Chapitre 2. Pesey, Geislautern et Saint-Étienne
p. 55-85
Texte intégral
1L’histoire est convergence, faisceau de faits qui se déroulent selon leur rythme propre, entrent en résonance, nouent leurs effets, se séparent puis interfèrent à nouveau. Dans ce mouvement, le contexte est déterminant mais il l’est diversement car lui aussi est composite et les réalités qui le composent et le structurent sont multiples. Dans le contexte global qui fut celui du Directoire, du Consulat puis de l’Empire, qui pourrait prétendre que les entrepreneurs, ingénieurs, ouvriers des deux écoles pratiques des Mines, celle du Mont-Blanc et celle de la Sarre connurent la même histoire ? Comparer l’école pratique du Mont-Blanc (Pesey en Savoie) et celle de la Sarre (Geislautern près du Rhin), c’est opposer le calme des cimes à la turbulence des pays frontaliers1 ; c’est confronter des traditions juridiques totalement différentes ; c’est changer de corpus technique et passer d’une minéro-métallurgie difficile mais bien établie à une sidérurgie en plein renouvellement. Les expériences vécues à Pesey et à Geislautern bien que de même origine et conçues pour les mêmes objectifs, former à la spécialité des Mines les ingénieurs de gouvernement et préparer à leur métier les directeurs de mines et d’usines, n’eurent les mêmes effets, ni les mêmes résultats.
2L’école des Mines de Paris dans sa version moderne naquit à Pesey, ce que le Corps des Mines n’a pas semblé devoir admettre. Certes, l’épisode existe dans la mémoire collective, mais c’est uniquement à titre d’épopée. Tout s’y prêtait il est vrai : la brutalité du transfert : « Pesey, où Chaptal et Napoléon avaient déporté l’école des Mines… » écrit L. Aguillon sans ambages ; la sauvagerie du pays d’accueil, « un pays plus propre peut-être à former des alpinistes que des ingénieurs ou des métallurgistes », ironise-t-il encore ; et jusqu’au naufrage final lors de la chute de l’Empire et la perte de la Savoie : « Lambert, Juncker et Dufrénoy, alors élèves, réussirent à travers les lignes ennemies, voyagèrent treize jours à pied avec 106 francs en poche et parvinrent à Paris avec encore assez d’argent pour s’offrir une voiture pour se rendre dans leurs familles2 ». Le caractère spectaculaire de ces événements ne doit pas en laisser accroire. L’École pratique du Mont-Blanc a été le premier établissement officiellement et durablement consacré à la formation d’ingénieur et d’entrepreneur des mines et de la métallurgie. Entièrement organisé pour réaliser cette mission, adossé sur cette sorte d’arrondissement minéralogique que les Corps des Mines appelaient de leurs vœux, l’établissement a favorisé tout à la fois la définition et l’intériorisation d’une pratique pédagogique spécifique au Corps et la maturation de cette notion de sciences d’application qui émergeait alors et s’individualisait avec les difficultés inhérentes à tout début.
3Saint-Étienne par contre, naquit à Geislautern. L’école sarroise fut le berceau de l’école stéphanoise. La tentative en Sarre fut brève, éphémère même à l’échelle des temps, puisqu’elle dura guère plus de sept années, de 1807 à 1815, contre une décennie, de 1802 à 1814, pour l’école du Mont-Blanc. Elle aussi appartient à l’imaginaire du Corps des Mines, mais d’une autre manière, sur un autre mode. L’évocation ne relève ni de l’épopée, ni de l’héroïsme, c’est plutôt l’affirmation souvent revenue que la Sarre fut le lieu d’apprentissages techniques fondamentaux. « Nouvelles méthodes de gestion, diffusion, transferts, laboratoires, activité frontière, obsession » : tels sont, par exemple, les mots qu’utilisaient Christian Stoffaës dans les années 1980 pour évoquer la Sarre des années 1920 dans un cadre qui a priori ne convenait pas puisqu’il s’agissait de la préface du livre d’André Thépot consacré au Corps des Mines au xixe siècle3.
4Il résulta de ces deux histoires, de ces deux expériences un infléchissement de la doctrine en matière de formation. Le principe demeura d’enseigner la théorie et la pratique, mais la compréhension qu’on se faisait des deux notions et de la relation qui devait y avoir entre elles évolua. Le terme « pratique » en particulier fut l’objet d’une transformation importante, et en vint progressivement à désigner deux réalités qui sans être antagoniques en soi, n’étaient plus susceptibles de se rejoindre autrement que dans un rapport hiérarchique. La première liée à l’expérimentation et à l’application scientifiques s’imposa comme la pratique véritable de l’ingénieur ; la seconde, liée au geste, au savoir-faire, bascula toute entière dans le domaine réservé à l’ouvrier4. L’évolution était en cours lorsque vint le temps du retour à Paris dans le milieu des années 1810. Le débat sur les écoles pratiques reprit avec une belle vigueur, en des termes qui ne démêlaient pas entre l’ancien et le nouveau, qui ne prenaient pas la mesure des apprentissages accomplis sur le terrain et en matière d’élaboration scientifique. Tous s’accordèrent sur le fait qu’il fallait au Corps deux écoles, une consacrée en priorité à la théorie, une autre consacrée en priorité à la pratique. Mais les principes auxquels renvoyaient ces mots n’étaient plus les mêmes. Or, rien n’indique que le Corps et l’administration royale, les deux protagonistes, aient compris la différence de langage ; rien n’indique qu’ils aient joué consciemment de la dissonance.
5Saint-Étienne naquit dans cette ambiguïté et peut-être naquit-elle de cette ambiguïté. L’ordonnance qui décida de son existence, en août 1816, en faisait l’héritière directe des « Écoles pratiques des Mines établies à Pesey et Geislautern » et motivait son institution par « l’urgence de les remplacer », l’urgence de donner « à l’exploitation des Mines de France tout le développement et le perfectionnement dont cette branche de l’industrie nationale est susceptible5 ». Pourtant, quelques mois plus tard, en décembre 1816, une seconde ordonnance sanctionnait l’existence de l’école des Mines de Paris, en la plaçant explicitement dans la filiation de l’école « créée par l’arrêt du Conseil du Roi du 19 mars 17836 » et lui donnait pour mission de recevoir et de former « les élèves-ingénieurs du Corps des Mines et des élèves externes ayant pour but principal de devenir Directeurs d’exploitation ». Gageons qu’ils furent un certain nombre parmi les ingénieurs des Mines à considérer que l’heure de la revanche avait sonné. L’objectif que s’était fixé le conseil dans les années d’avant l’Empire semblait atteint en effet : deux écoles existaient désormais, l’École des Mines à Paris, qui avait recouvré son activité, l’École des Mineurs à Saint-Étienne qu’il restait à mettre son pied. Mais le flou qui entourait la définition des deux écoles, eut pour effet immédiat d’instaurer un conflit entre le conseil général des Mines et Beaunier, le directeur stéphanois.
6Beaunier, c’est le hasard dans l’histoire du Corps, un homme qui sut, à un moment de redéfinition générale, élaborer, affirmer et mettre en œuvre, un projet non pas dissident, mais autrement réfléchi. Cet ingénieur, homme de science et de technique, sut aussi tirer habilement bénéfice d’une origine familiale qui le rapprochait de l’administration. Et, sans doute était-ce une qualité personnelle, il fut un très grand négociateur. L’idée fondamentale qu’il retira de sa pratique professionnelle relève de ce que les sociologues analyse aujourd’hui sous le nom de « co activité », cette forme de discours qui s’instaure sur les deux registres, explicite et implicite, et autorise l’échange entre groupes professionnels au sein d’un même secteur de production7. Or, cela, Beaunier ne cessa de le répéter. Il manquait au monde de la mine et de la métallurgie, une unité de doctrine, un langage commun, un collectif de pensée au sein duquel chacun des acteurs pût, de sa place, « deviser » avec les autres, pour reprendre cette belle expression mise en avant et explicitée par Hélène Vérin, « deviser » avec tous les autres. Obtenir par la formation que tous les niveaux de direction, que toutes les instances de commandement parlent le même langage, telle est l’idée fondatrice de l’école des Mineurs. Le souci n’était pas neuf ; beaucoup le partageaient sous l’Ancien régime, ingénieur militaire, ingénieur des Ponts et chaussées, ingénieur de marine et il a sous-tendu un grand nombre de créations (ou de propositions) d’écoles professionnelles au xviiie siècle8. La nouveauté de la proposition faite par le directeur de Saint-Étienne était qu’elle élargissait le champ à l’ensemble d’un secteur industriel, au privé donc. Ceci étant, on ne peut comprendre l’ampleur de la divergence et ses raisons, sans revenir vers les deux écoles pratiques telles que Chaptal pensa les instituer dans la première décennie du xixe siècle et juger de ce qu’elles furent.
Pratique ou application ? l’École du Mont-Blanc
7Pesey, « assez pauvre commune de la Tarentaise » située à 1 300 m d’altitude en Savoie détenait sur son territoire une importante mine de plomb argentifère qui avait été exploitée au xviiie siècle par une « compagnie anglaise », puis par une Compagnie composée de nobles et notables savoyards qui avaient supplanté les Anglais. Mais les travaux avaient cessé en 1792. La mine avait été déclarée nationale en brumaire an II sans que cela se traduise par une quelconque reprise. Il est vrai que la faire travailler supposait une direction particulièrement compétente et ferme. Le gîte affleurait à 1 580 m d’altitude, sous les glaciers, et il n’y avait pour y accéder qu’un sentier à mulets, ce même sentier qui reliait Pesey à Moutiers, autre commune située à vingt kilomètres en contrebas dans la vallée. Là se trouvait un ancien séminaire transformé en bâtiment militaire dans lequel Lefroy, qui avait été nommé inspecteur sous-directeur de l’établissement, installa l’école en 1803. Un laboratoire, une bibliothèque, des salles de dessin et d’étude, un cabinet de minéralogie, des logements pour les ingénieurs et les élèves : voilà de quoi se composait la nouvelle « École pratique du Mont-Blanc ».
8L’exploitation minière surplombait l’ensemble, que dirigeait J.-G. Schreiber en même temps qu’il dirigeait l’école. De nos jours encore, l’ingénieur est célébré par les hommes de métiers, à juste titre car ce fut un très grand professionnel, un des rares à exercer ès qualités sur un site minier relevant du territoire national dans ces années. La manière dont il avait donné vie et consistance à l’exploitation d’Allemond en Dauphiné dans les années 1780, dans des conditions proches de celles qui prévalaient à Pesey l’avait rendu célèbre, et cela, ainsi que son goût pour la région, avaient fait de lui l’homme de la situation. Les résultats qu’il obtint éclairent sur la qualité, l’excellence même, de sa gestion. Dès 1804, l’exploitation fonctionnait ; en 1806, elle employait 300 ouvriers, produisait 250 tonnes de plomb et 560 kg d’argent et engrangeait ses premiers bénéfices. Et de ce moment jusqu’à 1814, les bénéfices furent suffisants pour financer le fonctionnement de l’école. Enfin lorsqu’il fallut quitter les lieux, en 1814, les réserves qu’il avait mises de côté, s’avérèrent suffisantes pour payer le retour de l’école des Mines à Paris et son déménagement de l’Hôtel Mouchy à l’Hôtel Vendôme9.
