Chapitre 9. Diplôme et défaites
p. 295-320
Texte intégral
1Grüner, pour asseoir la spécificité stéphanoise et donner à l’École le statut qu’elle méritait, avait pensé bien faire en lui assignant pour domaine la formation de l’« ingénieur praticien ». Son but n’était pas d’opérer autour de la notion d’application, une distinction science/pratique, ni d’enfermer dans leurs limites respectives les deux domaines des sciences pures et des sciences appliquées. L’ingénieur était trop savant et trop praticien pour ne pas savoir que la métallurgie aurait pâti d’un tel clivage. S’il distinguait entre « ingénieur praticien » et « ingénieur savant », c’était pour des raisons tactiques. Il espérait par ce biais donner sa personnalité et sa légitimité propre à chacun des modes d’exercice de la profession d’ingénieur, les ingénieurs parisiens devant être d’abord théoriciens, les ingénieurs stéphanois devant être d’abord praticiens. Mais tous à ses yeux devaient user du mode de pensée scientifique, c’est-à-dire produire des hypothèses et des expérimentations, multiplier les contacts et les confrontations, dégager des lois générales pour faire progresser cette forme de science commune à tous qui s’appelait métallurgie. Tel fut le projet philosophique qui inspira et accompagna la fondation de la Société de l’industrie minérale.
2Envisager cela en toute clarté, accepter qu’il y eût construction technologique, c’est-à-dire hybridation du scientifique et du technique autour de l’objet métallurgie et plus spécifiquement autour de l’objet acier, amène à revisiter la construction de la science dans la période 1860-1900. On n’insistera jamais assez sur l’énormité du travail de recherche et d’élaboration, la gigantesque bagarre avec les ressources minérales, les matériaux et les procédés dont la sidérurgie fut le théâtre dans la seconde moitié du xixe siècle. Répétons-le : véritable séisme, la découverte du procédé Bessemer fit exploser toutes les spécifications de produits et de procédés, ébranla les positions établies, réduit certaines rentes de situation, en créa de nouvelles. Tout fut remis en chantier, du four au produit, tout fut bousculé des structures de production aux méthodes commerciales. Près de quarante années furent nécessaires à l’espace industriel concerné pour sortir de cette crise technique, retrouver un équilibre, entendons : un éventail de procédés qui autorisât la mise en valeur des minerais sous leur forme les plus diverses, un système de normes et de spécifications des sortes d’acier tel qu’il redonnât au dialogue entre commerce et industrie, entre client et producteur, la vigueur souhaitable. Je dis : espace industriel pour insister sur ce fait que la dynamique de recomposition – dont Grüner fut l’un des maîtres –, diffuse et précise à la fois, nébuleuse avec ses points d’appuis, ses lieux de plus ou moins grande visibilité, concerna, comme on l’a vu, tout ce qui avait trait à la métallurgie du fer : sociétés, usines, laboratoires, lieux d’enseignement, sociétés savantes. Appréhender les uns en négligeant les autres, c’est courir le risque d’interprétations incomplètes ou faussées, alors qu’un vaste travail est nécessaire pour amener au grand jour les lieux et les formes de l’échange technique au-delà des structures nécessaires autant qu’occluses que sont les Compagnies et les brevets, parce que ces structures ne cessent d’être débordées par le débat et la construction technologique et cela du fait même qu’elles relèvent de la technologie, comprise ici comme le mélange obligé de la science, de la technique et de leur administration – c’est-à-dire de la gestion de l’une et de l’autre –, ou encore comme l’hybridation de la théorie et de la pratique, de la réflexion philosophique et de l’action.
3Mais voilà : l’évolution de la relation à la science à la fin du xixe siècle en France, fruit en grande partie de l’évolution économique, de cette crise sans précédent qui secoua le monde de la production, fruit aussi du renouvellement technique, eut pour effet d’éteindre et d’occulter ce travail patient de la science et de la technique autour d’objets conjoints d’étude pour l’élaboration de produits de l’industrie. Au point qu’il est délicat encore aujourd’hui de chercher à dissocier la science du positivisme. En d’autres termes, l’idée que nous nous faisons couramment de la science – et par contre coup l’idée que l’histoire des sciences se fait aujourd’hui couramment de la technique – est le fruit d’une construction historique qui reste pour une part à analyser en même temps qu’elle requiert pour une part de s’en défaire. Il y eut, en France, en fin de siècle, un refus, pire un déni de légitimité du mode de pensée technologique, dont pâtit gravement l’ingénieur stéphanois. Comme si la difficulté à faire se rejoindre les trois grandes composantes du procès de production : technique-science, technique-administration, science-administration, difficulté dont Daniel Colson a montré combien elle existait au sein de l’entreprise, avait fini par concerner l’ensemble de la société. On refusa à l’École des Mines de Saint-Étienne jusqu’à l’idée qu’elle puisse faire modèle. Et l’obtention du droit à décerner un diplôme d’ingénieur que la crise rendit obligée, inéluctable, se révéla dans ce contexte et en raison de la forme conférée – diplôme d’ingénieur civil des mines – malaisée à manier et d’une redoutable ambiguïté.
La technologie, au ban de la science
4Pour le comprendre, revenons vers Alexandre Pourcel. La manière dont l’ingénieur réfléchit à la déphosphoration en 1879 – on sait qu’alors qu’il travaillait à introduire le procédé Thomas-Gilchrist en France – illustre parfaitement la distinction théorisée par Grüner entre savant et praticien et le fait que l’un et l’autre produisent de la science quoique ce soit sur les deux versants complémentaires de la réalité métallurgique. Lorsqu’il affronte la difficile question de la nomenclature, et pour mieux la gérer, Pourcel distingue nettement les deux approches. Les métallurgistes, affirme-t-il, « n’ont pas plus qualité pour la résoudre que les pharmaciens pour trancher une question de classification d’histoire naturelle. C’est aux savants, aux hommes qui s’occupent des rapports des méthodes industrielles avec la science pure qu’il appartient de s’entendre entre eux pour établir ou modifier une nomenclature qui doit être l’expression synthétique des propriétés les plus diverses du corps ou des corps auxquels elle s’applique ». En ajoutant, dans ce qui était à ses yeux une histoire sans fin, « il est toujours possible aux métallurgistes de s’entendre entre eux comme de s’entendre avec les consommateurs car en l’absence du mot technique, concret, ils emploient la périphrase ». Le propos renverrait-il à l’opposition entre approche scientifique et approche empirique, illustrerait-il la différence fondamentale existant entre savant et praticien, le premier homme de science, le second empiriste ? L’évidence est fautrice d’illusion. L’ingénieur, c’est vrai, définit les domaines d’intervention de la nomenclature et distingue entre le domaine de la nomenclature « pure » qui est celui de l’expression synthétique des propriétés des corps et le domaine de la nomenclature « praticienne » qui est celui de leur définition commerciale. Mais il se garde bien de réfuter la validité du second au nom du premier, à la différence de Grüner d’ailleurs1. Il s’en garde bien, parce que lui, le métallurgiste, le « praticien » utilise les deux pour opérer et comprendre et pour comprendre et opérer, puisqu’aussi bien, ces deux opérations ne coïncident pas exactement, ne se réduisent pas l’une à l’autre. Lui donc, se place au centre, à ce point où les approches se mêlent et se confrontent, cette zone intermédiaire qui est à ses yeux le meilleur endroit – en tout cas le seul qu’il désigne – pour mener à bien ses objectifs : définir et maîtriser le rapport minerai/ four/métal obtenu en jugeant de sa valeur économique, maîtriser techniquement chacun des procédés disponibles, décider de nouveau, passer du particulier au général, édifier autant que possible une théorie de l’usage de chacun des procédés.
5Travailler simultanément dans les domaines de la science et de la technique, c’était exactement ce que signifiait pour lui être un métallurgiste. Pour en juger encore, revenons sur la réfutation des objections qu’on lui fit lorsqu’il présenta le procédé Thomas-Gilchrist à ses collègues. Une partie des débats porta sur l’emploi simultané d’un minerai comportant du manganèse avec un minerai phosphoré, ce qui revenait à comprendre plus finement le déroulement de la réaction chimique dans le convertisseur pour chaque sorte de minerai employé. Désireux de convaincre, l’ingénieur raisonne avec son public, et pour ce faire, commence par rappeler les termes de l’entente intellectuelle avec ses interlocuteurs, ces « quelques personnes » qui ont bien voulu « admettre mon hypothèse de déphosphoration au convertisseur pendant la première période ». L’hypothèse déterminée, il présente la proposition qu’on lui oppose : « employer le manganèse au lieu du silicium pour retarder la décarburation dans la première période ». Puis il convoque la compétence de ses auditeurs dans le domaine de la pratique : « tous les praticiens qui ont traité des fontes manganésées savent que le manganèse augmente peut-être la durée de la décarburation, mais n’empêche pas la combustion immédiate du carbone ». Cela le met en position de conclure, en apportant une proposition nouvelle dont le résultat est de décaler l’hypothèse initiale : « dans le traitement de ces fontes (fontes manganésées à 3 % de manganèse avec environ 0,5 de silicium), dès que l’on relève le convertisseur, la flamme apparaît : il n’y a pas de première période, le carbone brûle aussitôt » (c’est lui qui souligne).
