Le moyen âge vraisemblable des philologues et des écrivains du xviiie siècle, ou comment intégrer les textes médiévaux au lieu commun de la littérature « classique »
p. 165-184
Texte intégral
1À en croire le père Batteux, « nous pourrons dire sans être ni grecs, ni romains, ni italiens : “nous avons Homère, Virgile, Le Tasse”. L’empire de l’esprit est supérieur à celui des Rois. Nous ne faisons avec les anciens et les étrangers qu’une même société de fortune et de biens1 ». À l’espace du monde et à l’usure du temps se substitue une « société » cosmopolite et achronique2 des écrivains, dont la bibliothèque semble être le modèle. L’activité littéraire est ainsi le ciment de la communauté spirituelle des écrivains d’ici, de maintenant, d’ailleurs et d’autrefois.
2Pourtant, le saut chronologique de Virgile au Tasse signale une absence. Les écrivains de l’âge moyen qui sépare l’Antiquité de la modernité ne seraient-ils pas dignes de rejoindre l’intemporelle communauté des écrivains ? On pourrait avancer, pour justifier l’oubli de Batteux, le fait que l’on n’avait pas retrouvé, au xviiie siècle, les manuscrits des grandes épopées médiévales françaises, au point de devoir les récrire de toutes pièces3 ; mais il a probablement une cause moins accidentelle. La définition de la littérature comme communauté anhistorique est moins inclusive qu’elle paraît d’abord, et suppose que pour être reçu dans la bibliothèque, un texte donne à reconnaître les indices d’une pratique qui puisse se sérier avec celles de l’Antiquité ou de la modernité ; et si les grilles de lecture développées par le classicisme et reprises par Batteux permettent de mettre en série l’Iliade, l’Enéide et la Jérusalem délivrée, elles ont beaucoup plus de difficulté à s’appliquer aux textes médiévaux.
3Avant d’être admis dans la bibliothèque commune imaginée par Batteux, un texte est donc soumis à une enquête critique. Cette enquête a pour but d’y reconnaître les lieux communs susceptibles de le réunir avec les textes qui figurent déjà dans la bibliothèque : elle repose sur une grille de critères, une topique critique, qui fournit à l’inclusion ou au rejet du texte des fondements rationnels. Les critères de Batteux sont essentiellement ceux d’une poétique normative, synthèse des théories d’Aristote et d’Horace. Les critères des poétiques normatives des xviie et xviiie siècles échouent généralement à légitimer les textes médiévaux : l’exemple paradigmatique en est le passage de l’Art poétique de Boileau consacré à la poésie médiévale, réduite à « l’art confus de nos vieux romanciers », à Villon et à Marot4. Selon Brossette5, « les vieux romanciers » renvoient surtout au Roman de la Rose, dont Marot fut l’éditeur, comme aussi de Villon. Ces vers esquissent l’idée d’une légitimation rétrograde de Villon et des romanciers par l’intérêt que leur a porté Marot, lequel tient ainsi lieu, non seulement par son œuvre propre, mais aussi par son travail sur celles du passé, de transition entre le Moyen Âge et les poésies renaissantes et classiques.
4Ce point de vue, même s’il semble orienter la bibliothèque idéale de Batteux, ne se maintient pas uniformément au xviiie siècle. En éditant L’Art poétique, Saint-Marc répondait en 1747 à ceux qui trouvaient que Boileau ne louait pas assez Marot qu’il « l’avait précédemment proposé comme modèle par ce vers : “Imitons de Marot l’élégant badinage”. Quel plus grand éloge peut-on faire d’un Auteur, qu’en disant qu’il le faut imiter6 ? » Évaluer la viabilité des textes anciens comme modèles est un réflexe critique qui apprécie leur capacité à s’inscrire dans une chaîne de production textuelle. Il n’est pas de plus grand éloge car, dans une « culture rhétorique7 » fondée sur la reprise créative d’un héritage, le fait qu’un auteur du passé soit imitable signifie que la critique a su reconnaître dans son œuvre un certain nombre de lieux communs qui le rapprochent non seulement des textes déjà admis dans la bibliothèque, mais aussi de textes encore à venir : la poétique normative est autant grille de lecture que programme d’écriture.
5Si l’application d’une topique critique de ce genre aux textes médiévaux ne se fait pas, au xviiie siècle, sans difficulté, ce n’est qu’un cas particulier des difficultés que rencontre la critique rhétorique lorsque, s’intéressant aux textes du passé, elle est confrontée au choc des choses anciennes8. La querelle d’Homère part d’une remise en cause de l’autorité dont jouissent les poèmes homériques dans des bibliothèques idéales comme celle du père Batteux : Homère ne va pas davantage de soi que les « vieux romanciers ». Cette équivalence est d’abord proposée par le parti des Modernes qui, dans le sillage de Charles Perrault, promeut l’ancienne littérature vernaculaire. Elle est également mise à profit dans la fiction : Marie-Jeanne l’Héritier de Villandon présente un de ses contes (Les Enchantements de l’éloquence, une « allégorie du programme esthétique moderne9 ») comme un héritage des « Conteurs ou Troubadours de Provence, si célèbres autrefois », transmis par « une Dame très instruite des antiquités grecques et romaines, et encore plus savante dans les antiquités gauloises ». La voix de cette femme érudite réalise une synthèse entre l’antiquité classique et l’antiquité nationale, suggérant une équivalence entre ces deux sources d’inspiration. Ainsi s’élabore l’idée des « deux antiquités10 », la classique et la nationale, conçue par les Modernes pour mettre en évidence l’altérité des textes grecs et rendre plus familiers, en proportion, les textes de la tradition vernaculaire.
6Née dans un contexte polémique, cette idée s’infuse, tout au long du xviiie siècle, dans la littérature d’invention comme dans les travaux philologiques, qu’ils l’approfondissent ou la contestent : Anne Dacier (1711), Blackwell (1735), Picart (1743) ou l’académicien Bougainville (1764), entre autres, contribuent petit à petit à construire le rapprochement entre le métier d’Homère et celui des troubadours11. Une fois dépassé le contexte polémique immédiat de la Querelle, ce rapprochement des textes classiques et des textes médiévaux a servi de base à des synthèses critiques expérimentales : comment adapter la topique critique, issue des textes de l’Antiquité – de l’autorité d’Homère, d’Aristote et d’Horace – pour valider l’intégration dans la bibliothèque commune des textes médiévaux ? S’il est bien acquis que pour inclure les auteurs médiévaux dans la grande société des écrivains, il faut que les modernes et les médiévaux aient quelque chose en commun, le problème reste d’identifier le tertium comparationis, le terme susceptible de faire le lien entre ces deux mondes et de les lier en « une même société de fortune et de biens12 ».
