Chapitre IV. L'art de cultiver les arbres fruitiers
p. 177-224
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Index géographique : France
Texte intégral
« Mais transportez-vous dans la vallée de
Montmorenci, où l'art de greffer semble presque
indigène, comme le talent de conduire les
pêchers, l'est à Montreuil, et dans ses environs ;
adressez-vous à l'un de ces habiles cultivateurs,
qui étudient la physique des arbres sur les arbres
mêmes ; qui, par tradition d'un instinct
qu'éclaire une expérience héréditaire, en appliquent
les principes, sans les expliquer, comme
un menuisier exécute un problème de géométrie,
qu'il ne sauroit démontrer. Demandez-lui
s'il est dans la disposition de greffer ? Il lèvera
vers le firmament des yeux qui sembleront interroger
les nuages... ».
Étienne Calvel, Traité complet sur
les pépinières..., Paris, an XI-1803, p. 304.
1La recherche des spécificités créées par le développement de l'arboriculture fruitière rend nécessaire la présentation d'une quotidienneté de cette culture s'inscrivant, selon une approche ruraliste classique, dans les techniques mises en œuvre, dans l'outillage utilisé et dans un calendrier saisonnier. Mais cette approche doit prendre en compte les différents espaces arboricoles — les arbres en plein vent ne bénéficient pas du même traitement que l'espalier d'un clos —, et la diversité sociale des individus s'adonnant à la culture des arbres fruitiers.
2La principale difficulté réside dans les voies d'accès disponibles pour parvenir à une réalité des travaux arboricoles. La première, véritable « pavé du roi », est constituée par le riche corpus des traités contemporains sur la culture des arbres fruitiers. De consultation aisée, revendiquant fortement une attache régionale parisienne tout en offrant une lecture tout de suite utilisable contrairement au long dépouillement d'archives manuscrites, ces traités auraient tout pour séduire à condition de faire abstraction d'un point essentiel, celui du crédit que l'on peut y apporter, et si l'on perdait de vue qu'il ne s'agit pas ici de proposer une histoire intellectuelle de l'agronomie, une arboriculture de cabinet, mais bien d'accéder à une réalité technique régionale. Une seconde voie s'avère donc nécessaire. Ce chemin de terre est plus tortueux, boueux, impraticable l'hiver, parfois à peine marqué sur le sol, mais aussi ombragé l'été, plus agréable et jubilatoire, il emprunte les actes de la pratique — clauses techniques des baux, rapports d'expertise, rapports de messier, inventaires des trains de culture des marchands-fruitiers et des vignerons-fruitiers — qui seuls permettent d'apprécier la représentativité des descriptions techniques des traités imprimés.
3Ce n'est qu'après cette présentation critique des sources disponibles pour connaître les techniques arboricoles pratiquées en région parisienne, qu'il est possible de présenter la succession annuelle des travaux et des jours selon les saisons et le cycle de la lune. L'art de cultiver les arbres fruitiers revient aussi à lutter contre la nature et les aléas du climat parisien, contre les parasites végétaux et les animaux nuisibles, pour « bien et duement entretenir » les arbres fruitiers. Mais que faut-il entendre, sous le climat parisien, par « bien et duement entretenir » ?
Les sources pour connaître les techniques de l'arboriculture fruitière des campagnes parisiennes
La revendication d'une attache régionale par les traités horticoles françois
4La source la plus facile à utiliser est constituée par les nombreux traités d'agriculture de l'époque moderne : on y détaille le calendrier agricole, l'art d'élever un arbre fruitier de la pépinière au clos, les distances à respecter lors de la plantation et même la profondeur de la fosse, les différentes greffes, tailles et façons culturales, bref l'art de cultiver les arbres fruitiers. Cependant, l'historien ruraliste se doit d'être particulièrement critique et de ne pas être grisé par l'apparente exhaustivité et la facilité d'accès de telles sources et se demander si ces traités reflètent réellement les pratiques de la région étudiée ; l'étude des techniques ne saurait se résumer à une compilation des traités agronomiques, d'autant plus quand il s'agit de retrouver une quotidienneté. Néanmoins, devant la pauvreté des indications fournies par les actes de la pratique, force est de constater que le passage par ces traités se révèle obligé.
« Il porte pour titre le jardinier françois, à cause que tous ceux qui en ont traitté n'ont parlé que de leur climat, par exemple, Monsieur de la Serre
[sic], a composé son œuvre en Languedoc, qui est un païs bien différent de celuy de Paris et de ses environs, pour lequel, j'ay dessein descrire, comme ayant fait expérience en ce climat de tout ce que je diray1 ».
5En justifiant le titre de son petit traité, Nicolas de Bonnefons met en avant son expérience pratique de l'arboriculture fruitière de la campagne parisienne. Or il ne fait pas exception parmi les arboristes : Le Gendre, La Quintinie, Combles, Schabol, Calonne... répondent présents à l'appel des auteurs traitant des cultures fruitières parisiennes. Le jardinier solitaire dresse le jardin fruitier idéal pour le « climat [...] d'autour de Paris2 » ; même René Dahuron, pourtant jardinier du duc de Brunswick, rédige un traité françois dans lequel il s'appuie sur son expérience acquise dans les jardins de Versailles3.
6Nombreux sont les auteurs de ces traités qui, à l'image de La Quintinie, ont — ou prétendent avoir — pratiqué eux-mêmes la culture des arbres fruitiers, constituant un lieu commun des préfaces : Nicolas de Bonnefons « ayant fait expérience4 », fruit d'une cinquantaine d'années pour Le Gendre5, d'une vingtaine d'années pour Jean Laurent6, de plus de quarante ans pour La Bretonnerie dont l'Ecole du jardin fruitier se veut comme « l'ouvrage d'un Cultivateur et non d'un homme de lettre7 », « de nombreuses expériences et de lentes observations » pour Etienne Calvel8. Quant à René Dahuron, il propose à ses lecteurs
« ce qu'[il a] tiré tant de (s)es propres observations que de ceux qu'[il a] connus, comme monsieur Merlet, et particulièrement Monsieur de La Quintinie Intendant des jardins à fruits des Maisons Royales de France, sous lequel (il a) eu l'avantage de travailler durant près de cinq ans9 ».
7Cette pratique se double d'observations, voire de véritables enquêtes comme celles menées par Roger Schabol auprès des cultivateurs du village de Montreuil et par l'avocat Louis-François Calonne à Vitry-sur-Seine. Ces observations et ces expériences sont d'autant plus intéressantes qu'elles concernent la région parisienne : Combles a une propriété à Arnouville10, Schabol à Sarcelles, La Bretonnerie à Argenteuil11, Calonne à Vitry-sur-Seine, l'abbé Nolin à Versailles.
