libre » l’énonciation qu’il appelle de ses vœux au cinéma, qui est « stylistique » et non plus « linguistique » :
« Si le metteur en scène s’identifie donc à son personnage, et raconte une histoire ou représente le monde à travers lui, il ne peut se prévaloir de ce formidable instrument de différenciation ontique qu’est la langue. Son opération ne peut être linguistique, mais stylistique. […] [L]a “subjective indirecte libre” au cinéma implique une possibilité stylistique très articulée, libère les possibilités expressives étouffées par la traditionnelle convention narrative, dans une sorte de retour aux origines, jusqu’à retrouver dans les moyens techniques du cinéma les qualités oniriques, barbares, irrégulières, agressives, visionnaires des origines3. »
6Ainsi, à travers l’état psychologique d’« un héros malade, anormal », le cinéma de poésie (fictionnel) sera apte à mettre en place cette stylistique, « libre et provocante », selon Pasolini.
7Or, lorsqu’il se réfère au recueil L’expérience hérétique, Deleuze simplifie parfois les analyses de Pasolini et, notamment, ne conserve pas la différence entre le discours indirect libre du champ littéraire et la « subjective indirecte libre » du champ cinématographique.
« Dans le cinéma de poésie, la distinction s’évanouissait entre ce que voyait subjectivement le personnage et ce que voyait objectivement la caméra, non pas au profit de l’un ou de l’autre, mais parce que la caméra prenait une présence subjective, acquérait une vision intérieure, qui entrait dans un rapport de simulation (“mimesis”) avec la manière de voir du personnage. C’est là que Pasolini découvrait le dépassement des deux éléments du récit traditionnel, le récit indirect objectif du point de vue de la caméra, le récit direct subjectif du point de vue du personnage, pour atteindre à la forme très spéciale d’un “discours indirect libre4”. »
8S’appuyant sur les caractéristiques d’un discours indirect libre littéraire et sur des œuvres cinématographiques documentant la parole vivante (celles de Jean Rouch et de Pierre Perrault, en particulier), Deleuze investit alors un nouveau champ, celui du film documentaire, dans la mesure où des niveaux linguistiques hétérogènes peuvent effectivement s’y rencontrer et produire, selon lui, des « fabulations créatrices ». Comme certaines analyses de L’image-temps le suggèrent, le cinéma documentaire met parfois en place un dispositif d’énonciation qui, paradoxalement, le situe plus près d’un cinéma de poésie (au sens pasolinien), empreint d’onirisme et d’irrationalité, que d’un cinéma usant de la « langue de prose narrative5 », tendanciellement naturaliste et rationnel. La praxis transformatrice inhérente au nouveau langage cinématographique que Pasolini appelle de ses vœux dans le courant des années soixante serait donc déjà mise en œuvre dans un cinéma documentaire producteur d’énonciations fabulatrices, selon Deleuze. En effet, dans leurs démarches documentaires, certains cinéastes mentionnés dans L’image-temps mettent à la fois à profit le discours indirect libre et le procédé stylistique dont Pasolini préconise l’emploi dans le cadre d’un cinéma de poésie. Ce geste deleuzien de déplacement du discours indirect libre vers l’enquête documentaire atteste d’une prise en charge précoce par le philosophe de l’interpénétration profonde des approches fictionnelle et documentaire.
9Un « rapport de simulation (“mimesis”) avec la manière de voir du personnage6 » peut-il se développer dans une œuvre documentaire ? D’après Deleuze, ce paradoxal mélange de réalité et de fiction se met exemplairement en place dans le cinéma de Rouch et engendre un mouvement hautement libérateur selon le philosophe : le double devenir.
