Chapitre I. Esthétique philosophique
p. 21-45
Texte intégral
1À l’occasion de son investiture à la présidence de l’American Society for Aesthetics, Kendall Walton proposa un exposé de méthodologie philosophique. L’essai, fort intéressant, fut publié sous le titre « Aesthetics – What ? Why ? and Wherefore?1 ». Il se clôt sur une formule surprenante (pour ne pas dire irrévérencieuse) sous la plume d’un philosophe de l’art : « C’est ce satané concept d’art qui rend l’art – et bien d’autres choses également – si difficile à comprendre2. » La maxime d’action corrélative est de ne pas tenir compte du concept populaire d’art en cherchant à comprendre les choses qu’il désigne. La déclaration est la porte ouverte vers une reconception de l’esthétique philosophique, à savoir de ses missions, de ses priorités. Elle fait place nette à une réévaluation de l’importance théorique de la notion de représentation. Elle présage le retour de la mimêsis.
2La méthodologie de Walton comprend des considérations concernant la méthode et la nature de la philosophie. Elle porte une compréhension particulière du rôle des intuitions dans l’analyse. Bien sûr, elle étudie également la spécificité de l’esthétique philosophique. Nous allons passer en revue ces idées. Ce chapitre préserve un ton, à tous égards, introductif.
Philosophie
Philosophie analytique
3La philosophie contemporaine est divisée entre philosophie continentale et philosophie analytique. D’aucuns diraient que la différence se lit.
- Le philosophe analytique privilégie une langue littérale, valorisant la concision et la clarté du discours. Les penseurs analytiques empruntent à un modèle scientifique.
- Le philosophe continental préfère une langue métaphorique, recherchant la profondeur du discours. Les penseurs continentaux s’inspirent d’un modèle littéraire.
4Fait notable, la tradition analytique naquit au tournant du xixe et du xxe siècle, dans des écrits de philosophie des mathématiques et de logique formelle. De nos jours, l’inspiration scientifique n’est autre que l’idée que la philosophie est affaire de thèses, qui se doivent d’être formulées directement, et d’arguments, qui se doivent d’être rigoureux. Toutefois, les deux modèles ne capturent qu’une partie des divergences.
- Une grande partie des analytiques pensent, notamment, que les problématiques philosophiques sont universelles et éternelles.
- Une majeure partie des continentaux estiment que les problématiques philosophiques sont historiques et sociales.
5En d’autres termes, les analytiques ne perçoivent aucune folie à poser des questions qui ont, pour une bonne part, plusieurs millénaires. La présente caractérisation est certainement lacunaire3. Du reste, Walton est, à ces égards et sans conteste, un penseur analytique.
6La méthodologie analytique traditionnelle est l’héritière d’une ancienne habitude socratique. La recherche philosophique commence par une question de la forme « Qu’est-ce que X ? » – la justice, la connaissance, l’art et ainsi de suite. L’analyse conceptuelle porte, dès lors, sur ce qui est requis pour qu’une chose soit, par exemple, une œuvre d’art. Les réponses aux questions socratiques sont idéalement des définitions prenant la forme de conditions individuellement nécessaires et conjointement suffisantes de l’application des concepts. Pour mener à bien la recherche, l’un des outils du philosophe est la méthode des cas. La réponse au problème conceptuel est alors construite sur un ensemble de scénarios réels ou hypothétiques. Ainsi, le philosophe étudie, depuis le confort de son fauteuil, l’application du concept X dans des situations variées. L’étiquette « analytique » n’est pas tout à fait étrangère à la méthode et à la finalité de l’analyse conceptuelle. Pourtant, de nos jours, tous les penseurs analytiques, tant s’en faut, ne s’en tiennent pas aux préceptes de la vieille école.
7La grande question de la nature de la philosophie est au cœur des remises en question : « Qu’est-ce que la philosophie ? » Mettons, sans nous embarrasser de subtilité, que deux camps se disputent la réponse : le camp traditionaliste et le camp naturaliste. Retenons, pour le propos, un critère fort de démarcation des positions. D’après lui, le traditionalisme implique la thèse de l’autonomie de la philosophie, le naturalisme implique la négation de la thèse de l’autonomie. Prenons des exemples.
- L’anthropologie philosophique de Peter Hacker est – clairement et radicalement – traditionaliste. Hacker défend la méthode de l’analyse grammaticale, en posant que la philosophie traite spécifiquement de propositions conceptuelles et non empiriques, auxquelles on accède épistémiquement de façon a priori et non a posteriori. Autrement dit, la méthode de travail résulte de la nature même des propositions philosophiques. Dans cette perspective, la finalité de l’entreprise philosophique est la clarification de nos concepts. Elle n’est pas d’augmenter nos connaissances. Hacker est ainsi conduit à affirmer que la philosophie est une discipline catégoriellement distincte et autonome des autres disciplines.
8L’idée n’est pas de tous les goûts. Daniel Dennett rétorque que, même en admettant que les recherches empiriques ne résolvent jamais les problèmes philosophiques, il reste qu’elles les informent, les révisent et parfois les dissolvent. Contre Hacker, Dennett est l’héritier de la pensée quinienne.
- L’épistémologie naturalisée de Willard Von Orman Quine est une position – tout aussi clairement et radicalement – naturaliste. Quine défend qu’on ne saurait départager la philosophie des sciences sur la base de l’aprioricité et du caractère conceptuel de propositions, car ces propriétés reposent sur une notion d’analyticité infondée. Il est, dès lors, libre d’affirmer que l’épistémologie n’est qu’un chapitre de la psychologie, niant ainsi l’autonomie de la philosophie4.
9L’aperçu permet de comprendre que les désaccords sont profonds. Mais il faut encore en ajouter.
10Les débats portent également sur la méthode des cas et sur les intuitions. L’une des questions concerne la nature des dernières : « Que sont les intuitions du sens commun ? » L’autre porte sur leurs rôles dans la recherche philosophique : « Dans quelle mesure le philosophe doit-il respecter les intuitions du sens commun ? » Voyons sommairement les problèmes. D’après la méthode des cas, les réponses aux questions socratiques sont appréhendées par de petites histoires, qu’on nomme expériences de pensées, fictions théoriques ou encore pompes à intuition. Les mieux connues sont, peut-être, le malin génie en métaphysique et les variations sur le thème du tramway fou en éthique. Les petites histoires sont écrites de sorte qu’elles provoquent une intuition, dans nos exemples, sur les croyances qui sont épistémiquement certaines ou sur les actions qui sont moralement permises. Les philosophes confèrent manifestement une autorité épistémique aux intuitions dès lors qu’ils recourent à la méthode des cas. Les deux questions remettent sur l’ouvrage le bien-fondé de cette autorité. Qu’est-ce qui est saisi par ces intuitions ? Il est présupposé qu’elles sont des jugements pré-théoriques, restituant nos manières ordinaires de penser. Que faire des données intuitives du sens commun dans un monde de données empiriques ? Notre philosophe présente le débat par une opposition entre :
- la figure de Bertrand Russell, pour qui philosopher consiste à partir d’une proposition d’une évidente simplicité pour parvenir à un paradoxe, et
- la figure de Ludwig Wittgenstein, pour qui la philosophie doit tout laisser en l’état.
11L’heure des questionnements sur la nature de la philosophie est l’heure des questionnements sur la nature et le rôle des intuitions.
12Notre penseur possède une conception propre, qu’il voudrait médiane, de la philosophie. D’après la terminologie qu’il introduit, la philosophie serait affaire de construction de théorie.
« Ce que les philosophes font, selon cette conception, ressemble de près à ce que font les scientifiques une fois les données collectées, c’est-à-dire organiser les données de manière claire, élaborer des structures conceptuelles, construire des théories, afin de clarifier et d’expliquer les données5. »
13La théorie méthodologique de Walton comprend aussi une thèse sur la nature et le rôle des intuitions.
