Chapitre IV. Dévoiler l’ennemi, purifier la communauté
Discours infamants et exercices de méditation
p. 83-115
Texte intégral
1À l’intérieur du Paris assiégé ou menacé, et profondément divisé, règnent un climat de terreur et un soupçon général1. Dans ce contexte, les jésuites ont fait travailler leurs élèves à identifier et démasquer leurs ennemis. Cela s’est d’autant mieux intégré à leur enseignement qu’on considère que l’exercice le plus profitable pour l’apprenti orateur est le blâme ou l’éloge2. Au cœur de la guerre civile, il s’agit pour les professeurs d’entretenir la vigilance à la fois des enfants et du public invité à admirer leurs travaux. L’ennemi doit être « rendu étranger », malgré toutes ses apparences de bon Français et de pieux chrétien, voire de bon catholique.
Typologie de l’ennemi
2Les textes et images de combat que les jésuites font fabriquer aux enfants sont donc d’abord des compositions démasquant un certain nombre d’ennemis, fort divers, mais souvent confondus dans l’accusation : l’hérétique, le mauvais roi (mort ou vivant, Henri de Navarre ou Henri III ainsi que leurs alliés étrangers), la noblesse qui les a suivis, et enfin, peut-être le plus terrible, parce que le plus séduisant, et celui qui cache le mieux qu’il est au fond un hérétique comme les autres, le partisan de la paix avec les Navarristes, le catholique modéré, le « politique », le « semoneux ».
3L’ennemi le plus évident et l’étiquette la plus enveloppante est donc celle d’hérésie. Les hérétiques se reconnaissent au désordre et à la division qu’ils provoquent, et qui règnent en leur sein. Ils ne connaissent que la discorde car ils ne savent « se soumettre à un autre3 ». C’est là un lieu commun contre les protestants particulièrement répandu, dès le début de la Réforme4. Louis Varelet exprime cela, dans sa planche du manuscrit Chigi, en 1592, sous la forme de deux groupes de chanteurs (pl. D, p. 208) ; le premier, formé par « ceux qui chantent sous la direction d’un seul homme, vicaire du Christ et bon pasteur », chantent avec un bel ensemble, aperto libro (à livre ouvert), ceints de l’anneau d’or de la foi. À l’opposé, les « musiciens connus comme hérétiques » « ne peuvent pas s’accorder ». Ils chantent chacun pour soi, sans maître de chant, sans suivre le livre, qui gît fermé devant eux5. Les hérétiques discordants ne peuvent conduire qu’à la guerre, comme l’exprime une page où des navires sombrent au chant des sirènes, sur le corps desquelles s’accumulent des animaux à la signification néfaste :
Les Chiens, les loups, les dauphins et énormes cétacés
Qui ceignent le bas ventre [de la sirène], que signifient-ils ?
La cruauté et l’impudeur de l’Hérésie,
Et les guerres qu’elle ne se lasse jamais de fomenter et de conduire.
Que sont ces radeaux flottant sur les eaux cruelles du naufrage ?
Ce sont les villes et les lieux dont Navarre s’empare6.
4Denis Pallier a relevé dans les imprimés ligueurs cette idée que la vraie religion « police le royaume7 ». Dans la partie du royaume dominée par Henri de Navarre règne le chaos, comme dans un jardin aux murs effondrés, ouverts aux passages des sangliers et autres bêtes sauvages représentant des vices, notamment la gloutonnerie et la luxure8.
5Le prétendu roi, Henri IV, hérétique, est donc forcément un tyran qui ne peut maintenir paix et justice dans son domaine. Une anagramme d’Henri Cajetan, dans le Casanatense, permet à un élève de proclamer « Je hai ce tyran9 ». Le nom même du légat est ici une déclaration de guerre et désigne la vraie nature (tyrannique) du pouvoir usurpé par Henri de Navarre. Le prénom commun à Henri de Navarre et au dernier Valois donne l’occasion d’infinies variations et inventions. Le fait qu’ils portent le même prénom révèle leur nature commune. En 1590, face à ces deux mauvais Henri, deux autres sont les protecteurs des bons catholiques : Henri de Guise et Henri Cajetan. Le prénom du cardinal de Plaisance est proprement providentiel. La détestation des deux Henri est un des thèmes importants de l’ensemble des manuscrits produits en 1590. Plusieurs feuillets de sonnets, dans le manuscrit Casanatense, brodent en français sur ce thème. Citons par exemple Claude Passart, qui évoque les deux couples historiques Henri III/Henri de Guise et Henri IV/Henri Cajetan, en déplorant une chute certaine de style entre les deux temps :
Deux Henris ont jouë longtemps la tragedie
Qui a porté tant d’heur, joinct à tant de malheurs ;
Si est ce qu’esmaillée de contraires couleurs,
Fust le cœur valeureux supplanté par l’envie.
Deux aultres sont entrés en tragicomedie,
L’un semble contempler les verdoiantes fleurs,
L’autre jette le feu, conçoit mille douleurs,
Et ne menaçe peu la France, et l’Italie.
Mais Dieu ne donne pas deux fois bon au meschant,
Un succes secondé d’un aultre est empeschant ;
Il est temps que le bon du meschant ayt revanche ;
Le Henri de Bearn, suit Valois à grands pas,
Soubs un Henri Romain ses chasteaux vont en penche10.
6On peut citer aussi, dans le même volume, Pierre Daubray :
L’estat gist abbattu, Mars les loix abandonne,
Ja les glaives tranchans, les lances et pavois
Se brisent, et on n’oit que cliquetans harnois,
Tant est contre la France animée Bellonne ;
Et par deux Henris que la rage felonne
De l’heresie rend d’un courage inhumain
Et arme contre Dieu, et le sceptre Romain
Contre nos fleurs de lis, contre nostre couronne.
Mais deux autres Henris ffniront ces combats,
L’un du ciel où il est Le Valois mit abas,
Cestuy le Navarrois vaincra par sa prudence.
Venez donc huguenots, venez ores fretous,
Nostre Henri contre vous le vostre contre nous,
Le seul nostre pourra affranchir nostre France11.
7Les compositions emblématiques conservées dans les manuscrits de la Bibliothèque nationale ne sont pas en reste. Ainsi dans le NAL 2637, Jean Dalben, sous le motto « L’envoyé du grand Jupiter l’a apportée » met en scène deux brigands, l’un mort (Henri III) et l’autre vivant (Henri IV), tous deux mis en fuite par Henri Cajetan, accompagnés par l’épigramme suivante :
Cette couronne envoyée par Jupiter vient de la citadelle de Rome.
Cet aigle est le fidèle messager du grand Jupiter.
Maintenant la religion vêtue d’or t’a pris ta couronne.
Elle foule à ses pieds deux couronnes :
L’une est la dépouille d’un brigand, mais l’autre aussi est celle d’un brigand.
L’un a péri par le fer et bientôt l’autre périra de même.
Qu’espères-tu, fuyard, puisque la clef t’a fermé les cieux
Et que le glaive sacré se dirige vers ta gorge12 ?
8Quelques jours avant de découvrir l’exposition de ces compositions, Cajetan écrit à Rome qu’il a bien reçu les instructions de Sixte V de faire cesser la diffamation du roi défunt, et qu’il se dispose à l’appliquer, toute difficile que cette prescription lui semble :
« Dans votre dernière lettre du 30 [janvier] vous me demandez au nom du Saint Père d’écrire à tous les Ordinaires de France qu’ils veillent à interdire aux prédicateurs de s’en prendre en chaire à la mémoire et au nom du Roi défunt. Je ne manquerai pas d’exécuter l’ordre de Sa Béatitude, bien qu’il me faille le proposer très adroitement parce que la liberté que se sont octroyée les prédicateurs de ce Royaume et surtout les Parisiens, est si grande et si forte la conviction qu’ils ont de mériter grandement à condamner la vie du défunt Roi, qu’ils tiennent pour catholique peu zélé quiconque s’efforce d’excuser ses actions et d’empêcher qu’elles ne soient diffamées. Je m’emploierai donc à ce que, sans leur donner ombrage, j’espère, ils cessent leurs invectives13. »
9Deux semaines plus tard, les jésuites présentent donc au légat un affichage où la mémoire d’Henri III est bien mise à mal, et sa détestation fait l’objet principal de certaines planches comme celle de Pierre Michon (pl. K, p. 242). Henri III y est le sujet d’une composition complexe qui le montre en Épiméthée (celui qui pense après), coupable d’avoir ouvert la boîte de son épouse, Pandore, et d’avoir ainsi libéré les malheurs de la guerre civile, feu et poignards, dont l’un se retourne contre lui14.
10Deux ans plus tard, dans l’exposition de 1592, les élèves des jésuites parlent encore du dernier Valois, mais il est loin d’occuper la même place. Il apparaît surtout à travers le meurtre de Blois. Ce meurtre est comme le péché originel qui détermine depuis l’histoire de la France, qui continue de souffrir des blessures des Guise. Nicolas de Heere nous montre ainsi la France en jeune femme éplorée, derrière laquelle apparaît, reproduisant son attitude comme un miroir, ou comme une ombre, le duc de Guise debout, mais criblé de poignards (fig. 10).
11Le poème aussi joue sur l’ambiguïté entre corps de la France et corps du Guise. Il affirme en effet que, par ce meurtre, Henri III a « infecté » la couronne : « Guise a péri, cette très sainte race du Christ : / Henri a trempé sa main dans son propre destin fatal »15.
12Un autre lieu développé contre Henri de Navarre est celui des liens de l’hérétique avec l’étranger. Il s’agit d’un lieu répondant exactement aux accusations portées contre la Ligue par le camp royaliste de ne servir que les intérêts espagnols. Henri de Navarre est présenté comme un allié de l’étranger, un séide de la reine d’Angleterre, en particulier. Ainsi, le f° 9 r° du manuscrit Chigi montre la reine d’Angleterre en singe tenant en laisse des lionnes royales qu’elle incite à flageller de leurs queues puissantes la France, jeune femme affligée de toutes parts (pl. N, p. 260). Notons que malgré les liens des légats (et des jésuites) avec le Roi Catholique, nous n’avons presque rien sur les Espagnols : ils sont évoqués dans ce même folio, mais c’est de manière lointaine16. Le plus souvent, le légat, éventuellement accompagné du duc de Mayenne, lutte seul contre tous les ennemis. Ainsi, en 1590, dans une double page évoquant la France vacillante au bord du gouffre17, on voit que seul le légat soutient, d’un côté, les armes de la France appuyée au sommet des deux colonnes emblème de Charles IX18, de l’autre, la jeune femme à la robe fleurdelysée que des souverains et souveraines tentent de faire chuter (fig. 11, p. 90-91).
13Robert Descimon et Javier Ruiz Ibañez ont rappelé que « l’historiographie a tenu longtemps à cette vision des Ligueurs comme cinquième colonne » de la monarchie espagnole, à la suite des écrits royalistes des années 1590 qui présentaient inlassablement les ligueurs radicaux comme des agents à la solde de Philippe II19. En réalité, entre 1590 et 1592, on ne compte guère de partisans d’une France espagnole et Cajetan prend acte du fait que l’Espagne est détestée. Dans les instructions qu’il remet quelques jours après l’affixio du collège de Clermont au patriarche, son frère, chargé d’aller à Rome quêter un secours substantiel du souverain pontife, il note, sous la rubrique « Des Espagnols » :
« Ils sont haïs au dernier degré : à cause d’une incompatibilité de nature [entre les Français et les Espagnols] ; parce qu’on les soupçonne de vouloir se rendre maître du Royaume ; à cause de l’insistance qu’ils avaient mise à faire reconnaître à leur Roi le titre de protecteur [du royaume de France] ; à cause des signes qu’ils avaient donnés de vouloir exclure [de la couronne] toute la maison de Bourbon20. »
14Il indique qu’il a en conséquence remontré aux Espagnols « qu’ils ne devaient plus parler de protection ni de leur intérêt particulier, non plus que d’exclure quiconque, en dehors de Navarre21 ».
15Les ennemis déclarés ne sont pas seuls visés. Une part importante de la production des enfants est consacrée à dénoncer les mauvais catholiques, qui soutiennent la cause de Navarre ou ne soutiennent pas assez la Ligue. La noblesse est particulièrement malmenée (et flattée à la fois) dans ces compositions, plus encore dans les compositions de 1592 que dans celles de 1590. En 1590, Sixte V adresse un bref à la noblesse de France ralliée à Navarre. Henri Cajetan le transmet en l’accompagnant d’une lettre, où il précisait :
« Sa Sainteté […] est convaincue qu’elle [la noblesse] a été séduite par un vain espoir qui lui a été donné, que ce prince se ferait catholique. Cet espoir se dissipe de jour en jour […] mais, supposé qu’on pût l’espérer, il n’était pas permis en conscience de suivre ce prince, tant son inhabilité subsisterait. Je crois donc pouvoir notifier à Votre Seigneurie de la part du Saint Père qu’Elle est obligée, en bon catholique, de quitter ce prince, et de ne rester à sa suite sous aucun prétexte et en vertu d’aucune promesse, et de se conformer constamment à la volonté et au jugement de Notre Saint Père et de la Sainte Église romaine. J’exhorte V. S. du fond de mon cœur, et je La prie de considérer que nul ne doit être reconnu Roi de France avant le sacre ; l’efficacité et l’importance de l’onction sacrée apparaît clairement par les serments que l’on y fait de part et d’autre22. »
16Trois arguments sont employés : vanité de l’espoir d’une conversion du prétendant, qui n’en resterait pas moins apostat ; nullité des serments d’allégeance prononcés envers un hérétique et enfin nécessité du sacre pour faire un roi de France. Nous reviendrons sur ce dernier point, qui contredisait une tradition désormais établie.
17Pour lever tout soupçon de subversion, Cajetan ajoute « Pour détruire tous les scrupules qui peuvent se présenter à l’esprit de Votre Sainteté, je puis lui donner l’assurance qu’on ne pense pas le moins du monde à préférer le peuple à la noblesse, ni à faire tort à personne vivante23 ».
