Chapitre XI. — Le Sang noir, une étape décisive
p. 277-284
Texte intégral
Devenir un auteur Gallimard
1Pour ce roman, Louis Guilloux met en œuvre tout son savoir-faire antérieur. Il trouve de nouvelles solutions techniques et tire parti du dialogue avec ses amis et son éditeur. Il est très attentif aux conseils d’Edmond Lambert qui l’orientent vers l’observation directe et l’utilisation des références littéraires pour devenir un romancier psychologue, au-delà des théories freudiennes. Il médite sur l’apport philosophique de Georges Palante, sa personnalité, la guerre et le rapport de l’individu avec la société. Le Sang noir résume tout ce qui compte pour Louis Guilloux depuis son adolescence et ses débuts littéraires. Il réalise ainsi un travail littéraire difficile, écho des préoccupations de la génération des années 1920-1930, traumatisée par la guerre, marquée par la découverte de la psychanalyse et baignée dans la sociologie durkheimienne. Pour valoriser ce travail, il s’efforce depuis longtemps de devenir un auteur Gallimard.
2Entre Angélina publié en 1934 et Le Sang noir publié en 1935, le saut qualitatif s’explique par la manière dont l’écrivain s’organise : Angélina termine la période préparatoire, Le Sang noir est la grande œuvre mûrie depuis 1923. Il lui réserve toutes ses capacités du moment. Au point de vue des moyens éditoriaux, la césure est également décisive, puisque Angélina est le dernier livre publié par Bernard Grasset, et Le Sang noir le premier chez son concurrent plus prestigieux, Gaston Gallimard.
3Les documents d’archives montrent que Louis Guilloux prépare ce changement depuis plusieurs années. Par l’intermédiaire de Jean Grenier, alors secrétaire de La NRF en attente d’un poste d’enseignant, il négocie avec Gallimard dès 1927. Un document atteste d’un projet de contrat avec cet éditeur, « pour l’édition de ses œuvres en prose à venir » et sur ses traductions, contre une mensualité de quatre cents francs « à partir du 30 juin 1927 ». L’accord était prévu pour cinq livres mais excluait « un volume à paraître chez Grasset et un autre chez Plon au “Roseau d’or”1 ». Pourquoi Louis Guilloux y a-t-il renoncé ? Le plus probable est qu’il se ménageait des possibilités éditoriales simultanées et a dû choisir pour pouvoir tenir ses engagements. Lorsque Jean Guéhenno accepte le manuscrit de La Maison du peuple, il souhaite que « l’histoire Gallimard-Grasset [soit] régl[ée] définitivement » (mi-avril 1927). Son amitié chaleureuse, l’appui de Daniel Halévy et la réputation de lanceur de jeunes talents de Bernard Grasset, joints à une proposition de contrat pour trois volumes et des mensualités de 1 000 francs, ont dû décider Louis Guilloux à opter pour Grasset, avec un débouché au « Roseau d’Or ». Il renonce à une entrée rapide chez Gallimard2.
4Néanmoins, il reste dans la sphère Gallimard. Jean Grenier lui obtient la traduction de la Vie de Robert Browning de Chesterton et de Harry Richmond de Meredith. L’entente est confirmée par Gaston Gallimard, le 11 juillet 1927. Peu après, Guilloux ne retient que la traduction de Chesterton, publiée en 1930. Il voudrait un contact plus personnel avec la maison Gallimard. Jean Grenier propose qu’il le remplace « chez Gaston » (6 au 8 août 1927, bC), mais l’affaire échoue. Au printemps 1928, il tente de le faire nommer lecteur chez Gallimard. Louis Guilloux est enthousiasmé et l’écrit à Renée : « Et une fois entré dans la maison, je tâcherai de faire en sorte d’y rester. Ce serait une grosse avance pour nous » (printemps 1928). Le projet ne se réalise pas non plus, mais à la même période, il rencontre Ramon Fernandez, dans le salon des Halévy. Le critique littéraire de La NRF le présente personnellement à Jean Paulhan. Louis Guilloux confie à sa femme que « de tout cela peut sortir quelque chose de bon » (printemps 1928).
5Jean Paulhan devient son interlocuteur, pour La NRF et les éditions Gallimard. Il propose une prépublication de Dossier confidentiel. Ce serait une belle réussite. Louis Guilloux doit pourtant refuser pour des raisons de délais. Un retard du livre suspendrait les mensualités de Grasset… mais Jean Paulhan aurait déclaré : « Vous êtes ici chez vous » (19 décembre 1929, bC).
