Chapitre VIII. Intention
p. 251-280
Texte intégral
1 Mimesis as Make-Believe eut un retentissement important dans le monde analytique… Bientôt, sur le marché philosophique, les théories du faire-semblant fleurirent. Cependant, les étals qui faisaient apparition se situèrent à l’écart de celui de Walton, le plaçant, en fin de compte, à la marge. Sur toutes les tables, on retrouvait une théorie où les fictions nous prescrivaient des imaginés ; toutes adhéraient à la maxime de Walton. Sur aucune des nouvelles installations, on ne retrouvait une théorie où les prescriptions provenaient de principes de génération ; toutes pensaient que les prescriptions résultaient des artistes, de leurs faits et gestes, de leurs intentions. L’origine de la fictionalité était et reste encore en question. Notre philosophe en rend compte par le concept de principe de génération, fondé sur une épistémologie héritée de Ludwig Wittgenstein des règles du faire-semblant. Ses adversaires en rendent compte par le concept d’intention auctoriale, fondé sur une théorie de la communication héritée de Herbert Paul Grice. Les alternatives à la théorie de Walton sont les théories de Gregory Currie, Peter Lamarque, Kathleen Stock, Manuel Garcia-Carpintero, Jerrold Levinson ou encore David Davies.
2Dans ce chapitre, nous présenterons de manière générale les théories intentionnalistes du faire-semblant. Nous les critiquerons tout aussi généralement. Mon avis est qu’elles ne diffèrent pas uniquement de la théorie de Walton sur les détails. Tout d’abord, nous verrons qu’elles s’écartent des préceptes méthodologiques de Walton. Il en résulte des divergences conceptuelles. Ensuite, nous tâcherons d’esquisser les théories intentionnalistes en tant qu’elles sont les parties de théories de la communication. Enfin, nous étudierons le contentieux entre théories du faire-semblant, à travers une série d’arguments autour de l’expérience de pensée d’une histoire naturelle.
Théories intentionnalistes de la fiction
Contentieux méthodologiques
3La philosophie comprend un ensemble de problèmes philosophiques classiques. Les domaines de la philosophie, à savoir la métaphysique, l’épistémologie, la morale, l’esthétique et ainsi de suite, sont déterminés, au mieux, par une Grande Question, à défaut, par un ensemble de questions. Les philosophies de la fiction, en tant qu’elles constituent un domaine spécialisé de la philosophie, sont pareillement délimitées : le problème ontologique des entités fictionnelles, le problème référentiel des noms fictifs, le problème définitionnel du concept de fiction, le problème transversal des émotions fictionnelles sont quelques-unes de ces questions historiquement constitutives. Une question sur le domaine des philosophies de la fiction – une sorte de questions métaphilosophiques, métaesthétiques, comme on se plaît de nos jours à les qualifier, ou méthodologiques, comme je préfère les qualifier – met en cause les relations logiques entre les problèmes constitutifs des philosophies de la fiction. Est-ce qu’il y a une question logiquement première en théorie de la fiction ? Si oui, quelle est-elle ? Les théories intentionnalistes répondent positivement et de manière similaire à ces questions. Les réponses intentionnalistes sont une première source de dérive que dénonce Walton.
4Les théories intentionnalistes accordent une importance démesurée au problème de démarcation entre œuvre de fiction et œuvre de non-fiction. Gregory Currie ouvre, par exemple, son enquête sur une affirmation de cet ordre : « Il n’existe guère de question plus importante à propos d’un écrit ou d’une parole que la suivante : Est-ce de la fiction ou de la non-fiction1 ? » Peter Lamarque et Stein Olsen, autre exemple, revendiquent un point similaire : « La classification des récits en fiction et non-fiction est, en vérité, de la plus haute importance ; elle est non seulement une précondition pour faire sens d’une œuvre mais elle détermine comment nous devons répondre tant en pensée qu’en action2. » Les philosophes suggèrent clairement que le domaine des philosophies de la fiction est structuré autour du problème de classification. Une philosophie de la fiction doit, d’abord, répondre au problème de démarcation pour, ensuite, espérer répondre aux autres problèmes typiques du domaine. C’est là que le bât blesse. D’après Walton, la question, chère aux intentionnalistes, du statut d’une œuvre est une question importante pour les libraires, pour les bibliothécaires, non pour les philosophes.
5Les théories intentionnalistes comportent une analyse conceptuelle du concept ordinaire de fiction. Elles ont pour intention de mettre au jour nos théories populaires et nos concepts populaires. Lamarque et Olsen ne le démentent pas. Ils cherchent à expliquer « la notion, plus humble, sinon familière, “d’œuvre de fiction”, en tant qu’elle est employée par les éditeurs, les gérants de librairies et les critiques littéraires3 ». Les théories intentionnalistes concèdent que les usages du concept ordinaire sont autant profus que confus. Elles ont pour intention de rectifier nos théories et concepts populaires. Currie le fait savoir : « Si la théorie est adéquate, elle classera les éléments de sortes pertinentes en fictionnels et non fictionnels, d’une manière qui semble intuitivement correcte, peut-être après que la théorie a eu l’occasion de changer et d’affûter quelque peu nos intuitions4. » Elles repoussent, en particulier, les définitions sémantiques, autant monistes que dualistes, de la fiction qui la caractérisent dans son rapport au monde, aux faits, au vrai. Notre penseur en est d’accord. Cependant, lui en tire une conséquence à laquelle elles se refusent, de toute évidence. La théorie de Walton comporte une construction théorique du concept de fiction. Il préfère clarifier nos rapports aux œuvres représentationnelles, sans trop de considération pour notre concept ordinaire de fiction. Il n’est qu’un vestige, d’une certaine valeur pratique, dénué de valeur cognitive. En réponse, les théories intentionnalistes sont menées à reprocher ce choix d’une catégorie théorique. Ainsi, Stacie Friend affirme : « Dans la mesure où nous voulons comprendre notre pratique ordinaire de distinction entre fiction et non-fiction, […] nous ne pouvons nous satisfaire de la catégorie de walt-fiction5. » Or, précisément, dans quelle mesure importe-t-il de comprendre nos pratiques ordinaires de classification ? En dépit des mises en garde de Walton, les théories intentionnalistes avancent avec la conviction de la primauté du problème de démarcation.
6Les philosophies de la fiction, en tant que domaine spécialisé de la philosophie, portent sur une classe d’objets et sur nos relations aux membres appartenant à ladite classe, typiquement sur nos relations aux œuvres cinématographiques, théâtrales, littéraires, et ainsi de suite. Une question sur le domaine philosophique met en cause la portée des théories de la fiction : est-ce que la portée d’une théorie est déterminée par une décision philosophique préalable ? Une autre question porte sur le statut de paradigme d’une sous-classe des objets qui l’occupent : est-ce qu’il y a une sorte de fiction qui est paradigmatique des fictions ? Les théories intentionnalistes paraissent implicitement supposer une réponse positive aux deux questions. La seconde source de dérive dénoncée par Walton porte sur ces réponses.
7Les théories intentionnalistes accordent une importance démesurée, souvent exclusive, aux fictions littéraires. L’ouverture de l’exposé de Currie peut, une fois encore, en être l’indice : « Il n’existe guère de question plus importante à propos d’un écrit ou d’une parole que la suivante : Est-ce de la fiction ou de la non-fiction6 ? » Lamarque et Olsen ne sont pas en reste : s’ils revendiquent prendre « une large classe de cas familiers pour “œuvres de fictions” paradigmatiques », dont des œuvres cinématographiques ou télévisuelles, la classe est, de fait, en majeure partie, voire essentiellement, composée de « diverses formes de récits dits ou écrits : des romans, des nouvelles, des drames, des poèmes dramatiques ou épiques, des fantasies, des fables, des paraboles, des légendes et des sagas7 ». En témoignent encore les titres mêmes des ouvrages de Lamarque et Olsen, Truth, Fiction and Literature, ou David Davies8, Aesthetics and Literature9. D’après Walton, la perspective chère aux intentionnalistes n’est pas innocente : « Devant nous réside le danger. Toute fiction n’est pas linguistique. […] Des déformations émergent de la concentration sur les fictions littéraires10. » Le problème est évident : les théories intentionnalistes encourent le risque de prendre des particularités d’une sorte de fiction pour des propriétés essentielles de la fiction.
8La méthodologie de Walton fournit un principe concernant les limitations de la portée d’une théorie (dans le passage suivant, je remplace les occurrences de « art » par « fiction ») :
« Nous ne devrions pas admettre que le concept [de fiction], ou le fait que nous nous étiquetions “philosophes de [la fiction]”, détermine la portée de notre enquête. Nous ne devrions pas lui permettre de restreindre artificiellement les données que nous prendrions en compte dans la construction d’une théorie, ou de nous leurrer en nous incitant à inclure des données qui n’ont rien à y faire. […] Ces présupposés sont dangereux11. »
9La portée d’une théorie philosophique ne doit pas être décidée préalablement à la construction théorique. Les théories intentionnalistes transgressent le principe en faisant le pari de la spécialisation : leurs décisions quant à la portée de la théorie sont fondées sur le choix préalable du paradigme des fictions littéraires. La portée doit être décidée de concert avec la construction théorique. La théorie de la représentation de Walton suit le principe méthodologique : ses décisions philosophiques à l’égard de la catégorie des représentations-fictions sont établies sur l’anthropologie de la représentation, sur l’étude des similarités et différences entre œuvres représentationnelles et jouets. Quand bien même le principe méthodologique n’est qu’un avertissement, les théories intentionnalistes avancent convaincues de la légitimité du paradigme des fictions littéraires.
