Le zèle érudit

Remarques sur un cliché franco-allemand

Helmut Zedelmaier

Traduit par Claire Gantet (trad.)

p. 87-99


Texte intégral

1Depuis une vingtaine d’années, germanistes et romanistes étudient les représentations réciproques des particularités nationales circulant au xviiie siècle en France et dans les aires germanophones, et les subsument sous les catégories de la gallophilie, la gallophobie ou, plus récemment, le gallotropisme1. Leurs recueils sondent les jugements de lettrés, de savants et de voyageurs originaires du Saint-Empire, moins leurs parallèles français. Le discours germanophone est dominé par une infériorité profondément ressentie vis-à-vis de la culture française. L’attention me semble se porter avant tout du Saint-Empire vers la France, moins de la France vers le Saint-Empire, sans doute parce que dans de nombreux pans de la culture, à commencer par la langue, la production imprimée et les modèles de mondanité, la présence française – comme aujourd’hui l’anglaise – y est nettement plus forte que l’allemande en France, du moins jusque dans la deuxième moitié du xviiie siècle où les choses commencent à changer. Curieusement, ce point de vue n’est pas explicité dans les articles pourtant très différenciés des ouvrages qui y sont consacrés, vraisemblablement parce que pour les spécialistes du xviiie siècle, il est tellement évident qu’il ne semble pas valoir la peine d’y réfléchir plus avant.

2 On en voudra pour preuve un exemple parmi d’autres de la prédominance du livre français en Allemagne. Daniel Fulda a récemment montré que des 144 volumes d’histoire (périodiques exclus) que la prestigieuse maison d’édition Gebauer de Halle publia entre 1744 et 1771, seuls 51 avaient comme langue originale l’allemand, la grande majorité étant des traductions2. Si l’on fait abstraction de l’opération de marque de l’éditeur, la traduction allemande de la Universal History3 anglaise, Gebauer a publié en tout 49 traductions, dont quatre du latin, douze de l’anglais et la majeure partie – non moins que 33 – du français. Dans ces mêmes années, Gebauer a fait imprimer 14 ouvrages en langue étrangère : deux en latin et douze en français. Gebauer ne servait pas des intérêts particuliers éventuellement subventionnés. Il œuvrait sur le marché, spéculait sur d’importantes ventes auprès d’un vaste public (dans la terminologie d’alors, auprès d’un public « mêlé »), dépendait du gain et devait donc calculer exactement les besoins. Gebauer n’était pas guidé par un attachement personnel comme le fut par exemple le prince Henri, frère de Frédéric II de Prusse, dont la bibliothèque de 4000 titres était composée à 98 % de livres français, ou la figure souvent citée de Frédéric II lui-même, dont les différentes bibliothèques, très fournies, ne comportaient guère que quatre livres en allemand4.

3La présence française ici rapidement esquissée a suscité un débat lancinant dans l’Allemagne du xviiie siècle, lequel renvoyait à diverses présences – dans les belles-lettres, la culture, la science –, et opérait avec des arguments divers et des styles contrastés. Ce discours a marqué d’une forte empreinte ce qui tenait lieu (et tient encore partiellement lieu) de « caractère national » allemand, respectivement français. Ce point a été relativement bien étudié. La « querelle des nations » moderne, dont Caspar Hirschi, dans sa thèse subtilement provocatrice, identifie les configurations constitutives dès le discours nationaliste d’humanistes du Saint-Empire, maniait un arsenal d’attributions foncièrement ancrées dans la lecture ou l’interprétation de textes antiques, y compris lorsqu’elles étaient formulées comme des expériences vécues sur place5. Cette querelle opérait au moyen d’explications historiques, de catégories et de grilles d’analyse, telles en particulier la barbarie opposée à la civilisation, rendues plausibles par un cadre de pensée supranational de lectures partagées, également de provenance essentiellement antique. L’emploi de tels arguments plutôt que d’autres, le choix de telle intention démonstrative et ses fonctions dépendaient de facteurs changeants, politiques, religieux et culturels. Les attributions réciproques circulaient donc dans un champ complexe et mouvant. Elles se différenciaient, se liaient les unes aux autres, étaient réduites, transposées à d’autres nations et ainsi remplacées, transformant leurs critères d’évaluation ou disparaissant.

Le zèle érudit, une particularité allemande

4Le zèle érudit est en substance une attribution relativement constante dans l’histoire, dotée de prolongements jusqu’à nos jours. À preuve, des citations diverses issues d’un survol nécessairement très sélectif à travers les fonds de textes de l’époque moderne, recueillis notamment dans l’anthologie de Ruth Florack6. Je sonderai tout d’abord seulement les attributions elles-mêmes ; les stratégies argumentatives, les fonctions qui leur étaient allouées et les particularités nationales, de nature sociale ou institutionnelle auxquelles elles pouvaient renvoyer m’intéresseront, elles, dans un deuxième temps. Je ne traiterai pas non plus des origines antiques ou médiévales, des textes de référence donc, que les attributions exploitent. Les développements qui suivent ont encore une autre limitation : je ne sonderai que le zèle imputé par des germanophones comme des francophones aux Allemands dans le domaine de la production littéraire et scientifique.

