La Société économique de Berne et l’Encyclopédie économique (1770-1771)
De la compilation au transfert de savoirs agronomiques ?
p. 139-156
Texte intégral
1Dans un contexte européen caractérisé par la variabilité des récoltes, la faiblesse des prix et les épidémies, la deuxième moitié du xviiie siècle est généralement décrite comme une phase d’essor agricole et démographique1. Les élites cultivées et les Lumières se penchent alors sur l’agriculture. Des innovations majoritairement en provenance d’Angleterre et de Hollande circulent via les réseaux de la République des Lettres, notamment vers la France et le Saint-Empire2.
2Dans le Saint-Empire, la préoccupation politique pour l’agriculture s’affirme au sortir de la guerre de Trente ans et suite à la chute des prix céréaliers qui insuffle le besoin d’un corps de science et de spécialistes. Une partie de l’Aufklärung et des gouvernants tentent, sur des fondements caméralistes, de redresser l’économie et la démographie des États territoriaux. Pour entamer ces réformes, les princes valorisent l’agronomie théorique et pratique, qui occupe une place grandissante dans l’enseignement universitaire des sciences camérales (économie, science, finance) dès la seconde moitié du xviiie siècle3.
3Néanmoins, le champ d’activité de l’État dans le domaine agronomique se heurte aux limites de l’échelle territoriale4. L’essor agronomique des États territoriaux de la deuxième moitié du xviiie siècle est rendu possible par la création d’un partenaire privilégié de l’État, adapté aux spécificités agronomiques locales : les Sociétés économiques. Elles répondent au nouveau style technologique du discours économique allemand et se concentrent sur l’économie, la science, la technologie et l’agriculture. Au moyen d’un modèle structurel prôné par la Société économique de Berne dans les cantons helvétiques, elles préparent les réformes agronomiques que l’administration officialise5. Les recherches agronomiques de la Société économique de Berne comptent parmi les plus respectées et les plus consultées de l’espace germanophone à l’aube de la publication de l’Encyclopédie économique en 17706.
4L’intensification des réflexions agricoles s’observe également dans la France de Louis XV et pousse l’administration et le gouvernement à prendre des mesures, en nommant le ministre agronome Henri Léonard Bertin (1720-1792) au contrôle général des finances en 1759. Sensible aux nouvelles impulsions agronomiques et physiocratiques, Bertin aspire à une refonte complète de la législation des grains et à la création de Sociétés d’agriculture qui émanent essentiellement de l’impulsion et de la volonté du marquis de Turbilly (1717-1776), physiocrate et agronome français influent au sein de la Société économique de Berne dès sa fondation. Les Sociétés royales d’agriculture calquées sur Berne, orchestrent les réformes agronomiques françaises en province et dans les généralités7.
5Les réformes agraires entamées en France comme dans le Saint-Empire engendrent une forte demande d’imprimés agronomiques. Les dictionnaires et les encyclopédies, essentiellement francophones, qui transmettent un savoir agronomique, voyagent mal dans l’espace allemand, particulièrement quand ils abordent l’agronomie de manière traditionnelle et s’adressent aussi à un public allemand8. Ils se confrontent à de nombreux obstacles : à des inflexions intellectuelles, politiques et agraires, des difficultés de compréhension et une concurrence grandissante des encyclopédies allemandes comme l’Universal Lexicon (1732-1754) édité par Johann Heinrich Zedler (1706- 1751)9. Les hiatus et les dénivellations culturelles qui limitent la portée des encyclopédies françaises dans le Saint-Empire rendent nécessaire la présence d’un filtre reconnu qui, sur le modèle anglais, inspire directement les réformes agronomiques de la France et du Saint-Empire : la Société économique de Berne10. Dans ces conditions, l’association de De Felice avec la Société économique de Berne est décisive dans une optique de transfert agronomique à grande échelle. Comment cette association contractée en périphérie des grands centres de savoir ambitionne-t-elle de concurrencer les grandes entreprises encyclopédiques européennes ? Comment use-t-on de la compilation pour maximiser les transferts de savoir agronomiques dans un laps de temps très court et avec une poignée de collaborateurs ? L’Encyclopédie économique a-t-elle atteint les objectifs ambitieux de ses créateurs : réactualiser le savoir agronomique pour mieux le faire circuler ?
Un transfert via une « périphérie » : le cadre bernois
6Société officielle proche des institutions de la République bernoise, la Société économique de Berne est fondée en 1759, par Johann Rudolf Tschiffeli (1716-1780), les frères Tscharner et un noyau de patriciens, acteurs politiques de premier plan et grands propriétaires terriens. La sociabilité bernoise se déploie dans plusieurs Sociétés qui oscillent entre réforme et conservatisme11. Seuls quelques patriciens s’activent dans toutes ces sociétés. Ils sont d’une importance toute particulière en raison des ouvertures, des contacts et des échanges qu’ils rendent possibles au sein des espaces culturels de référence. Le solide réseau épistolaire12 et la diversité de ses membres honoraires, minutieusement sélectionnés par la Société économique de Berne, permet de surmonter et d’élargir la dimension locale où se cantonne habituellement la recherche agronomique. Essentiellement allemands et français, ces membres envoient et demandent aux secrétaires de la Société économique de Berne des plans de machines, des observations agronomiques et économiques, des graines et des imprimés qui renferment des informations pratiques et théoriques13 (ill. 6 et 7). La Société économique de Berne réunit une élite intellectuelle au profil hétérogène (officiers, médecins, botanistes, avocats, pasteurs…) qui utilise cette structure « académique14 » comme plateforme d’échanges de savoir agronomiques à grande échelle. Les réseaux de cette sociabilité polymorphe lui permettent d’atteindre les cercles proches des gouvernements voisins ainsi que les principaux réformateurs agraires français et allemands15.
7Les orientations intellectuelles et les spéficités techniques des savants ne sont pas initialement structurées en espaces culturels distincts. Le savoir agronomique est sujet à des interprétations diverses selon les facteurs climatiques, politiques, géologiques et culturels16. Toutefois, des axes de recherche communs apparaissent comme la productivité agricole et la maximisation des rendements. Les mises aux concours de la Société économique de Berne, ses méthodes de diffusion et ses publications, dénotent sa volonté de définir des zones de contact privilégiées : les espaces culturels francophone et germanophone17. Ces enjeux éditoriaux déterminent une différenciation entre les mémoires publiés à destination de la France ou du Saint-Empire18. La sélection des mémoires primés et publiés préside à l’échange avec un espace particulier. Elle peut paraître surprenante puisque la majorité des mémoires publiés proviennent de contributeurs locaux. La correspondance fournie et l’accueil réservé aux imprimés bernois dans les espaces germanophones et francophones matérialisent les interconnections et les combinaisons possibles entre les différents réseaux mobilisés par la Société économique de Berne pour la diffusion de ses recherches agronomiques19. Une demande croissante d’informations sur des objets inédits (charrue, moulin, semence particulière) parvient par la correspondance officielle ou privée aux agronomes de la Société bernoise, ce qui pose la question d’une possible réappropriation locale d’un savoir européen20.