8Dans le cadre des travaux sur l'Atlas linguistique et ethnographique de l'Ile-de-France et de l'Orléanais, les observations de Roger Schabol ont permis une étude lexicale sur les parlers de la banlieue de Paris au xviiie siècle12 : Marie-Rose Simoni-Aurembou justifie sa démarche en soulignant les méthodes d'enquêtes des jardinistes axées sur l'observation et l'expérience. Le Dictionnaire pour la théorie et la pratique du jardinage et de l'agriculture13 de Schabol note, en effet, l'origine populaire de certains termes tel que « Rabougri » et le vocabulaire inusité dans la pratique comme « batardière ». Une telle étude linguistique pourrait être tentée, pour le règne de Louis XIV, à partir de l'« explication des termes du jardinage » dans ^Instruction pour les jardins fruitiers et potagers14. Bien que les propos de La Quintinie ne procèdent pas de la même logique que ceux de Schabol — autant pour ce dernier, il s'agissait de rendre hommage aux laborieux habitants de Montreuil, autant La Quintinie, en bon courtisan, se devait de distinguer le langage policé du gentilhomme-jardinier du langage vulgaire et grossier des paysans —, ils nous révèlent que le jardinier du Roi a eu des contacts concrets avec une arboriculture fruitière moins aristocratique :
« Coti est un terme populaire et assez barbare qu'on dit en fait de fruits, qui étant tombés sur quelque chose de dur se sont meurtris ou froissés en dedans sans être écorchés ou entamés en dehors » ; « Rabougri est un terme bas et grossier, dont cependant on est obligé de se servir en parlant d'un arbre fruitier qui ne pousse presque point15 ».
9Pour la littérature agronomique du xvie siècle, Corine Beutler parvient à la conclusion suivante :
« Dans la plupart des cas, ces auteurs pratiquent eux-mêmes l'agriculture dont ils rédigent les préceptes fondés sur les usages de la région qu'ils habitent, et complétés par le fruit de leurs lectures et par les éventuelles comparaisons que leur auront suggérées des voyages16 ».
10Ce constat est d'autant plus vrai aux xviie et xviiie siècles pour nos traités qu'un gentilhomme se doit de cultiver des arbres fruitiers et qu'un réseau régional et européen d'arboristes se maintient pendant les trois siècles de l'Ancien Régime.
11Revendiquant une réelle pratique de l'agriculture, les arboristes offrent un gage scientifique en condamnant puis passant sous silence les greffes extravagantes et merveilleuses issues des traités antiques et médiévaux. Mais en condamnant le discours sur la lune, ils revendiquent sciemment une distanciation avec l'horticulture paysanne. D'ailleurs, les propos des auteurs de traité sont souvent ambigus par rapport aux jardiniers. Ainsi Nicolas Venette confesse avoir écrit son livre « d'une manière si populaire, que les jardiniers les plus grossiers y pourront comprendre ce qu'[il] veu(t) dire17 » tout en reconnaissant quelques pages plus loin que « les jardiniers ont un axiome fort véritable, qui est taillez en beau temps, au décours de la lune, et à la fin des sèves, ou plutôt dans le repos des arbres18 ». Il convient donc de faire la part, à l'intérieur même des traités, entre les techniques décrites réellement pratiquées et celles qui appartiennent à un système élaboré dans un cabinet, et entre les pratiques réellement paysannes et un discours stéréotypé sur la paysannerie. La comparaison entre les différents traités permet difficilement de pourchasser les éventuels développements d'agriculture de cabinet tant le plagiat est fréquent ; seule une comparaison avec les actes de la pratique permet de les dénoncer.
La manière de palisser les arbres fruitiers : un test
12Une comparaison entre les manières de palisser un arbre fruitier décrites dans les traités horticoles et les renseignements délivrés par des actes de la pratique fournit un test révélateur sur le crédit que l'on peut accorder à ces ouvrages pour connaître les techniques arboricoles parisiennes tant l'espalier est à la mode et peut caractériser le renouveau de l'arboriculture fruitière au xviie siècle. Or les traités décrivent plusieurs façons de dresser un espalier ; laissons la parole à une anonyme Nouvelle instruction pour la culture des figuiers publiée à Paris en 1692 qui présente l'avantage de n'offrir aucune réflexion personnelle mais une compilation des traités publiés dans la seconde moitié du xviie siècle :
« On palisse ordinairement les espaliers, et l'on sçait qu'il y a diverse manière de treilliages pour cela. Les uns se servent de lanières de cuir, ou de lisières d'étofes de la largeur d'un demi-doigt, envelopant la branche avec cette lanière, ils l'arrêtent par le moïen d'un clou à la muraille, en l'endroit qu'on la veut appliquer. Les autres y font sceller de distance en distance, des morceaux de chevron d'environ deux pouces, ausquels ils attachent des lates, des échalas, des perches ou des baguettes. Quelques autres se servent d'os de cheval ou de bœuf, qu'ils font de même sceller dans le mur, et ils posent dessus les mêmes choses, et les y lient, pour y attacher ensuite les branches des arbres. Il y en a qui font sceller une infinité d'os de pieds de moutons fort près les uns des autres et en ligne droite, et qui lient à chacun une branche de l'espalier. D'autres font une manière de treillage avec des lattes étroites, clouées les unes aux autres, par quarrez de dix à douze pouces chacun, et ils appliquent ce treillage au mur avec des clous ou crochets. On en fait encore avec du fil de fer ou du fil de léton de moïenne grosseur, soutenu par des clous à tête plate, fichez et scellez dans le mur. Quelques uns même se contentent de simples lignes de ce fil de fer dont ils font des montans et des traverses, mais peu solides : et ceux qui veulent quelque chose de plus noble et en même tems de plus commode, font faire un treillage d'échalas de bois de quartier, ou de cœur de chêne, d'un pouce en carré et planez, lesquels ils lient ensemble avec du fil de fer, ne laissant les carrez que de sept à huit pouces ; et ce treillage s'ajuste sur le mur avec des crochets de fer fait exprés, de la longueur d'un demi-pied, et de l'épaisseur d'un quart de pouce, l'extrémité de ces crochets qui doit entrer dans le mur d'environ quatre doigts, devant être fendue en deux petites branches pour tenir plus solidement, et l'autre bout remontera à angle droit à l'extrémité de dehors19 ».
13La présentation de plusieurs types de palissage et non pas seulement de celui pour « ceux qui veulent quelque chose de plus noble », l'utilisation de matériaux que l'on trouve facilement en région parisienne, des échalas du premier vignoble du royaume aux os de mouton des plateaux céréaliers, et la description précise et réaliste des crochets de fer, tout pousse à valider ces descriptions techniques. Socialement, les palissages décrits sont beaucoup plus répandus que ne le laissait présager le titre du traité.
14Le palissage à la loque souvent associé aux clos des villageois de Montreuil — en 1682 un « marteau à palisser, avec trente livre de clous » sont prisés chez le laboureur montreuillois Jean Préaux20 — est aussi pratiqué dans d'autres finages proche de Paris comme à Deuil où un jardinier achète les fruits et légumes d'une maison à la charge « de bien et deubment palissader les espalliers qui sont dans led. jardin et à cet effet en fournir le cloud qu'il en sera necessaire21 ». Dans la vallée de Montmorency, Jean Gary, fruitier à Saint-Brice, obtient l'autorisation d'un bourgeois parisien « de poser contre led. mur [mitoyen entre les deux hommes] des arbres fruitiers qu'il pourra f(air)e soutenir par des perches sans rien attacher contre led. mur ny endommager iceluy22 ». Toujours au village de Saint-Brice, l'accord conclu entre le maçon Jean-Esprit Ferry et le vigneron François Nottré pour la reconstruction « d'un mur mitoyen faisant la séparation du jardin dudit Nottré, d'avec la cour dudit Ferry », prévoit qu'« il sera mis des os dans ledit mur23 ». Enfin, dans le village de Saint-Prix, le rapport de visite d'une maison note qu'« il a été reconnu que dans le jardin il a esté fait au mur vingt deux trous dans lesquels il parroist qu'il y a esté scellé du fer24 ».