6Le romancier n’oublie pas ces paroles. Son premier texte dans La NRF paraît en octobre 1930 : c’est « À propos de Jules Vallès ». Il propose à Jean Paulhan les lettres données par André Billy, après le refus de Jean Guéhenno. Elles deviennent Le Lecteur écrit, prêtes en août 1931, publiées par Gallimard en 1932 avec prépublication en avril. En réalité, Louis Guilloux prépare un meilleur argument pour séduire Jean Paulhan et le lectorat de La NRF: ce sera Hyménée, roman psychologique et d’amour. Avec Compagnons, Hyménée et Angélina, il organise sur quelques années sa présence dans Europe et La NRF. Il prévient Guéhenno que Compagnons et Angélina seront « beaucoup mieux […] qu’Hyménée dans l’esprit d’Europe », et qu’il a parlé d’Hyménée à Jean Paulhan, pour « se ménager une chance de plus de paraître en revue » (9 janvier 1931). Jean Guéhenno n’était pas dupe, malgré les démentis de son ami (5 janvier 1931). Hyménée paraît dans La NRF de janvier à avril 1932. Comme Compagnons et Angélina, Hyménée est un exercice préparatoire, choisi pour s’entraîner à des techniques spécifiques. La rupture de veine s’explique par la volonté de travailler un sujet psychologique, avec utilisation de plusieurs références littéraires, et aussi par le souhait de se rapprocher de La NRF.
7Louis Guilloux pousse son avantage auprès de Gaston Gallimard. Il négocie un accord d’édition pour son projet de roman en six volumes. Le 7 décembre 1932, il signe avec lui un contrat pour « ses six prochains romans, dont le premier s’intitulera “L’Indésirable” ». Dès janvier 1933, l’éditeur lui versera « une mensualité de mille francs, à valoir sur les droits prévus3 », qu’il cumulera donc avec la mensualité Grasset. Le découvert consenti est de vingt-cinq mille francs, ce qui donne vingt-cinq mois pour publier son roman. À partir de janvier 1933, le romancier a une double contrainte : liquider ses engagements avec Grasset et réécrire L’Indésirable avant février 1935 pour ne pas manquer d’argent. Pour répondre à la confiance de son nouvel éditeur, il devrait même remettre son manuscrit « à l’automne [1933] »… (6 décembre 1932, bC).
8Dans le monde de l’édition, les informations circulent vite4. Dans un premier temps, le départ de Guilloux provoque un surcroît d’amabilité chez Grasset. Mais la liquidation de son contrat ne se passe pas sans palabres, car il doit encore un ouvrage après Angélina et l’éditeur a refusé les Histoires de brigands. De plus, le second contrat signé avec Grasset serait sujet à conflit, selon que La Maison du peuple est compté ou non parmi les cinq ouvrages promis. Gaston Gallimard lui conseille de prévoir un roman à donner à son concurrent après Angélina.
9Le 4 mars 1933, Louis Guilloux résume sa situation vis-à-vis de Grasset : « Il s’agit de : se faire verser les mensualités pendant un an encore. Puis, leur donner Le Pain noir. Ensuite, fini » (bC). En été 1934, Grasset attend Le Pain noir et Gallimard réclame L’Indésirable pour le présenter au Goncourt. Il faut y renoncer. Louis Guilloux explique à Renée : « Il reste d’ailleurs trop à faire, et je veux que le livre soit bon », mais il sait désormais trouver des débouchés, car Marcel Cachin accepte « un reportage dans L’Humanité sur les paysans » et « la publication de Pain noir en feuilleton » (été 1934). À condition de pouvoir tenir…
10Quelque temps après, il reconnaît que le Cripure ne lui permet pas d’écrire autre chose et négocie avec Gaston Gallimard, qui lui « offre 12 000 francs pour racheter [sa] liberté chez Grasset ». Alors, il lui donnerait « Pain noir après le Cripure » (à Renée, 1934). À ce prix, Grasset consent à se séparer de l’auteur de La Maison du peuple avant le terme de son contrat. Louis Guilloux devient un auteur Gallimard5.