18Les adhésions à la Ligue parmi les gentilshommes catholiques n’avaient pas manqué, mais la majorité semble être restée neutre dans les provinces : « il est probable que les nobles ligueurs ont partout été moins nombreux que les neutres et les royaux24 ». Et l’assassinat du président du parlement de Paris Barnabé Brisson, accusé d’être « politique » marque une rupture entre Ligue nobiliaire et Ligue urbaine entre lesquelles s’installe désormais la défiance25. Denis Pallier note que l’étude des publications des presses parisiennes pour l’année 1591 montre que « la campagne pour rallier la noblesse reprend, alternant les menaces et l’argumentation habile des pamphlets-dialogues26 ». Récemment, Ariane Boltanski a souligné que cette critique virulente, loin de convaincre les gentilshommes, a plutôt été contre-productive27. On réimprime alors des « remontrances » et autres « avertissements » comme la Remonstance contenant une instruction chrestienne de quatre poincts à la noblesse de France, laquelle faist profession en apparence de la religion chrestienne, catholique, apostolique et romaine, suit néantmoins le party de l’hérétique et employe ses armes pour maintenir l’hérésie28, dont le titre est éloquent. On y retrouve le souci de dénoncer les « apparences » de religion. Les monitoires de Grégoire XIV, dont il a été question plus haut, s’en prenaient particulièrement aux nobles catholiques qui suivaient le roi de Navarre29. C’est dans ce contexte qu’il faut lire les compositions virulentes contre la noblesse, notamment dans le manuscrit Chigi de 1592. La « solution » de l’énigme est souvent que ce sont les vices propres à la noblesse qui ont précipité les malheurs de la France, au premier rang desquels l’orgueil et l’ambition30. Au folio 8, c’est un cheval emporté qui a rompu son harnais et dont les déportements font vaciller le trône, la France et la religion (pl. Y, p. 322). Ce cheval est un hiéroglyphe de la noblesse dont les quatre pieds sont la superbe (superbia), l’inclination au mal (proclinitas ad malum), l’obstination (pertinacia) et l’exaltation (exultatio). Toute la composition est une charge contre les gentilshommes catholiques du parti de Navarre, aveuglés par leurs vices et les belles paroles jamais honorées de « cet homme qui a promis qu’il serait (lui-même, le traître) le rassembleur de notre noblesse31 ». Les nobles jouent aussi un fort mauvais rôle dans l’énigme déjà évoquée (pl. N, p. 260), où nous voyons la France lacérée par des lionnes menées par le singe anglais32. De part et d’autre de la figure de la France à demi enterrée, deux huppes juchées sur des globes soutiennent de leur bec (et donc bien faiblement) le cube de pierre (le Christ) posé sur la tête de la jeune femme. Ces oiseaux, nous dit l’explication du verso, sont « ces nobles pleins d’une cupidité inouïe, d’audace, de crime », qui pourraient soutenir la religion. Mais ils sont légers et inconstants comme l’indique leur perchoir instable. Comment compter sur leur aide ? Ces « sales traîtres à leur patrie terrassée » se déclareront « devant les autels et devant leurs alliés, quand il leur sera opportun, les défenseurs de la religion catholique33 ».
19Finalement, le discours sur la noblesse ralliée à Henri IV se fond avec le discours contre ceux qui voudraient négocier avec lui, ceux qui désirent avant tout la paix, autrement dit les « politiques », ces « muables prothées ».
Toutainsy qu’un coral, qui le sang nous appaise
S’espand soupple et mollet soubs le courant des eaues,
Et soudain qu’il sent l’air endurcit ses rameaux,
Comme s’il eut ja cuit au creux d’une fournaise.
Ainsi ô Caetan tu as aquitté ton aise,
Roidissant ta vertu contre les fiers taureaux,
Qui de la saincte Eglise esgarent les troupeaux,
Et se saoulent du sang de la brebis niaise ;
Sang qui depuis trente ans sescoule, et coulera
Tant que pour medecine nous aurons des Athees,
Des haineux heretiques, et muables Prothees.
Mais par toy coralin JESUS l’estanchera,
Par toy suppleera l’humaine defaillance,
En guerissant par toy l’hemorrhoisse France34.
20Les politiques ne sont jamais nommés dans le manuscrit Chigi, mais on les reconnaît sans peine dans ces homines debiles du folio 35, pris entre les chants contradictoires des sirènes dont certaines chantent la paix et entraînent les crédules vers l’hérésie, tandis que d’autres chantent la guerre en montrant l’inégalité des forces entre les deux camps : ces dernières mènent tout droit à Charybde, le désespoir, péché capital. Ce qui lie ces « semoneux » prêts à la négociation avec le roi de Navarre et les nobles royalistes, c’est la défense de l’intérêt particulier. L’énigme composée par Nicolas Drouart oppose ainsi deux amitiés : la vera amicitia qui lie le légat et la France et l’ollae amicitia (l’amitié de la marmite) qui caractérise Henri IV et ses alliés (pl. P, p. 274). La poignée de main du gentilhomme et du roi au-dessus du chaudron fumant fait penser à la célèbre gravure de la marmite renversée autour de laquelle se retrouvaient Henri III et ses mignons. C’est une alliance du ventre, de l’appétit, que scellent les royalistes. Alors que la Ligue ne s’effraie pas de la pauvreté35. L’appétit est une constante de la peinture de l’ennemi, bien au-delà de notre période, parce qu’elle rapproche de l’animal et éloigne donc de la communauté des hommes, du « nous ». Stéphane Audoin-Rouzeau a repéré la « gloutonnerie animale » comme le premier trait de l’Allemand dans les textes et les images destinés aux enfants durant la première guerre mondiale, avant la manie de l’espionnage et la brutalité36. Dévoiler l’ennemi, c’est donc aussi démasquer l’illusion fausse de la paix. C’est le légat qui fait ainsi une leçon d’herméneutique au Citoyen, au f° 58 r° du manuscrit Chigi. Pandore propose au Citoyen et au Légat la conversion d’Henri IV comme la meilleure solution à la guerre. Elle promet un roi qui ramènera l’âge d’or et apaisera les guerres. Le Citoyen hésite à la croire ; il en appelle au Légat qui le met en garde contre les « cruels présents cachés dans la boîte », et lui dévoile le nom et la vraie nature de ce « fameux roi » : « Navarre, tu es la guerre, le massacre, la misère. / Si ces choses vous tentent, tel sera le seul présent37. » Le politique ou tout partisan de la paix est donc le pire ennemi, le plus difficile à reconnaître et le plus intérieur. En chaire, au printemps 1592, le père Commolet résume : « la mort des Politiques, c’est la vie des catholiques38 ». On le reconnaît à sa froideur, ce frigus iners, dans une image de 1590 opposé à l’ignis edax repris de Virgile39. Sa froideur vis-à-vis de la foi qui le désigne comme « athee », dans un sonnet de 159040. En 1592, dans le manuscrit Chigi, on voit le froid calcul du politique qui cherche à éteindre la flamme de la foi41. À gauche, un homme en noir verse de l’eau sur la flamme d’un grand cierge. Heureusement, volant de la droite, un bonnet de cardinal « crache le feu » et maintient la flamme ! Les négociateurs, ceux qui veulent la paix sont froids, ils manquent de foi, mais aussi de virilité : des efféminés, mous et lâches, opposés à la chaleur et à la mâle vitalité des partisans de la résistance. La symbolique du feu et de son contraire est évidemment sexuée (pl. O, p. 266)42.
21« J’aime mieux mourir avec les Théologiens, les seize & les espagnols Catholiques, que de vivre avec les heretiques, politiques et atheistes », dit le Manant43. On sait que ce célèbre pamphlet ligueur, le Dialogue d’entre le Maheustre et le Manant (1593), est un échange qui a pour objectif de définir le « soi » et de le distinguer de l’« autre ». Il commence par un « Qui vive » ? du Maheustre, qui enjoint le Manant de répondre « à ce que je te demande, qui vive, de quel party est tu ? (sic) ». La conversation s’engage ainsi sur une tentative de reconnaissance, qui s’avère problématique : en effet, le Manant répond qu’il est catholique et le Maheustre réplique « Et moy aussi, mais est tu du party du Roy, ou des Princes de Lorraine », puisque « Tout le monde dit qu’il est Catholique »44. Dans cette ère du soupçon qu’instaure la terreur, il devient toujours plus urgent et toujours plus difficile de reconnaître l’ennemi comme de se faire reconnaître pour ami.
22Si le Manant se défend fort bien dans le Dialogue, dans la réalité la tentation du découragement a sans doute été grande. En 1590, les jésuites craignent l’accablement de la population : « On a aussi beaucoup à craindre de la population. Lassés du siège et de la famine, bien des gens réclament du pain et la paix ; s’ils sont, de fait, à l’intérieur des remparts, leur esprit et leurs désirs sont de l’autre côté », rappellent les Lettres annuelles45. L’ennemi est des deux côtés des remparts. En effet, « le soutien populaire s’effrita au cours des années, comme le reconnut l’auteur du Dialogue… En octobre 1592, dans les assemblées de quartiers qui précédèrent l’assemblée extraordinaire générale de la ville, 13 quartiers sur 16 votèrent avec les Semoneux. La disette et l’encerclement de la ville portaient leurs fruits46 », selon Denis Richet. D’où l’importance du travail de mobilisation. Filippo Sega en est bien conscient : quelques jours avant sa réception au collège de Clermont, il écrit que l’« on s’emploie par tous les moyens à conserver la confiance du Peuple, dans l’espoir de l’Assemblée [des États] et de l’entrée prochaine des armées du Duc de Parme47 ». L’affichage au collège fait aussi partie de cet arsenal. Essayons de comprendre comment il cherche à agir sur ses différents publics.
« Le faux visage descouvert » : l’énigme, une technique de dévoilement
23Un verbe revient fréquemment, adulterare, c’est-à-dire « falsifier, altérer » et notamment, en poésie, « prendre la forme de », avec faciem par exemple, « changer ses traits, sa physionomie ». Ainsi, l’hérétique qui « prend la forme (adulterat) d’un gentilhomme », dans le manuscrit de 1592, selon l’explication du verso48, ne prodigue que des « conseils pernicieux », représentés par les mouches qui sortent de sa bouche (pl. W, p. 310). Mais ses arguments sont comme le javelot qu’il tient, « menaçant au premier aspect », mais inoffensifs comme sa pointe émoussée, comme des « délires de vieille femme ». Si les flèches tombent ainsi, c’est grâce au philosophe, qui tient le livre de la Prudence « bienfait divin49 ». Michel Le Tellier, grand-père de Louvois, en 1590, compose sur le thème du « regard justicier de Dieu » : « l’œil vengeur de la justice, de son sommet sacré, voit tout ce que les mortels font en pensée / et tu n’éviteras pas son glaive, ni sa dextre menaçante en t’engageant dans une double voie, épidémie de la nation française50 ». Mais il ne suffit pas que la justice divine voie clair dans le cœur des hommes, il faut aussi que chacun entreprenne de voir : « France commences donc a desciller tes yeux », admoneste le jeune parisien Pierre d’Aubray dans son sonnet51. C’est au nom du souci de faire voir clair que sont composés bien des images et des poèmes exposés par les jésuites en 1590 et en 1592.
24Ce souci – voire cette obsession – se retrouve dans les différents moyens de communication utilisés par le zèle ligueur. Le titre même d’un libelle comme Le Faux visage descouvert du ffn Renard de la France. À tous catholiques unis, et sainctement liguez pour la defence, et tuition de l’Eglise apostolique et romaine, contre l’ennemi de Dieu ouvert et couvert annonce le programme de dévoilement des ennemis que se propose son auteur52. Les sujets de Quaestiones soutenues en Sorbonne dans les années 1590-1591 veulent aussi se charger de révéler l’ennemi. Par exemple, une thèse de Matthieu Le Heurt, dirigée par Jacques de Cueilly a pour thème « Quibuscumque praesertim monstris Gallia nunc colluctatur53 ? » Les politiques et les hérétiques se révèlent être les monstres. Dans Paris même, les adversaires des ligueurs ne se privent pas de prétendre eux aussi dévoiler les ennemis. Alors qu’il séjourne dans la capitale, faisant partie de la suite du légat Cajetan, Sighiulli raconte qu’on lui a « montré des médailles qu’on avait trouvées sur lesquelles il y avait le pape qui, quand on le regardait à l’envers, semblait un diable et de l’autre côté la tête du légat, qui à l’envers devenait une tête de bouffon54 ». Ces têtes-doubles sont des images-pièges qu’on rencontre en Allemagne dès le début de la Réforme55.
25Celles qui parviennent entre les mains de Sighiulli ressemblent fort à la plus connue de ces médailles, frappée en Allemagne à l’occasion de la nomination en 1543 de Nikolaus von Amsdorf à l’évêché de Naumbourg. Cette nomination avait fait du bruit parce que le promu était un réformateur proche de Luther. On voit au droit la tête double du pape-diable et au revers la tête double d’un cardinal-bouffon. La composition connaît un grand succès. Pape-diable et cardinal-bouffon, ensemble ou séparément, sont frappés sur des médailles produites dans des contextes différents, avec une légende identique ou adaptée. On les retrouve par exemple sur des céramiques et de la vaisselle à boire en grès produite dans la région du Rhin, largement diffusée dans la deuxième moitié du xvie siècle. Sur les cruches, le mouvement de verser fait sans cesse tourner l’image et ainsi apparaître le vrai visage du pape56.
26Remarquons comment, dans cet exemple, le dévoilement passe par l’ostentation du procédé même de démasquage. Les images-pièges sont faites pour être tournées et retournées, afin de bien montrer le passage du pape au diable et du diable au pape. Plus encore que dans son contenu, l’efficacité de l’image réside dans le fait de montrer comment se masque et se démasque l’ennemi.