« Chez Jean Rouch, en Afrique, la transe des Maîtres fous se prolonge dans un double devenir, par lequel les personnages réels deviennent un autre en fabulant, mais aussi l’auteur lui-même, un autre, en se donnant des personnages réels7. »
10Concrètement, c’est une certaine méthode qui permet d’aboutir à un tel résultat. Elle consiste à marcher avec la caméra et à « improviser pour elle un autre type de ballet où la caméra devient aussi vivante que les hommes qu’elle filme8 », explique Rouch lors d’un Congrès sur l’anthropologie visuelle en 1973. La caméra devient alors « participante » et échappe à l’« arrogance involontaire » d’une prise de vue fixe utilisant le zoom. Ce processus aboutit à un « état bizarre de transformation de la personne du cinéaste » que Rouch appelle, par analogie avec les phénomènes de possession, la « ciné-transe ». Comme le précise Maxime Scheinfeigel, « nonobstant [la transe] effective des Haoukas dans Les Maîtres fous, ou bien celle des Dogons dans la série des Sigui, il s’agit strictement d’une transe de cinéma et c’est Rouch qui la transmet aux personnages de ses films9 ». La « ciné-transe » du cinéaste est donc surtout occasionnée par sa façon de filmer, de même que, selon Pasolini, une praxis transformatrice n’est amorcée que par une participation à une autre façon de parler.
11Dans ce cas, faut-il considérer que c’est la transe de la caméra qui se propage aux divers protagonistes de l’événement filmé (acteurs et auteur) ? Ou bien, n’est-ce pas aussi l’état second des personnes filmées et du cinéaste qui se propage à la caméra ? Bien évidemment, les deux mouvements coexistent et s’entretiennent l’un l’autre. En effet, si la transformation subjective réciproque requiert l’élaboration d’un certain dispositif d’énonciation (littéraire ou cinématographique) pour advenir, le dispositif lui-même suscite également l’apparition de situations particulières d’échanges entre individus. Mais la « transe de cinéma » chez Rouch n’est-elle pas provoquée par un double mouvement plus étendu encore ? C’est ce que Deleuze ne semble pas apercevoir. Car, contrairement à ce qu’il laisse supposer, la méthode de Rouch ne se résume pas à la prise de vue mobile et à la pratique participante. Elle consiste aussi à projeter le film à ses protagonistes avant la diffusion en salle. Ce visionnage sur le terrain, donnant à voir aux personnes qui ont été filmées la manière dont le cinéaste les voit, rend possible une « anthropologie partagée », autrement dit, une extraordinaire technique de « feed-back », un « contre-don audio-visuel10 », selon Rouch11.
12Un autre film de Rouch censé faire éminemment usage du discours indirect libre selon Deleuze, Moi, un Noir (1958), se trouve être essentiellement composé de discours directs. Dans ses commentaires en voix off, Rouch parle à la première personne et n’introduit presque pas de discours rapportés12. Le cinéaste-ethnologue dévoile d’emblée son protocole : « Pendant six mois, j’ai suivi un petit groupe de jeunes immigrés nigériens à Treichville, faubourg d’Abidjan, je leur ai proposé de faire un film où ils joueraient leur propre rôle, où ils auraient le droit de tout faire et de tout dire13. » Plus précisément, les paroles des deux protagonistes principaux du film, Oumarou Ganda et Petit Touré, enregistrées intégralement en postsynchronisation, ne coïncident pas pleinement avec les images filmées14. Il ne s’agit donc pas d’un doublage au sens strict. Malgré l’usage du discours direct, une dissociation est établie entre l’image et le son. Si ce film n’utilise pas le discours indirect libre dans son régime strictement discursif, on peut dire qu’il produit plutôt un effet de discours indirect libre, avec des moyens qui sont ceux du discours direct et de l’improvisation lors d’une postsynchronisation fantasque (autrement dit, il s’agit d’une sorte de « discours direct libre »). C’est pourquoi, lorsqu’il évoque le discours indirect libre présent dans Moi, un Noir, on peut penser que Deleuze songe davantage à une énonciation cinématographique qu’à une énonciation strictement linguistique. Toutefois, cela n’est pas clairement précisé par le philosophe lui-même. Aussi des confusions sont-elles fréquentes dans les ouvrages de Deleuze sur le cinéma entre l’effet produit sur le spectateur par le film et les moyens cinématographiques mis en œuvre pour le produire. À cet égard, Jacques Rancière a raison de considérer que le dispositif proprement cinématographique est parfois trop peu interrogé par l’auteur de L’image-mouvement et L’image-temps15. En fin de compte, selon l’approche deleuzienne, c’est surtout la nature de ce que le cinéaste filme qui est à même d’occasionner un « devenir autre » réciproque. L’état de transe originaire est moins celui de la caméra et du dispositif complet d’élaboration du film que celui, corporel et psychique, qui est réellement vécu par les individus. En conséquence, la réciprocité des devenirs fait en partie l’économie du dispositif proprement formel à mettre en place pour l’obtenir. La « ciné-transe » rouchienne semble bien donner lieu, dans l’interprétation qu’en fait Deleuze, au fantasme d’une transe réelle.