Contentieux conceptuels
10Indéniablement, les théories intentionnalistes sont des théories du faire-semblant. Elles pensent qu’une œuvre est une fiction parce qu’elle comporte des prescriptions imaginatives. Cependant, les théories en question ont une conception particulière des prescriptions imaginatives. Selon elles, si une œuvre comporte des prescriptions imaginatives, c’est qu’il existe quelqu’un qui prescrit. Les théories intentionnalistes se révèlent, sous ce jour, théoriquement plus fortes que la théorie de Walton : la proposition évoquée à l’instant est la thèse d’une condition nécessaire, que ne soutient pas notre philosophe. L’idée qu’elle exprime revient, comparativement, à minorer le rapport des appréciateurs aux œuvres pour renforcer le rapport des faiseurs de fiction aux œuvres.
11Les théories intentionnalistes interprètent l’institution de la fiction de sorte que les prescriptions imaginatives sont nécessairement les prescriptions de quelqu’un. Conformément à l’interprétation, la structure minimale de l’institution est enrichie de ce supplément humain ; elle est tripartite. Dorénavant, « la fiction est essentiellement connectée à l’idée de communication12 ». Les théories intentionnalistes se dotent de deux concepts pour dire ce que font les auteurs par le moyen de leurs textes, pour dire en quoi ces actes pèsent sur leur lecture : la notion de fabrication de fiction (fiction-making) et la notion d’énonciation fictive (fictive utterance). « Bien que les nomenclatures varient », l’énonciation fictive est, pour reprendre l’expression de Kathleen Stock, la « cible première » des théories intentionnalistes du faire-semblant13. « La postulation d’une énonciation fictive » est, d’après Stacie Friend, « un outil méthodologique employé par les philosophes pour clarifier des phénomènes qui nous importent14 ». Elle permet en particulier aux intentionnalistes de répondre au problème de démarcation entre œuvre de fiction et œuvre de non-fiction.
- La fiction est définie, en partie, par son origine ; un acte de fabrication de fiction confère à une représentation son statut de fiction.
- L’acte de fabrication de fiction est ensuite défini par la réalisation d’une énonciation fictive, de sorte qu’une « œuvre de fiction, au sens philosophique, instancie non pas une sorte particulière de langage, mais une sorte particulière d’énonciation15 ».
- Entre les concepts d’énonciation fictive et de fabrication de fiction se trouve une relation particulière, « une relation de production » : « Un auteur produit une œuvre en réalisant une énonciation verbale ou écrite ; son énonciaton est productive de l’œuvre16. »
12Le choix de « l’outil méthodologique » qu’est le concept d’énonciation fictive, le postulat de la relation de production entre énonciation et œuvre sont liés aux remarques méthodologiques précédentes. Ils sont la manifestation du présupposé de la primauté du problème de démarcation, puisqu’on considère que « les termes “phrases fictionnelles” et “noms fictionnels” ne devraient être employés que de manière dérivative, relativement à la notion antérieure d’une “énonciation fictive” ». Ils transportent le présupposé de la primauté des fictions littéraires, au moins au sens où l’énonciation fictive est « en dernière analyse, une sorte de communication, comprenant une interaction entre un locuteur (écrivain) et une audience (lecteur)17 ». Tous ces présupposés ont une conséquence.
13Un corollaire important accompagne la transition vers l’intentionnalisme. Par le choix de l’outil qu’est l’énonciation fictive, les théories abandonnent, dans une large mesure, la notion tant employée de jeu de faire-semblant. Peter Lamarque et Stein Olsen résument parfaitement les raisons de la prise de distance.
« Nous préférons fonder notre théorie sur l’idée de pratique plutôt que sur celle de jeu, en partie pour les connotations trompeuses de la seconde, en partie parce qu’il nous semble être une vérité conceptuelle, sur le plan littéral, que si les participants à une activité ne croient pas qu’ils jouent à un jeu, alors ils ne jouent pas à un jeu18. »
14Indéniablement, certains philosophes s’accordent avec Lamarque et Olsen pour écarter la terminologie des jeux au motif de la vérité conceptuelle. Mieux, ils s’en trouvent également pour décrier, très péremptoirement, bien plus qu’un choix terminologique :
« Ma conviction que les analyses de Walton […] sont incorrectes est principalement due au fait que je n’ai moi-même, pour autant que je sache, jamais joué à un jeu de faire-semblant en lisant de la littérature19. »
15Je réponds très brièvement. Dans l’hypothèse où la critique porte, dans le cas des jeux de faire-semblant de Walton, alors, en toute rigueur, elle devrait porter, par exemple, dans le cas des jeux de langage de Wittgenstein. Je suspecte que les détracteurs ne s’aventureraient pas à assumer pleinement les conséquences de leur argument. Du reste, la critique est inopérante. Les détracteurs doivent, en vérité, montrer que la « conscience de jouer » importe théoriquement à Walton. C’est sans espoir, elle n’est pas. Dans l’ensemble, les mots durs de Gregory Currie me paraissent adéquats : « L’affirmation me paraît symptomatique d’un cartésianisme résiduel qui n’a pas encore été, pour l’instant, délogé de cette partie sous-développée de la philosophie de l’esprit20. » La critique manque profondément de sérieux… Cependant, elle témoigne du fait que certains philosophes sont – ou prétendent malhonnêtement être – dupes des connotations trompeuses de la terminologie. Jerrold Levinson, suite aux suggestions de Lamarque et Olsen, en profite pour émettre quelques réserves terminologiques : « Si Walton ne souhaitait pas que nous pensions que, d’après lui, l’appréciation de l’art représentationnel est essentiellement un jeu (ou pire, simplement un jeu), alors les termes appropriés aux descriptions de jeux enfantins, toute continuité qu’il y ait entre ces jeux et la pratique de l’art, auraient dû être laissés de côté21. » Levinson me paraît dans son bon droit. Toutefois, comprendre les raisons des scrupules à l’égard de la terminologie des jeux n’est pas les admettre. L’idiome des jeux, en tant qu’il est l’héritage d’une épistémologie wittgensteinienne, concourt bien plus à la compréhension qu’à la mécompréhension des expériences appréciatives.
16Le corollaire est que, bien que les théories intentionnalistes soient bien des théories du faire-semblant, elles emploient une autre notion de faire-semblant : il y a une différence conceptuelle, si ténue qu’elle puisse paraître. Un fait terminologique important le démontre : chez les intentionnalistes, on retrouve d’innombrables occurrences, entre autres, de making believe, de made believe, de make-belief, de make-desire ; chez Walton, on n’en retrouve, peu ou prou, aucune. Après Quine, les philosophes admettent une maxime, quelque peu similaire au proverbe populaire « On est ce que l’on mange », qui est que : un théoricien est engagé envers l’ontologie de ce qu’il écrit. En préférant au vocabulaire des jeux de (games of) faire-semblant, le vocabulaire du faire-semblant (making-believe, make belief…), on choisit de caractériser une attitude psychologique particulière par un verbe plutôt qu’une pratique imaginative particulière par une expression. Le concept intentionnaliste de faire-semblant ne réfère pas à une sorte de pratique révélée par une anthropologie de la représentation, il réfère à une sorte d’état de l’esprit révélée par une psychologie populaire.
17Le désaccord terminologique est l’arbre qui cache la forêt. « Au fil des ans », rapportent Timothy Schroeder et Carl Matheson, « il s’est lentement dessiné une convergence » tant chez les philosophes de l’art que chez les philosophes de l’esprit, quant à l’attitude appropriée aux fictions. Le consensus est de postuler l’existence d’une attitude cognitive distincte ou DCA (pour : distinct cognitive attitude) qui serait « activée par les fictions22 ». Il s’agit, pour l’essentiel, d’une thèse empirique sur la nature de l’imagination. Face aux fictions, les attitudes cognitives distinctes sont caractérisées par le fait « que ces états mentaux se distinguent imparablement des croyances et des perceptions (etc.) par leurs rôles fonctionnels23 » Schroeder et Matheson procèdent à une énumération impressionnante de philosophes qu’ils supposent en accord avec le postulat empirique. Ils incluent Walton à la liste. C’est une erreur. Comme le rappelle parfaitement Matravers, notre philosophe « est explicitement sceptique face à cette approche », particulièrement envers la condition mentionnée : « Il n’est pas aisé de voir quel critère comportemental pourrait clarifier l’imagination, ou quelles fonctions d’une approche fonctionnelle pourraient être pertinentes24. » Une énième fois, on peut clamer qu’il n’y a pas de définition de l’imagination dans sa théorie. D’aucuns pourraient rétorquer : « Voyons ! La masse des travaux sur l’imagination depuis près d’une trentaine d’années auront certainement poussé Walton à changer d’avis ! » Rien n’est moins certain. Notre penseur n’a pas l’utilité théorique d’une attitude cognitive distincte : il n’est requis que de postuler l’existence d’une pratique, la pratique des jeux de faire-semblant, non de postuler l’existence d’une attitude de faire-semblant. Le débat terminologique paraît soudainement moins superfétatoire ; les implications ontologiques des discours philosophiques paraissent plus clairement. Sous ce rapport, les théories intentionnalistes s’éloignent franchement de la théorie originale de Walton.
18Les trois aspects-clés des théories intentionnalistes – communication, fabrication, énonciation – brossés à traits grossiers, ne séduisent aucunement Walton qui n’y perçoit que les dangers d’un « recours trop exclusif aux théories du langage25 ». Les raisons de la défiance sont encore à étudier. Brièvement, les théories de la fiction devraient, selon lui, moins porter sur des actes – de communication, de fabrication, d’énonciation – que sur des objets – sur le fonctionnement de ces objets :
« Restreindre “fiction” dans son sens primaire aux actions de fabrication de la fiction reviendrait à obscurcir ce qu’il y a de spécial à propos des histoires qui ne dépendent pas du fait d’être le fruit d’un auteur, du fait d’être le véhicule de récits de personnes. Le concept fondamental d’histoire et le concept fondamental de fiction sont mieux compris en tant qu’ils s’attachent à des objets plutôt qu’à des actions26. »
19Mais j’anticipe trop sur mon développement. Pour pouvoir aborder le débat critique, il convient de donner plus d’épaisseur à l’esquisse, brossée à l’instant, des théories intentionnalistes.