9Le succès matériel de l’exploitation de Pesey tint à deux facteurs principaux : la présence d’un ingénieur au fait de son métier, la constitution d’un district de 4 500 km2 (soit les trois quarts du département actuel de la Savoie !) pour l’affouage et les ressources minérales10. La chance y ajouta en 1807 la découverte du gisement proche de Macot destiné à remplacer celui de Pesey qui s’épuisait doucement. Encore, fallait-il une fonderie. À Conflans (tout près d’Albertville), l’ancienne saline avec ses bâtiments, était disponible : Schreiber entreprit de la transformer, « fort lentement » toutefois car il était « désireux de faire les bénéfices nets les plus considérables ». Il pensait, à terme, y transférer les bâtiments d’enseignement. Comme l’école se devait de faire connaître aux élèves tout ce qui se rapportait à l’exploitation des mines de plomb, cuivre et argent et des sources salées conformément à l’arrêté consulaire de 1802 (art. 2), la saline de Moutiers, qui était sous régie directe, fut ajoutée comme lieu d’études complémentaires. Ainsi, sous cette direction avisée, Pesey put faire figure de « petit Schemnitz », c’est-à-dire un centre d’enseignement lié à un centre d’industrie, à la manière allemande à quoi beaucoup parmi les ingénieurs rêvaient depuis longtemps. L’arrêté ministériel avait décidé de trois enseignements magistraux : la science pratique de l’exploitation, la mécanique et ses applications aux travaux des mines, les principes physiques et chimiques nécessaires au minéralogiste, pour lesquels furent désignés Baillet du Belloy, Hassenfratz et Brochant de Villiers, qui déjà les avaient pratiqués à Paris. Aucun, notons-le, n’accepta de vivre sur place. L’habitude se prit de conjuguer Paris et la Savoie, de séjourner à Moutiers les deux ou trois mois que durait l’enseignement et de vivre le reste du temps à Paris. Hassenfratz par exemple, enseignait à l’École Polytechnique de novembre à Avril et passait les mois d’été en Savoie. L’organisation du cursus en modules facilita la chose. Les élèves recevaient les cours en blocs, puis passaient l’examen correspondant. La matière était considérée acquise lorsque chacun avait obtenu son medium, qui était non la moyenne arithmétique des exercices, mais une moyenne théorique souvent égale à douze ou treize sur vingt, déterminée en fonction de l’enseignement, et dont l’obtention signifiait que le cours était assimilé. À défaut de quoi, il fallait recommencer.
10Les élèves du gouvernement, les futurs ingénieurs des Mines demeuraient là en compagnie des élèves externes, venus de leur propre chef pour recevoir une formation en matière de mines et de métallurgie. C’est à Moutiers que Berthier et Migneron achevèrent des études entamées à Paris ; que Gunéyveau et Beaussier, la première promotion du crû, entamèrent les leurs. En dépit d’un règlement théoriquement très strict, il semble que les élèves aient joui d’une grande liberté. Mais que pouvait faire dans un bourg perdu de Savoie cette petite vingtaine d’élèves en uniformes bleus à boutons dorés ? Après ou entre les cours théoriques, les élèves allaient par roulement à Pesey et à Conflans pour visiter les travaux, s’exercer au lever de plans sous la surveillance des sous-directeurs, approcher le métier de mineur ou de métallurgiste dans ses aspects les humbles et les plus triviaux sous la direction d’ouvriers expérimentés. Pendant ce temps, ceux des élèves restés à Moutiers se réunissaient chaque matin dans le laboratoire et la salle de dessin pour préparer sous la direction des plus anciens les mémoires, dessins, travaux prescrits par les professeurs. La scolarité prenait fin au bout de deux ou trois ans lorsque tous les mediums avaient été obtenus. Deux ou trois ans… ? Attention à ne pas projeter sur le passé les débats contemporains : aller vite était à l’époque le signe d’élèves doués ; obtenir un nombre très élevé de points en deux ans signait des capacités hors du commun et cela était noté dans les tablettes comme un exploit. Enfin, les élèves en avance ou ceux qui avaient terminé partaient en voyage dans les exploitations dans les régions environnantes : Rive-de-Gier, Chessy-Sainbel, Le Creusot, plus loin même parfois : Guényveau, par exemple, fut envoyé à Sarrebruck en 1802. Point important, cette structure d’enseignement, telle qu’elle fut mise au point à ce moment avec l’obtention des médiums et le complément d’instruction par le voyage, demeura et devint un élément structurant de la culture pédagogique et technique du Corps des Mines.
11On peut, avec L. Aguillon, s’appesantir sur les insuffisances réelles de l’enseignement. L’école manquait d’un maître de dessin ; l’allemand n’était pas professé, ni l’anglais. On peut douter aussi de la réalité de l’enseignement pratique. « Les élèves sont supposés faire des travaux pratiques », écrivait Hassenfratz à Laumond en 1811, signe qu’en réalité, ils n’en faisaient pas11 D’où il résulte que « l’école pratique du Mont-Blanc », pour reprendre son intitulé exact, n’a pas été une école pratique au sens trivial du terme. Mais ceci n’autorise pas à sous estimer sa place dans l’histoire de la constitution du Génie minier en France. L’hypothèse s’impose au contraire qu’en donnant à voir aux élèves externes et à ceux du gouvernement une entreprise minéro-métallurgique en fonctionnement, Pesey joua un rôle essentiel dans l’élaboration de l’habitus technique propre à l’ingénieur des Mines français. L’école a contribué à ce que s’élabore et se précise la notion de sciences appliquées.
12L’hypothèse est corroborée par la nature de l’enseignement. Ni Baillet, ni Hassenfratz, ni Brochant de Villiers ne s’en tinrent à la lettre de l’arrêté fondateur. Chaptal d’ailleurs leur donna les coudées franches en décidant de leur confier avec Schreiber l’administration de l’école. Baillet et Hassenfratz (dont on rappelle qu’il séjourna à l’école de Schemnitz) professèrent chacun le cours qu’il avait pris l’habitude de faire à Paris. Brochant de Villiers, qui venait de publier son Traité élémentaire de minéralogie était disciple de Werner, et l’on retrouve dans son cours de géologie appliquée, la méthode de son maître, où « deux préoccupations cohabitaient :
- un souci de classer et de nommer les terrains d’après leur ordre de superposition afin de renseigner les mineurs sur la structure du sous-sol ;
- une affirmation que cet ordre traduit l’âge relatif des couches ».
13Conforté sans doute par les discussions avec Schreiber, il demeura fidèle à l’enseignement reçu, en distinguant dans la minéralogie, l’orictognosie (connaissance des minéraux d’après leurs caractères physiques), la minéralogie chimique, la géognosie (considérations sur les gisements), la minéralogie géographique enfin la minéralogie économique (connaissance de l’emploi des substances). Seulement, il modernisa l’approche en y ajoutant la cristallographie de Haüy12.
14Hassenfratz qui professait à Pesey son cours parisien, travaillait dans le même esprit. Technologue plus que jamais et le seul, on l’a vu, à user du terme dans son enseignement, il présentait dans ce cours « l’art d’obtenir les substances utiles contenues dans les minéraux ou produites par eux, en employant l’action des affinités » et distinguait deux parties si l’on suit les linéaments qu’il en a présentés dans son « Discours prononcé à l’ouverture de l’école des Mines pour l’an VII ». Dans la première il présentait les agents chimiques, les procédés et de leurs appareillages. La seconde consistait en une présentation ordonnée, presque une théorie, des différentes sortes d’industries ou plutôt des différentes formes de pratiques industrielles : séparer les terres et les pierres ; obtenir les combinaisons salines ; fabriquer les acides ; purifier les combustibles ; extraire les métaux ; fabriquer les substances colorantes, en donnant à chacune une qualification savante construite autour des termes « métallurgie » et « minéralurgie ». Ainsi appelait-il chacune des pratiques précédemment citées respectivement : la pétrurgie, l’halurgie, l’oxyurgie, la pyriturgie, et la chromurgie13.
15Un lien étroit s’établit dans le cadre de ces deux sciences, la métallurgie et la géologie, entre l’enseignement et le travail en laboratoire, où se travailla sur une mode spécifique, la relation théorie/pratique. En métallurgie, les élèves se trouvèrent directement impliqués dans le projet de fonderie centrale au motif somme toute justifié que c’était formateur et moins dispendieux. Ils participèrent aux essais innovants que fit Schreiber pour fondre le minerai avec l’anthracite de la Tarentaise, pour remplacer les trompes traditionnellement en usage et donner les vents dans les fourneaux par une grande machine soufflante à cylindres, essais que publia le Journal des Mines. Ils pratiquaient en laboratoire sous la houlette de Hassenfratz : Le Boullenger et Moisson-Desroches, deux polytechniciens des promotions 1803 et 1804, par la suite nommés à l’École des Mineurs, effectuèrent des expériences de réduction de divers minerais de fer par l’hydrogène ; Moisson-Desroches et Guényveau participèrent à une recherche de la composition des oxydes de fer ; enfin, Hassenfratz exécuta avec Le Boullenger des essais sur le « fer potassé », pour vérifier une éventuelle constitution d’alliages. La querelle qui éclata entre l’équipe savoyarde et Collet-Descotils qui officiait à Paris aux côtés de Berthier, éclaire quant à l’enjeu de ces recherches expérimentales en mettant à jour la différence de finalité. Le désaccord porta sur l’analyse du comportement du fer spathique d’Allevard : la présence de magnésie interdisait-elle la fusibilité du laitier ? Oui, répondait Collet-Descotils. Oui et non, répondait Hassenfratz, qui argumentait en dissociant l’analyse en laboratoire, pratiquée donc « en petit » sur un minerai « pur, choisi et trié », et le « travail en grand », ce qu’était la métallurgie industrielle. En grand, disait-il, il existe d’autres substances mélangées à la magnésie qui peuvent rendre le minerai fusible. Et il en appelait à la vigilance, au danger qu’il y avait à développer une approche trop mécanique, soulignant qu’il ne fallait pas, au nom de la pureté de la théorie, laisser le maître de forge confondre « présence de magnésie » et « infusibilité du laitier ». Sans prétendre juger quant au fond, notons le bien-fondé de la méthode : le but de Hassenfratz était moins un travail de laboratoire « pur », de compréhension des phénomènes hors contexte, qu’une recherche destinée à apporter aux maîtres de forges, une interprétation aussi rationnelle que possible des réactions qui se produisaient dans les hauts-fourneaux. C’était jeter les linéaments de l’approche théorico-pratique qui se développera par la suite à Saint-Étienne et que porteront à son meilleur niveau dans le dernier tiers du xixe siècle, Richards au laboratoire de métallurgie du Massachusetts Institute of Technology et Howe au laboratoire de métallurgie scientifique de l’Université Columbia14.
16Les éléments manquent pour juger de l’apport de l’enseignement de Baillet. Nous savons seulement par son collègue Lelivec que Baillet traitait dans son cours d’exploitation « de tout ce qui est relatif à l’extraction des substances minérales au sein de la terre et à leur préparation mécanique15 ». Il est difficile toutefois d’imaginer qu’il ne prit pas appui sur les talents d’ingénieur de Schreiber et sa qualité de savant, pour éclairer ses élèves sur le bon usage de la minéralogie, de la géologie et de l’exploitation minière, afin de décider de protocoles corrects d’action et d’organisation. Il est certain par contre que Brochant de Villiers usa abondamment du lieu. L. Aguillon le souligne avec justesse : les Alpes se révélèrent un formidable terrain d’application pour le développement et l’enseignement de la géologie, une raison parmi d’autres qui fit de l’expérience de Pesey, un moment fondamental dans l’élaboration de l’identité scientifique du Corps des Mines. « Brochant, par les études qu’il mena avec succès dans la Tarentaise, devait provoquer dans la géologie des progrès qui contribuèrent puissamment à l’asseoir comme science indépendante, en lieu et place de la géographie et des « connaissances purement géographiques ou statistiques, mnémoniques plus que scientifiques, qu’on enseignait sous cette appellation16 ».
