Les histoires tragiques de Camus : les faits divers, nouveaux lieux communs ?
p. 137-150
Texte intégral
1Proposer du neuf, de l’inédit, du surprenant, est un des mots d’ordre de la nouvelle depuis Boccace. Les écrivains d’histoires tragiques du xvie et du début du xviie siècles (Boaistuau, Rosset, Camus) l’ont bien compris, eux chez qui le champ lexical du singulier se ramifie en maintes expressions – on parle d’histoires « prodigieuses », « admirables », « incroiables » et surtout « merveilleuses ».
2Mais comme on ne fait du neuf qu’avec du vieux, les lieux communs abondent dans les histoires tragiques, qu’il s’agisse de réécritures de nouvelles déjà contées (lieux communs de contenu), de topoï comme amplifications oratoires, de stéréotypes plus ou moins rigides de personnages issus des romans grecs, ou encore de clichés au sens de « fait de style » figé1 qui rattachent les histoires tragiques à la littérature morale chrétienne par ses formules sur la décadence des temps. À partir de Rosset et de Camus, cependant, les histoires tragiques semblent ne plus vouloir se tourner vers le passé pour en recueillir les lieux communs éprouvés. La promotion des « histoires advenues de ce temps » (Rosset) ou la volonté de Camus d’imiter le Mercure françois2 mettent sur le devant de la scène ce qu’on appellera, malgré l’anachronisme, des « faits divers ».
3On pourra se demander si ces faits divers contemporains fonctionnent comme de nouveaux lieux communs, capables non seulement de devenir un motif de la littérature frénétique3 ou morale, mais aussi de fonder une communitas, presque au sens cicéronien. On ne saurait minimiser la volonté ordonnatrice des histoires tragiques, fortement engagées dans la Contre-Réforme et aux prises avec les tumultes du siècle. Le fait divers peut-il aussi bien ordonner le désordre du monde que le font les lieux communs ? Ou, au contraire, en tant que « classement de l’inclassable4 », le fait divers serait-il la forme idoine que doit prendre la représentation du désordre ? Comment concilier alors dans le fait divers l’irrégulière singularité et nouveauté des cas relatés, qui en font sa saveur, et la nécessité d’être un lieu du discours capable d’agréger socialement, de parvenir à une communauté de l’émotion ? Comment, en somme, le dissemblable peut-il produire du commun ? Le fait divers semble pouvoir retrouver le lieu commun par le passage à la limite qu’il impose à l’exemple. En transformant l’exemple en cas inouï ou en prodige, le fait divers gomme les particularités de l’événement et tente d’atteindre à un niveau de généralité qu’il aurait en partage avec le lieu commun : tout comme on ne discute pas a priori du lieu commun logique de la prévalence du grand sur le petit ou de celui politique de la supériorité de la cité sur l’individu, on ne remettra pas en question l’atrocité de l’infanticide rapporté par un fait divers.
4Afin d’étudier de plus près cette dialectique du singulier et du commun, nous nous concentrerons sur le cas de Camus et particulièrement sur L’Amphithéâtre sanglant dans lequel l’évêque de Belley assume le plus clairement sa filiation avec les histoires tragiques5. Le fait divers chez Camus sera ici moins envisagé dans une optique génétique de recherches des sources que comme une forme du récit, un genre de discours. Le terme de « fait divers » permet de rendre compte à la fois de l’authenticité et de l’actualité revendiquées des cas rapportés, ainsi que de leur compilation disparate (« relations particulieres » tirées d’« accidens journaliers6 »). Camus n’en reste pas pour autant au stade du fait divers. Le projet de récit exemplaire qu’il met en place exige l’élévation du récit particulier à la leçon morale et générale, et en cela le lieu commun lui sera un outil précieux. Mais le passage dans l’œuvre de Camus des romans-fleuves, où règne une rhétorique de l’abondance, de la cornucopia, aux recueils de nouvelles marqués au contraire par une écriture de la brièveté, suppose un refus de l’ornementation et surtout de l’amplification. Dans ces « squelettes7 » de récits, le lieu commun, lié comme on le sait à la copia, ne risque-t-il pas de disparaître entièrement ? Et s’il résiste, n’est-ce pas sous la forme de son descendant stérile qu’est le cliché ?
5Nous verrons qu’il a d’abord été délicat pour Camus de lier brièveté et lieux communs, car pour cet enfant de l’humanisme le lieu commun est bien le siège de l’abondance. Cependant, il a su détacher le lieu commun de la copia et le lier étroitement au fait divers dans ses recueils de nouvelles. Mettre en scène d’extraordinaires faits divers présente le danger que le lecteur en reste au stade de l’émerveillement ou de la stupéfaction, de « l’incroyable mais vrai », et se satisfasse du niveau des apparences. Or, pour Camus, l’enjeu est de faire voir Dieu derrière celles-ci. Le lieu commun, utilisé dans un but apologétique, aura alors pour tâche de mettre à bas les faux brillants de la nouveauté et de ramener l’extraordinaire humain à la plus juste proportion de l’ordre divin : quand le fait divers souligne l’irrationnel du monde, le lieu commun, lui, rattache en dernière instance l’incompréhensible à Dieu.