15Contrats et accords pour la (re)construction d'un mur et inventaires après décès confirment l'utilisation, dans les jardins des campagnes parisiennes, des différents types de palissage décrits dans ce traité de 1692. Ainsi, il ne faut pas poser la question de la crédibilité de ces sources imprimées en terme d'une opposition entre la pratique et la théorie, mais plutôt en terme de critères économiques et sociaux.
La recherche d'autres sources : un garde-fou
16Deux grands types de document permettent de comparer le contenu des traités arboricoles avec les pratiques villageoises : les baux et les rapports d'expertise. L'organisation du bail est invariable. Il commence par la présentation du bailleur — identité, état et lieu de résidence —, puis la durée du bail ; suivent ensuite l'identité du ou des preneurs, la description des biens loués — nature de la parcelle et des cultures, superficie et localisation —, puis viennent les clauses techniques et le montant du loyer, enfin les signatures parachèvent l'acte. Ce contrat officiel est passé devant un notaire ou un tabellion soit localement soit à Paris ; aucun document consulté ne permet de parler de baux oraux pour la période concernée, ce qui ne veut absolument pas dire qu'il n'y ait pas eu d'instructions verbales. Les sondages effectués dans le Minutier central parisien ne livrent que des baux semblables à ceux étudiés dans les minutes notariales d'Enghien et de Saint-Brice, et un sondage dans les registres du contrôle des actes de la vallée de Montmorency a confirmé la représentativité des baux étudiés par rapport à l'origine des bailleurs et des preneurs, à la durée du contrat et au montant des loyers.
17Ce sont naturellement les clauses techniques, notamment lorsqu'elles sont développées, qui intéressent notre propos. Lorsque le marchand-fruitier Marin Remon prend à titre de loyer un quartier de cerisaie, il s'engage à « bien et duement labourer deux fois par chacun an en temps et saison, fumer trois fois » et « ne pourra ledit preneur coupper bois vert ny sec sinon éplucher quelque branche seiche25 » ; il devient possible d'évoquer un calendrier arboricole. Parfois les clauses techniques sont particulièrement développées ; tel bailleur désirant faire planter une ceinture d'arbres autour d'un pré, précise qu'il faudra « faire des trous de deux pieds de diamestre sur un pied et demy de profondeur26 ». Malheureusement les clauses techniques se résument trop souvent à « bien et duement cultiver et fassonner led. jardin et tous les arbres qui y sont en temps, saisons convenables27 » ; cultiver, maintenir, entretenir, garder, conserver, autant de termes que les baux multiplient sans autres précisions. Par ailleurs, que faut-il entendre par « entretenir bien et duement les arbres, les labourer et cultiver suivant l'usage » et par « les labourer de fassons ordinaires28 » ? Ces formules nous invitent à regarder autrement les clauses développées, en effet ne le sont-elles pas justement parce qu'elles ne suivent pas l'usage ? La seule certitude qui résiste à l'étude critique des clauses techniques réside dans la commune acceptation, par le bailleur et par le preneur, des pratiques culturales locales quand on décide de suivre l'usage ; ce point est d'importance quand le bailleur est extérieur à la communauté rurale. Le développement des clauses techniques nous révèle l'investissement du bailleur, du propriétaire ou de son chargé de procuration, dans la gestion des terres, mais aussi que le bailleur, le greffier et le preneur ont au moins la connaissance théorique d'une pratique. Théorique, car il faut se poser, constamment, le problème de l'application concrète.
18Les grandes enquêtes lancées par la monarchie administrative puis par les assemblées révolutionnaires et l'administration impériale offrent souvent au ruraliste la possibilité de dresser un état technique d'une culture29. Malheureusement, contrairement aux céréales ou à la vigne, le faible intérêt politique de la culture des arbres fruitiers n'a pas donné lieu à des enquêtes sur l'arboriculture parisienne30 ; à cet égard, le peu d'enthousiasme provoqué par le concours de la Société d'Agriculture du département de la Seine sur « les arbres cultivés dans les environs de Paris », proposé en l'An X31, est symptomatique. Du reste l'arboriculture fruitière n'est pas un sujet de prédilection des Sociétés d'Agriculture de la Seine et du département de la Seine-et-Oise pendant la décennie révolutionnaire et la première moitié du xixe siècle ; de l'an VII à 1850 seules neuf communications relatives à l'arboriculture fruitière sont publiées dans les mémoires de la société nationale et générale d'agriculture32. Face aux études sur les céréales, la pomme de terre, le bois et les dangers de la déforestation, les rares communications sur les cultures fruitières relèvent de l'anecdotique ; les arbres fruitiers pâtissent de n'être ni une culture de subsistance, ni une culture industrielle ainsi que d'un cycle végétatif nécessitant de donner du temps aux expérimentations ; en 1832 la Société royale et centrale d'agriculture ouvre un concours ayant comme thème « la propagation des bonnes espèces d'arbres à fruits par la voie des semis », dont les prix devront être décernés en 184833. Ces sources ne nous sont donc pas d'une grande utilité.
19L'histoire des techniques peut aussi s'appuyer sur les fouilles archéologiques et notamment sur les sites périurbains anciennement consacrés à l'horticulture et à l'arboriculture. Elles offrent des données « sur l'irrigation et le drainage, le défrichement et surtout la plantation34 », ainsi que sur les fruits consommés35, complétant les renseignements tirés des sources manuscrites et des traités agronomiques. Malheureusement l'archéologie pour l'époque moderne, et encore plus pour les zones rurales, est peu développée et, à l'exception des oliviers et de la vigne, « l'archéologie des autres fruitiers n'a guère dépassé le stade de la collecte documentaire36 ».
20À l'exception du renouvellement du bail au même preneur qui laisse penser que les clauses techniques ont été effectivement respectées, seuls les rapports d'expertise, fournissant un instantané d'une réalité technique, permettent d'approcher avec certitude des réalités culturales. Ainsi, le 28 février 1690, un vigneron d'Enghien se rend sur cinquante-sept perches de terre plantée en arbres fruitiers sur le finage de Saint-Gratien pour y juger du respect des clauses techniques d'un bail conclu six ans auparavant. Il rapporte que :
« le total de lad. pièce a esté labourée l'esté dernier d'une façon à la réserve d'un demy quartier ou environ quy n'a point esté labouré depuis six années, que le total desd. arbres n'ont point esté fumée ny eschenillée et qu'il y convint quarente sommes de fumier pour les fumer conformément aud. Bail37 ».
21Enfin un dernier type d'acte permet de travailler une archéologie du quotidien : les inventaires après décès. Ce document, relativement fréquent dans les minutes notariales et dans les archives judiciaires, rend possible l'étude de l'outillage et du train de culture possédés par la paysannerie s'adonnant à la culture des arbres fruitiers ; il offre donc des garanties supplémentaires pour accéder aux techniques et à une quotidienneté du travail. Depuis les années 1960, l'inventaire après décès, bien adapté à une approche quantitative de l'histoire, a été justement privilégié par les historiens pour travailler sur « la cellule de production qu'est toujours, sous l'Ancien Régime, la famille paysanne38 » et a donné lieu à une abondante réflexion méthodologique.