5L’ardeur opiniâtre, travailleuse et persévérante des Allemands participe des traits qui leur sont décernés depuis la querelle humaniste des nations. Son jugement positif ou négatif est toutefois fonction de l’interprétation de la dichotomie humaniste fondamentale entre « barbarie » et « civilisation », et de la mise en œuvre de cette grille de lecture. Elle peut être l’expression d’une simplicité et d’une lourdeur allemandes, lesquelles renvoient à un processus de civilisation inachevé ou manqué, mais aussi marquer des capacités et potentiels, et être liée aux inventions techniques allemandes censées en résulter comme la découverte de la poudre à canon ou l’imprimerie. De tels attributs sont depuis le xvie siècle communément énumérés à la manière d’un catalogue sans autre spécification. Depuis la seconde moitié du xviie siècle se manifestent néanmoins des jugements mentionnant des particularités plus précises et plus complètes.

6Un exemple en est fourni par Adrien Baillet, bibliothécaire et auteur d’une biographie sur René Descartes qui fit date7. Dans le premier volume de ses Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs (1685), il résumait le schéma usuel en se référant notamment à Jean Bodin, Julius Caesar Scaliger et son fils Joseph Justus Scaliger. Pour Baillet, les Allemands démontrent que les déficits naturels peuvent être compensés par le zèle (l’« industrie ») mais non supprimés. Le « génie », l’« imagination », le « bel esprit » – les qualités nécessaires à la poésie et à la rhétorique – ne sont certes pas possédés par les Allemands, en raison de leur climat rude ; mais ceux-ci se distinguent par leurs « travaux immenses », leur « exactitude » et leur « érudition », lesquels au reste rendent leurs livres indigestes. Leurs textes, « entass[és] de trop de citations », sont des produits de leurs lectures savantes. Joseph Justus Scaliger avait constaté, poursuivait-il, « que c’est la maniére des Allemans de ramasser des passages & des lieux communs, & de faire des Recueils plutôt que de produire rien du leur ».

7Hormis la pointe climatique déterministe, le jugement des savants allemands de la fin du xviie et du début du xviiie siècles était largement analogue. Souvent, à l’instar de Christian Thomasius, ils recommandaient une assimilation mutuelle franco-allemande8. C’est en ces termes qu’argumentait aussi l’auteur de la notice « Naturel des peuples » (1740) du Lexique universel de Zedler9. Ce qui manque aux Allemands, écrivait-il, « par nature, ils le remplacent par un zèle infatigable […]. De leur mémoire témoignent leurs lectures, qu’ils mobilisent dans leurs textes. Ils sont très patients, lorsqu’ils écrivent quelque chose, ils dressent d’amples Collectanea10 et mentionnent volontiers toutes sortes d’opinions ». Un jugement étranger était introduit en guise de confirmation : « Les Allemands recueillent richement et font voir leur culture intellectuelle. Je leur en suis reconnaissant. Car ils m’épargnent la peine de faire des Collectanea ; et je suis donc de ceux qui louent et tiennent en plus haute estime les textes des Allemands. » Cette remarque était due à Pierre Bayle ; sa louange de l’érudition allemande était – j’y reviendrai – liée à sa pointe contre le « bel esprit » français qui, à l’instar du « philosophe » du xviiie siècle avançant, méprisait les produits érudits comme « pédants ». Que disaient à leur tour les lettrés de l’aire germanophone sur le zèle érudit, eux qui montraient un dédain accru dans la seconde moitié du xviiie siècle pour les gens de lettres et savants superficiels français ? Je me limiterai au jugement de quatre acteurs particulièrement influents.

8Pour le Zurichois Johann Caspar Lavater (1741-1801), auteur de Fragments physiognomiques, « l’esprit de zèle, de précision, d’arrangement, d’ordonnancement » identifiait le « caractère national allemand » ; à ses yeux, l’Allemand était « savant pour toute l’Europe11 ». Plus ambivalentes étaient les appréciations de Johann Gottfried Herder (1744-1803), originaire de Prusse orientale. Lui aussi évoquait les « Allemands travailleurs » : la « minutie », la « lenteur » et l’« érudition livresque » allemandes12. Le manque d’originalité qui leur était habituellement associé, Herder le trouvait néanmoins chez les Français, dans leur « goût pour les encyclopédies, les dictionnaires, les extraits » ; leur simple « esprit artificiel » était à ses yeux l’expression du déclin de la culture et de la science françaises. La grande « récolte » était passée ; ce qui dominait, c’était le « manque d’œuvres originales » et une « philosophie de la pensée ». La philosophie s’y épuisait, concluait Herder, en une « pure convention de la vie sociale » : chez Fontenelle, « tout [s’étouffe] sous la conversation », pour Voltaire, l’histoire n’était qu’« un supplément et matière à son bel esprit, sa raillerie, son humeur de voir ». Le zèle allemand, la « réflexion » ou l’« originalité » n’étaient pour lui pas antithétiques13. Du moins l’Allemand devrait-il sortir « dans le grand monde », et ses productions devraient ne plus rappeler « qu’il est assis à son pupitre ; qu’il joigne l’ardeur au travail et la précision allemands à la liberté française14 ».