8La circulation et l’échange de connaissances agronomiques précèdent la publication de l’Encyclopédie économique et perpétuent le soin particulier déployé par la Société économique de Berne pour toucher et relier les espaces de savoir allemand et français. Le cadre de recherche établi dans ses statuts et son règlement façonne et oriente les échanges agronomiques facilités par des traductions françaises et allemandes réputées21. La sensibilité des auteurs, la composition du comité et les thématiques abordées orientent et enrichissent les influences. La Société économique de Berne, à l’image des espaces de savoir, demeure une construction qui rassemble des influences agronomiques hétérogènes22.
9La conception de l’Encyclopédie économique obéit-elle aux mêmes préoccupations ? S’élabore-t-elle sur les mêmes convictions ? Sa méthode de compilation reflète-t-elle une réappropriation spécifique et locale, moteur de l’échange et de la circulation agronomique européenne23 ?
Une entreprise éditoriale au service de transferts de savoirs agronomiques : l’Encyclopédie économique
10On a relativement peu d’informations sur la conception de l’ouvrage, sur ses collaborateurs et sur les difficultés rencontrées lors de son élaboration. Les lacunes archivistiques s’expliquent par la disparition des échanges épistolaires entre Fortuné Barthélemy de Felice (1723-1789)24, la Société économique de Berne et Vincent-Bernard Tscharner (1728-1778). La publication inédite de la correspondance de Fortuné Barthélemy de Felice25 confirme la collaboration entre une partie des membres de la Société économique de Berne et De Felice comme annoncé dans la présentation du contenu de l’ouvrage26. L’Encyclopédie économique répond à deux impératifs. En cette période où l’encyclopédisme est l’enjeu d’une guerre des publications, De Felice doit tout d’abord agir dans la hâte et la genèse de l’Encyclopédie économique ne doit rien au hasard27. En concurrence permanente avec l’éditeur Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798) qui jouit du monopole des encyclopédies sur le marché français, De Felice cherche à le contourner en publiant deux Encyclopédies destinées à des marchés distincts28.
11Vincent-Bernard Tscharner, souvent associé aux projets éditoriaux de De Felice et secrétaire de la Société économique de Berne, partage cet élan dans sa lettre à la Société économique d’Yverdon de janvier 1767 :
« Nous sentons combien de pareils livres bien faits serviraient pour encourager l’étude et la pratique de l’économie rurale des citoyens […]. Le plan systématique a ses partisans ; la forme de dictionnaire a ses avantages ; notre dessein serait d’embrasser également toutes les parties qui intéressent l’agronomie29. »
12Cette association de la richesse du savoir agronomique de la Société économique de Berne, de l’expérience éditoriale et des multiples réseaux épistolaires, commerciaux et libraires de De Felice, justifie en partie le choix du format in-octavo de l’Encyclopédie économique, qui outre son moindre coût, permet d’utiliser les presses dévolues aux mémoires de la Société économique de Berne, dont la publication s’essouffle justement dès 176730. Les premières traces de l’entreprise encyclopédique remontent à 1768 et à une lettre de De Felice à son correspondant en Allemagne, le huguenot Samuel Formey (1711-1797), secrétaire permanent de l’Académie des sciences de Berlin :
« Je ferai […] un Dictionnaire économique universel, auquel plus d’une demi-douzaine de membres de la Société économique de Berne travaillent31. »
13La collaboration de la Société économique de Berne se manifeste plus concrètement dans la préface de l’Encyclopédie économique :
« Nous nous sommes fait un devoir de soumettre notre travail à quelques Membres des plus éclairés de la Société Economique de Berne que nous avons pris pour guide dans ce détail immense32. »
14La correspondance avec Formey révèle comment l’accueil de l’Encyclopédie économique dans l’espace culturel germanophone a été sondé via les réseaux de correspondance savante33. Ainsi, De Felice sollicite puis collabore avec Formey et son imposant réseau de savants à de nombreuses reprises pour orienter ses emprunts en provenance du Saint-Empire34. Il est d’ailleurs probable que, dans la stratégie de publication, De Felice reprenne de Formey l’idée d’une encyclopédie réduite35. Un autre projet de Formey attise également la convoitise du libraire yverdonnois, malgré un contenu jugé « incomplet », le Dictionnaire instructif « à mi-chemin entre dictionnaire encyclopédique et manuel scolaire36 ». De Felice est pleinement conscient du rôle particulier et des avantages qu’il tire de cette correspondance. Véritable intermédiaire en Allemagne, Formey contribue à de nombreux journaux en vue dans les États allemands. Il joue même un rôle crucial dans l’Encyclopédie d’Yverdon en s’appropriant et en compilant des savoirs allemands37.
15Les choix et les stratégies qui poussent De Felice à se tourner vers la réédition du Dictionnaire de Noël Chomel (1633-1712) par l’agronome normand L. H. de La Marre (1730- ?) ne sont donc pas fortuits38. Le Dictionnaire économique de Chomel connaît un succès international aussi important que de longue durée, dû à sa composition spécifique qui demeure un exemple typique des « dictionnaire(s) spécialisé(s), à portée souvent pratique, dont une partie des contenus a été reprise par les encyclopédies39 ». La correspondance de De Felice avec Panckoucke confirme qu’une année après la date de parution du Dictionnaire économique, il est en collaboration étroite avec la Société économique de Berne pour son projet d’Encyclopédie économique. Les versions antérieures du dictionnaire de Noël Chomel ornent déjà les pages des publications de la Société économique de Berne et les bibliothèques privées de certains de ses membres40.
16Le projet de compilation du Dictionnaire économique par l’Encyclopédie économique présente un triple avantage. Même les libraires insistent sur « le grand travail de cette édition qui peut le faire regarder comme entièrement neuf41 ». Le Dictionnaire économique suit un parcours éditorial particulier. Sous sa forme originale en 1709, Chomel condense en deux volumes de nombreux articles d’agronomie et d’économie42. Le Dictionnaire économique compte de nombreuses rééditions françaises (1712, 1718, 1732, 1740, 1741, 1743 et 1767) et des traductions anglaises (1722, 1735), néerlandaises (1743, 1768, 1785), allemandes (1750) ou encore japonaise (début de la traduction en 1811)43.