L'échelle, le panier et le canasson : l'arboriculture d'après les inventaires après décès
22L'inventaire après décès, réalisé dans le ressort de la coutume de Paris pour protéger les intérêts des enfants mineurs à l'occasion d'un veuvage et/ou d'un remariage, comprend une prisée du cheptel mort et du cheptel vif possédés. Le principal investissement des marchands-fruitiers réside dans les moyens de transport nécessaires à la cueillette des fruits et surtout à leur acheminement vers les Halles parisiennes. La quasi-totalité des inventaires après décès de marchands-fruitiers prise entre un et deux chevaux avec leur harnais. Ils ne sont absents que dans six inventaires sur les quarante retrouvés. Encore faut-il nuancer ce chiffre en notant les nombreuses associations entre marchands-fruitiers, les chevaux possédés en commun ou tout simplement les prêts. Pierre et François Rémon, frères et marchands-fruitiers, non seulement achètent ensemble des récoltes de fruits à dépouiller mais en plus possèdent en commun un cheval39.
23Le cheval et éventuellement une charrette représentent au minimum les deux tiers, en valeur, de l'équipement professionnel et peut même monter à plus de 90 %. Cependant, cette importance ne doit pas faire illusion sur la valeur marchande de ce cheptel chevalin, le cheval du fruitier est cousin du cheval du vigneron40 et non de celui des marchands-laboureurs. En effet, ce cheptel est essentiellement constitué de cavales et de chevaux âgés. Il est vrai que la « quevaille borgnesse41 » ou le « vieux cheval hors d'âge42 » est principalement utilisé pour le bât pour conduire au pas des paniers de fruits et non attelé à une charrue ou à un lourd tombereau. Ce sont bien ces chevaux qu'observe Louis-Sébastien Mercier : « A sept heures du matin, tous les jardiniers, paniers vides, regagnent leurs marais, affourchés sur leurs haridelles43 ».
24Ainsi la valeur d'un cheval peut-elle tomber à une dizaine de livres, soit le prix d'un âne44. En moyenne, dans nos inventaires après décès, la valeur d'une cavale avec son harnais est comprise entre 40 et 60 livres, soit quatre fois moins qu'un bon cheval. Par contre, bien que peu chers, les ânes semblent peu nombreux ; seuls deux inventaires en font mention : « une beste azine femelle45 » en 1676 et « une bourrique46 » en 1710 ; Jean-Marc Moriceau, pour le Pays de France voisin, note que l'âne se diffuse à partir de 1650 et régresse lentement au xviiie siècle47, alors qu'il se maintient dans les pays de vignoble48. L'âne remplit les mêmes fonctions que le cheval dans l'exploitation : le 7 août 1758, un messier d'Andilly surprend un vigneron en train de cueillir des prunes avec un âne pour les emporter49.
25Le reste de l'équipement d'un marchand-fruitier est composé de paniers en osier, d'échelles de différentes grandeurs et d'outils souvent estimés en un lot anonyme pour quelques petites livres. Comme pour le monde des vignerons, les outils sont peu nombreux : une bêche, une pelle, très souvent une houe ou ses dérivés — hoyau, serfouette et croc —, une serpe, une faucille, une fourche, des coins, et éventuellement un râteau. La houe permet de labourer autour des pieds des arbres sans arracher les racines, contrairement à la charrue, et elle est parfaitement adaptée aux fortes densités de plantation et aux cultures associées comme la vigne ; les baux ne manquent pas de préciser son usage : pour un bourgeois parisien « f(ai)re et user en bon père de famille » revient notamment à « faire labourer au tour du pied [des arbres] avec la houe50 » ; Louis Porlier, marchand-fruitier, s'engage « de bien et duement labourer, fumer, cultiver et amander » cent huit perches de terre plantée en arbres fruitiers « sans y pouvoir mestre la charrue qui pourroit gastée les arbres51 » ; ailleurs, pour protéger les ceintures d'arbres autour d'une terre labourable, la charrue est interdite à moins de trois pieds du tronc de l'arbre52.
26Plus spécifiquement liées à l'arboriculture, les « échelles à fruits » sont estimées et leurs hauteurs parfois précisées. Elles varient entre douze pieds (plus de 3 m) et trente pieds (plus de 9 m) et sont prisées une livre chacune53. Mais l'inventaire après décès d'un marchand-fruitier est surtout caractérisé par la présence de nombreuses sortes de paniers en osier : cueilloirs à cerises ou à pommes, paniers bâtards ou picards, paniers à arrivé, petits paniers de halle, paniers soufflés, grands paniers plats, grands paniers à sommés, grand, petit et moyen, neuf, « méchant », et raccommodé54, osier blanc ou noir, et des hottes à fruits. « De la hotte à la charretée, en passant par les paniers et les liens, on tient à la fois des manières d'emporter et un système duodécimal de mesures55 » ; les inventaires après décès estiment les quantités de pommes par somme. La Quintinie décrit le cueilloir comme :
« une manière de petit panier long d'environ un pied, large de cinq à six pouces, n'ayant point d'anse et fait pour l'ordinaire d'osier vert assez grossièrement rangé ; et c'est dans ces sortes de cueilloirs que les gens de la campagne apportent au marché leurs prunes, cerises, groseilles56 ».
27Là encore, la valeur marchande de ces paniers est faible : soixante sols pour « trois paires de grands paniers tant bon que méchant et quatre paires de panier tant moyen que petit, un grand cueilloir d'osier blanc et trois méchants paniers57 » ; les paniers sont estimés par paire car portés en bât. La diversité de ces paniers se retrouve dans les scènes de genre de Louise Moillon et notamment dans La marchande de fruits58 où pas moins de six types de panier sont peints : dans le fond obscur, des paniers sont déposés sur une étagère, au centre de la composition la jeune marchande vide un profond panier rempli de pommes dans une corbeille beaucoup plus large mais aux bords moins hauts, sur la droite, des abricots sont posés sur un panier plat tapissé de feuilles de vigne, et un panier avec une anse renferme des cerises.
Figure n° 11 : Équipement des marchands-fruitiers et de vignerons-fruitiers d'après leur inventaire après décès


28Le train de culture d'un marchand-fruitier est donc peu important et peu coûteux : quelques outils simples et communs à toute la paysannerie, des échelles de différentes grandeurs et surtout de nombreux paniers et une cavale, soit un train de culture « moyen » d'une cinquantaine de livres ; un train de culture assez proche du vigneron, à la différence essentielle que ce dernier doit en plus ajouter l'onéreux matériel vinaire59. On est très loin des listes d'outils présentés comme indispensables à la culture des arbres fruitiers dans les traités contemporains. Dans son chapitre VIII, intitulé « des outils qu'il faut avoir pour le jardin et pour les arbres à greffer », Le jardinier royal inventorie un entoir, « deux pesoirs d'acier au lieu de coings », deux coins d'ivoire ou de buis, deux scies à main, des « fermoirs à menuisier », deux maillets, deux couteaux courbés pour tailler les arbres, une pierre à aiguiser, deux échelles, un louchet60, une grande fourche, « une civière à bras, une autre civière rouleresse », un râteau, une ratissoire, un cordeau, une serpe, une grande selle, un sceau ferré, un grand échenilloir emmanché au bout d'une pique, une pique, un hoyau, une houe et un cueilloir d'airain ou de bois61.