6Ceci posé, il propose une expérience de pensée qui oblige l’auditoire à réfléchir dans le cadre du nouveau procédé : « Dans ce procédé, la présence simultanée du manganèse et du silicium pourrait-elle avoir comme avantage de neutraliser la silice (par l’intermédiaire du protoxyde de manganèse qui se forme par le soufflage et l’ajout de chaux) tandis qu’on neutraliserait le phosphore en ajoutant du peroxyde de fer (Blue-Billy) ? ». Plutôt que de répondre catégoriquement, il explore les objections possibles, voire les contre-indications. L’une est franchement industrielle : « l’emploi d’un minerai manganésé simultanément avec un minerai phosphoré s’accorde-t-il avec le but industriel que l’on poursuit dans l’application de toute méthode de déphosphoration, de compenser les frais de traitement par le bas prix de la fonte traitée ? » ; à quoi il répond : « c’est douteux ». L’autre est franchement scientifique : « mon hypothèse de départ simultané du silicium et du phosphore au convertisseur n’a pas reçu, que je sache, de vérification pratique », et, ajoute-t-il, « certains l’ont acceptée mais d’autres au contraire l’ont violemment rejetée ». Pour le compte, il refuse de trancher et renvoie ses interlocuteurs aux recherches en cours :
- « je répondrais à ces derniers quand leurs arguments me seront connus » ;
- « quant à mon opinion sur le passage dans la scorie du phosphore à l’état de phosphate de fer et non de phosphate de chaux, je me réserve de l’établir avec des preuves scientifiques quand j’aurai réuni tous les éléments pour le faire2 ».
7Sans inférer du résultat ni même du contenu de la discussion, observons que l’homme qui parle ici n’est ni un pur savant, ni un pur empiriste ; sa place, celle qu’il s’assigne, est celle de l’entre-deux technologique. C’est un homme de l’action, qui sait mieux que quiconque user de ses compétences scientifiques pour mener à bien sa pratique, et qui use de son savoir-faire technique, de ses dons d’expérimentation et de sa capacité à observer pour mener à bien l’analyse scientifique du procédé interrogé.
8Cette pensée est-elle le fruit du hasard, j’entends de son intelligence personnelle ou est-elle le résultat d’une formation ? Pour mettre cette question en perspective, j’emprunte à Nicole Chézeau, la description qu’elle donne du programme pédagogique fixé dans les années 1870, par Richards, chargé de l’enseignement de la métallurgie dans le cadre du cours de Mining Engineering, au Massachussets Institute of Technology. On y reconnaît ce mélange de théorie et de pratique, de science et de technique, qu’exprime le terme « technologie ». Chaque étudiant avait la responsabilité entière d’un procédé et chacun devait participer aux procédés dont les autres étaient responsables. On attribuait à chacun une certaine quantité de minerai et chacun devait ensuite traiter ce minerai, faire des analyses à chaque étape, déterminer les quantités nécessaires d’eau, d’énergie, de produits, de combustibles et de travail mécaniques nécessaires pour juger de l’efficacité et de l’économie du procédé. Le but pédagogique de Richards était non seulement de montrer à ses étudiants les divers procédés industriels d’élaboration, mais surtout de les sensibiliser aux problèmes d’économie de matériaux, à l’utilité des analyses chimiques à chaque stade de l’élaboration, d’éveiller la curiosité pour qu’ils arrivent dans les usines avec un esprit d’investigation et non de routine. Il voulait « enseigner aux étudiants à s’enseigner eux-mêmes3 ». De toute évidence, les programmes de Grüner et de Richards relevaient de la même dynamique pédagogique.
9Louis Aguilon en prend acte à sa manière lorsque mêlant admiration et incompréhension, il évoque « l’enseignement de Grüner, qui professa la métallurgie à l’école des Mines de Paris », en soulignant qu’il « se recommandait de par sa méthode philosophique non moins que par le nombre et l’exactitude des renseignements ». Combien furent-ils au sein du Corps à suivre le directeur de Saint-Étienne dans cette ligne de pensée, à assurer l’héritage d’une philosophie qui n’écrasait pas la pratique au nom de la science ? Urbain Le Verrier certainement, Tauzin peut-être, et sans doute aussi Eugène Vicaire, Rateau, Termier, cette génération de professeurs qui formèrent les ingénieurs stéphanois entre 1870 et 1900. Mais cette approche était destinée à demeurer marginale. L’opposition entre ingénieur savant et ingénieur praticien revint en force dans les années 1880, avec une tonalité franchement idéologique cette fois. Une réorganisation des enseignements intervint à l’école des Mines, à Paris, entre 1877 et 1887, au moment donc de la réorganisation stéphanoise. Le qualificatif de « supérieur », dont l’école parisienne fut dotée en 1883 alors que Saint-Étienne devenait « École des Mines » renvoie-t-elle à une supériorité de type scientifique4 ? De nombreux indices donnent à penser que cette perspective ne fut pas dédaignée. La tonalité « géologique » et « docimasique » de l’enseignement parisien se trouva renforcée et ces cours devinrent, note L. Aguilon avec quelque emphase, des enseignements « spéciaux » caractéristiques de l’école. Les mémoires de fin d’études se transformèrent en « véritables thèses », pour reprendre son expression. Et dans la catégorie « sciences appliquées », naquirent entre 1885 et 1887, les cours d’économie industrielle5, de géologie appliquée et de chimie industrielle, qui fut attribué à Henry Le Chatelier.
10Henry Le Chatelier : le nom de ce grand ingénieur n’arrive pas par hasard. En fait, l’école parisienne vécut un conflit sourd, entre 1884 et 1887, tandis que se préparait la succession de Lan à la chaire de métallurgie, un conflit qui porta entre autres sur le rapport entre sciences et industrie6, et qui se solda par l’évincement d’Urbain Le Verrier, le protagoniste malheureux de cette affaire. Géologue et métallurgiste à l’instar de Grüner7, Urbain Le Verrier exerçait ses talents à la chaire de chimie et de métallurgie de Saint-Étienne depuis 1875. « Il a le feu sacré ; il sait le communiquer autour de lui », observait-on de lui. Avec l’aide des industriels de la région, il avait mis sur pied un bureau d’essais qui s’imposa rapidement auprès des divers partenaires et des clients comme outil de vérification, ce « laboratoire tirant de son caractère officiel une autorité particulière ». Ce pourquoi, on le félicita :
« La ville de Saint-Étienne et touts les grandes usines possèdent des laboratoires spéciaux […]. L’industrie métallurgique ne peut se maintenir dans la Loire qu’à la condition de se lancer de plus en plus dans la voie des fabrications spéciales qui réclament souvent le contrôle d’analyses délicates. On peut citer comme exemple les recherches faites par M. Le Verrier sur le dosage du chrome8 ».
11On l’aura compris, l’ingénieur poursuivait la tradition de collaboration en réseaux qui s’était instituée dans la région stéphanoise autour de la métallurgie, travaillant avec Pourcel à Terrenoire, citant à maintes reprises Euverte dans son cours de métallurgie, tout cela au nom de principes clairement affichés, et de sa volonté de lutter « contre les habitudes de mystère ». Multiplier les laboratoires, développer la collaboration entre l’école et l’entreprise était indispensable à ses yeux pour que « l’art de la métallurgie fasse d’immenses progrès et la théorie de cet art, c’est-à-dire la science métallurgique se constitue9 ».
12Le Verrier se porta candidat à la chaire de métallurgie de l’école des Mines de Paris, et, facteur a priori favorable, il reçut le soutien de Haton de la Goupillière. Présentons rapidement ce grand personnage du Corps qui mériterait comme tant d’autres d’être l’objet d’une recherche. Professeur à la faculté des Sciences de Paris dans le milieu des années 1860, il remplaça Callon à la chaire d’exploitation des Mines à Paris et l’occupa longuement, de 1872 à 1888. Membre conseiller de la société mathématique de France depuis 1872, membre de l’Académie des sciences à partir de 1884, président de la commission des Annales des Mines, il appartient indubitablement à la famille des ingénieurs savants. Mais président de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, inscrit à la Réforme sociale, il n’est pas éloigné de la famille des « industrialistes ». L’analyse des appréciations qu’il portait sur ses collègues et sur les garde-mines dans l’accomplissement de son travail administratif, montre un homme proche à beaucoup d’égards d’un Callon et d’un Grüner. L’importance qu’il donna aux relations avec l’industrie est certaine, attestée : c’est lui par exemple, qui favorisa les fonctions de conseil des ingénieurs des mines auprès des sociétés industrielles10. Il n’est donc pas exagéré de voir en lui la synthèse personnifiée des compétences que le corps était susceptible d’offrir à l’industrie en termes de sciences et de techniques, encore que l’hypothèse serait à confirmer.
13Haton connaissait bien l’école des Mines de Saint-Étienne pour en avoir été le mentor lors de son passage à l’inspection générale de la division du Centre. Et au sortir de l’expérience, mieux que de retenir les leçons données par Grüner, il les appliqua. Une partie de son œuvre consista en effet à instaurer à l’école des Mines de Paris les méthodes qui avaient fait leurs preuves à Saint-Étienne pour donner corps et matière à la notion de Génie civil, dans sa variante Mines et métallurgie et travailla à constituer autour de l’école parisienne quelques-uns de ces lieux que j’ai précédemment qualifiés « d’espaces techniques », lieux de travail, de discussion, d’appréhension sur un mode scientifique des matériaux, outils et procédés. Par exemple, il profita de son passage à la présidence de la commission du grisou, entre 1877 et 1880, pour lui donner ce caractère technico-scientifique qui la distingua à partir de ce moment. D’abord, il en élargit la composition en convoquant en son sein d’autres ingénieurs, certains du Corps des Mines, comme Aguillon, Le Chatelier, Mallard ; d’autres venus de l’école des Mines de Saint-Étienne, Petitjean, Marsaut ; d’autres enfin venus d’ailleurs, Regnard de l’Institut agronomique, Tresca du CNAM. Puis, il demanda et obtint que certains laboratoires d’entreprise, ceux de l’usine à gaz de la Villette, d’Anzin, de Commentry et de Blanzy, participent aux travaux. Le cadre ainsi fixé, chacun se mit au travail : Mallard et Henry Le Châtelier firent une étude du gaz et de ses conditions d’inflammation ; on se livra à une étude systématique des lampes de sûreté ; l’indicateur du grisou fut perfectionné ; de nouveaux appareils de ventilation furent mis au point, de même qu’un appareil de sauvetage. Bref, c’était reprendre en les adaptant les façons de faire de la Sociétés de l’industrie minérale. Le point d’orgue en fut, sous la direction de Dusouich, la mise au point d’une indispensable réglementation sur ce sujet.