« Les philosophes doivent respecter les “intuitions” (“le sens commun”, “ce qui est dit d’ordinaire”) parce qu’elles sont sans nul doute le reflet des théories populaires6. »
14Dans les deux parties qui suivent, nous allons tour à tour revenir sur les problèmes méthodologiques liés à la philosophie et aux intuitions.
Construction philosophique
15La recherche philosophique est, dans la méthodologie de Walton, une construction de théorie. « Théorie » et « construction » ne sont pas des notions neutres. Elles sont colorées, pour reprendre le mot de Hilary Putnam, d’un tempérament philosophique particulier. Notre philosophe a la trempe d’un relativiste conceptuel. Les soubassements métaphysiques et épistémologiques du tempérament font la lumière sur ce que sont les « théories » et la « construction ». Dans l’histoire récente de la philosophie, le tempérament s’est éminemment exprimé dans le réalisme interne de Putnam et l’irréalisme de Nelson Goodman7. Il est alors la conjonction de quatre thèses. Voyons ce qu’elles apportent.
16Les mots « théorie » et « construction » sont philosophiquement marqués. Prenons-en la pleine mesure.
- Les théories sont, sommairement, composées de concepts et d’objets. Elles catégorisent des choses. Les théories comprennent, également, des structures conceptuelles. Elles hiérarchisent les concepts, les mettent en relation. Les théories rendent compte de données spécifiques. Elles les organisent, les expliquent. En somme, les théories sont des manières d’appréhender le monde.
- La construction de théorie est, paradigmatiquement, ce que font le philosophe et le scientifique. Nous parlerons en particulier des théories philosophiques. Cependant, philosophe et scientifique n’ont pas les fabrications théoriques en apanage. L’homme de la rue élabore pareillement des manières d’appréhender le monde. Walton parle, en ce cas, de théories populaires. La construction est anthropologiquement importante. Les théories sont, pour les hommes, le moyen de survivre ou de comprendre. Le monde ne se donne pas à eux. En somme, la construction théorique est primordiale parce qu’il n’y a pas de monde, en deçà de toute construction théorique, à appréhender.
17Le tempérament relativiste conceptuel est accompagné d’une vision particulière du monde, des faits et des choses. Il implique deux thèses, bien connues, qui restituent la portée philosophique de la notion de construction.
Antiréalisme métaphysique
18Le monde n’est pas un ensemble arrêté de choses, de propriétés, de relations indépendantes de l’esprit, des pensées et perceptions humaines. Il n’est pas vrai qu’il y a exactement une description de la manière dont le monde est, parce qu’il n’y a pas un point de vue divin, absolu sur le monde.
19Notre philosophe « ne pense pas qu’il soit nécessaire » que, pour philosopher sur ce que « la réalité est réellement », « nous devions comprendre comment les choses sont en soi, indépendamment de la façon dont nous en faisons l’expérience », que « nous devions nous positionner en dehors de tout schème conceptuel pour observer les données brutes “non interprétées”, les propriétés basiques des choses (le “Ding an sich”)8 ».
Constructivisme épistémologique
20Les connaissances sur le monde et ses constituants sont construites. Connaître n’est pas, pour l’esprit, se conformer à la réalité, ou la refléter.
21Notre penseur est clair : « En un sens important, les faits ne sont pas découverts mais fabriqués, la réalité est le produit plutôt que (simplement et directement) la cible de pensées et de mots9. »
22Héritiers revendiqués de l’antiréalisme et du constructivisme, les relativismes ont fleuri durant le xxe siècle, dans et hors de la philosophie. Ils sont alors l’idée d’une irréductible pluralité de théories, de manières d’approcher le réel. Cependant, le relativisme conceptuel se distingue nettement des relativismes variés.
- Les relativismes divers sont communément une thèse épistémologique ou sémantique, selon laquelle « ce qui est vrai et ce qui est faux pourraient être dépendants de ou relatifs à ou conditionnés par une culture, un langage, un schème conceptuel ou la constitution de l’esprit humain10 ».
- Le relativisme conceptuel est, contre ses homologues, une thèse ontologique selon laquelle ce qui existe et les propriétés de ce qui existe sont eux aussi construits et relatifs.
23Les relativismes variés ne conviennent pas aux notions que nous étudions. Le relativisme conceptuel leur sied mieux. Il implique deux thèses qui restituent la portée philosophique de la notion de théorie.
Relativisme ontologique
24Il y a une pluralité d’ontologies et ces ontologies ne sauraient être réduites à une ontologie fondamentale.
25Une manière simple de remarquer l’allégeance est que notre philosophe adhère à la thèse Duhem-Quine, historiquement attachée au relativisme ontologique, selon laquelle « les données sous-déterminent les théories, ce qui signifie que différentes théories [conflictuelles] peuvent rendre compte des mêmes données11 ».
Rigorisme ontologique
26La fabrication des faits, des choses existantes et du monde est strictement contrainte par des critères de correction, de sorte que le relativisme n’implique pas de nier la valeur théorique et ordinaire des concepts de vérité et de réalité.
27Premièrement, on ne construit pas de théorie aisément. Non sans ironie, Walton affirme que « théorie » n’est pas ici un nom de masse ou indénombrable (tel que liquide, acier, monnaie) mais un nom dénombrable (tel que chien, table, joaillier, proposition). Les théories sont des choses particulières, non « une sorte de mixture que l’on répand sur le sujet traité – probablement en l’embrouillant12 ».
28Deuxièmement, il n’est surtout pas question de dire que tout se vaut. Les théories sont évaluées sur différents critères, de sorte que « décider, entre plusieurs théories rivales, quelle est celle qui explique le mieux un ensemble délimité de données » est une décision qui doit être réalisée « sur la base de la simplicité ou de l’élégance ou de la perspicacité ou de la puissance explicative13 ».
29Troisièmement, rien de tout cela n’implique l’idée extraordinaire qu’il conviendrait de mettre les faits, ou le monde au placard. « Est-ce que les notions de vérité et de réalité sont importantes théoriquement autant que dans la vie ordinaire ? Berkeley, Kant et Goodman le pensaient certainement et nous devons acquiescer14. »
30Un mot sur la relation de Walton au relativisme conceptuel s’impose. Ce n’est pas un lieu commun que de reconnaître le tempérament philosophique au penseur. Le théoricien ne s’est nullement fendu d’un tel aveu. Personne ne s’est, à ma connaissance, aventuré à une telle attribution. L’interprétation d’un relativisme conceptuel dans la pensée de Walton est une clé de lecture originale du présent livre. Qui sait où regarder perçoit le tempérament du philosophe, ce que quelques citations auront démontré. Je suis en mesure d’analyser en profondeur son engagement envers l’idée. Cependant, les fondations métaphysique et épistémologique de son relativisme conceptuel sont complexes, théoriquement lourdes et denses. Pour le bon déroulement de mon exposé, je ne les déploierai pas maintenant – l’exercice est réalisé dans le dernier chapitre de l’ouvrage. Ici, quelques remarques générales suffisent parfaitement. « Théorie » et « construction » sont à prendre en un sens technique, ancré dans les versants métaphysique, ontologique et épistémologique du relativisme conceptuel.
31La question était : « Qu’est-ce que la philosophie ? » Le penseur écarte l’idée d’une autonomie de la philosophie. Il n’y a pas de spécificité philosophique. La raison est qu’un relativisme conceptuel est responsable de ce que sont les fabrications théoriques.