9D’un côté, Herder remettait en question le modèle français. Mais de l’autre, les motifs français (le monde et la liberté) façonnaient sa stylisation d’un « caractère national » allemand qu’il convenait de développer, si l’on voulait éviter que « tous » ne parlassent bientôt plus que « la langue française15 ». C’est en des termes analogues que l’Aufklärer berlinois Friedrich Nicolai (1733-1811) voyait les choses, tout en appréciant moins que Herder « l’érudition et l’ardeur au travail » allemandes16. Le « génie » ne se rencontrait pas seulement chez les écrivains français, mais aussi chez les allemands. Le génie des Allemands, néanmoins, est « mal dégrossi, pas instruit, défectueux » ; les écrivains allemands manquent de « connaissance et de fréquentation du grand monde », ils « ne connaissent rien d’autre que leur cabinet, leur collège, leur université ». Lui fait face l’« éducation libre » du Français, qui « entretient » son génie : « Il apprend à s’exprimer, il apprend ce que sont l’esprit et le bon mot raffiné. » Nicolai voulait libérer les belles-lettres et la science allemandes de la « fine fleur de la pédanterie » des écoles et des universités, leur conférer une valeur et surtout un rayonnement international face à l’autorité d’envergure mondiale de la culture française. Elle avait conduit à ce que les Français non seulement « mesurent l’érudition de tous les peuples » à leur aune, si bien qu’ils ignoraient les ouvrages allemands et ne les traduisaient que rarement en français, soulignait Nicolai. La littérature et la science allemandes ne pourraient s’imposer que si elles prenaient comme modèle la mondanité française. Transposé dans la terminologie d’aujourd’hui, le postulat de Nicolai reviendrait à rechercher une « visibilité » dans un monde dorénavant anglophone.

10C’est sans pitié que Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799) condamnait le zèle allemand. Il notait dans ses Sudelbücher (Livres brouillards) : « Zèle allemand : c’est affublé de ce titre que des têtes qui ne sont pas disposées à la pensée se plaisent à garnir leurs efforts secs et intellectuellement paralysants. Lire et amasser jour et nuit, cela a quelque chose de flatteur pour le compilateur qui ne peut que manquer de véritable force d’esprit, sinon il ne s’emploierait pas à de tels travaux, lesquels ont toujours quelque chose d’un service de nègre. » Face aux discours récents empreints de fierté nationale de personnes qui « prononcent le mot Allemand presque toujours avec des narines ouvertes », Lichtenberg interrogeait lucidement : à quoi ressemblerait notre littérature si nous n’avions pas eu les Français (et les Anglais) comme modèles ? Le blâme du prétendu « bavardage insipide » des Français est en fait justement ceci : effectivement « insipide17 ». Lichtenberg n’était pas le seul à se distancer de la « vantardise » allemande (croissante dans la deuxième moitié du xviiie siècle) ; des « têtes mugissantes d’un pseudo amour de la patrie » s’éloignait aussi expressément Christoph Martin Wieland (1733-1813)18.

Pierre Bayle et le regret du discrédit du zèle érudit

11Que faut-il tirer de tout cela ? Bien sûr, le zèle allemand est un cliché. Au plus tard depuis la fin du xvie siècle – et non depuis le xviiie comme le pense Paul Münch19 –, il hanta divers discours, tel un décalque collé jusqu’à nos jours sur et à des choses très variées ; ainsi, une ancienne sorte de tomate s’appelle encore aujourd’hui Zèle allemand : une tomate rouge, ronde qui, comme on peut le lire dans ses descriptions, mûrit plutôt tard mais promet une cueillette très fournie jusqu’au premier gel20. Pourtant, le label Zèle allemand n’est pas collé de façon si arbitraire et incohérente ; il est bien plutôt inscrit dans des constellations et contextes discursifs spécifiques.

12Examinons un passage du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle sur le zèle savant. Si l’on suit la partition du mouvement des Lumières par Jonathan Israel en radicaux et modérés, Bayle est un radical21. La critique de la religion et du dogme a largement influencé la façon dont il est perçu, un schéma dont l’empreinte remonte au xviiie siècle. C’était déjà des notices du Dictionnaire telles « Rorarius » ou « Manichéen », auxquelles on se faisait mutuellement référence, que Frédéric II avait pris en note dans son Extrait de 1764 et que Voltaire estimait au plus haut point, tandis qu’il dénigrait la plupart des articles de Bayle comme superflus22. Voltaire et d’autres hommes des Lumières ne pouvaient ou ne voulaient plus comprendre comment un homme somme toute raisonnable avait pu déployer un tel effort de critique historique et philologique dans ce Dictionnaire. Ils supposèrent déjà qu’il ne l’avait fait qu’en vue de cacher ses attaques de la religion chrétienne.

13Bayle endossa assurément le rôle de critique au sens moderne du terme, tel qu’il s’affirma dans l’Europe du xviiie siècle notamment avec la figure emblématique de Voltaire. Mais par son métier et son inclination, Bayle était un critique dans la tradition de la critique selon la philologie (« criticus »), au sens humaniste donc de la critique : comme étude d’auteurs et de textes, examen de transmissions, quête de manuscrits inconnus, identification de manuscrits, correction de textes23. L’importance et la fonction de la critique « érudite », cette critique historique et philologique étroitement liée aux institutions d’enseignement scolaire et universitaire, ne déclinèrent aucunement au xviiie siècle, si l’on en veut pour preuve les pratiques, techniques et productions qui en furent issues24. Mais sa considération déclina à partir de la seconde moitié du xviie siècle et elle cristallisa moins l’image que les lettrés et savants se faisaient de leur rôle et de leur identité.