14Présentée « en première ligne » par le conseil de l’école des Mines de Paris en 1885, la candidature d’Urbain Le Verrier cadrait parfaitement avec ce mode de travail, scientifique et technique, individuel et collectif, public et privé, réunissant toutes catégories d’ingénieurs, d’industriels et de savants. Le transfert n’eut pas lieu, pourtant. La candidature du professeur stéphanois fut repoussée, « d’autres combinaisons ayant prévalu ». La manière dont Haton note l’échec, laisse percer un regret. Lodin qui avait assuré l’intérim de Lan pendant sa direction, hérita de la place, un ingénieur précis, rigoureux, d’une très grande honnêteté scientifique, mais terne dans son enseignement et sans projet théorico-scientifique, a fortiori sans philosophie. Était-ce le signe d’un déport d’intérêt, une manière de faire perdre sa couronne à la chaire de métallurgie au profit de la chaire toute neuve de chimie industrielle ? Henry Le Chatelier remplaça-t-il Urbain Le Verrier dans l’esprit des dirigeants de l’école ? Les conceptions scientifiques défendues par les deux hommes étaient suffisamment proches pour paraître cousines, à ceci près que Le Chatelier forçait le trait vers la science et vers Paris. Michel Letté montre bien comment, jetant son dévolu sur la Société d’encouragement, Le Chatelier imposa en lieu et place des habituelles récompenses aux inventeurs, de véritables programmes de recherche, qui furent par exemple en 1887, une « étude expérimentale des propriétés physiques ou mécaniques d’un ou plusieurs métaux ou alliages, choisis parmi ceux qui sont d’un usage courant », une « étude scientifique d’un procédé industriel dont la théorie est encore imparfaitement connue », une publication « utile à l’industrie chimique et métallurgique ». Dans tous les cas, « la méthode, les produits à analyser, les matériaux à essayer, les coefficients à déterminer, tout est mentionné. La voie est imposée aux candidats… ». L’historien y voit avec justesse une tendance à la standardisation et à la normalisation de pratiques non encore codifiées.
15On s’étonne, pourtant, des affirmations abruptes que véhiculent les écrits théoriques de ce très grand ingénieur chimiste qui fut aussi l’un des inventeurs de la métallographie. Fallait-il pour donner du corps à la « science industrielle » dont l’ingénieur se fit l’ardent promoteur, opposer de façon aussi élémentaire le « traité théorique » au « traité technologique » ? La division qu’il établit entre les deux sortes d’écrits pour poser le troisième des programmes de recherches à l’intention de la Société d’encouragement en 1887 et partant la définition qu’il donne de l’un et l’autre est simple, aisée à appréhender au point que nul ne pourrait s’y perdre. Le « traité théorique, laissant de côté les détails particuliers s’attache à donner la théorie scientifique des divers procédés industriels, c’est-à-dire montre comment ces procédés s’appuient sur quelques faits plus simples et plus généraux, réactions chimiques, propriétés physiques dont les expériences de laboratoire ont permis l’étude précise », tandis que le « traité technologique », par opposition, est un écrit « purement descriptif où l’énumération des recettes et procédés particuliers à chaque industriel tient une place prépondérante11 ». On reconnaît, dans ce découpage d’une clarté aveuglante l’esprit du positivisme et sa volonté affichée de mettre à jour des « grandes lois permettant d’ordonner les faits dans un rapport réglé et calculable ». Mais où placer pour le compte les recherches expérimentales en la matière, cette métallographie par exemple qu’André Vicaire, au demeurant professeur de métallurgie et membre du conseil d’administration de Schneider & Cie, décrivait ainsi en 1909 :
« Le diagnostic des métallographes ressemble encore un peu à celui des aciéristes interrogeant la cassure de leurs éprouvettes ; les éléments qui permettent de fonder un jugement sont seulement bien plus nombreux et bien plus nets, mais ils sont, dans l’état actuel, les fruits de l’empirisme autant que de la théorie. La part de l’empirisme reste grande […]. On ne doit toucher qu’avec une grande circonspection aux formules d’alliages, aux procédés de fabrication ; de là vient, dans certaines usines dont les produits sont très estimés, une apparence de routine qui dissimule l’expérience12 ».
16Un mélange d’empirisme et de théorie : derrière les mots et avec eux, ce qui est décrit là, c’est bien la pratique de l’ingénieur dans son essence, c’est-à-dire dans la pensée et dans l’action, ce mélange, cette hybridation de science et d’art, l’obligation de réduire l’incertitude inhérente au travail sur les matériaux, de l’endiguer à la fois par l’observation directe et la multiplication des protocoles. À cent lieux de cette approche, la « science industrielle » refaisait surface, un demi-siècle après les tentatives de Borgnis, Le Normant et d’autres, en prenant appui cette fois non plus sur la métaphore mécaniste mais sur la pensée positiviste. Certes, Le Châtelier n’était pas destiné à faire l’unanimité. Mais cette manière de réduire la pensée scientifique à la théorie ou rien – de réduire la science à la science, en somme… – ne lui appartient pas en propre. Elle signe une époque – et un pays – qui investit la science comme lieu de différence et de supériorité sociale, en vouant la pratique expérimentale aux gémonies. Cette réalité fut à la fois profitable et néfaste à l’école stéphanoise. Profitable : l’école en retira un statut convenable, une fois les limites données à ce qu’on attendait d’elle en termes de « pratique ». Néfaste : l’opposition ingénieur savant/ingénieur praticien telle que le positivisme la revisita eut pour effet d’occulter dans l’immédiat la valeur scientifique des ingénieurs formés à Saint-Étienne et à l’échelle historique, leur rôle dans l’édification de la nouvelle métallurgie. Au-delà, la dévalorisation de la démarche expérimentale s’avéra dramatique pour la recherche scientifique. En 1924 encore, Marié, qu’on ne saurait soupçonner de complaisances empiristes, déplorait le manque dans son Traité de stabilité du matériel des chemins de fer :
« On dit que les ingénieurs doivent toujours se guider d’après les indications de la théorie associées à celles de la pratique. Cette règle nous paraît incomplète ; ils doivent suivant nous, s’éclairer par l’association des indications de la théorie, de la pratique, et des expériences bien comprises. À notre avis, l’on ne fait pas assez d’expériences dans notre pays13 ».
17Quoi qu’il en soit, à partir de ces années 1885-1887, le Corps des Mines disposa d’une orientation idéologique et scientifique précise, dont il fit sa politique. L’arrêté ministériel de 1888 lui donna les moyens de l’appliquer en renforçant sa présence au conseil de perfectionnement qui depuis 1882 décidait des grandes orientations de l’École14. On multiplia les propos lénifiants sans céder en rien sur la ligne de conduite telle qu’elle apparut progressivement, savoir resserrer la formation autour de la formation minière et ôter de l’enseignement tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la recherche scientifique, au motif – accepté en grande partie par l’Amicale – qu’il fallait « conserver aux études le caractère de simplification qui appartient à l’école de Saint-Étienne ». Il en résulta le démantèlement de la chaire de chimie et métallurgie. Le premier à en subir les conséquences fut Urbain Le Verrier, qui avait exprimé le souhait de rester à Saint-Étienne, à défaut de disposer d’une chaire parisienne, et d’y devenir directeur. Et c’est bien ainsi qu’on l’entendait sur place.
« Tous se plaisaient à rendre hommage à sa collaboration. À un moment où l’industrie cherchait à échapper à l’expérience des temps passés pour faire appel aux nouvelles méthodes scientifiques de travail, les échanges incessants de vue avec un ingénieur versé dans la science et doué en outre d’un esprit d’assimilation hors ligne pour l’étude des questions pratiques, rendit bien des services à un directeur d’usine15 ».
18Aussi en 1887, lorsqu’il fut promu ingénieur-chef, le conseil de perfectionnement insista fortement pour qu’il restât à Saint-Étienne. Haton de la Goupillière anticipant sur la demande, avait également argumenté en ce sens.
« Je regarde utile le principe qui consisterait à maintenir le cas échéant comme ingénieur-chef les professeurs qui auraient fait leurs preuves dans le grade inférieur afin de faire bénéficier l’enseignement de leur expérience acquise. Le caractère de l’école de Saint-Étienne a été relevé récemment en ce qui concerne à la fois son titre, le nombre des années d’études et celui des professeurs. En même temps, on a admis à l’année préparatoire à l’école Supérieure des Mines de Paris jusqu’au grade d’ingénieur-chef à 8 000 F ».
19Audiffred, le président du Conseil général, plaida la cause de l’ingénieur auprès du ministre. L’énergie déployée le fut en vain. La direction du personnel allégua de la difficulté budgétaire et Le Verrier fut contraint de quitter l’école en juin 1887 pour prendre en charge l’arrondissement minéralogique de Marseille16.