27Ce procédé est tout aussi décisif dans l’énigme, qui se présente le plus souvent comme image à déchiffrer, mais aussi dans le manuscrit de la Casanatense où, si l’image figurée est presque absente, la plupart des poèmes jouent également de ce suspens, de cet écart, du masque qui démasque à travers l’écho, l’anagramme, etc. Cela permet de comprendre le choix d’un langage crypté qui peut au premier abord sembler curieux par rapport à ce que nous attendrions aujourd’hui de la « propagande ». Si la « remastication » et le matraquage du message sont des composantes familières des formes contemporaines d’opération de mobilisation, on imagine difficilement une propagande (au sens étymologique de volonté concertée de propager une idée) qui passe par le secret, quand les promoteurs de cette idée sont au pouvoir et ont toute latitude de délivrer leur message ouvertement. Des portraits géants de dictateurs, des campagnes de diffusion massives de messages audio ou écrits réduits à quelques mots immédiatement compréhensibles, voilà qui fait pour nous « propagande ». Il semble paradoxal que le souci de dévoilement passe par des formes énigmatiques. Mais l’énigme est alors une ostension. Pour bien le comprendre, il faut considérer que l’énigme n’est pas encore ce qu’elle deviendra à l’époque du roman policier. L’énigme n’est pas encore envisagée comme un événement, un phénomène, une proposition « qui raye le tissu sans couture de la réalité57 », rompant avec les lois objectives, qui vient provisoirement « déranger un ensemble d’attentes prévisibles », telle que la littérature policière et d’espionnage nous a habitués à la considérer. Elle est devenue pour nous une résistance, un obstacle qu’il s’agit simplement de vaincre. Luc Boltanski a bien analysé comment
« pour que le roman policier soit possible, il faut que soit établi un partage net entre la réalité naturelle et le monde dit surnaturel. Si des dieux ou des esprits peuvent modifier la réalité selon leur bon vouloir, et que leurs intentions nous demeurent inaccessibles, alors la réalité ne possède pas la stabilité nécessaire pour que des énigmes puissent se détacher de façon saillante sur le fond formé par le cours normal des choses58 ».
28Alors l’énigme « n’existe en tant que telle que par référence à la possibilité de sa solution, à savoir de sa négation en tant qu’énigme […]. Une fois la solution trouvée, tout rentre dans l’ordre59 ». Il faut se déprendre de cette conception de l’énigme. Le monde (c’est-à-dire, comme le dit Boltanski reprenant Wittgenstein « tout ce qui arrive60 ») tel qu’il apparaît dans nos sources, n’a pas la stabilité qu’on lui prête à la fin du xixe et au début du xxe siècle, au moment du développement du roman policier61.
29Dans son essai sur la forme emblématique à la Renaissance, Giorgio Agamben, a tenté de rendre sensible une valeur et un usage de l’énigme antérieurs à la période contemporaine62. Il rappelle que dans la Poétique (58a18), Aristote pose que « le principe de l’énigme, c’est de dire des choses réelles par des associations impossibles63 », reprenant sans doute Héraclite et sa « jointure des contraires64 ». Par cette opération, l’énigme, comme l’oracle de Delphes, « ne dit, ni ne cache, il signifie65 ». En fait, Aristote n’accorde pas dans ce passage une valeur positive à cette opération de l’énigme. En effet, si on reprend le raisonnement de ces deux chapitres de la Poétique, on voit qu’après le chapitre xxi consacré à l’énumération des espèces de noms, le chapitre xxii se consacre à leur bon usage, à la qualité de l’expression. En 57b1, il a affirmé que « tout nom est soit un nom courant, soit un emprunt, soit une métaphore, soit un ornement, soit un nom forgé, allongé, écourté ou altéré66 ». Il a ensuite détaillé ces différentes possibilités, notamment la métaphore, qui est « l’application d’un nom impropre, par déplacement soit du genre à l’espèce, soit de l’espèce au genre, soit de l’espèce à l’espèce soit selon un rapport d’analogie » (57b6). Une fois définis ces moyens expressifs des noms, il se consacre à leur mise en œuvre, en posant que
« ce qui fait la qualité de l’expression c’est d’être claire sans être banale or la plus claire est celle qui recourt aux noms courants, mais elle est banale. […] Au contraire, l’expression est imposante et sort de l’ordinaire lorsqu’elle emploie des noms inhabituels ; j’appelle « inhabituels » l’emprunt, la métaphore, l’allongement, enfin tout ce qui s’écarte de l’usage courant. Mais si un poète compose exclusivement avec ce genre de noms, le résultat sera énigme ou charabia : énigme avec les métaphores, charabia avec les noms empruntés67 ».
30C’est alors qu’il dit que le principe de l’énigme est de joindre des inconciliables68. Comme le soulignent dans leur commentaire Roselyne Dupont-Roc et Jean Jallot,
« toute métaphore, par définition, imposant au récepteur un parcours détourné pour arriver à l’application correcte des noms, il est clair que l’accumulation des métaphores aura pour effet de nous placer dans une sorte de labyrinthe – analogon spatial de l’énigme69 ».
31En revanche, dans la Rhétorique (1405b), l’énigme n’est pas mise en parallèle avec le barbarismos (charabia), mais est donnée comme de même nature que la métaphore70. La pensée d’Aristote sur la qualité de l’énigme a donc évolué. Cependant, Giorgio Agamben souligne le point essentiel : l’énigme met l’accent sur un processus d’apparition, plus que sur l’apparition elle-même.
32Cette apparition différée, que l’auteur ne donne pas mais que l’auditeur, lecteur ou spectateur, est appelé à susciter lui-même, authentifie le contenu de l’apparition comme une vérité révélée. L’auteur de l’énigme, en masquant son propos, le rend d’abord irréfutable, puisque ce n’est pas lui, l’auteur, qui le dit, mais le destinataire qui le trouve, après l’auteur lui-même, qui en est du même coup déresponsabilisé. C’est important dans un monde où la prise de parole est loin d’être une chose évidente, surtout pour des enfants. L’enfant-auteur n’est que l’instrument de l’apparition d’une vérité qui est dans les mots et les images. Enfin, le procédé énigmatique permet d’activer une tension qui donne à l’image la force d’une présence. En effet, toutes les énigmes, devinettes et autres formes d’alia loquendi ont à voir, on l’a vu, avec la métaphore. Il s’agit toujours de souligner quelque chose de commun entre des choses apparemment éloignées, le symbole unissant ce qui est divisé. Donc de mettre en lumière des liens secrets, d’établir une équivalence entre deux ensembles, que Köngäs Maranda désigne comme l’image (la question) et la réponse (ce qui ramène à la construction de l’emblème71). Emblèmes et devinettes questionnent le lien entre les mots et les choses, questionnent le langage. Ils font cheminer l’apprenti à travers les dissemblances, pour atteindre une connaissance. La question est toujours : « qu’y a-t-il de commun…? » qui est au fondement de la métaphore. Il faut pourtant insister sur le fait que dans l’énigme, la « solution » garde quelque chose de l’ombre qui l’a couverte et c’est peut-être sa force la plus grande. Pour Giorgio Agamben l’énigme et l’emblème témoignent d’un temps de la pensée où n’était pas dissimulée « la fracture de la présence contenue dans l’unité expressive du signifiant et du signifié ». Œdipe n’est qu’en apparence vainqueur de la sphinge, quand il trouve la réponse à son énigme, et c’est ce qui lui vaudra de se rendre coupable d’un terrible crime72.
« Le propos du Sphinx n’était pas simplement un signifié caché et voilé derrière un signifiant “énigmatique” : dans son dire, la fracture originelle de la présence était évoquée par le paradoxe d’une parole qui se rapproche de son objet en le tenant indéfiniment à distance. L’αινος de l’αινιγμα n’est pas simplement obscurité, mais un mode plus originel du dire. Comme le labyrinthe, comme la Gorgone et comme le Sphinx qui la profère, l’énigme appartient au domaine de l’apotropaïque : puissance protectrice qui repousse l’inquiétant en l’attirant à soi et en l’assumant73. »
33L’énigme ne s’épuise pas dans sa solution, si l’on considère la solution comme le dénouement d’un nœud étrange établi entre une apparence et un signifié. Le propos n’est pas de dénouer mais au contraire de souligner ce lien. Il y a ainsi une forme d’infini dans la monstration de l’énigme. Elle ne finit pas de signifier et en cela est une image « habitée ». Ces réflexions de Giorgio Agamben ne sont pas si éloignées qu’elles paraissent des études menées par les historiens et les littéraires sur le statut et les fonctions de l’emblème à la Renaissance. On les peut rapprocher des dernières réflexions d’un des chercheurs les plus féconds de ce champ, Daniel Russell. Ce dernier estime que « l’emblème est une manière de simuler la présence en suggérant le message tout entier du texte de l’emblème en une vision simultanée, en une imago » selon la définition de Hans Belting de l’image de culte, c’est-à-dire une image qui n’est ni narrative, ni séquentielle74. Il oppose cette « présence » suscitée par l’image, non seulement à la narration mais aussi à la « description » recherchée par l’illustration au sens moderne du terme75. On va voir plus loin combien les planches des élèves du collège de Clermont doivent être comprises comme des exercices de méditation. Soulignons pour l’instant que l’énigme met devant les yeux, selon le principe de l’enargeia, sur lequel on insistera plus bas, une image porteuse de présence76.
34Le processus de dévoilement, ou plutôt le double montrer-cacher, intéresse pour lui-même, c’est lui qui « charge » le texte et la représentation d’un grand pouvoir, celui d’une révélation. Ce pouvoir les porte au-delà de celui qui l’écrit ou l’imagine, et les projette du côté de la prophétie. C’est le potentiel prophétique de l’énigme qui la fait utiliser par Boucher, un des prédicateurs les plus violents de la Ligue, en 1588. Il menace ainsi d’Épernon :
« Vous ne pourrez éviter la mort ignominieuse, fatallement trouvée en l’anagramme de vostre qualité de Duc de Espernon : ou trouverez pendu de corde, n’y ayant de superflu que S. Laquelle hieroglificquement represente une corde de licol pour vous attacher en la fourche et gibet qui vous est reservé, représenté par Y77. »
35L’énigme prouve et annonce le châtiment.
36On peut noter dans les sources de cette période le nombre de mentions de monstrations de différents types d’images qui, cryptées, sont chargées de dire le monde et l’avenir. On a souvent au départ un objet matériel « inventé », ou un visuel découvert, qui fait l’objet d’une « exposition », notamment dans l’espace de l’église, étape importante à la fois de son authentification comme signe et de son interprétation. Il est repris ensuite dans des écrits, manuscrits ou imprimés, qui le répandent. Ce cheminement lui-même, qui n’est pas sans évoquer le travail des élèves des jésuites qui, après invention et exposition, a abouti à nos recueils manuscrits, peut être narré par un libelle, et ce récit joue alors comme un processus de probation : ainsi le placard intitulé Pourtrait des charmes et caractères de sorcelleries de Henry de Valoys 3. du nom78. Il présente une énigme diagrammatique contenant de nombreux signes et formules magiques (fig. 12).
37Le dessin de ce diagramme aurait été trouvé sur un parchemin « inventé », c’est-à-dire découvert, dans la maison du médecin du roi, François Miron. La peau aurait été montrée « publiquement & en pleine chaire » et vue de milliers de Parisiens. Cet original aurait ensuite été envoyé au pape comme « preuve » mais le conseil de l’Union se devait de la reproduire pour l’instruction des « chefs principaux des villes qui se sont sanctement unies avec nous » et de « toute la France en général, & [à] toute l’Europe », selon les mots de l’imprimé. Le fait de prendre une représentation figurée comme preuve est d’ailleurs un fait ancien. Après avoir raconté dans sa chronique de Venise, composée entre 1267 et 1275, le transfert rocambolesque des reliques du corps de saint Marc, Martin da Canal appelait à témoigner les mosaïques de la façade occidentale de la basilique vénitienne, qui venaient d’être achevées : « Et se aucun vodra savoir la verité tot ensi con je vos ai conté, veigne veoir la bele yglise de monsignor saint Marc en Venise et regarde tres devant la bele yglise, que est escrit tot ceste estoire tot enci con je la vos ai contee79. » Écrit et figuré sont ici synonymes et apportent même preuve, avec un certain avantage à l’image. Au tournant des xve et xvie siècles, Marcantonio Sabellico continuait à authentifier son récit du voyage des restes du saint d’Alexandrie à Venise par l’image : « On ne réussirait pas à en croire les récits qui en ont été écrits, si on ne le voyait représenté en histoire avec un art admirable, sur l’église Saint-Marc80. » Cette notion de preuve, d’authentification de la vérité, est d’ailleurs sûrement plus forte et intéressante que celle, notamment, de « bible des illettrés » pour expliquer l’iconographie des lieux de culte81. Pourtant cette preuve par l’image est liée à la notion bien connue d’enargeia : c’est la capacité aussi grande, voire davantage, selon les exemples ici donnés, à « mettre devant les yeux » qui confère à l’image force de preuve.