13À une prise de vue qui s’effectue dans les conditions définies par le cinéma direct (tout juste naissant), vient ainsi s’ajouter, dans Moi, un Noir, une prise de son qui laisse la part belle à l’élaboration spontanée, à l’improvisation. « Ils vivaient leurs rêves » dira Rouch à propos de ces séances d’enregistrement durant lesquelles les deux Nigériens « re-jouent » la part d’eux déjà capt (ur) ée par la caméra qui les suivait dans leur vie quotidienne. Incités à réinventer la trame de récit déjà filmée, ils produisent alors un autre niveau narratif, qui est constitué de faux discours directs. Les paroles entendues sont effectivement à la fois directes (car énoncées au discours direct) et indirectes (ou désynchronisées, car non concordantes avec les images). Loin d’assister à des échanges en live, le spectateur entend donc finalement les monologues intérieurs des personnages revivant a posteriori les situations filmées et s’autorisant divagations, affabulations et traits d’humour. C’est pourquoi le spectateur est confronté à un personnage principal qui, selon Deleuze, « a cessé d’être vu objectivement ou de voir subjectivement : c’est un personnage qui franchit passages et frontières parce qu’il invente en tant que personnage réel, et devient d’autant plus réel qu’il a mieux inventé16 ». Ce choix particulier de discours laisse effectivement libre cours à des superpositions d’identités fantasmées qui sont, au final, le meilleur moyen d’accès à la réalité.
14En effet, dans l’avant-dernière séquence du film, Ganda mime les gestes d’attaque et de défense d’un combattant armé et évoque verbalement la guerre d’Indochine, à laquelle il a participé. C’est alors seulement que font sens des paroles énigmatiques prononcées par Rouch à propos de ce personnage au tout début de Moi, un Noir : « le film devint alors le miroir où il se découvrait lui-même : l’ancien combattant d’Indochine, chassé par son père parce qu’il avait perdu la guerre. C’est lui le héros du film, je lui passe la parole17… » Les mises en scène de soi du « héros » du film, elles-mêmes mises en scène par Rouch, n’étaient-elles pas des détours nécessaires pour approcher cette origine traumatique ? Nigérien combattant pour la France, Ganda connaît l’exil en Indochine, puis, perdant d’une guerre qui n’était pas la sienne, il devient manœuvre-ouvrier en Côte d’Ivoire, dans un pays colonisé qui n’est pas le sien. Cette vérité brûlante n’a-t-elle pas eu besoin de nombreuses mises en je (u) préalables avant de pouvoir surgir ? Le travail de montage de Rouch n’aurait-il pas veillé à construire une progression en ce sens ? Les métamorphoses respectives de l’enquêteur et l’enquêté, de Rouch et de Ganda, sont orientées en tout cas vers cette révélation. Et la colère finale de l’exilé répudié ouvre encore potentiellement à d’autres devenirs-autres, qui poursuivront le processus de subjectivation engagé, réparateur et créateur, de l’interprète et de l’auteur, voire également du spectateur.
Le dispositif d’énonciation d’un « double-devenir » non réciproque : le cas du « peuple à venir »
15Il n’en reste pas moins que la nature des positions échangées dans le cadre d’un double devenir n’a pas été encore suffisamment précisée. La permutation s’opère-t-elle entre un cinéaste devenant spectateur et un observé devenant observateur et/ou metteur en scène de lui-même ? Ou bien, le désir de transformation de soi suppose-t-il plutôt que « Moi (Blanc), je deviens Noir » ou que « Moi (Noir), je deviens Blanc » ? Alors que Rouch place avant tout la réciprocité du côté d’une discursivité permettant aux Africains de s’identifier à Rouch en tant qu’anthropologue (puisqu’une position de spectateurs critiques est adoptée par les personnages lors de la diffusion du film à l’équipe) et/ou à Rouch en tant que cinéaste (puisque Ganda deviendra lui-même cinéaste), Deleuze semble de prime abord prendre en compte, quant à lui, le mouvement d’identification des Africains à Rouch en tant que Blanc et celui de Rouch aux Africains en tant que Noirs. N’applique-t-il pas alors à Moi, un Noir de façon peu appropriée ce concept de double devenir, qui suppose une figure de chiasme (la figure de croisement selon laquelle, ici, le Noir a à devenir-Blanc et le Blanc à devenir-Noir) ?
