Une science « plus nuisible qu’utile » ?
Le débat français sur l’esthétique philosophique allemande, 1750-1810
p. 157-172
Texte intégral
1En juin 1873, Gustave Flaubert écrit à Madame des Genettes : « Je lis maintenant l’esthétique du sieur Lévesque, professeur au Collège de France. Quel crétin ! Brave homme du reste et plein des meilleures intentions. Mais qu’ils sont drôles les universitaires, du moment qu’ils se mêlent de l’Art1 ! » Le professeur visé est Charles Lévêque, auteur d’une volumineuse Science du beau qui, au moment de sa parution en 1861, avait été saluée par une partie du monde savant comme une contribution décisive à une science encore nouvelle en France : l’esthétique. L’ouvrage avait remporté en 1859 le concours ouvert deux ans auparavant par l’Académie des sciences morales et politiques et, dans le même élan, il avait été couronné par deux autres classes de l’Institut2.
2Le jugement caustique de Flaubert témoigne des résistances profondes que suscite l’esthétique dans le dernier tiers du xixe siècle en France. Or si ces résistances peuvent être lues comme le produit de débats propres aux cercles intellectuels français, elles sont aussi le résultat d’une confrontation avec une tradition intellectuelle étrangère. C’est en Allemagne qu’Alexander Gottlieb Baumgarten utilise pour la première fois le néologisme latin æsthetica en 1735, qu’il reprend en 1750 pour en faire le titre d’un de ses principaux ouvrages3. Rapidement traduit par le substantif allemand Ästhetik, le mot – et la discipline qu’il désigne – entament dès la seconde moitié du xviiie siècle une carrière rapide outre-Rhin. De Herder à Hegel, en passant par Kant et Schelling, rares sont les philosophes qui ne se soient intéressés à ce champ du savoir. Quant aux universités, elles introduisent très rapidement dans leurs programmes des cours touchant à cette matière. La vogue n’est certes pas sans détracteurs. Dès les années 1750-1760, Johann Christoph Gottsched et ses alliés tentent d’« endiguer le torrent des doctrines erronées » qui, sous le nom d’esthétique, est en train de s’abattre sur l’Allemagne4. Mais ces voix discordantes n’arrivent pas à contenir le mouvement, dont Jean Paul confirme l’ampleur en 1804 : « Rien ne pullule à notre époque comme les esthéticiens », écrit-il au seuil d’un ouvrage qu’il choisit d’intituler Vorschule der Ästhetik. « On ne verra guère de jeune homme s’acquitter dûment du montant de ses cours d’esthétique sans qu’au bout de quelques mois il réclame du public une somme comparable contre un imprimé du même genre ; et il s’en trouve même certains qui règlent l’un avec l’autre5. »
3La réaction des milieux intellectuels français à cette nouvelle « science philosophique » développée outre-Rhin a été en revanche longtemps réservée. Ce n’est que des années 1840-1850 que datent les premières traductions importantes de l’esthétique philosophique allemande en France. En 1846, plus de cinquante ans après sa publication en Allemagne, Jules Barni donne la première traduction française de la Critique du jugement de Kant, à laquelle il joint un commentaire en 18506. En 1851, Charles Bénard achève de faire paraître sa transposition en français du Cours d’esthétique de Hegel, qu’il fait suivre d’un commentaire en 1852. En 1847, le même Bénard avait publié un recueil de textes philosophiques de Schelling, qui ménageait une place importante aux réflexions du philosophe sur l’art7. Mais l’« esthétique » n’en est pas pour autant adoptée en France. En 1845, Bénard souligne la marginalité persistante de cette discipline : « Malgré l’importance et l’intérêt des questions qu’elle traite », note-t-il dans son article « Esthétique » du Dictionnaire des sciences philosophiques, « l’esthétique n’est parvenue que fort tard à obtenir une place indépendante et le rang qui lui est dû parmi les sciences philosophiques. Si elle a été cultivée avec ardeur en Allemagne depuis un demi-siècle, son nom en France commence à peine à être connu8 ». L’objet de la présente contribution est de rendre compte de la réception française de l’esthétique philosophique allemande dans les années 1750-1810, période complexe qui présente certes les premiers signes d’une importation de cette discipline mais continue de lui opposer de fortes résistances.
4D’emblée il faut dire quelques mots de la complexité des enjeux liés à cette étude. La réception française de l’esthétique allemande livre un exemple particulièrement intéressant des multiples phénomènes à l’œuvre dans un processus de transfert : passage d’une aire linguistique à une autre ; passage d’une discipline, inscrite dans le champ disciplinaire du pays de départ, à un autre champ disciplinaire, propre au pays d’arrivée, dans lequel elle est tantôt rejetée, tantôt adoptée, mais en tout cas toujours réinterprétée et modifiée ; passage, enfin, d’une constellation sociologique à une autre. Quels sont les médiateurs de l’esthétique allemande en France ? Quels rapports ces médiateurs entretiennent-ils avec les représentants de disciplines déjà existantes en France telles que la théorie de l’art ou encore l’histoire de l’art ? Si toutes ces questions ne peuvent être explorées en profondeur dans les pages qui suivent, elles en constituent le socle et la ligne d’horizon.