Théories de l’énonciation fictive
Communication et signification
20Selon les théories intentionnalistes, les racines de la fiction sont ancrées dans le langage ; ces théories puisent dans le bagage conceptuel de la philosophie du langage. Deux sources ouvrent la voie qu’elles empruntent. Les théories des actes de langage d’Austin ou Searle sont connues pour intégrer des considérations contextuelles à l’étude de la communication, en considérant non pas une phrase pour elle-même mais en tant qu’elle est énoncée par un locuteur s’adressant à un interlocuteur. La notion d’énonciation est dès lors associée à un ensemble d’actes que réalise un locuteur en produisant un énoncé, au rang desquels se trouvent les actes illocutoires : par tel énoncé, le locuteur réalise une assertion, une description, un ordre, une promesse, etc. Les théories intentionnalistes se situent dans la lignée des théories de la fiction de Searle ou Beardsley : pour un énoncé, le fait d’être fictif ne dépend pas seulement des mots, il « implique de “faire quelque chose avec des mots”27 ». La théorie de la signification non naturelle de Grice est connue pour apporter des considérations intentionnelles à l’étude de la communication, en considérant un énoncé en tant qu’il résulte d’un ensemble d’intentions des locuteurs. La notion d’énonciation est dès lors associée à ce qu’un locuteur veut faire comprendre à son interlocuteur par le moyen de tels mots, tels sons, tels gestes, et ainsi de suite. Les théories intentionnalistes empruntent des parties de la théorie de la communication de Grice. Pour un énoncé, le fait d’être fictif « implique […] une certaine sorte d’intention : l’intention que l’audience fasse semblant de croire le contenu de l’histoire qui est racontée28 ». Cependant, les théories intentionnalistes ne sont pas monolithiques. Dans une certaine mesure, elles varient dans les manières de s’approprier l’héritage de Searle et l’héritage de Grice. Aussi, un détour par les théories de Searle et de Grice permettra, à terme, de mettre en lumière les variations autour du thème intentionnaliste. Les deux philosophes du langage s’écharpent sur la relation entre la signification et l’intention, insistant, pour l’un, sur l’aspect conventionnel, pour l’autre, sur l’aspect intentionnel de la communication.
21La théorie de la signification non naturelle de Grice met l’accent sur l’aspect intentionnel de la communication. La théorie de Grice porte sur des actes de communication spéciaux. Selon lui, les porteurs de signification ne sont pas nécessairement des écrits, des paroles, ou autres éléments relevant d’un langage – par exemple, un froncement de sourcil est capable de signifier quelque chose, comme un doute, ou une douleur contenue. Le philosophe étudie la classe des phrases portant sur ce qu’une chose signifie non naturellement ou sur ce qu’on veut signifier non naturellement par une chose. La classe comprend des phrases de la forme « E signifie que P », comme : « Ces trois sons de cloche signifient que le bus est plein. » L’occurrence de « signifie » est non naturelle, notamment, parce que
- la phrase n’implique pas P (le conducteur pourrait s’être trompé),
- il est correct d’en inférer que ce qui est signifié par E est P,
- il est correct d’en inférer que quelqu’un (le conducteur) veut signifier par E que P,
- on peut paraphraser « E signifie que P » par « E signifie “P” ».
22La classe exclut des phrases également de la forme « E signifie que P », comme : « Ces taches signifient qu’il a la rougeole. » L’occurrence de « signifie » est, par comparaison, naturelle, notamment parce que la négation des caractéristiques énumérées à l’instant est vraie pour elle. Son analyse est que la signification non naturelle repose sur un ensemble d’intentions intriquées. Pour qu’un locuteur L signifie (non naturellement) par le moyen d’un énoncé E quelque proposition P, il est nécessaire que L énonce E dans l’intention que l’audience adopte une attitude psychologique particulière envers P. L’intention de produire une réponse est constitutif de la signification non naturelle. Il est également nécessaire que L énonce E dans l’intention que l’audience reconnaisse que l’intention de L, par E, est que l’audience croie que P. L’intention de la reconnaissance de l’intention d’une réponse est encore constitutive de la signification non-naturelle. Il est, enfin, nécessaire que, « dans une certaine acception de “raison”, la reconnaissance de l’intention derrière [l’énonciation de E] soit, pour l’audience, une raison, non simplement une cause », de répondre de la manière attendue29. L’intention de la rationalité de la réponse, fondée sur la reconnaissance de l’intention de produire une réponse, est à nouveau constitutive de la signification non naturelle. Grice retient la formule ramassée et, d’après lui, grossière suivante : « L’intention de [L] dans l’énonciation de [E] est de produire quelque effet sur une audience par le moyen de la reconnaissance (recognition) de cette intention30. »
23La théorie des actes de langage de Searle met l’accent sur l’aspect conventionnel de la communication. Les actes de communication sont des comportements régis par des règles. En particulier, les actes illocutoires sont réalisés en conformité avec des « ensembles de règles constitutives », c’est-à-dire des règles ou conventions qui créent et régulent de nouvelles formes de comportement31. On a dit que Searle qualifie les règles constitutives de « règles verticales », au sens où elles établissent une corrélation entre le langage et le monde. Dès lors, la théorie des actes de langage cherche à élucider, en termes de conditions nécessaires et suffisantes, les règles qui constituent et régulent les actes illocutoires. Au sein de cette approche, Searle propose une analyse particulière de la signification. L’analyse porte sur le rapport entre la signification d’une locution et la signification recherchée par un locuteur au moyen de la locution. Deux aspects de son analyse importent. D’une part, d’après Searle, la signification d’une locution est, en partie, déterminée par des règles ou conventions. D’autre part, le philosophe adopte le principe, selon lequel ce qu’il est possible de vouloir signifier par une locution est « fonction de ce qu’on dit32 ». Autrement dit, lorsqu’on veut dire quelque chose, il n’est pas possible de dire n’importe quoi, car ce qui est signifié par ce que l’on dit est régulé par des règles. Un acte de communication requiert que le locuteur et l’interlocuteur aient une base de croyances partagées ou maîtrisent un ensemble commun de règles ; il requiert encore que le locuteur parvienne à mettre à profit cette base commune. L’analyse de Searle est en conflit avec l’analyse de Grice sur ce point. Le reproche qu’adresse la première à la seconde est le suivant :
« Le défaut est qu’elle échoue à expliquer dans quelle mesure la signification est une question de règles ou de conventions. C’est-à-dire, cette théorie de la signification ne montre pas la connexion entre ce que quelqu’un veut dire par ce qu’il dit et la signification réelle de ce qu’il dit dans le langage33. »
24La théorie de Grice passe proprement sous silence l’aspect conventionnel de la communication. De fait, ainsi que le remarquent justement Lamarque et Olsen, « Grice introduisit sa théorie […] sans présupposer l’existence de conventions ou de pratiques34 ». Selon lui, les intentions des locuteurs permettent de déterminer la signification ; ils sont l’élément fondamental de la communication. La théorie de Searle réserve une place de choix à l’aspect intentionnel de la communication. Par exemple, sa théorie du discours fictionnel comme acte illocutoire feint comprend essentiellement une intention de feindre, sa théorie de l’acte de promettre comprend essentiellement une intention gricéenne. Cependant, selon lui, les intentions des locuteurs ne déterminent pas la signification ; l’élément fondamental de la communication réside plutôt dans les actes illocutoires. En résumé, le poids accordé aux aspects conventionnels et aux aspects intentionnels est, pourrait-on abusivement dire, proportionnellement inverse dans les théories de Searle et de Grice.
Intention fictive et énonciation fictive
25Les théories intentionnalistes, en tant qu’elles pensent que la fiction est liée à la communication, s’approprient différemment les héritages de Searle et de Grice. Cependant, elles sont fédérées par une vision particulière de l’énonciation fictive. D’après elles, l’énonciation fictive consiste, au moins en partie, en intentions communicatives. L’intention de communication est définie à la manière de Grice, par un complexe d’intentions recherchant une réponse psychologique particulière. La réponse psychologique en question est définie en respectant la maxime de Walton, en termes d’imagination, de faire-semblant. Les théories intentionnalistes reposent sur la condition nécessaire suivante de la fictivité d’un énoncé :
Intentionnalisme
26L’énoncé E d’un locuteur L est fictif seulement si L énonce E dans l’intention que l’audience
1. reconnaisse que l’intention de L est qu’ils (les membres de l’audience) fassent semblant que p, pour quelque proposition P ;
2. fasse semblant de croire que P ;
et, en outre, dans l’intention que
3. (1) soit une raison de (2).
27Au-delà de cette base commune, les théories intentionnalistes ne forment pas un bloc monolithique. Elles se différencient, sur le thème de l’énonciation fictive, notamment par leurs allégeances à l’héritage de Searle ou à l’héritage de Grice. Pour autant qu’elles empruntent autant à l’un qu’à l’autre, on trouve, dans ces emprunts, assez peu de commune mesure. Pour illustrer les variations, prenons les loci classici que sont la théorie de la fictivité des œuvres de Currie et celle de Lamarque et Olsen.
