Corde
p. 222-224
Texte intégral
1Planche G
2Chigi, f° 38 r° (Denis Gedoyn) (voir Navire)
3 Funiculus triplex difficile rumpitur
Falleris heu demens, quisquis dissolvere tentas
Funiculum triplici, quem ligat orbe manus.
Non ea vis misero, neque fas contendere contra
Tres, quos sustentat dextera magna Dei.
Dux gregis electi prior est, cui militat orbis,
Cuius et ad votum numina cuncta fluunt.
Alter at a Sega est, nostram qui turbine vestro
Quassatam, in portum diriget arte, ratem.
Tertius est princeps, cui plebs, sanctusque senatus,
Fortis eques necnon infula sacra favet.
Il est difficile de rompre une corde À trois brins
Hélas pauvre fou, tu te trompes, toi qui essaies de défaire
La corde, qu’une main lie d’un triple lien.
Ce n’est pas ce que tu veux, misérable, et il ne t’est pas permis de lutter contre
Trois, que la puissante main de Dieu soutient.
Le premier est le chef du troupeau élu, pour qui milite le cercle
Et aux voeux duquel toutes les puissances divines concourent.
Le deuxième représente Sega qui conduira habilement au port
Notre vaisseau ballotté par votre tempête.
Le troisième est le prince que le peuple, le saint sénat,
Le courageux chevalier et même le bandeau sacré désignent.
4 En bonne ou en mauvaise part, cordes et liens reviennent fréquemment, pour parler de la religion, des rapports de sujétion (aux passions et aux vices, en mauvaise part, ou au souverain légitime, en bonne part), ou encore des relations entre états de la société. On retrouve des motifs bien connus : la légende du nœud Gordien47 ou celle de l’Hercule gaulois dont la parole enchaîne ses sujets48. Une fois de plus, il faut observer que les motifs sur lesquels brodent les élèves sont souvent les mêmes que ceux utilisés dans les entrées royales des Valois. On voit combien ces dernières ont fourni toute une sémantique pour parler du pouvoir royal et des relations sociales et combien ce vocabulaire s’est largement diffusé.
5Ici, la corde, tressée de trois brins, désigne le gouvernement de l’Union, composé de Mayenne, du légat et du cardinal de Vendôme, devenu cardinal de Bourbon après la mort de « Charles X ». Il est le candidat de la Ligue au trône de France, que son « bandeau sacré », loin d’éloigner du trône, désigne justement pour cette fonction. On voit que, dans ce dessin de Langlois, le visage du légat, à gauche, a été repris par un autre dessinateur (Jean Rabel ?) afin de mieux lui ressembler. Mayenne aussi est assez reconnaissable. L’énigme cherche à montrer une entente au sommet de la Ligue que des ennemis (à droite), désignés par leur costume et leurs armes comme les gentilshommes ralliés à Henri IV, ne parviennent pas, malgré leurs efforts, à défaire. Le pouvoir « de lier et de délier », attribué au légat, renvoie évidemment aux prérogatives pontificales. Ailleurs dans le même volume, on voit le même trio (Mayenne, légat et prétendant royal) unis dans la lutte contre l’hydre (fig. 23, p. 24749). Dans une autre composition, le légat maintient dans une sorte de ronde des vertus les quatre états de la société – noblesse, clergé, marchandise, magistrature – au moyen de la corde, qui semble évoquer autant l’unité que l’harmonie de la société50. La corde n’est donc pas sans rapport avec le chant (voir « Musique »). Un autre feuillet avait montré un peu avant le légat prenant « au lasso », les meilleurs des trois états (clergé, noblesse et tiers), les remettant à la France, tandis qu’il faisait fuir les mauvais catholiques51.
6La corde à trois brins peut aussi désigner les vices étroitement liés (voir « Maladie ») : dans cette composition, le bossu, c’est-à-dire l’homme vicieux, brandit une corde qui désigne le « triple péché ». Mais dans ce geste menaçant contre la France affaiblie, on retrouve aussi le symbole du châtiment de Némésis. Dans les mains de la déesse fatale, on voit en effet fréquemment une corde, comme dans la célèbre gravure de Dürer52.
Notes de bas de page
47 NAL 2636 f° 31 r° (Antoine Petit) : Mayenne en Hercule et le légat en évêque prêts, chacun à leur manière, à rompre le nœud.
48 NAL 2636, f° 9 r° (Pierre Sanguin) : on voit que le dessinateur a hésité sur la direction des liens. Dans un premier temps, il les a fait partir des yeux du légat, avant de gratter son ouvrage. Il s’agit bien du consilium du légat qui, partant de sa bouche, doit éclairer les arma représentées par un gentilhomme armé d’une haute épée, sans doute Mayenne, lieutenant général du royaume.
49 Chigi, f° 9 r° (Nicolas Herbin).
50 Chigi, f° 25 r° (Stéphane Tonnelier).
51 Chigi, f° 21 r° (Antoine Boyron) : « Hos ligat, hosque fugat ».
52 Albrecht Dürer, Némésis (La Grande Fortune), gravure, v. 1501-1502, reproduite dans Thomson Leslie (éd.), Fortune. “All is but Fortune”, The Folger Shakespeare Library, Washington D.C., 2000, n° 46. Voir aussi Tervarent Guy de, op. cit., p. 146, qui donne l’exemple d’une tapisserie française du milieu du xvie siècle conservée au musée Jaquemart-André et qu’il reproduit, ill. 9.
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