L’esthétique allemande en France de 1750 à 1810 : quelques aperçus
5La première mention en langue française de la science décrite peu auparavant par Baumgarten est due à Louis de Beausobre (1730-1783), un descendant de huguenot membre de l’Académie de Berlin, qui suit en 1749 les cours d’esthétique du philosophe à Francfort-sur-l’Oder. En 1753, Beausobre dresse un panorama des sciences philosophiques allemandes, où l’esthétique, invention récente, figure en bonne place à côté de l’« ontologie », de la « théologie naturelle » ou encore de la « logique9 ». Mais ce texte, rédigé par un Berlinois francophone et marqué par une nomenclature des disciplines propre à l’université allemande, ne rencontre guère d’écho en France. Plus importante est en revanche l’incidence du Journal étranger. Fondé en 1754, ce périodique, qui paraît jusqu’en 1762, accorde de façon générale aux pays germaniques une place de choix dans son panorama de l’actualité littéraire européenne. L’Allemagne y est non seulement représentée pour sa littérature au sens étroit du terme, mais aussi pour ses ouvrages de philosophie, de critique littéraire, d’histoire de l’art et même pour ses revues. Dans cet ensemble, l’esthétique et les débats qui l’entourent outre-Rhin font partie des sujets de loin en loin évoqués. Georg Adam Junker, auteur d’un important Essai sur la poésie allemande qui paraît dans la revue en 1761, mentionne les contributions de Baumgarten et de Georg Friedrich Meier à cette discipline10. Mais c’est surtout à Johann Georg Sulzer et à Moses Mendelssohn qu’il ménage ses plus importants développements – deux auteurs par ailleurs fort présents dans la revue pour leurs contributions à l’esthétique. En 1761, le Journal étranger fait paraître une Lettre de Sulzer annonçant son projet de « poser les premiers fondements solides d’une Aesthétique parfaite11 ». Quant à Mendelssohn, il est présent dans cet organe par trois de ses plus importants essais esthétiques des années 1750, tous intégralement traduits en français : les quinze Lettres sur les sensations, les Réflexions sur les sources et les rapports des beaux-arts et des belles lettres et l’essai Du sublime et du naïf dans les belles lettres12. Pourtant, il serait erroné de voir dans ces publications l’indice d’une pleine reconnaissance de la science baptisée depuis peu « esthétique ». Les notes dont les rédacteurs de la revue accompagnent les traductions des textes de Mendelssohn le prouvent : « Mais par quelle fatalité la métaphysique est-elle si relevée, si importante, si nécessaire ; et les métaphysiciens, loin de nous être utiles, n’ont-ils fait que nous abuser ? », s’interroge un collaborateur du Journal étranger en prélude à la publication de la septième des Lettres sur les sensations. L’application aux beaux-arts d’une perspective « métaphysique » paraît encore incongrue en France en ce milieu du xviiie siècle.
6Durant cette période, la première mention importante de l’esthétique paraît dans deux ouvrages qui, par leur plus large diffusion, auraient dû contribuer efficacement à l’importation de cette discipline en France ou, à défaut, de son nom. En 1775-1776, l’Encyclopédie d’Yverdon puis le Supplément à l’Encyclopédie font paraître deux articles « Esthétique » qui ne sont autres que les traductions – issues de deux sources différentes – de la notice « Aesthetik » du dictionnaire de Sulzer, Allgemeine Theorie der schönen Künste13. Le choix de traduire l’article de Sulzer n’est nullement fortuit. Dès les premières lignes de la version française de sa notice, telle qu’elle paraît dans le Supplément à l’Encyclopédie (ill. 8), le rapport de l’esthétique à l’analyse des sensations ou « sentiments » s’annonce central :
« Esthétique, (Beaux-Arts.) terme nouveau, inventé pour désigner une science qui n’a été réduite en forme que depuis peu d’années. C’est la philosophie des beaux-arts, ou la science de déduire de la nature du goût la théorie générale, et les règles fondamentales des beaux-arts. Ce mot est pris du terme grec aisthesis, qui signifie le sentiment. Ainsi l’esthétique est proprement la science des sentiments. Le grand but des beaux-arts est d’exciter un vif sentiment du vrai et du bon (Voyez Beaux-Arts, dans ce Supplément). Il faut donc que leur théorie soit fondée sur celle des sentiments et des notions confuses que nous acquerrons à l’aide des sens14. »
7L’Encyclopédie d’Yverdon donne sur ce point une version assez proche. Pour Sulzer, l’esthétique est donc d’abord la science des sentiments. Le « but principal des beaux-arts » est, insiste-t-il, « de s’assurer l’empire sur les cœurs à l’aide des sensations agréables et désagréables ». La première tâche de l’esthétique sera donc d’analyser ce but en « remontant à l’origine du sentiment » et en en « déduisant ce qui en constitue l’agrément15 ». L’article de Sulzer ramène la discipline esthétique à sa signification étymologique même, en la définissant strictement comme une science de la sensibilité.
8Avec ces deux notices, les conditions semblaient réunies pour que l’esthétique, dans sa présentation sulzerienne, s’implantât rapidement en France en cette seconde moitié du xviiie siècle. Pourtant, il n’en fut rien. Les deux articles demeurèrent sans écho. Dans la partie de l’Encyclopédie Méthodique consacrée aux beaux-arts – l’un des plus volumineux avatars de l’Encyclopédie et de ses suppléments –, Claude Henri Watelet et Pierre-Charles Levesque ne jugèrent pas opportun de conserver l’entrée en 178816. Le mot « esthétique », de toute évidence, ne paraissait pas utile à l’aube du xixe siècle. En 1799, Charles de Villers dresse le bilan de cette naturalisation manquée :
« Diderot a voulu introduire dans l’Encyclopédie ce terme d’Esthétique17, mais cela n’a pas pris. Comme nous n’avons sur les principes du goût que des ouvrages fragmentaires et une doctrine éclectique, que ces principes ne sont point encore rédigés en un code certain et suivant une méthode vraiment scientifique, il est évident que nous n’avons point encore d’Esthétique, et que le mot ne pouvait rester là où la chose manquait18. »

Ill. 8. – Johann Georg Sulzer, « Esthétique », in Supplément à l’Encyclopédie, vol. 2, Paris/ Amsterdam, Panckoucke/Rey, 1776, p. 872.