38On peut prendre d’autres exemples où le statut de l’objet « inventé » est ambigu, entre image et apparition. L’un des plus fascinants est contenu dans la correspondance du légat dédicataire de l’exposition de 1592, Filippo Sega. Il en fait le récit au cardinal Paolo Emilio Sfondrati, le 5 mai 1591. Il raconte comment sur la chemise d’un gentilhomme ligueur picard, Rambures82, mort en février alors qu’il avait été fait prisonnier, ses serviteurs trouvèrent des petites croix rouges à simple ou double branche, « semblables à celles de Jérusalem, que portent les seigneurs de l’illustre maison de Lorraine et leurs partisans83 ». Les croix apparaissent d’abord sur des linges du laïc, puis sur le corporal du curé qui célèbre ses obsèques. Ainsi passées du corps du défunt au corps ecclésiastique, elles se multiplient sur les corporaux et les nappes d’autel, – sans négliger pourtant les draps bien blancs de certains laïcs –, autour de Corbie, Montdidier, Amiens, sans cesser d’opposer une grande résistance aux lessiveuses et de susciter inquiétude et interrogations. Elles sont une énigme autant qu’un prodige, qui s’offre au déchiffrement. Le fait est connu à Paris à la fin du Carême, et les petites croix apparaissent d’abord sur le corporal du curé de Saint-Jacques la Boucherie, célébrant le Samedi Saint. Les apparitions se multiplient, raconte Filippo Sega, sur les curés de Saint-Barthélémy, Saint-Christophe, Saint-Denis de la Châtre, Sainte-Marine, Saint-Benoît, Saint-Jean en Grève, Sainte-Croix mais aussi les Franciscains avant d’atteindre les Pères de la Compagnie de Jésus dans leur collège84. Sega en dessine en marge de sa lettre les rouges ffgurine, comme pour envoyer une pièce à conviction. Il finit par en trouver lui aussi sur son linge, mais non sur ses habits d’officiant (le 2 mai, sur une serviette de toilette) et les soumet à la preuve d’une lessive conduite avec force détergent sous ses yeux. Malgré une certaine perte de couleur, « elles ne partirent pas complètement », ce qui le conduit à faire connaître toute l’histoire à Rome en proposant une interprétation complète du phénomène, qui selon lui a déjà fait couler beaucoup d’encre85. Il propose une interprétation à la lumière des Écritures, mais aussi de précédents historiques relatés par des chroniqueurs médiévaux. On voit bien la frontière ténue entre dessin et apparition dans cet exemple, comme dans le Portrait des charmes. Ce qui est important, c’est de préserver l’innocence du fait premier, de la vision première : l’inventeur n’est pas un auteur, il n’est pas au-dessus de sa découverte. Il faut qu’une image ou un signe soit posé comme un fait, avant de devenir une preuve et une prophétie. Pour cela ils ne doivent pas être pollués par une main, par une intention. C’est pourquoi les serviteurs du ligueur picard sont montrés s’acharnant à la destruction par le feu de ces croix, qui résistent, comme des faits têtus : elles échappent, apparaissent ailleurs, se multiplient, débordent86. Le récit suggère que ce sont elles qu’il faut écouter et entendre, non pas les serviteurs qui les ont probablement tracées sur le linceul. De même l’image énigmatique, l’épigramme, l’anagramme, la devinette, etc., fonctionnent comme un passage secret découvert par le jeune élève, qu’il exhibe au spectateur puis au lecteur. L’énigme met à jour, invente au sens fort de l’invention de la croix87. C’est une dé-monstration. Dans une anagramme par exemple, ce sont les lettres elles-mêmes qui parlent. L’auteur de l’anagramme n’a fait que découvrir quelque chose qu’il fait partager à son auditeur et lecteur, mais qui était là. Francis Goyet a souligné que l’anagramme fonctionnait comme preuve88. La calligraphie aussi dévoile : elle dévoile ce que peut contenir de mots une forme, ou, vue à l’inverse, l’image surgit des mots assemblés et les confirme. On a vu dans le déroulé des festivités que le calligramme occupait une place de choix89.
39Le travail des élèves de Clermont et son exposition publique, dont ces pages cherchent à rendre compte, doivent se comprendre au sein d’une densité élevée de monstrations d’images et de signes énigmatiques, dans un climat de soupçon90. Y a-t-il une distinction très nette à faire entre un signe, une « image » et une forme poétique comme l’anagramme ? Il ne me semble pas que les auteurs et les spectateurs les aient nettement distingués. Ce qui rapproche toutes les formes évoquées est la dimension énigmatique et en même temps leur enargeia, leur pouvoir, paradoxal peut-être pour des énigmes, de « mettre devant les yeux ». Ce pouvoir provient d’une part du fait que le spectateur est invité dans le processus même d’apparition de l’image et donc qu’il en est autant auteur que l’auteur lui-même, et, d’autre part, comme l’a suggéré Agamben, de ce que l’énigme fait cesser la narration pour faire surgir une présence.
40Les manuscrits ici étudiés, comme l’exposition à laquelle ils ont donné lieu, constituent des médias particuliers, en relation forte avec d’autres, qui sont utilisés dans le Paris saturé de discours du temps de la Ligue. Mais, au-delà de la combinaison de différents médias dans la communication politique du temps, j’insisterai sur le fait qu’il y a des modes d’expression qui les traversent tous dont celui sur lequel je m’attarde ici, l’énigme, entendu au sens large de message voilé qui s’offre au déchiffrement. Ainsi, dans les exemples cités plus haut, l’énigme se trouve aussi bien dans une prédication (le Y), une feuille volante que dans les épigrammes latines de nos manuscrits.
Une image ligueuse ?
41On vient de le voir, l’image n’est pas toujours, loin de là, un média simple. Il y a différents procédés pour dénoncer l’ennemi, qui peuvent se combiner dans une image. Tatiana Debbagi-Baranova, note, comme Denis Pallier avant elle, que « ce sont les éléments les plus visuels, les plus spectaculaires et les moins savants qui sont les plus prisés91 » par les ligueurs. On doit cependant nuancer cette affirmation, après avoir souligné la dimension énigmatique de ces images, moins « simples » qu’elles n’y paraissent et partageant la caractéristique d’être non narratives. C’est dans cette veine énigmatique qu’opèrent les élèves des pères du collège de Clermont. Les documents rassemblés, confrontés à d’autres, permettent de remettre en question certaines idées reçues sur les images ligueuses qui, d’abord, sont beaucoup plus variées qu’il n’a été dit, surtout si l’on tient compte de la faiblesse du nombre d’images conservées. Ensuite, plus que sur une distinction entre images pathos et images savantes, on insistera sur la distinction entre image narrative et image énigme, qui induisent un rapport différent au spectateur.
42Commençons par remarquer que dans leurs compositions, les élèves et leurs professeurs font feu de tout bois. Les références évangéliques ou vétérotestamentaires sont souvent mélangées à la fable mais elles apparaissent relativement rarement à l’image. Si le dessin du NAL 2636, f° 10 v°, est une illustration de la parabole du bon samaritain, tandis que le titre (« Inimici hominis domestici eius », « On aura pour ennemi ses propres domestiques ») est tiré de Matthieu, X, 36 et de Michée VII, 6 (« Nemici hominis domestici eius »), cela est rare92. Beaucoup plus souvent, le visuel relève de la fable. Ce qui n’empêche pas, plusieurs fois, une citation biblique de donner son titre à une image de sujet mythologique. Par exemple, l’emblème du f° 28 v° (NAL 2636) montre, au premier plan d’un paysage lacustre ou maritime, un roi qui dîne dans son palais au-dessus duquel des hommes ailés armés de sabres mettent en fuite des harpies. Il s’agit de l’histoire de Phinée dans les Strophades93. Mais le titre de l’emblème « Persequar inimicos tuque comprehendam (sic) illos » (Je poursuivrai les ennemis et tu les arrêteras) s’inspire des Psaumes XVIII, 38 (« Persequar inimicos meos et comprehendam illos94 »).
43Le manuscrit Sega (1592) s’en distingue plus nettement encore : les images bibliques s’y font plus rares. La fable et les proverbes sont ses sources principales. J’ai insisté ailleurs sur l’intérêt de ce langage, si proche des textes et images produits autour d’Henri IV, si éloignée de celle de son camp. Pas d’images violentes, sanglantes, peu d’invectives en tant que telles, mais le recours aux divinités antiques et à des jeux intellectuels propres à la culture renaissante (hiéroglyphes, rébus, emblèmes…). On est certes loin des images ligueuses que le recueil des Drôleries et ffgures de la Ligue de L’Estoile a fait connaître. On voit là que le discours royal n’avait pas le monopole du recours aux classiques contre l’obscurantisme et le recours à l’émotion, au sensible, des ligueurs95. Le fait que ces images, si nombreuses, aient été affichées publiquement à Paris, une ou plusieurs fois, entre 1590 et 1592, montre la variété des formes de discours mobilisées dans le débat à l’intérieur du Paris assiégé. Tatiana Debaggi-Baranova a insisté à juste titre, et de manière tout à fait neuve, sur la migration des arguments et des images dans les libelles des camps opposés des guerres de Religion96 : « Ce constat invite à revoir le statut du libelle, trop souvent considéré par les historiens comme une expression de la pensée politique. Ces textes ressemblent davantage à un plaidoyer qui compile les preuves de culpabilité de l’adversaire par rapport aux principes politiques considérés comme universels. » On peut en dire autant de nos images et de nos poèmes qui, on l’a vu, ne relèvent pas que de la diffamation, mais aussi de l’éloge. Comment donc juger que c’est avec les estampes du parti adverse que les images ici étudiées ont le plus d’affinités ? Il est très frappant, au long des recueils, de voir les analogies formelles avec les images et les motifs des discours royalistes. Il y circule la même idée de dévoiler la folie du discours de l’ennemi, portée par les mêmes figures. Le légat, comme Henri IV, est celui qui rompt le nœud gordien, il est le Persée de la France-Andromède, ou encore au f° 47 r° du Chigi, le légat est ce héros à l’antique qui va guérir les hommes des enchantements de Circé. L’argument ligueur de l’hérésie (ou de son compagnon, le compromis politique) productrice d’un discours magique qui aveugle les hommes répond en miroir au discours royaliste sur la Ligue, Circé ou Médée, qui « par la magie qu’elle pratique sur le langage » se fait « ce qu’elle n’est pas et surtout [fait] les hommes autres qu’ils sont, les dénature97 ». Si Denis Crouzet voit un schéma masculin/féminin structurer la propagande royaliste (roi sauveur contre Ligue, fatale magicienne), on note ici une autre opposition de même nature (légat sauveur contre l’hérésie, dangereuse enchanteresse). Est-ce, comme je croyais pouvoir l’affirmer au début de cette recherche, une volonté des jésuites de répondre terme à terme au discours royaliste ? Est-ce la mécanique de l’écriture de combat, qui consiste à rassembler « une vaste collection de textes, d’anecdotes et de lieux communs qu’il utilise pour enrichir sa propre invention, tout en les adaptant au nouvel ensemble argumentatif98 » ? Les réponses ne s’excluent peut-être pas : lorsqu’un lieu est jugé efficace, il est une arme dont on ne saurait se priver, il est repris par le camp d’en face, c’est un bon principe de rhétorique. « La soumission de la réflexion théorique à des règles rhétoriques » et j’ajouterai, à la force de l’image, se conçoit dans des productions finalement internes à des individus partageant le même mode de pensée.
44Le type d’image dont on a cherché à comprendre le mécanisme, relève du chiffre, du cryptage, de l’énigme. On a pu opposer ce type à l’image-pathos, comme les nombreuses gravures sur l’assassinat des Guise, insistant sur leurs souffrances et la cruauté du tyran (fig. 13).
45Mais la frontière entre les deux n’est pas si nette et l’émotion n’est pas absente de l’énigme. Certes, on a noté l’effacement – et la déresponsabilisation – de l’auteur d’énigme, devant son procédé, quasi magique, de dévoilement. Mais l’image-énigme, construite selon les règles de l’ars memorativa, doit être frappante, étrange ou dérangeante, et s’inscrit ainsi dans le registre de l’émotion, pour celui qui la fait comme pour celui qui la regarde. C’est à cette condition qu’elle s’imprime dans le corps même99. Ensuite, la pédagogie jésuite valorise cette implication émotionnelle, justement pour son efficacité100. Donc, en dépit de ce que nous pouvons aujourd’hui éprouver devant ces images, la séparation entre image savante froide et image populaire émouvante n’est pas pertinente. Il convient de revenir sur l’idée selon laquelle la Ligue aurait été l’occasion de développer une image-pathos très différente des productions antérieures et des productions du camp royaliste.
46Une caractéristique de l’image-pathos des ligueurs serait, selon Denis Pallier, et plus récemment Philip Benedict, leur simplicité (un seul thème représenté par image et pas de référence érudite notamment101). En dehors du Pourtraict et description du politique de ce temps102, qui présente des affinités avec nos planches, aussi bien dans sa composition – une image emblématique suivie de vers livrant son explication – que dans ses motifs – la sirène, le roi Phinée etc. –, « toutes les autres usent d’une technique nouvelle ». « Alors que les placards politiques, comme les placards religieux antérieurs faisaient appel à l’allégorie […] [elle] ne vise plus à une critique intellectuelle, mais à provoquer l’émotion avec une naïveté et une brutalité saisissantes103. » Les images conservées ne sont pas si nombreuses : pas plus d’une trentaine pour l’année 1589. Pour Tatiana Debaggi-Baranova, leur rareté renforce leur capacité à marquer le spectateur104. Mais étaient-elles si rares ? Beaucoup nous échappent : aussi bien les peintures présentées dans les églises105 ou exposées dans l’espace public106, que les dessins affichés sur les murs, sans oublier les gravures détruites à la suite des mesures de censure prises par Henri IV107. Les images présentées ici s’insèrent donc dans une production large et variée, quoique peu documentée, de la Ligue.
47Parmi toutes ces images dont bien peu nous sont parvenues, il est vrai que les images pathétiques dominent. Cependant, d’une part, on en a exagéré l’absence de « complexité » et d’autre part, la distinction entre simple et complexe n’est ni très précise ni très opérationnelle pour l’étude des images. Plutôt qu’essayer de distinguer les images complexes des simples, il est plus intéressant de distinguer les images narratives des images que nous dirons énigmatiques, des images qui font signes. Les premières offrent un récit, selon les règles de l’istoria108, les autres s’offrent à la méditation. Tatiana Debbagi-Baranova, évoque aussi les gravures, en reprenant cette opposition d’image simple/image complexe. Elle prend un exemple d’image qu’elle considère comme « simple », mais qui l’est moins qu’elle ne semble le croire109. Il s’agit d’une gravure incluse dans La vie et faits notables d’Henry de Valois (att. Jean Boucher, février 1589) [fig. 14]110 évoquant le vol de la relique de la Vraie Croix de la Sainte Chapelle, commis en 1575 et attribué à Henri III, que l’on soupçonne de l’avoir gagée en Italie, donnant ainsi la preuve de son athéisme.
48On y voit, dans un décor évoquant un lieu noble (pierres taillées et pilastre ou colonne), émergeant du bord droit de l’image, une main droite, au bout d’une manche fleurdelysée, tendue vers un coussin opportunément renversé vers le spectateur, qui porte une grande croix de Lorraine, presque rabattue sur le plan de l’image. L’absence de hachures sur toute la surface de la croix, en pleine lumière, censée venir de la gauche (la main venant de l’ombre), même s’il y a une fenêtre à l’arrière, renforce sa centralité… « Comme dans le cas de la représentation de l’assassinat du duc et du cardinal de Guise, l’image n’est ni compliquée ni chargée de références savantes », commente Tatiana Debbagi-Baranova. Or contrairement à la représentation de l’assassinat des Guise susdite, cette image n’est pas narrative et dire qu’elle n’est pas « compliquée » ne rend pas compte du fait qu’elle est surtout emblématique. La main aux fleurs de lys désigne le roi et les reliques ne sont pas représentées telles quelles, ni leur reliquaire de manière réaliste. L’espace, les proportions non plus ne sont pas illusionnistes, mais symboliques. La gravure évoque donc de manière emblématique et non narrative le crime du roi. Mais elle est aussi énigme, devinette. La Vraie Croix y prend la forme de la croix de Lorraine, ces Lorraine sur lesquels le roi a ensuite levé la main. L’image désigne donc deux crimes en un, le premier étant la préfiguration du second. On retrouve la forme et la fonction prophétique de l’énigme.