14Voici ce que Bayle nous dit lui-même :

« Les tems sont changez : on ne tient plus compte d’un Auteur qui sait parfaitement la Mythologie, les Poètes Grecs, leurs Scholiastes, & qui se sert de cela pour éclaircir, ou pour corriger les Passages difficiles, un point de Chronologie, une question de Géographie, ou de Grammaire, une variation de Récits, & c. »

15Plusieurs

« Beaux-Esprits prétendus ou véritables ont introduit la coutume de condamner comme une Science de Collège, & comme une crasse pédanterie, les Citations de Passages Grecs, & les Remarques d’Erudition. Ils ont été assez injustes pour envelopper dans leurs railleries les Ecrivains qui avoient de la politesse, & de la science du monde […]. Qui auroit osé aspirer après cela à la gloire du Bel-Esprit en se parant de ses lectures, & de ses Remarques de Critiques ? […] Avec des airs dédaigneux on a relégué hors du beau-monde, & dans les Colleges, quiconque osoit témoigner qu’il avoit fait des Recueils […]. L’effet de cette Censure a été d’autant plus grand, qu’elle se pouvoit couvrir d’un trés-beau prétexte, c’étoit de dire qu’il faut travailler à polir l’esprit, & à former le jugement, & non pas à entasser dans sa mémoire ce que les autres on dit. Plus cette Maxime est véritable, plus a-t-elle flatté les Esprits superficiels, & paresseux, & les a poussez à tourner en ridicule l’étalage d’Erudition25. »

16L’eruditio, la critique érudite telle que Bayle la pratiquait était déjà de son vivant considérée comme une « science de collège », une science poussiéreuse et pédante des écoles. Son dédain était, pour Bayle, un vice des Français dont le goût avait été corrompu par la prédilection pour le simple divertissement et la littérature légère. Des savants allemands, de « Messieurs les Allemands » avec leurs épaisses compilations, il exprimait sa considération26. Il est intéressant de relever que Gottfried Wilhelm Leibniz partageait la critique de son correspondant épistolaire Bayle sans toutefois, il est vrai, renvoyer, comme ce dernier, au contrepoint du zèle érudit allemand. Leibniz était, on le sait, un critique décidé bien que toujours respectueux de Bayle, un mathématicien et un physicien hors pair – à la différence de ce dernier –, mais lui aussi un érudit historien et philologue. Il était convaincu que les connaissances et les sciences avaient fait des progrès notables à l’époque moderne, tout en constatant pour le présent un net relâchement de l’ardeur à la recherche. Parmi ses causes, il mentionnait la négligence de la tradition « érudite », qu’il associait entre autres au succès de la philosophie de Descartes. Leibniz déplorait la propagation d’une véritable manie de la nouveauté ; comme il serait beaucoup plus judicieux de procéder d’abord à l’inventaire du savoir déjà acquis par l’humanité et de l’exploiter – de cette façon, on y verrait bien plus clair sur ce qui a déjà été fait et sur ce qui reste à faire. Dans cet ordre d’idées, il dirigeait expressément ses attaques contre le « contemptum eruditionis », qu’il identifiait comme l’une des causes de l’athéisme croissant (« gliscentes Atheismi ») : « Le fait est que nous entrons dans un temps dont le célèbre Méric Casaubon s’est déjà plaint à juste titre, dans lequel, à cause de la philosophie naturelle, toute l’histoire est négligée et tout particulièrement l’histoire sainte27. » Nombreux sont ceux qui sont aujourd’hui convaincus que tout dans la nature peut être expliqué par une nécessité mécanique (« mechanica quadam necessitate »). Aussi les études érudites sont-elles bafouées, qui un demi-siècle encore auparavant avaient été tenues en haute estime, déplorait-il28.

Zèle érudit ou philosophie pour le monde

17Le zèle érudit renvoyait dans le discours de Bayle et de Leibniz à l’érudition historique et philologique. Celle-ci était alors bien sûr pratiquée non seulement dans le Saint-Empire, mais aussi en France et ailleurs. Sa remise en question commença toutefois manifestement plus tôt en France qu’en Allemagne. Les Lumières du « philosophe », au sens du « philosophe pour le monde » que, par réception du modèle français, Johann Jakob Engel (1741- 1802) mit en vogue dans le titre de son essai à succès sur l’Aufklärung29, se distançaient – du moins dans leur programme – de la culture savante érudite et de l’habitus qui lui était lié ; elle était perçue comme pédante et bornée, comme l’ancienne science des écoles et des universités. Dans le Saint-Empire du xviiie siècle – à la différence de la France –, les universités, ou du moins quelques universités protestantes dominantes furent des centres de l’Aufklärung. Il suffira ici d’évoquer sommairement l’importance des universités de Halle et de Göttingen pour l’Aufklärung et les figures emblématiques de Christian Thomasius, Christian Wolff et Immanuel Kant, tous trois professeurs d’université.