17La matière agronomique est ensuite « entièrement corrigée, et très-considérablement augmentée » par L. H. de La Marre. Ce dernier entend « remplir le vide que l’on éprouvait dans notre Théorie sur la Science Rurale44 ».
18Pour profiler leur Encyclopédie, la Société économique de Berne et De Felice choisissent d’abondamment recopier ce dictionnaire fondé sur la recherche agronomique tout en mettant en valeur le savoir bernois. La Marre condense les dernières nouveautés issues de l’agronomie anglaise, école de référence des agronomes européens grâce à ses grands domaines et à ses nombreuses innovations techniques. Il n’oublie pas les nouveautés françaises (généralement une réappropriation locale du savoir anglais) et valorise les observations, les instructions et les livres du célèbre botaniste et agronome français Duhamel du Monceau (1700-1782), qui lui servent de fil rouge45.
19Enfin, la Société économique de Berne saisit l’occasion de valoriser les dernières publications de François Quesnay (1694-1774), Victor Riqueti de Mirabeau (1715-1789) ou encore Pierre-Paul Lemercier de La Rivière (1719-1801), dans le domaine de l’« économie politique46 ». La préface de l’Encyclopédie économique révèle les limites de la compilation des économistes français47 :
« Nous reconnaissons, qu’éclairés par eux, nous avons suivi leurs principes dans les articles où nous traitons des rapports de la politique et de l’agriculture. La forme de l’administration et du gouvernement n’étant pas du ressort de cet ouvrage, nous pourrions nous dispenser de manifester notre manière de penser sur cette matière, si la même franchise ne nous obligeait de déclarer, que l’opinion des Philosophes Politiques sur ce sujet, nous a paru jusqu’ici la partie la moins évidente de leur système48. »
20Cette attirance pour la physiocratie se vérifie dans le contenu d’une partie des mémoires de la Société économique de Berne qui manifeste un intérêt croissant pour cette doctrine et pour ses stratégies de diffusion (diversification et vulgarisation des publications)49.
21La thématique des transferts culturels franco-allemands nous permet ici de mettre à jour une ligne rédactionnelle particulière : les idées agronomiques et les réflexions économiques nouvelles sont au premier plan des préoccupations des rédacteurs de l’Encyclopédie économique, qui proposent des articles accessibles et inédits, et les font circuler en Europe du Nord (via les arrangements commerciaux de De Felice avec certaines maisons d’édition) où elle profite des privilèges dont jouit la Société typographique de Berne au sein des grandes foires du livre allemandes50. Dans cette optique, la langue française n’est pas un obstacle dans l’espace culturel allemand51.
22En outre, l’entreprise éditoriale de De Felice et de la Société économique de Berne s’insère dans une préoccupation de plus en plus internationale. La présence de la Société économique de Berne, l’action de ses membres, ses multiples traductions et ses publications bilingues, contribuent à la circulation du savoir agronomique entre les espaces culturels francophones et germanophones52.
23Le trait le plus saillant de la compilation du Dictionnaire économique est son aspiration encyclopédique. La transformation n’est pas complète et De Felice rappelle que « la forme [du] lexique est la plus commode pour une instruction infiniment détaillée, elle est la plus sure peut être pour répandre la lumière de la science économique53 ». L’Encyclopédie économique se modernise en systématisant l’usage des renvois insérés dans les articles agronomiques et économiques pour obtenir :
« un ensemble systématique, dont il est aisé de trouver les membres séparés dans les divers articles, qui rapprochés et lus de suite, présentent un système complet et harmonique. Ainsi toutes les matières d’économie politique, rustique et domestique, y sont traitées avec une étendue proportionnée à leur importance54 ».
24La préface de l’Encyclopédie économique illustre sa filiation avec l’encyclopédisme français. En effet, les nouvelles désignations « économie politique », « économie rustique » et « économie domestique » proviennent des réflexions et des nouvelles directions prises par le concept « é/oeconomie » dans le classement systématique proposé par Diderot et d’Alembert55. Ces nouveaux « désignants économiques » employés ponctuellement et marginalement par l’Encyclopédie servent ici de « filtre » à l’Encyclopédie économique et permettent de construire un « système complet et harmonique56 ».
25Le manque de temps et de moyens financiers dictent l’héritage sémantique de l’Encyclopédie économique et coïncident avec la direction prise par l’encyclopédisme allemand mené par Zedler qui adopte un ordre alphabétique, pratique et populaire, pour ordonner et présenter le savoir regroupé par catégories dans son Universal-Lexicon. Par ailleurs, certaines encyclopédies comme le Reallexicon de Johann Friedrich Gleditsch (1653-1716) adoptent déjà le format in-octavo depuis le début du xviiie siècle57.
26L’encyclopédisme, le marketing et les choix éditoriaux opérés par la Société économique de Berne et De Felice conditionnent et façonnent le transfert culturel. L’Encyclopédie économique reçoit l’approbation du censeur Daniel Verdelhan (1714-1773) à la fin de la publication du troisième volume58. Déjà censeur des autres publications de la Société économique de Berne pour les années 1769-1771 et membre influent de la Société économique d’Yverdon, Verdehlan laisse une grande liberté à De Felice et à la Société économique de Berne en matière de publication59.
L’Économie domestique et rustique : de la circulation au transfert depuis la France
27L’entreprise encyclopédique bernoise et son extrême rapidité d’exécution éveille notre intérêt pour l’analyse des articles agronomiques. L’étude de leur provenance, des méthodes de compilation et de valorisation des contenus apporte ici des éclaircissements sur le travail éditorial de De Felice, sur la rédaction et sur l’expertise menée par la Société économique de Berne60.
28La profusion d’imprimés (mémoires, correspondances, publications et livres) cantonne-t-elle la Société économique de Berne à un rôle tampon entre les savoirs agronomiques français et allemands ? L’échange se construit-il sur les similitudes ou sur la différence, sur la filiation ou sur l’influence ?
29La grande majorité des articles relatifs à l’agronomie, englobant l’« Économie domestique » et « rustique », est recopiée mot par mot du dictionnaire Chomel, à l’exception des gravures et des références, systématiquement supprimées pour des raisons de coût61. Contrairement à l’Encyclopédie d’Yverdon, l’Encyclopédie économique n’opère aucune distinction visible entre les articles recopiés, refaits, nouveaux ou complétés62.