16Dans une phrase où Deleuze écrit que personne autant que Rouch a tant fait pour « se fuir soi-même, rompre avec un cinéma d’ethnologie, et dire “Moi un Noir” », il poursuit ainsi : « au moment où les Noirs jouent des rôles de série américaine ou de Parisiens expérimentés18 ». Deleuze voit donc dans ce film la mise en œuvre d’un double devenir comme altération réciproque des identités initiales par réversibilité des positions antagoniques occupées par le filmé et le filmeur. Si Rouch est censé être pris dans un devenir-Noir, Ganda est censé être emporté par un devenir-Blanc. Le devenir-autre de Ganda, qui a choisi comme pseudonyme pour le film celui d’une star de cinéma hollywoodien, Edward G. Robinson, correspond donc bien à un devenir-Blanc. Mais, s’il y a une part d’identification à un Blanc américain, n’y aurait-il pas aussi une autre identification possible, à un émigré ? Car, Rouch et Ganda le savaient-ils ? Edward G. Robinson est le nom d’acteur choisi par Emanuel Goldenberg, d’origine juive roumaine, ayant émigré aux États-Unis. Dans quel « devenir » Ganda est-il donc pris ? S’agit-il uniquement d’un devenir-autre au sens d’une évolution vers l’identité contraire, telle que l’entend Deleuze : devenir-Blanc, devenir-Américain, devenir-vedette, etc.? Ou bien, s’agit-il d’une identification à une position analogiquement semblable ? Dans ce cas, la position de Ganda émigré nigérien à l’égard de la Côte d’Ivoire est analogue à celle d’Edward G. Robinson émigré roumain à l’égard des États-Unis. Par ailleurs, il est important de préciser que durant les séquences où l’on voit Ganda s’entraîner à la boxe, puis commenter un match fictif qui en fait un vainqueur, il complète alors son pseudonyme, en référence au champion de boxe noir américain : « Edward G. Ray Sugar Robinson ». Ces processus d’identification possibles de Ganda à des semblables (à un autre Noir, voire, à un autre émigré), assumée par les commentaires de Rouch19, contredisent alors le mouvement proprement deleuzien d’un devenir-autre qui irait dans le sens d’un « devenir-Blanc », d’un « devenir-Américain », autrement dit, en direction du dissemblable.
17À partir de cet exemple de l’interprétation de Moi, un Noir dans L’image-temps et à l’aune de l’ensemble de l’œuvre de Deleuze, il apparaît que le concept de devenir-autre soulève une contradiction : tantôt il encourage à devenir l’« autre différent de soi », quitte à s’identifier à la culture dominante (un manœuvre africain qui s’identifie à une vedette américaine, par exemple) ; tantôt il promeut le devenir-minoritaire, quitte à mettre de côté ce qui concerne l’expérience de la différence depuis une position antagonique, au profit de la « minoration ». Si le sens deleuzien du double devenir réversible est problématique (en effet, cette réversibilité n’est-elle pas utopique lorsqu’elle suppose une identification complète au dissemblable ?), un second sens du double devenir, non réversible, est encore plus problématique, pour d’autres raisons. Voici un passage de Mille plateaux où l’on trouve ce second sens expliqué par Deleuze et Guattari :
« Ce qui se laisse deviner, à des degrés profonds, c’est le “Je est un autre” de Rimbaud. Godard le disait à propos de Rouch : non seulement pour les personnages eux-mêmes, mais pour le cinéaste qui, “blanc tout comme Rimbaud, déclare lui aussi que Je est un autre”, c’est-à-dire moi un Noir. Quand Rimbaud s’écrie “Je suis de race inférieure de toute éternité… je suis une bête, un nègre…”, c’est en passant par toute une série de faussaires, “Marchand tu es un nègre, magistrat tu es un nègre, général tu es un nègre…”, jusqu’à cette plus haute puissante du faux qui fait qu’un Noir a lui-même à devenir Noir, à travers ses rôles blancs, tandis que le Blanc y trouve une chance de devenir Noir aussi (“je puis être sauvé…”)20. »
18D’une part, cet extrait nous fait découvrir que Deleuze et Guattari voient ici le film de Rouch à travers le prisme d’une lecture résolument godardo-rimbaldienne. D’autre part, il apparaît que le double devenir dont il est ici question n’est plus réciproque. Si un Blanc devient Noir, un Noir a lui-même à devenir-Noir (même si, « à travers ses rôles blancs », il peut y être aidé).