20Les ingénieurs de l’Amicale, qui occupaient une large place au conseil de perfectionnement, ne comprirent pas – ou refusèrent de comprendre – qu’une page se tournait. Tout à leur espoir de voir maintenir une œuvre que chacun appréciait et jugeait positivement, ils demandèrent le renouvellement du matériel du laboratoire de chimie et la nomination d’un préparateur. Et tout naturellement, ils songèrent à un supplément de financement, afin de « doter le bureau d’essais d’un matériel assez perfectionné pour donner aux chimistes de l’école des mines des ressources équivalentes à celles dont les établissements privés disposent pour leurs travaux ordinaires », en envisageant, conformément à l’esprit stéphanois et aux habitudes de l’école un triple financement : de la part de l’État pour les recherches exigées par l’enseignement de l’école, les travaux personnels des professeurs et pour les études destinées à vérifier les analyses exécutées dans l’industrie ; de la part du Conseil général pour les analyses se rapportant à l’agriculture ; de la part des industriels enfin, pour les analyses privées qu’ils avaient pris l’habitude de commander au laboratoire de Le Verrier. Proposé en 1888, ce projet n’eut aucune suite positive. Ce fut même l’inverse. À partir de 1890, le cours de métallurgie fut divisé en deux, et réparti entre Leclere qui enseigna la métallurgie du fer et Rateau qui s’occupa des non-ferreux17. Quant au laboratoire de chimie, il tomba en décrépitude.
21L’affaire Tauzin fut pour l’administration des Mines, l’occasion d’affirmer sa ligne de conduite vis-à-vis de l’école. En 1891, l’ingénieur des mines qui professait le cours de « machines, construction, chemins de fer et législation des mines », reçut de Leseure, son directeur, la mission de rédiger le rapport sur la création à Saint-Étienne d’une nouvelle chaire d’enseignement. Tauzin était un ingénieur très apprécié du milieu entrepreneurial stéphanois et du milieu minier en général, non sans raison puisqu’il était le gendre de Marsaut, le directeur de la Compagnie des produits chimiques d’Alais et de la Camargue et le cousin germain de Chalmeton, directeur, de la Société des forges, fonderies et aciéries de Denain-Anzin. L’ingénieur complètement implanté dans le milieu industriel local, de surcroît lié aux Callon par sa famille, illustre bien le mélange intime qui s’était instauré autour de l’École entre industriels, ingénieurs d’État et ingénieurs civils.
22Tauzin n’était pas un homme de détour. Jugeant bon d’exprimer son opinion avec netteté, il démontra qu’en rationalisant l’enseignement, la dotation d’une chaire supplémentaire, rendrait sa force à l’enseignement de métallurgie, et soutient cette position au conseil de perfectionnement de 1891 :
« Nous pourrons par exemple confier à nouveau à un seul professeur le cours de métallurgie, l’un des plus importants incontestablement de l’école, que force nous a été de répartir entre deux professeurs […]. Cette dernière considération nous semble particulièrement intéressante pour l’avenir de l’école. Par le nombre aussi bien que par les qualités de ses ingénieurs, l’école de St-Étienne a dans l’industrie des Mines une situation prépondérante ; son développement normal l’appelle pensons-nous à jouer un rôle équivalent dans la métallurgie, mais il faut pour y préparer parfaitement les élèves que le cours de métallurgie devienne l’occupation principale, nous dirons volontiers unique, la spécialité en tout cas de l’un de ses professeurs ».
23Certainement Tauzin exprimait l’opinion de tous, industriel et corps professoral. Mais, on imagine aisément combien déplut en haut lieu un propos qui désavouait ouvertement les décisions prises précédemment. L’administration réagit comme à son habitude dans ce genre de situation. D’une main, elle concéda la cinquième chaire, ce qui eut pour effet immédiat d’introduire un cours d’électricité industrielle. De l’autre, en 1892, elle envoya Tauzin, exercer ses talents à Rodez, comme Guéret l’exutoire des conflits – et une autre histoire à construire ? – après l’avoir promu ingénieur-chef. Et pour bien marquer qu’il n’était pas question de revenir en arrière, le conseil général des Mines décida qu’après le départ de Leseure (proche de la retraite), les fonctions de directeur de l’école seraient couplées avec celles de responsable de l’arrondissement minéralogique, un retour en arrière dont chacun savait qu’il signifiait une réduction de la charge professorale. C’était désavouer publiquement le directeur, qui avait pris fait et cause pour son professeur18.
Le génie civil en crise
24Cette tension sévère autour de la métallurgie demeure pour une grande part à expliquer, et il faudrait savoir jusqu’à quel point et de quelle manière elle concerna aussi Centrale et les Écoles des Arts et Métiers. Quoi qu’il en soit, mettons d’ores et déjà au rang des causes possibles, la difficulté croissante que connurent les écoles d’ingénieur à conserver leurs bassins d’emploi. À Saint-Étienne, les premières difficultés vinrent de l’accroissement de la masse des transactions, en quantité et par l’espace concerné. Deux chiffres aideront à le comprendre : les ingénieurs stéphanois étaient 546 en 1865 ; trente ans plus tard, ils étaient plus de 700 susceptibles d’exercer une activité. La zone de recrutement dans le même temps s’était élargie bien au-delà des frontières, conséquence de l’émergence de nouveaux pôles d’exploitation et de la mise sur pied de structures industrielles particulièrement dynamiques. Les intermédiaires apparurent, souvent des cabinets d’ingénieurs-conseils, à l’image de ce Drouin, ingénieur civil titulaire d’un laboratoire d’analyses minérales et d’essais industriels à Paris, qui ajoutait à cette spécialité, celle de chasseur de têtes pour des sociétés opérant en Amérique latine. L’exemple a beau être unique en l’état, dans nos archives, il ne laisse d’être significatif19.
25Ne pas gérer le marché de l’emploi, c’était courir le risque qu’il se rétrécisse dangereusement. Cela, les responsables de l’Amicale le comprirent rapidement. Il fut décidé de prendre l’Annuaire comme outil et d’inciter les sociétaires à agir transmettre les informations. Le bureau mena campagne avec fermeté contre le « manque de renseignements sur les vacances qui se produisent dans d’autres bassins que le bassin de la Loire », et demanda à être renseigné sur tout poste libéré. « Dans ces derniers mois, des places ont été indiquées à plusieurs membres qui avaient négligé de dire qu’ils étaient placés ou qu’ils avaient changé de résidence ; dans les premiers cas, les places peuvent avoir été perdues pour l’école ; dans le deuxième, ce sont les membres négligents qui ont eux-mêmes été devancés par des concurrents plus rapidement informés ». Il fallut se battre contre le silence des « camarades », rectifier les « erreurs » de l’annuaire : « nous ignorons l’adresse de beaucoup d’anciens élèves », déplorait encore le bureau en 1879. Enfin, pour cerner au plus près l’évolution de l’emploi, il fut décidé de créer des comités de districts20.
26Sans le savoir, l’Amicale se préparait au pire, qui survint dans le courant des années 1880, sous la forme de la crise profonde qui frappa l’industrie minière et métallurgique. Les répercussions en furent majeures sur le marché de l’emploi et la structure des carrières des ingénieurs, des difficultés dont l’Amicale se fit l’écho année après année. En 1884, on trouve mentionné « la situation défavorable de l’industrie. […]. Nous avons pu indiquer de nombreuses places à nos jeunes camarades ; nous espérons qu’à la première reprise des affaires nous serons aussi heureux pour plusieurs camarades plus âgés que la crise actuelle a momentanément privés d’emplois ». En 1885 : « le nombre de camarades que nous avons réussi à placer […] a été relativement considérable, eu égard à la crise violente que traverse l’industrie ». En 1886 : « la crise industrielle que nous traversons est si violente qu’elle a déterminé la suppression de nombreux emplois ». En 1887 : « la crise industrielle a redoublé de violence ; plus que jamais les suppressions d’emplois ont été nombreuses et pénibles21 ». La disparition de Terrenoire, en 1889 fut, dans ce climat fortement dégradé, plus qu’une catastrophe, un désastre en termes d’économie et de culture technique. Avec l’entreprise disparaissait un débouché majeur pour les ingénieurs, et la faillite toucha par ricochet l’école qui entretenait avec l’entreprise des liens étroits pour la mise au point des produits et la recherche expérimentale. Euverte disparut du conseil de perfectionnement et l’affaiblissement fut certain.
27Le suivi des élèves brevetés, que j’ai pu effectuer, promotion après promotion, entre 1865 et 1895, en étudiant chaque année l’Annuaire de l’Amicale, donne à voir une évolution spectaculaire des zones de recrutement et des carrières. Plusieurs faits majeurs apparaissent à l’observation. On relève, au plan géographique, l’effacement relatif du bassin houiller de la Loire au profit du Nord et du Pas-de-Calais, ce qui est somme tout attendu. Mais on enregistre aussi l’importance croissante des emplois internationaux sur des zones ou des sites privilégiés : Boleo en Californie, Huta Bankowa en Pologne, Belmez en Espagne, Donetz en Russie, et quelques sites en Italie. Le nombre des séjours temporaires sur des sites miniers ou métallurgiques extérieurs à la métropole, qui déjà avait fortement augmenté dans les années soixante-dix, atteint son maximum dans les années 1880. On note, au plan des secteurs de recrutement, une évolution contrastée, avec un renforcement de l’embauche dans les bassins houillers qui deviennent véritablement à ce moment les lieux centraux du recrutement des ingénieurs stéphanois tandis qu’en parallèle, et par contraste, les petits secteurs traditionnels de recrutement comme la briqueterie, la cimenterie, la construction disparaissent à peu près totalement. Autre fait notable, tandis que le recrutement dans les usines à gaz et les compagnies de chemin de fer se maintient à son niveau antérieur, apparaissent les premiers recrutements dans l’électricité, et de l’individualisation, avec l’individualisation, à côté du métallurgiste, du métier de chimiste. Enfin, la tendance lourde à l’effacement des emplois de directeur se confirma. Cette sorte d’emploi disparaît, du moins pour les ingénieurs stéphanois, au profit d’un profil de carrière de type « administratif » ou si l’on préfère « ferroviaire » ou « minier » avec des étapes définies : ingénieur ordinaire, ingénieur principal, ingénieur divisionnaire, ingénieur en chef, que les ingénieurs cherchaient à accomplir en spéculant sur les compagnies, en passant d’une compagnie à l’autre22.