11L’amitié de Jean Guéhenno, l’appui de Daniel Halévy et la réputation de Bernard Grasset ont décidé Louis Guilloux à s’engager chez Grasset. Devenu un auteur plus assuré de son talent, il est attiré par Gallimard, comme ses amis André Malraux, Eugène Dabit ou Jean Grenier. L’ambition littéraire peut être invoquée. D’autres explications s’y ajoutent, car il n’a pas obtenu de son premier éditeur le soutien espéré. Sa rancœur s’exprime quand Dossier confidentiel est achevé. Il doit batailler pour être publié dans une collection avantageuse, après s’être plié aux exigences éditoriales pour refaire son roman. Il s’emporte et Jean Guéhenno reçoit ceci :
On est très gentil, chez Grasset, très aimable pour moi, dans l’ordinaire des relations, mais on n’a rien fait de sérieux pour La Maison du peuple, et rien n’annonce qu’on soit disposé à faire quoi que ce soit pour le Dossier. […] je dois gagner ma vie, et après tout, prendre le rang auquel je crois avoir droit. (26 octobre 1929)
12Dossier confidentiel n’est pas un succès commercial. Louis Guilloux va tenter sa chance chez Gallimard. Il néglige quelque peu ses obligations d’écrivain : retard pour le service de presse, absence quand Compagnons est publié. Inévitablement, le mécontentement réciproque s’accroît6.
13D’autre part, la personnalité de Bernard Grasset et la situation de sa société sont inquiétantes. En 1927, la collection dirigée par Jean Guéhenno voit le jour grâce à la caution de Daniel Halévy. Bernard Grasset, « entre deux séjours à Divonne[-les-Bains] ne fit aucune réserve7 ». Il ne la soutient pas non plus. Ses goûts sont ailleurs. Il aime les romanciers de l’introspection, ou ceux qui savent jouer avec leurs rêves. Il considère que l’intelligentsia détourne le roman de son but, qui est de distraire. Il ne sera pas l’éditeur des vastes cycles romanesques tournés vers les problèmes du monde. Le Sang noir ne correspond pas au type de roman auquel il croit et qu’il défend8. Louis Guilloux ne s’est pas senti à sa place chez cet éditeur qui, de plus, dirige ses affaires de plus en plus mal, à cause de graves problèmes psychologiques. En 1932, Daniel Halévy menace de démissionner. Viennent ensuite les démêlés judiciaires avec la famille et les conflits avec les administrateurs…
14Fin 1934, Louis Guilloux a quitté Grasset. Guéhenno lui donne le Journal d’un homme de 40 ans qu’il pouvait « publier dans au moins deux autres maisons et à des conditions matérielles infiniment supérieures », écrit-il à Louis Brun, le 26 décembre 1934. À l’heure du bilan, il est amer car l’éditeur n’a rien fait pour son succès. La maison le délaisse tandis qu’elle s’honore de publier le Colonel de La Roque. Il espérait de la reconnaissance, il conclut qu’il a été dupe. À cette époque, Daniel Halévy lui-même incline vers des idéologies réactionnaires qui ne pouvaient pas convenir à Louis Guilloux.
15Au total, Louis Guilloux a été clairvoyant en passant chez Gallimard. Avec un objectif personnel de réussite littéraire, il a mieux tiré parti des possibilités éditoriales que son aîné Jean Guéhenno. Par contre, il échoue dans sa stratégie d’indépendance par l’implantation chez les éditeurs visés à ses débuts (Plon, Reider, Grasset et Gallimard). Il rallie celui qui lui convient le moins mal, parce qu’il refuse la ligne catholique de Plon, l’orientation littéraire et idéologique de Grasset, et que Reider, affaibli, est guetté par le parti communiste. Il trouve donc un débouché à son ambition littéraire dans les limites d’une certaine cohérence idéologique. En définitive, il devient un auteur Gallimard autant pour valoriser son travail et par ambition littéraire que par défaut.
Le Goncourt : un échec qui se transforme en succès
16Comme la réussite d’une belle œuvre se prépare par des années de travail, comme l’entrée chez un grand éditeur dans des conditions avantageuses se prépare par une lente approche, le succès d’une publication ne s’improvise pas. Louis Guilloux participe à la sortie du Sang noir, selon un scénario coordonné avec son éditeur, même si tout n’est pas prévu. Le but est le succès du livre, avec ou sans le Goncourt, c’est-à-dire avec ou contre le prix.
17Longtemps après les faits, Louis Guilloux déclare qu’il « aurai[t] bien voulu avoir le prix, uniquement pour l’argent bien entendu, car [il] en manquai[t], mais [que] le livre a très bien marché9 ». Les documents de 1935 confirment ce résumé, réserve faite sur le « uniquement », évidemment exagéré.