Brièveté et lieu commun : une alliance impossible ?
6Avant d’étudier la place et la fonction des lieux communs dans les nouvelles de Camus, il convient de s’attarder sur le sens que l’évêque de Belley donne à ce mot. Les lieux communs ont d’abord été pour lui une méthode d’apprentissage – et on connaît l’importance des lieux communs dans la pratique et la pensée pédagogiques de la Renaissance8. Selon son propre témoignage, dans une lettre de la Suitte des Diversitez9, Camus a composé des recueils de lieux communs qu’il appelle « catalectes » ou « collections ». « Ce gros amas » de lieux constitué au fur et à mesure de son apprentissage lui a servi de matière à la première composition de ses Diversitez, immenses recueils de réflexions inspirés des Essais. Dans le bien nommé chapitre « De la diversité », Camus nous livre une liste presque rabelaisienne des titres qu’il aurait pu choisir pour son ouvrage :
Meslanges, Selections, Observations, Varietez, Collections, Lieux communs, Diverses leçons, Leçons antiques ou nouvelles, Pandectes, Emendations, Remarques, Ramas, Adversaires, Memoires, Extraits, Anthologies, Veilles ou Lucubrations, Nuicts, Serees, Journees, Saturnalles, Semestres, Choses journalieres, Spicileges, Diverses questions, Papiers Journaux, Notables, Memorables, Bibliotheques, Theatres, Thresors, Miroirs, Academies, Méditations, Histoires diverses, Conjections, Elections, Animadevrsions, Notes, Essais, Discours divers, Conceptions, Jours Geniaux, Jours Caniculaires, Leçons subcessives, Traictez ou Opuscules Philosophiques, Morales, Historiques, Poëtiques, Critiques, de Medecine, de Droict, de Theologie10.
7Dans ce déluge de noms, on note évidemment « Lieux Communs ». Les Diversitez se présentent comme un recueil de lieux communs au sens de « mots-rubriques » (« De la clemence », « De la mort », « De Dieu », etc.) sous lesquels l’auteur compile les « arguments » propres à les exemplifier (chaque chapitre décline de nombreux récits, exemples, citations, digressions, sur le thème traité). La liste précédemment citée dit certes la parenté des Diversitez avec le recueil de lieux communs mais, par son ampleur qui noie l’appellation « lieux communs » parmi d’autres, on perçoit la gêne qu’éprouve Camus à réduire son ouvrage à un genre perçu comme scolaire. On le comprend, car si les Diversitez prennent modèle sur les Essais, tant s’en faut que Camus y mette autant de lui-même que Montaigne. Il est clair que cela s’explique en partie par la conscience qu’a Camus de l’inconvenance qu’il y a pour un prélat de mettre trop son « moi » en avant. Si les Diversitez s’éloignent du genre de l’essai tel qu’il est pratiqué par Montaigne et se rapprochent fortement de la « leçon », c’est aussi que l’apparent pyrrhonisme de Camus (qui n’est pas à négliger dans sa première période) est corrigé par un goût de l’action, un volontarisme pastoral, qui rendent nécessaires l’affirmation d’un discours positif et d’une morale pratique : l’évêque veut enseigner11. Sans être identifiables à l’ordonnée et sage Sagesse de Charron – lui aussi disciple avoué de Montaigne – et à ses divisions « qui attristent et ennuient12 », les Diversitez de Camus ne renoncent pas à un ordre du livre et du monde qui se manifeste justement par ces rubriques en forme de lieux communs qui unifient le propos. Enfin cette subordination du « moi » aux exemples et arguments rapportés – subordination qui relève parfois moins du naturel que de la discipline, presque au sens religieux – s’explique en dernière instance par le goût prononcé de Camus pour les récits : le conteur perce déjà sous le moraliste.
8L’amplification sur les titres possibles des Diversitez, qui prend l’aspect d’un inventaire exhaustif des genres de discours, tend à désamorcer la logique classificatoire et à décourager le lecteur trop scrupuleux qui voudrait ranger ses Diversitez sous un genre bien identifié. Cette indécision générique, délibérée de la part de l’évêque, se retrouvera aussi dans ses recueils de récits que Camus renâcle à nommer du terme approprié de « nouvelles » pour lui préférer des mots comme « relations », « rhapsodies », « ramas », « leçons », « miroirs ». Autant de mots employés pour qualifier ses Diversitez. Les recueils de nouvelles de Camus pourraient ainsi se lire comme des formes atypiques de lieux communs où le récit, un cas nouveau et singulier, exemplifie un trait moral intemporel. Certains titres de ses nouvelles qui prennent l’aspect de « mots-rubriques » nous incitent à aller dans ce sens, comme nous le verrons.