28La théorie de Currie dans The Nature of Fiction repose sur la thèse selon laquelle l’énonciation fictive est une sorte spécifique d’acte illocutoire. Le philosophe propose un critère intentionnel et un critère intensionnel. Le critère intentionnel dépend d’une réfutation du principe de fonctionnalité de Searle : les actes illocutoires ne sont pas fonction du sens d’une phrase, ils sont fonction de « ce que le locuteur veut dire par une phrase35 ». En ce sens, le critère dépend d’une certaine théorie de la communication, reposant sur une interprétation de la condition intentionnelle gricéenne. L’interprétation de la théorie de la communication lui permet de dire que l’acte illocutoire spécifique de fabrication consiste en « une énonciation produite pour satisfaire certaines intentions spécifiques ; nous pouvons les nommer intentions fictives36 ». Le critère intentionnel est une élaboration précise de la condition nécessaire proposée plus tôt. Quelques remarques. Currie ne souhaite pas plus que Grice présupposer que l’énonciation fictive implique de dire ou d’écrire quoi que ce soit. Pour éviter la dépendance au langage, il prend Φ pour une variable de caractéristiques publiques des énoncés. Il ne souhaite pas non plus présupposer que l’auteur ait à l’esprit une audience particulière, en formant ses intentions communicatives. Pour éviter la référence à une audience déterminée, il prend χ comme une variable de propriété des personnes. Il propose le critère suivant :
29L’énonciation E de L est fictive si, et seulement si, il existe un Φ et il existe un χ tel que L énonce E dans l’intention que quiconque a χ
4. reconnaisse que E a Φ ;
5. reconnaisse que l’intention de L est que E ait Φ ;
6. reconnaisse que l’intention de L est qu’ils (les possesseurs de χ) fassent semblant que P, pour quelque proposition P37 ;
7. fasse semblant de croire que P ;
Et, en outre, dans l’intention que
8. (5) soit une raison de (6) ;
9. (6) soit une raison de (7)38.
30Le critère intensionnel complète le critère intentionnel. Le philosophe propose plusieurs scénarios montrant que ce dernier s’avère déficient. Imaginons qu’un auteur, dont la vie est rocambolesque, écrive son autobiographie dans l’intention (gricéenne) que son lectorat imagine les événements narrés. Imaginons qu’un mauvais auteur découvre une œuvre de non-fiction, pense qu’il s’agit d’une œuvre de fiction, plagie l’œuvre, à nouveau dans une intention fictive. Imaginons, enfin, qu’un auteur, tourmenté par des événements si horribles qu’il les réprime, invente une histoire qui s’avère être, à son insu, une description des événements vécus. Les trois auteurs auront, d’après le critère intentionnel, produit des œuvres de fiction. Currie juge la conséquence contre-intuitive. Son critère est dès lors qu’une œuvre est une œuvre de fiction seulement si, « si l’œuvre est vraie, alors elle est au plus accidentellement vraie39 ». Il distingue contrefactuellement la vérité accidentelle et la vérité non accidentelle. Une œuvre de fiction est contrefactuellement indépendante des faits. Autrement dit, il est faux que si différents événements étaient survenus, alors l’œuvre aurait été différente. Un énoncé est fictif si et seulement si, d’une part, il est produit pour satisfaire les intentions fictives (critère intentionnel) et, d’autre part, il est contrefactuellement indépendant des faits (critère intensionnel). Dans l’ensemble, l’héritage assumé est gricéen. Il est joué contre Searle.
31La théorie de Lamarque et Olsen dans Truth, Fiction and Literature repose sur l’idée selon laquelle l’énonciation fictive dépend de la pratique de raconter des histoires (story-telling). Sur le plan général, une pratique consiste en comportements gouvernés par des règles spécifiques, qui sont « autant constitutives que normatives, au sens de Searle40 ». La notion de pratique sert ici, à contre-courant de la tendance des théories du faire-semblant, à minorer la dimension psychologique au profit des dimensions sociale, conventionnelle, normative des œuvres de fiction. La pratique spécifique comporte pour éléments « centraux un certain mode d’énonciation (énonciation fictive) et un certain complexe d’attitude (l’attitude fictive)41 ». L’énonciation fictive possède trois caractéristiques principales :
« 1. L’intention gricéenne qu’une audience fasse semblant de croire (ou imagine ou prétende) ce qui est raconté (ou demandé ou conseillé ou signalé) à propos de personnes, d’objets, d’incidents, ou d’événements particuliers – indépendamment du fait qu’existent ou non (ou que nous devions ou ne devions pas croire qu’il existe) de tels personnes, objets, incidents, ou événements. »
« 2. Une dépendance, du moins partielle, entre le bon accomplissement de l’intention (1) et la connaissance mutuelle de la pratique de “raconter des histoires”. »
« 3. Un désengagement par rapport à certains engagements standards des actes de langage, qui bloquent les inférences qui vont d’une énonciation fictive au locuteur ou à l’écrivain, en particulier des inférences à propos des croyances42. »
32La première condition correspond à notre condition nécessaire intentionnaliste. La description générale de l’attitude fictive prescrite est que « le lecteur est invité à considérer (entertain) le sens et à faire-semblant de croire (make-believe) la vérité et la référence43 ». La condition intentionnaliste est complétée par la seconde condition sur la connaissance des règles de la pratique. Cette dernière s’inscrit en faux de la théorie de Grice, en cela que la réussite de l’énonciation fictive – la réponse et la reconnaissance de l’intention – dépend « de l’existence de conventions ou pratiques », qui consistent notamment « à “appréhender” de manière appropriée les énoncés44 ». Corrélativement, l’attitude fictive caractérise « les réponses[…] conventionnellement déterminées par la pratique de la fiction45 ». La troisième condition remplace le critère intensionnel de Currie. David Davies en propose une caractérisation similaire, en disant que l’énonciation fictive requiert de transgresser le principe de fidélité : « Nous supposons que l’auteur inclut uniquement les événements qu’il croit s’être déroulés, qu’il les raconte comme se déroulant dans l’ordre dans lequel il croit qu’ils se sont déroulés46. » Dans les deux versions, l’idée est que les cas des expériences de pensée de Currie ne sont pas écartés par un rapport sémantique entre l’énoncé et soit le monde actuel soit des mondes contrefactuels, mais par un désengagement face à certaines contraintes standards.
33Ce coup d’œil aux définitions intentionnalistes révèle autant ce qu’elles partagent, à savoir la condition intentionnaliste, que ce qui les sépare, à savoir l’accent sur l’aspect intentionnel ou sur l’aspect conventionnel de la communication fictive. Quoi qu’il en soit des détails nombreux et raffinés que possèdent les théories de Currie, Lamarque et Olsen, et de tant d’autres dont il n’a pas été question, la preuve est faite qu’elles reposent explicitement sur des théories du langage et de la communication. Il reste à voir maintenant si, ainsi que le craint Walton, des déformations naissent de cette confiance aveugle.
Débat autour de l’histoire d’origine naturelle
La critique de Walton : le cas de l’histoire naturelle
34Le contentieux entre, d’une part, Walton et, d’autre part, Currie, Lamarque et Olsen, Levinson et consorts est cristallisé autour d’un cas hypothétique. Le débat est, à l’origine, un argument de Walton contre les approches intentionnalistes. Il repose sur une expérience de pensée. La réplique des intentionnalistes sur ce cas est supposée défaire la version waltonienne du faire-semblant. Nous verrons que c’est incorrect.
35L’argument de Walton contre les théories du faire-semblant fondées sur une institution gricéenne de la fiction est simple. Il est un argument contre la nécessité de leurs définitions de la fiction. Il n’est pas nécessaire que les fictions résultent des actes spécifiques d’auteurs, conçus en termes d’intentions gricéennes. Il existe des représentations qui ne sont pas des artéfacts, des produits de la main ou de l’esprit de l’homme. Il existe des fictions naturelles. Contre la nécessité d’une fondation gricéenne aux théories du faire-semblant, notre philosophe oppose l’argument de l’histoire naturelle. Il est composé de deux scénarios hypothétiques. Le premier scénario met en scène la relation, ou l’absence de relation, entre une inscription non fictive et un acte illocutoire.
« Considérez l’inscription survenant naturellement d’une phrase assertive : par exemple, des lézardes dans une pierre qui, par pure coïncidence, forment “Le Mont Merapi est en éruption.” Et supposez que, d’une manière ou d’une autre, nous sachions avec certitude que les lézardes se soient formées naturellement, sans que personne ne les ait inscrites (ou ne les ait utilisées) pour asserter quoi que ce soit. Cette inscription ne nous convaincra pas que le Mont Merapi est en éruption, ou qu’il y a des raisons de le croire ou que quelqu’un le pense, ou désire que nous le pensions47. »
36Le premier scénario présente un cas de non-satisfaction des conditions gricéennes de la communication. On ne peut reconnaître, dans l’inscription naturelle, l’intention d’induire la croyance que le Mont Merapi est en éruption. En conséquence, nous n’avons pas de raison de croire que la proposition est vraie et, vraisemblablement, nous ne la croyons pas. Parce que nous les savons naturelles, les inscriptions ne peuvent être le moyen d’un acte de communication comme l’assertion. Le second scénario est composé des mêmes ingrédients que le premier, ou presque.
« Comparez à une histoire survenant naturellement : des lézardes dans une pierre forment “Il était une fois trois ours…” Le fait que nous réalisions que l’inscription n’a pas été fabriquée ou employée par qui que ce soit ne nous empêche pas nécessairement de lire l’histoire et d’y prendre plaisir comme nous l’aurions fait si elle l’avait été. Elle peut être envoûtante, entraînante, fascinante, réconfortante. On peut rire et pleurer. Certains aspects de nos expériences des histoires à auteur seront absents, mais les différences ne justifieront pas qu’on nie qu’elle fonctionne et soit comprise comme une histoire à part entière48. »
37Le second scénario présente, encore, un cas de non-satisfaction des conditions gricéennes de la communication. On ne peut pas reconnaître l’intention d’induire l’imaginé qu’il y a trois ours. En conséquence, nous prédit la théorie critiquée, nous n’avons pas de raison d’imaginer que la proposition est vraie, ce qui devrait nous retenir d’imaginer quoi que ce soit. Il n’en est rien ; la prédiction est tout bonnement erronée. Le philosophe met l’accent sur les aspects de l’expérience de la fiction naturelle. Il insiste, de cette manière, sur nos réponses imaginatives, qui sont des réponses raisonnables à des prescriptions imaginatives. De l’imagination, il remonte vers la fictionalité de propositions, en vue de se hisser vers la fictivité de l’objet naturel. La roche lézardée « fonctionne et est comprise » comme une fiction. Elle est une fiction naturelle. Elle est un support imaginatif. Mieux, elle possède la fonction de support imaginatif ; elle n’est pas un support imaginatif ad hoc, qui dépendrait fortement de dires, d’actes, de pensées. On ne doit pas la classer comme on classe les nuages, les buissons, les réveils, mais comme on classe les poupées, les voiturettes, les œuvres représentationnelles. Un monde fictionnel est constitué par l’ensemble des propositions, qu’en tant que support, elle indique et rend fictionnelles. Mieux, elle possède un monde fictionnel de l’œuvre ; la génération n’opère, pour l’essentiel, pas dans « l’espace réel », mais dans son propre « espace fictionnel49 ». On ne doit pas tant la rapprocher des poupées, des voiturettes, pour lesquelles presque rien n’est fictionnellement vrai isolément de ce que nous en faisons, de ce qui l’entoure, que des romans et des films. Elle est pleinement une fiction, elle comporte de véritables prescriptions à imaginer, il est littéralement autorisé d’imaginer qu’il y a trois ours.