49Le titre même de Pourtrait du sacrilège invite à regarder du côté de l’emblème. Il ne s’agit pas du récit du sacrilège, mais de son tracé, de son portrait. On sait que souvent une composition énigmatique recouvrait le portrait peint du modèle : donnant des indications sur la place sociale et les vertus du visage ou du corps qu’elle recouvre, elle en donnait la clef de lecture des traits111. Ici le Portrait du sacrilège se situe du côté de l’énigme : il n’y a pas de visage et les acteurs comme les faits sont désignés par des alia loquendi : la main désigne le roi, elle reprend le motif de la main divine mais en désignant ici une main impie, en soulignant donc le renversement du rôle du roi, de bras de Dieu à main du diable. La croix elle-même fait partie des alia loquendi les plus évidents : elle désigne le Christ, mais aussi le Salut, fin de l’action des gouvernants en principe. On est devant une hétimasie : ce trône vacant en l’attente du Jugement qui est un « symbole d’absence » assorti d’une promesse de présence, comme le rappelle François Boespflug : « la figure du Christ y est remplacée par l’un de ses insigna, trônant à sa place : Agneau, monogramme, chrisme, livre, croix, sudarium… ». La dimension eschatologique l’emporte dans ce motif112. C’est le Salut lui-même que menace la main d’Henri III. La croix double qui désigne le corps des Guise et les confond avec le corps du Christ et le Salut de la France mis en péril par le roi impie complète la « révélation » politique113. On est très proche de l’épidémie de croix suivant la mort du seigneur de Rambures, rapportée plus haut. Ce Pourtraict est donc construit comme un emblème moral à l’envers.
50La Figure de la vierge Religieuse, violée à Poissy, par Henry de Valois, rapprochée de cette image par Tatiana Debaggi-Baranova114 est certes moins complexe mais pas plus narrative : à nouveau l’échelle, les proportions sont traitées de manière symbolique, et non vraisemblable. On pourrait en dire autant de l’image qui illustre la suite de cette même histoire du vol de la relique de la Sainte Chapelle dans Les sorcelleries de Henry de Valois115, représentant « la figure des demons, d’argent doré, ausquels il faisoit offrandes » (fig. 15, p. 112).
51Il s’agit d’une disposition frontale d’objets énigmatiques, non pas d’un récit. La même statuette de satyre est reproduite deux fois de manière à montrer les deux faces et la coupelle en cristal destinée selon l’auteur du libelle à recevoir « des drogues incongnues ». Le libelle suggère que le roi, auteur du vol de la Sainte Chapelle, se sert de la relique, rapprochée d’objets dont l’iconographie évoque les images traditionnelles de Satan, pour rendre un culte aux puissances infernales.
52Denis Pallier croyait pouvoir discerner que les royalistes restaient fidèles à la fable, contrairement aux Ligueurs. En fait, comme l’a montré Tatiana Debaggi-Baranova, il est bien difficile d’attribuer une forme à l’un ou l’autre camp. L’image-pathos est-elle le propre du camp ligueur ? En tout cas, on l’a vu avec l’exemple du Pourtraict du sacrilège, la distinction image-pathos/image-énigme, censées susciter des réactions différentes, l’une émotionnelle et l’autre intellectuelle, ne paraît pas pertinente, l’image-énigme relevant des règles de l’art de mémoire, qui réclame l’implication des émotions, pour mieux s’imprimer dans la mémoire116. L’image-énigme se veut aussi image-pathos. Elle se distingue en revanche dans sa construction et son fonctionnement de l’image narrative. Tous les acteurs utilisent, selon l’opportunité du combat et les objectifs de l’action, les mêmes moyens, parce qu’ils sont le produit d’une même éducation, qui valorise l’universalité des preuves et la primauté de la rhétorique. On le voit aussi bien dans l’usage de la poésie. Ces moyens conditionnent en partie le contenu des discours et des images. Ils disent tous la même chose et ce n’est un problème que pour nous, qui les considérons comme des hommes politiques contemporains cherchant l’adhésion d’inconnus qui voteront pour eux. La situation d’énonciation des propos politiques est très différente à l’époque que nous étudions.
Dénonciation et méditation : purifier la communauté
53Le travail accompli par les jésuites avec leurs élèves a trois objectifs : renforcer la conviction, resserrer les liens de la communauté et donner des arguments. On peut les rapprocher de la littérature diffamatoire du temps. Cela permettra de mieux comprendre comment agissent ces compositions énigmatiques et autres poèmes. Premier moment : le travail agit sur l’enfant lui-même et d’abord, par la répétition acharnée des mêmes motifs. On a déjà noté, et la dernière partie de ce volume le montrera encore mieux, que les échos entre les manuscrits, qu’ils soient datés de 1590 ou de 1592, sont très forts. L’aigle est partout, sans grande surprise, d’autant qu’il est présent dans les armes des deux légats. Le navire est aussi omniprésent. Le légat comme médecin se trouve aussi bien en 1592, que déjà dans le Casanatense, où Cajetan était, par exemple, le guérisseur de « l’hémorroisse France117 »… Certaines compositions portent le même titre ou font appel à la même « invention ». Ainsi, le motto « Sicut frigus nivis in die messis, / ita Legatus fidelis (Proverbes 25. 13) » se trouve à la fois sous la plume de Joannes Del Bene (Pictaviensis), en 1590, dans le Casanatense, f° 144 r°, mais se retrouve appliqué au légat suivant, en 1592, et illustré d’après « l’invention » de Pierre Brest, dans le Chigi, f° 53 r°.
54On pourrait conclure à un manque d’imagination et à quelques facilités auxquelles se laisseraient aller les élèves et leurs professeurs. Au contraire, ces répétitions sont voulues. D’une part, une des techniques de la rhétorique, objet principal d’étude au collège, est la constitution de lieux communs. Plus un argument est répété, plus il est considéré comme vraisemblable. Il se construit de répétition en répétition118. Par ailleurs, ces emblèmes et poèmes fonctionnent comme la littérature infamante étudiée par Tatiana Debaggi-Baranova qui montre combien cette écriture est d’abord destinée à l’auto-persuasion. Le Faux visage descouvert du ffn Renard de la France, déjà cité, propose à ses lecteurs de répéter l’histoire de l’assassinat des Guise pour que les bons catholiques l’aient « fishee & arrestee » devant leurs yeux. De même que la lecture ou l’écoute, « l’acte d’écriture diffamatoire, remarque Tatiana Debaggi-Baranova, est d’abord destiné à soi-même », il peut être perçu « comme un exercice de méditation. La rumination des crimes du tyran permet de se persuader de la justice absolue de la cause de la Sainte Union et de retrouver le courage de supporter les privations du blocus ». Ainsi, « les libelles diffamatoires s’apparentent à la littérature pieuse qui se développe considérablement au xvie siècle et qui comble les besoins spirituels des laïcs tout en restant étrangère à la théologie119 ». Le premier public, les enfants-auteurs eux-mêmes, sont invités, par ces exercices répétés et ces lieux communs ressassés, à un « remâchage » qui apparente leur travail à un exercice spirituel. Pierre-Antoine Fabre a défini l’utilisation spécifique de l’imagination dans les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, dirigée vers la production d’une image intérieure qui s’imprime fortement120.
55Deuxième moment : par l’exposition de ces pièces et figures, ce sont les visiteurs (parents, amis, curieux) qui sont invités, par la vue, l’écoute, la lecture, à « ruminer » à leur tour la haine du tyran et de ses partisans et à en graver des images fortes dans leur mémoire. Cette méditation politique agressive est un exercice de dévotion, au même titre que d’autres, « pour l’honneur de mon Dieu, de la Religion Catholique, Apostolique & Romaine, pour ma consolation et mon prochain121 ». C’est dans le contexte de production de littérature diffamatoire au temps des guerres de Religion comme « produit et support pour les pratiques de dévotion, tant privées que publiques122 » que l’on peut comprendre pleinement la pédagogie militante des jésuites pendant ces années. Si elle apparaît exceptionnelle, comme on l’a dit en commençant cette étude, par son orientation toute politique, c’est qu’en fait, dans le Paris ligueur, la prise de position politique et la diffamation sont devenues un exercice de dévotion. Alors que la diffamation au xvie siècle est reconnue comme « un péché et un délit, voire un crime » et punie comme telle, elle se transforme, à la faveur des guerres de Religion, « en une entreprise pédagogique utile pour le bien public123 ». L’équivalence se fait donc entre une écriture diffamatoire revendiquée comme pédagogie et une pédagogie, proposée ici par les jésuites, de l’écriture diffamatoire, au service de la communauté.
56Dans les images et les poèmes dénonçant les ennemis, il ne s’agit donc pas de convaincre ces ennemis extérieurs, même si de nombreuses compositions les interpellent, qu’ils soient rois, nobles ou politiques, parce que ces exercices se placent dans une situation de rupture de dialogue, situation même de la diffamation. En revanche, il s’agit d’exprimer son adhésion et de rassurer les siens, de renforcer son zèle et celui des autres. C’est là le troisième temps : les auteurs et le public de ces compositions sont amenés à se confronter avec des « autres ». Il s’agit donc de fournir et de mémoriser des arguments au cas où on serait dans la situation de défendre son parti face aux tièdes ou aux ennemis de l’intérieur. Dans ce dernier objectif, il importait non seulement de connaître et de reconnaître l’ennemi, mais aussi de savoir expliquer les principes et les fins du bon gouvernement de la communauté dirigée vers le salut.
57D’ailleurs, le légat Sega donne une indulgence à qui viendra voir l’affixio de 1592, ce qui fait du travail des enfants une œuvre pie au service du salut commun :
« Et comme la possibilité de mériter une indulgence plénière pour les péchés, avait été préparée par le légat pour ce jour, il y eut une telle affluence chez nous que, en raison de l’étroitesse des lieux, nous ne pouvions qu’à peine bouger dans la foule124. »
58On a défini cette opération comme une opération d’auto-persuasion, de renforcement et de clarification. C’est donc à la fois une œuvre, un acte de piété, mais aussi une sorte de médecine, pour une communauté qui doit rester sainte et saine. La France est en effet malade, moralement malade, ce qui se traduit par des plaies « physiques », comme la guerre, la famine, les épidémies, l’appauvrissement et le désordre. Un thème revient sans cesse : la première cause et le premier remède à la guerre est la purification125.
59La notion de souillure est très importante. On a vu que sont mis en cause les vices des catégories sociales (les rois, les nobles, mais aussi, dans quelques compositions, le clergé) qui sont censés guider la communauté. Revendiquer la purification de la communauté comme moteur de l’écriture et du dessin, c’est d’abord légitimer la prise de parole diffamante. Se conjuguent, pour justifier une prise de parole politique publique dans une société où elle est tout sauf évidente, et surtout une parole portant atteinte à la réputation d’un homme ou d’un groupe, deux objectifs : la préservation du salut collectif et le contrôle de la moralité de la vie communautaire. Ce dernier point n’est pas propre au temps des guerres de Religion : à travers des chansons, des représentations théâtrales ou des concours de poésie, des confréries et des sociétés joyeuses peuvent stigmatiser les vices de la société urbaine126. Tolérées, les sociétés littéraires peuvent cependant connaître des poursuites. Un biais, pour les éviter, est justement le cryptage. Ainsi, en 1540, les Connards de Rouen affirment dans une poésie distribuée durant leur procession.
Il est requis les fautes corriger,
Faire rougir et le monde songer,
Sans rien nommer, mais le monstrer par signes127.
60Les écrits partisans des conflits de religion prolongent ces pratiques. C’est pourquoi, si l’attaque et la dénonciation des ennemis est le propos même des compositions ici étudiées, l’horizon de ces diatribes est, comme nous le verrons plus loin, une dynamique de réformation, de rénovation, portée en partie par les lettres et les arts. Les ennemis qui assaillent la communauté sont en effet le produit de l’état moral de la France. Le thème inspire par exemple en 1590 à François Chauveau deux compositions en français, conservées dans le manuscrit de la Casanatense. Dans son « Presage sur la venuë de Monseigneur l’Illustrissime Cardinal Henri Caetan Legat de N. S. Pere », composé comme un commentaire à une citation un peu tronquée tirée des Proverbes (XIII, 17128), « La santé vient avec le fidele Legat », il incrimine la décadence de tous les états :
Le mal est tousjours mal, mais il est plus à craindre
Si gaignant le dehors du dedans se vient joindre,
Si saisist ou le foye, ou la teste, ou le cœur,
Qui si tous trois ensemble, ô comble de douleur,
Ce n’est plus une vie, ainsi une mort fraisnée,
Par un monde de maulx, qui la tient enschesnée.
Que dirons nous de toy ô france, ce n’est pas
D’auiourdhuy que tues malade en ces trois pars ;
Ton foye nourrissier de toutes tes parties,
Est le peuple affligé de grandes maladies,
La noblesse est ton cœur, qui n’est gueres plus sain,
Et le chef le Clergé, qui aux deux n’en doibt rien.
Oultre l’ambition, le luxe, Et l’avarice
Communs à tous les trois, chaque a son propre vice :
Voyla ton pauvre corps ; que te reste-t-il plus
Pour combler de malheur ton estat malheureux ?
Si le corps est gatté, l’ame est-elle bien nette ?
Helas aparoist ja le venin qui l’infecte.
Venin qui corromp tout, Et se glisse charmant
Des espris curieux le meilleur jugement,
Voyla ton pauvre estat, ô france quel remede ?
Aux remedes communs le mal tousiours ne cede :
Suy & moy donc le conseil de ce noble Prelat ;
Car la santé nous vient d’un fidèle Legat129.
61Reprenant la métaphore très fréquente du navire, François Chauveau dépeint dans son sonnet un royaume cerné par le péché, qui évoque les gravures de la nef de l’Église130.