« La philosophie étant une construction de théorie et la construction de théorie étant une activité si répandue, est-ce qu’il y a quoi que ce soit de spécial ou distinctif à propos de l’entreprise philosophique ? Est-ce que les philosophes construisent des théories d’une sorte spéciale qui diffèrent fondamentalement des théories scientifiques et des théories populaires variées ? Je ne pense pas. Je ne pense pas non plus que les philosophes sont préoccupés par un sujet d’une sorte spéciale, à propos duquel ils construisent des théories15. »
32Par contre, il y a des particularités philosophiques. Les théories philosophiques ont une finalité particulière, qui est celle des théories scientifiques, mais qui n’est pas celle des théories populaires. Une théorie philosophique tend vers un accomplissement cognitif. Une théorie philosophique est correcte dans la mesure où elle apporte une meilleure compréhension du monde.
- La conception de la philosophie comme construction de théorie s’inscrit en faux contre la thèse de Hacker. La philosophie ne vise pas à la clarification.
- La conception de la philosophie comme construction de théorie fait écho à une thèse de Goodman, pour qui philosophie, sciences et arts construisent des versions du monde et participent à égale mesure du progrès de la compréhension.
33En ouvrant notre analyse, nous avions proposé un critère fort pour départager le courant naturaliste de la tendance traditionaliste. Il était le respect ou le rejet de la thèse de l’autonomie de la philosophie. Le relativisme conceptuel a, au bout du compte, une incidence sur la nature de la philosophie.
34La méthodologie de Walton implique, d’après la terminologie introduite plus tôt, une conception naturaliste, modérée si l’on veut, de la philosophie. Elle recherche un entre-deux, bien qu’elle ne s’embarrasse pas de sophistication en décrivant ce que sont, par nature, les construits philosophiques.
- Les théories philosophiques sont empiriques, parce qu’elles sont fondées sur des données empiriques et qu’elles cherchent à les expliquer (au moins en partie).
- La philosophie est une discipline quasi a priori, sinon a priori, parce que l’élaboration de théories ne requiert aucune recherche empirique supplémentaire, pas plus que l’évaluation des théories existantes.
35Donnons quelques détails. Les données philosophiques sont parfois des données populaires. Le penseur concède au traditionaliste que la recherche philosophique s’effectue en chambre. Le philosophe n’a pas à se rendre sur le terrain pour collecter des données. On considère traditionnellement qu’une collection de connaissances ordinaires, recueillies auprès de l’expérience quotidienne de tout un chacun, est à disposition. Nul besoin de quitter son bureau pour collecter puis évaluer ces expériences à l’aune d’une théorie ou une théorie à l’aune de ces expériences. Les théories philosophiques doivent être scientifiquement informées. Walton concède au naturaliste que les données que le philosophe organise et explique par la construction de théories « devraient inclure les résultats de l’observation et de l’expérimentation scientifiques16 ». Les données empiriques sont parfois conformes à l’expérience ordinaire. Elles confirment, par exemple, que nous percevons les objets en nuance de gris, non en couleur, dans une pièce en manque d’éclairage. Les données empiriques contredisent parfois les évidences ordinaires. Elles sont alors un garde-fou qui permet, par exemple, de se méfier du philosophe qui affirmerait que toute langue a un terme pour le concept de beauté. L’idée est aujourd’hui peu controversée, mais elle n’est pas anodine. En recommandant de prendre connaissance de ces travaux, Walton ne se contente pas d’un conseil heuristique. Les sciences fournissent aux penseurs des données, alors entendues comme matériaux de la réflexion philosophique, ce qui suppose qu’une théorie philosophique puisse, par nature, être contestée par des arguments scientifiques.
36Walton n’est guère passionné par la thèse de l’autonomie de la philosophie. Par contre, il dégage une singularité philosophique qui n’implique pas l’autonomie de la discipline.
« Ce qui est (d’une certaine manière) le trait distinctif de la philosophie est le rôle que remplissent les philosophes dans la construction de théories17. »
37Les philosophes sont spécialisés dans la construction de théories. Disons, en détournant une formule connue, que les philosophes sont des horlogers dans un monde où tout un chacun use de et touche aux mécanismes des montres. La construction théorique n’est pas chasse gardée du philosophe, mais une compétence proprement philosophique œuvre derrière les bonnes constructions. Face à la demande de compréhension, les philosophes sont, plus que d’autres, compétents pour élaborer des théories, interpréter et organiser les données collectées par ailleurs. Face à la pluralité des constructions, ils sont capables de choisir entre des théories rivales et de mettre en lumière la prépondérance de certaines données sur d’autres. La compétence des philosophes tient de leur familiarité avec les valeurs épistémiques ou cognitives des théories. La disposition à percevoir et faire percevoir la correction d’une théorie est, semble suggérer Walton, au cœur du rôle du philosophe.
Construction populaire
38La méthodologie philosophique de Walton valorise les intuitions, ce qui n’a rien de surprenant lorsqu’on sait qu’elles font sans conteste partie de l’arsenal du penseur américain. Les petites histoires peuplent ses écrits. Nous aurons l’occasion de parler des plus connues : par exemple, de l’histoire de Charles et du slime vert, de l’histoire de la catégorie de l’art des guernicas et de l’histoire du jeu des ours-buissons d’Eric et Gregory18. Pour l’heure, nous allons étudier la manière par laquelle les thèses de Walton sur les intuitions du sens commun sont articulées à la méthodologie de la construction de théorie et au relativisme conceptuel.
39Tout d’abord, la question était : « Que sont les intuitions du sens commun ? » La réponse était donnée peu de temps après. Les intuitions sont le reflet des théories et des concepts populaires. Il y a des théories de philosophes. Il y a des théories de scientifiques. Et il y a, dans la terminologie de Walton, des théories ou, pour un relativiste comme Goodman, des versions du monde de l’homme de la rue. Les théories populaires ou versions ordinaires du monde s’écartent des théories ou versions du monde scientifiques et artistiques. Elles ne sont pas différenciées intrinsèquement. Toutes les théories catégorisent des objets, hiérarchisent des concepts et ainsi de suite. Elles sont différenciées extrinsèquement, à savoir relativement à leurs fonctions.
- Les théories philosophiques et scientifiques ont une fonction cognitive. Elles tendent vers la compréhension.
- Les théories populaires ont une fonction instrumentale. Le monde que l’homme de la rue théorise est un monde « où il lutte pour sa propre survie ». Les théories fabriquées sont faites « de bric et de broc avec des morceaux de tradition scientifique et artistique19 ». Elles tendent à guider l’action, à aider à la survie.
40Il s’ensuit que les principales différences sont axiologiques. Une théorie populaire est, par exemple, utile, quand une théorie philosophique l’est bien rarement. Il s’ensuit également que les fabrications de théories répondent à différentes normes. Les théories populaires répondent, par exemple, à une norme d’efficacité : elles sont faites pour résoudre des problèmes pratiques. Les théories philosophiques répondent, par contraste, aux normes d’élégance ou de simplicité. Il résulte de l’analyse de Walton que le présupposé traditionnel sur la nature des intuitions doit être écarté. De près ou de loin, les intuitions, parce qu’elles sont le miroir des théories et concepts populaires, n’ont rien de pré-théorique. Aucune intuition ne peut exister sans théorie.
41Puis, la question était : « Dans quelle mesure le philosophe doit-il respecter les intuitions du sens commun ? » Le philosophe décrit spéculativement la genèse des théories populaires. Les théories populaires sont le produit d’une évolution longue et constante. Elles évoluent de manière graduelle, se muant par modifications locales dans un processus qui dure depuis plusieurs centaines d’années. L’histoire vénérable des théories populaires dicte les comportements à adopter.