38Il ne faudrait pas se méprendre. Notre philosophe ne dit pas que l’institution de la fiction n’attribue aucun rôle aux artistes. Il dit seulement qu’ils ne participent pas fondamentalement au fonctionnement des fictions et de la fictionalité50. Notre philosophe concède que certaines méta-règles sont intentionnalistes. Les intentions communicatives des artistes déterminent que certaines choses ont pour fonction d’être des supports. Cependant, les méta-principes intentionnalistes ne sont qu’une manière parmi d’autres de fixer la fonction de support d’une chose. Il n’est pas vrai que toutes les fictions le sont en vertu des intentions communicatives.
« Le fabriquant de fiction entre en jeu, tant qu’il est compris que la fonction dépend de ses intentions. Mais il n’est pas nécessaire qu’il soit compris qu’elle dépend d’elles. Notre théorie de la fiction s’applique systématiquement, indépendamment des moyens particuliers de fixer les fonctions51. »
39L’institution de la fiction réserve une place importante aux artistes. Ils contribuent grandement au jeu de faire-semblant.
« Lorsque nous laissons à d’autres (aux artistes) le soin de construire [des supports] pour nous, nous pouvons non seulement profiter de l’engouement du jeu, mais également de talents et de la perspicacité qu’ils peuvent apporter à l’exercice52. »
40Lorsqu’une fiction est en défaut de créateur, quelques aspects de nos expériences manquent également, l’appauvrissant indéniablement.
« Nous n’appréhenderons pas l’auteur et sa société s’il n’y a pas d’auteur, pas plus que nous n’admirerons sa compétence de conteur ou que nous ne nous émerveillerons de la perspicacité de sa vision de la condition humaine. Nous ne reconnaîtrons pas davantage ses affirmations ou protestations ou recevrons ses promesses ou excuses53. »
41Au-delà de la non-nécessité des intentions auctoriales, notre philosophe pense certainement qu’il ne suffit pas de résulter d’actes spécifiques d’auteurs pour être une fiction. Certes, les auteurs qui maîtrisent certaines des méta-règles de l’institution sont en capacité de « manipuler » leurs créations et de « prédire comment elles seront utilisées » dans une société donnée54. L’acte de fabrication n’en est pas pour autant un acte de communication : « La fabrication de fiction est simplement l’activité de construction de tels supports55. » Mais le sort de ces produits n’est pas ultimement entre leurs mains…
42Selon moi, l’argument de Walton est un bon argument. Tout hypothétique que soit le cas de l’histoire naturelle, il n’est pas une critique facile ou grossière de l’intentionnalisme. Notre philosophe aurait pu opter pour un argument plus radical. Il aurait très bien pu proposer, comme il en a une certaine habitude, une société imaginaire, où les artistes produisent des représentations sans former l’intention que les publics imaginent ce qui est représenté, sans former l’intention qu’ils l’imaginent en raison de la reconnaissance de l’intention précédente. Mais il est à parier que la nouvelle variation de l’expérience aurait dû, pour beaucoup, son succès ou son échec aux affinités de son lectorat en matière de théorie du langage. Il aurait également pu opter pour des cas moins hypothétiques. À l’heure du numérique, il n’est pas difficile de trouver des textes ou des images générés par intelligence artificielle : le célèbre Deepdream de Google, ou le projet « Next Rembrandt » en fournissent des exemples. Si tant est que ces exemples soient pertinents, ils posent toutefois la question hasardeuse de l’intention des informaticiens et chercheurs en sciences cognitives responsables des intelligences artificielles. Ce n’est pas sans raison que l’argument de l’histoire naturelle ressemble, dans une certaine mesure, davantage aux arguments de Putnam concernant, disons, une image-de-Pégase dessinée par hasard par le parcours d’une fourmi sur le sable, ou une description-de-Hamlet inscrite par des singes tapant hasardeusement les touches d’une machine à écrire pendant des millions d’années56. En comparaison, le bénéfice du scénario qu’il imagine est que celui-ci met en scène quelque chose que sa théorie reconnaît indubitablement comme une fiction.
La réplique de Currie : le concept de pseudo-fiction
43La critique constituée par l’argument de l’histoire naturelle a fait couler beaucoup d’encre. Elle n’est généralement pas prise au sérieux. Marion Renauld déclare, par exemple, qu’elle « ne semble pas être une expérience de pensée concluante pour rejeter aussi facilement […] les conditions intentionnalistes de la fictionalité57 ». Contre elle, Gregory Currie propose un contre-argument fameux. De nombreux auteurs, en particulier Peter Lamarque et Stein Olsen, l’ont repris, jouant de variations. La confiance qu’on accorde aux répliques intentionnalistes est à la mesure de la défiance envers la critique anti-intentionnaliste. Manuel Garcia-Carpintero, par exemple, se contente, allusivement et sans autre forme de procès, de déclarer que les écrits de ces philosophes « fournissent des réponses convaincantes à ces critiques58 ». Je ne trouve pas les contre-arguments convaincants. Il est urgent d’en exposer les défauts. On va étudier deux stratégies de réponses opposées à l’argument de l’histoire naturelle. Il est remarquable que ces stratégies des tenants d’une structure gricéenne ne soient pas seulement une défense contre l’attaque de Walton. Elles sont souvent une attaque contre la structure waltonienne de l’institution de la fiction. Basiquement, les répliques consistent à montrer que la critique de l’histoire naturelle et, par extension, la définition waltonienne de la fiction sont habitées d’une confusion.
44La première stratégie de réponse repose sur la proposition selon laquelle l’histoire naturelle n’est pas une œuvre de fiction. Il est décent de penser que, si l’histoire naturelle n’est pas une fiction, alors la critique de Walton est caduque. Il en résulterait une parfaite réplique. La feuille de route est, dès lors, claire. La réplique intentionnaliste doit montrer en quoi l’histoire naturelle est similaire à une fiction, en quoi elle n’en est cependant pas une. Dans la version originale de la réponse, Gregory Currie défend la proposition par une analyse conceptuelle, qui emporte largement l’adhésion des théoriciens du faire-semblant. D’après l’analyse, le concept populaire de fiction doit être distingué d’un autre concept populaire. Une fois la confusion levée, le statut de l’histoire naturelle paraît au grand jour.
« [L’]argument [de l’histoire naturelle] peut, au mieux, établir que nous pouvons traiter les formes à la surface de la pierre comme si elles étaient une fiction ; nous pouvons réagir comme nous l’aurions fait face à une œuvre fictionnelle. Ce n’est cependant pas suffisant pour faire de quelque chose une fiction. Si cela l’était, la Bible serait indubitablement une œuvre de fiction, puisque beaucoup de personnes lisent et prennent plaisir aux histoires de la Bible comme fiction. Ce qui fait de la Bible une non-fiction (si c’est bien ce qu’elle est) est précisément l’absence de la sorte d’intention correcte de la part de ses auteurs. Presque n’importe quoi peut être lu comme fiction, mais tout n’est pas fiction59. »
45Le passage est à prendre avec un grain de sel. En l’état, la réponse de Currie s’adresse littéralement à un homme de paille. D’après Walton, il est faux que toute chose employée comme support imaginatif soit une fiction ; par exemple, les buissons des ours-buissons n’en sont pas. La définition waltonienne de la fiction repose sur le concept de fonction : « On pourrait dire qu’une chose a une fonction donnée (relativement à un certain groupe social) s’il existe une tradition ou pratique commune ou convention (dans ce groupe social) d’emploi de la chose ou de choses semblables à cette fin60. » Sa critique est que l’histoire naturelle compte comme fiction relativement à une société, non pas qu’elle soit seulement un support ad hoc. Currie est parfaitement conscient que la réponse ne peut pas simplement être que l’histoire naturelle (ou la Bible) est une chose qu’on traite ponctuellement comme si elle était une fiction, mais qu’elle doit être qu’il existe, pour reprendre une formule de Jerrold Levinson, un « emploi enraciné (entrenched) » de l’histoire naturelle (ou de la Bible) comme fiction61. Le philosophe différencie, pour cette raison, la catégorie de fiction, dont l’appartenance est, en partie, déterminée en termes d’intentions gricéennes, et la catégorie de pseudo-fiction, dont l’appartenance « est déterminée par le fait qu’il y a une pratique répandue de lecture de l’œuvre comme si elle était une fiction62 ». La réplique est, dès lors, que l’histoire naturelle est seulement une pseudo-fiction. Derrière la clarification conceptuelle, il est nettement suggéré que la catégorie de Walton de représentation-fiction correspond à la catégorie de Currie de pseudo-fiction, que la théorie waltonienne, non seulement sa critique, est habitée de la confusion entre fiction et pseudo-fiction.