Une année arboricole
Un calendrier saisonnier équilibré
29Le cycle saisonnier des cultures fruitières nous est connu par les calendriers présentés dans les traités horticoles contemporains ; ces informations peuvent être ponctuellement vérifiées par les clauses techniques des baux, les rapports d'expertise et des gardes des récoltes, voire au détour d'un interrogatoire, et par un empirisme traditionnel qui s'exprime à travers dictons et proverbes : « À la Sainte Catherine tout prend racine », « Tail'tôt, tail' tard, il n'est rien de tel que tail' de mars », « Pluie de février vaut esgoust de fumier »...
30La fin de l'automne et l'hiver sont le temps de l'entretien des parcelles et des jardins plantés en arbres fruitiers : en l'absence de gel, et peut-être en fonction de la lune, la plantation a lieu de novembre à mars, et on greffe en fente en février-mars. C'est aussi la saison du nettoyage des arbres, échenillés, épluchés et émoussés, et de la taille pour les arbres qui y sont soumis comme les espaliers et les buissons. Le manuel du jardinier ou journal de son travail distribué par mois (1772) conseille de préparer les paillassons qui seront utilisés au printemps pour protéger les espaliers. Cette période est encadrée par des labours, ceux d'octobre-novembre avec éventuellement du fumier, et ceux de mars. Ainsi David Huretz, conseiller du roi, loue pour neuf années à François Demarne, marchand-fruitier à Saint-Brice, dix-huit perches de terre en arbres fruitiers « à la charge de labourer la terre à la houe deux fois l'année du moingts et de la fumer trois fois pendant le bail qui est de trois ans en trois ans62 ».
31Pour planter les arbres fruitiers, on creuse une fosse ou une tranchée d'une profondeur d'au moins trois pieds sur une largeur de quatre à six pieds63 pour planter une rangée d'espaliers, de contre-espaliers ou d'arbres en éventail. Avant de le planter, les traités contemporains conseillent d'« habiller l'arbre », c'est-à-dire de rafraîchir les racines en en coupant les extrémités. L'arbre qui sera conduit en espalier est planté à une dizaine de pouces du mur, le tronc légèrement incliné vers le mur afin de contraindre les racines à se répandre vers l'allée et de pouvoir palisser les branches contre le mur64.
32Mais déjà les fleurs apparaissent — mi-mars à mai en fonction des espèces et des variétés, et du climat —, et les premières cerises hâtives ouvrent les saisons des fruits qui vont couvrir la fin du printemps, la totalité de l'été et de l'automne, et une partie de l'hiver. Les textes de la pratique ainsi que les Ménages des champs et autres Maisons rustiques, distinguent entre les fruits rouges (cerises, guignes, merises, groseilles), les fruits à noyau (abricots, pêches, prunes) et les fruits à pépins (pommes, poires), soit trois saisons de fruits qui se chevauchent et se suivent. À savoir les fruits rouges de la fin mai à la mi-juillet, puis les fruits à noyau de juillet à octobre, et enfin si les poires et les pommes offrent des variétés d'été, elles règnent surtout sur l'automne et l'hiver, d'autant plus que certaines sont des fruits de garde se conservant parfois jusqu'au début du printemps. Les récoltes de fruits vont se succéder de la fin du mois de mai, pour les cerises précoces, au mois d'octobre pour les fruits d'hiver.
« Communément on cueille les poires d'automne vers le quinze septembre, les pommes de renette tendre comme la renette du Canada et autres espèces hâtives après le quinze. Les poires d'hiver et les pommes de renette franche vers le quinze d'octobre, les pommes d'apy et les poires de bon chrétien, huit ou deux jours plus tard65 ».
33La cueille des fruits réquisitionne toute la main-d'œuvre familiale, hommes et femmes, adultes et enfants66. Les superficies à récolter ou l'urgence de la cueille rendent nécessaires l'emploi occasionnel de cueilleurs, formant de véritables équipes à l'image des échardonneurs, des moissonneurs ou des batteurs en grange des finages céréaliers67 ; le temps des cerises offre la perspective d'un revenu complémentaire pour les manouvriers : à la mort de sa femme, Eustache Jolly, manouvrier à Piscop, rappelle dans l'inventaire après décès que Pierre Desjardin, fruitier à Piscop, lui doit quarante livres « pour gages tant de luy que de ses deux fils, du mois des cerises » et Philippe Degain, « pour gage des cerises », vingt-cinq livres68.
34On investit les parcelles plantées d'arbres fruitiers avec échelles, paniers et animaux de bât, cheval ou âne, pour transporter les sommes remplies de fruits. En fonction de la qualité des fruits et de leur fragilité, on les cueille à la main, on les gaule ou on croule69 l'arbre fruitier pour les faire tomber. Les fruits sont ensuite recueillis dans des paniers facilement transportables, des cueilloirs, des bachots, ou dans les tabliers retroussés des femmes voire à l'intérieur des chemises des hommes. Les fruits sont ensuite versés dans des paniers plus grands, dans des paniers à vendange ou dans des hottes à dos afin de les transporter jusque dans des chambres. Les pommes sont parfois amassées en tas, laissées dans les champs en attendant d'être engrangées.
35Les saisons des fruits ne se résument pas qu'à la cueillette, au stockage et à la vente des fruits, parallèlement on continue à entretenir les arbres et les parcelles. De juillet à août on procède à la greffe en écusson. La Quintinie rajoute deux autres labours, un à la Saint-Jean et le deuxième à la fin du mois d'août, mais le jardinier du roi décrit un calendrier agricole pour un jardin fruitier où la terre sous les arbres fruitiers n'est pas utilisée pour d'autres productions, ce qui n'est pas le cas dans la vallée de Montmorency. Ces labours sont donc fonction des cultures associées aux arbres fruitiers. Les quatre labours annuels de La Quintinie concernent les arbres fruitiers dans des jardins aristocratiques. L'âge des arbres influence aussi le nombre de labours ; ainsi, à la suite d'une visite de jardins à Domont, l'expert précise qu'« il est de l'usage de Domont [de donner] deux fassons à chacun arbre tout les années et ce pour empesché les erbe qui mange la terre et qui ruine-roient les harbres leurs autant la nourriture », mais le jardinier local appelé à titre d'expert rajoute « qu'à l'esgard des vieux arbres de hault tige que le labour de deux fois l'an n'est nécessaire ny de l'usage du pays70 ». Les traités sur la culture des arbres fruitiers préconisent des labours fréquents jusqu'à ce que les arbres soient bien forts71.
36Les associations de cultures, sans doute renforcées par le poids de la routine, expliquent que cette culture permanente se vive dans un cadre triennal traditionnel en Île-de-France. Les baux restent des multiples de trois, et ce même pour la quasi-totalité des baux à longue durée de 12 à 27 années, et quand ils précisent combien de fois il faut fumer la terre, l'obligation est de deux fois dans un bail de six ans et trois fois dans un bail de neuf ans. Quant aux arbres des avenues fruitières, ils doivent aussi être labourés chaque année autour du pied ; un bail de 1701 estime l'espace nécessaire à l'alimentation d'une « avenue » de cerisiers et de bigarreautiers à « deux pieds de grand autour de chaque arbre72 » et un de 1707 à « trois pieds de tour73 ».