- Les théories populaires comportent des vestiges. Une analogie entre les théories populaires et le corps humain décrit ce que sont ces parties obsolètes. Le corps humain comporte, du fait de l’évolution biologique, des organes qui, à l’instar de l’appendice, « gâchent de l’énergie, des ressources, parfois se détériorent et engendrent des difficultés20 ». Il en est de même pour les théories populaires. Les intuitions « ne sont pas paroles d’évangile ». Les théories populaires doivent parfois être amendées, rectifiées ou écartées.
- Les théories populaires sont efficaces. Après tout, elles ont en quelque sorte passé l’épreuve du temps. Le soupçon et le discrédit ne sont pas intrinsèquement légitimes. Les intuitions « méritent le type de respect qu’on accorde au témoignage d’une source qui a quelque crédibilité21 ».
42En somme, la méthodologie de notre philosophe professe un arbitrage individuel des intuitions du sens commun. Entendues dogmatiquement, les postures russellienne et wittgensteinienne sont intenables : la première néglige l’efficacité pratique des théories et concepts populaires, la seconde néglige la persistance de vestiges au sein de ces théories. La méthodologie analyse, en conséquence, plus finement le rôle des théories populaires dans la recherche philosophique.
43Les théories populaires occupent, principalement, deux rôles distincts dans les théories philosophiques : elles fournissent parfois des hypothèses à partir desquelles il est possible de construire des théories ; elles sont parfois les objets de recherche du philosophe.
- Les théories populaires sont des hypothèses dès lors que théorie philosophique et théorie populaire portent sur un même ensemble de données. Puisqu’elles prétendent rendre compte des mêmes choses, la construction philosophique est susceptible d’admettre la théorie populaire, comme elle est susceptible de la modifier partiellement, ou de la rejeter complètement. La raison en est que les théories populaires ne sont pas nécessairement adéquates aux finalités des théories philosophiques : pour le dire crûment, ce n’est pas parce qu’une idée est opportune qu’elle est éclairante.
- Les théories populaires sont des objets dès lors que les intuitions populaires sont des données de la théorie philosophique, des faits qu’il faut expliquer. Dans cette optique, les jugements sur les valeurs des théories populaires sont hors de propos. La recherche philosophique doit seulement rendre compte au mieux des théories, concepts et intuitions populaires.
44La méthodologie de Walton rend compte de la conception de la philosophie comme analyse conceptuelle, par le dernier point. L’analyse conceptuelle est l’analyse d’une théorie populaire pour elle-même :
« Les philosophes étudient les pratiques culturelles, les institutions, les pensées et les activités dans lesquelles les personnes sont engagées, car, en y participant, elles déploient leurs théories et concepts22. »
45Clarifions les rapports entre la méthode de construction de théorie et la méthode d’analyse conceptuelle. L’analyse conceptuelle n’est cible d’aucun mépris, tout au contraire. Premièrement, une théorie philosophique est capable de prendre une théorie populaire, tour à tour, comme objet et comme hypothèse. La stratégie est d’ailleurs préférable, puisqu’à tout prendre il est mieux de clarifier une théorie populaire avant de la considérer comme une hypothèse. Deuxièmement, une construction théorique et une analyse conceptuelle ne diffèrent ni constitutivement, ni téléologiquement. Il n’y a, entre elles, qu’une différence d’objet. Troisièmement, la philosophie comme analyse conceptuelle se réduit à la philosophie comme construction de théorie. L’analyse conceptuelle n’est pas une simple description, réalisée de manière mécanique. Elle est une sorte de construction de théorie hautement exigeante qu’on pourrait aussi nommer reconstruction de théorie populaire.
46L’ensemble des positions de la méthodologie sur les intuitions conduit à une contrainte imposée sur la recherche philosophique. La thèse peut être formulée de la manière suivante.
Contrainte Méthodologique
47Une théorie philosophique est en droit d’écarter une théorie, un concept ou une intuition populaire seulement si la construction philosophique rend compte des raisons pour lesquelles une théorie populaire comprend ce concept populaire, provoque cette intuition du sens commun.
48La Contrainte Méthodologique donne une condition seulement nécessaire du rejet d’une théorie populaire. D’autres conditions mieux connues pourront la compléter. En particulier, il est légitime de penser qu’une théorie populaire est philosophiquement inadéquate, après avoir montré qu’elle conduit à des paradoxes. Pourtant, la démonstration de l’incohérence ou de l’absurdité de la théorie populaire n’est pas suffisante pour la rejeter. Walton prend en exemple la théorie de la notation de Goodman et son concept technique d’exécution d’une œuvre musicale. La théorie de Goodman comprend une thèse qui bouleverse le sens commun. Selon lui, une performance musicale n’est pas une exécution d’une œuvre si elle contient ne serait-ce qu’une fausse note. Le problème est que l’idée inverse conduit à un paradoxe du tas de sable : si une performance musicale x1 est une exécution d’une œuvre donnée en dépit du fait qu’elle comporte une fausse note, alors une performance x2 l’est tout autant en dépit du fait qu’elle comporte deux fausses notes, une performance xn est une exécution de l’œuvre en dépit d’un nombre n de fausses notes. Le paradoxe pose un problème d’identité des œuvres, car alors n’importe quelle performance musicale est une exécution, mettons, de tel Nocturne de Chopin comprenant n fausses notes. Goodman moque le concept populaire d’exécution d’une œuvre, qu’il remplace par un concept plus rigoureux, en termes de concordance stricte à la partition23. Fin de l’histoire. Du moins, le pense-t-il. D’après la Contrainte Méthodologique, la théorie philosophique doit donner à comprendre pourquoi on juge intuitivement qu’une interprétation de l’œuvre reste une exécution tout en ayant une fausse note. Une conséquence de l’argument de Goodman est que sa théorie abandonne purement et simplement le concept populaire de fausse note. Il en résulte qu’un aspect de l’expérience des mélomanes lui échappe complètement : pour le mélomane, certaines notes sonnent faux, et entendre une fausse note requiert d’entendre une performance comme exécution d’une œuvre. C’est là une donnée des constructions théoriques en tout genre. La théorie goodmanienne est incapable de dire comment il se peut qu’on entende une fausse note, qu’on juge l’interprète sur cette base, puisque la théorie ne reconnaît pas l’idée de fausse note et que, selon elle, la performance ne saurait être rapprochée de l’œuvre. La Contrainte Méthodologique est, en ce sens, puissante et originale.
49Délaissons maintenant les remarques métaphilosophiques. Passons aux avis de Walton sur l’esthétique philosophique et la philosophie de l’art.
Esthétique philosophique
Histoire moderne
50L’esthétique philosophique et la philosophie de l’art sont, d’après Walton, des « champ[s] étrange[s], d’une certaine manière confus24 ». La racine de ce constat embarrassé relève en partie de l’histoire des idées.
« En tant que branche de la philosophie institutionnellement reconnue, l’esthétique est très jeune. Du haut de ses deux siècles et demi, dans une famille où les aînés ont plutôt vingt-cinq siècles, elle n’approche pas encore la crise d’identité de l’âge mûr. Sa confusion est celle d’un adolescent qui se cherche, s’interrogeant sur ce qu’il fera quand il sera grand, et s’il y a bel et bien une place pour lui dans le monde adulte25. »
51La thèse historique est connue. L’esthétique philosophique et la philosophie de l’art seraient un héritage de la pensée moderne. L’idée générale de la thèse historique est que le xviiie siècle aurait été témoin de transformations majeures de notre schème conceptuel, transformations rendant possible l’avènement de l’esthétique philosophique et de la philosophie de l’art. La thèse métaesthétique est moins commune. Walton déclare que les confusions habitant les domaines philosophiques ne sont pas étrangères aux révolutions modernes. Ils pèchent par jeunesse. Avant de parler des raisons du constat de Walton, parlons de la naissance de l’esthétique philosophique et de la philosophie de l’art.