28Ce dernier point est capital. Car l’évolution la plus spectaculaire, la plus significative aussi des difficultés de l’époque se rapporte à la profession elle-même. Les carrières longues et régulières dans une même compagnie ou à la tête d’une exploitation de moyenne importance, caractéristiques des années 1840-1880, devinrent l’exception. On rencontre au contraire à partir de 1880, une majorité de carrières heurtées, marquées par deux faits : a) le raccourcissement des périodes d’emploi au sein d’une même entreprise ; b) la multiplication des périodes de chômage, et pour tout dire leur banalisation. Il devint courant pour un ingénieur de demeurer une année ou deux en attente d’un poste, et de vivre durant ce temps, faute de mieux, de petits travaux d’ingénierie civile. Ces moments apparaissent dans les cursus par la mention « ingénieur civil » qui est donnée au lieu de celle de l’emploi et/ou de la fonction dans une compagnie, avec pour localisation la ville ou habite l’ingénieur, souvent celle d’ailleurs dont il est originaire.
29Au total, les ingénieurs apprirent à mener carrière dans la discontinuité, à faire feu de tout bois, c’est-à-dire à changer de société, de spécialité, de pays. Les ingénieurs métallurgistes furent les grands spécialistes de la mobilité, encore que, dans leur cas, cela relevait plus de la volonté d’acquérir un volant d’expériences complémentaires que de la conséquence de suppression de postes. C’est ce que donnent à penser les carrières de Berthenod et de Sabat, l’un et l’autre de cette promotion de 1885. Employé par la Compagnie de la Marine, Berthenod travailla aux forges de l’Horme entre 1887 et 1889, puis à celles de Boucau, pour devenir finalement directeur de l’usine de tissage mécanique Bichelette. Sabat, lui, passa deux ans aux forges de St Jacques à Montluçon, un an à Bessèges, un an aux hauts-fourneaux de la Rochette, enfin un an aux hauts-fourneaux et aciéries du Saut-du-Tarn. Mais cette sorte de spéculation autour de la qualification acquise et à acquérir, demeura l’exception à ce moment. La plupart des ingénieurs changeaient de société pour survivre autant que pour progresser. Ainsi, Milson, de la promotion 1877, travailla un an aux mines de Ronchamp, puis quitta la métropole pour l’Algérie, fut employé un an encore à Mokta-el-Hadid, passa aux mines de la Tafna, où il demeura une dizaine années et devint finalement agriculteur… Macquard, de cette même promotion 1877, eut pour seul emploi régulier en dix ans d’intervalle, le poste d’ingénieur chef de service au port d’Engos à Haubourdin dans le Nord, qu’il occupa entre 1880 et 1882. Même profil pour Dupin sorti l’année suivante, qui, sur une période de dix ans, connut seulement trois années de stabilité, en étant à Lyon, ingénieur attaché au service de voirie.
30En 1885, ils ne furent que deux sur les dix-huit sortants à faire carrière durablement : Durand à Anzin, Louinet aux forges de St Chamond. Tous les autres connurent l’incertitude : Escarré dut attendre quatre ans (trois ans de service militaire, un an de chômage) avant de trouver du travail à Graissessac en Hérault ; il y resta trois ans, et après une nouvelle année de chômage partit au Tonkin. Gollion, travailla quatre ans en Belgique, un an aux mines de L’Escarpelle à Douai, puis il quitta le Nord pour l’Aveyron, resta trois ans aux mines de Villefranche, passa aux mines de Campagnac où il était ingénieur en 1891, et termina sa carrière à Pont-Péan, en Bretagne. Dans les nouvelles stratégies de carrière qui s’imposaient, beaucoup utilisèrent l’étranger comme une sorte de sas. Ils furent 79 exilés volontaires sur un total de 206 élèves dans la décennie 1880, soit 38 %, le double de la période précédente. Partir, c’était faire fructifier sa qualification, voire tout simplement ne pas la perdre ; c’était aussi l’occasion de se donner un coup de pouce financier eu égard à la différence de salaire, de quoi ensuite, de retour en métropole, faire face à l’incertitude.
Un diplôme, pour quel métier ?
31C’est entre 1887 et 1891, par une série de décrets et d’ajustements, que l’École des Mines de Saint-Étienne obtint officiellement le droit à décerner un diplôme d’ingénieur. Le diplôme était devenu un outil indispensable dans ce contexte de crise généralisée et de remaniement du marché de l’emploi. La reconnaissance officielle du fait que Saint-Étienne formait des ingénieurs s’imposa sous le coup de la transformation des structures industrielles et de l’impact de cette transformation sur le marché de l’emploi. Du fait de la multiplication des faillites, du fait des difficultés financières et du climat social alourdi23, les chefs d’entreprises, y compris le patronat des grandes compagnies, ne furent plus en mesure d’assurer l’attribution du titre par fonction. L’industrie cessa de jouer le rôle d’instance qualifiante qu’elle avait joué jusque-là. Que valait par exemple l’attestation d’avoir travaillé comme ingénieur à Terrenoire, compagnie déchue ? L’exemple pourrait être multiplié. Il fallait à la négociation d’autres garanties, une attestation fiable, neutre, dénuée de marque patronale, et partant non susceptible par la suite d’être déconsidérée, un document qui fît foi à l’échelle du nouveau marché du travail. Il fallait une autre instance qualifiante. En d’autres termes, le brevet délivré par l’école n’était plus adéquat et l’élève sortant, contraint désormais de négocier dans divers lieux et auprès de multiplies compagnies pouvait en faire les frais. Voici un exemple de cette réalité : parti tenter la fortune en Uruguay en 1890, Boudénes réclame au directeur « une lettre qui expliquerait la disproportion qui existe entre l’instruction réellement donnée à l’école et la forme des brevets ». Son frère, qui sert d’intermédiaire, explique : « il ne parvient pas à faire admettre qu’il est ingénieur civil, par suite de la forme du brevet (3e classe) qui semble indiquer que les connaissances acquises à Saint-Étienne sont celles d’une simple école primaire ». Le nouveau marché de l’emploi obligeait à de nouvelles dispositions juridiques. Sauf à fermer l’École, il était difficile de ne pas accéder à cette nouvelle réalité.
32Mais le titre que l’École obtint de décerner : ingénieur civil des mines, n’était pas celui que l’Amicale attendait. Cette manière de la confiner dans sa principale spécialité fut une grande défaite pour l’École et pour le patronat qui la soutenait, stéphanois surtout, houiller à un moindre degré. En 1880, après l’obtention de la troisième année, Devillaine avait pavoisé sans retenue : « Vous savez tous que nous avons reçu satisfaction complète et que la promotion entrée en 1879 a inauguré le nouvel ordre d’études ». Et, tout à l’enthousiasme de la victoire, il dressait le programme des années à venir : « il ne reste plus maintenant qu’à obtenir une extension des programmes d’entrée […]. L’école aura conquis définitivement le rang qui lui est dû, nous verrons comment, conformément au désir émis par quelques-uns de nos camarades, obtenir que l’école reçoive officiellement le vrai nom qu’elle doit porter, celui d’École des Mines de Saint-Étienne ». Inattendue, la crise économique amena l’Amicale à mesurer l’ambiguïté de la demande. École des Mines : que représentait l’appellation, en effet ? Une charge symbolique forte pour le parallélisme que cela établissait avec Paris. Mais derrière le symbole, il y avait la réalité du recrutement. Le piège était là. Le bureau comprit rapidement qu’il y avait risque à enfermer l’école sur le domaine minier, alors qu’il faisait tout pour l’éviter, ce qu’indique l’appel fait aux adhérents en 1881 : « le trop petit nombre d’ingénieurs métallurgistes nous a empêché de remplir divers postes importants en France et à l’étranger. Il serait à souhaiter que la métallurgie fût moins délaissée par les élèves sortants » ; ce qu’indique encore l’avertissement lancé en 1888 : « si les mines et la métallurgie ne peuvent suffire, poussons les jeunes gens sortant de l’école dans les chemins de fer, les constructions et les multiples industries qui leur ont été fermées jusqu’ici ». Et, dans le droit fil de cette logique, la commission « nommée […] pour s’occuper de toutes les questions se rattachant à l’organisation ou à l’amélioration de l’école » délaissa la question de l’appellation au profit d’une revendication jugée autrement importante, celle de la mise sur pied d’un conseil de perfectionnement recruté en partie parmi les anciens élèves.