La France est une nef sur l’Ocean du monde,
Dont les flots forçenez par la fureur des vens
D’est, d’huest, du Su, du Nort enragement soufflans
La poussent au-dedans des entrailles de l’onde.
L’heresie est le Nort d’où tout malheur redonde,
Le Sud est l’Atheisme avec ses partisans,
L’Est est la Politique avec ses malcontans,
Et l’huest est du Clergé la vie trop immunde.
Voyla les quatre vens qui battent ceste nef
Et desia manaçoient de l’abismer en bref.
Mais Dieu ayant pitie nous envoye un Aeole,
Sage bon et puissant pour ces vens renfermer
Et faire ceste nef sur une calme mer
Triomphante voguer de l’un à l’autre pole131.
62Il s’agit donc de purifier la communauté d’ennemis variés, extérieurs mais aussi intérieurs. Comme l’a souligné Denis Crouzet, il y a dans la Ligue une dynamique d’auto-accusation132. Le feu purificateur de la guerre que le légat doit attiser, par ses armes temporelles comme spirituelles, doit venir à bout de ces vices qui ont attiré le châtiment de l’hérésie. La seule image de bûcher que l’on trouve dans toutes ces compositions est un bûcher de l’hérésie (l’anagramme du légat proclame « Nunc victa haeresis »), mais aussi de la France pécheresse, puisque la femme mise au piquet porte les vêtements royaux133. Le distique comme le titulus ne parle que de l’hérésie « Tollat flamma scelus quod tua flamma tulit » : « Que le feu élimine le crime que ton feu avait produit », mais c’est bien la France qui est tout entière infectée134.
Notes de bas de page
1 Voir Barnavi Élie, Le Parti de Dieu…, op. cit.
2 Quintilien, Instit. Orat. I, IV, voir Bury Emmanuel, « La rhétorique classique au fondement d’une pédagogie : l’exemple de la Ratio studiorum et ses conséquences littéraires », Dix-septième siècle, 2007/3 (n° 236), p. 487-499.
3 Chigi, f° 62 r°.
4 Tous les réformateurs depuis Luther sont présentés comme des briseurs d’unité et la multiplicité des courants réformés est toujours un argument utilisé par les catholiques contre les protestants. Voir par exemple le Blazon des Hérétiques, de Pierre Gringore (v. 1524) analysé par Clutton George, « Two Early Representations of Lutheranism in France », Journal of the Warburg Institute, vol. 1 (1938), n° 4 (avril), p. 287-291.
5 Ibid. f° 13 r° et 13 v°, voir « Topique des énigmes », en dernière partie de ce volume.
6 Ibid., f° 35 r° :
Canes, lupi Delphines, Et praegrandia
Cete, quid hujus juncta signant inquini ?
Crudelitatem et impudentiam Haeresis
Et bella nunquam fessa quae parat, et movet.
Quid sunt in undis naufragae saevis rates ?
Sunt quas Navarrus caepit urbes, et loca.
7 Pallier Denis, op. cit., p. 168.
8 Voir « Topique des énigmes », entrée « Jardin ».
9 Casanatense, f° 232 r°.
10 Casanatense, f° 234 v°.
11 Casanatense, f° 236 v°.
12 NAL 2637, f° 17 r° : « Hanc ab jove nuncius alto » (le verbe misit doit être sous-entendu), Haec Jove missa venit Romana ex arce corona
Haec aquila est magni nuntia ffda jovis
Hinc tibi relligio capit aurea in veste coronam
Sub pedibus duplex pressa corona jacet
Illa est latronis spolium sed et ista latronis
Hic cecidit ferro mox quoque et iste cadet
Quid speras fugitive, tibi si sidera clavis
Clausit et in jugulum iam sacer ensis abit
Trad. Rémi Mathieu, ms. cité, f° 97 r°.
13 ASVa, Seg. Stato Francia 30, f° 64r°-64 v°, lettre à Montalto, de Paris, le 5 février 1590 : « Nell’ultima sua lettera de 30 del passato mi commanda à nome di Sua Santità, ch’io scriva à tutti gli Ordinarii di Francia, che procurino di prohibir alli precatori, che non vogliano più lacerar ne i pulpiti la memoria, et il nome del Rè defunto. Non mancarò d’eseguir l’ordine di Sua Beatitudine, se ben sarà necessario, ch’io lo proponga con molta destrezza ; perche la libertà, che s’hanno arrogata i predicatori in questo Regno, et massimamente li Parigini è tale, et cosi gagliarda è la persuasione, che hanno di meritare còl dannar la vita del Ré defunto che appresso di loro è tenuto cattolico poco zelante, chi procura di scusare le sue attioni, ò, d’impedire, che non siano più lacerate. Però io usarò modo tale, che senza dargli ombra spero, ch’imponeranno ffne alle loro invettive. »
14 NAL 2636, f° 15 r° : « Omne per ignem excoquitur vitium »
Haeresis en vastae detecto vase Epimetheu,
Quae vastet Gallos eluvione lues ?
Sed saxit ffdei superes hanc igne Prometheu !
Nos ut Deucalion erigat, inde regat.
Traduction d’après Rémi Mathieu, ms. cité, f° 19 r° : « Le feu purge tous les maux. » « N’est-ce pas le fléau de l’hérésie insatiable qui extermine les Français en se répandant, après l’ouverture du vase d’Épiméthée ? Mais puisses-tu en triompher par le feu de la foi, Prométhée ! Afin que Deucalion nous ranime et accède au trône. »
15 Chigi, f° 19 r° :
Detegit offensum infelix tibi Gallia corpus.
Et caret auxilio corpus ut inde levet.
Maesta dolet duplices tendens in sidera palmas
fomentis recrees vulnera saeva tuis.
Ecce corona jacet rugienti infecta dracone.
Obtutu vibrans lumina dira truci.
Tabida porrecta designat funera dextra :
Sintque rogat dictis pectora sana tuis.
Guisius occubuit, proles sanctissima Christi :
Polluit Herricus in sua fata manus.
Gallia nunc periit tenues dilapsa per auras.
Vulnera ni cures maestaque corda leves.
16 Voir « Topique des énigmes », entrée « Lion ».
17 NAL 2636, f° 52 v°-53 r°. Voir plus bas pour une analyse détaillée de la composition.
18 Les deux colonnes représentent Piété et Justice. Elles rappellent les colonnes de Charles Quint et sa devise « Plus oultre », voir Yates Frances A., Astrée : le symbolisme impérial au xvie siècle, Paris, Belin, 1989, p. 207-256.
19 Descimon Robert et Ruiz Ibáñez José Javier, « Entre Aguirre y el gran rey… », art. cité, ici p. 720 sq.
20 ASVa, Segr. Francia 31, f° 23 v° : « De gli Spagnoli.
Sono odiatissimi per l’incompatibilità de la Natura.
Per il sospetto che si voglino impadronir del Regno
Per l’istanza, che havevano fatta, di volere che il Rè havesse titolo di protettore
Per l’inditio, ch’havevano dato, di volere escludere tutta la Casa di Borbone. »
21 Ibid. : « chiariti […] che non parlano più di protettione nè di interesse particolare, nè meno di escludere altri, che Navarra ».
22 Citation et traduction de Caringi, « Sixte-Quint et la Ligue. Documents inédits », Revue du Monde catholique, XII, 137e livraison, 10 février 1867, p. 449-471, ici p. 464.
23 Ibid. Dans ses instructions pour son frère, en partance pour Rome où il doit plaider sa cause et obtenir une aide concrète du pape, le 3 mars, une semaine après sa réception au collège de Clermont, Cajetan précise au sujet de la noblesse : « Elle redoute beaucoup l’excommunication. Si le Saint Père envoie des hommes et de l’argent, et se décide à déclarer qu’il ne veut pas de Navarre, et fait usage de l’excommunication, il causera un très grand tort à Navarre, parce qu’aujourd’hui les partisans de Navarre croient que le Saint Père va l’accepter. » Id., « Sixte Quint et la Ligue. Documents inédits », Revue du Monde catholique, XVIII, 139e livraison, 10 avril 1867, p. 60-84, ici p. 77.
24 Jouanna Arlette, Le devoir de révolte, Paris, Fayard, 1978, p. 199-200. Elle cite entre autres les travaux de Jean-Marie Constant, qui évalue à 53 % les nobles beaucerons demeurés neutres (74 % des catholiques), 10 % seulement s’étant engagés dans la Ligue, contre 16 pour le roi. Sur la noblesse et la Ligue, voir aussi Boltanski Ariane, « La haute noblesse catholique et la Ligue : actions religieuses, fondations pieuses et engagements partisans », dans Serge Brunet et José Javier Ruiz Ibáñez (dir.), Les Ligues catholiques et leurs alliés dans la France des guerres de Religion (vers 1576-1598). Historiographie et méthodes d’analyse, actes du colloque international (4-5 avril 2008), à paraître aux Éditions Honoré Champion.
25 Ibid. et Barnavi Élie et Descimon Robert, La Sainte Ligue…, op. cit., p. 70-71.
26 Pallier Denis, op. cit., p. 181. Voir le bilan historiographique par Boltanski Ariane et Bourquin Laurent, « La noblesse et la Ligue », Europa moderna. Revue d’histoire et d’iconologie, 1, 1 (2010) p. 29-36 ; ainsi que Boltanski Ariane, La critique de la noblesse dans les écrits français des dernières décennies du xvie siècle ou comment convertir le noble à l’idéal du « soldat chrétien », Le Mans, France (2012) – [http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00857757].
27 Ibid.
28 De Mathieu Launoy, publiée en 1591 chez Romain Thierry, voir Pallier Denis, op. cit.
29 Texte cité dans Henri de L’Espinois, op. cit., p. 468-470.
30 Sur les vices propres à la noblesse voir notamment Schalk Ellery, From Valor to Pedigree : Ideas of nobility in France in the 16th and 17th Centuries, Princeton University Press, 1986, et du même, L’épée et le sang : une histoire du concept de noblesse, vers 1500-vers 1650, Seyssel, Champ Vallon, 1996.
31 Selon l’enodatio du f° 8 v°. Voir « Topique des énigmes », entrée « Sceptre ».
32 Chigi, f° 9 r° et 9 v°. Voir « Topique des énigmes », entrée « Lion ».
33 Ibid. Voir « Topique des énigmes » pour le texte original.
34 Casanatense, f° 230 r°, sonnet de « Petrus Versoris » (Pierre Versoie ?).
35 Voir « Topique des énigmes », entrée « Marmite ».
36 Audoin-Rouzeau Stéphane, op. cit., p. 108 : « Haïr l’ennemi ». Voir aussi Meissonnier Laurence, « Le Manuel général de l’instruction primaire (1914-1918). Pédagogie heuristique, rémanence revancharde et mobilisation patriotique », dans Jean-François Condette (éd.), Les Écoles dans la guerre. Acteurs et institutions éducatives dans les tourmentes guerrières (xviie-xxe siècles), Lille, Septentrion, 2014, p. 181-193.
37 Chigi, f° 58 r° : « Navarrus bellum, cades, si turpi egestas / Haec vos si tentant munus id unus erit. »
38 Lebigre Arlette, op. cit., p. 217.
39 NAL 2637, f° 10 v°. Jean-Olivier du Sault. Énéide, II, 758 et Ovide, Métamorphoses, IX, 202 et XIV, 541.
PUR-FOROS (« celui qui porte le feu ». Qualificatif jovien)
Scilicet hoc nobis deerat post tot mala, nostris
Ut eriperet quicquid inesset agris.
Scilicet hoc deerat nobis, ut nocte silenti
Infelix lolium spargeret et tribulos.
Huc ades, o rebus solum solamen in arctis.
Evelle, et vulsos devoret ignis edax.
Ignis edax, qui te sublimem ex ethere nobis
Detulit, haereseos pellere frigus iners.
Trad. Rémi Mathieu, ms cité, f° 82 r° : « En vérité, il nous manquait encore, après tant de malheurs, qu’un voleur vînt arracher tout ce qui poussait dans nos champs. En vérité, il nous manquait encore que, dans la nuit silencieuse, un misérable vînt semer de l’ivraie et des tribules. Viens par ici, toi l’unique secours dans les cas difficiles, arrache les mauvaises herbes et que le feu dévorant les détruise, le feu dévorant qui t’a conduit vers nous, homme illustre, du haut des cieux, pour triompher du froid paralysant de l’hérésie. »
40 Casanatense, f° 235, voir plus bas pour le texte intégral.
41 Chigi, f° 49 r°, Jérôme Parent : « Fides tua nunquam deffciet. »
Flammi comans ffdei radius bis senus in orbe
Fulget ; in obscuros nec timet ire locos.
Monstrum horrendum, cantu hunc demulcet ameno,
Et vultu variis decipiente modis.
Dulcisonas postquam madido dedit ore loquelas ;
Ex urna infundens dira venena jacit
At vero impatiens ira, tu fulmina sacrae
Scripturae torques : illud adesse pudet.
Parta de hinc addunt certamina, vimque ffdemque
Et inflammam, trino non peritura deo.
Très proche du NAL 2636 f° 49 r° où un jeune homme entretient la flamme d’un grand cierge tout en écartant avec un grand bâton des angues (serpents) qui soufflent sur la flamme.
42 Bachelard Gaston, Psychanalyse du feu, Paris, Gallimard, 1982, p. 81 et 90. Voir « Topique des énigmes », entrée « Feu, soleil » et aussi Buttay Florence, « Le feu… », art. cité.
43 Cromé François, Dialogue d’entre le Maheustre & le Manant : contenant les raisons de leurs debats & questions en ses presens troubles au Royaume de France (1593), éd. Peter M. Ascoli, Genève, Droz, 1977, p. 184.
44 Ibid., p. 3 et 4.
45 Lettres annuelles, citées par Fouqueray Henri, op. cit., p. 236.
46 Richet Denis, « Aspects socio-culturels des conflits religieux à Paris dans la seconde moitié du xvie siècle », Annales ESC, juillet-août 1977, n° 4, p. 780.