52Au cours de deux études consacrées à ce qu’il nomme le système moderne des arts, Paul Kristeller apporte des éléments historiques supportant l’idée que la conception de l’art qui est, dans une large mesure, encore la nôtre n’existait pas avant le xviiie siècle26. Cela ne signifie aucunement qu’il doute de l’existence des artéfacts et activités susceptibles de tomber sous l’extension du concept. Les communautés préhistoriques et les civilisations anciennes ont produit quantité de formes d’art, telles que la poésie dithyrambique de l’Antiquité grecque, ou les sceaux-cylindres de la période d’Uruk dans le Proche-Orient ancien. Kristeller défend que les penseurs modernes ont, pour la première fois, groupé et organisé hiérarchiquement certains arts pour former une catégorie de choses possédant un trait distinctif. Au principe de cette catégorisation il n’y a pas de critères rigoureux, mais plutôt un ensemble de facteurs historiques aidant divers acteurs à la construction du système des beaux-arts. La classification de certaines formes d’art en système des beaux-arts, permettant d’expliciter certaines similarités et différences entre elles, ne s’est pas faite ex nihilo. L’architecture, la musique, la peinture, la poésie et la sculpture se sont progressivement imposées comme les cinq arts majeurs au sein d’un système des beaux-arts, d’abord dans les cercles d’amateurs d’art, durant la première moitié du xviiie siècle, avant de gagner les systèmes philosophiques, durant la seconde partie du siècle. La formulation du système a été préparée par de nombreux facteurs : pour l’exemple, le système s’inspire du groupement de formes d’art que permet la théorie de l’imitation des philosophes antiques, il bénéficie du développement des pratiques critiques de la Renaissance, et il est influencé par l’idée – commune chez les penseurs d’un xviie siècle marqué par l’avènement des sciences modernes – d’une distinction catégorielle des sciences et des arts27.
53L’historien suppose que l’évolution du concept d’art est corrélative de l’évolution du concept de beau. Une révolution scientifique est à l’origine de la pensée moderne. D’après Carole Talon-Hugon, l’avènement d’une conception mécanique et corpusculaire de la matière en physique conduisit Boyle, Descartes ou Newton à l’idée que les qualités secondes n’existent pas dans les objets, indépendamment de sensations. Il est une nouvelle compréhension du monde sensible. Parallèlement, la révolution des théories du beau est communément abordée de manière épistémologique, par la distinction classique entre empirisme et rationalisme. Les théories du beau se différencient, alors, quant aux conditions de possibilité des jugements de beauté. Une théorie du beau est rationaliste si elle considère qu’attribuer la beauté à une chose est un jugement de raison, au sens où l’attribution implique de raisonner à partir de certains principes et concepts. Inversement, une théorie du beau est empiriste si elle considère qu’attribuer la beauté à une chose est un jugement sensoriel, au sens où ce jugement est immédiat. Le basculement vers une conception empiriste des connaissances donna lieu, à l’égard du beau, à l’émergence de théories du goût, de même qu’à de nouveaux usages du concept d’esthétique (dérivé du grec aísthêsis pour « perception sensible »). La beauté est appréhendée par une expérience sensible spéciale. Illustrant le rapport historique entre épistémologie empiriste et révolution des conceptions du beau, James Shelley affirme que l’anachronisme qui consiste à parler des théories rationalistes modernes du beau « en tant que théories esthétiques rationalistes ou en tant que théories rationalistes du goût est un sérieux contre-sens28 ». Au-delà de la caractérisation épistémologique commode, Talon-Hugon est en droit de parler d’une véritable « révolution ontologique » qui se joue sur fond de révolution scientifique. Pour les prémodernes, la beauté est une propriété réelle des choses sensibles, demandant une enquête métaphysique. Pour les modernes, la beauté est une idée provoquée en nous par la matière. Il n’existe de beauté que dans l’expérience : « En conséquence de cette subjectivisation du beau, les caractéristiques pré-modernes de la beauté disparaissent : sa transcendance, sa verticalité, son origine supra-sensible29. » Nous devons nos concepts contemporains de jugement, de valeur, ou de plaisir esthétiques aux révolutions épistémologiques et ontologiques modernes.
54Le paysage philosophique, pourrait-on penser, tend à s’éclaircir. Le propos historique de Kristeller implique explicitement qu’aucune théorie du beau antérieure à l’époque moderne ne prend de formes d’art pour cas paradigmatiques. Kristeller suggère une coïncidence historique entre la formation des concepts d’art et d’esthétique, pour soutenir qu’un critère d’excellence esthétique participe fondamentalement du système des beaux-arts30. L’esthétique philosophique et la philosophie de l’art obtinrent leurs lettres de noblesse de ces apports conceptuels. Elles naquirent à l’époque moderne, du fait de révolutions théoriques et culturelles, dont nous sommes les héritiers. En conséquence, les penseurs de ces domaines s’occupent de ce qui est artistique et de ce qui est esthétique. Nulle étrangeté ou confusion ici…
55Au vu de sa courte histoire, la philosophie analytique ne s’est tournée que tardivement vers les arts et l’esthétique. Lorsqu’elle s’y résolut, durant les années 1950, ce fut par rejet de l’esthétique continentale, dont les thèses étaient jugées confuses (woolly) et mornes (dreary)31. La recherche d’une essence de l’art, d’une unique caractéristique commune à toutes les formes d’art, faisait figure d’exemple à ne pas imiter tant elle rassemblait les formules vagues et inévaluables. Prenant à contrepied la tradition de pensée qui postule la nécessité et la primauté de la résolution du problème conceptuel, Morris Weitz chercha à défaire l’esthétique philosophique d’un mythe :
« À moins de savoir ce qu’est l’art, disent-ils, ce que sont ses propriétés nécessaires et suffisantes, nous ne pourrons pas même l’appréhender adéquatement, ou chercher pourquoi une œuvre est meilleure qu’une autre […]. [Cette] théorie esthétique est – entièrement – fausse par principe dès lors qu’elle pense qu’une [définition essentielle de l’art] est possible, parce qu’elle se méprend sur la logique du concept d’art32. »
56La recherche d’une spécificité esthétique, d’une singularité expériencielle, émotionnelle ou attitudinale, était pareillement cible à abattre tant elle grouillait d’incohérences. Contre ces notions, Georges Dickie ou Nelson Goodman défendirent qu’il n’existe rien de tel qu’une attitude spéciale de l’esprit qui permettrait de révéler la beauté des choses.
« Une tradition persistante décrit l’attitude esthétique comme une contemplation passive de l’immédiatement donné, une appréhension directe de ce qui est présenté, non contaminées par la moindre conceptualisation, isolées de tous les échos du passé et de toutes les menaces et promesses du futur, exemptes de toute entreprise. Au moyen de rites purificatoires de désengagement et en suspendant l’interprétation nous devrions être en quête d’une vision du monde vierge et immaculée. Je n’ai certainement pas besoin de recenser les erreurs philosophiques et les absurdités esthétiques d’une telle manière de voir, tant que quelqu’un ne va pas sérieusement jusqu’à prétendre que l’attitude esthétique appropriée envers un poème se réduit à fixer la page imprimée sans la lire33. »
57Historiquement fédératrices, les pensées sceptiques sont à l’origine de la tradition analytique de l’esthétique philosophique et de la philosophie de l’art. Sans coïncidence, Walton commença ses travaux en provinces esthétique et artistique quand les idées sceptiques étaient clamées puissamment, vers la fin des années 1950. En disant que ces régions de la philosophie sont sujettes au règne de l’étrange et du confus, les doutes des premiers esthéticiens analytiques à l’encontre des concepts-clés des modernes ne sont pas loin. Bien sûr, Walton ne nie pas que l’époque moderne reconnut institutionnellement l’esthétique philosophique et la philosophie de l’art. Cependant, il affirme que ce fait historique n’implique aucunement que les concepts d’art et d’esthétique sont les cœurs de ces disciplines. Nous allons voir que les arguments de Walton sont les prolongements des raisonnements méthodologiques.