33Quelques mois plus tard, c’était chose faite. Le décret du 30 mars 1882 qui instituait le conseil de perfectionnement fut salué avec la solennité qui convenait : enfin, les anciens élèves obtenaient le droit de siéger dans une instance de direction en compagnie de l’administration et de deux « grands industriels » qui furent jusqu’en 1888 Schneider et Euverte. Il y avait de quoi pavoiser. « Ce sera le point de départ d’une ère nouvelle de prospérité », se félicita Devillaine. Mais la partie du décret qui modifiait l’appellation de l’école, qui la faisait passer d’École des Mineurs à École des Mines, fut accueillie beaucoup plus froidement. « Tous ceux qui connaissaient l’école n’attachaient aucune importance à son nom. […]. Le nom n’a qu’une importance secondaire ». Bien sûr, il y avait modestie feinte à considérer que la confusion possible autour du terme « école de mineurs » entre les écoles de Saint-Étienne, Alais et Douai nouvellement ouverte, n’était possible que pour « quelques personnes à l’étranger ». Et, en bonne tactique, la pudeur s’imposait vis-à-vis de l’École des Mines de Paris. Mais la froideur signifiait plus que cela. En terme de recrutement, la nouvelle appellation était gênante. N’en pouvant mais et déçus, les dirigeants de l’Amicale philosophèrent : « École des Mines, tant mieux, pourvu que l’École des Mines ne perde pas la réputation que s’était acquise l’École des Mineurs et qu’elle réponde à l’attente de l’Industrie en lui donnant des Ingénieurs intelligents, instruits, laborieux et intègres24 ».
34L’obtention du droit au diplôme, entre 1887 et 1891, s’effectua dans ce même registre, ce mélange de contentement et de dépit. Car l’administration n’accorda que du bout des lèvres un droit qu’il ne lui était plus possible de refuser. Elle le fit avec la plus parfaite mauvaise grâce et dans l’ambiguïté la plus totale. L’arrêté ministériel du 6 décembre 1887 décida en effet que les brevets des trois classes porteraient la mention : « apte à exercer les fonctions d’ingénieur ». La réaction fut immédiate : pourquoi les trois classes ? Refusant ce qu’il jugeait une dévalorisation de fait, le conseil de perfectionnement demanda et obtint que les brevets de 1re et 2e classe soient les seuls à porter la mention d’ingénieur en arguant du fait qu’il n’était pas question de « tromper les industriels en laissant une impression nuisible à la réputation de l’école et au placement des élèves sortants ». Trois ans plus tard, en 1890, le décret organique qui réalisait la synthèse des modifications antérieures, supprimait les trois classes de brevet et instaurait en lieu et place un « diplôme supérieur d’anciens élèves de l’École des Mines de Saint-Étienne aptes à exercer les fonctions d’ingénieur » pour les élèves ayant obtenu 65 % au moins des points de mérite, et pour les autres, un certificat d’aptitude25. Une nouvelle fois, l’Amicale, en la personne de Devillaine, son président, protesta :
« Aptes à exercer les fonctions d’ingénieur : qu’est ce que cela veut dire ? Je l’ignore. Est-il juste de refuser le titre d’ingénieur à ceux qui ont obtenu le diplôme supérieur, alors qu’on l’a accordé à l’école centrale et aux élèves externes des écoles des mines de Paris et des Ponts et Chaussées ? Nous ne cesserons pas de protester contre cette inégalité flagrante ».
35Notons bien la suite, car chaque mot importe : « Le Conseil de perfectionnement a émis un vœu fortement motivé pour que le titre d’ingénieur soit décerné à tous les élèves de l’école de Saint-Étienne qui auront obtenu le diplôme supérieur ». Voilà donc, à l’instar de Centrale, le diplôme que l’Amicale souhaitait voir décerner : un diplôme d’ingénieur de l’École des Mines de Saint-Étienne26, un diplôme lié à une école, et non à une fonction.
36C’est cela qu’on leur refusa, même s’ils eurent gain de cause à propos de l’expression malheureuse : « aptitude à ». L’administration n’apporta aucun correctif officiel au décret de 1890, seulement à partir de 1891, les diplômes délivrés portèrent le titre : « École des Mines de Saint-Étienne. Diplôme d’Ingénieur civil des Mines ». Pour le compte, l’accueil fut glacial. On remercia Joseph Lévy et Leseure « d’avoir pu obtenir ce résultat si longtemps désiré », et ce fut tout. On le comprend aisément : la teneur du diplôme mettait l’Amicale complètement en porte-à-faux par rapport à son désir d’élargir les débouchés de l’école. Comment « proclamer hautement que nous pouvons faire avec le même succès des métallurgistes, des constructeurs de machines, etc. » avec un diplôme portant officiellement la mention d’ingénieur civil des Mines ? Déjà, en 1865, le conseil de l’école avait demandé que les brevets de 1re et 2e classe portent expressément la mention d’ingénieur civil pour les mines et pour les usines métallurgiques, « avec raison », commente Léopold Babu qui relate l’affaire. Et, en 1890, l’Amicale déplorait encore une « sphère d’action trop limitée ». Les ingénieurs de Saint-Étienne occupent les trois quarts des places de l’exploitation des Mines, mais, ajoutait le bureau, « nous devons regretter de n’en posséder davantage dans la métallurgie et de ne tenir qu’un rang tout à fait insuffisant dans les constructions mécaniques ou autres et dans les arts industriels ». Comment conjuguer cette volonté d’élargissement – c’est-à-dire mener jeu égal avec l’École des Mines de Paris et Centrale – et la nature du diplôme ? D’où le désappointement et le silence. L’Amicale venait de subir une défaite, et elle le savait27.
37Elle le savait d’autant plus qu’en parallèle, elle menait un autre combat. La loi militaire de 1872 avait institué le service actif universel, sans qu’il y ait eu de conséquences pour l’école. Les députés de la Loire, Montgolfier en tête28, avaient défendu les intérêts des élèves et obtenu sans difficulté d’ailleurs, l’alignement du statut militaire des élèves de l’école sur ceux des grandes Écoles parisiennes, « sur les Écoles de l’État similaires ». Outre qu’ils bénéficièrent du droit au sursis jusqu’à l’âge de 24 ans (art. 57), les élèves furent autorisés à effectuer après leurs études le volontariat d’un an qui avait été institué pour les élèves des grandes écoles. La loi de 1889 mit un terme à ce dispositif en supprimant les sursis et en n’accordant de dispenses qu’aux grandes écoles parisiennes. Les Stéphanois découvrirent avec surprise et colère que l’École des Mines avait été versée dans la catégorie des « petites écoles » techniques de l’État, à côté d’Alais et Douai. Et pour comble, une « situation exceptionnelle » était faite à Centrale (en l’article 28) qui fut « militarisée », c’est-à-dire que des dispositions furent prises pour donner à ses élèves une formation militaire incorporée au cursus pédagogique : moyennant un engagement de quatre ans de service et l’instruction militaire reçue pendant les trois ans d’école les Centraliens n’avaient plus à passer qu’un an sous les drapeaux.
38Du jour au lendemain, les élèves de Saint-Étienne se trouvèrent dans l’obligation de quitter l’école des Mines pour l’armée, le plus souvent entre la deuxième et la troisième année d’études. Or, faute d’un nombre suffisant de chaires, les enseignements étaient organisés avec des cours communs à ces deux divisions. Déjà le conseil de perfectionnement s’en plaignait, déplorant le fait que chaque promotion perdait le bénéfice de deux années pratiques, que les élèves « devaient rayer de leur projet de voyage tantôt l’étude des machines et la visite des usines à fer, tantôt la visite des mines » et soulignait « le danger auquel on s’exposait en livrant à l’industrie des élèves terminant à peine l’étude des dernières leçons de leurs cours29 ». Voilà qu’en plus, on imposait aux élèves d’interrompre ces années capitales à l’acquisition pratique de leur métier pour rejoindre leur régiment. C’était retirer par la bande le bénéfice de l’enseignement en trois ans. Et, qui aurait voulu enlever sa valeur au tout jeune diplôme d’ingénieur, n’aurait pas agi autrement. Il y eut à l’école un moment de stupeur et de découragement.
39Une nouvelle fois, il fallait défendre la place de Saint-Étienne aux côtés de Mines Paris et de Centrale ! L’Amicale s’indigna : « Nous avons été surpris de voir que ce projet ne donne pas aux élèves de l’École des Mines de Saint-Étienne une situation égale à celle des élèves de l’École Centrale des Arts et Manufactures ». Le conseil de perfectionnement protesta tout aussi vigoureusement en soulignant le caractère discriminant de la décision. Alfred Evrard, Devillaine, Joseph Lévy et Villiers qui siégeaient en tant qu’« anciens élèves » ; Montgolfier, alors président de la Chambre de commerce et Henry, ingénieur-chef du PLM qui siégeaient en tant que « grands industriels » ; les ingénieurs des Mines, le préfet, le président du conseil général et le maire de Saint-Étienne qui étaient membres de droit, tous exprimèrent leur étonnement unanime de « voir traiter d’une façon différente deux écoles du Génie civil, qui recrutées sur des programmes analogues, consacrent chacune trois années aux études techniques de leurs élèves, mais encore le projet de loi crée pour l’école centrale des arts et manufactures un véritable privilège qui aura pour résultat immédiat le dépeuplement à son profit des écoles similaires en particulier de l’école des Mines de Saint-Étienne ».
« Sans vouloir chercher à établir une comparaison délicate et d’ailleurs inutile sur la valeur respective des enseignements donnés par les trois Écoles, il semble hors de contestation 1° que les concours pour l’admission sont aussi difficiles à l’école des Mines de Saint-Étienne ; 2° que les élèves admis obtiendront sans difficultés plus grandes les diplômes à l’école des Mines de Paris et à l’école Centrale […]. La conclusion qui s’en déduit avec certitude, c’est que la plus grande partie des candidats qui sous l’ancien système se présentaient à l’école des Mines de Saint-Étienne rechercheront de préférence leur admission à l’école des Mines de Paris et à l’école Centrale 30 ».