30Pourtant, les trois références à Chomel relevées dans l’Encyclopédie économique se perdent dans trois brèves citations des articles « Blé », « Vignes » et « Hôpital ». Ce processus d’appropriation correspond à une manière de faire communément admise par une partie des encyclopédistes, à savoir recopier mot par mot un maximum d’articles pour se concentrer essentiellement sur les articles agronomiques qui exigent une réécriture ou des ajouts63. Cette pratique réduit considérablement les références à Duhamel, très généreusement cité dans la préface de L. H. de La Marre et qui fait office de caution intellectuelle pour les articles agronomiques du Dictionnaire économique où les renvois vers ses traités sont généralisés. Cette pratique éditoriale vise également à gagner le plus de temps et de place possible. Le nombre restreint de collaborateurs, le peu de temps à disposition et le succès commercial du Dictionnaire Chomel me semble justifier ce copiage à grande échelle entrepris par la Société économique de Berne et par De Felice.
31Le résultat de mes recherches analytiques sur la contribution de la Société économique de Berne aux articles agronomiques réécrits ou nouveaux, permet de distinguer deux catégories. Tout d’abord les articles « Abeille » et « Mouture » qui illustrent les nouveaux articles. Ensuite les articles revus et commentés comme « Alterner », « Blé », « Bois », « Lin », « Marne », « Mélèse », « Sel », « Sillon », « Sorbier » et « Terre ». Pour cette dernière catégorie, l’article « Lin » est révélateur des processus de compilation de la Société économique de Berne : 15 pages sont intégralement reprises de Chomel et 15 nouvelles se consacrent à une « instruction pratique sur la manière de cultiver le lin en Suisse, avec quelques ajouts64 ». La structure de l’article est identique au mémoire de la Société économique de Berne65.
32Dans l’ajout, sont insérées également des références synthétiques à des pratiques agronomiques particulières de Flandre, de Zélande et d’Irlande. Celles-ci proviennent d’extraits des mémoires de la Société de Dublin66. La Société économique de Berne motive son choix par l’originalité de ces mémoires et de leur caractère utilitaire et pratique qui correspond aux attentes du savoir allemand et français, attirés par ces réformes peu coûteuses et facilement transposables67. La publication, en fin d’article, du bilan annuel de production d’un arpent semé en lin, confirme cette hypothèse68. L’utilité de l’article « Lin » se vérifie pour les futures zones de diffusion visées, telles le Saint-Empire, la Hollande et la Zélande :
« Les Hollandais importent à la vérité de la linette de Riga, ce n’est pas que la leur dégénère, comme on le dit communément : ce n’est que pour en fournir les pays sablonneux tels qu’une partie de l’Allemagne. S’ils avaient une quantité suffisante de terre glaise, comme celle de la Zélande, ils n’iraient jamais chercher ailleurs la graine qu’on leur demande69. »
33L’article « Abeille », long de 120 pages, est unique à plusieurs égards. Il fait plusieurs références à Catherine-Élisabeth Vicat-Curtat (1712-1772), spécialiste des abeilles et épouse de Béat Philippe Curtat (1715-1770), professeur de droit à l’Académie de Lausanne70. C.-E. Vicat-Curtat se réapproprie les connaissances françaises en se « différenciant », « en adoptant », « en substituant » certains principes de l’agronome et apiculteur français Formanoir de Palteau (1712- ?), pour obtenir une ruche inédite, témoin du savoir helvétique71. Chaque savant est considéré comme devant apporter une expertise spécifique et contribuer à une construction commune du savoir. Le savoir allemand n’est pas oublié puisque les développements de Vicat-Curtat ne sont pas un cas unique. Le pasteur Adam-Gottlob Schirach (1724-1773), secrétaire de la Société économique de Lusace, propose lui aussi des adaptations et des modifications aux principes de Palteau au travers de contributions écrites à découvrir dans les publications de la Société des abeilles de Lusace72. La recherche de la ruche idéale condense les échanges :
« Simples, peu coûteuses, durables, aisées à manier, et construites de manière que les diverses opérations qu’on peut avoir à faire, et particulièrement celle d’enlever le miel et la cire puissent s’exécuter avec facilité73. »
34Elle traduit la volonté de s’approprier le savoir de l’autre pour l’améliorer. L’apiculture jouit de deux avantages conséquents qui favorisent la recherche : elle permet des résultats rapides avec des investissements minimum et concerne les régions défavorisées mais également les riches agronomes citadins, qui expérimentent dans leur jardin74. L’analyse de l’article « Abeille » démontre que les limites inhérentes aux interférences culturelles, politiques, économiques, sociales, climatiques ou encore géologiques s’estompent parfois et fédèrent l’échange75. Cet échange se poursuit dans la correspondance de la Société économique de Berne76.
35L’article « Mélèse » confirme le remaniement partiel de la majorité des articles agronomiques sélectionnés. Les ajouts s’inspirent toujours de mémoires bernois, à l’exemple de celui sur la pénurie en bois de l’influent et renommé membre de la Société économique de Berne, Samuel Engel (1702- 1784). Les ajouts sont la synthèse de passages jugés pertinents :
« Il faut semer en Avril lorsque la terre ne gèle plus : M. De Zanthier, Haut Intendant des Forêts du Comté de Wernigerode, prouve par son expérience, que l’on doit semer à la fin de Mai, ou au commencement d’Avril. Il dit aussi qu’une terre légère sans être humide, un terrain pierreux lui convient. Nous voyons qu’il prospère dans les lieux froids, graveleux et maigres. Schreber et d’autres sont dans l’idée qu’un terroir trop bon et trop gras lui est tout à fait contraire77. »
36La référence à des agronomes et à des scientifiques allemands me semble justifier la notion de pôle de compétence prévalant aux échanges épistolaires et aux influences germanophones dans les mémoires. Le professeur de sciences camérales et membre de la Société économique de Leipzig, Daniel Gottfried Schreber (1708-1777), est en correspondance avec Samuel Engel dès 1763, et c’est par ce canal que les expériences de l’intendant des forêts de Wernigerode, Hans Dietrich von Zanthier (1717-1778) parviennent à la Société économique de Berne78. Il convient de souligner que d’autres influences allemandes du mémoire d’Engel ne sont pas ici explicitement mentionnées, à l’exemple du célèbre auteur et agronome caméraliste Johann Beckmann (1739-1811). Ce dernier a publié en 1760 ses Grundsätze der deutschen Landwirtschaft qui « fait état des développements les plus récents dans le domaine de l’agronomie en se référant aux publications des sociétés d’agriculture créées à peine une décennie plus tôt79 ». Beckmann partage donc également les mêmes objectifs que les rédacteurs de la Société économique de Berne.
37La Société économique de Berne et De Felice ne se trompent pas en publiant l’Encyclopédie économique qui synthétise et compile les dernières nouveautés en agronomie pratique. Cette stratégie qui consiste à valoriser les connaissances bernoises tout en puisant dans le savoir agronomique allemand et français, illustre l’importance de l’échange et du partage, dans un savoir en profond renouvellement.