7On fera ici l’hypothèse que le moyen de la comparaison, le lieu commun où le xviiie siècle espérait retrouver le Moyen Âge, est la vraisemblance. La raison pour le choix de ce critère est d’abord statistique : la principale critique adressée au xviiie siècle aux textes médiévaux est celle de leur invraisemblance ; en conséquence, l’essentiel du travail de justification critique de ces textes porte sur la question de la vraisemblance. Cette abondance s’explique aussi par le désir de rationalisation présent dans la critique au xviiie siècle : le lecteur critique souhaite réduire ce qu’il lit au vraisemblable, comme la poétique prescrit d’écrire des choses vraisemblables. La vraisemblance est donc un lieu commun rationnel qui permettrait de réconcilier une poétique prescriptive avec la littérature médiévale, et la lecture des textes du passé avec l’écriture des textes à venir. D’où deux stratégies différentes : la vraisemblance dont il est question peut être, soit une vraisemblance formelle, celle de l’action d’un texte ou de la psychologie de ses personnages ; soit une vraisemblance historique, celle d’une explication du texte qui apporte à ses invraisemblances internes une justification contextuelle. La première est préférable, étant porteuse d’universalité, puisqu’elle identifie chez les médiévaux une conception de l’action vraisemblable semblable à celle du xviiie siècle. La seconde demande un plus grand effort : elle demande au lecteur du xviiie siècle de se figurer ce qu’un homme vivant dans le contexte du Moyen Âge pouvait considérer comme vraisemblable. Cette seconde vraisemblance, plus dangereuse, intervient généralement quand la critique échoue à retrouver la première dans le texte : elle permet de conserver la définition aristotélicienne de la vraisemblance (est vraisemblable ce qui, en droit, peut arriver) au prix d’un changement d’univers de croyances. On justifiait, lors de la querelle, les écarts et les invraisemblances d’Homère par l’arriération des temps : les impostures des découvreurs de « fragments d’ancienne poésie13 » utilisent le même type de justification, leurs mystifications ayant pour but de rendre vraisemblable l’existence des textes qu’ils proposent.
8Cette idée centrale de la vraisemblance est par ailleurs régulièrement signalée par des références à l’Epître aux Pisons d’Horace, sous la forme d’épigraphes ou dans le corps du commentaire. Horace est à la fois une source critique investie de l’autorité de l’Antiquité et, par le rapport ambigu qu’il entretient avec Aristote, le représentant d’une forme de modernité critique (il est, déjà, un critique du passé, alors que la Grèce représente, au xviiie siècle, l’origine de la culture). Dans le processus d’acculturation des textes médiévaux, Horace fait figure d’ombre tutélaire, accompagnant, plus ou moins explicitement, leur rationalisation. Citer Horace permet également de maintenir le lien entre pratique philologique et poétique prospective : son art poétique est à la fois un outil herméneutique et une source des règles. Dans ce contexte d’évaluation de la capacité du texte à susciter ses récritures, l’adaptation des textes médiévaux se produit non comme une rupture avec une culture de la référence commune, mais comme une série de variations formelles et thématiques sur des pratiques et des thèmes « licites ». Les philologues qui présentent les textes médiévaux adoptent ainsi une attitude distante, justifiant l’étrangeté de leur objet par la vraisemblance, se servant d’Horace comme catalyseur. Cette attitude de la critique fournit en retour aux écrivains qui souhaitent prendre les textes médiévaux pour modèles des arguments propres à justifier leurs créations : en s’inspirant du Moyen Âge, ils ne choisissent pas une source d’inspiration complètement étrangère, puisqu’ils se conforment à une exigence contemporaine (la vraisemblance) que la critique a reconnue dans les textes médiévaux.
9On examinera donc ici l’interaction entre la matière médiévale et le discours critique normatif du xviiie siècle, dans une tentative pour montrer comment, d’une part, les philologues et les critiques ont tenté d’appliquer aux textes médiévaux le critère de la vraisemblance horatienne, et comment, d’autre part, des écrivains ont souhaité se conformer à l’exigence contemporaine de vraisemblance dans des fictions médiévalisantes, en utilisant les arguments développés par la philologie. On examinera d’abord quelques discours philologiques ou académiques, car c’est l’approche savante qui fournit le modèle de l’apologie moderne du texte médiéval ; puis on se penchera sur les discours des auteurs des premiers romans gothiques anglais, Horace Walpole et Clara Reeve, qui reprennent les arguments de la philologie pour introduire leurs œuvres et montrer que la matière « gothique » a sa place dans la bibliothèque commune imaginée par Batteux.
Essais de poétique médiévale
10Vers la fin des Enchantements de l’éloquence, L’Héritier commente la vraisemblance de son conte, qui ne lui « paraît pas plus incroyable que beaucoup d’histoires que nous a fait l’ancienne Grèce ». La littérature d’invention serait donc parcourue par une invraisemblance fondamentale, et « contes pour contes […] ceux de l’antiquité gauloise valent bien à peu près ceux de l’antiquité grecque : et les Fées ne sont pas moins en droit de faire des prodiges, que les Dieux de la Fable14 ». C’est évidemment là une apologie du merveilleux assumé, et reconnu dans les textes anciens. Bien que l’argument, dans un texte de fiction, vise autant à piquer l’orgueil des antiquisants qu’à accréditer le merveilleux moderne, il n’est pas si dissemblable de justifications avancées par les médiévistes du xviiie lorsqu’ils prennent les romans pour source. Jean-Baptiste La Curne de Sainte-Palaye, décrivant le serment chevaleresque, a recours à une expression apparemment antinomique :
Ce serment était regardé comme inviolable ; du moins sommes-nous fondés à le croire sur la foi des romans. Combien d’usages de l’antiquité nous paraissent suffisamment prouvés par le seul témoignage des Poètes ! Pourquoi nos Romanciers n’auraient-ils pas le même privilège15 ?
11L’équation de la recherche des médiévistes à celle des antiquisants est une manière de légitimer celle dont l’objet est plus moderne ; mais La Curne cherche à imposer une égalité de traitement entre les deux sources de la modernité et non à disqualifier la méthode des antiquisants. La Curne ne dénonce pas l’usage documentaire que les homéristes font de la fiction, mais réclame le même droit pour les médiévistes. Ce raisonnement trouvera dans le contexte anglais et protestant une expression encore plus radicale : les fictions seraient historiquement plus fiables que les chroniques mêmes, ces dernières étant l’œuvre de « moinillons historiens » (monkish historians) uniquement préoccupés de la prospérité matérielle des établissements religieux16.