19En toute cohérence avec cette non réversibilité, les auteurs de Mille plateaux forgent l’expression : « bloc de devenir asymétrique21 ». « Tout se réunit dans un bloc de devenir asymérique, un zig-zag instantané22 », écrivent-ils dans une synthèse quelque peu fulgurante. Que signifie cette étrange asymétrie ? Elle signale en fait la politique du « devenir-minoritaire » de Deleuze et Guattari et correspond au processus de libération d’un individu ou d’un peuple. Or, cette politique de l’altérité ne repose pas sur un échange réciproque. Un Blanc cherche à devenir Noir, certes, mais un Noir ne doit pas chercher à devenir Blanc, car il regagne alors une position dominante majoritaire et s’inféode à l’ordre « molaire » ou « majeur » (selon la terminologie de Mille plateaux). Dans ce cas, il compromet la révolution moléculaire, ainsi que le devenir-minoritaire qu’il faut créer. Alors, que peut « devenir » le Noir ? Faut-il qu’il trouve une position plus minoritaire que celle qu’il occupe déjà par rapport au Blanc ? Oui, d’une certaine façon. Et c’est la raison pour laquelle la politique deleuzo-guattarienne s’avère unidirectionnelle. Quels que soient les positions initiales et les éventuels détours à emprunter, il n’y a qu’un seul pôle vers lequel se diriger, selon eux, et sans équivoque possible, il s’agit toujours d’aller vers le mineur.
20Mais, semblant avoir du mal à assumer les implications de cette position théorique, Deleuze et Guattari exposent de façon tortueuse, dans un passage de Mille plateaux, le processus par lequel des minorités entrent dans un devenir-minoritaire.
« Si les juifs eux-mêmes ont à devenir-juif, les femmes à devenir-femme, les enfants à devenir-enfant, les Noirs à devenir-noir, c’est dans la mesure où seule une minorité peut servir de médium actif au devenir, mais dans des conditions telles qu’elle cesse à son tour d’être un ensemble définissable par rapport à la majorité. Le devenir-juif, le devenir-femme, etc., impliquent donc la simultanéité d’un double mouvement, par lequel un terme (le sujet) se soustrait à la majorité, et l’autre, par lequel un terme (le médium ou l’agent) sort de la minorité. Il y a un bloc de devenir indissociable et asymétrique : les deux “Monsieur Klein”, le juif et le non juif, entrent dans un devenir-juif23. »
21Il y a là un tour de passe-passe. Les premières phrases de cet extrait évoquent le mouvement à effectuer par une personne qui occupe déjà une position minoritaire. En revanche, la dernière phrase expose un autre cas de figure : le processus qu’engage une personne appartenant déjà à une majorité. En effet, Monsieur Klein, dans le film éponyme de Joseph Losey, est un non-juif qui s’engage dans un devenir-juif. Deleuze et Guattari commettent donc une erreur logique en associant cet exemple, de façon déductive, à leur hypothèse de départ. Ils annoncent vouloir penser le devenir-juif d’un juif et ne trouvent pas d’exemple adéquat correspondant. De plus, le devenir-minoritaire du déjà-minoritaire, pour ainsi dire, décrit un « double mouvement », complexe. Le premier mouvement permet la déprise du minoritaire à l’égard d’un état majoritaire qui est encore son corrélat, puis, le second mouvement est apparemment une sorte d’autonomisation complète du mineur. On peut alors penser que ces mouvements correspondent à des phases (ou des segments) du « zig-zag » évoqué plus haut.