40Ceci dit, à tort ou à raison, les Stéphanois choisirent pour convaincre de se dédire, et foulant leur désir de voir élargir les sortes de recrutement, ils jugèrent opportun d’user de l’argument de la spécificité :
« Il n’est pas contestable que l’école des Mines de Saint-Étienne, créée par l’État, dans un centre minier et métallurgique important, répond à un besoin public qui restera en souffrance le jour où cette école serait obligée de fermer ses portes ou verrait diminuer dans des proportions considérables le nombre de ses élèves. L’école des Mines de Saint-Étienne est en effet la pépinière des Ingénieurs de nos exploitations minières, moins scientifique que l’école des Mines de Paris, n’embrassant pas dans son enseignement comme l’école Centrale, la science de l’Ingénieur, elle ne saurait être remplacée par aucune des deux ».
41C’est là, sans doute, qu’ils donnèrent des arguments à leurs détracteurs.
42L’effet le plus tangible de la loi militaire de 1889 avait été la désorganisation complète des enseignements. Les chinoiseries de la loi et des règlements d’administration et dépêches qui suivirent, obligèrent les élèves soit à devancer l’appel, à la recherche d’un éventuel refus pour défaut de constitution qui leur donnait un sursis suffisant pour faire leurs trois années d’études sans interruption31 ; soit, à entamer leurs études, passer un an ou deux ans à l’école suivant leur âge, puis partir sous les drapeaux, et pour certains y revenir. En effet, les quatre premiers cinquièmes de ceux qui avait obtenu dans leur scolarité 65 % au moins du total des points de mérite obtenaient un congé pour revenir terminer leurs études au bout d’un an de service. En 1891 et 1892, Leseure présente au conseil de perfectionnement une situation proprement apocalyptique, qui le met dans l’incapacité de savoir même qui sera présent à l’école et qui ne le sera pas :
« La situation de l’année 1891-1892 sera la suivante. La 1re division comprendra 18 élèves, sous le bénéfice de la circulaire du 7 novembre 1889. La 2e division pourra comprendre les 21 élèves de la 2e division actuelle et les sept élèves qui rentreront sous bénéfice du sursis après une année de service militaire. Je dis pourra comprendre. En effet, Ch. Levard a refusé de s’engager et appartient à la classe de 1890. Ch. Poirot qui avait demandé à contracter un engagement a été refusé pour défaut de constitution. Nous pensons qu’il pourra obtenir un sursis aux termes de la dépêche de Monsieur le Ministre de la Guerre du 28 septembre 1889, s’il n’est ni ajourné ni réformé ».
43Incapable désormais de connaître avec exactitude ses effectifs, l’école supporta vaille que vaille le va-et-vient de ses élèves, leur départ à l’armée et leur retour. Cette situation qui demeura en l’état jusqu’en 1896, ne fut pas sans répercussions sur le recrutement (« en 1887 et 1889 […], le nombre de candidats s’était rapidement accru. Depuis ce moment, il est resté stationnaire, tandis qu’il semble avoir augmenté dans les autres écoles appelées à bénéficier de la dispense des deux années de service ») et sur l’embauche (« En 1892, 14 ont obtenu le diplôme et 3 le certificat d’études. Cinq font leur service militaire et ne seront libres qu’au mois d’octobre prochain. Dix ont déjà trouvé une position dans l’industrie privée. Deux ne sont pas encore placés et ne peuvent guère être acceptés dans les compagnies parce qu’ils passent cette année seulement devant le conseil de révision »). En bref, l’école était tombée sous la coupe du ministère de la Guerre et de ses décisions.
44La riposte, menée dans les règles de l’art, débuta, en décembre 1889, par une pétition des élèves demandant que dans l’application de la loi militaire, l’École des Mines de Saint-Étienne fût assimilée à l’école des Mines de Paris. Adressée au préfet, elle fut transmise au ministre avec le soutien du préfet lui-même, des sénateurs et députés de la Loire, de la Chambre de commerce de Saint-Étienne, du comité central des Houillères de France et du comité des Forges de la Loire. Au Sénat, Reymond et Brossard, le premier Centralien, le second ancien de l’École des Mines, multiplièrent les démarches auprès des pouvoirs publics. Et l’Amicale enquêtant sur place à la recherche d’une solution concrète à son habitude, souligna que rien n’empêchait la militarisation de l’École des Mines de Saint-Étienne à Saint-Étienne même « et l’instruction des élèves par des sous-officiers sous la direction d’un capitaine qui serait chargé d’un cours d’art militaire », ajoutant qu’elle n’hésiterait pas à prendre à sa charge « les dépenses que pourraient occasionner ces innovations32 ». La manière dont la loi de 1889 avait privilégié outrageusement les Centraliens y compris vis-à-vis de l’école des Mines de Paris et de l’école des Ponts, incita la Chambre à réagir favorablement.
45En 1892, lors de la discussion sur la nouvelle loi militaire – elle fut votée en novembre – de nombreux indices donnaient à penser que l’affaire allait être résolue dans un sens favorable aux Stéphanois. La Chambre avait demandé un rapport au ministre des Travaux Publics présentant toutes les explications concernant l’instruction militaire à donner dans l’école et les modifications à prévoir pour l’organisation des cours. Le conseil de perfectionnement que le ministère des Travaux Publics consulta fit valoir :
- que les conditions physiques d’aptitude seraient réglées comme elles l’avaient été pour Centrale ;
- que la ville de Saint-Étienne offrait toutes les ressources pour donner aux élèves une instruction militaire complète ;
- que cela entraînerait une modification minime de l’emploi du temps en retenant les élèves une heure de plus le soir.
46Enfin, la commission des Armées émit un avis favorable. Aussi bien, deux amendements furent proposés, l’un qui tendait à assimiler pour le service militaire, les élèves de l’École des Mines de Paris et ceux des Ponts et Chaussées aux élèves de Centrale ; l’autre qui proposait de rendre applicables aux élèves de Saint-Étienne, les décisions de l’article 28 de la loi de 1889, relatives aux élèves de Centrale. En dépit du distinguo subtil qu’instauraient les demandes, l’école obtenait la satisfaction symbolique de se voir placée comme elle en avait le souhait, sur le même pied que les écoles parisiennes.
47En arrière-plan, le conseil de perfectionnement jouant avec une certaine habileté des tensions et querelles entre les ministères de la Guerre et des Travaux publics proposa une réorganisation des enseignements autour d’une cinquième chaire. On sait que la décision fut prise en 1893, au prix il est vrai de l’éviction momentanée de Tauzin. George Friedel fut nommé en 1894. En 1896, première année d’application de la mesure, le directeur marquait son soulagement de voir l’école retrouver une marche « régulière et normale » et son contentement que soit enfin réalisée « la séparation absolue au point de vue de l’enseignement des trois divisions33 ».
En conclusion : la puissance de la Guerre
48Ce fut le seul véritable succès. Car Freycinet intervint à la Chambre et demanda à la commission de l’armée de ne pas poursuivre la discussion au motif que le ministère de la Guerre étudiait un projet de loi embrassant toutes les écoles susceptibles de fournir des sous-officiers de réserve. Toutes les tentatives faites ensuite pour atténuer l’impact de la loi militaire s’épuisèrent dans les sables parlementaires et gouvernementaux. En vain, l’école tenta-t-elle de jouer de l’appui qu’elle reçut du colonel Priou chargé des leçons d’artillerie à l’École supérieure des Mines. En vain, en 1893, la Chambre vota-t-elle en première lecture une proposition de loi qui assimilait l’École des Mines de Saint-Étienne à Centrale. Il y eut, tout aussi vainement, les demandes réitérées du Conseil général de la Loire, de la municipalité de Saint-Étienne, de la Chambre de Commerce, de l’Amicale. Ce fut en vain encore que la Commission du Travail de la Chambre des députés exprima un vœu unanime pour l’assimilation des élèves de Saint-Étienne à ceux de Centrale34.
49Et ce fut sans plus de résultat qu’Audiffred, président du Conseil général déposa à la Chambre des députés en 1899, une proposition de loi, « revêtue de 53 signatures » dont celle du ministère de la Marine tendant à faire passer Saint-Étienne dans le groupe des écoles supérieures. Rien n’y fit. En 1902 encore, Tauzin, rappelé en 1896 pour diriger l’École dans les conditions que l’on verra, interpellait Waldeck-Rousseau, alors président du Conseil et venu à Saint-Étienne en compagnie de ses ministres de la Guerre, de la Marine, du Commerce et des Colonies, et déplorait publiquement qu’au risque de compromettre leur avenir, les ingénieurs soient obligés, malgré de très fortes études, d’accomplir trois années de service militaire, « obligation à laquelle ils se dérobent parfois, fait remarquable, en se faisant recevoir à la licence ». Sans relever ce déport vers l’Université des ingénieurs désireux d’échapper aux contraintes du service militaire, Waldeck-Rousseau promit l’équité et salua en l’école, un « admirable exemple de décentralisation35 ».
50L’incapacité de l’Amicale et du conseil de perfectionnement à rétablir la situation en faveur de l’école témoigne a contrario de la puissance de la Guerre, une puissance qu’il convient de placer moins du côté de la politique – l’Affaire Dreyfus battait son plein – que du côté de l’économie et de la technique. Avec cette hypothèse, que l’impuissance stéphanoise s’explique en partie par l’importance du ministère en tant que client et donneur d’ordres sur des marchés désormais vitaux. Étonnamment en effet, ni l’Amicale, ni le conseil de perfectionnement, ne menèrent de combat ouvert, passé 1892. On enregistre les soutiens reçus ; on travaille à faire connaître l’école ; on la fait visiter ; on multiplie les participations aux manifestations des sociétés savantes. Mais tout cela s’accomplit sur un ton policé, neutre, ou plutôt neutralisé. L’action est discrète. Les grandes envolées ont cessé.