12La tension est ici entre l’invraisemblance du merveilleux (revendiquée par la conteuse) et la valeur documentaire de la fiction (défendue par l’historien). Le calcul de la compatibilité du monde présenté par le texte avec le monde empirique (en somme, le problème de la vraisemblance) est l’objet de la « poétique néo-gothique17 » que développe Joseph Addison en 1712 dans The Spectator, à propos de la « manière enchantée » d’écrire (« the fairy way of writing », expression empruntée à la Préface de Dryden à King Arthur). Comme tous les numéros du Spectator, celui-ci est introduit par une épigraphe faisant autorité – en l’occurrence, la fin d’un vers d’Horace : mentis gratissimus error18. La paraphrase anglaise du syntagme nominal latin fonctionne par amplificatio et grossit son objet : « in pleasing error lost, and charmingly deceiv’d », invitant le lecteur moderne à considérer la question de la « manière enchantée » du point de vue de cet Argien qui, quoique respectable à tous égards, croyait entendre des spectacles, assis dans un théâtre vide, et reprocha à ses amis de l’avoir mal servi en le guérissant par une potion d’ellébore. Comme lui, les modernes peuvent céder aux fantaisies superstitieuses de la féérie sans dommage parce que le progrès de l’esprit a dissipé les ténèbres, et qu’on ne saurait plus leur accorder le moindre crédit. Quant à la nature de cette erreur, voici ce qu’il en dit :
Cette sorte de composition demande un tour d’esprit fort singulier, et il est impossible qu’un Poète y réussisse, s’il n’a une imagination naturellement féconde et superstitieuse. D’ailleurs il doit être bien versé dans les légendes et les fables, les romans surannés et les contes de nourrices et de vieilles, pour s’accommoder avec nos préjugés, et entretenir ces idées que nous avons reçues dans notre enfance. À moins de cela, il court risque de faire parler ses fées comme des individus de notre espèce, et non pas comme des êtres d’une autre nature, qui conversent avec de tous autres objets, et qui pensent d’une manière différente de celle du genre humain.
Sylvis deducti caveant, me judice, fauni,
Ne velut innati triviis, acpene forenses,
Aut nimium teneris juvenentur versibus. (Art poét. 244-246).
Tirés de leurs forêts les Faunes doivent, à mon avis, prendre garde d’aller, en habitués des carrefours et en hôtes perpétuels du forum, faire jamais les jolis cœurs en vers trop raffinés19.
13Quoique la raison invalide les contes de bonnes femmes comme les vieux romans chevaleresques, Addison voit dans la séduction instinctive qu’exerce sur les lecteurs ce genre de fiction la trace de l’éducation et, plus profondément, d’une part cachée et inquiétante de l’imagination. Mais surtout, Addison convoque Horace pour définir une vraisemblance féérique, liée au niveau de langue des êtres surnaturels. Cette partie de la composition ne doit pas se fondre dans la réalité, mais au contraire saillir hors d’elle : les êtres surnaturels ne peuvent pas avoir le même langage que les êtres naturels. Cette remarque, cependant, conserve le lien aristotélicien entre vraisemblance et potentiel, car est vraisemblable ce que nous concevons pouvoir se produire (en ce sens, les événements extraordinaires qui se produisent bel et bien ne sont pas vraisemblables). Or nous n’avons, écrit plus haut Addison, aucun mal à admettre rationnellement qu’il existe autour de nous « quantité d’êtres spirituels » (many intellectual beings). La manière enchantée est donc aussi, de manière tout-à-fait classique, une manière naturelle d’écrire.
14La synthèse à la fois historique et normative que propose en 1734 Nicolas Lenglet du Fresnoy20 de la notion de vraisemblance dans les genres narratifs est en revanche plus proche de la poétique aristotélo-horatienne de Le Bossu ou des époux Dacier. Elle se fonde sur le v. 338 de l’Ars poetica, « ficta voluptatis causa sint proxima veris », pour étayer la « loi » du « vraisemblable ». Celle-ci se caractérise par son antiquité et sa constante validité (« c’est une règle ancienne, on ne fait aujourd’hui que la renouveler »). L’équivalence de la Fable et des contes défendue par Mme L’Héritier s’y retrouve : « Il est bon que [les Grecs] aient accommodé toute l’histoire de leurs dieux aussi burlesquement qu’ils ont fait ; c’est une apologie pour nos contes de fées, et pour les enchantements si ordinaires dans nos vieux romans de chevalerie. » La justification de l’invraisemblance est purement contingente (historique), et sans une justification de ce type, « il faudrait abandonner [les romans] aux voies de fait que la sage raison pourrait employer contre eux ». Suivant Aristote, Lenglet confine les « choses vraies qui ne sont pas vraisemblables » à l’histoire. Les progrès de l’esprit depuis le xviie siècle lui semblent avoir amené dans la littérature chevaleresque « de la régularité, de la vérité même jusque dans la narration fabuleuse », dont étaient dépourvus les siècles précédents. En somme, « si l’on dit que le héros est vaillant, qu’il est brave, on n’en fait pas un paladin, qui d’un coup de cimeterre pourfend le cavalier armé à blanc avec son cheval » : le critique du xviiie siècle, soucieux de vraisemblance, est indifférent à l’expressivité de l’exploit emphatique rapporté par le texte médiéval.
15À la lecture de ces différents exemples, on constate la perméabilité entre discours fictionnel (L’Héritier) et discours critique (La Curne) ; Addison vient théoriser ce lien à l’aide d’un développement sur le vraisemblable dans la matière enchantée, c’est-à-dire sur une vraisemblance formelle interne aux textes anciens ou modernes qui opèrent dans ce genre. Lenglet du Fresnoy, quant à lui, refuse aux textes médiévaux cette cohérence interne, et ne leur applique qu’une vraisemblance contextuelle, en reconstituant l’univers de croyances qu’il estime nécessaire pour accorder du crédit aux fictions du Moyen Âge.
Lectures vraisemblables des fabliaux
16La position d’Addison, synthèse entre une poétique inspirée d’Horace et la matière médiévale, se retrouve dans les travaux du philologue Etienne Barbazan, seul philologue à avoir donné, au xviiie siècle, des éditions des textes médiévaux, plus que des traductions ou des adaptations. Sa démarche est plus générale : il ne s’attache pas à la seule question de la vraisemblance, mais s’efforce d’interpréter la physionomie globale de la littérature médiévale en termes modernes. Dans son introduction aux Fabliaux et contes des poètes français des xii, xiii, xiv et xves siècles, il examine les genres littéraires médiévaux, les rapprochant chaque fois que faire se peut de la hiérarchie classique des genres ; ainsi « nos anciens poètes français » ont-ils composé des poèmes « auxquels nous pouvons donner le nom d’épiques, quoiqu’ils ne soient point faits selon les règles prescrites par Aristote, qui paraissent leur avoir été inconnues21 ». L’héritage antique, bien qu’indirect, n’est cependant pas exclu : « quoique les Auteurs ne paraissent point s’être formés sur les beaux modèles de l’antiquité, on retrouve néanmoins dans quelques-uns de leurs ouvrages, des traces des Anciens ; et dans ce dont ils ne sont redevables qu’à leur propre fond, il y a des traits qui feraient honneur à notre siècle22 ». La continuité n’est donc rompue, sinon historiquement, du moins sur des critères formels, ni entre l’Antiquité et le Moyen Âge, ni entre le Moyen Âge et l’époque moderne.