37L'âge de l'arbre et sa forme induisent des travaux différents. Objet de nombreux soins dans sa jeunesse, l'arbre fruitier sera ébourgeonné et élevé en fonction de la forme voulue. Replanté, la fosse de plantation sera fumée, le jeune pied pourra être « encourtiné » ou « épiné », c'est-à-dire entouré de paille et d'épines pour protéger son tronc des dents des animaux pâturants et des bêtes sauvages des forêts74. Au contraire, devenus adultes, les arbres de plein vent sont « abandonn(és) à leur génie », « les arbres de tige ne demandent que d'être un peu soignés dans leurs premières années, seulement pour former une belle tête ; car au surplus ils ne s'accommodent point de la discipline austère des jardins75 » alors que les espaliers, contre-espaliers et buissons requerront soins et vigilance.
L'influence du cycle lunaire sur le cycle végétatif : une vieille lune
38En 1786 « les plantations ont été faites en novembre et même en décembre, les gelées de la fin de ce mois les ont suspendues76 », mais les aléas climatiques ne sont pas les seuls à influencer le calendrier agricole, « [.] une autre espèce d'ignorants sont ceux qui ne sauraient dire trois paroles de leur métier sans y mêler la pleine lune et le décours77 ». Dressant le portrait idéal d'un jardinier, Jean-Baptiste de La Quintinie condamne l'observation de la lune pour les cultures, tout en la présentant comme une « routine que la plupart des jardiniers affectoient avec une opiniâtreté incroyable78 ». Au contraire, Nicolas de Bonnefons et Le Gendre79 prennent en considération les phases de la lune pour planter, greffer et tailler les arbres fruitiers. Une quarantaine d'années après la publication de l'Instruction pour les jardins fruitiers, l'abbé Pluche note qu'« on est encore aussi entêté que jamais des influences de la lune et des planettes sur l'agriculture et sur le jardinage » et émet le souhait « que la culture des plantes fût comme la vraie piété, affranchie de tout vain scrupule, et débarrassée de toute pratique superstitieuse80 ». Dans les années 1760, l'Agronome ou dictionnaire portatifdu cultivateur souligne encore que « le décours ou la pleine Lune n'influe en rien dans les travaux des champs ni des jardins, et c'est un vieux préjugé des paysans, qu'il faut semer, planter, enter, dans la pleine Lune, ou le décours81 ». Dans son observation des techniques arboricoles de la vallée de Montmorency à la fin du xviiie siècle, La Bretonnerie juge nécessaire de préciser qu'il est « inutile d'observer de cueillir ses greffes, et tailler ses arbres dans le décours de la lune, vieille routine des gens même du pays où ces greffes se pratiquent, lesquels attribuent leurs succès à cette observation82 ».
39Pour les agronomes de la fin du xviie siècle et du siècle suivant, la sentence semble sans appel, il ne peut s'agir que d'une routine entretenue dans le peuple « grossier » des campagnes par de vieux almanachs83.
« C'est là que la crédulité se repaît des prédictions mensongères, de préceptes erronés, et va puiser pour règle de conduite des proverbes d'autant plus perfides et plus dangereux, que les rimes dont ils sont habillés, en les rendant plus agréables à apprendre et plus faciles à retenir, semblent leur prêter une physionomie plus antique, et inspirer par là plus de vénération. Il faut l'avouer à la honte de l'esprit humain, il est peu de cultivateur, qui, au commencement de chaque année, n'augmentent leur bibliothèque d'un nouvel almanach de Liège ; qui, chaque jour, ny cherchent religieusement le temps qu'il doit faire toute la semaine, les influences des astres et des phases de la lune sur la naissance de leurs enfans, sur les travaux de la campagne et les produits de leurs bestiaux84 ».
40Ignorance, préjugé, routine, l'observation de la lune ne peut-elle pas plutôt être comprise comme la volonté, si ce n'est de dominer le temps, en tout cas d'avoir prise sur lui ? Le discours sur la lune procède d'une assimilation entre le cycle lunaire et le cycle végétatif. Ainsi à la lune descendante, c'est-à-dire entre la pleine lune et la nouvelle lune, la sève descendrait vers les racines : c'est pourquoi Nicolas de Bonnefons conseille de tailler les espaliers « dans le Décours de la Lune de janvier85». Cette observation de la lune indiquerait une vision du temps axée sur l'observation traditionnelle de la Nature, et pourrait aussi se comprendre, selon un principe de complémentarité et/ou de contraste, comme le pendant de l'observation du soleil qui marque la journée de travail. Cette influence admise sur la végétation est aussi le prolongement logique d'une tradition météorologique qui tentait de prévoir le temps à venir par l'observation de la lune ou du soleil, de sa couleur, de sa forme, de sa position : « La lune pas le fait la pluie et la tourmente/L'argentive temps clair et le rougeâtre vente86 », le soleil « rouge au soir, blanc le matin, c'est la journée du Pelerin, mais s'il est rouge le matin, c'est de la pluie pour le chemin87 »...
41La suite de l'article « Lune » rajoutée dans une nouvelle édition de l'Agronome portatifparaît contradictoire :
« quoiqu'on ait avancé sur cet article, que la lune n'influoit en rien dans les travaux de campagne, il y a des gens qui assurent, d'après des expériences réitérées, que le bois d'aulne, coupé dans le dernier quartier de la Lune, n'est jamais piqués de vers, et qu'il ne manque jamais de l'être lorsque c'est dans le premier quartier88 ».
42Culturellement le discours des élites des xviie et xviiie siècles, sur le rôle du cycle lunaire sur la végétation, illustre un changement de mentalités. Il faut noter que La manière de cultiver les arbres fruitiers et Le jardinier françois ne sont pas de la génération de l'Instruction pour les jardins fruitiers. Les traités arboricoles jusqu'aux années 1670, fidèles à la tradition agronomique antique, acceptent totalement l'idée d'une influence de la lune sur les cultures89. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que dans la communauté intellectuelle, « Kepler, Mersenne, Descartes et Newton croient tous à l'influence des astres sur les corps animés et sur la matière inanimée90 ». Claude Mollet apporte la caution de son père qui « avoit quelque connaissance, non par science, mais par pratique, lequel s'en trouvoit fort bien [...], il se passoit fort peu de temps qu'ils ne regardast les Astres, et reconnoissant leur naturel, il sauvoit bien souvent les arbres et plantes qu'il avoit sous sa charge91 », pour affirmer qu'« afin que le jardinier soit asseuré qu'il ne travaille pas en vain, et que tout ce qu'il plantera et sèmera profite, il faut qu'il prenne bien garde [.] de planter et semer selon le comportement des Lunes92 ». Même La Quintinie, dans sa jeunesse, n'est pas hostile à ce discours, se présentant dans son Instruction comme en ayant été « premièrement imbu93 », ce que confirme la réponse du jardinier du roi à Jean Laurent qui lui dédie son Abrégé pour les arbres nains (1675) : « vous avez bien fait de donner au public des marques de vostre habilité », or parmi ses habilités, il y a la prise en compte du cycle lunaire94. Cependant le gros traité du jardinier du roi est de la génération « Grand siècle », et sa condamnation de l'influence de la lune se doit d'être replacée dans un contexte plus général, d'une volonté du second xviie siècle d'expurger la société des superstitions et des restes de paganisme dans un contexte qui conjugue réforme catholique et révolution scientifique. Clairement, en passant d'une commune certitude à un mépris affiché pour ce qui ne saurait être qu'une superstition, la seconde moitié du xviie siècle marque une rupture entre les élites et le peuple des campagnes à propos des effets de la lune sur les cultures ; soit une évolution intellectuelle et une chronologie qui ne sont pas sans rappeler la perception de l'astrologie dans la France du xviie siècle95.