18Voltaire portait un jugement très acerbe sur sa formation au prestigieux collège jésuite Louis-le-Grand : « Le pays même où je suis né était ignoré de moi ; je ne connaissais ni les lois principales, ni les intérêts de ma patrie : pas un mot de mathématiques, pas un mot de saine philosophie ; je savais du latin et des sottises30. » La critique de Voltaire se distinguait peu des invectives de Christian Thomasius contre les pingres et les pédants. Le rôle social des deux critiques était néanmoins différent. Tandis que comme presque tous les philosophes français, Voltaire avait peu ou pas fréquenté les universités, Thomasius, à l’instar de nombreux autres contempteurs allemands de l’érudition pédante, appartenait – par sa position sociale, son mode de socialisation, son habitus et ses actes en tant que professeur d’université –, à la classe incriminée des pingres et des pédants31.

19C’était peut-être précisément pour cette raison qu’il leur importait de trouver médiation et compensation. C’est aussi ce que recherchaient Herder et Nicolai, bien qu’ils ne fussent pas des professeurs d’université. Chacun à sa façon, ils voulaient transmettre un zèle érudit allié à la mondanité et à la pensée autonome, et soulignaient cette liaison comme un potentiel spécifiquement allemand. La critique du professeur Lichtenberg, quant à elle, avait une cible précise. Elle visait l’institutionnalisation du zèle érudit sous la forme des cours et manuels universitaires sur la connaissance et l’archivage de la production savante. Lichtenberg complète en ces mots sa remarque sur le « zèle allemand » : « En Allemagne, l’homme est admiré dès lors qu’il sait ce qui a été écrit sur tel ou tel sujet ; en effet, lorsqu’on lui demande son jugement dans tel domaine, on se satisfera s’il en fournit une histoire littéraire en guise de réponse32. »

Zèle allemand et universités protestantes germaniques

20La note de Lichtenberg thématisait les mots d’ordre de l’Aufklärung de l’« autonomie » et de l’« originalité ». Leur valorisation en tant que tels était liée à la dépréciation du zèle érudit déplorée par Bayle et à la critique d’une érudition seulement compilatrice, soumise à l’emprise d’autorités étrangères. L’objet spécifique du jugement de Lichtenberg était l’histoire littéraire (Litterär-Geschichte, en latin historia literaria), qui s’était établie depuis la fin du xviie siècle dans les universités protestantes allemandes33. La critique de Lichtenberg renvoyait au profil particulier des universités allemandes. Comme l’historien des universités Arno Seifert l’a relevé, « deux lignes d’évolution fondamentale » transformèrent les universités protestantes d’Europe centrale à partir du xvie siècle : la « fonctionnalisation croissante, étatique au sens étroit, sociale au sens large de l’université », et le « décrochement de l’histoire des universités allemandes de celles d’Europe occidentale » caractérisé par l’« ascension de la faculté des arts, certes pas encore pleinement au même rang que les trois facultés supérieures, mais en une structure organisationnelle analogue34 ». Dans cette perspective, l’université allemande du xixe siècle n’apparait pas comme un produit de l’« ère Humboldt », mais déjà de l’« époque de la Réforme » ; la transformation de l’ancienne université d’enseignement en une université moderne de recherche était bien avant 1789 « en construction », pour reprendre William Clarke35.

21Quel rapport cela a-t-il avec le zèle érudit ? L’institution de l’université moderne se caractérisa par le lien entre le zèle (accompagné de vertus telles que l’exactitude pédante) et l’autonomie ou l’originalité. Un prototype de cette liaison était l’université protestante d’Europe centrale durant la première modernité. Dans la France moderne (comme en Angleterre), le système des collèges organisé en classes – un zèle scolaire strictement réglementé – déterminait l’enseignement dans la faculté des arts. Dans l’Europe centrale protestante, néanmoins, se forma dans le cadre des facultés des arts, qui depuis le xvie siècle se nommaient de plus en plus facultés des lettres, un système d’enseignement calqué structurellement sur les trois facultés supérieures, dispensé par des lecteurs spécifiques et régi par une réglementation moins stricte que le système des collèges36. Nulle part ailleurs à l’époque moderne n’exista une telle diversité d’universités que dans l’Europe centrale protestante. La concurrence qui en résulta favorisa les innovations pédagogiques – ainsi l’introduction de l’historia literaria critiquée par Lichtenberg – et institutionnelles – comme l’établissement de collèges privés. Les princes territoriaux et les organes de surveillance des universités exigèrent des professeurs des marques vérifiables de performance et de qualité, par exemple des programmes des cours ou des listes de publications37.

22Avec la formation des nouvelles sciences (naturelles) puis le mouvement des Lumières s’intensifia partout en Europe une critique du zèle érudit à partir du xviie siècle ; à chaque fois, elle fut liée à la critique des pratiques universitaires érudites scolaires et universitaires, comme les citations précédentes le montrent. Ce dénigrement s’exprima en France manifestement plus tôt et de façon plus radicale que dans l’Allemagne protestante, en conséquence notamment des différents modèles d’enseignement présentés ci-dessus. Christian Wolff qualifiait l’esprit français d’« être papillonnant » ; Voltaire n’était pas à ses yeux un philosophe, mais seulement un « poète38 ». De tels jugements étaient bien moins le produit d’une confrontation avec les textes de Voltaire que le résultat de la socialisation dans une université allemande protestante, comme, à l’inverse, s’exprimait dans le dédain par Voltaire de la philosophie de Wolff l’aversion pour le déroulement monotone du monde du paragraphe de l’écriture scolastique, lequel devait renvoyer Voltaire à ses propres souvenirs de collège.