9Les premiers moments de l’introduction du criticisme kantien ne modifient guère cette constellation. Autour de 1800, plusieurs publications concourent à diffuser ce qu’on peut appeler l’écho étouffé de Kant en France. Parmi elles, certains articles du Magazin encyclopédique d’Aubin-Louis Millin à partir de 1796, l’Essai d’une exposition succincte de la Critique de la raison pure du Hollandais Johann Kinker (traduit en 1801) ou encore l’Histoire comparée des systèmes de philosophie de Joseph-Marie Degérando en 180419. Dans cet ensemble, les travaux de l’émigré Charles de Villers ont joué un rôle particulièrement important. Ancien officier de l’armée royale exilé en Allemagne depuis 1792, étudiant à Göttingen à partir de 1796, Villers est un observateur averti de la scène intellectuelle allemande qui tente avec constance d’exporter en France les thèses du philosophe de Königsberg20. Après avoir publié plusieurs articles sur Kant dans le Spectateur du Nord – une revue de l’émigration imprimée en Allemagne –, il fait paraître en 1801 un ouvrage plus développé, la Philosophie de Kant ou principes fondamentaux de la philosophie, qui suscite de vives réactions, notamment dans le milieu de l’Institut21. Notons que des trois Critiques kantiennes, c’est surtout la première qui mobilise son attention. En 1799, il consacre à la seule Critique de la raison pure un exposé de quarante pages. Quant à sa Philosophie de Kant, qui se voulait pourtant une introduction globale à l’œuvre du philosophe de Königsberg, la Critique du jugement n’y est évoquée qu’en quelques lignes22.
10Il y a à l’échec de ces timides tentatives de diffusion des causes diverses. Au moment où paraissent les premiers essais de Villers sur Kant, c’est-à-dire vers 1800, les Idéologues constituent au sein de l’Institut un groupe intellectuel puissant, très éloigné tout à la fois du criticisme et des questions esthétiques23. La Décade philosophique, journal politique et littéraire proche de ce milieu, fournit de ce clivage un exemple éloquent. Dès 1801, elle ne cesse de s’attaquer avec prédilection aux quelques aperçus que Villers avait osé donner sur ce sujet. « Les Français ne voudront pas le croire », ironise Amaury Duval dans un article paru en 1801, « mais le Platon de l’Allemagne [i. e. Kant, E.D.] vient de prouver que c’est par instinct plutôt que par raisonnement qu’ils ont eu jusqu’à présent quelques succès dans les beaux-arts. […] Nous nous empressons de recueillir avec respect et reconnaissance les sublimes maximes de ce docteur si célèbre dans les universités d’outre-Rhin, et qui doit un jour, avec encore plus de succès que Mercier, détrôner Locke et Condillac ». Suit alors un long passage tiré de la Philosophie de Kant de Villers et agrémenté d’un commentaire cinglant :
« Il est possible que le vulgaire des lecteurs n’entende pas bien ce sublime fragment du livre de la philosophie transcendentale. Nous leur conseillons de le lire une fois, une autre encore, enfin jusqu’à ce qu’ils l’aient compris. Et alors, ils pourront aller dans nos galeries de tableaux et dans nos lycées, juger ce qui constitue le vrai beau. Plaignons ce pauvre abbé Dubos qui a fait trois gros volumes pour enseigner un système que la massue de Kant vient de réduire en poussière24. »
11Entre les deux partis ici campés, le conflit a été violent, comme l’indique la constance toute particulière avec laquelle les rédacteurs de la Décade combattent la notion d’esthétique. Le seul nom de cette discipline semble indisposer les collaborateurs du journal : « ce n’est pas la peine de créer le nom d’esthétique », lit-on en l’an xii dans un article sur Villers25. La même année, un rédacteur propose de substituer à ce mot frelaté le néologisme « sentimentaire », plus intelligible en France car moins entaché de germanité26.
Pourquoi ces résistances ? L’exemple d’une transposition de Schiller en français
12Ces fortes résistances participent tout d’abord de réserves formelles. Le style du discours esthétique allemand incommode. Cette critique n’a rien pour surprendre. Dès l’introduction des premiers textes de Kant en France, la philosophie allemande dans son entier se trouve régulièrement tournée en dérision pour ses tendances amphigouriques. Usuelles donc pour caractériser la philosophie allemande en général, ces accusations d’inintelligibilité sont particulièrement fréquentes lorsqu’il s’agit d’esthétique. Tout se passe comme si l’intelligibilité immédiate s’imposait ici plus qu’ailleurs. Parler du sensible et du beau exige une langue claire. L’histoire des premières traductions des textes esthétiques de Schiller en apporte la preuve. Jusqu’au milieu du xixe siècle, les essais de Schiller sur l’art et l’esthétique ne rencontrent guère d’écho en France, à la différence de son œuvre théâtrale, connue, traduite et appréciée. Il faut attendre 1873 pour disposer, dans une traduction d’Adolphe Régnier d’une version complète de ses traités esthétiques27.
13À ce silence, une exception cependant, mais qui, à y regarder de plus près, confirme bien plutôt les mécanismes constatés jusqu’alors. En 1804, Charles Boudens de Vanderbourg, un ancien officier de la marine royale réfugié en Allemagne en 1789 puis revenu en France à l’issue du 18 brumaire, publie dans la Gazette littéraire de l’Europe la toute première traduction d’un texte esthétique de Schiller : les Gedanken über den Gebrauch des Gemeinen und Niedrigen. Parler ici de traduction est sans doute excessif, car Vanderbourg, explicitement agacé par le style vague et l’exposition floue de son auteur, ne se fait pas faute d’écourter, de corriger, de réorganiser à sa guise le texte original. Parmi ces modifications, l’une paraît particulièrement significative pour notre propos : la suppression systématique du mot « esthétique ».