22Quoi qu’il en soit, le discrédit général jeté sur le mouvement allant du « mineur » vers le « majeur » a des conséquences importantes. Il est corrélatif d’une relative absence de prise en charge théorique de la lutte d’émancipation par Deleuze et Guattari24. Cela ne veut pas dire qu’ils délégitiment ces luttes, bien entendu, mais elles ne trouvent pas de place dans leur conceptualisation des processus de libération. Le raisonnement sous-jacent à leur position est le suivant : revendiquer de nouveaux droits équivaut à réclamer l’obtention d’une position « majeure ». Il faut donc comprendre avec eux que c’est risquer de se retrouver à la place du dominant. C’est pourquoi le double devenir deleuzo-guattarien recouvre en fait un mouvement univoque de minoration : l’utopie d’un devenir minoritaire généralisé qui s’abstient, inconséquemment, de prendre en charge conceptuellement la lutte d’émancipation. Les deux auteurs font ainsi l’erreur de vouloir généraliser à un niveau macro-politique un devenir-minoritaire qu’il est intéressant d’expérimenter, certes, mais dont l’efficience émancipatrice reste essentiellement poétique, esthétique et éthique tant qu’elle n’est pas articulée à une pensée politique des luttes d’émancipation supposant un devenir-majoritaire, pourrait-on dire, ou une « politique molaire », selon une expression deleuzo-guattarienne25. « Le terme même de “politique” », explique Isabelle Garo, « en vient à désigner ce déplacement de l’action collective en direction de l’aménagement des marges26 ». Défendre un engagement uniquement micro-politique (autrement dit, souhaiter un devenir-minoritaire universel), n’est-ce pas penser qu’il suffit de changer ses désirs pour appeler à changer l’ordre du monde ? N’est-il pas préférable d’articuler une éthique du devenir-minoritaire à une politique du devenir-non-subalterne ?
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23Suite à cette appréhension d’un double aspect du double-devenir chez Deleuze, qui marque le glissement progressif du sens de ce concept d’une altération réciproque des deux agents de l’échange (la « ciné-transe ») à deux métamorphoses subjectives non permutables, orientées de façon unilatérale vers le « minoritaire » (le « peuple à venir » de Deleuze), il est plus aisé de recevoir favorablement la critique générale formulée par Hal Foster à l’encontre des penseurs poststructuralistes, qui débusque en particulier chez eux une idéalisation de l’autre27. Or la fusion sans médiation avec l’autre est effectivement une orientation de la pensée deleuzienne, d’autant plus inéluctable qu’il lui tient à cœur d’éviter toute forme de représentativité, c’est-à-dire toute représentation de l’autre par le biais d’un représentant portant sa parole. En 1972, dans un entretien célèbre avec Michel Foucault, les deux philosophes s’accordent sur le fait qu’il est important de ne jamais « parler pour les autres, au nom des autres28 ». Au contraire, laisser aux personnes la possibilité de parler en leur propre nom, c’est leur permettre de ne pas se soumettre au régime de la représentativité et c’est déjouer ainsi certains dispositifs de pouvoir. Pour Deleuze, en particulier, la représentativité équivaut à une compromission qui met en échec la tentative de soustraction au pouvoir oppresseur. Devenir-autre évite ainsi de parler à la place de l’autre.
24Mais Deleuze ne commet-il pas alors l’erreur de croire qu’il est possible à s’abstenir de parler à la place de l’autre ? Contre une telle naïveté, préjudiciable, le dispositif d’énonciation d’un art documentaire ne doit-il pas prendre en charge une part de trahison irréductible, et la mettre en scène ? Car, de même que les propos rapportés par un mandataire peuvent trahir le mandant, le devenir-autre peut s’avérer n’être qu’une projection de soi sur l’autre et trahir ainsi le projet initial d’une vraie métamorphose altérante. D’une certaine façon, défendre une parole non relayée et mettre hors-jeu les représentants revient à rêver la disparition de l’écart qui nous sépare de l’autre, à fantasmer un régime de non-séparation libérateur (motif deleuzo-guattarien d’une grande prégnance dans leur œuvre commune). Cela revient également à projeter un « peuple à venir », c’est-à-dire un peuple qui s’invente par fabulation et minoration plutôt que par réflexivité compréhensive et lutte contre l’état de subalternité.