17En 1802, Daubuisson de Voisins, lui aussi élève de Werner, énumérait les sciences que l’ingénieur des Mines devait mettre à contribution : géométrie, mécanique, hydraulique, géognosie, minéralogie, physique, chimie, les règles de l’architecture, l’art du charpentier. Puis, aussitôt après, il pondérait : « mais c’est surtout de la pratique dont il a besoin. Sa profession est plutôt un art qu’une science17 ». Dix ans plus tard, cette appréciation toute classique était en cours d’invalidation, en raison du développement des sciences de la terre et des sciences des matériaux et de leur aptitude plus grande à fournir une description et des moyens d’action dotés d’efficacité réelle. Il était logique en conséquence que les ingénieurs professeurs du Corps des Mines se sentent investis de l’obligation de cultiver ces sciences d’application. N’avaient-ils pas pour mission de former conjointement des ingénieurs du gouvernement et des futurs praticiens d’entreprise ? La possibilité que leur apporta la loi minière de 1810 de devenir des directeurs d’exploitation, dans le cadre restauré de la régie directe, renforça ce sentiment. Le lien à la pratique du métier, dans sa trivialité, en sortit autrement malmené. Pesey, sauf exception, n’avait pas fait de ses élèves des maîtres-mineurs ou des maîtres-fondeurs. Bien peu avaient pris le pic ; bien peu avaient manié le ringard, et nul, dans le fond, ne s’en portait plus mal. N’était-ce pas vérifier par la négative l’inutilité de cette sorte d’apprentissage ? Quelque chose de la relation au terrain, ou plus exactement quelque chose de la relation à un certain type de terrain, perdit là son caractère indispensable. La pratique de l’ingénieur tendait irrésistiblement vers des formes nouvelles d’intellectualisation.
Une usine-école : Geislautern
18L’école de Geislautern, de son titre exact l’École pratique des mines de la Sarre, a existé contrairement à ce qui est souvent dit ou écrit ; par contre, ce ne fut pas dans les formes prévues par l’arrêté du 13 pluviôse an X (12 février 180218). Elle reçut très peu d’élèves. Guényveau déjà évoqué y passa quelques moments, et la trace demeure d’un Louis Lefebvre, élève ingénieur des Mines qui, en janvier 1815, négocia « au nom de l’établissement de Geislautern » l’achat de « milles mesures de mines de Sebach de bonne qualité jaune ou brun et non sableuse » avec Jean Steiner, « négociant » et Antoine Raber, « laboureur19 ».
19C’est dire que l’expérience sarroise fut individuelle plutôt que collective. Elle concerna principalement J.-B. Duhamel, fils de Guillot-Duhamel, puis L. A. Beaunier qui en furent les deux directeurs, le premier de 1807 à 1813, le second de 1813 à 1815. Ces hommes trouvèrent devant eux non un district minéro-métallurgique localisé dans un pays à dominante agricole mais un tissu industriel diffus, dense, doté d’une structure juridique adéquate, et durent composer moins avec la nature qu’avec les habitudes et le droit. Diriger la forge de Geislautern exigea d’eux un travail d’insertion dans le droit coutumier, d’entente avec les partenaires locaux, et la production de matériaux concurrentiels. Duhamel en revint avec la notion de valeur ajoutée dont il devint l’ardent propagandiste au motif qu’elle était la valeur industrielle par excellence20. Beaunier en revint avec un projet d’école qui donna vie et légitimité au Génie civil des mines.
20Évoquons tout d’abord l’expérience de Duhamel. L’ingénieur était arrivé dès 1801 dans un Sarre agitée à tout le moins. Usines, forges, houillères et mines abondaient dans les « ci-devant principauté de Nassau-Sarrebruck et comté de Layen ». Son prédécesseur, qui répondait au nom de Watremetz s’était vu confier la lourde charge d’être le premier inspecteur après l’arrivée des Français. Il avait opéré un état des lieux en l’an VI (juillet 1798) et comptabilisé quatre grosses forges toutes proches de Sarrebruck : la forge du Halberg (deux gros fourneaux, quatre affineries et une fonderie) ; celle de Geislautern (un fourneau avec forge, fenderie, platinerie, une ferme et une houillère), la forge de Rentrich et le fourneau de Fisbach. Ce potentiel sidérurgique se complétait de deux aciéries : la forge de Gouvry, une fabrique d’acier naturel et l’aciérie de Goffontaine avec les exploitations minières qui étaient attenantes, deux exploitations de chaux pour castine et deux mines de fer. Il s’y ajoutait neuf moulins, deux tuileries, huit huileries, deux aluneries, une carrière à plâtre, une poterie de grès, une mine de plomb, une saline, une fabrique de noir de fumée, une manufacture de sel ammoniac et bleu de Prusse, une papeterie. Au total, l’inspecteur estimait à 15 800 livres le bénéfice assuré par ces usines et exploitations.
21Toutes ces entreprises fonctionnaient sous le régime de l’affermage. Houillères et usines participaient de l’économie locale, entendons qu’elles y participaient harmonieusement sans que l’enchevêtrement des souverainetés gênât le mouvement. Éclatée politiquement, la région était une entité économique homogène avec un mode productif structuré par un droit commun, identique dans son esprit quel que fût le souverain. Toute installation d’usine se faisait dans le cadre d’un bail emphytéotique qui faisait office de concession et l’était véritablement. Dans cette sorte de contrat, le souverain garantissait protection, fournissait matériaux, affouages, quand ce n’était pas les bâtiments, et protégeait de la concurrence directe. En échange de quoi, l’entrepreneur avait pour devoir de faire fonctionner l’usine sans provoquer de dégâts ni nuire à la qualité des eaux, de payer son bail et le canon annuel c’est-à-dire l’impôt. Les termes de ces contrats bougèrent peu entre xviie et xviiie siècle, le seul changement notable, consistant dans les années 1780 en des clauses supplémentaires inscrites pour garantir l’usage de la houille pour les fourneaux21. En d’autres termes, l’organisation juridique faisait mieux que de rendre possible l’innovation, elle y incitait.
22Se substituant à l’autorité du prince de Nassau, la République tenta de maintenir les forges et houillères dans ce régime de l’affermage. Mais la Sarre se révéla mal commode à administrer. Non qu’elle fût houleuse. Ce fut presque pire : elle ratiocina, n’hésitant pas quand il le fallait à opposer le droit au droit. Ainsi, l’administration qui, en l’an VI (avril 1799), crut pouvoir demander aux entrepreneurs leurs titres de propriété afin d’« assurer au trésor public » la rentrée des redevances, se heurta à une fin de non recevoir, au motif de l’abolition des « redevances domaniales des mines et des minières […] par les règlements portant suppression des dîmes et des droits féodaux ». L’administration française fut moquée de tous côtés. Et les Sarrois pillèrent les gîtes en profitant de la désorganisation provoquée par la guerre :
« Contrairement aux ordonnances des Mines et minières du pays de Nassau-Sarrebruck suivant lesquelles chaque usine à toujours eu le droit exclusif d’extraire la mine de fer dans l’arrondissement qui lui était désigné, des mineurs ou autres, se permettent d’arracher sans autorisation des mines qu’ils font clandestinement sortir des pays conquis… ».
23La compagnie Ecquer, qui avait reçu à bail les forges et houillères du pays, en juillet 1797, se révéla à peine plus fiable22. À l’automne 1798, plusieurs cantons (Lebach, Ottweiler, Sarrebruck, Arneval et Bliecastel) entrèrent en rébellion en raison du refus de la compagnie de respecter la coutume « qu’ils avaient d’obtenir de la houille pour leur chauffage et pour la cuisson de la chaux dans le cours du bail ». De fait, l’article 13 du contrat passé entre le ministère des Finances et la Compagnie, organisait avec précision cette forme d’affouage. Pouvait-on asseoir la légalité de l’entreprise sur l’ancien droit minier sans obliger à ce qu’il fût respecté par chacun des contractants ? Placée bien malgré elle en position d’arbitre, l’administration du district ne parvint à trancher. Cherchant à se concilier les bonnes grâces des Sarrois, elle tenta de contraindre la compagnie fermière à respecter les droits traditionnels et demanda à l’inspecteur des mines en place de fournir un état des houilles à fournir aux différentes communes. Était-ce réalisable ? L’homme démissionna sans autres formes de procès. Et, faute d’experts, l’affaire en resta là.
24C’est dans cette ambiance tendue que la forge de Geislautern fut désignée pour devenir le lieu de la seconde école pratique des Mines, une désignation toute symbolique, puisque le bail avec la compagnie Ecquer courrait jusqu’en 1806. L’administration exprimait ainsi sa ferme volonté d’en terminer avec un contrat qui ne lui convenait pas. L’hypothèse selon laquelle Chaptal obtint l’accord, et même le soutien de son collègue des Finances pour transformer la forge en école, est très vraisemblable à en juger par le ton des courriers que s’échangèrent les deux ministres au moment de la remise des locaux et de la discussion sur l’affouage entre 1806 et 1807, celui de négociations très serrées avant que n’intervienne l’arrangement. Faire de la forge de Geislautern un lieu de formation convenait à tous, en effet. Dans cette région étrangère et entreprenante, dotée d’une tradition et d’une culture industrielles, l’école pouvait paraître un moyen de redonner la stabilité et la confiance nécessaire pour régulariser le prélèvement de l’impôt et venir à bout d’une économie parallèle en plein essor. L’émulation pouvait remplacer avantageusement la prédation et l’administration attendait de la transformation de la forge en école pratique des mines de la Sarre – titre présent dans tous les actes passés avec les particuliers – qu’elle calme et moralise le commerce des houilles et du minerai de fer. La forge fut neutralisée économiquement. « L’usine étant aujourd’hui gérée pour le compte du gouvernement et destinée à l’instruction, ne doit pas être considérée comme une usine de commerce ». Il n’y eut autour d’elle aucun « arrondissement minéralogique ». Simplement, elle bénéficia de l’affouage et du droit à exploiter le minerai aux termes du droit en vigueur. Les houillères seules furent « mises sous la main de l’État » en raison des tensions trop fortes qu’avaient engendrées les malversations de la compagnie Ecquer23.
25Est-ce de connaître la région qui fit préférer Duhamel à Hassenfratz proposé par le conseil des Mines ? L’ingénieur reçut outre la direction de l’établissement, celle de l’arrondissement minéralogique de la Sarre24. Épris de renouveau technique, le fils de Guillot-Duhamel savait d’expérience qu’il n’était pas facile d’emporter l’adhésion en la matière, lui qui s’était entendu répondre par un maître de forges de l’Aube qu’il incitait à faire des essais : « pourquoi bouger puisqu’il est possible de vendre des mauvaises fontes aussi avantageusement que de bonnes ? ». Méfiant vis-à-vis de l’entrepreneur privé, il était un partisan convaincu des arrondissements industriels dirigés par les ingénieurs du Corps, avec cette idée qu’il fallait prouver pour convaincre, c’est-à-dire agir en grand, à l’échelle industrielle, et donc disposer d’outils, d’établissements. L’idée était si importante à ses yeux qu’il « explose », écrit Denis Woronoff, lorsqu’il sut que le gouvernement s’était dessaisi de la forge de Belfort, l’un des établissements essentiels à la constitution de l’arrondissement de Giromagny, pour la vendre à des particuliers. Ceci dit, l’ingénieur se défiait tout autant de l’innovation totale et dressait de l’établissement du Creusot un tableau cruel : « avec une houille incombustible et un minerai si pauvre, ces belles machines sont d’autant plus dignes d’étonnement qu’elles ne marchent pas25 ». À peine arrivé, il infléchit l’intention première et décida de faire de Geislautern une usine-pilote plutôt qu’une usine-école, en quoi il fut suivi par le Conseil de Mines. Le projet ne manquait pas d’insolence, qui conduisait des ingénieurs français à se poser en maîtres sur une terre allemande et de vieille tradition technique.