« Je n’ai pas osé me servir d’un mot que Schiller emploie pour qualifier un des jugements dont il parle. Il appelle le premier, jugement moral, et le second, jugement esthétique. Ce mot reçu dans la langue allemande, et tiré du grec (aisthanomai), s’applique à tout ce qui tient au beau dans les arts, à tout ce qui plaît. La théorie du beau dans les arts se nomme, pour cette raison, l’esthétique. Si je me suis fait entendre sans le secours de ce mot, et si je n’ai pas trop délayé mon original, ce sera une nouvelle preuve que le néologisme même n’est plus aussi nécessaire qu’il le paraît à quelques littérateurs. (Note du Tr.)28. »
14L’année suivante, en 1805, Vanderbourg confirme cette orientation en livrant une « traduction » dans le même journal du traité de Schiller sur le sublime29 – travail qui en use plus librement encore avec le texte original que la précédente publication. Tout se passe comme si, plus que pour n’importe quel autre type de texte, les traducteurs français se sentaient, face aux essais esthétiques allemands, obligés à un effort particulier de médiation et de transformation.
Hiérarchie de l’espace artistique : l’artiste contre le philosophe
15Si l’esthétique allemande rencontre une hostilité si forte entre le Directoire et le Premier Empire, c’est qu’elle prend manifestement à revers quelques-unes des représentations majeures que l’homme de lettres français a de son propre espace et de sa propre histoire intellectuelle. Il y va tout d’abord de la croyance en la supériorité absolue du « Grand Siècle » sur toutes les littératures européennes. À Villers qui « assure que chez les Allemands la partie rationnelle de la critique littéraire est devenue formellement une science sous le nom d’esthétique […] et que Lessing et autres ont donné en ce genre des morceaux précieux », un rédacteur de la Décade philosophique rétorque en l’an XII :
« Il y a longtemps que nous connaissons en France cette science ; les Bouhours, les Rollin l’ont professée ; et Boileau lui-même n’est-il pas, depuis Horace, le plus habile maître d’esthétique que l’on puisse trouver ? Quant à Lessaing (sic), nous connaissons de lui un ouvrage sur l’art dramatique qui ne nous a point paru un morceau précieux. Pour en faire juger, il suffit de dire que Voltaire y est traité en écolier dans l’art de la tragédie, qu’on y accorde très peu de talent à Corneille, et que Racine y est à peine nommé30. »
16Mais le refus de l’esthétique ne peut être ramené à ce simple réflexe d’affirmation nationale. S’opposer, autour de 1800, à cette nouvelle science philosophique allemande, c’est aussi, pour l’homme de lettres français, défendre une hiérarchie précise de l’espace artistique – une hiérarchie où l’artiste, et non le philosophe, occupe le premier rang. « Nos salons d’exposition offrent, chaque année, des productions que l’on ne voit point sans intérêt, et quelque fois sans admiration : d’un autre côté, on publie de temps en temps, en France, des poëmes dans lesquels les étrangers même reconnaissent quelque mérite. Eh bien ! artistes et poëtes n’ont cependant aucune idée juste des arts qu’ils cultivent », ironise Amaury Duval dans la Décade. « Le grand philosophe de la Germanie va leur apprendre ce que personne avant lui n’avait imaginé31. » L’esthétique vient contredire l’ordre tacite des compétences qui prévaut à la charnière des deux siècles en France, un ordre qui place la création artistique largement au-dessus de la spéculation sur l’art. « Toute l’esthétique du monde ne fait pas un ouvrage de génie, et ne le vaut pas », lit-on dans la Décade32. Ou encore sous la plume de Frédéric Ancillon : « Des recherches sur le beau, quelque heureuse qu’on les imagine, ne valent pas une seule beauté de l’art : il vaut mieux produire des êtres vivants que de les disséquer33. » L’abbé Denina va plus loin :
« J’ose dire que cette science, si c’en est une, est pour les Allemands plus nuisible qu’utile, puisqu’elle est contraire à l’essor de l’imagination qui chez eux ne passe pas pour être transcendante […]. Nous ne saurions oublier à l’égard de ces théories que les grands poëtes, les artistes les plus célèbres ont partout précédé la théorie de l’art. Je dirais plus, conformément à l’observation que je viens de faire : jamais les livres æsthétiques n’animeront ni poëte, ni peintre, ni un sculpteur autant que la lecture de l’histoire du vieux et du nouveau Testament, les vies de saints et les héros du christianisme du vieux temps. Et cela est si vrai que les poëtes les moins crédules ont dû emprunter du christianisme, même du catholicisme tout ce qu’on lit de plus touchant dans leurs écrits : témoins Shakespeare, Pope, Voltaire, Gesner, Klopstock34. »
17La querelle qui oppose Villers à la Décade philosophique illustre assez clairement cet ordre hiérarchique. Dans son Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation paru en 1804, Villers avait en effet osé mettre sur un pied d’égalité l’artiste italien et l’esthéticien allemand35. « Oh ! non, assurément », lui rétorque le commentateur de la Décade :
« Dans les beaux-arts, comme dans la poësie, l’instinct est bien au-dessus de l’intelligence, ou plutôt il renferme l’intelligence… Il y a trop d’inégalité entre l’artiste, le poète qui produit, et le critique qui juge, pour les mettre un instant en parallèle. […] Winckelmann lui-même ne croyait pas que son livre supposât autant de génie qu’il en a fallu pour créer l’Apollon ; et Voltaire estimait moins à coup sûr toute sa poëtique qu’une pièce de Mérope ou de Zaïre… “On pourrait nommer, continue [Villers], celle-ci la force législative, celle-là la force exécutive des beaux-arts”… C’est une erreur, selon nous, que d’accorder aux critiques et aux observateurs la puissance législative au Parnasse et dans les beaux-arts ; elle appartient aux poëtes, aux artistes, et à eux seuls ; les lois adoptées par le goût ne sont que le résultat des observations faites sur les bons ouvrages. Le génie réunit à la fois tous les pouvoirs […]. Ce que nous disions tout à l’heure de l’esthétique peut trouver encore ici son application. Vingt volumes de discours sur les arts ne produisent pas un beau tableau ni une belle statue ; peut-être même nuisent-ils à qui pourrait en faire36. »
18Le clivage est clair et ne tardera pas à devenir le motif privilégié des brocarts anti-esthétiques en France à partir de 1800 : les Allemands auraient compensé par la réflexion théorique sur l’art leur incapacité à produire de belles œuvres d’art. À défaut de créer le beau, ils spéculent sur son idée.