17Quelles sont ces « traces des Anciens » que Barbazan reconnaît chez les médiévaux ? S’il se contente d’indices indirects, le comte de Caylus (1692-1765) est, quant à lui, plus soucieux de faire correspondre terme à terme la littérature médiévale et la critique moderne. Il réduit par exemple, par le biais de l’étymologie, les fabliaux aux fables23. Or, la poétique des genres narratifs développée depuis le P. Le Bossu (et reprise au xviiie par Batteux) fait de la fable le degré le plus simple du récit24 : s’intéresser aux fabliaux, c’est donc s’intéresser à la base de la hiérarchie poétique. Le fabliau est « un poème qui renferme le récit élégant d’une action inventée, petite, plus ou moins intriguée, quoique d’une certaine étendue, mais agréable ou plaisante, dont le but est d’instruire ou d’amuser » ; et, puisque l’épopée n’est jamais qu’une amplification d’un tel récit, Caylus fait le lien avec Homère. Il a cependant conscience de la fragilité de ce lien, dans la mesure où l’accès du Moyen Âge aux textes antiques n’est pas avéré : « on peut toujours m’objecter que les xiie et xiiie siècles, ou même ceux qui ont précédé, n’ont pu former des poètes et des auteurs sur le modèle des anciens, dont les précieux restes n’étaient pas encore rétablis par cette savante critique, à qui il reste peut-être encore bien du chemin à faire pour arriver à sa dernière perfection » – et l’on notera que la chute de la phrase ménage la possibilité que la rupture de la continuité entre l’Antiquité et le Moyen Âge soit une insuffisance épistémologique plutôt qu’une réalité historique.
Mais plus je suis convaincu que les premiers savants ont imité les premiers voyageurs qui ont placé dans leurs récits des hommes sur un pied, qui leur ont supposé la tête dans la poitrine, et mille autres extravagances ; plus je me suis rendu aux traces des anciens auteurs, qu’on entrevoit clairement dans quelques Fabliaux. Je suis donc persuadé que de certains auteurs ont toujours été connus par nos pères, qui du reste n’en étaient pas moins d’une prodigieuse ignorance, à beaucoup d’égards et surtout en Géographie25.
18Caylus identifie donc une filiation entre les poètes de l’antiquité et les auteurs des fabliaux, basée autant sur des similitudes littéraires que sur le partage d’un imaginaire géographique étonnant : si les médiévaux ont pu récupérer dans Hérodote ou dans Pline l’idée qu’il existait des Blemmyes et des Sciapodes, ils ont bien pu aussi retirer des principes poétiques de la littérature latine. Ainsi est apportée une justification historique à la mise en série des fabliaux avec « tous les poèmes et […] tous les ouvrages d’esprit », qui ont tout classiquement pour but « d’instruire ou d’amuser. Aut prodesse volunt aut delectare Pœtæ26 ». L’autorité intemporelle d’Horace est convoquée pour justifier l’assimilation des fabliaux aux fables dans le cadre du système classique des genres.
19Malgré la possibilité d’une filiation, il est toujours possible que le lecteur moderne trouve aux textes médiévaux des défauts qui s’accommodent mal d’une source antique. Caylus conclut donc prudemment, en identifiant dans les fabliaux davantage une puissance d’imitation des modèles antiques, plutôt qu’une exacte conformité au canon horatien :
On n’exigera pas, je crois, que chacun des fabliaux qui ont été faits dans le 12e ou le 13e siècle, réunisse toutes les conditions que je viens d’expliquer et qui sont nécessaires pour la perfection d’un ouvrage de ce genre. Mais je crois pouvoir assurer qu’il n’y a aucune partie qui, en quelque endroit de ces fabliaux, n’ait été rendue de façon à servir de modèle27 […].
20Ce faisant, le marquis dégage un archétype du fabliau, qui ne peut guère être illustré que de manière fragmentaire. Le modèle en soi n’existe pas, mais la segmentation du genre en parties (strates identifiables de composition), typique de la poétique classique, définit par morceaux l’idéal poétique qu’il déduit de précédents (la comparaison avec les modèles antiques). Le modèle est ce vers quoi il semble que les médiévaux se sont efforcés de tendre. Caylus se livre donc à une lecture topique qui a pour but de repérer dans le corpus médiéval des indices d’une pratique littéraire dont les présupposés soient semblables aux siens – des lieux communs qui permettent de légitimer la littérature médiévale.
21Barbazan, dans le travail de détail de l’édition, a une démarche semblable, et la vraisemblance figure parmi les traits compatibles avec la poétique normative du xviiie siècle qu’il tente de retrouver dans la littérature médiévale. Son travail d’éditeur, quoique fort scrupuleux, porte la marque de ce désir d’une communauté de critères et de références entre les deux époques. On en trouve un exemple dans sa lecture du fabliau de Jean Bodel, Du Convoitos et de l’Envieus :
Seignor, apres le fabloier,
Me vueil à voir dire apoier,
Quar qui ne set dire que fables,
N’est mie conterre resgnables
Pour à haute cort servir,
S’il ne sait* voir dire, ou mentir ;
Mes cil qui du mestiers est fers,
Doit bien par droit entre deux vers
Conter de la tierce meüre.
* Il faut là un que : parce que suivant cet Auteur, il faut trois parties dans un conteur, le vrai, le mensonge, c’est-à-dire, que les Histoires, Poèmes et Contes soient véritables ou controuvés ; et le vrai-semblable, c’est-à-dire, que si l’action en elle-même n’est pas véritable, il faut au moins qu’elle soit vraisemblable, et puisse être regardée comme ayant pu arriver : il donne l’aventure qu’il rapporte comme vraisemblable, et c’est ce qu’il appelle la tierce mesure28.
22Si la lecture du manuscrit est impeccable, la scolie qu’introduit Barbazan après « sait » superpose clairement à la poétique du « conteur, narrateur raisonnable » (p. 154) la théorie aristotélicienne selon laquelle le vrai, mêlé au faux, l’accrédite29. Le conteur médiéval classe clairement « voir dire » et « voir mentir » dans la même catégorie, et même si cette dernière idée n’est pas sans rappeler la vraisemblance aristotélicienne, l’interpolation proposée de que n’est pas nécessaire, et le texte oppose clairement de manière binaire les fables (pures inventions) à la catégorie réaliste qui regroupe le vrai et le vraisemblable. L’introduction de Jean Bodel invite à une lecture morale de l’exemplum, mais à cette herméneutique allégorique, Barbazan substitue le souci d’atténuer l’extraordinaire dans la narration et un éloge de la discrète vraisemblance. Par cette analyse, il rend compte du texte médiéval en termes contemporains, créant une communauté de critères au prix d’un déplacement de sens : le philologue, sérieux et attentif à son objet, est malgré tout un lecteur très bienveillant.
De la philologie médiévale au roman gothique
23Cette bonne disposition d’esprit, qui consiste à projeter sur le texte médiéval les critères de la poétique moderne, est précisément l’état dans lequel les auteurs de poésies ou de fictions médiévalisantes voulaient conduire leurs lecteurs. Il n’est pas étonnant que leurs préfaces reprennent les mêmes catégories que la philologie et la critique (la poétique étant autant grille de lecture que programme d’écriture) ; la perspective qu’ils adoptent, en revanche, est faussée : ils présentent comme les critères d’une réception (celle d’un original fictif) ce qui, en réalité, a été les critères d’une composition. Cet alignement de l’apologie de la forgerie sur les rationalisations critiques des textes médiévaux signifie que le choix d’une matière médiévale pour une composition moderne est a priori dépendant de la légitimation critique de cette matière. Choisir d’écrire une histoire médiévale relève certes d’un désir de démarcation, mais ce désir s’exprime dans le cadre d’une culture littéraire commune, et non comme une revendication marginale. Dans la deuxième moitié du xviiie siècle, les auteurs des premiers « romans gothiques », Horace Walpole et Clara Reeve, auraient pu adopter une stratégie de choc et revendiquer l’altérité radicale de leurs prétendus textes médiévaux : les stratégies préfacielles qu’ils adoptent proposent, au contraire, une synthèse entre les rationalisations du discours philologique et le merveilleux des contes de fées – comme l’indique le choix du mot story plutôt que de novel, roman au sens moderne, ou de romance, roman chevaleresque pour désigner ces « histoires ».