25En fin de compte, un auteur-documenteur n’offre-t-il pas toujours une représentation de l’autre (au sens de sa copie-reflet) qui convient avec la façon dont il désire le représenter, c’est-à-dire avec la façon, plus ou moins consciente, dont il souhaite en être le porte-parole ? C’est pourquoi il est important d’opérer la déliaison défendue par Gayatri Chakravorty Spivak dans Les subalternes peuvent-elles parler29 ? entre « mise en scène » et « représentativité » (respectivement Darstellung et Verstretung sous la plume de Marx, renvoyant à deux sens différents de « représentation » en français). Plutôt que d’aller uniquement vers une fusion sublimante avec l’autre, par un dérèglement rimbaldien des sens et des identités, qui entraîne une confusion entre les deux sens de « représentation », l’auteur d’un art documentaire cherchera aussi à montrer l’autre mettant en jeu son devenir-autre et à se montrer orchestrant cette mise en jeu. Pour ce faire, il pourra introduire du discours indirect lié dans son énonciation (de la forme « il a dit que… ») et se révéler ainsi lui-même en tant qu’embrayeur de la parole de l’autre. En jouant un rôle d’intercesseur non pas complètement implicite, mais parfois explicite, l’auteur offre aux spectateurs la possibilité de porter un regard critique sur ses choix de mises en scène et ses procès d’identification. Révéler, d’une manière ou d’une autre, le dispositif transférentiel de l’œuvre documentaire, c’est offrir à la représentativité de l’autre la possibilité de ne plus fusionner avec le portrait de l’autre, en étant réfléchie et réflexive. Dans le jeu du devenir-autre, au lieu de mettre hors-jeu le « je », il s’agit de lui créer une scène de mise en jeu, afin que l’écart réduit mais non résorbé entre soi et l’autre puisse être le lieu d’émergence d’expériences de l’altérité.
Notes de bas de page
1 Pasolini Pier Paolo, « Sur le discours indirect libre » [1965], in L’expérience hérétique. Langue et cinéma, trad. fr. par Anna Rocchi Pullberg, Paris, Payot, 1976.
2 Ibid., p. 49.
3 Ibid., p. 147.
4 Deleuze Gilles, L’image-temps. Cinéma 2, Paris, Minuit, 1985, p. 194.
5 Pasolini Pier Paolo, « Sur le discours indirect libre », op. cit., p. 140.
6 Je reprends ici une formule employée par Pasolini dans l’extrait cité plus haut.
7 Deleuze Gilles, L’image-temps, op. cit., p. 290-291. Le terme « fabulation », repris à Henri Bergson, renvoie à une représentation fantasmatique.
8 Rouch Jean, « La caméra et les hommes », in Claudine De France (dir.), Pour une anthropologie visuelle, La Haye, Mouton Éditeur, 1979, p. 63.
9 Scheinfeigel Maxime, Jean Rouch, Paris, CNRS Éditions, 2008, p. 123.
10 Rouch Jean, « La caméra et les hommes », op. cit., p. 69.
11 À ce titre, ce n’est sans doute pas un hasard si est absente des volumes sur le cinéma de Deleuze la référence à Chris Marker et à d’autres cinéastes ou vidéastes ayant pratiqué la mise en commun des moyens de création d’un film avec les groupes en lutte rencontrés.
12 Moi, un Noir. L’Avant-Scène Cinéma, n° 265, avril 1981, p. 19 (découpage intégral du film par Maxime Scheinfeigel). Un des rares discours rapportés du film est entendu au plan 175 : « Robinson en voyant ces bateaux qui viennent de tous les coins du monde, raconte à son ami Elite qu’il les a déjà vus puisque lui-même a parcouru le monde entier. »
13 Ibid., p. 7.
14 Dans ces années-là, le son synchrone direct de mauvaise qualité, utilisé pour le travail effectué en postsynchronisation, sert à se rappeler les paroles proférées au tournage.