9Le second sens de « lieu commun » présent sous la plume de l’évêque est celui de « siège des arguments », de lieux tout court, sens qui remonte aux Topiques d’Aristote, notamment relayé par Cicéron, à qui l’on doit l’expression13. Dans le chapitre « Des choses communes14 », Camus défend et illustre la supériorité des lieux et des mots communs sur les choses rares et nouvelles. Selon lui les « traits communs »« nous emplissent l’esprit d’une grande abondance et fertilité de conceptions » notamment quand nous les avons « imbus » de longue main : mille traits se présentent à l’esprit quand on doit qualifier la conduite d’un scélérat qui a commis un vol. Le lieu commun est ici pris dans un sens tout humaniste, il s’acquiert par l’innutrition (« imbus ») d’où découle la copia (« grande abondance »). Le lieu commun pour Camus est donc du ressort de l’inventio et, en bon cicéronien qu’il est, il lui reconnaît une valeur éminente dans le movere : « Ils ont je ne sçay quelle vertu energique, qui touche et fiert nos ames d’une verte secousse quand ils sont dits à propos15. » On reconnaît ici le sublime du lieu commun.
10Dans la suite du chapitre, Camus articule son plaidoyer rhétorique pour le lieu commun à des récriminations qui visent ceux dont l’hypocrisie et la vanité se manifestent justement par leur mépris du lieu commun. L’argumentation de Camus quitte alors le domaine de la rhétorique pour laisser place à une défense moraliste voire polémique du lieu commun. Il s’oppose d’abord à l’artificialité de l’orateur qui déguise les lieux communs derrière de brillants ornements ; puis c’est au tour des mondains d’être tancés pour préférer entendre de subtiles controverses religieuses plutôt que d’être repris par des « mots communs » sur leur paillardise et leurs vices ; enfin il s’attaque aux sermons qui sentent l’école et qui ne s’occupent pas d’extirper les vices et de planter les vertus (tâche selon lui du lieu commun). Le mot d’ordre de Camus est que la piété doit marcher devant la doctrine et pour cela le lieu commun lui est d’un grand secours.
11Pour Camus, les lieux communs sont donc très classiquement appariés à une inventio qui repose sur l’abondance et particulièrement sur des amplifications morales. Or, les Diversitez, haut lieu de la copia, finissent de paraître en 1618 et, autour de 1630, Camus délaisse le roman pour la nouvelle. Il se rallie à une esthétique de la brièveté au motif qu’elle est plus agréable aux impatients lecteurs et plus efficace moralement. Parmi ses nombreuses apologies de la brièveté, nous pouvons retenir celle des Décades historiques qu’il définit comme des « histoires accourcies et abrégées ». Il revient ainsi sur sa production antérieure :
Je t’ay fait voir cy devant mon Lecteur, des Histoires estendues et accompagnées de longues narrations, et de larges digressions, y apportant tous les ajencemens que je pouvois tirer de la Poësie et de l’Eloquence16.
12Et plus loin, il précise :
Je retranche icy toutes ces superfluitez, et me contente de la seule et simple declaration du fait, où j’insere en passant de briefs enseignements en forme de sentences17.
13La brièveté à laquelle il aspire lui défend désormais à la fois l’ornementation romanesque et les amplifications oratoires (« digressions »). Le fait divers, aussi bref et brut soit-il, doit presque se suffire à lui-même. Dans ses nouvelles, il n’est pas rare qu’il refuse, au nom de la brièveté, de développer une description, un dialogue, mais aussi des lieux. Dans « L’inepte vanterie », les propos mensongers d’un amant éconduit, qui se targue d’avoir goûté aux privautés d’une dame, déclenchent une série de meurtres dus à la jalousie, la colère, etc. Camus conclut :
L’inconstance, l’ambition, la sotte vanterie, la jalousie, la vengeance, la tromperie, l’ingratitude, l’aveuglement, la colère et tant de passions viennent en foule sur le théâtre de cette sanglante représentation, que pour les considérer par le menu il faudrait que je passasse la brièveté que je me suis prescrite en la narration de ces tragiques événements18.
14Le récit recèle une exemplarité si riche qu’il pourrait se ranger sous de nombreuses rubriques, de nombreux lieux communs. Mais Camus ne tranche pas et ne nous livre aucune péroraison qui rassemblerait ces lieux divers sous un lieu commun fédérateur. Il se prive dès lors des ressources de l’indignatio, pourtant sommet stylistique, logique et pathétique du discours selon Cicéron19. Dans le De Inventione (I, 53), Cicéron avait énuméré quinze lieux qui relèvent spécifiquement de l’indignatio : outre la généralisation qu’ils tirent du fait jugé, plusieurs d’entre eux consistent à exagérer l’atrocité du crime, dont on souligne l’aspect exceptionnel et monstrueux. On trouve un nombre considérable d’indignationes sous la plume des auteurs d’histoires tragiques occupés à blâmer le vice, et ce à grand renfort d’hyperbole. On ne retiendra qu’un seul exemple, pris chez le plus fulminatoire d’entre tous, François de Rosset :
Est-il possible que ce siècle soit si maudit et si exécrable, qu’il produise des monstres que l’Afrique aurait honte d’avouer ? Je crois que c’est l’égout des autres siècles et l’infâme théâtre où tous les vices jouent leur personnage et où les fureurs exercent leur plus grande forcenerie. Ô France ! autrefois mère de pitié et de religion, et maintenant de tant d’horreurs et de prodiges ! Que ton infamie a bien obscurci l’éclat de ton ancien renom20 !