La théorie empirique du beau contre l’esthétique
19Dans la hiérarchie de l’espace artistique qui prévaut en France autour de 1800, le seul discours sur l’art qui ait légitimité est donc celui qui a une fin « pratique ». En introduction à son Dictionnaire des beaux-arts, Aubin-Louis Millin explique que c’est à l’artiste, c’est-à-dire au praticien des arts, que s’adresse en premier lieu son ouvrage37. D’un point de vue méthodologique, cette référence permanente à la nécessaire empiricité de toute théorie de l’art se traduit par un motif central : la prédilection pour la méthode inductive. La seule théorie légitime est celle qui part de l’exemple pour aller au principe. De lourds soupçons pèsent sur la méthode déductive, qui procède en sens inverse. Pour Frédéric Ancillon, membre de l’Académie de Berlin, c’est autour de ce choix méthodologique que s’articule l’opposition frontale entre la tradition française du discours sur l’art et la nouvelle science esthétique allemande. La première est fondamentalement empirique dans sa méthode, c’est-à-dire qu’elle passe par induction des phénomènes artistiques sensibles – les œuvres – aux règles générales, en privilégiant toujours l’expérience. La seconde est déductive.
« Les François, toujours fidèles à l’expérience, ont abstrait leurs notions de la poésie et de l’éloquence, des ouvrages les plus éminens dans chaque genre que leur offroit leur littérature ; et comme cette littérature véritablement nationale, présente des chefs-d’œuvre de noblesse et d’élégance, de correction et de pureté de goût, qui ne laissent rien à désirer par le fini du travail, en prenant ces modèles pour guides, il s’est formé en France d’excellens critiques […].
En Allemagne, surtout depuis l’immortel Lessing qui a fait une véritable révolution dans le goût et la littérature, et qui joignoit à un beau génie un esprit éminemment philosophique, ceux qui se sont occupés des principes du beau et de la théorie de nos plaisirs, ont choisi un point de vue plus élevé que celui des critiques françois. Ils sont partis des notions générales d’art, de poésie, d’éloquence, et ont cherché la racine commune à toutes ces notions dans la nature de l’ame, et delà sont parvenus aux différentes branches ou aux différents genres38. »
20Certains traducteurs de textes esthétiques allemands, pour mieux adapter le texte qu’ils transposent au contexte français, vont même jusqu’à ajouter quelques exemples à l’ouvrage original. Il en va ainsi de Vanderbourg, qui agrémente d’exemples de son choix le cheminement trop déductif de la pensée de Schiller. « [Schiller] a négligé d’appuyer ses raisonnements par des exemples, peut-être parce qu’il les croyait présents aux yeux des lecteurs. Nous y suppléons dans quelques notes39. »
21Cet attachement à une tradition empirique et inductive du discours artistique explique les infléchissements notables que subit la définition même de « l’esthétique » dans sa reformulation française. Pour être acceptée, l’esthétique doit être prise pour ce que l’on connaît déjà en France : c’est-à-dire pour un ensemble de règles pratiques visant à la production concrète du beau. Cette interprétation émane d’ailleurs souvent des partisans de l’esthétique eux-mêmes. C’est le cas de Louis de Beausobre ou de Villers, qui tendent à faire de l’esthétique une théorie du beau dans la tradition de Dubos et de Batteux. Peut-être faut-il voir dans cet infléchissement sémantique l’une des causes de la difficile implantation du mot « esthétique » en français. « L’esthétique est une science fort peu connue parmi nous », lit-on dans les Archives littéraires de l’Europe en 1805, « du moins sous le nom qu’elle porte en Allemagne ; car nous possédons d’ailleurs assez de poétiques, de rhétoriques, de théories des arts et d’essais sur le goût, sur le beau et sur le sublime40 ». Autrement dit, l’esthétique ne ferait que désigner d’un nom neuf un domaine de la production intellectuelle déjà bien connu en France. Ces mécanismes permettent aussi de comprendre les résistances longtemps opposées à la Critique du jugement de Kant. Là où les lecteurs français attendaient une théorie du beau, assortie de conseils précis quant à la production et l’évaluation des œuvres d’art, ils ne trouvèrent qu’une analyse du jugement de beau.
La philosophie a-t-elle droit au discours sur l’art ? La « critique » contre l’esthétique
22Mais le débat sur l’esthétique engage une question épistémologique plus fondamentale : le discours sur l’art est-il du ressort de la philosophie ? Pour beaucoup d’hommes de lettres français des années 1790-1815, la réponse à cette question est négative : le discours sur l’art relève avant tout de la tradition de la « critique », elle-même tributaire des « belles-lettres », c’est-à-dire d’un discours sensible, élégant et largement dépourvu de prétentions spéculatives. L’opposition entre « critique » et « esthétique » constitue un motif récurrent autour de 1800. Elle est développée à plusieurs reprises par Villers qui entend tracer une ligne de partage claire entre l’ancienne théorie des arts, tout entière prisonnière d’une tradition non spéculative, et la nouvelle « science philosophique ». Le Cours de littérature ancienne et moderne de Laharpe fournit à Villers l’occasion d’épingler l’hostilité spécifiquement française à une approche philosophique de l’art41. Laharpe, ce « bel esprit », « muni d’un tact très fin et d’un goût très exercé » se révèle, au grand regret de Villers, « dépourvu au suprême degré de véritable esprit philosophique ». Son Cours, à « la forme incohérente » et au « procédé vague », n’est qu’une « suite de fragments tantôt historiques, tantôt critiques, tantôt purement polémiques42 ».