Perspective contemporaine
58Il n’y a pas qu’un péché de jeunesse. Il y a une crise d’identité.
« L’esthétique n’est pas la dernière-née du clan. L’éthique des affaires et la philosophie de la physique quantique sont plus jeunes. Mais celles-là sont clairement des sous-catégories de domaines philosophiques traditionnels et bien établis – l’éthique et la philosophie des sciences – et elles héritent une grande part de leur identité et de leur sens du devoir de leurs parents. L’esthétique n’a pas cette chance. Elle est liée de façons diverses et importantes à l’épistémologie, la métaphysique, la philosophie de l’esprit, la philosophie du langage – de fait, elle les chevauche toutes – mais ces parents âgés sont au mieux des tantes et oncles de l’esthétique, non [directement] ses parents. L’esthétique doit comprendre par elle-même ce qu’elle est exactement34. »
59L’esthétique philosophique et la philosophie de l’art sont sous le joug d’une chape d’étrangeté, plongées dans un état de confusion, parce que n’est pas réglée la question de leur spécificité. Elles manquent, estime Walton, d’une Grande Question Fondamentale. La métaphysique touche toujours de près ou de loin à la question « Qu’est-ce qu’il y a ? » L’éthique se demande « Comment vivre nos vies ? » L’épistémologie gravite autour de la question « Que pouvons-nous connaître ? » L’esthétique philosophique et la philosophie de l’art n’ont pas de problématique fédératrice. Pourtant les deux dénominations suggèrent deux candidates, insatisfaisantes.
60La première Grande Question potentielle est la question normative « Que faut-il aimer ? » Poursuivant une ancienne tradition de pensée, une partie des philosophes analytiques supposent de nos jours que l’esthétique philosophique relève de la théorie des valeurs. Notre penseur balaye la possibilité d’un revers de la main. La question « Que faut-il aimer ? » est loin d’être compréhensive. La démonstration se résume à un exercice : ouvrons une revue spécialisée et constatons que nombre d’articles ne relèvent pas de la théorie des valeurs. Pour l’exemple, le problème ontologique de la nature des œuvres musicales en est indépendant. Le raisonnement de Walton est descriptif : de fait, la question normative n’est pas fondamentale. Mais une Grande Question est peut-être prescriptive : de droit, la question normative devrait être fondamentale. Notre philosophe est, à cet égard, davantage l’héritier des doutes contemporains que des révolutions modernes : « Pendant longtemps, j’ai douté de l’importance théorique des notions de valeur esthétique ; encore aujourd’hui, je reste sceptique35. » Par touches, ses écrits manifestent également un scepticisme envers l’existence d’une expérience spécifiquement esthétique. Fait éloquent, ils ne comportent que peu d’occurrences de l’expression qui, lorsqu’elle est employée, est régulièrement balisée par des guillemets. Au-delà de l’argument descriptif, ses travaux n’apportent pas, pour ce que j’en sais, de nouvelles raisons en faveur d’une position sceptique. Nous verrons que la méthodologie en présente indirectement une.
61La seconde Grande Question potentielle, bien plus prégnante dans l’esprit des philosophes contemporains, est la question conceptuelle « Qu’est-ce que l’art ? » L’importance de la définition dans les débats contemporains est due aux développements artistiques eux-mêmes, à l’orée du xxe siècle. Une partie des penseurs analytiques s’inscrit dans une tradition, mentionnée plus tôt, qui estime qu’une théorie de l’art est requise en amont de toute recherche en esthétique philosophique. Notre philosophe rétorque, une fois encore, qu’une grande variété de problèmes est indépendante de la question conceptuelle. Par exemple, le problème du réalisme pictural, ou le paradoxe de la fiction en paraissent complètement détachés. L’histoire ne s’arrête pas là : Walton est bien plus mordant à l’encontre du problème conceptuel qu’il ne l’est à l’encontre du problème normatif. La thèse défendue est un anti-essentialisme artistique. Introduisons une subtilité.
- Relativement au concept d’art, l’anti-essentialisme logique est la thèse selon laquelle définir l’art est logiquement impossible.
- Relativement au concept d’art, l’anti-essentialisme méthodologique est la thèse selon laquelle définir l’art est, de fait, possible, mais philosophiquement inopérant.
62Dans un article mentionné précédemment, Weitz chercha à démontrer que la logique du concept d’art condamne à l’échec toute tentative de définition en termes de conditions nécessaires et suffisantes. Son argument est logique : la notion d’art est ouverte, au sens où ses conditions d’application sont amendables et corrigeables. Elle changera pour s’adapter aux nouvelles sortes d’art. En conséquence, définir l’art est logiquement impossible. En réponse, Walton est manifestement hostile aux arguments prétendument logiques de Weitz. Il leur préfère les arguments historiques de Kristeller. L’une des conclusions de Kristeller est que les critères déterminant l’extension du concept d’art n’ont aucun fondement, sinon arbitraire36. Il est, de fait, bien possible de définir l’art. Cependant, l’entreprise définitionnelle n’a pas grand intérêt.
63La thèse de l’anti-essentialisme méthodologique est, sommairement, que « Qu’est-ce que l’art ? » n’est pas, en soi, une bonne question. Il y a deux arguments corroborant l’idée. Premièrement, les enseignements historiques de Kristeller entrent en scène. Les concepts d’art varient contextuellement avec les époques et les communautés. Le problème de la définition de l’art lui-même est déterminé historiquement et culturellement.
« Il n’est en rien clair que ces mots – “Qu’est-ce que l’art ?” – expriment quoi que ce soit de semblable à une unique question à laquelle des réponses concurrentes seraient données, ou que les philosophes proposant des réponses soient ne serait-ce qu’engagés dans le même débat37. »
64D’après cette hypothèse, il est impossible que le problème conceptuel soit isolé des contextes où il se pose. Il en résulte qu’il y a une pluralité de problèmes de la définition de l’art. En conséquence, prendre « le » problème conceptuel pour une Grande Question, c’est mettre une confusion sur un piédestal. Deuxièmement, les remarques méthodologiques de Walton prennent le relais. Il y a une pluralité de concepts d’art. Il se peut que certaines communautés n’aient pas de concept d’art. Pourtant, rien de cela n’endigue la production et l’appréciation des œuvres particulières. Les concepts d’art sont des concepts populaires.
« Le concept ne fait pas partie d’une structure sociale ou institutionnelle requise pour la production et l’appréciation de l’art, ou, pour le moins, de tous les arts, mais est un outil visant à donner sens aux arts et à leurs positionnements institutionnels. Il fait partie d’une théorie populaire pour les comprendre38. »
65Le concept d’art est un explanans populaire, non nécessairement un explanandum philosophique. Conformément à la méthodologie de Walton.
- Une théorie de la définition de l’art est une analyse conceptuelle. Elle est une reconstruction d’une théorie populaire, qu’elle soit correcte ou non. Le concept populaire d’art est, alors, l’objet de la théorie philosophique.
- Lorsqu’une théorie philosophique n’est pas une théorie de la définition de l’art, un concept populaire d’art est, au mieux, une hypothèse. La construction théorique est en droit de modifier, voire de rejeter, un concept populaire d’art incorrect. Autrement dit, les choses que le concept populaire prétend classer, les phénomènes que la théorie populaire prétend expliquer sont peut-être mieux classés et expliqués d’une autre manière.
66Souvenons-nous que l’analyse conceptuelle se réduit à la construction de théorie. Au fond, le concept d’art n’est qu’une hypothèse de construction, une hypothèse plutôt mauvaise.