26Le directeur voulait en faire un laboratoire « en grand » pour la mise au point de nouveaux procédés et leur diffusion par l’enseignement. Dans son esprit, l’établissement, composé alors d’une forge et d’une ferblanterie, devait être équipé d’un haut-fourneau « pour fondre les minerais de fer au coack » et de « cylindres propres à laminer la tôle ». L’enjeu était de deux ordres. Introduire la fonte au coke, diffuser la pratique du laminage de la tôle, c’était contribuer à l’implantation de la filière britannique de production de fer et de fonte. Mais il y avait aussi cette « bataille de l’acier », rude, dans laquelle les Français ne parvenaient pas à s’imposer, dans laquelle même ils avançaient très petitement. Comme Schreiber à Pesey, Duhamel sut être patient. Et puisque l’administration était réticente à investir, il se tourna vers le milieu industriel, et coopéra activement avec les entrepreneurs de Dilling (Moselle) qui dépendaient de son administration. Ensemble, ils tentèrent de résoudre les problèmes posés par l’adaptation du « puddling furnace » (procédé de Cort), ensemble, ils travaillèrent au laminage du fer blanc ; Duhamel loua la qualité des feuilles obtenues après l’installation d’un laminoir à Dilling, en l’an XII ; lui-même pratiquait à Geislautern l’affinage à la houille26.
27Son équipe faisait piètre figure cependant. Aucun professeur n’y était nommé, il était le seul à pouvoir conjuguer ès qualités théorie et pratique et il avait pour tout personnel trois agents restés en place après la passation de pouvoir, en janvier 1807 : Chrétien, le contrôleur-magasinier, un certain Gunther et Didier, ce dernier vraisemblablement agent comptable. L’équipe reçut ensuite le renfort de François, commis aux écritures à partir de 1810, et celui de Vanderbroecke, qui fut le seul homme de l’art officiellement assigné à la place. Venu de Paris, nommé Inspecteur des ateliers dépendants de l’école dès août 1807, Vanderbroecke devint le responsable attitré de l’équipe ayant en charge « la fabrication d’acier cémenté, d’acier fondu, de l’étamage du fer blanc en brillant fin et brillant superfin27 ». De fait, c’est autour de lui que s’organisa la fonction « innovation » : en septembre 1808, il mettait à la disposition de l’école son procédé pour brillanter le fer blanc ; en octobre, il portait à la discussion un étonnant projet de plantation de marronniers, dans le but d’utiliser les marrons pour le décapage des tôles destinées à être étamées ; en 1809, alors que se préparait l’Exposition industrielle, Duhamel reçut de Paris le compte rendu concernant des échantillons qu’il avait envoyés pour être éprouvés : trois échantillons d’acier de cémentation et deux de fer blanc, fin et superfin. L’épreuve fut réalisée à l’ancienne par des artisans réputés : les aciers cémentés par Rosa fils aîné ; les feuilles de fer blanc par Boulitreau « ferblantier » et Poullain « ancien ferblantier de Kollet ». Les résultats couronnèrent la tôle de Dilling qui fut jugée de meilleure qualité que celle battue au marteau à Geislautern et les feuilles de fer blanc que Boulitreau apprécia d’une qualité « comparable à celles venant d’Angleterre28 ».
28Aux échos qu’en donnent les archives, les « ateliers dépendants de l’école » tiennent du laboratoire de recherches pour l’élaboration de nouveaux produits ou de nouveaux procédés. Mais pouvait-on recourir aux services d’un artiste sans que se posât le problème de la propriété intellectuelle ? Duhamel dut affronter une difficulté inédite dans le cadre d’une école pratique, ce qui la rend intéressante à observer. Vanderbroecke souhaitait ne pas voir divulguer son procédé pour brillanter le fer-blanc. Le directeur pensait différemment. Pour lui, au contraire, il fallait rendre publiques toutes les découvertes faites à l’école pratique. Comment faire autrement ajoutait-il en argument, puisqu’il y avait obligation de « porter de la clarté dans tous les détails de la comptabilité » ? Taire le procédé et le garder secret, n’était-ce pas taire les quantités et les coûts des ingrédients utilisés ? Interrogé, le Conseil fit droit au désir de l’inventeur en avançant trois arguments. Nul ne pouvait l’empêcher de gagner le prix proposé par la Société d’Encou-ragement pour cet objet, ce qui était peut-être son but ; par ailleurs la découverte ne s’en était pas faite à l’école ; enfin, s’il y avait secret, il n’y avait pas mystère : « Vanderbroecke en a déjà instruit l’un de nous ainsi que l’ingénieur Gallois ».
29À partir de quoi, le Conseil établit un point de doctrine : « il est fort important d’apporter tous les perfectionnements possibles dans une école, mais il ne faut les publier que lorsque les circonstances le permettent, sans faire tort aux propriétaires du procédé » et proposa un subterfuge pour garantir à l’école la clarté de ses comptes tout en protégeant l’inventeur dans ses droits de propriété :
« Nous considérons qu’il est fort important d’apporter tous les perfectionnements possibles dans une école, sauf à les publier lorsque les circonstances le permettront sans faire tort aux propriétaires des procédés. […]. Nous pensons que l’on peut éviter les détails de comptabilité relatifs aux dépenses pour ce perfectionnement en adoptant votre proposition d’accorder à l’auteur une somme fixe par caisse de brillants ordinaires et une autre par caisse de brillant superfin ; mais tant pour parvenir à connaître la dépense que cela occasionnera que pour avoir la certitude de l’utilité de ce procédé, nous vous chargeons de faire brillanter par M. Vanderbroecke quelques barriques de fer blanc au laboratoire ; la dépense des diverses drogues qui seront nécessaires pour cet objet étant portée avec celle des autres drogues utiles au laboratoire, le secret des procédés ne pourra être divulgué ».
30« Il prend une marche de travail à nous donner de bons aciers », observait Rosa l’aciériste dans son expertise. En signe de reconnaissance, Vanderbroecke obtint une augmentation de traitement en 1809 (de 2 000 à 2 400 F). Bon négociateur, il usa de ce succès pour être officiellement reconnu dans son titre d’inspecteur des ateliers dépendants de l’école pratique, et demanda à cette fin l’expertise de ses aptitudes. Un jury, formé de trois ingénieurs des mines conclut qu’il avait « suppléé au défaut de connaissances préliminaires et théoriques par son intelligence et […] vu avec fruit un grand nombre d’établissements métallurgiques », et le confirma dans son statut. Après l’évaluation des produits par des artisans-experts, venait celle des capacités de l’inventeur et sa qualification par les ingénieurs.
31L’expérience de Geislautern fut pilote également dans le champ de la négociation, celle qui se déroula, on l’a vu, au sein du Corps entre le directeur et le conseil des Mines, celles surtout qui intervinrent entre l’école et le milieu environnant, industriels, artisans, armées en guerre. Tout était à construire en effet, y compris la manière de gérer l’école ; aucun protocole n’existait, aucune procédure, aucune habitude n’était née de l’existence de l’école du Mont-Blanc. Pesey était dirigée par un conseil constitué des professeurs et du directeur et elle s’autofinançait. Qui de surcroît aurait osé discuter la gestion d’un Schreiber ? La mise en route de Geislautern s’effectua sur un mode totalement différent et somme toute attendu, celui de la vérification des comptes par le conseil des Mines. Le conseil pondéra les ardeurs de Duhamel, et manifesta à cet endroit une attitude empreinte de bon sens, refusant par exemple qu’un bail fut pris avec la cantinière pour pouvoir s’en débarrasser en cas de problème ; refusant, autre exemple, des envois trop rapprochés de rapports à Paris, pour « éviter une masse d’écritures fatigantes » ; renonçant même parce que Duhamel n’en voulait pas à l’établissement d’une comptabilité en partie double « ainsi que les commerçants sont actuellement dans l’usage de le faire », même si cela présentait l’avantage de « connaître facilement et chaque jour l’état général d’un établissement quelconque ». Certains échanges furent burlesques, du fait de l’incompréhension que pouvait entraîner l’éloignement ou tout simplement l’écart technique. Duhamel : « Il est urgent de nommer les agents ». Le Conseil : « Mais ils sont nommés ». Le Conseil, doutant de la composition de l’usine : « nous voyons le mot “fer fendu” ; il y a donc une fenderie à Geislautern ? ». Le Conseil encore, à propos des marronniers : « les plantations du Luxembourg le montrent ; il n’y a que les bordures qui rapportent des marrons ; plantez des peupliers qui donneront des planches pour les barriques, ou des acacias, qui donnent des échalas plus résistants même que ceux des châtaigniers29 ».
32Surtout, le directeur composa avec le milieu environnant, ce qui nous conduit à Beaunier. Duhamel déjà avait dû affronter quelques contestations sur les eaux, embaucher par contrat un maître menuisier, ou encore se porter adjudicataire du service du bac et l’obtint. Beaunier à sa suite, fit preuve de sang-froid dans des conditions particulièrement troublées et révéla son opiniâtreté à maintenir l’école coûte que coûte. Il était plus jeune que son prédécesseur, sans que cette différence de génération corresponde à une différence de formation. L’un et l’autre avaient appris leur métier sur le tas, le premier en accompagnant son père dans ses missions30, le second en suivant les ingénieurs des mines en qualité d’élève, parcourant les Pyrénées et le Languedoc avec Picot-Lapeyrouse et Duhamel en 1795, les Alpes italiennes et dauphinoises sous la conduite de Dolomieu, en 179831. Une pratique intense de la chimie, qu’il mettra largement à profit à Saint-Étienne, avait complété cet apprentissage : dix-huit mois durant, Beaunier avait travaillé au laboratoire de Vauquelin, examiné les élèves sur les questions de chimie et de métallurgie et présenté avec Cordier des expériences sur les minerais de manganèse qui furent publiées au Journal des Mines. Enfin, après avoir visité l’Auvergne et le Lyonnais, il séjourna un long moment sur l’exploitation du Huelgoat-Poullaouen en Bretagne, où il se livra en compagnie de Gallois à une étude approfondie du site, de l’exploitation minière, des machines et des procédés utilisés en mettant en œuvre tous les outils d’analyse rendus disponibles par l’évolution des connaissances tant scientifiques que techniques. Ainsi s’acheva sa formation, avec cet audit avant la lettre32.
33On était dans le début des années Chaptal, le temps pour les ingénieurs « d’être placés à poste fixe dans les diverses parties de la France » et de travailler à une véritable politique de concession33. Nommé dans l’est du pays puis dans le sud-est, Beaunier devint le spécialiste de la réorganisation des bassins houillers. Sa première mission en 1805 fut d’établir l’atlas des minières de Saint-Pancré qui « a rendu facile l’exécution de toutes les mesures administratives concernant les gîtes de ces minerais précieux pour les forges du pays et dont l’exploitation avait eu lieu pendant longtemps avec beaucoup de désordre ». En 1807, on l’envoie dans le Gard, « à l’effet d’examiner tous les titres et les prétentions qui se trouvaient en conflit et de proposer tant pour les anciennes concessions que pour les concessions nouvelles les limites et conditions les plus convenables ». Entre 1808 et 1809, il est en Sarre aux côtés de Duhamel pour dresser un atlas, « le premier du genre en France » à procurer « une connaissance complète du sol à diviser et des couches de houille qu’il renferme, en coordonnant le lever géométrique et le nivellement général de tous les indices de houille épars sur le sol avec le lever et le nivellement de tous les travaux des mines… ».
34Ses interventions furent techniques au premier chef en ce sens que chacune des régularisations juridiques prit appui sur une description géologique des gîtes concernés. Ce fut sa marque en somme avant qu’il ne devienne directeur d’école pratique. Ce fut aussi ce qui le légitima auprès de ses collègues. L’ingénieur Bonnard, qui fit son éloge funèbre en 1835, évoque ces épisodes avec une grandiloquence appuyée. L’œuvre accomplie ne soulignait-elle pas la maturité du Corps ? Les insuffisances du droit en imposant le recours à l’expertise technique confirmaient une nouvelle fois l’ingénieur des Mines dans son existence et sa mission. En l’occurrence ce fut sans dédaigner de suivre les entrepreneurs sur leur terrain : de retour dans le Gard et confronté à une cabale, Beaunier décida pour convaincre d’accompagner les relevés techniques d’explications économiques :
« Le prix de la houille venait de s’élever sur les marchés de Marseille […]. Quelques consommateurs réclamaient à ce sujet contre le système des concessions qu’on venait d’appliquer au département […]. Beaunier prouva dans ses rapports que la hausses dont on se plaignait […] était due principalement à l’accroissement considérable et subi d’un grand nombre de fabriques de soude […] et que les concessionnaires de mines ne profitaient de cette hausse des prix que dans une bien faible proportion34 ».