46De nombreux philosophes seraient disposés à prendre la démarcation conceptuelle de Currie pour un coup décisif porté à la critique de l’histoire naturelle. Le coup de sifflet est prématuré. En l’état, la réplique de Currie comporte une pétition de principe. Il est facile de la mettre en évidence. L’argument de l’histoire naturelle est une critique de la définition en termes d’intentions gricéennes. La réplique à l’argument de l’histoire naturelle présuppose la démarcation entre fiction et pseudo-fiction. La démarcation entre fiction et pseudo-fiction présuppose la définition en termes d’intentions gricéennes. Or, l’argument de l’histoire naturelle est une critique de la définition en termes d’intentions gricéennes… La circularité paraît clairement. Elle n’est pas rédhibitoire. En l’état, la réplique de Currie établit, au mieux, que d’après sa théorie l’histoire naturelle n’est pas une fiction. Elle renforcera les penchants intentionnalistes, mais elle ne devrait pas convaincre les tenants d’un anti-intentionnalisme comme Walton. La feuille de route doit être précisée, ce dont Currie est, encore une fois, bien conscient. La réplique de Currie doit donner des raisons indépendantes de croire qu’une théorie doit distinguer fiction et pseudo-fiction. La raison indépendante qu’il avance est qu’il y a, dans le langage ordinaire, une différence entre les concepts populaires de fiction et pseudo-fiction. Son argument repose, principalement, sur deux cas hypothétiques.
« Si nous ne faisons pas la distinction, nous devons dire que L’Origine des espèces serait une fiction si une partie ou la plupart des personnes adoptait l’attitude, à son égard, appropriée à la lecture d’une fiction : un résultat certainement inacceptable. Reprenons l’exemple de la Bible de notre précédente discussion. Si l’athéïsme devient plus répandu qu’il ne l’est, je peux imaginer que les chrétiens (ceux qui restent) admettent que la Bible est une pseudo-fiction (en mon sens) et nient qu’elle soit une fiction. Dire que la Bible est une fiction est bien plus provocant pour un croyant que dire qu’elle est souvent lue comme une fiction63. »
47La structure logique du raisonnement est explicitement la suivante. Currie tient pour vraie la proposition conditionnelle matérielle :
10. S’il n’y a pas de séparation conceptuelle entre fiction et pseudo-fiction, alors, dans les circonstances exposées, le texte sacré et le texte scientifique sont des fictions.
48Le conséquent est faux, Currie tient pour vraie la proposition négative :
11. La Bible et L’Origine ne sont pas des fictions.
49Plus précisément, ces œuvres ne deviennent pas fictions. D’aucuns défendraient le contraire qu’ils s’attireraient l’ire, respectivement, de la communauté chrétienne et de la communauté d’histoire des sciences. Par modus tollens, la négation de l’antécédent est vraie : il y a une telle séparation conceptuelle. Le raisonnement est certainement valide. S’il est correct, alors Currie est en droit d’affirmer : « Quiconque dit, très justement, “On le[s] pens[e] largement et faussement être une fiction”, doit être en train de faire une distinction entre être fiction et être considéré comme fiction. » En conséquence, l’ordinarité ou la popularité des concepts sont assurées ! Dès lors, la théorie de Currie veut rendre compte de leurs extensions, par les définitions énoncées plus tôt. D’après lui, les catégories de fiction et de pseudo-fiction se chevauchent extensionnellement. Une œuvre peut être une fiction et une pseudo-fiction ; généralement, les œuvres de fiction sont des pseudo-fictions. Mais une œuvre peut être une non-fiction et une pseudo-fiction ; c’est le cas de la Bible ou de L’Origine dans les expériences de pensée ou de l’histoire naturelle dans la critique. Au-delà de la réplique, la distinction apporte une clarification sur la nature des fictions : rien ne devient une fiction, au sens où aucune œuvre de non-fiction ne devient une œuvre de fiction et réciproquement. La réplique de Currie suggère que Walton commet cette confusion ontologique. La distinction apporte une clarification sur l’épistémologie des croyances portant sur la fictivité d’une chose : « Ne confonds pas l’affirmation (historiquement révisable) que ces œuvres sont des fictions et l’affirmation (moins révisable) qu’elles sont des pseudo-fictions64. » Nos jugements sur la fictivité d’une œuvre sont certainement souvent erronés : il est facile de se tromper sur les intentions des artistes. Nos jugements sur la pseudo-fictivité d’une œuvre le sont bien moins : il n’est pas commun de se tromper sur ces pratiques, en cela qu’on les suppose bien partagées. La réplique suggère, encore, que Walton commet la confusion épistémologique. Ce sont là les véritables objections de Currie.
50La réplique de Currie est bien moins claire qu’elle ne paraît. Mieux, le moment crucial de l’argument de la Bible et de L’Origine est bien moins clair qu’on ne l’a présenté ; d’importantes et confuses qualifications étaient occultées. Voyons le problème. Le morceau d’analyse conceptuelle n’est une réponse à la critique de Walton qu’en accomplissant deux choses.
- Premièrement, l’analyse conceptuelle est supposée révéler que la thèse descriptive, selon laquelle la théorie populaire de l’homme de la rue comprend un concept de fiction et un concept de pseudo-fiction, est vraie. Or, les théories populaires sont le gagne-pain des philosophes précisément parce qu’elles sont habitées de confusions. Isolée, la thèse descriptive importe peu.
- Deuxièmement, l’analyse conceptuelle est supposée révéler que la thèse prescriptive, selon laquelle la théorie philosophique du théoricien de la fiction doit comprendre un concept de fiction et un concept de pseudo-fiction, est vraie.
51L’analyse court deux lièvres à la fois. Le cas de la Bible et le cas de L’Origine sont, sous ce rapport, réinterprétables.
- Prenons d’abord le cas de la Bible. La proposition négative est indéniablement une proposition populaire. Elle porte sur les croyances de l’homme de la rue (« les chrétiens nient que… »). Le fait que l’homme de la rue croie cela n’implique pas que le philosophe croit ou doit croire cela. De fait, Currie indique que « la Bible, ou des parties d’elle, pourrait être fiction65 ». Le cas de la Bible serait un argument en faveur de la thèse descriptive.
- Prenons ensuite le cas de L’Origine. La proposition conditionnelle est vraisemblablement une proposition théorique, que Currie tient lui-même pour vraie. Les propositions antécédente et conséquente, à savoir « nous faisons… » et « nous devons dire… », ne réfèrent pas tant, d’après le contexte, à l’homme de la rue qu’au philosophe. De fait, l’instant d’avant, Currie évoque les philosophes qui reconnaîtraient la distinction, au rang desquels se trouvent « beaucoup qui n’acceptent pas [la] théorie qu[’il] propose (e. g., Searle et d’autres partisans de la théorie de la feinte)66 ». Le cas de L’Origine serait un argument en faveur de la thèse prescriptive.
52Nous faisons face, si j’ai raison, à deux thèses supportées par deux arguments. En deçà de cela, beaucoup m’échappe. La thèse prescriptive dépend-elle de la thèse descriptive ? Quel est, au fond, l’argument en faveur de la thèse prescriptive ? Du reste, deux aspects de son raisonnement ont été clarifiés : la proposition négative (populaire) de l’argument en faveur de la thèse descriptive ; la proposition conditionnelle (théorique) de l’argument en faveur de la thèse prescriptive.
53Au-delà de ces perplexités, un aspect central de la réplique manque encore de clarté. Est-ce qu’il y a là une raison indépendante de la théorie d’admettre que l’histoire naturelle est seulement une pseudo-fiction ? Currie n’affirme, à ma connaissance, nullement qu’il y a une telle raison. Pourtant, le dédain massif porté à l’argument de l’histoire naturelle me laisse croire que, pour beaucoup de théoriciens intentionnalistes, le philosophe le suggère. Une prémisse complémentaire permettrait à l’intentionnaliste de répondre positivement à la question. Elle serait la proposition suivante :
12. Si une théorie de la fiction admet que l’histoire naturelle est une fiction, alors elle nie qu’il y ait une distinction conceptuelle entre fiction et pseudo-fiction.
54D’après les thèses respectivement prescriptive et descriptive de Currie, une théorie de la fiction doit reconnaître la distinction, au motif que la théorie populaire la reconnaît effectivement. De là, on peut grossièrement inférer qu’une théorie de la fiction se doit de nier que l’histoire naturelle soit une fiction. Par extension, cela suggère qu’une théorie qui admet que l’histoire naturelle est une fiction est sujette à une confusion ontologique, qui était que rien ne « devient » fiction (au sens indiqué), et une confusion épistémologique, qui était que les jugements de fictivité, contrairement aux jugements de pseudo-fictivité sont facilement révisables. En conséquence, pourrait croire le théoricien intentionnaliste, la prémisse complémentaire offrirait à coup sûr une contre-attaque puissante à la critique waltonienne. Ce n’est pas le cas. La prémisse complémentaire est fausse. La théorie de Walton permet de refuser la proposition conditionnelle ajoutée, en niant son conséquent et en affirmant son antécédent. Au fil de notre étude, il est ressorti que la définition institutionnelle et le critère fonctionnel de la théorie de Walton sont tenus pour vagues : la catégorie des fictions-représentations est, en partie, extensionnellement indéterminée. La raison en était qu’il n’y avait pas de théorie de la fonction dans la construction théorique de Walton. Par contre, notre philosophe admet quatre conceptions de la fonction : elles permettent, quand un conflit survient sur le statut fictif d’une chose, de clarifier ce qui est conflictuel.
- D’après l’option relativiste, une chose, A, est une représentation relativement à une société donnée. Autrement dit, il se peut que A soit une représentation pour une société X et ne le soit pas pour une société Y. Par exemple : « Les mythes de l’ancienne Grèce ont pu être des non-fictions pour les Grecs et des fictions pour nous67. » Dans ce cadre, L’Origine et la Bible sont des fictions relativement à leurs sociétés hypothétiques respectives ; ni l’une ni l’autre ne deviennent des fictions.
- D’après l’option historiciste, le statut d’une représentation est hérité. Si A est créé dans une société X et A est une représentation pour X, alors A est une représentation pour toute autre société Y. Par exemple : « Si les mythes de la Grèce était des non-fictions pour les Grecs, peut-être qu’ils sont également des non-fictions pour nous, en dépit du fait que nous les employons et les comprenons comme des fictions68. » Dans ce cadre, L’Origine et la Bible ne sont pas des fictions relativement à leurs sociétés hypothétiques respectives ; ni l’une ni l’autre ne sont jugées fictions.