23Mais Villers occupe encore une fois une position marginale et solitaire dans cette constellation. Dans l’espace artistique et littéraire français de 1800, c’est l’opinion contraire qui domine : la philosophie est une intruse dans le discours sur l’art. Le jugement de Madame de Staël sur Schiller donne de cette partition un exemple éloquent. S’il est vivement loué pour son œuvre historique et poétique dans De l’Allemagne, Schiller est en revanche fortement critiqué pour ses travaux esthétiques.
« Dans son essai sur la grâce et la dignité, et dans ses lettres sur l’Esthétique, c’est-à-dire la théorie du beau, il y a trop de métaphysique. Lorsqu’on veut parler des jouissances des arts dont tous les hommes sont susceptibles, il faut s’appuyer toujours sur les impressions qu’ils ont reçues, et ne pas se permettre les formes abstraites qui font perdre la trace de ces impressions43. »
24Madame de Staël reste, dans sa représentation de l’espace intellectuel, très profondément attachée à une géographie des compétences issue du xviiie siècle. Pour elle, une frontière nette sépare par nature la « littérature » de la « métaphysique », et le discours sur l’art relève exclusivement de la première : il revient avant tout au poète et à l’artiste. Le seul genre qui ait légitimité dans ce domaine est celui que le xviiie siècle français a cultivé en maître : la « critique ».
« La description animée des chefs-d’œuvre donne bien plus d’intérêt à la critique que les idées générales qui planent sur tous les sujets sans en caractériser aucun. La métaphysique est pour ainsi dire la science de l’immuable ; mais tout ce qui est soumis à la succession du temps ne s’explique que par le mélange des faits et des réflexions : les Allemands voudraient arriver sur tous les sujets à des théories complètes, et toujours indépendantes des circonstances, mais comme cela est impossible, il ne faut pas renoncer aux faits, dans la crainte qu’ils ne circonscrivent les idées ; et les exemples seuls, dans la théorie comme dans la pratique, gravent les préceptes dans le souvenir44. »
25Très aiguë autour de 1800, cette opposition entre « critique » et esthétique, au sens de discours philosophique sur le beau, est destinée à marquer profondément tout le xixe siècle en France. Lorsque François Guizot rend compte en 1810 des Mélanges de Littérature et de Philosophie de Frédéric Ancillon, il annonce lucidement : ces essais « donnent un exemple de la métaphysique appliquée aux arts et à la littérature. Je suis loin de croire que cette application ne puisse et ne doive se faire : mais nous aurons longtemps peine à nous y accoutumer45 ».
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26Tentons pour conclure de tirer quelques enseignements méthodologiques de cette enquête. L’étude de la réception française de l’esthétique allemande exige des outils historiographiques appropriés. Elle oblige tout d’abord à penser les phases de non-réception, ou tout du moins les périodes de réception très limitée, comme étant aussi des phases signifiantes en termes de commerce intellectuel. L’absence de contact est aussi une figure du contact. Ainsi, la non-réception de la Critique du jugement de Kant ou encore la très grande rareté du mot même d’esthétique sont l’indice non pas d’une ignorance, mais d’une résistance dont les causes méritent d’être interrogées. Cette règle historiographique en appelle immédiatement une autre. L’étude de cette réception longtemps embryonnaire, hésitante et marginale exige que l’on tienne compte des erreurs, contresens, confusions et autres vices flagrants d’interprétation au même titre que des lectures pertinentes. De fait, l’histoire de la réception française de l’esthétique allemande n’échappe pas à cette règle des échanges culturels qui veut que les œuvres d’un pays donné pénètrent souvent dans un autre à la faveur de malentendus. Le terme de malentendu ne peut d’ailleurs ici s’utiliser sans réserve : dans le contexte du pays récepteur, le texte se dote, pour mieux dire, d’une signification qui n’est ni plus ni moins juste que celle qui a cours dans le pays émetteur. Il se charge tout simplement d’une signification autre, modelée – non déformée – par le champ intellectuel nouveau dans lequel il s’inscrit. Et l’écart qui sépare la lecture seconde (fournie par le pays récepteur) de la lecture première (proposée par le pays émetteur) est, pour la compréhension des aires culturelles concernées, des plus fructueux.
Notes de bas de page
1 Flaubert Gustave, lettre à Madame Roger des Genettes, 18 juin 1873, in Flaubert G., Œuvres complètes, Correspondance, nouvelle édition augmentée, 7e série (1873-1876), Paris, L. Conard, 1930, p. 28 (n° 1377).
2 Levêque Charles, La science du beau étudiée dans ses principes, dans ses applications et dans son histoire, 2 vol., Paris, A. Durand, 1861.
3 Baumgarten Alexander Gottlieb, Meditationes philosophicae de nonnullis ad poema pertinentibus, Halle, Grunert, 1735, § 115-116 (Baumgarten A. G., Philosophische Betrachtungen über einige Bedingungen des Gedichtes, éd. et trad. Heinz Paetzold, latin-allemand, Hambourg, Felix Meiner, 1983, p. 85-87) ; Baumgarten A. G., Aesthetica, 2 vol., Francfort-sur-l’Oder, Kleyb, 1750-1758 (fac-similé intégral : Hildesheim, Olms, 3e éd., 1986).