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23Le cliché est, à l’instar de son grand frère, le stéréotype, un modèle de communication apte à marquer des particularités simplement et catégoriquement, et à les fixer de façon préfabriquée (l’origine des deux termes renvoyant par ailleurs au langage de l’imprimerie). Pour décrire la collation présente des jugements de lettrés allemands et français, le terme fluide et indéterminé de cliché convient mieux que celui de stéréotype : il souligne la souplesse et le caractère historiquement échangeable des attributions. Le zèle érudit est l’un de ces motifs pré-forgés, au moyen duquel pouvaient être désignées des particularités de la science allemande depuis la formation des discours nationaux en Europe au xvie siècle. La force de conviction de telles attributions, leur utilisation pour estampiller des singularités, leur appréciation positive ou négative et la détermination des spécificités auxquelles elles renvoyaient, tout cela dépendait de contextes sociaux et de cadres institutionnels changeants. Je ne pouvais ici qu’esquisser ce sujet de façon incomplète, d’après quelques témoignages de savants allemands et français de la fin du xviie et du xviiie siècle, tandis que le zèle érudit, dans sa forme traditionnelle (humaniste), subissait une perte de valeur et que des savants allemands tentaient de s’affirmer face à une culture française perçue comme supérieure.

Notes de bas de page

1 Häseler Jens et Meier Albert (dir.), Gallophobie im 18. Jahrhundert, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2005 ; Heitz Raymond, Mix York-Gothart, Mondot, Jean et Birkner Nina (dir.), Gallophilie und Gallophobie in der Literatur und den Medien in Deutschland und in Italien im 18. Jahrhundert / Gallophilie et gallophobie dans la littérature et les médias en Allemagne et en Italie au xviiie siècle, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2011 ; Adam Wolfgang, Florack Ruth et Mondot Jean (dir.), Gallotropismus. Bestandteile eines Zivilisationsmodells und die Formen der Artikulation. Gallotropisme. Les composantes d’un modèle civilisationnel et les formes de ses manifestations, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2016 ; Adam Wolfgang, Mix York-Gothart et Mondot Jean (dir.), Gallotropismus im Spannungsfeld von Attraktion und Abweisung. Gallotropisme entre attraction et rejet, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2016 ; voir aussi la synthèse de Fink Gonthier-Louis, « Le cosmopolitisme. Rêve et réalité au siècle des Lumières dans l’optique du dialogue franco-allemand », in Werner Schneiders (dir.), Aufklärung als Mission. La mission des Lumières, Marbourg, Hitzeroth, 1993, p. 22-65. Je remercie Aleksandra Ambrozy, Daniel Fulda, Ulrich Johannes Schneider et particulièrement Claire Gantet pour leur lecture critique et leurs remarques suggestives.

2 Fulda Daniel, « Nur Modeschriften nach neufranzösischem Muster ? Zur Unentbehrlichkeit von Übersetzungen in der deutschen Geschichtspublizistik der mittleren Aufklärung », in Wolfgang Adam, York-Gothart Mix et Jean Mondot (dir.), Gallotropismus/Gallotropisme, op. cit., p. 29-49.

3 Voir Conrad Marcus, Geschichte (n) und Geschäfte. Die Publikation der ‘Allgemeinen Welthistorie’ im Verlag Gebauer in Halle (1744-1814), Wiesbaden, Harrassowitz, 2010.

4 Adam Wolfgang et Mondot Jean, « Der Gallotropismus. Nutzen und Tragweite des Begriffs », in Wolfgang Adam, Ruth Florack et Jean Mondot (dir.), Gallotropismus/Gallotropisme, op. cit., p. 1-35, ici p. 13-15 ; de façon plus détaillée : Knopper Françoise, « Le prince Henri de Prusse (1726-1802), un ambassadeur culturel sous contrôle », in ibid., p. 185-208 ; Petersilka Corina, « Friedrich II. sprachliches Selbstverständnis und seine Gründe » (ibid., p. 209-230). Les livres en français pouvaient servir un habitus de prestige culturel, des fins d’identification philosophique – ou devenir à leur tour médiateurs en vue de l’apprentissage d’autres langues, ainsi que le révèle l’étude de la bibliothèque de la cour – germanophone – de Weimar à la fin du xviiie siècle : Ferrand Nathalie, Le roman français au berceau de la culture allemande. Réception des fictions de langue française à Weimar au xviiie siècle, d’après les fonds de la Herzogin Anna Amalia Bibliothek. Der französische Roman an der Wiege der deutschen Kultur. Die Rezeption französischer fiktionaler Literatur im Weimar des 18. Jahrhunderts am Beispiel der Bestände der Herzogin Anna Amalia Bibliothek, Montpellier, université Montpellier 3, 2003. Sur la place de la littérature francophone dans les périodiques germanophones, voir Bois Pierre-André, Krebs Roland et Moes Jean (dir.), Les Lettres françaises dans les revues allemandes du xviiie siècle. Die französische Literatur in den deutschen Zeitschriften des 18. Jahrhunderts, Berne, Peter Lang, 1997. Inversement, aucun périodique allemand n’était collecté dans les bibliothèques parisiennes contemporaines, à l’exception des Acta eruditorum (rédigés en latin). Voir Latour Patrick, « Périodiques savants et bibliothèques à Paris au xviiie siècle », Archives internationales d’histoire des sciences, n° 63/170-171, 2013, p. 255-269, ici p. 259.