18La publication du livre est pensée pour suggérer un parallèle avec le Voyage au bout de la nuit, reconnu comme chef-d’œuvre, qui a échoué au Goncourt. Louis Guilloux choisit le texte de la bande publicitaire : « La Vérité de ce monde ce n’est pas qu’on meurt, c’est qu’on meurt volé. » Il répond à Céline, autre élève de Georges Palante, sur le thème de l’individu volé par la société cher à leur maître commun. L’éditeur met en œuvre cette stratégie commerciale. Si le livre obtient le prix, Louis Guilloux fait mieux que Céline. S’il ne l’obtient pas, l’échec se lira comme un signe de qualité, qui disqualifie le jury Goncourt par référence au Voyage. N’oublions pas que Guilloux est joueur d’échec : il sait anticiper les coups.
19L’auteur et l’éditeur se répartissent les rôles. Le premier s’active auprès du lectorat de gauche, dès juin 1935. C’est l’une des raisons de sa présence au Congrès des Écrivains, à la Mutualité, comme il l’écrit à Renée lorsque André Malraux lui propose de remplacer Louis Martin-Chauffier au secrétariat du congrès : « Toi et ma fille vous me manquez terriblement […] Mais je pense que ce serait extrêmement maladroit et par ailleurs assez lâche [de refuser] […] Par ailleurs, au point de vue du Cripure tout cela sera profitable. » Et il se résume : « je ne peux pas refuser, primo parce qu’on ne le comprendrait guère, secundo parce que ce serait travailler contre moi-même » (2 juin 1935, c’est moi qui souligne).
20L’arrivée du livre est bien préparée car Malraux peut lui écrire : « La presse orale est excellente et le bouquin était demandé chez le libraire, où il n’est arrivé que ce matin » (fin octobre 1935). Dès la fin octobre, les articles sont nombreux, unanimes à reconnaître la qualité de l’œuvre, sauf L’Action française et une critique bretonne catholique. Ils sont généralement passionnés, qu’ils soutiennent ou dénoncent le contenu, presque toujours sous l’angle politique. Le dossier de presse montre que la sortie du Sang noir est un événement littéraire et politique, dramatisé par le Goncourt, sa campagne polémique, ses pronostics, son résultat et ses prolongements. « Le livre [est] promu à bout de bras par l’intelligentsia de gauche10 » contre le candidat de Léon Daudet, Joseph Peyré, qui est couronné pour Sang et lumières. Le Sang noir est pris dans la tourmente des luttes politiques entre la droite nationaliste et la gauche anti-fasciste activée par le Parti communiste. Le soutien communiste a pour contre partie un malentendu sur sa lecture, résumé par l’auteur, en 1978 : « Il a été lu comme un livre communiste, ce qui n’est pas le cas, c’est plutôt un livre anarchisant11. »
21Lorsque le verdict du Goncourt est connu, Louis Guilloux reste mobilisé : il donne une conférence à la Maison de la Culture et des interviews. Le 7 décembre, il écrit à sa femme : « Ma chérie, tout cela n’est pas grand-chose. J’ai raté mon cambriolage et puis c’est tout. D’ailleurs, cet échec même est en train de tourner en vrai succès du livre. Il le renforce. […] Et la presse orale est formidable. » Il constate que la stratégie a fonctionné : « Je crois bien maintenant que le sort du livre ne sera pas loin d’être celui du Voyage au bout de la nuit. Et même au point de vue matériel, ce sera aussi bien que le prix – seulement un peu plus long. » Renée partage son analyse et observe « quelle consolidation à gauche que ce symbolique échec au Goncourt » (9 décembre 1935).
22Après le Goncourt, Gallimard accompagne l’événement du côté du lectorat de droite, en jouant sur la qualité du livre et l’échec au prix qui en serait la preuve. Il fait paraître des encadrés publicitaires dans des journaux tels que L’Œuvre ou Vendémiaire, ainsi conçus :
------------------- NRF----------------------
« Il est évident que le livre de M. Guilloux
est supérieur aux autres… Ce n’est pas
une raison pour qu’il ait le Prix Goncourt… »
Henry Bidou
(Journal des Débats)
« Un descendant authentique de Vallès et
de Dostoïevski… Il serait surprenant que
son roman obtînt le Prix Goncourt. »
André Billy
(L’Œuvre)
en effet
LE SANG NOIR
de
GUILLOUX
n’a pas eu le
PRIX GONCOURT12
23Le romancier participe à sa promotion, en particulier la soirée du 12 décembre, organisée par la Maison de la Culture, salle Poissonnière, annoncée comme une manifestation de « Défense du roman français ». André Gide, Eugène Dabit, Louis Aragon, André Malraux et Guilloux s’expriment à la tribune. La presse relate la soirée de diverses manières selon l’orientation du journal. André Rousseaux, dans Le Figaro, parle d’une « opération » menée par une « brigade de choc » avec les méthodes « instituées en Russie pour donner une impulsion énergique aux livres conformes à la doctrine de Lénine13 ». La revue Commune publie les interventions d’Aragon et de Dabit. Louis Guilloux publie la sienne dans Europe et une version raccourcie dans L’Humanité. Pascal Ory affirme qu’il a même été question d’attribuer un contre-Goncourt.