24En 1764 paraît The Castle of Otranto, a story, présenté par son auteur, Horace Walpole, comme une traduction par William Marshall, Gent. d’un original italien dû à un moine médiéval. Walpole construit ainsi dans la préface de la première édition de son roman une fiction philologique. C’est ainsi que Le Château d’Otrante aurait été imprimé à Naples dans les premières décennies du xvie siècle en « black letter » (caractères gothiques), puis redécouvert « dans la bibliothèque d’une très ancienne famille catholique du nord de l’Angleterre30 ». Cette notation introductive est particulièrement vraisemblable, dans la mesure où le nord est proche de l’Ecosse (donc des Stuarts), et évoque le duché de Northumberland dont les titulaires sont, depuis la réforme anglicane, recusant. Suivent des considérations sur la datation d’une première version du texte (écrit « entre 1095, date de la première croisade, et 1243, date de la dernière, ou dans la période qui suit immédiatement »). Le texte présenté à l’attention du lecteur est cependant la traduction d’une version plus tardive (peut-être de la fin du xve), écrite « dans l’italien le plus pur31 » : la pureté stylistique de l’original fictif l’apparente aux poèmes de Boiardo, du Tasse et de l’Arioste, qui faisaient partie de la bibliothèque des lecteurs du xviiie siècle. L’« éditeur » soucieux de défendre son texte se débarrasse ainsi de la diction pour se concentrer sur la défense de la fiction. La suite de la préface est consacrée à la critique et à l’apologie de l’œuvre, basée sur une invraisemblance fondamentale (la matérialisation progressive, dans le château d’Otrante, d’une gigantesque armure) que l’éditeur justifie par la crédulité qu’il suppose, comme ses contemporains, au public médiéval. C’est ainsi qu’un moine aurait tenté de conforter les superstitions populaires en contrant, par une histoire terrifiante, les efforts des réformateurs de la Renaissance. La fiction est justifiée historiquement et devient à son tour document, en s’inscrivant dans la topique anglaise du monkish historian.
25Après cette inscription du texte dans un contexte qui en justifie les faiblesses vient une défense plus formelle.
26S’il admet cette apparence de merveilleux, le lecteur ne trouvera dans ce livre aucun autre élément indigne de son attention. Qu’on accepte la possibilité de tels faits, et tous les personnages agissent comme le feraient en pareil cas des personnes ordinaires. L’emphase, les métaphores, la rhétorique, les digressions ou les descriptions inutiles sont absentes de ce roman. Il n’est aucun épisode qui ne tende directement à la catastrophe finale32.
27La vraisemblance unifie tous les critères avancés : il s’agit d’admettre avec l’« apparence » du merveilleux un contrat de lecture classique, mettant l’accent sur le potentiel ; la stricte économie de moyens de l’œuvre, qui en fonde l’unité d’action, vient renforcer le sérieux de l’argumentation, et assimile en pratique la poétique que Walpole feint de déduire de son texte au souci d’économie des poétiques modernes. Cependant, quoique ce vocabulaire critique soit tout aristotélicien, il semble correspondre davantage à une réinterprétation de la poétique qu’à sa stricte application.
28Avec la seconde édition (1765), Walpole tombe le masque, et introduit l’expression gothic story sur la page de titre de son roman. Celle-ci est également augmentée d’une épigraphe horatienne : « vanæ/fingentur species, ut nec pes nec caput uni/reddatur formæ33 ». Walpole choisit de citer le contre-exemple présenté par Horace aux Pisons dans les premiers vers de l’Art poétique, et semble adopter une poétique marginale, rejetant l’équilibre horatien. L’épigraphe est particulièrement adéquate, puisque la disparité des pieds et de la tête de la créature imaginée par Horace correspond parfaitement aux événements du roman, où est rassemblé le corps d’un être gigantesque. Le découpage du premier vers est également, en soi, une private joke érudite : Walpole coupe ce vers après le syntagme « velut ægri somnia », dans lequel il serait facile de lire une allusion au cauchemar qui lui inspira le roman. Le roman semble donc détonner sur le fond de la culture classique, dans la mesure où le choix de l’épigraphe semble indiquer que son auteur a produit le contre-exemple suggéré par Horace – ce qui est malgré tout une manière de montrer que le roman est compatible avec les textes de référence.
29La relation du roman à l’esthétique classique est donc volontiers paradoxale ; et à la marginalité proclamée par la page de titre répond dans la préface une défense de sa conformité. Le roman est ainsi « un essai pour unir les deux genres de roman : l’ancien et le moderne. Le premier n’était qu’imagination et invraisemblance », et « les actions, les sentiments, les conversations des héros et des héroïnes de l’ancien temps étaient aussi artificiels que les machines employées pour les mettre en œuvre » ; quant au roman moderne, « il ne tendait qu’à copier la nature et y réussissait parfois ». Il s’agit donc pour Walpole de trouver la « tierce mesure » que Barbazan reconnaissait chez Jean Bodel, en empruntant aux textes anciens la liberté d’invention caractéristique des aubes de la littérature34, mais en rétablissant dans ces objets un naturel dont étaient dépourvues les anciennes « machines ».
L’auteur des pages qui suivent a cru possible de concilier ces deux manières. Il a voulu laisser à la fantaisie créatrice pleine et entière liberté de s’aventurer dans l’infini domaine de l’imagination et d’apporter ainsi des situations plus intéressantes ; mais il a également souhaité de mener les acteurs de son drame selon les règles de la vraisemblance ; en un mot, de les faire penser, parler et agir comme on pourrait supposer que des hommes et des femmes réels agiraient dans des situations extraordinaires35.
30La vraisemblance (« probability ») est donc le principal enjeu d’une tentative littéraire qui a avant tout pour but de créer une fiction médiévalisante acceptable selon la plupart des règles poétiques qui avaient alors cours (ayant notamment été relayées, en Angleterre, par Alexander Pope). Walpole ne saurait être plus classique que quand il affirme, quelques lignes plus bas : « my rule was nature ».
31La seconde moitié de la Préface est un long débat avec Voltaire sur la question de la vraisemblance historique. Le résultat de cette dissertation est que Shakespeare est, en définitive, plus vraisemblable que Voltaire, ce qui permet à Walpole d’ériger Shakespeare en modèle, et de défendre la doctrine de l’imitation dans son envoi :
Tout ce que je viens de dire a pour résultat de me permettre de m’abriter derrière le plus brillant génie que notre pays, du moins, a produit. J’aurais pu prétendre qu’ayant créé une nouvelle forme de roman j’étais libre d’en établir les règles comme je l’entendais : mais si faible qu’ait été mon imitation, je serais plus fier d’avoir suivi un si magistral exemple que de m’attribuer un mérite d’invention, à moins que j’aie su imprimer à mon œuvre autant de génie que d’originalité36.