43Au xviiie siècle, le discours sur la lune sera repris, non pas comme une vérité absolue consacrée par la Tradition, mais comme un objet digne d'expérimentations selon « le modèle de validation des discours scientifiques par la démonstration et le débat96 ». Duhamel du Monceau, par exemple, multiplie les expériences pour savoir si « l'on doit avoir égard aux différentes lunaisons pour abattre les arbres, et observer plutôt le temps du décours, que celui du croissant97 » ; s'il conclut par la négative, il remarque que « l'aubier, étoit [.] piqué de vers, il reste [donc] à savoir si la lune favori-seroit la propagation de ces insectes, ou si son influence peut disposer le bois à les recevoir et à les entretenir98 », invitation à de nouvelles expériences dont on retrouve un écho dans l'édition de 1784 de l'Agronome.
Le temps des greffes
La greffe, un savoir-faire plus qu'un art
44Très souvent, les clauses techniques des baux imposant l'entretien des arbres fruitiers se résument à une même phrase pendant deux siècles : « de bien et duement la fumer, cultiver et améliorer icelle, faire anter et greffer en bon fruits les arbres qui seront bon à greffer et anter dans lad. pièce, et d'y planter où il sera nécessaire99 » ; invariablement, « greffer » est précédé de faire, contrairement à « cultiver », « entretenir », « fumer », « éplucher », « nettoyer ». Cette distinction dans l'énumération des travaux nécessaires à l'exploitation d'une pièce plantée d'arbres fruitiers pourrait tenir à la spécificité socioculturelle de la greffe, d'une activité certes manuelle mais qui procède de l'art. Si cette interprétation est exacte, elle devrait obligatoirement se retrouver dans les élitistes traités horticoles, or il n'en est rien. Au contraire, la greffe y est présentée comme une activité banale, purement mécanique, réalisable par un « planteur de choux » ou par un vigneron « dégrossi », le chef-d'œuvre du jardinage étant la taille.
45En réalité, cette formule renvoie à l'existence de paysans qui se sont spécialisés dans la greffe des arbres. Pour la Bretonnerie, certains habitants de la vallée de Montmorency ont atteint un tel savoir-faire dans la greffe en fente que :
« les gens qui en font métier dans le pays [la vallée], en sont si assurés, qu'ils ne font aucune difficulté de n'être payés que quand elles sont reprises, vu que sur un cent il n'en manque pas deux100 ».
46Dans le deuxième volume de sa correspondance rurale, La Bretonnerie revient sur l'existence « des gens qui font métier de greffer ces arbres en place, la seconde ou troisième année après qu'ils ont été plantés » ; une note en bas de page précise « voyez dans la Vallée de Montmorency ». Or il est vrai que les baux étudiés ne font pas planter des arbres déjà greffés mais prévoient qu'ils le seront dans les années à venir ; ces paysans recevraient une livre par greffe en fente et six deniers par greffe en écusson, seules les greffes qui ont bien pris seraient payées101. Une affaire de justice vient confirmer l'existence de ces paysans-greffeurs : le 19 mai 1704, un vigneron de Sannois porte plainte « qu'il y a eu deux mois ou trois de l'hiver dernier il luy a esté pris nuittament dans un héritage qui luy apartient scitué au terroir d'Ermont [...] trente deux arbres pruniers » ; patrouillant dans toute l'étendue du finage, il prétend les avoir retrouvés et pour confirmer ses dires il précise qu'ils ont été aussi reconnus par « Jacques Guérin qui les avoit greffer pour luy102 ». Il existe bien une paysannerie spécialisée dans les greffes, dont les services sont utilisés non seulement par les propriétaires privilégiés, mais aussi par des membres de la communauté villageoise.
47L'art de greffer nécessite plus un savoir-faire, un « coup de main » qu'un outillage spécialisé : il faut assurer un contact entre la zone formée du cambium et du liber du greffon et celle du porte-greffe pour que la sève puisse continuer à circuler ; Nicolas Venette définit la sève comme une « humeur qui monte entre le bois et la grosse écorce par la petite écorce qui est entre deux103 ». Les traités contemporains, tout comme l'omniprésence des arbres greffés, témoignent que le principe physiologique de la greffe est connu par les arboristes comme par les paysans. Quant aux outils nécessaires, ils se résument à une serpette pour couper un rameau, des coins pour la greffe en couronne, éventuellement une scie, et surtout un couteau. Les auteurs contemporains décrivent
le « greffoir ou estoir [...] petit couteau fait exprès pour greffer, [qui] doit avoir le manche d'un bois dur ou d'ivoire, et [une] extremité [...] plate, mince et arrondie, pour pouvoir servir à détacher aisément l'écorce d'avec le bois des plus petits arbres, et y inserer ensuite les écussons sans rien blesser ou rompre104 ».
48Cet outil n'est jamais cité dans les inventaires après décès dépouillés et est, plus vraisemblablement, remplacé par un couteau ou un canif. Mais ces objets personnels, probablement conservés sur soi, échappent bien souvent à nos sources et notamment aux inventaires après décès. La description, soigneusement détaillée par les officiers de Police, des poches de membres du menu peuple étouffés et écrasés rue Royale, par un mouvement de foule, lors des réjouissances parisiennes célébrant le mariage du Dauphin avec Marie-Antoinette, « permet de mieux savoir de quoi l'on s'accompagne constamment, et de mieux définir quels sont ces objets de nécessité que chacun porte sur lui ordinairement » ; Arlette Farge a comptabilisé, dans ces poches, tant féminines que masculines, « 153 couteaux, dés, ciseaux, grands ou petits, tire-bouchons105 ». La Quintinie reconnaît cet usage, les greffoirs les plus commodes étant, pour lui, ceux qui se plient « comme les petits couteaux ordinaires de poche qui sont faits de cette sorte106 ».
Les différents types de greffe
49Les meilleures et les plus ordinaires manières de greffer sont, pour Bonnefons, Le Gendre, La Quintinie et les arboristes du siècle suivant, les greffes en écusson et en fente, auxquelles ils rajoutent la greffe en couronne pour des arbres anciens, celle par approche pour les orangers et la flûte pour les châtaigniers et les figuiers. En fonction du type de greffe choisi, le greffon sera un œil ou une section d'un rameau. Pour maintenir parfaitement l'emboîtement du porte-greffe et du greffon, on le ligature avec de la « grosse filasse107 » ou des brins d'osier108 et, pour éviter que les intempéries ne pourrissent l'arbre greffé en fente, on utilise de la terre glaise ou argileuse mêlée à du foin ou de la mousse109 et de la bouse de vache pour recouvrir « la plaie » comme on le fait aujourd'hui avec du mastic. L'utilisation de ce « mastic » qui emmaillote la greffe explique que la greffe en fente soit aussi appelée greffe en poupée. Liger note que cette pratique ne se fait plus qu'aux champs car dans les jardins on utiliserait de la cire110.