35En mars 1812, il était de cette commission désignée pour modifier les conditions d’exploitation après l’accident de la mine de Beaujonc à Liège et proposer un règlement de police relatif aux mines35. À la fin de cette même année, il partait à Saint-Étienne, cette fois encore pour réaliser une topographie extérieure et souterraine du territoire houiller. Une affaire menée rondement, dont résulta un « atlas de 46 grandes feuilles » présentant « le nivellement de lignes de plus de 200 km de développement, le tracé des affleurements des nombreuses couches de houille et celui de l’intersection de toutes ces couches avec un plan horizontal donné, la position de toutes les ouvertures des mines en activité et des mines abandonnées, les plans intérieurs de 67 mines, l’annotation des anciens déhouillements et des circonstances les plus remarquables de l’exploitation, l’indication des moyens d’écoulement naturel des eaux dans les diverses localités » ; en accompagnement, le volume de texte contenait « un aperçu géologique de la contrée, la description des mines de houille, des observations générales sur les richesses, les débouchés, l’administration de ces mines, et des vues d’amélioration ». Aujourd’hui encore, les experts parlent de cet atlas comme d’une véritable « photographie » du bassin houiller36.
36Beaunier jusque-là avait pensé et agi en ingénieur expert. Chacune des missions qu’il avait accomplie avait eu pour objectif la conciliation ; chacune relevait de l’indication ou de l’injonction37. Avec la direction de Geislautern, entre 1813 à 1815, il plongea directement dans l’action. Rien dans sa correspondance n’indique qu’il eut des liens même lâches avec le conseil des Mines. Pouvait-il en être autrement ? La défaite de Leipzig en octobre 1813 sonnait le glas du système napoléonien, laissait envisager sa prochaine et rapide décomposition. Et à ce que nous connaissons du caractère de l’homme, on peut penser qu’il rejoignit Geislautern avec l’idée de maintenir « son » école coûte que coûte.
37Il n’eut d’autre choix que d’agir en entrepreneur responsable d’un lieu de production, prenant ses décisions en pleine autonomie, multipliant les contrats privés. On le voit dès octobre embaucher un maître forgeron « l’espace de trois mois, moyennant dix francs par millier ancien poids cinq cent kilogrammes qu’il fabriquera et une somme de septante deux francs d’engagement… ». En décembre 1813, c’est au tour de « François Souillard, maître marteleur » d’être requis pour une année en qualité de forgeron ordinaire. Mais en janvier 1814, l’usine était saisie et la houille, le fer, l’étain qui s’y trouvaient, écoulés par l’administration alliée auprès des commerçants de Sarrebruck. L’occupation dura peu cette première fois : en juin 1814, le traité de Paris rendit la Sarre à la France. Beaunier, alors à Metz, se précipita chez le notaire pour interdire par acte sous seing privé à « Messieurs Aubert frères, négociants à Metz… qu’ils payent et vident leurs mains en celles de qui que ce soit des sommes dont ils sont les reliquaires envers l’école […] » sous peine de s’en rendre « responsables et comptables ». À peine revenu sur l’établissement, il s’occupait de la fourniture des fourneaux, passe contrat pour l’affouage ; tentait en octobre 1814 de récupérer la valeur des « fers, étaings, plomb et houille enlevés par les Sieurs Schreibert et Karcher » ; organisait par contrat privé l’entretien et le ré-ensemencement des coupes à charbon de bois, la fourniture en minerai en janvier 1815 ; traitait en février avec « Pierre Klein laboureur » la vente d’« au moins trois cent quatre vingt cordes de bois à charbon prise dans la coupe de Kleinschlag, tirage de Carlsbroun… » ; organisait en mars charbonnage et voiturage. De toute évidence, l’homme pense et agit en maître de forges38 et il en fut ainsi jusqu’à la signature du second traité de Paris en novembre 1815 qui plaça la Sarre dans l’escarcelle de la Prusse, et l’obligea à réintégrer la France non sans emporter dans ses malles, les cartes, plans, dessins, mémoires, collections de minéraux, modèles, livres, instruments de l’école39 et… 40 000 F qu’il était parvenu à réaliser sur la production de la forge. Son idée était de préparer l’ouverture d’une nouvelle école, ou plus simplement de rester directeur d’établissement. Ce qui advint : en août 1816, il était nommé à la tête d’une école qui lui revenait de mettre sur pied, l’école des Mineurs de Saint-Étienne.
38Il est temps à ce moment du récit d’en suspendre brièvement le fil, de démêler l’écheveau des vécus avant qu’il ne se reconstitue sur un autre mode, d’en tirer les fils de manière à comprendre ce que chacun des acteurs, individuel ou collectif, put en retirer. Le Corps des Mines tout d’abord : où en était-il, à ce moment ? À Paris, tout était prêt pour relancer l’enseignement autour des collections, de la bibliothèque et de son conservateur Collet-Descotils. En 1814, le Conseil recevait l’Hôtel du Petit-Luxembourg, près l’Hôtel de Vendôme et en 1815, Collet-Descostils, dont on aura compris qu’il n’était pas d’emblée favorable à la notion de sciences pratiques à l’intention de l’industrie, était nommé directeur provisoire de l’école parisienne. La loi du 21 avril 1810 l’avait conforté dans son entité et légitimé dans sa mission. Le régime de concession s’était imposé et son application, c’est-à-dire la délimitation des concessions et la détermination des règlements d’exploitation, requérait la présence en nombre d’hommes compétents. Les ingénieurs le rappelèrent sans ambages à peine la monarchie restaurée. Le 14 juin 1814, réunis comme au temps de la Maison des Conférences, les ingénieurs des Mines présents à Paris adressèrent à l’abbé de Montesquiou, ministre de l’Intérieur, un mémoire dans lequel ils défendaient avec ardeur la loi de 1810. Dans l’ordre de la chaîne des temps dont se réclamait la charte octroyée quelques jours auparavant, la nouvelle loi minière ne renouait-elle pas avec le droit régalien ? Fort de la nécessité qu’il pensait représenter, le Corps réclama le droit à assurer sa propre gestion et la désignation d’un « premier ingénieur » qui aurait « spécialement dans ses attributions la direction des Études dans les Écoles ainsi que la confection et la conservation de tous les objets relatifs au perfectionnement et à la propagation de l’Art des Mines40 ». Ce faisant, il cherchait à institutionnaliser sa position de pédagogue à l’intention de l’industrie.
39Et Beaunier ? Son approche en la matière était celle d’un homme de terrain, que son métier avait confronté à de vifs conflits. Expert dépêché sur la plupart des grands bassins houillers, il avait appris à user de sa compétence technique. Directeur d’une usine-école menacée par les hostilités, il avait vécu en Sarre la nécessité de la négociation. Lorsque, contraint par la guerre, il fut amené à traiter directement avec les gens du pays pour obtenir ses matières premières, et non plus comme le faisait Duhamel avec l’administration domaniale, il put découvrir, observer, analyser le détail de ces contrats établis selon les formes traditionnelles, avec les conditions édictées d’entente et d’harmonie entre les divers acteurs de l’économie et l’administration du Souverain. L’usine, en Sarre, n’existait qu’à la condition de s’insérer dans l’ensemble environnant au prix d’autorisations et de contraintes réciproques. Entre les secteurs d’activité, agriculture, usines et services, il y avait non pas antagonisme comme en France, mais communauté, une communauté qui n’excluait pas les conflits mais offrait des structures de droit pour les régler. Il y avait là de quoi séduire l’ingénieur français, de quoi aussi déranger ses certitudes : quelle place pour l’expert technique dans un tel milieu ? Beaunier revint de Sarre en porte-à-faux par rapport aux représentations de l’ingénieur et de l’entrepreneur que véhiculait le Corps des Mines ; en porte-à-faux par rapport même à ses propres expériences. Il avait côtoyé un secteur minier et métallurgique intégré dans le tissu économique ; il savait que le droit correctement établi pouvait suffire à réguler le fonctionnement de l’entreprise et que dans ce cadre, l’ingénieur pouvait tout aussi bien n’être qu’une sorte de technicien d’entreprise. Sa réaction fut d’instaurer une institution pour les former.
La naissance de Saint-Étienne
40Le débat fut vif, presque violent, autour de Saint-Étienne. Le conseil général des Mines et Beaunier s’accordèrent, bien évidemment, faute de quoi, l’école n’aurait pas vu le jour. Mais ils s’accordèrent sur une base minimale qui fut :
- il est nécessaire de disposer d’une école pratique de mineurs ;
- il est intéressant d’installer cette école au cœur d’un bassin houiller et industriel ;
- pourquoi pas Saint-Étienne ?
41À partir de là, tout divergea. L’ingénieur n’eut aucune difficulté à justifier de la localisation de l’École que nul ne songea à contester. Dans tous les cas de figure et quel qu’ait été la nature de l’enseignement, c’était un terrain favorable. Et Beaunier connaissait suffisamment la région pour être convaincant et mettre dans la balance une densité industrielle proche à beaucoup près, si ce n’est supérieure à celle rencontrée en Sarre :
« Sur une surface de 2 500 hectares, les territoires contigus de Saint-Étienne, Saint-Chamond, de Rive-de-Gier renferment 73 mines de houille en activité au service desquelles sont employés 1 500 ouvriers plus de 300 chevaux, 70 machines à molettes, 6 machines hydrauliques d’épuisement, 7 machines à vapeur rotatives et 4 machines à vapeur de simple épuisement ».
42La richesse de la région en industries, en sites à visiter constituait le socle d’un projet qui se recommandait ouvertement de l’expérience des écoles pratiques.
« Les élèves pourront suivre à Chessy et Sain-Bel, le traitement du cuivre ; beaucoup plus près, sur le revers du Mont Pilat, ils étudieront l’exploitation de minerai de plomb. Enfin, si le pays de Saint-Étienne n’offre pas toutes les facilités désirables pour l’étude du fer, les élèves pourront du moins y acquérir de bien utiles notions sur l’emploi de ce métal dans les manufactures d’armes et dans les fonderies ».
43La finesse de Beaunier étonne moins à distance que la frilosité des contre-propositions faites par le Corps des Mines alors que les plus grands, Lelièvre, Gillet-Laumont, Duhamel, au conseil, Hassenfratz, Baillet et Bonnard, participèrent activement au débat, les deux premiers à titre d’experts, le dernier à titre de secrétaire du conseil. Est-ce parce qu’un collectif, par définition parcouru de contradictions, traversé de divergences élabore moins aisément un projet ? Ou plus simplement, est-ce parce que le Corps redoutait le projet de Beaunier ? Paris refusa catégoriquement de voir en Saint-Étienne autre chose qu’une école de maîtres-mineurs41.