55La conception historiciste de la fonction suit les analyses de Currie sur la Bible et L’Origine. Elle ne rejette ni la proposition populaire négative ni la proposition conditionnelle théorique exposées dans le paragraphe précédent. Couplée à la conception relativiste de la fonction, elle répond aux soupçons de confusions ontologiques et épistémologiques. En ce sens, la théorie de Walton nie le conséquent de la prémisse complémentaire : elle comprend bien un semblant de distinction conceptuelle entre fiction et pseudo-fiction, qu’illustre parfaitement le cas des mythes grecs. Par contre, elle admet l’antécédent de la prémisse complémentaire, au motif que, face à l’histoire naturelle, l’option historiciste n’est pas pertinente. L’option relativiste s’applique : l’histoire naturelle est une fiction, parce qu’on l’emploie et la comprend en tant que fiction. En conséquence, la théorie de Walton montre que la proposition conditionnelle ajoutée est fausse. Il est faux que si une théorie de la fiction admet que l’histoire naturelle est une fiction, alors elle nie qu’il y ait une distinction conceptuelle entre fiction et pseudo-fiction.
56Notre longue discussion de la réplique de Currie met en avant un aspect important : elle ne comporte aucune raison indépendante de la condition intentionnaliste de penser que l’histoire naturelle est une non-fiction, une pseudo-fiction. L’alternative entre la théorie de Walton et la théorie de Currie paraît réduite à une question de préférence. Selon moi, elle ne l’est pas. La réplique de Currie est que l’histoire naturelle n’est pas une fiction, ce qui implique qu’il n’y a aucune prescription à imaginer. Il n’y a aucune raison d’imaginer qu’il y a trois ours. En lieu et place de cela, nous faisons, se voit-on dire, comme s’il y avait des prescriptions à imaginer, comme s’il y avait des raisons d’imaginer la proposition. Il est supposé que la donne est simplifiée de cette manière. Or, le comme si, expression fétiche de Hans Vaihinger, désigne une notion, autant théorique que pratique, complexe, puissante et historiquement liée à la notion de faire-semblant. L’intentionnaliste ne peut se passer d’élucider les rapports entre le comme si et le faire-semblant. La réplique de Currie me paraît mal engagée pour clarifier ce point. En particulier, Currie suggère qu’il n’y a pas de différence attitudinale entre considérer une chose en tant que fiction et considérer une chose comme si elle était une fiction : il pourrait s’avérer qu’on pensait traiter une chose en tant que fiction, alors que l’histoire de fabrication de l’objet nous apprend qu’on la traitait comme si elle était une fiction. Si l’on suit Vaihinger, la seconde est d’un ordre supérieur à la première, ce qui pose immédiatement un problème : on ne peut ignorer que l’on fasse comme si. Si l’on ne suit pas Vaihinger, il reste que le comme si paraît être un comportement imaginatif, conceptuellement rattaché à la fiction : en ce cas, cela revient à préférer aux méta-règles de Walton, des méta-imaginés, en mesure de rendre imaginativement approprié d’imaginer qu’il y a trois ours. En somme, dès qu’on prend quelques instants pour observer les conséquences de remarques en apparence anodines, elles paraissent bien moins évidentes, bien moins claires. Selon moi, il est bien plus convaincant de considérer qu’il y a des prescriptions à imaginer dans le cas de l’histoire naturelle.
Les critiques de Levinson, Lamarque et Olsen : les présupposés de l’argument
57La première stratégie de réponse est, on l’a dit, l’affirmation selon laquelle l’histoire naturelle n’est pas une fiction. Il ne suffit cependant pas de le clamer. Le complément de la première stratégie est de se conformer au proverbe populaire : « La meilleure défense est l’attaque ! » Il passe par l’idée qu’une définition de la fiction qui inclut l’histoire naturelle est une mauvaise définition. Le complément de la stratégie, implicitement suggéré par Currie, est explicitement endossé par Jerrold Levinson. Selon Levinson, le critère fonctionaliste de la définition de Walton repose sur un présupposé confus.
« “Quelque chose pourrait être dit avoir une fonction (pour un certain groupe social) s’il existe une tradition ou une pratique commune ou une convention [(dans ce groupe social)] d’usage de la chose ou de choses semblables à cette fin.” Il semble évident, ici, que Walton est simplement en train de confondre fonction et emploi enraciné. Mais les choses n’acquièrent pas de fonction, en un sens robuste, même en étant régulièrement employées d’une certaine manière69. »
58La confusion porte sur la différence entre la fonction de support et l’emploi enraciné en tant que support. Les concepts de fonction et d’emploi enraciné sont différenciés par ce qui les détermine : une fonction est déterminée « soit par sélection naturelle soit par conception humaine » ; un emploi enraciné est déterminé soit par tradition, soit par une convention, soit par des pratiques. Il présente alors un argument général contre le critère fonctionnel. Étant acquis que, d’après Walton, la fonction de support n’est pas nécessairement fixée par conception humaine, il s’ensuit, estime Levinson, que la fonction de support à l’esprit de Walton résulte d’une sélection naturelle. C’est inadéquat. Levinson juge « malvenu » de fonder la démarcation entre fiction et non-fiction sur « une notion de fonction au parfum de biologie ». Il présente ensuite une réplique à l’argument de l’histoire naturelle. Lorsque Walton affirme que c’est la fonction du charbon brut que de chauffer les maisons, de l’or brut que de servir de monnaie d’échange, de la Grande Ours que de rendre fictionnel qu’il y a un ours, il commet la confusion décriée70. D’après Levinson, un concept robuste de fonction exclut ces cas, comme il exclut l’histoire naturelle, qui ne sont que des emplois enracinés.
59La critique de Levinson n’est pas un complément satisfaisant à la première stratégie. La théorie de Walton comporte un refus de la proposition sur laquelle reposent les deux arguments de Levinson, à savoir, qu’il y a deux sortes de rôle, l’un biologiquement déterminé (la fonction), l’autre culturellement déterminé (l’emploi enraciné). De fait, au moment de décider si une fonction est déterminée par des moyens naturels ou par des moyens conventionnels, Walton écarte la question même :
« Après avoir lu Quine et Wittgenstein, nous ne pouvons pas être très optimistes envers l’espoir de faire tenir la distinction71. »
60Le philosophe fait certainement allusion aux raisonnements de Quine sur la logique et les mathématiques dans « Truth by Convention » et de Wittgenstein sur les langues naturelles dans ses Recherches72. Il n’est pas le seul à retenir cette leçon de l’histoire. Putnam propose la même lecture :
« Deux philosophes analytiques importants sont parvenus à la conclusion que la convention est une chose relativement superficielle. Elle repose sur des faits à propos de nous qui sont Naturels et non Conventionnels73. »
61En l’état, la critique de Levinson est écartée simplement par argument d’autorité. Nul doute qu’on pourrait me reprocher de m’en contenter. Les remarques très tranchées et lapidaires de Levinson ne m’en convainquent pas. L’argument d’autorité suffit à suggérer qu’en dépit des dires de Levinson, notre philosophe est certainement plus prudent que son détracteur quant au concept de fonction.
62La seconde stratégie de réponse repose, d’une part, sur la proposition selon laquelle l’histoire naturelle est bel et bien une fiction ; cependant, elle maintient, d’autre part, la proposition selon laquelle la fiction naturelle résulte d’un acte intentionnel de fabrication. La réponse est un véritable retournement. La stratégie consiste à montrer, « dans les propres termes de Walton », que sa critique présuppose implicitement ce qu’elle critique. La réplique, introduite par Peter Lamarque et Stein Olsen, est, d’après moi, la plus honnête intellectuellement des réponses étudiées. Les deux penseurs considèrent sans détour le problème posé par l’argument de Walton. Ils concèdent le point, en admettant qu’il y a des fictions naturelles. Mais ils contestent la victoire, en assumant jusqu’au bout les thèses intentionnalistes qu’ils endossent : « L’acte de traiter un objet ou un texte comme une fiction [constitue, ici], l’acte de faire de l’objet ou du texte une fiction. » Voyons l’argument. Dans un premier temps, les deux philosophes imposent une notion de fabrication très large.
« La séparation entre fiction et fabrication n’est pas souhaitable […]. Parce que assigner à un objet un rôle dans un jeu de faire-semblant est autant une sorte de fabrication – et une action intentionnelle – que la construction d’un support en un sens plus littéral74. »
63Par extension, ils imposent une notion de fabricant très large.
« Ce n’est pas avant que quelqu’un fasse délibérément quelque chose avec ces phénomènes naturels, au moins qu’il adopte une attitude appropriée à leur égard, qu’ils ne deviennent des fictions. Ils sont faits (made into) fictions par cette attitude intentionnelle en une occasion spécifique75. »
64Le contre-argument est, dès lors, le suivant. La roche est une fiction seulement si un individu agit d’une certaine manière sur la roche. S’il n’existait pas un individu qui réalise ces actes intentionnels, alors la roche ne serait pas une fiction. En somme, l’histoire naturelle n’est une fiction que lorsqu’elle rencontre son premier lecteur. Il assigne la fonction de support à la roche lézardée ; il adopte l’attitude fictive envers la roche lézardée. L’attitude fictive est caractérisée comme la réponse appropriée à l’énonciation fictive :
« La réponse constitutive la plus fondamentale à l’énonciation fictive inclut (au moins) ce qui suit : saisir – et réfléchir sur – le sens des phrases énoncées ; construire une supplémentation imaginative de ce sens ; faire semblant de croire que des faits, événements, lieux, et ainsi de suite, particuliers et actuels sont décrits (même lorsqu’on sait qu’ils ne le sont pas)76. »
65L’attitude fictive est une notion parapluie, abritant un réseau complexe d’attitudes intentionnelles variées, que les deux penseurs ne cloisonnent pas. L’acte intentionnel consistant à conférer la fonction de support n’est pas constitutif de l’attitude fictive, elle s’ajoute cependant à la somme des actes intentionnels du lecteur. Mieux, l’acte d’assignation rend appropriées, ou autorise, les diverses attitudes intentionnelles listées. Les prescriptions imaginatives de la fiction naturelle sont « fondé[es] par l’intention que l’attitude fictive doit être adoptée ». Du point de vue de l’institution gricéenne, notre premier lecteur est un artiste, même s’il n’est qu’un artiste du dimanche. Il a fabriqué une œuvre de fiction à partir d’une simple roche lézardée. Avant lui, la roche n’était qu’un « bon candidat » au rôle de support77.