5 Hirschi Caspar, Wettkampf der Nationen. Konstruktion einer deutschen Ehrgemeinschaft an der Wende vom Mittelalter zur Neuzeit, Göttingen, Wallstein, 2005.

6 Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen. Nationale Stereotype in deutscher und französischer Literatur, Stuttgart/Weimar, Metzler, 2001.

7 Ibid., p. 171-172 (introduction de Ruth Florack à Baillet), p. 172-179 (extraits du Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs, auquel sont empruntées les citations suivantes).

8 Julliard Catherine, « Christian Thomasius (1655-1728) et son Discours de l’imitation des Français (1687) : un plaidoyer gallophile dans un contexte gallophobe », in Raymond Heitz, York-Gothart Mix, Jean Mondot et Nina Birkner (dir.), Gallophilie und Gallophobie. Gallophilie et gallophobie, op. cit., p. 1-24.

9 « Naturell der Völcker », in Grosses vollständiges Universal-Lexicon Aller Wissenschafften und Künste, t. XL, Halle/Leipzig, Johann Heinrich Zedler, 1740, col. 1246-1251 (citations suivantes ibid., col. 1247-1248).

10 Recueils d’extraits d’ouvrages scientifiques ou littéraires (N. D. T.).

11 Lavater Johann Caspar, Physiognomische Fragmente (1778). Cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 219, 221.

12 Herder Johann Gottfried, Ueber die neuere Deutsche Literatur (1767), cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 687-688.

13 Id., Journal meiner Reise im Jahr 1769 ; id., Auch eine Philosophie der Geschichte zur Bildung der Menschheit (1774). Cités d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 276-277, 603.

14 Id., Ueber die neuere Deutsche Literatur, 1767 (cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 688).

15 Id., Auch eine Philosophie der Geschichte zur Bildung der Menschheit (1774), cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 605.

16 Nicolai Friedrich, Briefe über den itzigen Zustand der schönen Wissenschaften in Deutschland (1755), cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 671-673.

17 Cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 380, 382.

18 [Wieland Christoph Martin], « Der Eifer, unsrer Dichtkunst einen National-Charakter zu geben etc. » (in Deutscher Merkur, May 1773), cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 692.

19 Münch Paul, « „ Deutscher Fleiß“. Zur Konstituierung einer bürgerlichen und nationalen Tugend », in Dirk Ansorge, Dieter Geuenich et Wilfried Loth (dir.), Wegmarken europäischer Zivilisation, Göttingen, Wallstein Verlag, 2001, p. 241-259.

20 Voir par exemple [http://www.tomaten-atlas.de/sorten/d/2206-deutscher-fleiss] ou [http://chilifee.de/ Deutscher-Fleiss-alte-Tomatensorte-beliebte-rote-Tomate-reichtragend], consulté le 24 février 2017.

21 Voir notamment Israel Jonathan I., Enlightenment Contested. Philosophy, Modernity, and the Emancipation of Man 1670-1752, Oxford, Oxford University Press, 2006 (sur Bayle p. 65-92). Pour les nuances et corrections à apporter à cette appréciation, voir la contribution d’Antony McKenna dans le présent volume.

22 Voir Labrousse Elisabeth, Pierre Bayle, t. I : Du pays de foix à la cité d’Érasme, La Haye, Martinus Nijhoff, 1963, p. 238 ; Mason H. T., Pierre Bayle and Voltaire, Oxford, Oxford University Press, 1963, p. 8-10, 34, 49.

23 Voir les magnifiques études d’Anthony Grafton, notamment Defenders of the Text. The Tradition of Scholarship in an Age of Science, 1450-1800, Cambridge MA. u. a., Harvard University Press, 1991.

24 Voir notamment Barret-Kriegel Blandine, Les historiens et la monarchie, 4 t., Paris, Presses universitaires de France, 1988 ; Grell Chantal, L’histoire entre érudition et philosophie : étude sur la connaissance historique à l’âge des Lumières, Paris, Presses universitaires de France, 1993 ; Grell Chantal, Le dix-huitième siècle et l’antiquité en France, Oxford, Voltaire Foundation, 1995 ; Brizay François et Sarrazin Véronique (dir.), Érudition et culture savante de l’Antiquité à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.

25 Bayle Pierre, Dictionaire historique et critique, 5e éd., vol. 3, Amsterdam, [P. Brunel], 1740, p. 387-388 (Art. « Méziriac », rem. C). Sur cette lettre et son contexte, voir Labrousse Elisabeth, Pierre Bayle, op. cit., p. 235-244.