32Marot était pour Boileau un auteur de transition ; Shakespeare et, de manière générale, la période élizabéthaine, constituent pour la culture anglaise du xviiie siècle un analogue de Marot, parce que les nombreux sujets médiévaux traités par Shakespeare sont propices à certains débordements. Alexander Pope, défenseur dans An Essay on Criticism de l’équilibre horatien, avait dans son édition de l’œuvre de Shakespeare tenu à polir les principales aspérités de ce théâtre ; mais l’envoi de sa préface contenait une comparaison qui anticipait le mélange entre souci d’équilibre formel et fascination pour la verve shakespearienne de Walpole :
Je terminerai en disant de Shakespeare, avec tous ses défauts, et malgré toutes les irrégularités de son théâtre, qu’on peut considérer son œuvre en la comparant avec d’autres, plus achevées et plus régulières, comme on regarderait un ancien monument d’architecture gothique en le comparant à un beau bâtiment moderne : ce dernier est plus élégant et plus lumineux, mais le premier est plus fort et plus solennel37.
33Quoique les deux préfaces de Walpole inscrivent délibérément le texte dans les préoccupations critiques du xviiie siècle, il reste légitime de le suspecter de chercher à les détourner. Le deuxième roman gothique anglais, The Champion of Virtue de Clara Reeve, publié en 1777, et de nouveau l’année suivante sous le titre The Old English Baron, constitue précisément une réponse aux invraisemblances du Château d’Otrante. Quoique Walpole ait tenté de les justifier, Reeve considère que l’intrigue de ce roman n’est pas assez rationalisée, pas assez vraisemblable, et propose à la fois un nouveau programme d’écriture, et un texte qui le met en œuvre, afin de pallier ces défauts. Il est particulièrement remarquable que le débat entre les premiers auteurs de romans gothiques ait porté, non sur l’authenticité de leurs textes vis-à-vis du Moyen Âge, mais au contraire sur leur compatibilité avec des préoccupations littéraires modernes issues des textes de l’antiquité – et cela témoigne de la prégnance de l’idéal d’une communauté de critères entre les textes du présent et du passé.
34La page de titre du roman de Reeve porte en épigraphe « Ficta voluptatis causa sint proxima veris », et de fait, l’« Address to the Reader » de la première édition présente le texte comme répondant à un projet de rationalisation tout à fait semblable à celui de Lenglet du Fresnoy. Ce texte serait l’édition d’un manuscrit, écrit en vieil anglais, que l’« Editeur » aurait « modernisé38 » (où l’on remarquera que Reeve maintient, dans la nécessité de l’adaptation, une forme de distance entre Moyen Âge et modernité). Par un heureux hasard, ce manuscrit, qui se trouvait en la possession d’une amie de l’éditrice, « suivait presque point par point le plan » selon lequel Reeve imaginait récrire Le Château d’Otrante. Présenté ainsi à la fin de l’adresse, le manuscrit trouvé vient comme un deus ex machina ; l’ironie est sensible, et bien que la reprise du même topos éditorial qu’utilisait Walpole renforce le parallèle, ou que le fait de présenter le texte du roman comme authentiquement médiéval soit une manière de prouver par l’exemple que les médiévaux eux-mêmes savaient se tenir à la vraisemblance, il est permis de douter que le lecteur soit censé réellement faire crédit à cette présentation. Comme le suggérait l’épigraphe, il est surtout important de comparer la vraisemblance de ce texte avec celle du roman de Walpole, dont « l’ouverture éveille vivement l’attention du lecteur, l’histoire est menée avec art et à-propos, les personnages sont admirablement campés et cohérents, la diction est polie et élégante » mais qui « lasse l’esprit du lecteur, quoiqu’il n’en lasse pas l’oreille » car
les machines en sont si violentes qu’elles détruisent l’effet qu’elles étaient censées produire. Si l’histoire avait été maintenue à la plus extrême limite de la vraisemblance, l’effet aurait survécu, sans perdre le moindre élément qui suscite ou retienne l’attention. Par exemple, nous pouvons imaginer et admettre l’apparition d’un fantôme ; nous pouvons même tolérer une épée et un heaume enchantés, mais alors ils doivent être confinés dans les limites d’une certaine crédibilité39.
35La fiction plus que la diction est l’objet de la critique de Reeve, qui emploie (comme faisait Walpole) le vocabulaire de la poétique classique (machinery, probability) pour critiquer la violence que le texte fait à l’intelligence du lecteur. Elle conserve son admiration à l’ambition générale du texte comme à la plupart de ses parties : « story, fable », « characters, personnages », « diction », et n’en critique finalement que l’invraisemblance : les ressorts du roman, trop tendus, n’attachent pas le lecteur. Dans un rappel de la maxime « ut pictura poesis », Reeve note qu’une judicieuse altération des parties critiquées permettraient que « l’harmonie de la composition soit, comme dans la peinture, conservée40 » ; la tolérance accordée aux fantômes rappelle Addison, mais aussi Fielding, selon qui « les seuls agents surnaturels qui nous soient en aucune manière permis à nous autres modernes, ce sont les esprits41 ». La préface de la seconde édition n’apporte pas de grands changements, sinon que Reeve y reconnaît que son œuvre est « le rejeton littéraire du Château d’Otrante », avec lequel elle partage la même ambition d’unir « les aspects les plus attrayants et les plus intéressants des genres romanesques ancien et moderne », et que la vraisemblance historique y rejoint la vraisemblance formelle, la désignation générique de « gothic story » s’expliquant parce que l’œuvre serait « un tableau de temps et de manières gothiques42 » ; un texte formellement et historiquement vraisemblable, produit cependant de la modernité. Walpole comme Reeve tentaient de montrer que leurs œuvres comportaient tant une vraisemblance interne qu’une vraisemblance historique : Reeve reprochait essentiellement à Walpole de ne pas être sincère dans cet effort, au moins en ce qui concerne la vraisemblance interne – ce qui revenait à ébranler les fondations rationnelles d’une certaine conception de la littérature au xviiie siècle.
Conclusion : le lieu commun à l’épreuve de la lecture rhétorique des textes médiévaux
36La bibliothèque philologique et poétique du xviiie siècle ne donne pas à lire un discours unifié sur la littérature médiévale ; elle définit, selon le mot de Nathan Edelman, une série d’attitudes. Celles-ci ont pour point commun de ne pas rejeter, comme Boileau, la production tout entière des « vieux romanciers », mais d’y chercher, soit des modèles à imiter, soit des pratiques poétiques à reconnaître. La vraisemblance et l’autorité d’Horace sont bien, en ce sens, un tertium comparationis : la première peut se reconnaître dans les textes médiévaux, la seconde, s’y appliquer, et les avoir en partage cimente la société des écrivains rêvée par Batteux. Par ce geste topique, les philologues et les écrivains qui s’intéressent à la matière médiévale manifestent la capacité d’accueil du lieu commun construit par les continuités formelles et historiques imaginées par les lectures rhétoriques.