24Avec l’inconvénient d’une déformation de lecture, le Sang noir impose son auteur comme un grand écrivain. Eugène Dabit lui écrit qu’il représente désormais celui qui a retiré les années 1917-1918 « de l’histoire de nos historiens officiels » et venge la génération qui a dû faire la guerre à cause des propagandistes de l’arrière, vengeance symbolisée par le coup de ceinturon reçu par Babinot. Eugène Dabit a « savour[é] » cet épisode : « c’est ça que nous avions sur le cœur, et c’est ce cri-là que nous voulions entendre pousser ». Il apprécie aussi que le roman donne « une image de la province française [avec] la bêtise, la bassesse, les préjugés, les tares », représentée par Nabucet (25 novembre 1935). La gifle donnée par Cripure est une seconde vengeance. Pour cela, Eugène Dabit lui exprime publiquement sa « reconnaissance profonde », au nom de tous ceux qui « sav[ent], pour l’avoir vécu un temps, que ce fut cela exactement la guerre14 ».
25Louis Guilloux est devenu la voix « réfractaire15 » de « l’homme tout court16 » qui, comme Cripure, risque toujours de rater sa vie. Il a représenté le monde tel qu’il est, pour avertir des dangers à venir. Il est la voix de la révolte lucide, au prix du pessimisme, ce pessimisme défendu par Georges Palante.
Notes de fin
1 Contrat d’édition non finalisé, classé dans les lettres de Jean Grenier.
2 Le 7 mai 1927, il annonce à Jean Guéhenno : « Les affaires Grasset-Gallimard se sont arrangées au mieux. J’ai signé un contrat pour trois volumes chez Grasset. Heureux d’être avec vous ! ».
3 Contrat du 7 décembre 1932, enregistré le 25 janvier 1933, fonds Guilloux.
4 Jean Bothorel, biographe de Bernard Grasset, indique que Grasset et Gallimard se rencontrent régulièrement et parlent comme deux joueurs d’échec des écrivains qu’ils se disputent.
5 Mais, les affaires sont les affaires, et il sait conserver un interlocuteur dans son ancienne maison, Jean Blanzat, jusqu’aux années 1950 (voir leur correspondance).
6 En 1928, Pierre Tisné se plaint à Halévy, qui transmet : « Guilloux lit les manuscrits bien vite, bien peu, c’est ennuyeux. […] Il lit cinquante pages et il juge. […] On ne se sent pas soutenu par lui» (9 avril 1928).
7 Jean Bothorel, Bernard Grasset, Vie et passions d’un éditeur, Grasset et Fasquelle, Paris, 1989, p. 189.
8 Ibidem, p. 73 et sv.
9 « Mon siècle sans rancune », entretien avec Jean-Louis Ézine, dans Les Nouvelles littéraires, 16 juin 1977, p. 4.
10 Pascal Ory, Nizan, Destin d’un révolté, 1905-1940, Éd. Ramsay, Paris, 1980, p. 168.
11 Apostrophes, entretien avec Bernard Pivot, DVD, Gallimard-NRF/INA, 2003.
12 L’Œuvre du 7 décembre 1935 et Vendémiaire du 13 décembre 1935, p. 5. La typographie est telle qu’à première vue, on croit que Le Sang noir a le prix Goncourt.
13 Le 22 décembre 1935, dossier de presse du Sang noir.
14 « À Louis Guilloux » dans Commune, janvier 1936, p. 545-547 (texte lu le 12 décembre 1935).
15 Le mot est de Frédéric Lefèvre, qui écrit à Louis Guilloux pour lui faire part de sa « joie de vieux réfractaire et [de sa] fraternelle admiration».
16 « À Louis Guilloux », op. cit., p. 546.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Comparer l’étranger
Enjeux du comparatisme en littérature
Émilienne Baneth-Nouailhetas et Claire Joubert (dir.)
2007
Lignes et lignages dans la littérature arthurienne
Christine Ferlampin-Acher et Denis Hüe (dir.)
2007