66La critique de Lamarque et Olsen ne me paraît pas satisfaisante. Une difficulté mineure provient du fait que les deux philosophes n’explicitent pas sous quelles conditions l’acte de traiter une chose comme une fiction constitue l’acte de fabrication d’une fiction. Pour reprendre le jeu des ours-buissons, lorsque Eric déclare « Mettons que les buissons sont des ours ! », il assigne certainement aux buissons un rôle de support. Lamarque et Olsen ne précisent pas en quoi ils ne sont pas des fictions, en quoi leur catégorie de fiction n’est pas, finalement, encore plus profuse que la catégorie de Walton. Une difficulté plus importante provient du fait qu’ils ne donnent pas suffisamment de raison de croire ni qu’il y a un acte d’assignation réalisé, ni que celui-ci vaut fabrication. Nous n’avons certainement aucune raison de penser que notre premier lecteur ou artiste du dimanche dise pour lui-même ou pense consciemment : « Mettons que la roche est une histoire ! » Cependant, selon Lamarque et Olsen, l’individu fait intentionnellement quelque chose que ne font pas les individus venant après lui. L’acte supplémentaire, s’il n’est pas stipulatoire, reste l’acte d’assignation, l’acte, en un sens diffus, de fabrication. Cela me paraît contestable. Dans le récit imaginé par Walton, l’artiste du dimanche est parfaitement remplaçable. Les deux philosophes admettraient également, je pense, que toute personne capable de faire fonctionner une fiction littéraire aurait pu être l’artiste du dimanche. Quelqu’un, qui qu’il soit, réalise l’acte intentionnel d’assignation à l’égard de la roche dès lors qu’il découvre la roche et qu’il adopte l’attitude fictive à l’égard de la roche. La condition de découverte est insatisfaisante. Imaginons que l’artiste du dimanche soit un paria, qui ne dit rien à personne au sujet de la pierre. Quelque temps plus tard, imaginons qu’un promeneur mondain tombe sur la curiosité, en rapporte la nouvelle à ses confrères qui, après quelques jours, défilent devant la découverte. Qui est responsable de la fictivité du phénomène naturel ? Le paria, pourrait-on dire ! Or, il ne semble pas avoir fait quoi que ce soit de plus que les autres. Son hypothétique assignation est restée lettre morte. Le mondain, alors ! S’il était responsable de la fictivité des craquelures, on serait contraint de nier que le paria ait lu ou ait été autorisé à lire l’histoire naturelle en tant que fiction. Les deux, en ce cas ! Lamarque et Olsen refuseraient vraisemblablement cela. La possibilité signerait l’échec de leur conception de l’acte d’assignation. De plus, si l’on admet que tous deux assignent, tour à tour, la fonction de support, rien ne nous empêche de dire que l’ensemble des badauds se pressant pour voir la curiosité réalisent un acte d’assignation. Dans ces conditions, l’acte d’assignation n’aurait plus rien d’un acte de fabrication. Il est bien moins douteux de penser que tous sont seulement disposés à faire fonctionner les inscriptions naturelles, que de les croire de surcroît disposés à assigner la fonction de support.
67Les versions intentionnalistes du faire-semblant sont inadéquates. Dans ce chapitre, nous avons étudié un débat qui n’occupe jamais plus de quelques phrases, quelques pages dans les travaux des théoriciens du faire-semblant, mais sur lequel ils se prononcent. Le débat fonde, très significativement, les allégeances. Il est courant, pour un intentionnaliste, de mentionner la réplique de Currie et, ce faisant, se détourner de la pensée de Walton. Mais les répliques à la critique de Walton sont bien moins claires qu’elles ne le paraissent. La réplique de Levinson repose sur des prémisses douteuses, celle de Lamarque et Olsen sur un postulat peu convaincant. La réplique de Currie est certainement plus élaborée mais, outre qu’elle n’est pas claire, elle paraît, à certains égards, inconséquente. Le contre-argument de l’histoire naturelle est un bon argument.
Notes de bas de page
1 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 1. Mes italiques.
2 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 30.
3 Ibid., p. 16.
4 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 2.
5 Friend Stacie, « Imagining Fact and Fiction », art. cité, p. 153. S’il est besoin de le préciser, Friend ne soutient pas une théorie intentionnaliste, ni même une théorie du faire-semblant.
6 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 1. Mes italiques.
7 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 29. Mes italiques.
8 Davies David, Aesthetics and Literature, op. cit.
9 Le fait que certaines théories intentionnalistes portent ensuite une attention soutenue, par exemple, aux fictions cinématographiques, à l’instar de Currie dans son Image and Mind, n’est pas démentir le présupposé méthodologique.
10 Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 75.
11 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 159.
12 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 24. Mes italiques.
13 Stock Kathleen, « Imagination and Fiction », dans Kind Amy (éd.), The Routledge Handbook of Philosophy of Imagination, New York, Routledge, 2016, p. 205.
14 Friend Stacie, « Fictive Utterance and Imagining II », dans Aristotelian Society Supplementary Volume, vol. 85, n° 1, 2011, p. 166.
15 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 32.
16 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 34-35.
17 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 34. Mes italiques.
18 Ibid., p. 47.
19 Pettersson Anders, « On Walton’s and Currie’s Analyses of Literary Fiction », dans Philosophy and Literature, vol. 17, n° 1, 1993, p. 85.
20 Currie Gregory, Image and Mind : Film, Philosophy and Cognitive Science, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 161. Une meilleure version de l’idée se trouve chez Alex Neill : cf. supra, chap. « Participation ».
21 Levinson Jerrold, « Making Believe », art. cité, p. 365.
22 Schroeder Timothy et Matheson Carl, « Imagination and Emotion », dans Nichols Shaun (éd.), The Architecture of the Imagination : New Essays on Pretence, Possibility, and Fiction, Oxford, Clarendon Press, 2006, p. 21.
23 Ibid., p. 24. Mes italiques.
24 Matravers Derek, Fiction and Narrative, op. cit., p. 24 ; Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 20. Mes italiques.
25 Ibid., p. 75.
26 Ibid., p. 87.
27 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 75.
28 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 24.
29 Grice Herbert Paul, « Meaning », dans Philosophical Review, vol. 66, n° 3, 1957, p. 385.
30 Ibid.
31 Searle John, « What is a Speech Act ? », dans Black Max (éd.), Philosophy in America Londres, G. Allen & Unwin, coll. « Muirhead Library of Philosophy », 1965, p. 223.
32 Ibid., p. 230.
33 Ibid., p. 229.
34 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 45.
35 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 15.
36 Ibid., p. 11.
37 Ibid., p. 33.
38 Ibid., p. 31.
39 Ibid., p. 46.
40 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 34.
41 Ibid., p. 32.
42 Ibid., p. 45-46.
43 Ibid., p. 77.
44 Ibid., p. 45.
45 Ibid., p. 77.
46 Davies David, Aesthetics and Literature, op. cit., p. 46.
47 Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 86.
48 Ibid., p. 87.
49 Ibid., p. 62.
50 Les raisonnements sur la fictionalité sont similaires aux raisonnements sur la fictivité, mais sont plus éparpillés : cf. par exemple, ibid., p. 111, 166. Je les laisse ici de côté.
51 Ibid., p. 88.
52 Ibid., p. 68.
53 Ibid., p. 87.
54 Ibid., p. 53.
55 Ibid., p. 88.
56 Putnam Hilary, Reason, Truth, and History, op. cit., chap. 1. Cf. Rouillé Louis, Disagreeing About Fiction, thèse de philosophie, dir. Paul Egré et François Récanatti, université PSL, Institut Jean Nicod, 2019, 8.1, pour d’autres cas réels problématiques pour l’intentionnalisme. Rouillé prend judicieusement l’exemple des Cent mille milliards de poèmes de Queneau.
57 Renauld Marion, Philosophie de la fiction, op. cit., p. 69.
58 Garcia-Carpintero Manuel, « Fiction-Making as a Gricean Tllocutionary Type », dans Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 65, n° 2, 2007, p. 216, n. 55.
59 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 36.
60 Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 52.
61 Levinson Jerrold, « Making Believe », art. cité, p. 366.
62 Currie Gregory, The Nature of Fiction, op. cit., p. 37.
63 Ibid., p. 38.
64 Pour les dernières citations : ibid.
65 Ibid., p. 36, n. 40.
66 Ibid., p. 37-38.
67 Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 91.
68 Ibid., p. 92.
69 Levinson Jerrold, « Making Believe », art. cité, p. 366. Levinson cite : Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 52.
70 Pour les citations de ce paragraphe : Levinson Jerrold, « Making Believe », art. cité, p. 366. On retrouve les exemples du charbon, de l’or et de la Grande Ourse dans Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 52.
71 Ibid., p. 104.
72 Quine Willard Van Orman, « Truth by Convention », dans Journal of Symbolic Logic, 1936, p. 77-106 ; Wittgenstein Ludwig, Recherches philosophiques, op. cit.
73 Putnam Hilary, « Convention », art. cité, p. 5.
74 Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, Truth, Fiction, and Literature, op. cit., p. 48.
75 Ibid.
76 Ibid., p. 77.
77 Pour toutes les citations de ce paragraphe : ibid., p. 48.
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