26 Voir note 8 ci-dessus ; le passage cité dans une traduction allemande de l’Universal-Lexicon de Zedler est emprunté à une lettre de Bayle à Vincent Minutoli du 17.9.1681. Lettre originale : « Car, vous savez bien que messieurs les Allemans se dispensent volontiers à faire des digressions, pour étaler leur lecture. Je leur en sai bon gré ; car, ils m’épargnent la peine de faire des compilations ; aussi, suis-je un de ceux qui loüent le plus leurs commentaires et leurs ouvrages ». Voir Correspondance de Pierre Bayle, Lettre 193 : [http://bayle-correspondance.univ-st-etienne.fr/?Lettre-193-Pierre-Baylea-Vincent&lang=fr], consulté le 28 février 2017.

27 Leibniz Gottfried Wilhelm, « Bruchstücke, die Scientia generalis betreffend », in Carl Immanuel Gerhardt (dir.), Die philosophischen Schriften von Gottfried Wilhelm Leibniz, t. VII, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1890, p. 66-123, ici 71 : « Incidimus enim in tempora, de quibus merito questus est Vir Clarissimus Mericus Casaubonus, prae philosophiae naturalis studio negligi cum omnem historiam tum maxime sacram. »

28 Voir ibid. Sur le contexte de l’argumentation, Seifert Arno, « Zum Neuzeitbewußtsein und Fortschrittsgedanken bei Leibniz », in Albert Heinekamp (dir.), Leibniz als Geschichtsforscher (Studia Leibnitiana, Sonderheft 10), Wiesbaden, Steiner, 1982, p. 172-185.

29 La première partie parut en 1775 : Engel J. J. (dir.), Der Philosoph für die Welt, Erster Theil, Leipzig, Verlag der Dyckschen Buchhandlung, 1775 ; la deuxième partie parut en 1777 et de nombreuses rééditions suivirent aux xviiie et xixe siècles.

30 « Éducation », Dictionnaire philosophique, in Œuvres complètes de Voltaire avec des notes et une notice, t. VII, 1, Paris, Furne, 1835, p. 472, col. gauche.

31 Voir aussi Krebs Roland, « Die französischen philosophes im Urteil der deutschen Aufklärer. Vorbild oder Gegenmodell ? », in Wolfgang Adam, York-Gothart Mix et Jean Mondot (dir.), Gallotropismus/ Gallotropisme, op. cit., p. 1-12, en particulier p. 11.

32 Cité d’après Florack Ruth, Tiefsinnige Deutsche, frivole Franzosen, op. cit., p. 382. Sur l’image que se fait Lichtenberg de la France, voir Mondot Jean, « La France et les Français dans les écrits de Lichtenberg. Des difficultés d’une caractérologie conséquente », in Raymond Heitz, York-Gothart Mix, Jean Mondot et Nina Birkner (dir.), Gallophilie, op. cit., p. 151-167.

33 Grunert Frank et Vollhardt Friedrich (dir.), Historia literaria. Neuordnungen des Wissens im 17. und 18. Jahrhundert, Berlin, Akademie Verlag, 2007.

34 Seifert Arno, « Das höhere Schulwesen. Universität und Gymnasien », in Notker Hammerstein, Handbuch der Bildungsgeschichte, t. I, 15. bis 17. Jahrhundert. Von der Renaissance und der Reformation bis zum Ende der Glaubenskämpfe, Munich, Beck, p. 197-374, citations p. 197.

35 Clarke William, Academic Charisma and the Origins of the Research University, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 2006, p. 443 : « under construction ».

36 Seifert Arno, « Das höhere Schulwesen », art. cité, p. 258-271.

37 Clarke William, Academic Charisma, op. cit., passim.

38 Voir Wuttke Heinrich (dir.), Christian Wolffs eigene Lebensbeschreibung mit einer Abhandlung über Wolff, Leipzig, Weidmannsche Buchhandlung, 1841, p. 184. Wolff écrivait au comte de Manteuffel le 3 avril 1740 : « Les Français ne veulent absolument pas recevoir ce qui a été écrit de façon méthodique. Même Madame de Châtelet m’écrit cela : elle pense qu’ils sont si impatients qu’ils jetteraient le livre dès la première page lue. » Par le biais d’Émilie du Châtelet, mathématicienne et amante de Voltaire et qui par moments s’intéressa fortement à ses ouvrages, Wolff tenta – finalement en vain – d’amener Voltaire à sa philosophie. Wolff estimait Madame du Châtelet, comme il le dit dans une lettre du 7 mai 1741, « bien plus forte que l’entendement de Voltaire, qui en tant que poète a plus d’imagination que de jugement et philosophe mal » (ibid., p. 182-183). Sur les relations entre Wolff et Voltaire, voir Thomann Marcel, « Voltaire et Christian Wolff », in Peter Brockmeier, Roland Desné et Jürgen Voss (dir.), Voltaire und Deutschland. Quellen und Untersuchungen zur Rezeption der französischen Aufklärung, Stuttgart, Metzler, 1979, p. 123-136 (sur le jugement de Wolff quant à « l’être papillonnant français ») ; Carboncini Sonia, « Christian Wolff in Frankreich. Zum Verhältnis von französischer und deutscher Aufklärung », in Werner Schneiders (dir.), Aufklärung als Mission/La mission des Lumières, op. cit., p. 114-128.


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