38L’organisation et le classement opérés dans l’Encyclopédie économique densifient le transfert culturel catalysé par l’exemple et l’impulsion agronomique anglaise du milieu du xviiie siècle. Le transfert culturel agronomique est polarisé par la sensibilité culturelle et intellectuelle de nos trois espaces et par des facteurs hétérogènes comme des variations climatiques locales ou une géologie particulière. Des pôles de compétences agronomiques s’affirment. La concurrence et la complémentarité des recherches justifient et amorcent la circulation d’un commerce intellectuel agronomique en boucle France-Suisse-Saint-Empire. Le rayonnement de l’Encyclopédie économique dans le Saint-Empire permet d’élargir l’échelle des transferts habituellement confinés à une sphère locale, de particulier à particulier ou de Société économique à Société économique, pour passer d’un espace culturel à un autre.
39Les nouveautés et les ajouts proposés par De Felice et la Société économique de Berne, teintés d’influences essentiellement françaises, allemandes, hollandaises ou anglaises témoignent de cette large proportion d’interprétation, de différenciation et de valorisation, dans une optique de circulation délibérée.
40Qu’on se concentre sur le travail de compilation effectué par De Felice et la Société économique de Berne ou que l’on condamne le copiage du Dictionnaire Chomel comme une entreprise à la limite de la contrefaçon, il n’en demeure pas moins que selon De Felice :
« Tout libraire donc ou Imprimeur, qui par des contrefaçons, procure de répandre plus abondamment et plus promptement les bons livres, mérite beaucoup de l’humanité, et je crois même qu’en conscience il y est obligé, ensuite du grand principe de la sociabilité. En partant donc de ce principe, les contrefaçons sont un bien pour l’humanité, les Imprimeurs et Libraires doivent s’y prêter de toutes leurs forces, lorsque les livres sont bons et capables d’éclairer les hommes sur leurs véritables intérêts80. »
41Pour optimiser l’impact de son Encyclopédie économique dans sa zone de réception, De Felice s’appuie sur plusieurs atouts. Le premier est certainement l’excellente connaissance culturelle, politique et économique de sa zone de réception privilégiée, le Saint-Empire. Grâce à sa correspondance, à ses membres honoraires étrangers et à ses mises aux concours, la Société économique de Berne dispose de tous les éléments nécessaires pour appréhender l’impact de son Encyclopédie économique sur le marché du livre allemand. Elle ne peut ignorer l’intérêt général que suscitent ses mémoires et son travail dans sa correspondance avec le Saint-Empire et la France. La collaboration entre la Société typographique d’Yverdon et la Société économique de Berne rapproche les acteurs et les principaux réseaux d’échange de la République des Lettres. La concurrence ou les alliances de De Felice avec les autres encyclopédistes européens lui permet d’évaluer avec précision le potentiel de son Encyclopédie économique dans le Saint-Empire.
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42Dans une compétition agronomique internationale, la compilation, le classement, l’expertise et les apports expérimentaux de l’académie d’agriculture bernoise confirment le « brillant succès » annoncé par De Felice à Panckoucke. Quel bilan tirer ici sur la notion de transferts culturels ?
43Cette Encyclopédie économique atypique rédigée en un temps record, qui profite de l’échec d’une partie de ses concurrents et de ses privilèges sur les foires du livre de Leipzig et de Francfort-sur-le-Main n’échappe pas aux réalités du xviiie siècle en dépit d’une rapide rupture de stock81. La compilation en langue française de connaissances dans l’Encyclopédie économique diffuse un savoir technique et élitiste de tradition française « destiné à des laïcs intelligents sans aucune expérience dans le sujet expliqué82 », qui exclut les acteurs fondamentaux du transfert agronomique, le menu peuple paysan83.
44Les articles « Abeille » et « Lin », la correspondance de la Société économique de Berne et les transferts d’objets en particulier démontrent les transferts culturels entre praticiens de l’agriculture qui sont une réalité du monde agronomique moderne. Il est très difficile en dehors de la portée locale de certains articles de l’Encyclopédie économique, de mesurer l’ampleur et la portée d’un transfert agronomique à grande échelle dans l’espace culturel germanophone84.
45Un nouveau transfert de savoir commence en 1773 lorsque l’encyclopédiste allemand Johann Georg Krünitz (1728-1796) entame la traduction et la transformation de format, de contenu et de typographie de l’Encyclopédie économique85. Aussi grand soit le succès de l’Encyclopédie économique, celle-ci ne répond pas aux tournants technologiques et industriels pris par les sciences camérales dans l’espace allemand depuis les publications de Johann Beckmann, à l’issue du xviiie siècle dans le Saint-Empire86. Krünitz s’éloigne rapidement de la simple traduction pour valoriser des connaissances économiques et technologiques minutieusement acquises87. Dès le troisième volume et l’article « Baak », il se dissocie complètement de l’Encyclopédie économique et cette réorientation totale entraine « une véritable révolution des contenus, dont une des caractéristiques est non seulement l’ouverture sur le monde anglo-saxon, mais un changement plus radical dans l’évolution des formes de savoirs lié au statut de l’information, devenant pour ainsi dire un facteur de production sui generis88 ». Aussi en 1785, dès le trente-troisième volume, l’Oekonomische Encyklopädie devient l’Oekonomisch-technologische Encyclopädie89.
46L’article « Biene » (Abeille) est révélateur de ces changements et de cette réorganisation. Il est introduit par un éloge de l’apiculture de forêt, qui s’inscrit dans une approche camérale de l’amélioration du rendement, où l’arboriculture s’associe à l’apiculture en valorisant les savoirs faire allemands locaux90.
47La suite de l’article « Biene » illustre également le transfert agronomique. Les découvertes de Catherine-Élisabeth Vicat-Curtat, notamment pour se différencier des ruches de Palteau, sont ici très largement reprises et illustrées par des parties de son mémoire Observations sur les abeilles. Dans la onzième subdivision de l’article, sur les ennemis des abeilles, on renvoie par ailleurs le lecteur vers les publications françaises (Mémoires et observations) et germanophones (Abhandlungen und Beobachtungen) de la Société économique de Berne, pour retrouver un autre mémoire de Catherine-Élisabeth Vicat-Curtat91. Cette réorganisation complète et systématique du savoir agronomique demanderait une étude plus approfondie, apte à déceler les nouveaux emprunts aux savoirs bernois compilés par Krünitz, et systématiquement référencés dans ses articles, contrairement à l’Encyclopédie économique. Les publications bernoises paraissent avoir été largement utilisées, si bien qu’il convient de sonder la variation d’échelle du transfert agronomique, qui s’opère via l’entreprise encyclopédique de Krünitz dans le contexte culturel allemand : le local devient-il territorial ? L’expertise de la Société économique de Berne est prépondérante dans le domaine agronomique grâce à son rôle reconnu de précurseur et de modèle pour la France et le Saint-Empire92. Malgré le changement de paradigme qui façonne l’Encyclopédie de Krünitz, la réputation de la Société économique reste, elle, toujours associée aux transferts de savoirs agronomiques.