44Beaunier chercha pourtant à emporter l’adhésion de ses pairs en soulignant ce qui séparait les Mines des Ponts et Chaussées, en s’accrochant à ce point de la constitution identitaire du Corps voire en tentant d’en expliciter la teneur, le fondement : « En France, les ponts, les routes, les canaux sont uniquement construits par des hommes sortis de la même école parlant le même langage technique et, ce qui est bien plus important, ayant entre eux une unité de doctrine ». Le tableau dressé des Ponts et Chaussées est celui d’un corps homogène disposant d’une unité de pensée et d’action dont l’ingénieur prend soin de noter qu’elle est le fruit d’une construction pédagogique. Tandis qu’aux Mines, souligne Beaunier, une telle unité n’existe pas, car il s’y trouve « deux classes d’hommes » nettement distinctes : un « corps d’ingénieur » qu’il présente « chargé de la surveillance » et des directeurs d’exploitation « qui sont véritablement une autre classe d’hommes ». Et ce couple ne fonctionne pas, diagnostique l’ingénieur qui insiste lourdement sur l’insuffisante qualité de directeurs donnés pour « malhabiles », « dépourvus d’instruction » ; ignorants, « d’une ignorance fatale pour notre industrie ». L’emphase, toute rhétorique, fait ressortir le caractère inopérant de la relation avec le Corps. « L’action des ingénieurs ne peut jamais être telle qu’elle prévienne toutes les fautes d’un Directeur malhabile ». Mieux, il insiste sur la vanité de la juxtaposition : « le Corps des Mines, fut-il formé des hommes d’Europe les plus profondément versés dans l’art des Mines, il ne s’en suive pas que les mines de France soient bien exploitées42 ». C’est là précisément où Beaunier veut en venir, à cette nécessité de réduire l’écart culturel, à la nécessité de travailler à ce que les directeurs comprennent les ingénieurs. Car, seul le directeur instruit pourra « apprécier et suivre, dans les détails, les avis ou ordres émanant de l’administration des Mines ». Et sur ce point, l’ingénieur est critique. Le Corps, à ses yeux, a manqué à cet aspect de sa mission. « On peut même dire qu’en instituant nos écoles pratiques… on ne s’est jamais assez pénétré de la nécessité d’y attirer le plus grand nombre possible d’élèves étrangers au Corps des Mines43 ».
45Ce point-clé du débat souleva les plus vives oppositions. La réponse fusa, on s’en doute. Quoi ! Depuis un an, l’école des Mines de Paris existait… Elle proposait des places aux élèves externes ; mieux elle les réclamait… Beaunier porta le fer un peu plus loin, reprochant à Paris des cours beaucoup trop éloignés de la réalité des ateliers. L’école parisienne est une « école de théorie » et pour en « suivre avec profit les exercices », il faut être pourvu d’un « enseignement préliminaire que possède bien rarement celui qui se destine à la direction de tel ou tel établissement particulier, encore moins à la direction d’un simple atelier ». Loin de dévaloriser, il dispose et hiérarchise avec habileté : « L’école des Mines de Paris représente l’institution qui existe en Saxe sous le nom de Bergakademie ». Mais c’est pour souligner le manque : « Fortifié d’exemples puisés dans une terre classique », il souligne « que l’institution formée dans la même contrée sous le nom de Bergschule manque entièrement en France ». En clair, il n’y a pas dans le pays de lieu pour former les directeurs, qu’ils soient de mines, d’usines ou d’ateliers. L’école de Paris, naturellement tournée vers la théorie, ne peut répondre à cette fonction. Pour le compte, les remontrances et les conseils émis par le Corps continueront de se perdre en terrain stérile, « ils demeureront sans effet auprès d’une classe d’hommes que nulle étude n’aura disposé à en profiter ».
46Le débat sur l’école pratique, ses raisons et son contenu, trouvait là un aliment majeur. Quels en étaient les termes désormais ? Beaunier pensait entreprise, directeurs, efficacité sur le terrain, entente. Ses collègues du conseil des Mines pensaient administration, contrôle, direction, emprise scientifique et administrative. Beaunier privilégiait l’approche par le bas, une approche inductive qui consistait à modifier le terrain en partant du terrain, ce que, pour lui, école pratique voulait dire. Le conseil privilégiait l’approche par le haut, l’imposition des connaissances, la modification du terrain par l’injonction. Rapportons le tout à la définition de l’ingénieur : Beaunier donnait pour crucial de former scientifiquement les directeurs d’exploitations, d’arriver à la constitution d’une pensée technique autonome ; le conseil ne s’interdisait pas cette approche, à condition qu’elle fut seconde, inscrite dans la mission première de l’ingénieur qui était d’administrer la technique, à condition aussi que cet enseignement-là fut parisien et le restât. Le Conseil s’inscrivait dans la lignée d’une technologie « à l’allemande », d’une science de l’administration appliquée à la technique. Beaunier lui proposait une approche théorique de la pratique cousine de ce qui s’élaborait autour de J.-B. Say et du CNAM, entendons la production d’une science à partir des données issues de l’entreprise44. Et pour déterminer les champs d’études, il distinguait les domaines d’action. À ses yeux, la pratique de l’ingénieur des Mines destiné par définition à administrer, à contrôler, à surveiller ne pouvait être assimilée à celle du Directeur d’industrie, terme à comprendre dans son sens générique : celui dirige l’entreprise, tout ou parties.
47Dans le mouvement de décantation que connaissait le terme « pratique », une dissociation nouvelle apparaissait, qui en compliquait la compréhension. Il y avait désormais autour de la technique, quatre sortes de « pratiques » dûment répertoriées et inégalement reconnues : la « pratique ouvrière », le savoir-faire ; la « pratique savante », l’application au terrain de la géologie, de la chimie, etc. ; la « pratique administrative », le contrôle raisonné du fonctionnement industriel et la « pratique industrielle », la détermination de règles de fonctionnement de l’entreprise. Les trois dernières avaient en commun de revendiquer une approche scientifique, c’est-à-dire la détermination, à partir de l’expérience, par l’étude des causalités, de grandes lois de fonctionnement. Prenant appui sur l’hétérogénéité fondamentale de la profession, Beaunier proposait l’école comme moyen de résolution de la tension entre chacune de ces formes, et donnait pour facteur de réussite du secteur, l’immersion dans une même culture de toute personne ayant des fonctions d’encadrement et d’impulsion. « Parler le même langage technique », construire « une unité de doctrine » : c’est en ces termes que le Directeur accueillit ses premiers élèves :
« Vous êtes destinés à avoir dans la profession que vous embrassez des rapports très multipliés de subordination ou de convenances réciproques avec les ingénieurs des Mines. Il est en conséquence essentiel qu’il y ait entre l’instruction pratique que vous allez acquérir et la leur, unité de doctrine et de langage ».
48L’ingénieur ne dissimulait pas le rapport « de subordination » qui devait exister entre le Corps et les Directeurs. Mais il ajoutait à l’approche hiérarchique, verticale, l’unité du discours, c’est-à-dire une culture technique commune, autorisant durablement un dialogue entre égaux, pour lui les « rapports de convenances45 ».
49L’avancée conceptuelle et par contrecoup la profondeur de la divergence se mesurent à la définition que le Corps avait donnée peu avant de la hiérarchie à instituer. Dans leur mémoire de 1814, les ingénieurs avaient réclamé qu’« à partir de 1816, les maîtres-mineurs ou chefs d’ateliers ne puissent exercer leurs fonctions sans avoir reçu de l’ingénieur des Mines un certificat de capacité visé par le conseil général des Mines » et prié instamment le ministre que « nul ne puisse être employé comme Directeur dans une exploitation importante, s’il n’a étudié trois ans dans les écoles pratiques des mines ou reçu de l’administration un certificat constatant qu’il est suffisamment instruit ». Les directeurs distingués auraient reçu le titre d’« Agrégé au Corps des Mines46 ». La proposition dévoile une institution suffisamment sûre d’elle-même pour pouvoir inverser la relation jusque-là établie avec les exploitants les plus qualifiés. Dans la continuité de l’Ancien régime, l’arrêté de messidor an II avait autorisé le recrutement d’inspecteurs et ingénieurs destinés à constituer le Corps des Mines « parmi les anciens inspecteurs ou ingénieurs, ou parmi les directeurs des travaux des mines ou autres qui auraient les connaissances nécessaires pour en remplir les fonctions47 ». Onze ans plus tard, le Corps se proposait d’agréger les meilleurs des directeurs et se posait en référent ultime ; elle proposait une hiérarchie dont l’aune était moins les qualités éprouvées dans l’ordre de l’économie que dans celui de la technique pure : l’approche théorique valait mieux que l’action pratique. Est-ce à dire que le temps était venu de la défense corporatiste ? L’hypothèse n’est pas à exclure, à condition toutefois de l’infléchir vers l’École de Paris et de mesurer jusqu’à quel point la légitimité du Corps était à renforcer, par rapport à l’Administration centrale, par rapport à l’administration des Ponts. La montée en puissance des sciences appliquées, qui aggrava la tension induite par la mission conférée à l’École des Mines d’être une école d’application de l’École Polytechnique, n’allait pas contribuer à affaiblir cette appréciation étroite de la réalité.
50L’analyse que proposait Beaunier était autrement dynamique par le bouillonnement culturel qu’elle supposait, qu’elle semblait devoir induire aussi. Adoptant le terme d’agrégé-mineur, il le retourna en proposant que ce fût « une réunion d’hommes attachés par les liens de la reconnaissance et par une certaine conformité de doctrine et de langage au Corps royal des Ingénieurs ». Son idée : attribuer ce titre aux élèves « qui dans le cours des études auraient obtenu la moitié des points de mérite auraient droit à ce diplôme », une préfiguration du diplôme d’ingénieur civil en somme, tandis que les élèves non agrégés auraient reçu « un certificat attestant du temps passé à l’école, du degré d’instruction retiré, à quels travaux, à quelle surveillance, ou à quelle direction, ils avaient été jugés propres ». Il posa clairement le contenu de l’enseignement à conférer du côté de la science expérimentale : « Le précepte devra naître presque toujours de l’expérience et sa démonstration consistera dans des résultats effectifs de ses applications pratiques bien plus que dans les calculs ou des raisonnements tirés de principes séparés du point à démontrer par un plus ou moins grand nombre de chaînons intermédiaires48 ». Au titre près, celui d’ingénieur civil des Mines, qui sera acquis en 1890 seulement dans les conditions que l’on verra, c’est tout le futur de l’école stéphanoise qui est contenu dans ce programme.
51Le Conseil refusa sèchement d’adhérer à ce point de vue et insista pour que l’école fût une école de mineurs au sens le plus étroit du terme, c’est-à-dire une école formant « des bons conducteurs de travaux souterrains, des maîtres-mineurs en état d’apprécier et de suivre les détails d’exécution, les avis ou les ordres émanés de l’Administration des Mines », une école pratique au sens le plus étroit du terme. « Il ne s’agit pas de former à Saint-Étienne des gens parfaits dans le principe. Il suffira que les élèves prennent une simple connaissance des premiers principes et qu’ils puissent quitter l’école au bout de deux ans ». Déjà pointait le malthusianisme scientifique :
« On n’apprendra aux mineurs que le peu de théorie qu’il leur est indispensable […] Ce qu’il faut, c’est former promptement de bons géomètres souterrains, des machinistes habiles et d’excellents maîtres-mineurs. Nous croyons que ce serait manquer le but de l’institution de tout l’appareil de science qui pourrait effrayer les mineurs et écarter de l’école ceux qu’il importe le plus d’y attirer et d’y admettre ».
52Bonnard, Hassenfratz et Baillet, les auteurs de ces remarques, proposaient comme démarche pédagogique non de faire naître le précepte comme le voulait Beaunier, mais de « placer l’exemple à côté du précepte », « l’expérience à l’appui des principes enseignées », de « montrer sur le terrain, dans les ateliers, dans les intérieurs des mines les objets décrits ou les œuvres entretenues…49 ». Le Conseil, en définitive, ne voulait donner de sciences que ce qui convenait à chacun pour qu’il occupât correctement la place qui était sienne, sans chercher à aller au-delà.