67Tôt dans sa carrière philosophique, notre penseur écarta le concept populaire d’art. À l’occasion d’une recension d’un ouvrage connu de Georges Dickie, il présenta son anti-essentialisme méthodologique, d’une manière qui synthétise parfaitement son argument.
« Nous voulons une théorie (ou des théories) qui fournit une manière cohérente, élégante, perspicace et intellectuellement satisfaisante de comprendre les peintures, les films, les happenings, les cérémonies, les événements sportifs et ainsi de suite. La théorie recherchée comprendra des concepts pour certaines sortes spécifiques d’art (éventuellement, les concepts de peinture impressionniste et de musique baroque), tout autant que des concepts qui passent au travers de la distinction art/non-art (ceux de didactique et de représentationnel). Je ne crois pas qu’elle ait la place pour le concept [populaire] boursouflé et encombrant d’art […]. Ce concept couvre un fatras énorme et inélégant. Il groupe des choses aussi différentes que les vases grecs, la musique électronique, les romans à l’eau de rose, les chansons à boire élisabéthaines, les compositions de Mondrian, les cantates de Bach, sans parler de la poésie Dada, des happenings, des readymades et de l’art conceptuel (tout en excluant des choses qui leur sont, de manière frappante, similaires). Ce n’est guère une “classe naturelle”. D’après moi, la distinction entre ce qui appartient et ce qui n’appartient pas à cette classe est inintéressante et inutile. Elle n’est pas de celle que nous souhaiterions voir occuper une position importante dans une théorie. Elle n’apporte rien à une vision claire des choses39. »
68Dans son article sur la méthodologie, Walton nuance sobrement sa critique. Une définition de l’art n’est pas, de fait, impossible. Mieux, une définition de l’art correcte est possible. Dans un lointain futur, une théorie philosophique comprendra peut-être un concept d’art utile, élégant et éclairant. Par contre, une telle théorie devra s’affranchir des concepts populaires d’art. Son concept d’art sera, pourrait-on dire d’une manière qui n’est pas péjorative, arbitraire. Arbitraire, mais source de compréhension. Il résulte des idées de Walton une critique générale. Les analyses conceptuelles seules des concepts d’art n’accompliront pas les missions cognitives d’une recherche philosophique.
Grandeurs philosophiques
69La question de la spécificité disciplinaire reste, pour l’essentiel, en suspens. Pourtant, cela ne signifie pas qu’aucune particularité disciplinaire n’est avancée. Les particularités de la pensée de Walton paraissent clairement une fois confrontées aux paradigmes de l’esthétique analytique, ainsi qu’aux tendances contemporaines du monde philosophique.
70Roger Pouivet distingue trois moments, qu’il qualifie de paradigmes, dans l’histoire de l’esthétique analytique :
- un moment critique, où l’esthétique s’interroge sur les assertions du critique (leurs significations, ou leurs justifications) et les croyances qu’elles sous-entendent ;
- un moment sémiotique et pragmatique, où l’esthétique s’interroge sur le fonctionnement symbolique des œuvres, sur leurs contextes d’usages et sur les activités culturelles qui les accompagnent ;
- un moment mentaliste, où l’esthétique s’interroge sur les phénomènes intentionnels (émotion, plaisir, ou jugement) relatifs à l’expérience des œuvres40.
71La pensée de Walton s’inscrit dans le dernier moment.
« L’esthétique enquête sur les expériences, les attitudes, les activités des êtres humains et leurs institutions culturelles, non seulement sur des toiles peintes, des sons émis par des dispositifs sonores et des inscriptions de mots sur les pages de livres41. »
72Une conception anthropologique de la philosophie préside à la conception de la discipline. Le domaine de recherche de l’esthétique philosophique et de la philosophie de l’art n’est pas borné géographiquement ou temporellement. Il n’est pas arrêté par les pratiques d’une communauté sociale, par exemple celles des critiques occidentaux. Le domaine n’est pas restreint aux objets matériels. Il n’est pas arrêté par les fonctionnements symboliques des objets. Le domaine comporte, en toute généralité, des activités, des intérêts et des productions proprement humains. La discipline s’intéresse, en toute généralité, aux conditions de possibilités institutionnelles et psychologiques de ces choses-là. Une attention particulière est portée à ce qui se passe dans l’esprit des gens. Les largesses de cette perspective font de cette conception une conception mentaliste.
73Depuis une trentaine d’années existe une tendance grandissante à séparer l’esthétique philosophique de la philosophie de l’art. Corrélativement, existe une tendance à diviser le labeur en philosophie de la musique, du cinéma, de l’art conceptuel, de la nature, de l’expérience esthétique, et ainsi de suite. Une surspécialisation est en cours. Une allocution de Peter Kivy, le prédécesseur de Walton à la présidence de l’American Society for Aesthetics, en résume la raison. Les philosophes devraient abandonner les « grandeurs » théoriques. « Grandeur » est, alors, employé en français, ce qui est un signe soit de sophistication, soit de mépris pour les sophistications… Les philosophes devraient admettre les différences entre les arts. « Differences » est le titre du discours publié de Kivy… Les philosophes devraient aborder individuellement les arts. Ils devraient travailler sur les problèmes individuels qu’ils suscitent. La conception véhiculée est que la discipline est l’union des philosophies de l’art et des philosophies de l’esthétique.
74Les différences ne sont pas maîtresses en philosophie. La méthodologie de Walton refuse la surspécialisation, de même qu’elle refuse de parler d’esthétique philosophique et de philosophie de l’art.
« Cette spécification [des] frontières est prisonnière des caprices des jugements à propos de l’extension des termes “art” et “esthétique”, caprices qui ne sont certainement pas limités aux imprécisions quant à leurs contours42. »
75Il en résulte une mise en garde.
« Nous ne devrions pas permettre au concept d’art, ou au fait que nous nous targuions du titre de “philosophes de l’art”, de déterminer la portée de notre enquête. Nous ne devrions pas leur permettre de restreindre artificiellement les données prises en compte dans la construction de théorie, ou de nous mener indûment à inclure des données qui n’ont rien à y faire43. »
76La méthodologie fait valoir une contrainte méthodologique négative. Les philosophes ne doivent pas déterminer initialement le domaine des objets dont l’enquête s’occupe. La portée de l’enquête philosophique doit procéder de la construction théorique elle-même. Corrélativement, les définitions, qui sont ce qui détermine des domaines d’objets, n’ont aucune précédence théorique. La raison est métaphilosophique. Les théories philosophiques accomplissent leur mission cognitive précisément par un renouvellement de nos catégories. Catégoriser n’est pas un préalable. C’est un résultat.
« Les théories impliquent, ou consistent en partie en, une taxinomie, ou une représentation des similarités et des différences entre les items décrits par les données. Comprendre ces choses consiste, en partie au moins, à remarquer, apprécier des similarités et des différences. Un changement dans une théorie d’une personne entraîne habituellement la reconnaissance et l’accent sur de nouvelles similarités et différences44. »
77Ce qu’est une théorie philosophique est, en partie, une manière de classer les objets. Ce que vaut une théorie philosophique varie en fonction de ce que ses catégories, ses schèmes d’organisation permettent de comprendre des similarités et des différences entre les objets.
78Les similarités sont éminemment importantes en philosophie. De fait, la plupart du temps, des différences fines et précieuses entre des choses ne paraissent qu’une fois notées les similarités entre elles. Il en résulte une Méthode Heuristique. Les philosophes construiront des schèmes d’organisation nouveaux en prêtant initialement « une attention minutieuse aux œuvres d’art qui [les] intéressent, puis aux choses, quelles qu’elles soient, qui, après réflexions, leur sont similaires de manières significatives45 ». Puisque l’enquête sur les arts et l’esthétique est l’examen de pratiques humaines, le philosophe ne doit pas négliger les pratiques humaines en apparence non artistiques, non esthétiques. C’est ainsi qu’il mettra le doigt sur de nouvelles similarités significatives.