Ill. 6. – Lettre de Marcandier à la Société Économique de Berne (SEB) datée du 24 mai 1767. Marcandier (un agronome français membre de la société d’agriculture de Bourges et membre de la SEB) envoie des imprimés et des références agronomiques à la SEB accompagnées de ses réflexions sur l’introduction d’un nouveau modèle de charrue en France. Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, Marcandier, lettre du 24 mai 1767.

ILl. 7. – Lettre de Turbilly à la Société Économique de Berne (SEB) datée du 20 novembre 1760.
Louis-François-Henri de Menon, marquis de Turbilly (1717-1776, officier, économiste et agronome français, membre de la SEB) répond à la SEB au sujet du diplôme et du modèle de dégazonneur reçus par la SEB. Il veut faire construire en grand et tester la machine et a besoin d’informations complémentaires parues dans des mémoires de la SEB qu’il demande de lui envoyer. Il parle aussi de méthode de défrichement et de labours.
Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, Turbilly, lettre du 20 novembre 1760.
Notes de bas de page
1 Je remercie Claire Gantet, Ulrich Johannes Schneider, Markus Meumann et Silvia Arlettaz pour leurs précieuses relectures ainsi que Martin Stuber pour sa disponibilité et ses conseils. Cet article livre les premiers résultats d’une thèse d’histoire en cours en cotutelle entre Fribourg et Leipzig.
2 Voir Abel Wilhelm, Crises agraires en Europe, Paris, Flammarion, 1973 et Antoine Annie, Brumont Francis et Boehler Jean-Michel, L’agriculture en Europe occidentale à l’époque moderne, Paris, Belin, 2000.
3 Garner Guillaume, État, économie, territoire en Allemagne, Paris, EHESS, 2006, p. 54-56.
4 Ibid., p. 27, 75.
5 Lowood Henry, Patriotism, profit, and the promotion of science in the German Enlightenment. The economic and scientific societies, 1760-1815, New York, Garland publishing, 1991, p. 51.
6 Fröhner Annette, Technologie und Enzyklopädismus im Übergang vom 18. zum 19. Jahrhundert, Mannheim, Palatium, 1994, p. 374.
7 Justin Émile, Les Sociétés Royales d’Agriculture, Saint-Lo, 1935, p. 12.
8 Selon Ulrich Johannes Schneider, la diffusion des dictionnaires et des encyclopédies dans l’espace culturel allemand est facilitée par le rôle des traducteurs et des intermédiaires. Sa contribution dans le présent volume montre que le dictionnaire Moréri qui bénéficiait des traductions d’Iselin a très bien voyagé dans l’espace allemand.
9 Voir Schneider Ulrich Johannes, Die Erfindung des allgemeinen Wissens. Enzyklopädisches Schreiben im Zeitalter der Aufklärung, Berlin, Akademie Verlag, 2013.
10 Catherine Florence, La Pratique et les Réseaux savants d’Albrecht von Haller (1708-1777), vecteurs du transfert culturel entre les espaces français et germaniques au xviiie siècle, Paris, Champion, 2012, p. 19.
11 Voir Stuber Martin et Wyss Regula, « Paternalism and Agricultural Reform : The Economic Society of Bern in the eighteenth Century », in Stapelbroeck Koen et Marjanen Jani, The rise of Economic Societies in the Eighteenth Century, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012, p. 157-181.
12 Selon Martin Stuber, le réseau international de membres honoraires mis en place par la Société économique de Berne s’interconnecte avec d’autres réseaux comme ceux d’Albrecht von Haller (1708-1777) et Carl von Linné (1707-1778) pour générer une intense correspondance (1044 lettres entre 1759-1800). Voir Stuber Martin et Krempel Lothar, « The scholarly networks of Albrecht von Haller and the Economic Society, a multi-level network analysis », art. cité, p. 1-18.
13 Voir Stuber Martin, « Die Oekonomische Gesellschaft Bern als Kontaktzone im europäischen Austausch agrarisch-ökonomischen Wissens », in Regina Dauser et Lothar Schilling (dir.), Grenzen und Kontaktzonen. Rekonfigurationen von Wissensräumen zwischen Frankreich und den deutschen Ländern 1700-1850. Erster « Euroscientia »-Workshop, discussions 7, 15/16-09-2011, consulté le 06-02-2017 : [http://www.perspectivia.net/publikationen/discussions/7-2012].
14 La Société économique de Berne est présentée comme une académie dans l’article « Académie d’agriculture », Encyclopédie économique, Yverdon, 1770-1771, p. 225.
15 Kapossy Béla, « Republican political economy », History of European Ideas, n° 33/4, 2007, p. 381.
16 Certaines compétences agronomiques paraissent polarisées entre les espaces allemands et français. Voir Boehler Jean-Michel, Une société rurale en milieu rhénan, la paysannerie de la plaine d’alsace (1648-1784), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1994, p. 843.
17 Stuber Martin, « Dass gemeinnüzige wahrheiten gemein gemacht werden. Zur Publikationstätigkeit der Oekonomischen Gesellschaft Bern 1759-1798 », in Marcus Popplow (dir.), Landschaften agrarisch-ökonomischen Wissens. Strategien innovativer Ressourcennutzung in Zeitschriften und Sozietäten des 18. Jahrhunderts, Berlin, Waxmann, 2010, p. 121-153. Les publications numérisées qui m’intéressent ici sont : Der Schweitzerischen Gesellschaft in Bern Sammlungen von landwirthschaftlichen Dingen, Zurich, Heydegger 1760-1761 ; Recueil de mémoires, concernants l’oeconomie rurale par une société établie à Berne. Abhandlungen und Beobachtungen durch die ökonomische Gesellschaft zu Bern gesammelt, Berne/Yverdon, Société typographique de Berne, 1762-1773 ; Mémoires et observations recuellies par la Société oeconomique de Berne, [http://www.e-periodica.ch], consulté le 27 août 2018.
18 Le contenu des Mémoires et observations n’est pas simplement traduit ; j’ai relevé des variations de contenu en fonction de l’espace culturel ciblé.