En conclusion : l’État donne sa chance au Génie minier
53Le gouvernement opina de manière à ne désavantager personne. Il laissa dans le flou le titre et la mission de l’école stéphanoise, sûr ainsi de ne pas blesser le Conseil tout en conférant à Beaunier la latitude d’action que ce dernier souhaitait50. L’ordonnance du 2 août 1816 est caractéristique des manières de légiférer de la Restauration. C’est un texte bref qui fonde l’institution en cinq articles, le premier décidant de l’établissement, le second de son organisation, le troisième de l’enseignement qui y sera donné, le quatrième du type de candidat qui y sera admis, le cinquième enfin, la mettant sous l’autorité d’un conseil d’administration. Mais l’École ne fut pas placée sous la tutelle du Corps, convoqué uniquement pour donner son avis et pour fournir les professeurs « qui seront choisis parmi les ingénieurs attachés à l’arrondissement des mines dont Saint-Étienne est le chef-lieu » (art. 2). Le texte est formel : « Tous les objets généraux, tels que les époques et les programmes des cours, la discipline des élèves, la comptabilité, etc. seront délibérées dans le conseil d’administration » composé comme à Pesey du directeur et des professeurs, et soumis « à l’approbation du ministre de l’Intérieur, sur le rapport du Directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines51 » (art. 5). Au nom de quoi Beaunier s’entretint continûment avec Molé, le nouveau directeur des Ponts et Chaussées et des Mines52. La disposition était capitale, eu égard aux désaccords apparus.
54Molé imposa le statu quo. La comparaison entre les deux ordonnances fondatrices, celle du 6 août 1816 pour Saint-Étienne, celle du 6 décembre pour Paris, donne à voir dans la dénomination des institutions et dans la désignation des élèves un distinguo subtil, à partir de quoi Paris pouvait se flatter d’être École supérieure, Bergakademie ; à partir de quoi Saint-Étienne pouvait devenir École professionnelle, Bergschule. L’une était école des Mines, l’autre école des Mineurs. L’ordonnance du 6 décembre distinguait entre les élèves ingénieurs venant de l’École Polytechnique et destinés au Corps des Mines, pour lesquels l’école était plus spécialement créée et les élèves externes « envoyés soit par les préfets, soit par les concessionnaires ou les propriétaires d’établissements métallurgiques » (art. 15). Le recrutement stéphanois, selon l’ordonnance du 6 août était beaucoup moins ciblé. Il suffisait que les élèves aient entre 15 et 25 ans et qu’ils aient prouvé leur « bonne conduite, capacité et une instruction telle au moins que celle qui s’acquiert dans les écoles primaires ». La distinction se retrouve dans le programme des cours. L’ordonnance parisienne consacrait l’existence des quatre chaires anciennes : « minéralogie et géologie ; docimasie ; exploitation des mines ; minéralurgie53 ». L’ordonnance stéphanoise reconnaissait simplement l’obligation d’enseigner les matières nécessaires à l’exploitation minéro-métallurgique, savoir : « 1°) l’exploitation proprement dite ; 2°) la connaissance des principales substances minérales et de leurs gisements ainsi que l’art de les extraire et de les traiter ; 3°) les éléments des mathématiques, la levée des plans et le dessin ». C’était un énoncé moins directif, mais beaucoup plus professionnel, qui pouvait être entendu dans le sens de l’élargissement aussi bien que dans celui de la restriction.
55De la même manière, le but de la formation parisienne était clairement affiché, « former des directeurs d’exploitations ou d’usines » (art. 25), tandis que celui imparti à l’école stéphanoise, « l’enseignement des jeunes gens qui se destinent à l’exploitation et aux travaux des mines », frappe par son imprécision. Enfin, la question du diplôme resta en suspens. Le gouvernement disposa sans rien trancher, ne donnant de bornes précises et définies qu’à l’école parisienne, et ce faisant, il donna droit aux deux protagonistes. Il reconnut à Paris la supériorité de la science, mais n’interdit rien à Saint-Étienne. Il serait vain d’attribuer cette indétermination à l’impuissance ou à l’ambiguïté. Le texte est plutôt à interpréter comme la volonté d’un laisser faire : à Paris, laisser la pratique instituée se développer ; à Saint-Étienne, laisser l’expérience se dérouler. Molé, le directeur des Ponts et Chaussées, savait ce qu’il voulait et l’avait montré en défendant âprement l’existence du Génie civil, un moment menacé, lorsqu’en décembre 1815, son ministre de tutelle comparant termes à termes les dépenses des deux Génies, le militaire et le civil, en avait conclu au coût excessif de ce dernier. Évoquons car elle est instructive pour la suite, une réponse qui fut foudroyante et réfuta jusqu’à l’idée de parité :
« Votre excellence m’a fait l’honneur de m’écrire sur ce que coûte au ministère de la guerre, la division des fortifications mais il n’existe aucune parité entre l’administration générale des Ponts et Chaussées et des Mines et cette division : vouloir les assimiler ce serait méconnaître entièrement l’institution, les moyens et le but54 ».
56C’était des propos forts, à haute teneur politique, en ces temps d’occupation militaire et de restauration sociale :
« Il se traite aux Ponts et Chaussées environ trente mille affaires, je ne pense pas que la division du Génie en ait le cinquième à expédier. Les travaux de fortifications se bornent à quelques places d’une partie seulement de l’extrême frontière et à quelques villes de l’intérieur. Tandis qu’il n’est pas une ville, pas un bourg, pas un point de France où le Génie civil n’ait des travaux à exécuter. Que sont les fortifications de quelques places ou de quelques points de la côte, les canaux défensifs comparés aux ponts à construire, aux routes de 1re et de 2e et de 3e classes, aux ponts à construire ou à réparer, aux ouvrages à faire sur les fleuves et les rivières, sur les canaux navigables, aux dessèchements, au système général des ports maritimes de commerce, phares et fanaux, digues et travaux à la mer, à l’approvisionnement de Paris en combustibles, aux bacs, bateaux, moulins et usines, aux ponts à bascule et au maintien des règlements de la grande voirie… ? ».
57Molé n’excluait pas les mines de ce tableau :
« Je dirai peu de choses des mines, mais dans un moment où privé des avantages que lui ont fourni pendant tant d’années les mines qu’elle possédait dans des pays qui ne lui appartiennent plus, la France est réduite à ses propres ressources, il serait imprudent de laisser retomber cette partie de l’administration dans l’anéantissement où elle était avant la loi de 1810 et de redevenir sous ce rapport tributaire de l’étranger ».
58Le credo suit, classique, que Becquey, son successeur, ne renia nullement. « Il est reconnu que la France est riche en mines de toutes espèces, mais il faut favoriser les recherches et donner une nouvelle vie à cette branche si féconde pour le commerce et si utile aux revenus publics ». Le refus est catégorique de mutiler quoique ce soit dans l’administration des Ponts et Chaussées : « Assurément, rien n’est plus facile que de faire des réductions dans les dépenses, mais ces réductions ne sont pas des économies si elles doivent dessécher et anéantir les sources de la prospérité de l’État ». Molé assignait au Génie civil une mission d’aide à la prospérité publique, en bonne compréhension de l’économie politique et de la politique administrative. Il se savait soutenu. Le monarque n’était pas innocent à l’Art des Mines, lui qui avait fait exploiter Allemond et fait venir de Freiberg J. G. Schreiber. Et parmi ses intimes, il y avait Héron de Villefosse, inspecteur général des Mines et de grande expérience55. La création de l’école de Saint-Étienne à côté de celle de Paris peut s’interpréter comme le refus de la part de la direction des Ponts et Chaussées et des Mines de laisser échapper une possibilité de formation. Geste par défaut de toutes les manières : il manquait au pays la masse critique, l’épaisseur d’un tissu industriel à partir de quoi aurait émergé un encadrement, des ingénieurs. Quant à l’école des Mineurs, née sous le signe de la tension, elle allait y demeurer.
Notes de bas de page
1 Pesey (aujourd’hui Peisey-Nancroix) se trouve en Savoie, dans la Tarentaise, non loin d’Albertville. La localité de Geislautern se situe à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Sarrebruck sur la rivière Rossel non loin de sa confluence avec la Sarre.
2 L. Aguillon, Notice…, op. cit., p. 91 et A. Chermette, L’or et l’argent. Aventures d’un minéralogiste au xviiie siècle, 1981, p. 81, qui reprend une anecdote narrée par de Billy dans la « Notice sur Dufrénoy », Annales des Mines, 6e série, tome IV. L’auteur dans cet ouvrage s’inspire étroitement de la Notice historique de Louis Aguillon.
3 Christian Stoffaës s’exprimait en tant que délégué général de l’Institut d’Histoire de l’Industrie. A. Thepot, Les ingénieurs…, op. cit., p. XI.
4 Le terme est à comprendre dans son sens générique d’homme œuvrant et produisant sans préjuger de son rang, et non dans le sens de praticien confiné dans les tâches élémentaires et subalternes qu’il prit à partir des années 1850.
5 Ordonnance royale du 2 août 1816, complétée par l’arrêté ministériel du 3 juin 1817 portant règlement, E. Lamé-Fleury, Recueil…, t. II, p. 531-539. Sauf mention contraire, les citations concernant ces deux textes proviennent de cette référence.
6 Ordonnance royale du 5 décembre 1816 complétée par les arrêtés ministériels des 6 décembre 1816 et 3 juin 1817, portant règlement le premier pour les élèves-ingénieurs, le second pour les élèves externes, E. Lamé-Fleury, Recueil…, t. II, p. 491 sqq., et L. Aguillon, Notice…, op. cit., p. 125- 145.
7 Il s’agit des « schèmes organisateurs et [du] fonds commun de signification des objets, des situations et des actes, centré sur l’activité dominante. […]. La différenciation entre métiers s’opère à l’intérieur du système », J.-P. Darré, La parole et la technique. L’univers de pensée des éleveurs du Ternois, 1985, p. 20-21 et passim.
8 Bélidor par exemple faisait du « devis », le chef-d’œuvre de l’ingénieur, H. Vérin, La gloire…, op. cit., p. 229. Sur l’art et la nécessité du bien « deviser », voir aussi du même auteur : « La réduction en art et la science pratique au xvie siècle », Raisons pratiques, 9, 1998, p. 119-144.
9 La Savoie revint à la Sardaigne par le traité du 30 mai 1814.
10 Il était loisible à tout individu d’entreprendre des recherches et d’ouvrir une exploitation à la condition d’envoyer le minerai à la fonderie de Conflans, sur le mode juridique allemand. À supposer que l’administration reprenne une exploitation en marche, la règle voulait qu’elle remette à l’ancien exploitant, la moitié des bénéfices nets produits durant dix années. Selon L. Aguillon, la fonderie projetée en 1804 connut sa première campagne d’essais en 1814.
11 L. Aguillon, Notice…, op. cit., p. 100, n. 3. Laumond fut Directeur général des Mines de novembre 1810 à mars 1815.
12 Brochant de Villiers, Traité élémentaire de minéralogie, Villiers, Paris, 2 volumes, an IX, an XI. J’emprunte la description de ses travaux à L. Aguillon, Notice…, op. cit., p. 97 ; l’appréciation sur Werner à G. Gohau, Histoire…, op. cit., p. 110.
13 E. Grison, Du faubourg… op. cit., p. 325. L’auteur fournit en annexe une bibliographie complète des publication de J.-H. Hassenfratz et signale l’existence du Programme du cours de minéralurgie professé à l’École Polytechnique, pour l’an IX (1800-1801), ms, arc. École Polytechnique, III, 3b.
14 N. Chézeau, L’émergence d’un nouveau domaine scientifique au tournant du xxe siècle : la métallurgie physique. Une perspective internationale, Nantes, 1999, p. 257-259 et 263-265. Egleston, qui avait précédé Howe dans l’enseignement de métallurgie avait suivi l’enseignement de l’école des mines de Paris et y était resté très attaché.
15 Lelivec, « Statistiques de mines et usines du département du Mont-Blanc », Journal des Mines, vol. XX, 1806, cité par A. Chermette, L’or…, op. cit., p. 67-68.