4 Gottsched Johann Christoph, Handlexicon oder kurzgefaßtes Wörterbuch der schönen Wissenschaften und freyen Künste, Leipzig, Fritsch, 1760, p. 50 ; Anonyme [J. C. Gottsched], « Annonce de : J. C. Gottsched, Auszug aus des Herrn Batteux […] schönen Künsten, aus dem einzigen Grundsatze der Nachahmung hergeleitet (Leipzig, Breitkopf, 1754) », Das Neueste aus der anmuthigen Gelehrsamkeit, 6, 1754 (juin), p. 464-467, ici p. 464-465. Sur les clichés savants, voir l’article de Helmut Zedelmaier dans le présent volume.
5 Jean Paul, Vorschule der Ästhetik, Vorrede zur ersten Ausgabe (1re édition : 1804), in Jean Paul, Werke, éd. Norbert Miller, vol. 5, Munich, Hanser, 5e éd., 1987, p. 22. Il s’agit d’un « cours préparatoire ».
6 Kant Immanuel, Critique du jugement, suivie des Observations sur le sentiment du beau et du sublime, trad. Jules Barni, 2 vol., Paris, Ladrange, 1846 ; Barni Jules, Philosophie de Kant. Examen de la Critique du jugement, Paris, Ladrange, 1850. Barni traduisit et commenta également la première et la deuxième Critiques : Kant Immanuel, Critique de la raison pratique, précédée des Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. J. Barni, Paris, Ladrange, 1848 ; Barni Jules, Philosophie de Kant. Examen des Fondements de la métaphysique des mœurs et de la Critique de la raison pratique, Paris, Ladrange, 1851 ; Kant Immanuel, Critique de la raison pure, trad. J. Barni, 3 vol., Paris, G. Baillière, 1869. La première Critique avait été traduite pour la première fois en français par Jules Tissot : Kant Immanuel, Critique de la raison pure, trad. J. Tissot, 2 vol., Paris, Ladrange, 1835-1836.
7 Hegel Georg Wilhelm Friedrich, Cours d’esthétique, analyse et trad. en partie Charles Bénard, 4 vol., Paris/Nancy, Ladrange, 1840-1851 ; Bénard Charles, Hegel. Philosophie de l’art. Essai analytique et critique, Paris, Ladrange, 1852 ; Schelling Friedrich Wilhelm Joseph, Écrits philosophiques et morceaux propres à donner une idée générale de son système, trad. Charles Bénard, Paris, Joubert, 1847.
8 Bénard Charles, art. « Esthétique », in Adolphe Franck (dir.), Dictionnaire des sciences philosophiques, 6 vol., Paris, L. Hachette, 1844-1852, vol. 2 (1845), p. 293-306, ici p. 293.
9 Beausobre Louis de, « Dissertation sur les différentes parties de la philosophie », in L. de Beausobre, Dissertations philosophiques, Paris, Durand, 1753, p. 131-206, ici p. 163-164.
10 [Junker Georg Adam], « Essai sur la poésie allemande », Journal étranger, septembre 1761, p. 95-148 (réédité dans Junker Georg Adam, Nouveaux principes de la langue allemande, Paris, Musier fils, 1762, p. xxvii-lx).
11 Sulzer Johann Georg, « Lettre de M. Sulzer à un de ses amis où il expose le plan de son Dictionnaire […] », Journal étranger, juin 1761, p. 37-54, ici p. 49. En note, le mot « Aesthétique » est expliqué comme suit : « Théorie des sensations, du mot grec aisthesis, sensus ».
12 Mendelssohn Moses, « Réflexions sur les sources et les rapports des beaux-arts et des belles lettres (sans nom de traducteur) », Journal étranger, février 1761, p. 3-47 (1re publication en allemand : 1757) ; Mendelssohn M., « Lettres sur les sensations » (sans nom de traducteur), Journal étranger, mai 1761, p. 138-157 (lettres I-IV) ; juin 1761, p. 154-170 (lettres V-VI) ; août 1761, p. 35-62 (lettres VII-IX) ; novembre 1761, p. 177-193 (lettres X-XII) ; décembre 1761, p. 159-183 (lettres XIII-XV) (1re publication en allemand : 1755) ; Mendelssohn M., « Du sublime et du naïf dans les belles lettres » (sans nom de traducteur), Journal étranger, septembre 1762, p. 5-59 (1re publication en allemand : 1758).
13 [Sulzer Johann Georg], Art. « Aesthétique », in Fortunato Bartolomeo de Felice (dir.), Encyclopédie, ou Dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines (de d’Alembert), mis en ordre par M. de Felice, Supplément, vol. 1, Yverdon 1775, p. 128-131 ; Sulzer J. G., Art. « Esthétique », in Supplément à l’Encyclopédie, vol. 2, Paris/Amsterdam, Panckoucke/Rey, 1776, p. 872-873. Le texte qui a servi de base à ces deux notices est l’article « Aesthetik » de J. G. Sulzer paru en 1771 dans le premier volume de l’Allgemeine Theorie der Schönen Künste (2 vol., Leipzig, Weidemanns Erben und Reich, 1771-1774, vol. 1, p. 20-22). Pour la présence de Sulzer dans le Supplément à l’Encyclopédie, cf. Kerslake Lawrence, « Johann Georg Sulzer and the Supplement of the Encyclopédie », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, vol. 148, Oxford 1976, p. 225-247.
14 Sulzer J. G., « Esthétique », in Supplément à l’Encyclopédie (1776), cité note 13, vol. 2, p. 872.
15 Ibid., p. 873.
16 Watelet Claude Henri et Lévesque Pierre Charles, Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts, 2 vol., Paris, Panckoucke, 1788-1791 (avec un vol. de planches, Paris 1805).
17 Charles de Villers attribue ici par erreur à Diderot l’initiative des deux articles « Esthétique » précédemment cités.
18 Villers Charles de, « Considérations sur l’état actuel de la littérature allemande par un Français », Le spectateur du nord, vol. 12, oct. 1799, p. 1-54, ici, p. 42 (note).