15L’indignatio est un passage obligé des histoires tragiques, un lieu commun. Le grand moment final du movere dans les histoires tragiques se veut souvent un espace de réconciliation de la communauté frappée et divisée par le crime. Rien de mieux pour la réunir à nouveau qu’un lieu commun dont l’évidence a force fédératrice : « la grande émotion soude un public, et plus encore une communauté21 ». Cette réflexion s’applique bien aux histoires tragiques, dont les grands moments pathétiques conclusifs mettent précisément en scène le peuple qui pleure et abhorre tout en même temps le criminel, lui-même réintégré dans la communauté par la componction dont il fait preuve.
16Chez Camus, le mécanisme émotionnel est moins simple. La méfiance de l’évêque envers une rhétorique de la copia, à laquelle son naturel ne le porte que trop, le pousse à étouffer le movere en se privant de l’amplification du lieu commun. Dès lors le lieu commun se réduit à sa plus stricte expression et à une sécheresse qui le rapproche du cliché. Ainsi dans la nouvelle du « parricide malheureux », un jeune homme vertueux tue accidentellement son père qui se ruait sur lui l’épée à la main, au motif que le malheureux fils refusait de laisser sa promise à son père concupiscent. Le texte, après avoir suscité la pitié du lecteur pour ce criminel infortuné, se conclut sans autre forme de procès : « Bienheureux est celui qui a la raison et le jugement pour filet dans le labyrinthe de tant d’humaines erreurs22 ! » D’une banalité certaine et sans grand à-propos dans sa généralité, cette maxime rappelle les mises en garde émises par Quintilien contre les « placages23 » grossiers des lieux communs qui les réduisent à de banals stéréotypes.
17Les « choses particulieres et accidens journaliers » dont Camus tire ses récits ne peuvent pourtant pas livrer leur plein sens moral sans un passage au général qui les extirperait du niveau purement factuel du journal. Mais Camus, bien moins moralisateur qu’on aime à le présenter, n’assène pas de grandes leçons ex cathedra, il agit avec discrétion, avec douceur, déjà sensible à une éthique mondaine, à l’idée que le véritable art est celui qui ne se voit pas. Bien qu’il réduise vigoureusement les amplifications oratoires, il ne se prive pas pour autant de toutes les ressources des lieux communs, mais cherche à les employer sans didactisme. Si commun soit-il, le lieu commun joue un rôle majeur dans des nouvelles vouées à représenter l’extraordinaire.
Le lieu commun dans l’amphithéâtre sanglant : de la vraisemblance à l’extraordinaire
18Les premiers types de lieux communs que l’on trouve dans L’Amphithéâtre sanglant, et sûrement les plus courants, sont les lieux comme sièges des arguments, destinés à établir et garantir la vraisemblance du texte. Il s’agit de bien disposer le lecteur afin qu’il croie ce qu’il lit et afin de juguler ce qu’on pourrait appeler chez Camus un tropisme de l’extraordinaire. « La fin misérable » débute par une série de proverbes, de lieux, sur le thème annoncé par le titre, qui doit prédisposer favorablement le lecteur au type de dénouement attendu :
Qui est debout avise à ne tomber pas. Les Chasseurs ne connaissent les bêtes que par le pied, et la vie ne se reconnaît que par la fin. Les belles matinées ne font pas toujours les beaux soirs. Au monde comme à la mer les jours sereins sont sujets aux orages24.
19À la fin du même récit, Camus reprend un autre lieu suivant lequel « l’impudence et l’imprudence accompagnent l’impudicité25 ». Les lieux ont la même fonction que ces « mille petites inventions » qui servent à :
faire la soudure plus unie, la cousture plus douce, la liaison plus aysée, les passees moins perceptibles, le tissu plus esgal ; c’est en dansant que l’on conte ses pas, non en faisant de longs voyages : la vray-semblance comme fille de la verité, la conjecture comme fille de la vray-semblance ont toutes ensemble une puissante convenance, une affinité presque inseparable26.
20Cet usage du lieu très répandu, comme liant du texte et vecteur de la vraisemblance, n’est cependant pas le plus original. On se souvient que dans sa liste de synonymes, Camus faisait voisiner « Lieux Communs, Histoires, Théâtres, Ramas ». Les recueils de nouvelles de Camus ne sont pas si éloignés formellement des recueils de lieux communs. L’évêque parle de son Amphithéâtre sanglant comme d’un « ramas », et de ses Relations morales comme de « rhapsodies ». Les titres des nouvelles apparaissent comme autant de rubriques sous lesquelles disposer des exemples à réutiliser en cas de besoin : « l’infidèle châtié », « la sanglante chasteté », « le faux ami », « l’intempérance précipitée ». Plutôt que d’illustrer les vices (adultère, ingratitude, concupiscence) par une kyrielle de citations, qui risquent d’entraîner la lassitude du lecteur, Camus préfère les exemplifier par des « accidens journaliers » dont l’agrément de la nouveauté saura retenir l’esprit fuyant du lecteur.