37Ce faisant, ils en éprouvent aussi l’élasticité. La lecture un peu trop bienveillante de Barbazan est, à cet égard, moins dangereuse que le soupçon insidieux qui peut peser sur la sincérité de Walpole défendant la vraisemblance, émis, entre autres, par Clara Reeve et indirectement confirmé par Walpole : n’a-t-il pas jugé le roman de Clara Reeve « totalement dépouillé du merveilleux […] sauf dans une tentative maladroite d’intégrer quelques fantômes43 » ? Ce jugement, exprimé dans le cadre privé de la correspondance, conforte davantage la marginalité suggérée par la pratique humoristique de l’épigraphe que le propos apologétique de la seconde préface. Sans doute peut-on voir là (comme dans l’apologie de Shakespeare, auteur de transition, certes, mais aussi modèle national) un indice du nationalisme littéraire grandissant, dont le médiévalisme est un des supports au xviiie siècle. La fascination grandissante pour le passé vernaculaire de l’Europe, plutôt que pour le fonds commun de l’Antiquité classique, rend ambiguë la position de Walpole, mais aussi d’autres points de vue contemporains : lorsque le Prospectus de la Bibliothèque universelle des romans justifie en 1775 la lecture de romans « qui sont d’anciens manuscrits » ou auxquels « la rareté ou la vétusté avaient ravi l’avantage de la publicité » parce qu’elle sera, entre autres, « féconde pour les poètes qui cherchent des fictions heureuses44 », doit-on y lire la persistance de l’idée d’imitation, ou au contraire l’éloge d’un exotisme original et bienvenu ?
38Leurs contradictions mises à part, ces discours témoignent malgré tout d’une persistance de l’idée de littérature comme communauté. Même si Walpole ne s’engage pas en pratique pour la vraisemblance et l’équilibre aussi sincèrement que Reeve, il éprouve le besoin d’insérer son texte dans les lieux communs de la critique de son temps, de le faire exister dans une réflexion commune. Le mathématicien et critique polonais Jan Śniadecki, défenseur, dans les premières décennies du xixe siècle, de l’idéal poétique classique, considérait que le romantisme « renouvelait ce qui plaisait dans les temps chevaleresques » tout en étant « sourd aux règles de l’art45 » : les premiers romans gothiques ne sont pas, en ce sens, des indices de préromantisme, dans la mesure où ils sont toujours soucieux des règles, à défaut d’y être toujours conformes – mais quel texte à l’âge classique a toujours été conforme aux règles ?
39Si nos philologues et nos écrivains avaient été sourds aux règles, ils auraient été indifférents à l’idée d’une communauté des gens de lettres soudée à travers le temps et l’espace par les mêmes « intuitions » poétiques. Leurs travaux et leurs œuvres constituent, au contraire, des efforts pour adopter une matière littéraire inhabituelle, et témoignent de leur créativité, tant dans la critique que dans la composition, pour concilier une poétique rationnelle et l’imagination médiévale.
Notes de bas de page
1 Ch. Batteux, Parallèle de la Henriade et du Lutrin, s.l.s.n., 1746, p. 23.
2 Au sens où l’entend Sophie Rabau, « Propositions pour l’achronie », en ligne : http://www.fabula.org/atelier.php?Propositions_pour_l’achronie_par_S._Rabau, dernière consultation le 4 avril 2016.
3 C’est ainsi que la Bibliothèque universelle des romans (vol. 20, Lacombe, novembre 1777) propose un substitut moderne à la Chanson de Roland (pour une présentation de cette récriture, voir V. Sigu, Médiévalisme et Lumières, Oxford, SVEC 2013 : 08, p. 223 et suiv.).
4 Boileau, L’Art poétique, I, v. 113-122. Ces vers fournissent notamment son point de départ à l’étude de Nathan Edelman, Attitudes of Seventeenth-Century France toward the Middle Ages, New York, King’s Crown Press, 1946.
5 Note sur L’Art poétique in Œuvres de M. Boileau Despréaux, éd. Charles Hugues Lefebvre de Saint-Marc, David/Durand, 1747, t. II, p. 22.
6 Ibid.
7 Au sens de M. Charles, L’Arbre et la Source, Le Seuil, 1985, p. 185 : « une culture où la lecture est tournée vers une écriture ».
8 Pour reprendre le titre de l’ouvrage de L. F. Norman, The Shock of the Ancient, Chicago-London, University of Chicago Press, 2011.
9 S. Raynard, La Seconde Préciosité. Floraison des conteuses de 1690 à 1756, Tübingen, Gunter Narr Verlag, coll. « Biblio 17 » n° 130, 2002, p. 143.
10 Sur ce topos critique des deux antiquités, voir J.-P. Sermain, « Le conte de fée classique et le Moyen Âge » dans P. Damian-Grint (éd.), Medievalism and manière gothique in Enlightenment France, Oxford, SVEC 2006 : 05, p. 74 et suiv.
11 Ce qui n’est pas sans anticiper, au xxe siècle, les thèses de Parry et Lord dans la critique, et le Dossier H. d’Ismaïl Kadaré dans la fiction.
12 Pour reprendre les termes du P. Batteux.
13 On pensera notamment aux forgeries, dissimulées sous l’apparence de la philologie nordique, de T. Percy, Reliques of Ancient Poetry, London, J. Dodsley, 1765 ; ou de James McPherson, Fragments of Ancient Poetry, Edinburgh, Hamilton-Balfour, 1760.
14 M.-J. L’Héritier de Villandon, « Les Enchantements de l’éloquence » dans L’Héritier, Bernard, La Force, Durand, Auneuil, Contes, éd. Raymonde Robert, Champion, « Bibliothèque des génies et des fées » n° 2, 2005, p. 91.
15 J.-B. La Curne de Sainte-Palaye, Mémoires sur l’ancienne chevalerie, Duchesne, 1759, t. I, p. 235. Nous soulignons.
16 G. Ellis, « Preface », Fabliaux or Tales, abridged from French manuscripts of the xiith and xiiird centuries by M. Le Grand, selected and translated into English verse, trad. Gregory Lewis Way, London, Bulmer & C°, 1796, t. I, p. ii. Ces fabliaux sont traduits de l’édition française de Le Grand d’Aussy, Fabliaux ou contes du xiie ou du xiiie siècles, Eugène Onfroy, 1779, 3 t., qui lui-même travaillait d’après les éditions de Barbazan.
17 J.-P. Sermain, art. cit., p. 83.
18 Horace, Epistulæ, II, ii, 140 : « un très plaisant égarement de l’esprit ».
19 Le Spectateur ou le Socrate moderne traduit de l’anglois, Amsterdam, Fr. Wetstein, 1720, t. IV, p. 300-301 ; original : The Spectator, n° 419, Tuesday, July 1, 1712 : « There is a very odd turn of thought required for this sort of writing, and it is impossible for a poet to succeed in it, who has not a particular cast of fancy, and an imagination naturally fruitful and superstitious. Besides this, he ought to be very well versed in legends and fables, antiquated romances, and the traditions of nurses and old women, that he may fall in with our natural prejudices, and humour those notions which we have imbibed in our infancy. For otherwise he will be apt to make his fairies talk like people of his own species, and not like other sets of beings, who converse with differents objects, and think in a different manner from that of mankind. […] A satyr that comes staring from the woods, /Must not at first speak like an orator. Roscommon. » La traduction anglaise des vers d’Horace est celle de Wentworth Dillon, 4th Earl of Roscommon, Horace’s Art of Poetry, London, 1684.