47 BAV, Barb. lat. 5826, lettre à Don Diego de Juvarra, Paris, 3 octobre 1592, f° 114 v° : « Si attende con ogni diligenza à conservare il Popolo in fede sotto la speranza dell’Assemblea, et del prossimo ingresso delle forze del Signor Duca di Parma. »
48 Chigi, f° 11 r° et 11 v°, voir « Topique des énigmes », entrée « Roue ».
49 Chigi, f° 11 v° : « Hic etiam qui nobilis speciem adulterat, ejusdem Galliae pestes haereticos exprimit, ex cujus ore, Muscae, hoc est perniciosa, pestiferaque prorumpunt consilia : Quod autem telum gestat, […] in extremitate vero cervi cornu appensum ; eorumdem argumenta denotat. Quae primo aspectu canina sunt, […] Quae antea quodammodo videbantur amentata. Imbellia prorsus, hoc aniles ineptiae atque deliramenta, collabascunt. […] Verum ille Philosophica facie personatus, quique […] te ipsum Enigmatico more indicat Librum habet prae manibus ; hoc est prudentiam, cujus ope tela decidunt, nempe quidquid haeretici moliuntur. Divino prudentiae beneffcio, corruit et evanescit. » Voir traduction complète dans « Topique des énigmes », entrée, en dernière partie de ce volume.
50 NAL 2636, f° 27 r° :
Justitiae vindex oculus de culmine sacro
Qua quidque faciant mente mortales videt
Nec tamen aut gladium vitas, dextramve minacem
Amphivia refugis gallicae gentis lues ?
At vos, ô coeli duo lumina, pergite, sacram
Erigite lancem perffda oppressam manu.
Trad. Rémi Mathieu, ms. cité, f° 32 r°.
51 Casanatense, f° 239 r°.
52 Paris, Jacques de Varanges, 1589.
53 « Contre quels monstres la Gaule lutte-t-elle à présent ? »
54 Manfroni Camillo, art. cité, p. 253 : « mostrorno certe medaglie trovate ove era il papa che volto alla riversa parea un diavolo et dall’altra parte la testa del legato, che volta alla riversa faceva testa di buffone ».
55 Les premiers exemples remonteraient à 1531, voir Wachenheim Pierre, « À l’école d’Arcimboldo. Portraits politiques satiriques allemands et français (xvie-xxe siècle) », Francia. Forschungen zur westeuropaïschen Geschichte, 37, 2010, p. 413-431. De nombreuses médailles sont reproduites dans Barnard Francis Pierrepont, Satirical and controversial Medals of the Reformation. The Biceps or Double-headed Series, Oxford, 1927, où il mentionne également un exemplaire catholique de ces médailles doubles : n° 130, p. 32 : avec un pape-diable et un cardinal-bouffon et la légende au droit : CALVINUS HERESIA RCH(a) PESSIMUS.
56 Elsig Frédéric et Sala Simona (dir.), Enfer ou paradis. Aux sources de la caricature xvie-xviiie siècle, Catalogue de l’exposition du musée international de la Réforme, Genève, 16 octobre 2013-16 février 2014, Genève, musée international de la Réforme et Infolio, 2013, cat. n° 33, p. 116.
57 Boltanski Luc, Énigmes et complots : une enquête à propos d’enquêtes, Paris, Gallimard, 2012, p. 22 et suivantes.
58 Ibid., p. 25.
59 Ibid., p. 29 et 30.
60 Ibid., p. 22.
61 Sur le thème de l’instabilité du monde au xvie siècle, voir Buttay Florence, Fortuna. Usages politiques d’une allégorie morale à la Renaissance, Paris, PUPS, 2008.
62 Cet essai, intitulé « L’immagine perversa », fait partie de Stanze. La parola e il fantasma nella cultura occidentale, Turin, Einaudi, 2011, p. 159-190. Trad. Jacques Hersant, Stanze. Parole et fantasme dans la culture occidentale, Genève, Payot, 1994. Dans cet ouvrage, Agamben réfléchit sur la possibilité de dépasser « la scission qui s’est produite dès les origines de notre culture […] entre poésie et philosophie, entre parole poétique et parole pensante » entre lesquelles Platon parlait déjà de « vieille inimitié » (Stanze, op. cit., p. xiii).
63 Aristote, Poétique, 58a18, dans la traduction de l’édition Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot, Paris, Seuil, 1980, p. 113.
64 Agamben Giorgio, op. cit., p. 163.
65 Héraclite cité par Agamben Giorgio, ibid., p. 165 : « Le Seigneur, dont l’oracle est à Delphes, ne dit ni ne cache, il signifie ». Dans la traduction de Marcel Conche, Héraclite Fragments, Épiméthée, Paris, PUF, 1986, Fragment 39, p. 151 issu de Plutarque, Sur les oracles de la Pythie, 404d : « Le maître dont l’oracle est celui de Delphes ne dit ni ne cache, mais donne des signes. » Le commentaire de Marcel Conche est très loin d’Agamben. Il estime que ce fragment est une charge contre l’oracle de Delphes en rivalité avec lequel le philosophe se place. Ce dernier prétend atteindre davantage la vérité que la pythie.
66 Aristote, éd. citée, p. 107.
67 Ibid.
68 Selon la traduction de Jacques Hersant, de Stanze, op. cit.
69 Aristote, Poétique, trad. Roselyne Dupont-Roc et Jean Jallot, ibid.
70 Aristote, Rhétorique, 1405b-1405b5 : « Et généralement parlant, on peut tirer de bonnes métaphores des énigmes bien faites : comme les métaphores sont des sortes d’énigmes, dans une bonne énigme la métaphore est évidemment bonne » (Œuvres complètes, dir. Pierre Pellegrin, Paris, Flammarion, 2014, p. 2721).
71 Maranda Köngäs, « Structure des énigmes », L’Homme, 9, 3, 1969, p. 5-48.
72 Agamben Giorgio, op. cit., p. 163. Il a souligné plus haut, p. 159 : « L’essenza dell’intenzione emblematica è così estranea all’ideologia oggi dominante, che sempre di nuovo, malgrado l’esemplare difesa di Benjamin, si rende necessaria la sua rigorosa esposizione. » Trad. Yves Hersant, op. cit., p. 225 : « L’intention emblématique est dans son essence si étrangère à l’idéologie aujourdhui dominante, que malgré l’exemplaire plaidoyer de Benjamin, il faut toujours en reprendre le rigoureux exposé. »
73 Ibid., p. 164 : « Ciò che la Sffnge proponeva non era semplicemente qualcosa il cui signiffcato è nascosto e velato dietro il signiffcante “enigmatico”, ma un dire in cui la frattura originale della presenza era allusa nel paradosso di una parola che si avvicina al suo oggetto tenendolo indeffnitamente a distanza. L’αινος dell’ αινιγμα non è solo oscurità, ma un modo più originale del dire. Come il labirinto, come la Gorgona e come la Sffnge che lo proferisce, l’enigma appartiene infatti alla sfera dell’apotropaico, cioè di una potenza prottetrice che respinge l’inquietante attirandolo e assumendolo dentro di se » (trad. Yves Hersant, op. cit., p. 230-232).
74 La différence entre Russell et Agamben est grande puisque pour Agamben il ne s’agit pas de « simuler » la présence, mais de la rendre possible. Russell Daniel, « Illustration. Hieroglyph. Icon. The Status of the Emblem Picture », dans Wolfgang Harms et Dietmar Peil (éd.), Polyvalenz und Multifunktionalität der Emblematik, vol. 1, New York, Peter Lang, 2002, p. 73-90, ici p. 88. Voir Belting Hans, Image et culte. Une histoire de l’image avant l’époque de l’art, Paris, Cerf, 2007.
75 Ibid., p. 78 : « One of the reasons why illustration in a modern sense is rare in emblem is that illustration is often used to capture and express description, and in the Renaissance there was little description of the complex modern kind that begins to play an important part in narrative and even poetry, beginning in the xixth century. The emblem pictura had other roles that have to do with the power of images in the period before the birth of the idea of art in the Renaissance. »
76 Sur l’enargeia, voir en particulier Webb Ruth, Ekphrasis, Imagination and Persuasion in Ancient Rhetorical Thoery and Practice, Farnham, Ashgate, 2009, p. 87-106 : « Enargeia : making absent things present. »
77 Boucher Jean, Replique à l’antigaverston… (1588), p. 33, cité dans Crouzet Denis, Les guerriers…, op. cit., p. 529, n° 102.
78 Dans L’Estoile Pierre de, [Les belles Figures et Drolleries de la Ligue…], BnF, RES FOL-LA25-6, f° 17 r°.
79 Da Canal Martin, Les estoires de Venise. Cronaca veneziana in lingua francese dalle origini al 1275, éd. A. Limentani, Florence, L. S. Olschki, 1972, p. 21. À noter qu’il ne s’agit donc pas là d’une image vénérable qui passerait pour achéropoiëte ou pour un témoignage ancien, plus proche des faits, mais d’une œuvre contemporaine. Cela montre bien, dans cet exemple, que c’est bien à l’image qu’est reconnu un plus grand pouvoir d’authentification qu’au texte. Ceci dit, pour Martin da Canal, la distinction est faible, voire nulle, entre une image tracée, visible et une image mentale suscitée par un écrit : « Escritures et paintures voient les gens à zeux, que quant l’en voit painte une estoire ou l’on en oit conter une bataille, ou de mer ou de terre, ou l’en lit en un livre ce que ont fait nos ancestre, si nos est avis que nos somes present ou les batailles sont faites. Et puisque par paintures et por oïr conter et por lire est la chose present, me sui ge entremis as euvres des Veneciens que ils ont faites au service de sainte Iglise et que por henor de sa noble Cité » (op. cit., p. 155). Dans ce cas, l’auteur en appelle à la représentation figurée parce qu’elle a plus de pouvoir de mettre devant les yeux, plus d’enargeia.
80 Marcantonio Coccio dit Sabellico, Croniche che tractano de la origine de Veneti, e del principio de la cità…, trad. Matheo Vesconte de Sancto Canciano, s. n. t (Milan, 1510 ?), f° 18 v° : « La qual cosa quasi non si potria credere a li scriptori, se questo al presente non se vedesse ffgurato in historia con mirabile arte ne la giesa de s. Marco. » Voir Documenti per la storia dell’augusta ducale basilica di San Marco in Venezia, Venise, 1886, p. 236.
81 Il me semble que cela a été très peu souligné. Belting Hans, Image et culte, op. cit., effleure le sujet sans réellement l’aborder. En introduction, il ne parle que de preuve de l’authenticité de l’image elle-même. Il en donne pourtant un autre exemple très intéressant : le procès, en 1410, opposant les moines du chapitre de Notre-Dame à ceux de Saint-Denis, à Paris, pour savoir qui détient la vraie relique du crâne de saint Denis. Les preuves avancées par les parties sont les sculptures sur lesquelles le saint est représenté, voir BÄhr Ingeborg, « Aussagen zur Funktion von Kunstwerken in einem Pariser Reliquienprozess des j. 1410 », Wallraf-Richartz-Jahrbuch, 45 (1984), p. 41 sq. Hans Belting évoque le fait que « reliques et images se légitiment mutuellement » (p. 585) mais ne s’attarde pas sur le fait que le principe de la preuve dans ce procès est que les images ont autant, voire plus, quand elles sont anciennes, d’autorité que les textes.
82 Cette poussée de croix ne doit pas être étrangère aux difficultés de la Ligue à Amiens à cette période, voir Carpi Olivia, Une République imaginaire. Amiens pendant les troubles de religion (1559-1597), Paris, Belin, 2005, p. 194.
83 ASVa, Francia 32, f° 159 r° (289) et v° : « Essendo uscito della Città di Amiens un giorno del mese de febraro prossimo passato il S.or di Rambur gentilhuomo Picardo del partito dell’Unione, et buonissimo Cataetano acompagnato da 12 ò 15 Cavalli par andarsene ad un suo Castello, s’incontrò à caso in una truppa di Cavalli del Signor di Umiere, che è del partito contrario, et venuti all’armi Rambur vi restò ferito, preso, et condotto prigione nella Terra di Corbia […] et vii alcuni giorni appresso delle medesime ferite senemorse. dopò la cui morte essendo state osservate da suoi serv.ri nella sua camiscia molte picciole crocette, manifestorno subito l’accidente, et gl’Inimici di rincontro procurorno di coprirlo col’far abbrusciare la camiscia : mà non hebbero l’intento avenga che essendone apparse appresso molte nel lenzuolo ancora in cui fù involto il Cadavero, et nel corporale del curato di Corbia mentre celebrava la messa nelle essequie del medesimo, altre semplici, et altre doppie alla similitudine di quelle di Gerusalemme, che portano li Signori della Serenissima Casa di Lorena et adherenti loro. »
84 Ibid. : « presto si divolgò tra’l popolo, et se gl’accrebbe vigore da altre Croci simili, che in quegl’istessi giorni apparevero in altri Corporali, et nelle Tovaglie degli Altare, et ne’profani panni di lino bianchi de’ particolari, non solo in Corbia, m`in Mondidier et in Amiens. Cosa che come prodigiosa messe terrore ne’ Popoli, et gl’eccitò ad Orationi, preci et processioni pubbliche per impetrare della misericordia di Dio, che riuscisse à sua santa gloria l’effetto signato dal prodigio, et à congregationi di persone pie per discorrere, s’egli fosse per essere di bene, ò piu tosto di accrescimento di male trà il cumulo delle calamità che patisce la povera Francia. per la quale in tanto sparsa la voce del prodigio negl’ultimi giorni di quaresima pervenne à Parigi, dove si come ne era stato scritto da diversi ; così diversamente se ne ragionava, quando celebrando il sabbato santo il curato di San Jacomo della Bucheria ne vide comparire nel suo Corporale et successivamente le giorni appresso ne videro di mano in mano chi più chi meno le Curati di San Bartolo […]. »
85 Ibid., f° 289 (159) r° et 289 (159) v° : « chi ne’ Corporali et Pallij, chi nelle tovaglii degl’Altari, chi nelle Coste ò sopra pellicci delle Chiese loro, oltre che se ne scopersero anco ne’panni bianchi de’ secolari incominciando da Collari delle Camiscie de ffgliolini et altri, et trà queste, altre semplici, et altre doppie come è detto di sopra, et ne vanno qui in margine le ffgurine. Io ne hò vedute molte con esatta diligenza ; ma crescendo il numero per diverse parti della Città tanto ne panni sacri come nè profani, mi sono stracco di osservare più oltre cosa che tengo hormai à ffne della veriffcatione del prodigio per indubitata, essendo appresso alle altre, più giorni sono ne apparisse una nel Corporale del mio Capellano, et il secondo giorno di Maggio à me stesso se ne scoprissero trè in un’Asciugatore con cui poco prima mi ero asciugate le mani et il viso. Et perche ci erano lettere di Mondidier con aviso che si era osservato, che lavando etiandio li panni le Croci per questo non sparivano, mi risolsi l’istesso giorno 2 di Maggio di farne la prova col far lavare alla mia presenza con liscivio et sapone, et con ogni diligenza il sodetto mio Asciugatore, et una picciola tovaglia di Altare del Curato di San Bartolo sopra la quale ne potevano essere da dodici ò quattordici, et trova che se bene à mio parere svanirono alquanto di colore, non si levarno però totalement, et in spetie non lasciorno la forma della Croce, et questa è la verità del fatto dell’apparitione del prodigio ».