21Les diverses nouvelles se renvoient les unes aux autres comme dans une chambre d’échos (plusieurs exemples de déloyautés, de vocation religieuse contrariée, etc.). Dans la préface de ses Décades historiques, Camus déclare que cet ouvrage n’est que la continuation des anciens sous un titre nouveau, en somme qu’il n’est qu’une variation sur des mêmes lieux. L’évêque croit aux bénéfices pédagogiques de la répétition qui l’autorise à varier sur un même thème : point n’est besoin, au sein d’un même recueil, de ponctuer chaque récit par une amplification indignée. Il en suffit d’une seule sur un lieu commun comme l’ingratitude pour qu’elle s’applique rétrospectivement ou prospectivement à tous les récits d’ingratitude.
22Loin d’être des clichés vidés de sens, un grand nombre de lieux communs sont laissés comme en suspens par Camus et demandent à être développés par le lecteur. Pour l’évêque, ses récits sont comme des vers à soie27 que le lecteur doit faire éclore ou encore, selon une autre métaphore :
Je me suis resolu d’en jetter la semence sus ces feuilles, laissant à liberté de ceux qui les liront, de les estendre en leur pensee, et à ceux qui auront plus de loisir de les dilater par leurs paroles28.
23Au lecteur de se constituer un recueil imaginaire de lieux sous lesquels il rangera les divers récits. À la fin du « ravisseur ingrat », Camus nous invite à poursuivre en nous-mêmes :
Qui nous étonnera ici davantage ? Ou l’inconstance et l’infidélité d’Acésilas, ou la constante fidélité de Cratée, ou l’extrême amour de Cratée et d’Idelphonse pour des infidèles ? À quels excès ne se porte l’esprit humain agité de furieux démons, l’amour et le désespoir ! De moi, je ne puis rien conclure de tout ceci, si ce n’est que ces passions aveugles traînent toujours ceux qui les suivent en des précipices horribles, et les portent à des fins tragiques et misérables29.
24L’auteur nous donne les lieux, à nous de les amplifier. Ce bon usage du lieu commun n’équivaut évidemment pas à une totale liberté de jugement de la part du lecteur. Camus ne laisse que rarement un fait divers sans leçon générale, sans docere. Il est nécessaire pour son projet exemplaire de conjurer le risque d’une lecture purement anecdotique du fait divers qui en resterait au stade des contingences et des accidents particuliers. « Le puant concubinaire » fournit un bon exemple de ce danger. Un principal de collège, malgré sa science, mène une vie licencieuse et déréglée ; sujet au vin, adonné au jeu, il se perd surtout parmi les femmes jusqu’à ce qu’une jeune beauté arrête son inconstance. Au bout de huit ans de concubinage, il tombe malade et, à l’article de la mort, au lieu de prendre ses péchés en abomination, il préfère se jeter à nouveau dans les bras de sa concubine. Mal lui en prend car il meurt incontinent sur son sein. Une heure après, « il devint charogne si infecte que la chambre non seulement, mais toute la maison n’était plus habitable pour l’excès de la puanteur30 ». Malgré la poix, la cire, le mastic, rien ne parvient à empêcher l’odeur pestilentielle de se répandre au-dehors du tombeau : on l’enterre à l’église, puis au cimetière, mais l’odeur s’exhale de la terre et empeste tout aux alentours. On finit par le jeter dans la rivière « dont les eaux furent tellement empoisonnées qu’on y trouva quantité de poisson mort et tout pourri31 » ! En l’état le récit fait penser à une de ces mirabilia satisfaisant plus au goût du spectaculaire et du bizarre que propice à susciter une réflexion morale. Camus conclut alors :
Effets déplorables de l’incontinence, qui font voir que ce vice qui porte le nom de déshonnêteté, comme le plus infâme de tous ruine le corps, l’âme, les biens, l’honneur et la réputation de celui qui s’y attache. Certes, si rien de souillé n’entre au Royaume du ciel, et si sans la sainteté, dit l’Apôtre (c’est-à-dire sans la chasteté, selon l’interprétation de saint Jérôme), personne ne verra Dieu, c’est aux intempérants principalement que s’adresse cette menace, ou plutôt cette foudre Apostolique : « Dehors les chiens, les sales, et les impudiques ! En vérité je vous dis que les adultères, les fornicateurs et les impies ne posséderont jamais le Royaume de Dieu »32.
25Trois niveaux de signification sont en coprésence et organisés hiérarchiquement : le fait divers, ponctuel et anecdotique, qui narre les déboires d’une personne particulière ; la leçon générale et morale qu’on en tire sur l’incontinence ; enfin le niveau anagogique et divin. Le lieu commun participe au processus exemplaire en généralisant le particulier, en dépassant l’anecdote. Comme le dit Lorich33, commentant Trabizonde, les lieux communs sont dits tels car « bien qu’on ait l’air de parler contre Untel ou Untel, néanmoins ils s’adressent nécessairement à tous ceux qui se rendraient coupables d’un même crime ». En cela ils permettent à l’histoire tragique d’éviter l’écueil de l’attaque ad hominem et du pamphlet34.