19 Kinker Johannes, Essai d’une exposition succincte de la Critique de la raison pure, Amsterdam, Vve Changuion et Den Hengst, 1801 ; Degérando Joseph-Marie, Histoire comparée des systèmes de philosophie relativement aux principes des connaissances humaines, 3 vol., Paris, Henrichs, 1804.
20 Wittmer Louis, Charles de Villers 1765-1815. Un intermédiaire entre la France et l’Allemagne, Genève/Paris, Georg et Cie/Hachette et Cie, 1908.
21 Villers Charles de, Philosophie de Kant, ou principes fondamentaux de la philosophie transcendantale, Metz, Collignon, an IX-1801.
22 Villers Charles de, « [Présentation de la] Critique de la raison pure », in Le spectateur du nord, vol. 10, avril 1799, p. 1-37 ; Villers C. de, Philosophie de Kant ou principes fondamentaux de la philosophie, Metz, Collignon, an IX-1801, p. xxiv-xxv. Quant à la longue « Notice littéraire sur Mr. Kant » qu’il publie dans le Spectateur du nord en 1798, elle ne mentionne elle aussi qu’allusivement la troisième Critique (Le spectateur du nord, vol. 5, mars 1798, p. 335-368, surtout p. 349-350 pour les brèves allusions à la troisième Critique).
23 L’affirmation que les objets en soi ne nous sont pas accessibles, que « tout se réduit donc à des apparences » suscite le trouble de Degérando. Degérando Joseph-Marie, Histoire comparée des systèmes de philosophie, cité dans Azouvi François et Bourel Dominique, De Königsberg à Paris. La réception de Kant en France (1788-1804), Paris, J. Vrin, 1991 p. 241.
24 A. D. [i. e. Duval Amaury], « Découverte du vrai principe du beau dans les arts, par C. Villers, auteur de l’analyse de la philosophie de Kant », Décade philosophique, an IX, 30 fructidor, n° 36, p. 530-532.
25 A. [non identifié], « [Recension de] Villers Charles de, “Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther” », Décade philosophique, an XII, 10 floréal, n° 22, p. 209-223 et an XII, 30 fructidor, n° 36, p. 538-551, ici n° 36, p. 544.
26 [Anonyme], « Éducation », Décade philosophique, an XII, n° 28, p. 2-22, ici p. 8, note.
27 Schiller Friedrich von, Esthétique de Schiller, in Schiller Friedrich von, Œuvres, traduction nouvelle par Adolphe Régnier, 8 vol., Paris, Hachette, 1868-1873, vol. 8. Pour une histoire complète de la réception de Schiller en France, voir Eggli Edmond, Schiller et le romantisme français, 2 vol., Paris, Gamber, 1927, ici vol. 2, p. 70 sq.
28 Schiller Friedrich, « Idées sur ce que l’on peut appeler Commun et Bas dans les beaux-arts et sur l’usage qu’on peut en faire », trad. C. Vanderbourg (de son vrai nom : Martin-Marie-Charles Boudens de Vanderbourg), Archives littéraires de l’Europe (fac-similé : Genève, Slatkine, 1972), vol. 2, 1804, p. 247-259, ici, p. 254-255, note 1. Sur Vanderbourg, cf. Mortier Roland, Les Archives littéraires de l’Europe (1804-1808) et le cosmopolitisme littéraire sous le Premier Empire, Bruxelles, Palais des Académies, 1957, p. 120-121.
29 Schiller Friedrich, « Du sublime », trad. par Charles Vanderbourg, Archives littéraires de l’Europe (fac-similé : Genève, 1972), vol. 5, 1805, p. 325-348.
30 A. [non identifié], « [Recension de] Villers Charles de, « Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther », art. cité, p. 544-545.
31 A. D. [i. e. Duval Amaury], « Découverte du vrai principe du beau dans les arts, par C. Villers », cité note 24, p. 530.
32 A. [non identifié], « [Recension de] Villers Charles de, “Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther” », art. cité, n° 36, p. 545.
33 Ancillon Frédéric, Mélanges de littérature et de philosophie, 2 vol., Paris, F. Schoell et H. Nicolle, 1809, vol. 1, p. xxxv-xxxvi.
34 Denina Carlo, La Prusse littéraire sous Frédéric II, vol. 3, Berlin, H. A. Rottmann, 1791, p. 29-30.
35 Villers Charles de, « Essai sur l’influence de la Réformation de Luther », seconde édition, Paris, Henrichs, an XII-1804, p. 319-320.
36 A. [non identifié], « [Recension de] Villers Charles de, “Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther” », art. cité, p. 545-546.
37 Millin Aubin-Louis, « Avertissement », in A.-L. Millin, Dictionnaire des beaux-arts, 3 vol., Paris, Desray, 1806, vol. 1, p. v-vii.
38 Ancillon Frédéric, Mélanges de littérature et de philosophie, 2 vol., Paris, F. Schoell et H. Nicolle, 1809, vol. 1, p. xxx-xxxiii.
39 Schiller Friedrich, « Du sublime », trad. Charles Vanderbourg, cité note 29, p. 327.
40 « Gazette littéraire », Archives littéraires de l’Europe, 7, 1805, p. lxix.
41 Villers Charles de, « [Recension du] Lycée ou Cours de littérature ancienne et moderne de J. F. Laharpe », Le spectateur du nord, vol. 13, févr. 1800, p. 210-239 et mars 1800, p. 360-379, ici p. 376 (mars 1800).
42 Ibid., p. 210-213 (févr. 1800).
43 Staël Germaine de, De l’Allemagne, intr. Simone Balayé, 2 vol., Paris, Garnier Flammarion, 1968, ici vol. 2, p. 69 (première édition : Paris, 3 vol., 1810).
44 Ibid., p. 69.
45 Mercure français, janvier 1810, vol. XL, p. 93 (cité par Eggli Edmond, Schiller et le romantisme français, cité note 27, vol. 1, p. 334).
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