51Or, qui entre à ce moment au conseil de perfectionnement ? Cholat, en remplacement de Henry, décédé. Et, du coup, qui sont les deux personnes représentant statutairement les « grands industriels » ? Montgolfier, le patron des Forges et aciéries de la marine, Cholat, l’administrateur-délégué des Aciéries de Saint-Étienne. Des aciéristes donc, et pour Montgolfier, parmi les plus importants, en concurrence directe avec Schneider et Wendel, sur le marché, porteur au premier chef des aciers spéciaux pour les blindages, avec pour principal commanditaire et juge suprême des qualités requises pour le métal la Guerre et la Marine. La faillite de Terrenoire qui résonnait encore douloureusement dans les mémoires, incitait à la prudence. Qui, de Montgolfier ou de Cholat, qui parmi les aciéristes stéphanois aurait pris, au nom de la défense de l’école, le risque de perdre des marchés ? À l’inverse, jusqu’à quel point, aux termes d’une concurrence mal comprise, certains parmi les autres industriels de l’acier (ou d’autres secteurs) pensèrent par ce biais à affaiblir le pôle de production stéphanois, c’est ce qu’il conviendrait de savoir.
Notes de bas de page
1 En quoi, il était plus praticien que Grüner et de ses collègues savants qui voulurent imposer une nomenclature « pure » de l’acier, qui, pour parfaite qu’elle fût, ne fut pas suivie dans la pratique économique.
2 Comptes rendus mensuels de la Société de l’industrie minérale, 1879, p. 11-12 et 185-186.
3 N. Chézeau, L’émergence…, op. cit., p. 258.
4 L. Aguillon, Notice…, op. cit., p. 195, n. 1 et p. 225, n. 1. « par décision ministérielle du 13 février 1883, intervenue à la suite de la réorganisation faite dans l’organisation faite dans l’École de SaintÉtienne par le décret du 30 novembre 1882. Cette École a quitté, en vertu de ce décret, son antique nom d’École des mineurs pour prendre celui d’École des mines ».
5 Créé en 1885, par dédoublement du cours de Législation que professait L. Aguilon. Il fut attribué à E. Cheysson. L’énoncé ne résume par la création des cours qui eut lieu lors de cette réorganisation.
6 L. E. Grüner disparut en 1882. Lan devint directeur de l’École en 1883 et mourut en 1885. Il fut remplacé par Luuyt qui lui-même disparut en 1887. Haton de la Goupillière lui succéda.
7 « Il est très au courant des méthodes d’investigation de la pétrographie ; c’est lui qui a formé M. Termier. Doué d’un goût ardent pour les études géologiques, M. Le Verrier restera un collaborateur actif et dévoué de la carte, même s’il est appelé à des fonctions scientifiques d’un ordre différent », AN F 14, 11414. Le laboratoire de chimie fut mis sur pied en 1884. Sauf mention contraire, la référence vaut pour toutes les citations concernant U. Le Verrier.
8 ADL, 106 J 10 001, 19 mai 1888.
9 Voir l’excellente biographie réalisée par B. Jacomy in C. Fontanon et A. Grelon (dir.), Les professeurs du Conservatoire national des Arts et Métiers. Dictionnaire biographique, 1794-1955, 1994, tome 2, p. 116-126.
10 « Il est bon de n’apporter, pourvu que le service soit assuré, aucune entrave aux services que le Corps des Mines peut être appelé à rendre à l’industrie », cité par A. Thépot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 348.
11 M. Letté, « De l’invention à l’organisation collective de la recherche industrielle », in U. Fell (dir.), Chimie et industrie en Europe. L’apport des sociétés savantes industrielles du xixe siècle à nos jours, 2001, p. 41-67.
12 A. Vicaire, « L’industrie métallurgique dans le bassin de la Loire », Bulletin de la Société de l’industrie minérale, 1909, p. 56-57. Il s’agit du fils d’Eugène Vicaire, qui enseigna, comme son père, à Saint-Étienne. Il était au conseil d’administration de Schneider & Cie. A. Thépot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 255.
13 Cité par G. Ribeill, « Les questions de stabilité dynamique dans les chemins de fer. Expériences et/ou théories à l’épreuve d’un siècle à l’autre », in C. Fontanon (dir.), Histoire de la mécanique appliquée, 1998, p. 154. « Sauf dans la 6e partie, toutes nos formules ont été établies par des méthodes nouvelles purement théoriques, basées sur la mécanique sans emploi de formules empiriques », écrivait Marié dans son introduction, ibidem.
14 En 1897, il réunissait 16 personnes dont 9 ingénieurs des Mines, le maire de Saint-Étienne et 6 industriels (et 5 excusés). Et ce malgré la décision prise un an plus tôt, à la demande de l’Amicale, de faire passer le nombre des anciens élèves de 4 à 6, ADL, 106 J 10001. Sauf mention contraire, cette référence vaut pour les citations le concernant.
15 Je reprends ici les termes de l’hommage que lui rendit Léon Guillet, qui lui succéda à la chaire de métallurgie et travail des métaux au CNAM, en 1890, cité par B. Jacomy, ibidem.
16 Il fut écarté de la chaire de géologie appliquée de l’École des Mines de Paris en 1889 et n’obtint pour tout enseignement le cours préparatoire de physique. L’attribution de la chaire de métallurgie au CNAM, en 1890, tint du lot de consolation. « Ministère des travaux publics, M. Le Verrier. Écrire au ministre du commerce que dans le cas où sa chaire serait créée au Conservatoire, on verrait avec le plus grand plaisir qu’elle fût confiée à M. Le Verrier », trouve-t-on dans son dossier.
17 La partition demeura jusqu’en 1899. À cette date la chaire de métallurgie fut réunifiée, mais on lui retira l’enseignement de la chimie. L. Babu, Histoire…, op. cit., annexes, p. III-IV.
18 Leseure qui avait dirigé pendant dix ans les Forges de l’Horme était très apprécié du milieu entrepreneurial stéphanois. Il quitta l’École en 1894 et fut remplacé par de Castelneau.
19 ADL, 106 J 36, 1887.
20 Annuaire de l’Amicale, 1878, p. 36 et 1879, p. 43-44. « Les adresses ne sont plus exactes ; les mandats reviennent impayés » déplorait encore le bureau en 1887, op. cit., p. 77. « Votre conseil avait jugé utile de créer un grand nombre de districts, de façon à être mieux renseigné sur les places vacantes », id., 1882, p. 50.
21 Annuaire de l’Amicale, 1884, p. 51 ; 1885, p. 55 ; 1886, p. 59 ; 1887, p. 76.
22 Suivi effectué par le dépouillement complet de l’Annuaire, liste des élèves brevetés entre 1860 et 1895. La source n’est fiable qu’à condition de considérer qu’elle donne des indications de mouvements et non la biographie précise des membres.
23 ADL, 106 J 36, 1890. Société nouvelle des houillères et forges de l’Aveyron : « Monsieur, notre administration a l’intention de rétablir à Decazeville, le poste de chimiste qui avait été supprimé après la grève ». La référence vaut pour la citation suivante.
24 Annuaire de l’Amicale, 1880, p. 43-44 ; 1881, p. 49 ; 1883, p. 51-54 ; 1888, p. 58.
25 Décrets organiques du 18 juillet 1890, Annuaire de l’Amicale, 1891 p. 71-74.
26 « On refuse aux élèves sortants un titre qu’on accorde aux centraux » écrivait J. Lévy au directeur de l’école en 1888.
27 Annuaire de l’Amicale, 1892, p. 67 et 1890, p. 66-67 ; L. BABU, Histoire…, op. cit., p. 117.
28 Il s’agit sauf erreur d’Adrien de Montgolfier, gendre de Verpilleux, qui devint directeur des Forges et Aciéries de la Marine (ex Pétin-Gaudet) en 1874 (le président du CA était Dernière, président de la Société Générale), et membre du conseil de perfectionnement de l’École en 1887. Verpilleux était un des grands industriels stéphanois de la mécanique. S. Chassagne (dir.), Dictionnaire…, op. cit., article « Pétin-Gaudet » et « Verdié ».
29 En 1888 : « La réunion des deux divisions retarde la fin des cours à tel point que les élèves sortants doivent subir les examens qui décident de leur classement définitif, avant d’avoir accomplis leur dernier voyage, le seul qui s’étende à l’ensemble des études […]. La liberté de ne tirer du voyage aucun profit réel nuit à la valeur des travaux de rédaction qu’on nous apporte au retour. Les meilleurs proviennent souvent des élèves souvent mal placés sur les listes de sortie ; car ceux qui sont à peu près sûrs d’obtenir un brevet d’une certaine classe ont perdu tout sujet d’émulation ».
30 Annuaire de l’Amicale, 1889, p. 60 ; ADL, 106 J 10 001, 1889 et 1890.
31 À moins bien sûr d’être réformé. Ces sursis avaient été rendus possibles par une dépêche du ministre de la Guerre en date du 21 décembre 1889. Ils n’étaient pas automatiques.
32 ADL, id., 19 mai 1890 ; Annuaire de l’Amicale, 1889, p. 60.
33 ADL, id., 16 mai 1896.
34 ADL, id., 1894 et 1897. Le vœu fut exprimé après une visite faite à Saint-Étienne par la sous-commission des Mines.
35 AMSE, 18 S 233, janvier 1902.
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