Méthode Heuristique
79Une catégorisation philosophiquement pertinente peut être obtenue en dégageant des similarités entre des choses, ou des pratiques particulières x1,…, xn relevant typiquement des arts ou de l’esthétique et des choses, ou des pratiques particulières y1,…, yn ne relevant pas nécessairement des arts ou de l’esthétique. La catégorisation nouvelle est en droit de rassembler ou traverser les groupements x1,…, xn et y1,…, yn pour des fins théoriques.
80La Méthode Heuristique n’est pas neutre philosophiquement. Contre les dérives proprement contemporaines de la surspécialisation disciplinaire, Walton se fait militant de l’esprit de système. Face à la frilosité de Kivy, il déclare : « Nous devrions nous lancer dans la grandeur quand nous le pouvons46. » Précisément, les grandeurs théoriques adviennent lorsqu’une théorie permet d’apprécier une masse de similarités significatives entre quantités d’objets en apparence foncièrement différents. Nous le verrons, Walton respecte ses propres préceptes. La grandeur sera au rendez-vous.
81La méthodologie de « Aesthetics » n’est pas le fruit de l’esprit d’un penseur mature, se tournant vers des considérations métaphilosophiques avant de déposer le tablier. Durant toute sa carrière, Walton tâcha de respecter ses propres contraintes méthodologiques, de mettre en œuvre ses propres conseils heuristiques. En vérité, les préceptes de la méthodologie sont le fruit de l’esprit d’un jeune penseur, habité de questions métaphysiques et épistémologiques sur la relativité linguistique et les schèmes conceptuels. L’approche philosophique de Walton est imprégnée du tempérament du relativisme conceptuel, qui le conduit à défendre un naturalisme modéré et à caractériser l’enquête philosophique comme procès des intuitions. Dès lors, la philosophie cherche à apporter de la compréhension, sans trop s’embarrasser de la vérité. L’approche esthétique de Walton est marquée par une conception anthropologique de la philosophie qui le mène à mettre en défaut différentes thèses qui perdent de vue cette visée généraliste. Il défend un anti-essentialisme méthodologique, et propose de suivre un principe heuristique qui consiste à étendre, ou au moins à ne pas trop restreindre, le domaine d’investigation de l’esthétique philosophique, à prêter attention aux similitudes et différences entre les activités humaines. La méthodologie de Walton concourt, par tous ces moyens, au retour de la mimêsis.
Notes de bas de page
1 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », dans The Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 65, n° 2, 2007, p. 147-161.
2 Ibid., p. 160.
3 Cf. Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom, « General Introduction », dans Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom (éd.), Aesthetics and the Philosophy of Art : The Analytic Tradition, Malden, Blackwell, 2004, p. 2 ; Pouivet Roger, Philosophie contemporaine, op. cit., chap. 1.
4 Pour les préceptes du traditionalisme de Hacker : Hacker Peter, Human nature : The categorial framework, Malden, Wiley-Blackwell, 2010. chap. 1. Pour une réponse critique, cf. Bennett Maxwell, Dennett Daniel, Hacker Peter et Searle John, Neuroscience and Philosophy : Brain, Mind, and Language, New York, Columbia University Press, avril 2007 ; pour la position de Dennett : ibid., p. 80. Pour le naturalisme de Quine : Quine Willard Van Orman, « Deux dogmes de l’empirisme », dans Laugier Sandra (éd.), Du point de vue logique : neuf essais logico-philosophiques, traduit par Pierre Jacob, Sandra Laugier et Denis Bonnay, Paris, Vrin, 2003, p. 49-82 ; Quine Willard Van Orman, « Epistemology Naturalized », dans Ontological Relativity and Other Essays, New York, Columbia University Press, 1969, p. 69-90.
5 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 151.
6 Ibid., p. 152.
7 Putnam Hilary, Reason, Truth, and History, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 ; Goodman Nelson, Manières de faire des mondes, traduit par Marie-Dominique Popelard, Paris, Gallimard, 2006 (1978).
8 Walton Kendall, « Linguistic Relativity », art. cité, p. 23.
9 Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 99.
10 Ibid.
11 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 151.
12 Ibid.
13 Ibid.
14 Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit., p. 101.
15 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 151.
16 Ibid., p. 152.
17 Ibid., p. 151.
18 Tirées respectivement de : Walton Kendall, « Fearing Fictions », art. cité ; Walton Kendall, « Categories of Art », art. cité ; Walton Kendall, Mimesis as Make-Believe, op. cit.
19 Goodman Nelson, Manières de faire des mondes, op. cit., p. 40.
20 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 154.
21 Ibid., p. 153.
22 Ibid., p. 154.
23 Goodman Nelson, Langages de l’art : Une approche de la théorie des symboles, traduit par Jacques Morizot, Paris, A. Fayard, 2011 (1968), p. 226.
24 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 147.
25 Ibid.
26 Kristeller Paul Oskar, « The Modern System of the Arts : A Study in the History of Aesthetics (I) », dans Journal of the History of Ideas, vol. 12, n° 4, 1951, p. 496-527. Kristeller Paul Oskar, « The Modern System of the Arts : A Study in the History of Aesthetics (II) », dans Journal of the History of Ideas, vol. 13, n° 1, 1952, p. 17-46.
27 Pour un résumé des conclusions de Kristeller, voir « The Modern System of the Arts », art. cité, p. 43-44.
28 Shelley James, « The Aesthetic », dans Lopes Dominic McIver et Gaut Berys (éd.), The Routledge Companion to Aesthetics, Londres, 2013, p. 247.
29 Talon-Hugon Carole, « The Aestheticisation of Taste, A Consequence of the “Aestheticisation” of Beauty », dans The Nordic Journal of Aesthetics, vol. 26, n° 54, 2018, p. 63, 68. Mes italiques.
30 Pour une critique historiographique et philosophique de la proposition de l’historien, voir Porter James, « Is Art Modern ? Kristeller’s “Modern System of the Arts” Reconsidered », dans The British Journal of Aesthetics, vol. 49, n° 1, 2009, p. 1-24.
31 Pour une présentation éclairante des débuts de l’esthétique analytique, voir Lamarque Peter, « Analytic Aesthetics », dans Beaney Michael (éd.), The Oxford Handbook of The History of Analytic Philosophy, Oxford, Oxford University Press, 2013.
32 Weitz Moris, « The Role of Theory in Aesthetics », dans Lamarque Peter et Olsen Stein Haugom (éd.), Aesthetics and the Philosophy of Art : The Analytic Tradition, Malden, Blackwell, 2004 (1956), p. 12.
33 Goodman Nelson, Langages de l’art, op. cit., p. 283-284.
34 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 147.
35 Walton Kendall, Marvelous Images, op. cit., p. v.
36 Cf. Walton Kendall, « Art and the Aesthetic : An Institutional Analysis », dans Philosophical Review, vol. 86, n° 1, 1977, p. 99 ; Kristeller Paul Oskar, « The Modern System of the Arts », art. cité, p. 43-46.
37 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 148.
38 Ibid., p. 153. Mes italiques.
39 Walton Kendall, « Art and the Aesthetic », art. cité, p. 100.
40 Pouivet Roger, « Esthétique », dans Précis de philosophie analytique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Thémis », 2000, p. 280-281.
41 Walton Kendall, « Aesthetics. What ? Why ? And Wherefore ? », art. cité, p. 154.
42 Ibid., p. 149.
43 Ibid., p. 159.
44 Ibid., p. 154.
45 Ibid., p. 159.
46 Ibid. « Grandeur » est en français dans le texte.
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