15 « La “paralysie” des personnages définit en effet une donnée fictionnelle, une situation narrative. Et l’on ne voit pas en quoi leurs troubles moteurs ou psychomoteurs empêchent les images de s’enchaîner et l’action d’avancer » (Rancière Jacques, La fable cinématographique, Paris, Le Seuil, 2001, p. 155).
16 Deleuze Gilles, L’image-temps, op. cit., p. 198.
17 Moi, un Noir. L’Avant-Scène Cinéma, n° 265, op. cit., p. 8.
18 Deleuze Gilles, L’image-temps, op. cit., p. 291. Deleuze évoque à la fois Moi, un Noir et un autre film de Rouch. En effet, les « Parisiens expérimentés » font référence au film de Rouch, Petit à petit, réalisé en 1971, qui entend promouvoir l’anthropologie inversée en permettant à un Africain d’observer et de commenter ironiquement les coutumes des Parisiens.
19 « Cette jeunesse coincée entre la tradition et le machinisme », énonce la voix de Jean Rouch dans les premiers plans du film, « n’a pas renoncé à ses croyances mais se voue aux idoles modernes de la boxe et du cinéma ». Par ailleurs, dans un article paru dans Le Monde, le 10 janvier 1981, Rouch présente Ganda comme « celui qui rêvait d’être tout à la fois Edward G. et Ray Sugar Robinson, un acteur ou un boxeur ». Les processus d’identifications antagoniques (vers le semblable et vers le dissemblable) font donc bien partie du projet du film.
20 Deleuze Gilles et Guattari Félix, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 199.
21 L’asymétrie renvoie à la non réciprocité des devenirs (« Blanc, je deviens Noir ; Noir, tu deviens Noir »). Logiquement, la symétrie, même si Deleuze et Guattari n’utilisent pas ce terme, renvoie à la réciprocité des devenirs (« Blanc, je deviens Noir ; Noir, tu deviens Blanc »). Cf. schéma.
22 Deleuze Gilles et Guattari Félix, Mille plateaux, op. cit., p. 341.
23 Ibid., p. 357.
24 Duportail Guy-Félix, Analytique de la chair, Paris, Cerf, 2011, p. 277 : « [Deleuze et Guattari défendent] une involution vers le mineur […] un “devenir animal”, qui, comme tel, se garde bien de proposer un progrès ou une révolution visant l’accès à la majorité d’un peuple se situant dans l’humanité universelle. »
25 Une « politique molaire » s’avère incompatible avec le maintien d’un « devenir minoritaire » pour Deleuze et Guattari. Lorsque la velléité d’une prise en charge de ce qui relève d’une lutte émancipatrice apparaît dans Mille plateaux, elle est aussitôt rejetée. Cf. Deleuze Gilles et Guattari Félix, Mille plateaux, op. cit., p. 338 : « Certainement il est indispensable que les femmes mènent une politique molaire, en fonction d’une conquête qu’elles opèrent de leur propre organisme, de leur propre histoire, de leur propre subjectivité : “nous en tant que femmes…” apparaît alors comme sujet d’énonciation. Mais il est dangereux de se rabattre sur un tel sujet, qui ne fonctionne pas sans tarir une source ou arrêter un flux. »
26 Garo Isabelle, Foucault, Deleuze, Althusser et Marx. La politique dans la philosophie, Paris, Demopolis, 2011, p. 231.
27 « [D]es théoriciens aussi divers que Lacan, Foucault, Deleuze et Guattari idéalisent l’autre comme négation du même […], ils font passer l’inversion rhétorique de définitions dominantes pour une action politique en tant que telle » (Foster Hal, Le retour du réel, trad. fr. par Yves Cantraine, Franck Pierobon et Daniel van der Gucht, Bruxelles, La Lettre volée, 2005, p. 222).
28 Foucault Michel, « Les intellectuels et le pouvoir » [1972], in Dits et écrits I, 1954-1975, Paris, Quarto Gallimard, 2001, p. 1177.
29 Cf. Spivak Gayatri Chakravorty, Les subalternes peuvent-elles parler ? [1988], trad. fr. par Jérôme Vidal, Paris, Éditions Amsterdam, 2009.
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