20 G. de Percel [N. Lenglet du Fresnoy], De l’usage des romans, Amsterdam, Veuve Poilras, 1734, p. 204-205.
21 Fabliaux et contes des poètes françois des xii, xiii, xiv et xves siècles, tirés des meilleurs auteurs, Vincent, 1756, t. I, p. xiii-xiv.
22 Id., p. xxvii-xxviii.
23 A.-C. de Caylus, « Mémoire sur les fabliaux » dans Histoire de l’Académie royale des inscriptions et Belles-lettres, Imprimerie royale, 1753, t. XX, p. 352-376.
24 Voir entre autres sur cette question : R. Le Bossu, Traité du poème épique, 1675 ; A. Dacier, « Préface » à L’Odyssée d’Homère traduite en François, nouvelle éd., Amsterdam, 1717, p. xvii et suiv. ; Ch. Batteux, Cours de Belles-lettres ou Principes de la littérature, nouvelle éd., Desaint et Saillant, 1753, t. 1, p. 214.
25 Id. p. 355.
26 Id. p. 357. Le vers cité est d’Horace, Ars poetica, v. 333.
27 Id. p. 360.
28 É. Barbazan (éd.), L’Ordène de Chevalerie, Lausanne, 1759, p. 153-155. « Seigneurs, après avoir raconté des récits de pure imagination, je veux maintenant m’appliquer à rapporter des histoires véridiques, car celui dont le métier est de dire des fables n’est pas un conteur digne de s’adresser à une noble assistance s’il est incapable de relater des choses vraies ou au moins vraisemblables. Celui qui est expert en l’art de conter se doit, entre deux récits d’imagination, de rapporter des aventures vécues », trad. Jean-Claude Aubailly, Fabliaux et contes du Moyen Âge, Le Livre de poche, 1987, p. 9.
29 Aristote, Poétique 1451b.
30 H. Walpole, Le Château d’Otrante, trad. D. Corticchiato, José Corti, « Collection romantique » n° 4, p. 147 ; The Castle of Otranto, ed. W. S. Lewis, Oxford, OUP, « Oxford World’s Classics », p. 5.
31 Ibid.
32 Le Château d’Otrante, op. cit., p. 148. « If the air of the miraculous is excused, the reader will find nothing else unworthy of his perusal. Allow the possibility of the facts, and all the actors comport themselves as persons would do in their situation. There is no bombast, no similies, flowers, digressions, or unnecessary descriptions. Every thing tends directly to the catastrophy », The Castle of Otranto, op. cit., p. 6. Nous soulignons.
33 « [un livre où] ne seront retracées que des images inconsistantes, faisant un corps dont les pieds et la tête ne répondront pas à un type unique. » Horace, Ars poetica, vv. 7-9 (trad. F. Villeneuve, Epîtres, Les Belles Lettres, 1966, p. 202).
34 Qu’illustrent, en cette fin de xviiie siècle, autant Ossian qu’Homère : voir à ce sujet S. Rabau, Quinze (brèves) rencontres avec Homère, Belin, 2012, ch. III, IV et VI.
35 Le Château d’Otrante, op. cit., p. 150. « It was an attempt to blend the two kinds of romance, the ancient and the modern. In the former all was imagination and improbability : in the latter, Nature is always attended to be, and sometimes has been, copied with success. […] The actions, sentiments, conversations, of the heroes and heroins of ancient days were as unnatural as the machines employed to put them in motion./The author of the following pages thought it possible to reconcile the two kinds. Desirous of leaving the powers of fancy at liberty to expatiate through the boundless realms of invention, and thence of creating more interesting situations, he wished to conduct the mortal agents in his drama according to the rules of probability ; in short, to make them think, speak and act, as it might supposed mere men and women would do in extraordinary positions. » The Castle of Otranto, op. cit., p. 9-10.
36 Le Château d’Otrante, op. cit., p. 154. « The result of all I have said is to shelter my own daring under the cannon of the brightest genius this country, at least, has produced. I might have pleaded, that having created a new species of romance, I was at liberty to lay down what rules I thought fit for the conduct of it : but I should be more proud of having imitated, however faintly, weakly, and at a distance, so masterly a pattern, than to enjoy the entire merit of invention, unless I could have marked my work with genius as well as originality », The Castle of Otranto, op. cit., p. 14.
37 A. Pope, « The Preface of the Editor », The Works of Shakespear, 2nd ed., London, 1728, t. I, p. xxv. « I will conclude by saying of Shakespeare that, with all his faults, and with all the irregularity of his Drama, one may look upon his works, in comparison of those that are more finish’d and regular, as upon an ancient majestick piece of Gothick Architecture compar’d with a neat Modern building : the latter is more elegant and glaring, but the former is more strong and solemn. »
38 C. Reeve, The Old English Baron, ed. James Trainer, Oxford, OUP, « Oxford World’s Classics », p. 139. Toutes les traductions des préfaces de Reeve sont les nôtres.
39 The Old English Baron, op. cit., p. 138 « The opening excites the attention very strongly ; the conduct of the story is artful and judicious ; the characters are admirably drawn and supported ; the diction polished and elegant ; yet with all this brilliant advantages, it palls upon the mind, though it does not upon the ear, and the reason is obvious ; the machinery is so violent, that is destroys the effect it is intended to excite. Had the story been kept within the utmost verge of probability, the effect had been preserved, without loosing the least circumstance that excites or detains the attention./For instance, we can conceive and allow of the appearance of a ghost, we can even dispense with an enchanted sword and helmet, but then they must keep within certain limits of credibility. »
40 Id., p. 139 « it was possible to compose a work upon the same plan, wherein these defects might be avoided, and the keeping, as in painting, be preserved » (l’auteur souligne).
41 H. Fielding, Histoire de Tom Jones, trad. F. Ledoux, Gallimard, « Folio classique », 2007, VIII, 1, p. 429. « The only supernatural agents which can in any manner be allowed to us moderns are ghosts », Tom Jones, éd. John Bender et Simon Stern, Oxford, OUP, « Oxford World’s Classics », 2008, VIII, 1, p. 347.
42 The Old English Baron, op. cit., p. 3.
43 « so stripped of the marvellous […] except in one awkward attempt at a ghost or two », Lettre à William Cole, 22 août 1778.
44 « Prospectus », Bibliothèque universelle des romans, vol. 1, Lacombe, juillet 1775, p. 10-11.
45 J. Śniadecki, « O Pismach klassycznych i romantycznych » dans Pisma rozmaite, Vilnius, J. Zawadzki, 1822, t. IV, p. 2. Nous traduisons.
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