26Dans « L’innocente égyptienne », on retrouve ce passage du concret à l’abstrait, du factuel au moral. La fin réserve un très bel exemple d’indignatio. Sur les fausses accusations d’un jeune homme repoussé par elle, Olive, chaste et vertueuse égyptienne (comprendre tsigane), est convaincue de sorcellerie. Elle qui n’a laissé que des marques de piété est alors poursuivie par le village furieux :
Le peuple s’anime, le bourg était gros, les envieux et les murmurateurs en grand nombre, les domestiques soufflent le feu dans les cœurs de cette multitude, on en vient aux clameurs, de là aux forcèneries, à la violence, on l’arrache des mains de la Justice, on court aux pierres, aux bâtons, aux épées, chacun lui donne un coup, elle est assommée, accablée, foulée aux pieds, mise en pièces tant c’est un torrent impétueux qu’une émotion populaire. Ainsi l’exécution devança la condamnation. Le corps déchiré fut jeté à la voirie et exposé aux chiens. Voilà comment le juste souffre, et nul ne fait réflexion sur sa mort ; tous sont arrosés de son sang et nul ne croit en être coupable. Au contraire il n’y a celui qui n’estime avoir fait une bonne œuvre, et offert un sacrifice à Dieu. De poursuite ni de châtiment il n’en faut point parler : la quantité des criminels fait qu’on ne sait à qui s’en prendre, et puis les Juges trouvent de l’équité en cette punition35.
27Camus, dans ce tragique exemple, dénie – comme il lui arrive fréquemment de le faire – à la justice humaine la capacité à juger du singulier, de l’exception. Le lieu qui veut que les Égyptiens soient tous des voleurs est invalidé par le lieu commun divin de la souffrance du juste36. On passe d’un lieu dubiae rei (qu’on pourrait définir comme le lieu du déterminisme culturel) à un lieu certae rei. Camus ne cesse de mettre à mal la vraisemblance sur laquelle reposent les lieux communs. Pour lui, la vraisemblance n’est souvent que l’envers de la faiblesse du jugement humain, incapable de parvenir à la vérité et obligé de juger sur de trompeuses apparences.
28L’évêque se plaît ainsi à opposer loci divini et loci humani. Bien qu’il ne jette pas entièrement la prudence aux oubliettes, Camus s’est toujours montré plus que soupçonneux quant à cette vertu cardinale, trace de son premier scepticisme, de son augustinisme et de sa distance avec l’aristotélisme. On peut citer parmi tant d’autres un exemple de cette défiance :
O prudence humaine, que ta lumière est faible parmi les ténèbres palpables qui nous environnent ! Les affaires du monde sont si embarrassées de tant d’intrigues, que c’est entrer dans un labyrinthe que d’entreprendre d’en démêler quelqu’une : on s’y égare tant il y a de tours et de détours ; quand vous pensez entrer vous sortez, quand vous croyez en sortir vous entrez. Dédale inexplicable37.
29Plusieurs histoires mettent en scène les erreurs tragiques dues à la prudence qui ne juge que sur la conjecture des apparences38. Derrière la prudence, c’est l’orgueil du jugement humain que Camus attaque, orgueil qui s’arc-boute sur une doxa pourtant trompeuse, comme dans « L’innocente égyptienne ».
30Les cas exceptionnels, les paradoxes moraux sur le plan humain sont en réalité totalement compréhensibles religieusement parlant. Le fait divers prodigieux n’est finalement qu’un lieu commun divin pour Camus. Chez Rosset, les comportements extraordinaires (inceste, parricide, infanticide) trouvent toujours leur point d’explication dans une mécanique passionnelle39 : on suit pas à pas les stations qui vont mener un personnage a priori commun à un acte monstrueux, poussé par une passion excessive (souvent amoureuse). Toutes les étapes, prises les unes à la suite des autres, n’ont rien d’incompréhensible et ont même tous les aspects de la vraisemblance : il y a, chez Rosset, une véritable naturalisation de la monstruosité vécue comme drame intime et psychologique et qui n’a pas besoin du divin pour être expliquée.
31Chez Camus, en revanche, le peu de caractérisation psychologique de ses personnages, dont seuls les traits essentiels à l’action sont esquissés, empêche de rendre compréhensibles des comportements qui sortent de l’ordinaire. Ce schématisme psychologique, qu’on retrouve dans l’exemplum, ne s’explique pas tant par une incapacité de Camus à peindre les caractères que par sa conviction que la psychologie et la raison humaine sont impuissantes à rendre compte du monde. Camus se plaît à doter ses personnages de réactions invraisemblables pour confondre les jugements coutumiers. Ainsi dans « La sanglante chasteté », récit tiré d’après un témoignage oral – donc fait divers dans sa forme –, le héros Cadrat est réputé pour sa « Chasteté sans exemple ». Cadrat résiste à toutes les tentations mêmes celles d’une courtisane disposée à lui octroyer ses faveurs : toutes choses incompréhensibles pour la doxa humaine représentée en l’espèce par le père de Cadrat, homme prêt à toutes les turpitudes pour que son fils ne rentre pas dans les ordres. Cadrat n’est pourtant pas sans exemple sur le plan religieux puisque Camus le compare à saint Étienne, celui dont la mort convertit saint Paul. De même, l’innocente égyptienne est certes aussi rare qu’un corbeau blanc ou un cygne noir (c’est-à-dire qu’elle relève de la merveille dans l’ordre du monde), mais selon l’ordre chrétien elle suit la voie déjà tracée par Loth selon ce que nous dit le narrateur.