16 L. Aguillon, Notice… op. cit., p. 97. Travaux de Brochant De Villiers : « Observations géologiques sur des terrains de transition qui se rencontrent dans la Tarentaise et autres parties de la chaîne des Alpes », Journal des Mines, t. XXIII, 1806, et Terrains de gypse ancien qui se rencontrent dans les Alpes, mémoire lu à l’Institut le 11 mars 1816.
17 Daubuisson De Voisins, Des mines de Freiberg en Saxe, 1802, cité par A. Thepot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 79.
18 L. Aguillon a largement contribué à donner sa teinte négative à l’historiographie. L’auteur en effet, minimise l’épisode de Geislautern, pour lui un « embryon » comparé à l’établissement savoyard. L. Aguillon, Notice…, op. cit., p. 86.
19 La « mine » ainsi décrite était une sorte de minerai de fer. Pour tout ce qui concerne l’École pratique de la Sarre, nous avons dépouillé les « papiers Beaunier » (AN F14 1174 et 1175, an IV-1815). Nous avons conservé les appellations originales et leur orthographe.
20 A.-F. Garçon, Mine et métal. Les non-ferreux et l’industrialisation, 1780-1880, 1998, p. 3. Duhamel fut rappelé à Paris en 1813 pour succéder à Lefebvre d’Hellancourt au conseil général des Mines.
21 La loi de 1810 obligea les entrepreneurs sarrois à fournir leurs actes de concession. Tous les actes présentés aux autorités françaises furent traduits en langue française et authentifiés Un exemple parmi d’autres, qui concerne la fabrique de noir de fumée d’Ihlingen, bail en date de 1785 : « La fabrique sera établie et construite aux frais et dépens des Sr Engelke et compagnie à un endroit où cela ne fera pas de dommages dans les forêts et ou les entrepreneurs le trouveront convenable, mais il ne sera fait que cinq fourneaux excepté dans le cas ou le débit de noir en demanderait encore cinq autres et qu’on serait sûrs que la houille ne manque pas pour alimenter les fourneaux », AN F 14 1175, 28 juillet-août 1812. Un tel droit existait en France autour des carrières, mais il était resté marginal à l’échelle du droit minier.
22 AN F 14 1175, baux pour les forges et pour les houillères établis pour 9 ans à compter du 1er messidor an V, juillet 1797. La forge de Geislautern fut affermée à la compagnie Leclerc, puis à partir de nivôse an III à la compagnie Cerf, Steinmetz et Zacharias fournisseur de l’armée Rhin-et-Moselle, associée à Gouvry pour la circonstance. Le marché se révéla un marché de dupes pour la République et la forge un moment passa sous le régime de la régie directe (dir. Watremetz). Ensuite, elle fut attribuée à la compagnie Ecquer (encore dénommée compagnie Lasalle).
23 AN F14 1174, mars 1807-août 1811. En août 1811, l’école obtint le monopole d’extraction du minerai de fer « dans l’enceinte des forêts impériales et communales » des départements de la Sarre et de la Moselle « dans l’étendue de l’arrondissement fixé au plan annexé au présent décret ». La décision concernant les houillères fut reçue avec soulagement par Bergeoy, le directeur de l’enregistrement des domaines à Trèves, qui y vit là un moyen de « mettre un terme aux exploitations illicites des communes ».
24 L’arrondissement comprenait les départements de la Sarre, Mont-Tonnerre, Moselle, Rhin-et- Moselle, Meurthe et Bas-Rhin.
25 D. Woronoff, L’industrie sidérurgique…, op. cit. p. 98 et 338. En cela, il rejoignait Hassenfratz, qui avait vertement critiqué le Creusot en l’an V. C’est Duhamel lui-même qui narre l’anecdote sur la routine dans son « Rapport sur les expériences à faire pour améliorer l’industrie » cité par A. Thepot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 397.
26 AN F14 1174, 18 février 1810 ; D.Woronoff, L’industrie sidérurgique…, op. cit., p. 343 et 366.
27 L’acier est un alliage de fer et de carbone. La cémentation est un procédé d’obtention de cet alliage par contact direct (fer en fusion sur charbon). Le fer étamé est un fer protégé en même temps que rendu brillant par dépôt d’une couche fine d’étain. AN F 14 1174, 6 août 1807 et décembre 1809. AN F14 1174 août 1807-juin 1810.
28 Le problème technique était double : obtenir un étamage de bon aloi, c’est-à-dire « mettre de l’étain sans trop en mettre » et faire que cette étamage supporte le laminage. Pour ce dernier point, le travail de Vanderbroecke emporta l’adhésion ; pour le premier, il y eut discussion.
29 AN F14 1174, juin 1807-octobre 1808. Le caractère pour le moins pragmatique des échanges techniques de cette époque, leur côté « recette de cuisine » n’est pas sans surprendre et faire sourire. Le risque est de les taxer de futilité (d’empirisme disait-on dans les années 1890). Cette discussion sur les marrons et les peupliers renvoie à l’écologie de la forge et à la nécessité pour l’archéologie de vérifier la qualité des essences plantées dans l’environnement des fours et des fourneaux.
30 A.-F. Garçon, Les métaux non ferreux et l’industrialisation, xviiie-xixe siècles. Ruptures, blocages, évolution au sein des systèmes techniques, thèse dactyl., Paris, 1995, p. 255-256.
31 « Notice sur Beaunier », Correspondance des élèves brevetés de l’école des mineurs de Saint-Étienne, vol. 1, 1836, p. 5-35. Il s’agit en fait de la notice nécrologique rédigée par Bonnard et parue dans les Annales des Mines. Sauf mention contraire, les citations concernant Beaunier renvoient à cette référence.
32 Beaunier et Gallois, « Expériences faits à la fonderie de Poullaouen dans le but d’apprécier la température de quelques fourneaux, aux époques principales des opérations qui s’y exécutent », Journal des Mines, an X, t. XII, p. 272-282 ; « Exposé de la préparation des minerais à Poullaouen », Ibidem, an XII, vol. XVI, p. 81-116 ; « Expériences faites sur les trompes de la fonderie de Poullaouen », Ibid., an XII, vol. XVI, p. 37-48. (Analyse dans A.-F. Garçon) Brulé, « l’exemple des Mines », La Bretagne des savants et des ingénieurs, 1750-1825, J. Dhombres (dir.), 1991, p. 144-157.
33 L’instruction du 18 messidor an IX leur confiait pour tâche de se prononcer sur le bien fondé des demandes en permission et des oppositions qu’elles pouvaient susciter.
34 « Notice sur Beaunier », Ibidem. L’arrondissement de l’Est comportait les départements des Ardennes, Forets, Meuse, Marne et Seine-et-Marne, celui du Sud, centré sur Nîmes allait du Gard aux Bouches-du-Rhône.
35 La commission comprenait : Cordier, Beaunier, Mathieu, Blavier et Migneron. De retour à Paris, Beaunier, Cordier et Lefebvre d’Hellancourt préparèrent un projet de règlement général de police des mines qui servit de base au décret du 3 janvier 1813.
36 Selon G. Gay cité par C. Chaut-Morel Journel, De la construction…, op. cit., p. 101-102.
37 L’application en fut confiée à d’autres : Guényveau dans le Gard, Calmelet, en Sarre. Il revint à Calmelet, resté sur place, entre 1811 et 1813, à titre d’ingénieur en chef des Mines, d’instruire les demandes en concession des houillères et des mines de fer. Quant à dire que la résistance des entrepreneurs et maîtres de forges cessa, ce serait exagéré.
38 AN F14 1174, octobre 1813-mai 1815.
39 En juin, les troupes alliées étaient de nouveau en Sarre. Beaunier quitta puis revint, suite à la décision prise de maintenir l’administration française dans les territoires anciennement conquis que contrôlait désormais contrôlé l’armée russe, en l’attente d’un traité et moyennant le payement d’un impôt. Le matériel qu’il prit en partant fut réclamé un an plus tard, en août 1816, par le comte de Goltz, ministre de Prusse, « en exécution de l’article 31 du traité du 30 mai 1814 ». La réclamation porta aussi sur la « grande carte de situation des houillères, près Saarbruck, avec un nivellement exact et détaillé, confectionnée sous la surveillance de MM. les ingénieurs Duhamel et Calmelet ». AN F 14 1174, 12 août 1816.
40 Mémoire sur l’Administration des Mines de France et les améliorations dont elle est susceptible, AN F 14 1031 A, cité par A. Thepot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 35-37.
41 Beaunier proposa son projet en janvier 1816. Le Conseil réagit par un contre-projet en mars. P. Baché, De l’école…, op. cit., p. 14-15.
42 Le malaise était réel dont témoigne un mémoire de prairial an VIII. On y trouve fustigée la « routine aveugle des hommes sans lumières pour apprécier les moyens qu’ils emploient et qui écoutent avec un sourire dédaigneux les conseils de l’homme de génie qui leur parle un langage clair, simple, conséquent et qu’ils repoussent comme s’il était inintelligible », AN F 14 1302 B, cité par A. Thépot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 75.
43 L. A. Beaunier, « Mémoire sur la création d’une nouvelle école pratique des Mines », Conseil général des Mines, 7 mai 1816, AN F 14 1792/4, cité par A. Thépot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 224.
44 Ce point sera développé infra, chapitre 5. Pour la « technologie à l’allemande », l’ouvrage de référence demeure J. Guillerme et J. Sebestik, « Les commencements de la technologie », Thalès, 1968, p 1-72.
45 L. A. Beaunier, « Discours aux jeunes Mineurs, lors de l’ouverture des cours, le 2 février 1818 », AN F14 11 060, cité par A. Thépot, Les ingénieurs… op. cit., p. 227.
46 AN F14 1301a, cité par A. Thépot Les ingénieurs… op. cit., p. 37.
47 Arrêté du Comité de Salut Public portant organisation du Corps des Mines, 13 messidor an II (6 juillet 1794), in E. Lamé-Fleury, Recueil…, op. cit., p. 215.
48 L. A. Beaunier, Projet de règlement…, in P. Baché, De l’école des mineurs…, op. cit., p. 34-35.
49 Conseil général des Mines, 16 janvier 1817, AN F 14 1792/4, cité par A. Thépot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 228. Observations de Baillet, Hassenfratz et de Bonnard sur le rapport de Beaunier, 7 mars 1816, conseil général des Mines, AN F 14, ibid., in A. Thépot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 225. C’est de Bonnard, rappelons-le, qui rédigea la notice nécrologique de Beaunier.
50 À titre de comparaison, l’ordonnance de création de l’École des Maîtres-Mineurs à Alais donna pour mission précise au conseil de l’école de « veiller à ce que cet enseignement ne perde rien de son caractère élémentaire et pratique ». Ordonnance royale du 22 septembre 1843, art. 11, cité par A. Thépot, Les ingénieurs…, op. cit., p. 233.
51 E. Lamé-Fleury, Recueil…, t. II, p. 531-539. La référence vaut pour toutes les citations concernant ce texte et celui du Règlement du 3 juin 1817.
52 Molé devint directeur des Ponts et Chaussées et des Mines le 25 mars 1815, c’est-à-dire pendant les Cent-Jours. En juillet 1815, une ordonnance royale prit acte du rattachement de la direction des Mines, (poste occupé par Laumond depuis 1810) à celle des Ponts. Molé occupa ce poste jusqu’en 1817, date à laquelle il fut remplacé par Becquey.
53 Les chaires retrouvèrent leurs titulaires habituels : Brochant de Villiers, Baillet, Hassenfratz. La chaire de docimasie, qui n’avait pas été créée à Pesey, fut attribuée à Berthier.
54 AN F 14 3185, 23 décembre 1815.
55 Héron de Villefosse avait géré le complexe minier du Harz lorsque les troupes françaises s’en était emparé. A.-F. Garçon, Les métaux non ferreux…, op. cit., p. 304-318.
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