19 Les imprimés de la Société économique de Berne sont souvent en rupture de stock ou indisponibles.
20 Martin Stuber appuie l’idée d’un transfert culturel (pour les plantes) en trois temps (« sélection », « transferts » et « réception ») appuyé par de multiples réseaux, eux-mêmes sensibles à des variations (« chronologiques », « spatiales » et « sociales »). Voir Stuber Martin et Krempel Lothar, « The scholarly networks of Albrecht von Haller », art. cité, p. 18.
21 On retrouve dans la correspondance de la Société économique de Berne de nombreuses références à la qualité de ses traductions.
22 Espagne Michel, « La notion de transfert culturel », Revue Sciences/Lettres, 2013, [http://rsl.revues. org/219], consulté le 8 février 2017.
23 Le terme circulation caractérise un échange sans transformation sémantique comme la circulation d’une semence entre des espaces complexes.
24 Fondateur de la Société typographique de Berne avec Vincent-Bernard Tscharner en 1758, il quitte son poste de professeur à Naples pour une affaire de mœurs et rejoint Berne en 1757. Il publie de nombreux auteurs des Lumières et demeure très actif dans la lutte contre le paupérisme en parallèle de son occupation de libraire. Dès 1762, De Felice possède sa propre société typographique à Yverdon. Toutefois, ses bonnes relations avec la Société typographique de Berne perdurent jusqu’en 1772 et De Felice profite à de nombreuses occasions des privilèges des Bernois sur les foires du livre allemandes pour écouler ses impressions. Il publie l’Encyclopédie économique (1770-1771) et l’Encyclopédie d’Yverdon (1770-1780). Voir Bösinger Stephan, « Aufklärung als Geschäft : Die Typographische Gesellschaft Berne », Berner Zeitschrift für Geschichte, n° 01/11, 2011, p. 3-44 et Perret Jean-Pierre, Les imprimeries d’Yverdon au xviie et au xviiie siècle, Genève, Slatkine, 1981, p 80-247.
25 Voir Burnand Léonard, « La correspondance de F.-B. De Felice : une source pour l’étude des transferts culturels dans l’Europe des Lumières », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, n° 49, 2014, p. 107-121.
26 Encyclopédie économique, vol. 1, p. i. Dans une lettre à Heeneman du 14 mars 1769, De Felice précise collaborer avec la Société économique de Berne sur une Encyclopédie économique « utile et curieuse ». Numérisée par Léonard Burnand et par l’université de Lausanne, [http://www.unil.ch/ defelice/files/live/sites/defelice/files/shared/DF_HEENEMAN.pdf], consultée le 20 février 2017.
27 Darnton Robert, « La science de la contrefaçon », Revue Voltaire, n° 4-5, 2004, p. 255.
28 Pour concurrencer Panckoucke sur le marché français, De Felice publie parallèlement son Encyclopédie économique à Lille, chez le libraire Jean-Baptiste Joseph Henry (1731-1787), qui bénéfice des privilèges du roi.
29 Lettre de V.-B. Tscharner du 5 janvier 1767 à la Société économique d’Yverdon, documents numérisés par la bibliothèque d’Yverdon, premiers registres de la bibliothèque, 2e partie, [http://www. yverdon-les-bains.ch/fileadmin/yverdon], consulté le 28 septembre 2016.
30 Bösinger Stephan, art. cité, p. 10.
31 Lettre inédite De Felice à Formey du 18 mai 1768, communiquée par Léonard Burnand et prochainement numérisée sur le site de l’université de Lausanne, [www.unil.ch/defelice].
32 Encyclopédie économique, vol. 1, Préface, p. xii. Les collaborateurs avérés qui contribuent au projet sont De Felice, V.-B. Tscharner et Jean Bertrand. Jean Bertrand occupe une place importante dans cette entreprise et y insère « ses découvertes, ses observations, ses recherches, ses expériences sur l’agriculture et les arts » (Journal Helvétique, janvier 1778, p. 27).
33 Voir Stuber Martin, « Exploration von Netzwerken durch Visualisierung. Die Korrespondenznetze von Banks, Haller, Heister, Linné, Stuber : Rousseau, Trew und der Oekonomischen Gesellschaft Bern », in Regina Dauser, Stefan Hächler, Michael Kempe, Franz Mauelshagen et Martin Stuber (dir), Wissen im Netz : Botanik und Pflanzentransfer in europäischen Korrespondenznetzen des 18. Jahrhunderts, Berlin, Akademie Verlag, 2008, p. 354.
34 Burnand Léonard, art. cité, [http://rde.revues.org/5157], consulté le 27 août 2018.
35 Dans son Projet d’Encyclopédie réduite publié à Berlin en 1756, Formey propose une alternative aux inconvénients de l’Encyclopédie (taille, prix, ampleur des volumes et immensité des détails). Voir Roth George, « Samuel Formey et son projet d’“Encyclopédie réduite” », Revue d’Histoire littéraire de la France, n° 3, 1954, p. 371-374.
36 Häseler Jens, « L’encyclopédisme protestant de Formey à la lumière de sa correspondance avec De Felice », in Jean-Daniel Candeaux et Alain Cernuschi (dir.), L’Encyclopédie d’Yverdon et sa résonance européenne, Genève, Slatkine, 2005, p. 128.
37 Cernuschi Alain, « Notes sur une refonte et quelques-unes de ses procédures », Das achtzehnte Jahrhundert, n° 22, 1998, p. 104.
38 Nous savons par Jean-Pierre Perret, (op. cit., p. 153) que De Felice entretenait une relation de nature commerciale avec les frères Étienne, libraires qui publièrent la réédition du Dictionnaire économique de Chomel en 1767.
39 Candeaux Jean-Daniel et Cernuschi Alain, L’Encyclopédie d’Yverdon et sa résonance européenne : contextes, contenus, continuités, Genève, Slatkine, 2005, p. 471.
40 Engel Samuel, « Continuation du traité sur la disette de bois », Mémoires et observations recueillis par la Société économique de Berne, 1761, cahier 1, p. 185 et Droz M., « Mémoire sur la manière de perfectionner les tuileries », op. cit., 1765, cahier 3, p. 284.
41 Dictionnaire économique, vol. 1, édition de 1767 par M. de La Marre, prospectus, p. xvi.
42 Proust Jacques, « La route des encyclopédies : Paris, Yverdon, Leeuwarden, Edo (1751-1781) », in Jean-Daniel Candeaux et Alain Cernuschi (dir.), op. cit., p. 447.