32Les cas inouïs, les faits divers les plus exceptionnels, les prodiges moraux, ne sont insolites qu’aux yeux de chair mais se rangent en réalité sous un lieu commun – au sens de siège ultime des arguments – nécessairement divin. Le véritable lieu commun est bien sublime car il renvoie à la Sagesse divine qui donne tout aussi bien la grâce et le pardon à l’homme le moins susceptible de les recevoir, qu’elle frappe ceux qui prétendent se soustraire à ses commandements. La communitas que ces lieux communs créent, car ils en créent une, est celle de la Loi de Dieu à laquelle personne, grands ou petits, ne peut déroger, du moins dans l’ordre fictif du récit.
33Par son inexemplaire singularité et son aspect foncièrement disparate, le fait divers chez Camus rend compte de l’impossible ordonnancement d’un monde sans Dieu. En même temps que par la violence et l’inexplicable qu’il met en scène, le fait divers est un des meilleurs moyens de rendre visible le désordre du monde – presque toujours tragique –, il fait par là même signe vers un ordre supérieur et plus régulier qui est celui de Dieu. Le fait divers sert chez Camus à dénoncer la fausseté de lieux communs qui prétendraient nous donner une vision synoptique du monde grâce à leur ordonnancement. La rupture est ici consommée avec l’ambition humaniste d’une mise en ordre de la diversité du monde, avec cette même ambition qui animait les Diversitez. Derrière ce monde fragmenté, Camus tente de nous faire reconnaître cependant les véritables lieux communs, sublimes, de l’Écriture. Les faits divers chez Camus créent certes de nouveaux lieux mais servent aussi à remotiver, à rendre plus présents et actuels les lieux communs scripturaires. L’optique n’est finalement pas si éloignée de celle d’un Léon Bloy, la rage anti-bourgeoise en moins :
Qu’arriverait-il si on lui [au bourgeois] prouvait instantanément que l’un ou l’autre de ces clichés centenaires correspond à quelque Réalité divine, a le pouvoir de faire osciller des mondes et de déchaîner des catastrophes sans merci ? Quelle ne serait pas la terreur du patron de brasserie ou du quincailler, de quelles affres le pharmacien et le conducteur des ponts et chaussées ne deviendraient-ils pas la proie, si, tout à coup, il leur était évident qu’ils expriment, sans le vouloir, des choses absolument excessives ; que telle parole qu’ils viennent de proférer, après des centaines de millions d’autres acéphales, est réellement dérobée à la Toute-Puissance créatrice40.
Notes de bas de page
1 Voir M. Riffaterre, « Fonctions du cliché dans la prose littéraire », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1964, n° 16, p. 81-95.
2 Les Décades historiques, Vve Marc Wyon, 1633, « L’autheur à son lecteur », n. p.
3 L’avantage de cette appellation par rapport au « roman noir » ou « roman gothique » est qu’elle bénéficie d’une plus grande extension qui permet d’insérer les histoires tragiques dans la veine macabre et épouvantable qui ne se résume pas au seuls xviiie et xixe siècles. Voir à ce sujet A. Glinoer, La Littérature frénétique, PUF, 2009, et particulièrement l’introduction et le premier chapitre « Préhistoire » (p. 31-43).
4 Barthes, « Structure du fait divers », Essais critiques, Le Seuil, « Points », 1992, p. 194.
5 Voir ce qu’il déclare dans sa préface : « je marche après les pas de François de Belleforest et de François de Rosset, qui ont auparavant moi écrit des Histoires tragiques avec un succès assez heureux » (L’Amphithéâtre sanglant, J. Cottereau, 1630 ; rééd S. Ferrari, Champion, « Sources classiques », 2001, p. 179). Un des axes d’une étude du lieu commun dans les nouvelles de Camus aurait pu prendre la voie générique ou thématique : l’on aurait montré que les reprises d’histoires déjà contées (comme « la juste douleur », « le cœur mangé », « la belle mort d’une beauté ») visent à affirmer la continuité ou la communauté générique par la création de lieux communs au genre de l’histoire tragique. De toute évidence, le traitement de récits repris à ses prédécesseurs est un moyen pour Camus, non seulement de s’inscrire dans une lignée, mais aussi de se démarquer en exhibant ses différences.
6 Les Événemens singuliers, réed. Max Vernet, Classiques Garnier, 2010, p. 60.
7 Ibid., p. 72.
8 Voir A. Moss, Les Recueils des lieux communs : méthode pour apprendre à penser à la Renaissance, trad. P. Eichel-Lojkine, M. Lojkine-Morelec, (M.-C. Munoz-Teulié) et G.-L. Tin, Genève, Droz, 2002.