86 Pour la distinction entre faits et preuves, voir Daston Lorraine, « Marvelous Facts and Miraculous Evidence in Early Modern Europe », Critical Inquiry, vol. 18, n° 1 (automne 1991), p. 93-124.
87 Cabrol Fernand et Leclercq Henri, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1907-1953 : « Croix (invention et exaltation de la vraie) », 3/2, p. 3131-3139.
88 Goyet Francis, « La preuve par l’anagramme. L’anagramme comme lieu propre au genre démonstratif », Poétique, 1981, p. 229-246. Sur l’anagramme, voir plus bas, troisième partie.
89 Voir première partie.
90 Qui, selon Denis Richet, se rapproche de celui de 1793, dans l’art. cité et Barnavi Élie, Le parti de Dieu…, op. cit.
91 Ibid., p. 182.
92 On voit aussi l’histoire de Jonas au f° 39 r° du NAL 2636 (« spes insperata », « Un espoir inespéré ») et plusieurs fois le pape ou le légat sont travestis en grands prêtres juifs ce qui, tout en renvoyant au répertoire biblique, n’a pas toujours un rapport très clair avec un épisode en particulier.
93 Épigramme :
Foeda duo volucrum non passi guttura fratres
Regalem Phinei turpiffcare torum.
Vos vos unanimes, moveat vos splendida, fratres,
Mensa Dei, heu nimium turpiffcata diu !
Praepetibus properate alis detrudere terras,
Terras quas toto dividit orbe thetys ;
Unguibus Harpyias foedis, quae regis olympi
Ausae sunt temere commaculare dapes.
Trad. Rémi Mathieu, ms. cité, f° 33 r° : « Je poursuivrai les ennemis et tu les arrêteras. Les deux frères ne souffrirent pas que les hideux gosiers des monstres ailés souillent la couche royale de Phinée. Vous tous, soyez émus, frères, par la table immaculée de Dieu souillée, hélas, depuis trop longtemps ! Allez à tire d’aile repousser vers les terres que Thétis entoure de toutes parts les Harpies aux serres horribles, qui ont osé souiller les mets du roi de l’Olympe. » On retrouve Phinée aux prises avec les harpies qui souillent son dîner au f° 67 r° du manuscrit Chigi.
94 Plusieurs études ont éclairé l’abondance des paraphrases bibliques et notamment des Psaumes durant les guerres de religion notamment Jeanneret Michel, Poésie et tradition biblique au xvie siècle. Recherches stylistiques sur les paraphrases des psaumes, de Marot à Malherbe, Paris, José Corti, 1969, et Vignes Jean, « Paraphrase et appropriation : les avatars poétiques de l’Ecclésiaste au temps des guerres de Religion », BHR, 55 (1993), n° 3, p. 503-526.
95 Buttay Florence, art. cité, p. 334-336.
96 Debbagi Baranova Tatiana, op. cit., p. 198.
97 Crouzet Denis, op. cit., t. II, p. 217. Voir tout le sous-chapitre : « Magie ligueuse et exorcisme royaliste : l’arme d’un langage oublié », p. 216-225.
98 Debbagi Baranova Tatiana, op. cit., p. 205-206.
99 Voir par exemple Carruthers Mary, Le livre de la mémoire. La mémoire dans la culture médiévale, Paris, Macula, 2003.
100 Pas seulement la pédagogie jésuite d’ailleurs. L’usage pédagogique de l’emblème tient à sa capacité de « réduire les concepts intellectuels à des images sensibles, qui frappent davantage la mémoire », comme le remarque Francis Bacon (cité par Daly Peter et Silcox Mary V., The Modern Critical Reception, op. cit., p. 194).
101 Benedict Philipp, Graphic history. The “Wars, massacres and troubles” of Tortorel et Perrissin, Genève, Droz, 2007.
102 Recueil de L’Estoile, op. cit., f° XX.
103 Pallier Denis, op. cit., p. 163-164.
104 Debbagi Baranova Tatiana, op. cit., p. 176.
105 Blum André, L’Estampe satirique en France, Paris, 1916, p. 249-250 : « En 1587 après l’exécution de Marie Stuart, sur le conseil de Mme de Montpensier, le curé de Saint-Séverin, Jean Provost, exposa dans le cimetière de sa paroisse l’image des persécutions que l’on faisait subir aux catholiques anglais pour leur foi […]. À côté du placard Briefve description des diverses cruautés que les catholiques endurent en Angleterre pour la foy, L’Estoile a écrit : “On appelait ce beau livre le tableau de Mme Montpensier pour ce que, par son conseil et exhortement, fut mis un tableau dans le cimetière Saint-Séverin à Paris la veille de la Saint-Jean de l’an 1587, auquel étaient peints et représentés toutes ces cruautés afin que le peuple passant par là s’en émût et s’animât de plus en plus contre les huguenots et politiques qu’on appelait (baptisans de ce nom les meilleurs serviteurs du roi).” »
106 Il peut s’agir d’initiatives privées, comme celle du peintre dont parle Sighiulli dans son journal qui « exposa devant chez lui une peinture où on voyait un carrosse avec le duc du Maine et le légat dedans, tous deux bien grands et gros. Le carrosse, conduit par l’ambassadeur d’Espagne, avait fini par s’enliser et le poussaient Mme de Montpensier et le père Fogliano, tous deux boiteux et du conseil secret ». L’image jouait de l’infirmité de la douairière de Montpensier, sœur de Guise, voir Satyre Ménippée de la vertu du catholicon d’Espagne, Ratisbonne, 1664, p. 25. Manfroni Camillo, art. cité, p. 53 : « un pittore messe fuori una pittura ove era una carroccia entrovi il duca d’Umena e il legato, ambedui grandi e grossi : la carroccia era guidata dall’Ambasciatore di Spagna ch’è orbo et perchè era andato nel fango, lo spingeva Madama di Montpensier e il padre Fogliano, ambedue zoppi e del consiglio segreto ». Il peut aussi s’agir de l’initiative des autorités : Blum André, op. cit., p. 259-260 évoque « le tableau des Seize qui fut exposé le 11 juillet 1593. Le sujet était la Chute de Lucifer, tombant du paradis en enfer. Henri de Valois est livré aux diables et porte au front cet écriteau : Le Tyran. Autour de lui sont pendus le président Brisson qu’on regardait comme le chef des Politiques et ses deux agents, Larcher et Tardif : les Seize les accusaient de travailler à la reddition de Paris au roi de Navarre et dans l’intérêt de la Sainte Union avaient décidé de faire une Saint-Barthélémy des Politiques. Les corps des victimes avaient été trouvés attachés à une potence, place de Grève, avec cette inscription : “Barnabé Brisson, l’un des chefs des traîtres et hérétiques, Claude Larcher, l’un des fauteurs des traîtres et politiques, Tardif, l’un des ennemis de Dieu et des princes catholiques”. […] Le tableau montre toute une foule de politiques jetés aux diables. Dans le haut est figuré le Paradis avec saint Michel écrasant sous ses pieds un démon ceint d’une écharpe où se lit : Le Béarnais ».
107 Adhémar Jean, Bulletin de la société archéologique, historique et artistique « Le Vieux papier », 1954, p. 3-12 : « il semble que son ordre ait été suivi : à part le recueil de L’Estoile, les estampes de la Ligue sont actuellement très rares ».
108 Seymour Charles, « Some Aspects of Donatello’s Methods of Figure and Space Construction : Relationships with Alberti’s De statua and Della Pittura », dans Atti dell’VIII convegno di studi sul Rinascimento, Florence, L. S. Olschki, 1968, p. 198 : « d’abord c’est un terme tout à fait intraduisible. Ce n’est ni l’histoire dans notre sens moderne ni une “narration” appliquée à la peinture ; l’istoria implique l’idée aristotélicienne d’imitation d’une action qui prend place dans le temps et dans le monde naturel (praxis ou mimesis). Il semble aussi que le concept ait été enrichi par d’autres éléments aristotéliciens de théorie poétique, en particulier ce qu’Aristote appelle mythos ou l’élément d’une intrigue ou d’un scénario, éthos ou l’élément du caractère humain en action dans un environnement, et dianoia qui signifie un élément de matériel didactique plus profond opposé au sujet plus évident et plus ‘littéral’ introduit sous la rubrique de mythos ». Cité dans Laframboise Alain, Istoria et théorie de l’art. Italie xve et xvie siècles, Les Presses de l’université de Montréal, 1989.
109 Debbagi Baranova Tatiana, op. cit., p. 178.
110 Paris, Didier Millot, 1589.
111 Voir par exemple les exemples conservés pour des portraits de Lorenzo Lotto, notamment celui de Bernardo Rossi dans le catalogue Lorenzo Lotto (1480-1557). Catalogue de l’exposition de Washington, Carrare et Paris, 1997-1999, Paris, RMN, 1998, p. 78.
112 Boespflug François, Dieu et ses images. Une histoire de l’Éternel dans l’art, Paris, Bayard, 2008, p. 90-91.
113 Une équivalence entre le corps des Guise et le corps de la France est aussi posée dans le ms. Chigi, f° 19 r° (Nicolas de Heere). On voit le caractère obsessionnel des motifs qui reviennent dans tous les discours et enserrent l’élève dans un tissu de figures rabâchées.
114 Debaggi-Baranova Tatiana, op. cit., p. 180. L’Estoile Pierre de, Journal, op. cit., p. 626 et 655.
115 Les sorcelleries de Henry de Valois, et les oblations qu’il faisoit au diable dans le bois de Vincennes, Paris, Millot, 1589, p. 11, analysé aussi par Duprat Annie, Les rois de papiers. La caricature de Henri III à Louis XVI, Paris, Belin, 2002.
116 Le traité anonyme Rhetorica ad Herennium, premier siècle avant J.-C., unique vestige des traités antiques sur le sujet, sans cesse repris, définit l’art de la mémoire comme une écriture, qui procède par la combinaison de lieux (loci) et d’images (imagines) qui peuvent renvoyer à des choses ou à des mots. Ces images doivent être efficaces (agentes) : par leur extraordinaire beauté, laideur, ou encore par leur caractère effrayant, sale ou ridicule, elles doivent agir comme des « chocs émotionnels ». Voir Yates Frances A., L’arte della memoria, Turin, Einaudi, 1993, p. 7-11. L’art de la mémoire a donné lieu à de très nombreux travaux. Quelques ouvrages récents avec renvois bibliographiques : pour l’Antiquité Baroin Catherine, Se souvenir à Rome : formes, représentations et pratiques de la mémoire, Paris, Belin, 2012 ; pour le Moyen Âge, la prédication : Rivers Kimberly A., Preaching the Memory of Virtue and Vice : Memory, Images, and Preaching in the Late Middle Ages, Turnhout, Brepols, 2010, Bolzoni Lina, La rete delle immagini. Predicazione in volgare dalle origini a Bernardino da Siena, Turin, Einaudi, 2002, et Carruthers Mary, op. cit. ; pour la Renaissance et l’époque moderne : reste fondamental, outre Yates Frances A. et Rossi Paolo, Clavis universalis. Arti della memoria e logica combinatoria da Lullo a Leibniz, Milan/Naples, Ricciardi, 1960.
117 Casanatense, f° 230 r°, sonnet.
118 Goyet Francis, Le sublime du lieu commun, op. cit.
119 Debbagi Baranova Tatiana, op. cit., p. 108.
120 Fabre Pierre-Antoine, Ignace de Loyola. Le lieu de l’image : le problème de la composition de lieu dans les pratiques spirituelles et artistiques jésuites de la seconde moitié du xvie siècle, Paris, Vrin/EHESS, 1992.
121 Les impostures et calomnies des Huguenots, politiques et Athéistes, pour colorer le Massacre commis es personnes de Messeigneurs les Cardinal et Duc de Guise par Henry de Valois…, s. l., 1589, p. 7.
122 Debbagi Baranova Tatiana, op. cit., p. 109.
123 Ibid., p. 73.
124 ARSI, Francia 30, doc. 62, f° 193 r° : « Quoniam vero plenae peccatorum indulgentiae apud nos promerendae facultas in eum diem conjecta ab Legato fuerat, tantus ad nos hominum concursus factus est, ut angustiis locorum vix nos commovere in turba possemus. »
125 Crouzet Denis, op. cit., p. 430 à propos de la Ligue : « Face à la corruption du monde et à la maladie qui est en l’homme, le seul recours est spirituel, dans une ville de Paris qui est, comme jadis Jérusalem, désobéissante et mondaine. » Mais il a déjà relevé, t. I, p. 17 cette « passion de purification » qui caractérise la violence catholique.
126 Zemon Davis Natalie, Les cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au xvie siècle, Paris, Aubier/Montaigne, 1979.
127 Gosselin Édouard H., Recherches sur les origines de l’histoire du théâtre à Rouen avant Pierre Corneille, Rouen, E. Cagniard, 1868, p. 67-68.
128 « L’ambassadeur de l’impie tombera dans le mal : mais celui qui est fidèle est une source de santé. »
129 Casanatense, f° 226 r°.
130 Voir aussi « Topique des énigmes », entrée « Maladie ».
131 Casanatense, f° 229 v°. Voir « Topique des énigmes », entrée « Navire »
132 Crouzet Denis, op. cit., p. 371.
133 NAL 2637, f° 5 r°, trad. Rémi Mathieu, ms. cité, f° 73 r°.
134 Voir Buttay Florence, « Le feu… », art. cité.
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