43 Turcan Isabelle, « Différentes éditions et rééditions connues du Dictionnaire Oeconomique de Noël Chomel », CNRTL, [http://www.cnrtl.fr/dictionnaires/anciens/chomel/presentation_edition. php], consulté le 13 mai 2017. Pour plus d’informations voir Herren Madeleine et Prodöhl Ines, « Kapern mit Orangenblüten. Die globale Welt der Enzyklopädie », in Ulrich Johannes Schneider (dir.), Seine Welt wissen. Enzyklopädien der Frühen Neuzeit, Darmstadt, Primus Verlag, 2006, p. 42-53 ; Proust Jacques, « Les avatars d’un titre : du Dictionnaire oeconomique de Noel Chomel (1709) au Kôsei shinpen d’Otsuki Gentaku (1811-1840) », in Jochen Mecke et Susan Heiler (dir.), Titel-Text-Kontext. Randbezirke des Textes. Festschrift für Arnold Rothe, Gliencke-Berlin/Cambridge, Galda+Wilch Verlag, 2000, p. 463-477.
44 Dictionnaire économique, vol. 1, préface p. iii.
45 Ibid., p. viii.
46 Voir Perrot Jean-Claude, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, xviie-xviiie siècle, Paris, Édition de l’École des hautes études en sciences sociales, 1992.
47 Les articles économiques de l’Encyclopédie économique font l’objet d’une analyse particulière dans ma thèse en cours.
48 Encyclopédie économique, vol. 1, préface, p. xii.
49 Tribe Keith., « The reception of physiocratic argument », in Bernard Delmas, Thierry Demals et Philippe Steiner (dir), La diffusion internationale de la physiocratie (xviiie-xixe siècle), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1995, p. 16, p. 476.
50 L’Encyclopédie Economique est en rupture de stock deux ans après sa parution, voir Perret Jean-Pierre, op. cit., p. 188.
51 Burnand Léonard et Cernuschi Alain, « Circulation de matériaux entre l’Encyclopédie d’Yverdon et quelques dictionnaires spécialisés », Dix-huitième siècle, n° 38, 2006, p. 259.
52 Donato Clorinda, « Übersetzung und Wandlung des enzyklopädischen Genres. Johann Georg Krünitz’“Oeconomische Encyclopädie” (1771-1858) und ihre französischen Vorläufer », in Hans-Jürgen Lüsebrink, Rolf Reichardt, Annette Keilhauer et René Nohr (dir.), Kulturtransfer im Epochenumbruch. Frankreich-Deutschland 1770 bis 1815, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 1997, p. 549.
53 Encyclopédie économique, vol. 1, préface, p. xvii.
54 Ibid., p. xxiv.
55 La réédition du Dictionnaire Chomel par M. de La Marre se focalise sur uniquement sur l’économie rurale.
56 Salvat Christophe, « Les articles “Œ\Économie” et leurs désignant », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, n° 40-41, octobre 2006, [http://rde.revues.org/352], consulté le 27 mars 2017.
57 Schneider Ulrich Johannes, op. cit., p. 73.
58 Encyclopédie économique, vol. 3, p. 596.
59 Perret Jean-Pierre, op. cit., p. 361.
60 Cernuschi Alain, « Notes sur une refonte », art. cité, p. 106.
61 Voir « Ananas », « Anda », « Andelle » ou encore « Arbousier » à titre d’exemple.
62 Cernuschi Alain, « L’ABC de l’Encyclopédie d’Yverdon ou la refonte encyclopédique de F.-B. De Felice à la lumière de ses lettres de 1771 », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, n° 49, 2014, p. 123-143.
63 Cernuschi Alain, « Notes sur une refonte », art. cité, p. 109.
64 Encyclopédie économique, vol. 9, p. 169.
65 Tschiffeli Johann Rudolf, « Instruction pratique sur la culture du lin », op. cit., cahier 3, 1762.
66 « Mémoire sur la culture du lin, extrait libre des essais de la Société de Dublin », op. cit., cahier 1, 1760.
67 Encyclopédie économique, vol. 1, p. 160.
68 Ibid., p. 185.
69 Ibid., p. 161.
70 Ibid., p. 25, 39, 40 et 77. Le mémoire de Mme Vicat qui est compilé dans cette partie de l’article demeure les « Observations sur les abeilles », op. cit., cahier 1, 1764.
71 Encyclopédie économique, vol. 1, p. 39-40.
72 Ibid., p. 60, 66 et 93.
73 Ibid., p. 28.
74 Lowood Henry, op. cit., p. 87 et 172.
75 Béaur Gérard et Duhamelle Christophe, « Les enjeux d’une histoire franco-allemande des sociétés rurales », in Gérard Béaur, Christophe Duhamelle, Prass Reiner et Jürgen Schlumbohm et Jean-Marc Moriceau (dir.), Les Sociétés rurales en Allemagne et en France (xviiie-xixe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 22.
76 Voir Lettre de Johan Riem à la Société économique de Berne, 27 octobre 1771 (BB Bern).
77 Engel Samuel, « Continuation du traité sur la disette de bois », op. cit., 1761, cahier 1, p. 162.
78 « Extrait des actes et des délibérations de la Société Economique de Berne 1768 », op. cit., 1769, cahier 1, p. 89.
79 Hoock Jochen, art. cité, p. 3.
80 Lettre de Felice à Albrecht von Haller du 7 décembre 1770, numérisée sur le site de l’université de Lausanne, [www.unil.ch/defelice], consulté le 27 août 2018.
81 Perret Jean-Pierre, op. cit., p. 188.
82 Birn cité par Laureandeau Paul, « Accès électronique à l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert : investigation méthodique d’un maquis intellectuel », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, n° 31-32, avril 2002, [http://rde.revues.org/3033], consultée le 28 mars 2017.
83 Boehler Jean-Michel, op. cit., p. 846. Ici les travailleurs de la terre indépendamment de leur richesse et de leur statut social. Pour cerner les différences entre les concepts paysan/Bauer voir Béaur Gérard et Duhamelle Christophe, op. cit., p. 20.
84 Je partage ici les difficultés rencontrées par Espagne Michel, « La notion de transfert culturel », Revue Sciences/Lettres, 2013, [http://rsl.revues.org/219], consulté le 8 février 2017.
85 Oekonomische Encyklopädie (1773-1858), [http://www.kruenitz1.uni-trier.de/], consulté le 27 août 2018.
86 Hoock Jochen, art. cité, p. 5.
87 Fröhner Annette, Technologie, op. cit., p. 28.
88 Hoock Jochen, art. cité, p. 4.
89 Fröhner Annette, Technologie, op. cit., p. 26.
90 Voir Oekonomische Encyklopädie, article « Biene ».
91 « Sur les mauvais effets du miel grené et sur les fausses teignes ; sur les abeilles », op. cit., cahier 4, 1764.
92 Fröhner Annette, op. cit., p. 374.
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