9 J.-P. Camus, La Suitte des diversitez, J. Moreau, 1618, T. XI, L. 36, lettre 75, p. 142.
10 Diversitez, Cl. Chappellet, 1609, t. II, L. X, chap. 17, f° 463 r°-463 v° (nous soulignons).
11 « Je fay donc deux personnages, l’un d’Historien, l’autre de Docteur, j’enseigne en racontant, je narre en endoctrinant » (Agathonphile, Cl. Chappelet, 1620, p. 904).
12 B. Pascal, Pensées, éd. Sellier, Bordas, « Classiques Garnier », 1991, fr. 644, p. 436.
13 Voir notamment De Oratore, II, XXXIX, 162 : « sedes et quasi domicilia omnium argumentorum ».
14 Diversitez, op. cit., t. II, L. X, chap. 13, f° 441 v°-446 v°.
15 Ibid., f° 443 r°.
16 Les Décades historiques, Douai, Vve Marc Wyon, 1633, f° 2 r°-v°.
17 Ibid., f° 4 r°.
18 L’Amphithéâtre sanglant, op. cit., II, 1, p. 284-285 (nous soulignons).
19 Voir notamment l’analyse de F. Goyet « L’indignatio dans la péroraison », dans Le Sublime du « lieu commun ». L’invention rhétorique dans l’Antiquité et à la Renaissance, Champion, 1996, p. 85-113.
20 F. de Rosset, Les Histoires mémorables et tragiques de ce temps, éd. A. de Vaucher-Gravili, Librairie Générale Française, « Le Livre de poche classique », 1994, p. 338.
21 F. Goyet, « Aux origines du sens actuel de “lieu commun” », Cahiers de l’Association internationale des études francaises, 1997, n° 49, p. 67.
22 L’Amphithéâtre sanglant, op. cit., I, 9, p. 237.
23 Quintilien, Institution oratoire, éd. et trad. V. Cousin, Les Belles Lettres, 1976, L. II, chap. IV, 30-31. Le lieu commun doit se rattacher par un lien spécial au sujet particulier dont il s’agit, « autrement, il paraîtrait moins incorporé que plaqué (adplicitum), soit qu’il détonne avec le reste, soit même, comme il arrive généralement, qu’il semble être un ajout mal approprié, non parce que la cause le demande, mais par ce qu’il est déjà tout prêt », p. 44.
24 L’Amphithéâtre sanglant, op. cit., I, 5, p. 206.
25 Ibid., p. 211. On peut interpréter ce lieu comme un lieu du nom, si l’on étend la notion aux noms communs. Voir Aristote, Rhétorique, 1400 b 18-36.
26 J.-P. Camus, Agathonphile, op. cit., p. 856-857.
27 Les Relations morales, J. Cottereau, 1631, « Preface », n.p.
28 Ibid.
29 L’Amphithéâtre sanglant, op. cit., p. 294.
30 Ibid., p. 242.
31 Ibid.
32 Ibid., p. 243.
33 Cité et trad. par Goyet, Le Sublime du lieu commun, op. cit., p. 59.
34 Voir aussi ce qu’en disait Quintilien, Institution oratoire, op. cit., L. II, chap. 4, 22 : « Ces lieux communs, (je parle de ceux où, sans acception de personne, on a coutume de parler contre les vices mêmes, tels que l’adultère, le jeu, le libertinage), sont au centre des débats judiciaires, et si vous y ajoutez le nom d’un prévenu, ils deviennent des accusations » (p. 42, nous soulignons).
35 Ibid., p. 220-221.
36 Au début de la nouvelle, Camus comparait son héroïne à Loth : « aussi quelquefois par merveille parmi ces compagnies débauchées il se conserve quelque âme dans son innocence, à l’exemple de Loth qui fut si saint dans une ville exécrable » (ibid., p. 214). À la manière de la comparaison avec la souffrance du juste, l’exemple de Loth, singulier et invraisemblable (« par merveille »), mais lieu commun biblique, invalide l’universalité des lieux communs terrestres.
37 Ibid., p. 281.
38 Voir notamment dans les Spectacles d’horreur, André Soubron, 1630 : « Les faux soupçons », « La funeste ressemblance », « L’innocence après le supplice », « La fausse apparence », « La conjecture des habits » ; dans L’Amphithéâtre sanglant : « Les injustes parents », « L’innocente égyptienne », « L’inepte vanterie ».
39 Même dans les récits faisant intervenir le surnaturel – qui se cantonne au diable dans les Histoires tragiques de Rosset –, le pacte diabolique s’enracine d’abord dans une perdition psychologique : libido dominandi chez Goffredy (III), luxure chez le lieutenant La Jacquière (X), libido sciendi et haine de la mère chez la jeune religieuse Mélisse (XX). Le surnaturel chez Rosset a moins un rôle causal ou explicatif qu’il n’est la matérialisation excessive, la conséquence dernière, d’un dérèglement de l’âme.
40 L. Bloy, Exégèse des lieux communs, éd. J. Petit, Gallimard, « Folio », 1973, p. 34.
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