50L'écussonnage « tient le premier lieu, d'autant qu'il s'applique sur toutes sortes d'arbres et arbustes généralement, qu'il est le plus facile à faire, et rapporte plustost du fruict111 ». Soit réalisé à œil dormant lorsque l'activité de la sève commence à ralentir, entre juillet et septembre suivant l'espèce fruitière concernée112, soit à œil poussant sur des végétaux en pleine sève, ce qui favorise une soudure plus rapide, il se fait sur de jeunes sujets et sur du bois de l'année car l'écorce y est plus facile à lever. On sélectionne un œil sur le greffon ; retiré, il doit avoir la figure d'un écusson d'arme de noblesse taillé en pointe vers son extrémité inférieure, ce qui a donné son nom à ce type de greffe. Le porte-greffe est incisé en forme de « T », la plus haute incision étant horizontale et la seconde commençant près du milieu de la première fente, descend de haut en bas jusqu'à ce qu'elle soit de la longueur d'environ un pouce ou d'un pouce et demi113 ; puis, alors que l'on tient l'écusson entre les dents, on écarte délicatement la plaie à l'aide de la partie plate du greffoir et on y insère l'œil, puis on ligature la greffe avec de la filasse, du chanvre, du fil de laine ou de coton, afin de permettre l'union entre le greffon et le porte greffe ; on rabat ensuite le porte-greffe au-dessus de l'écusson pour forcer la sève à se porter vers la greffe. Le Gendre la conseille pour les cognassiers et pour les pruniers porte-greffe de pêchers et d'abricotiers, et la greffe en écusson à œil poussant pour les cerisiers. Pour Liger la « greffe en écusson est plus en usage dans les jardins, parce que c'est la meilleure pour les coignassiers et les meuriers, pour tous les arbres nains et pour les fruits à noyau : elle est d'un grand usage pour la plupart des arbres fruitiers qui ont le bois foible ou l'écorce tendre114 », pour l'abbé Le Berryais, « cette greffe convient à tous les arbres fruitiers, excepté au figuier et au châtaignier115 ».
51La greffe en fente, qui se pratique en février-mars, est utilisée pour de futurs arbres en tige. Le porte-greffe est fendu en son centre ; la fente tenue entrouverte par un coin ou un instrument que les greffeurs appelleraient un « zède116 » ( !), le greffon, un rameau taillé en biseau, est inséré dans la fente ; le coin retiré, la fente se resserre sur le greffon, puis, comme pour la greffe en écusson, on ligature la branche et la plaie est recouverte de terre, de foin et de bouse de vache. Le Gendre la conseille comme étant celle qui réussit le mieux sur les poiriers et les pommiers francs, sur les pommiers de paradis et les pruniers117, par contre, d'après les arboristes, elle ne réussit guère au pêcher, à l'abricotier et au figuier118.
52La greffe en couronne concerne les arbres âgés119. On scie horizontalement les branches à enter puis on décolle l'écorce à l'aide de coins enfoncés à coup de maillet, ensuite on glisse entre le bois et l'écorce des rameaux taillés en biseau afin d'assurer un contact avec la surface ligneuse du porte-greffe. Des greffons sont ainsi placés autour de la coupe du porte-greffe, créant une sorte de couronne. Enfin, un enduit formé d'un mélange de terre grasse et de bouse de vache est étalé à la surface de la plaie. Si La Quintinie note que ce type de greffe se « fait assez rarement, parce que le succès en est fort incertain120 », la présence de coins dans les inventaires après décès étudiés tendrait à prouver que ce type de greffe est pratiqué dans la vallée de Montmorency. D'ailleurs les baux précisant de faire enter des arbres ne concernent pas forcément de jeunes arbres pas encore greffés, or la greffe en couronne permet de regreffer le côté d'un arbre où il manque une branche. L'ente peut aussi être utilisée pour rajeunir l'armature d'un vieil arbre ou pour remplacer une greffe qui n'aurait pas pris ou qui donnerait un fruit qui ne convient pas. Les RRPP d'Enghien louant pour vingt ans à deux marchands un arpent de terre plantée en arbres pommiers, les autorisent à « faire couper les branches des [arbres] qu'ils trouveront être un mauvais fruit pour ensuitte, et dans la même année les faire greffer en un autre fruit121 » ; la reconstitution de l'armature d'un arbre par regreffage était donc pratiquée dans les campagnes parisiennes.
53La greffe en sifflet, en flûte ou flûteau, concerne le châtaignier et le figuier. Elle se réalise au début de la reprise végétative, vers le mois de mai, lorsque l'écorce peut facilement se décoller alors que les yeux ne sont pas encore développés. On décolle un anneau d'écorce avec un œil plein sur un bourgeon, cet anneau reprenant la forme du tube de la flûte ; on procède de même sur le porte-greffe, en ayant soin de choisir un diamètre assez proche, puis on y glisse l'anneau-greffon. L'enquête nationale sur les châtaigniers, de 1810-1811, confirme l'usage quasi-exclusif de ce type de greffe pour les châtaigniers : « sur les vingt-huit arrondissements qui désignent nommément le type de greffe employé, vingt-sept citent la greffe en flûte, également appelée en canon, en sifflet ou en chalumeau et dans vingt-un, il est dit qu'elle serait pratiquée à l'exclusion de tous les autres types122 ».
54Malheureusement, les actes de la pratique ne nous permettent pas de déterminer le type de greffe principalement utilisé dans la vallée de Montmorency. Cependant, La Bretonnerie cite en exemple la pratique de la greffe en fente des habitants de la vallée de Montmorency. L'auteur, très bien renseigné sur cette vallée, indique que les cerisiers n'y sont pas greffés dans la pépinière, ce que confirment nos sondages, mais deux à trois ans après la transplantation ; « lorsque les nouvelles branches qu'ils ont poussé ont acquis la grosseur du pouce, on les greffe en fente, ou en écusson si elles n'ont que la grosseur du doigt123 ». Là encore, les baux confirment les propos de l'auteur de l'Ecole du jardin fruitier, ainsi Claude Touillier, vigneron à Soisy, devra planter des arbres fruitiers et les faire greffer « après trois ou quatre années de poulces au plutard en bon fruit rouges124 » ; Joseph et André Vieil, vigneron à Enghien, prennent à titre de loyer trente perches de terre sur le finage de Deuil, « à la charge de [le] planter [...] en arbres merisiers de haute tige, [et] les faire greffer après trois ans de pousse en cerises ou guignes125 ». Pour les fruits à pépin, l'usage semble être similaire ; ce sont trente-six « jeunes arbres poiriers et pommiers âgés de six ans et greffées sur pied il y a deux années » que deux jardiniers, nommés à titre d'experts, recensent sur une pièce de terre à Enghien126. De nouveau, les actes de la pratique corroborent les propos des traités agronomiques, ainsi pour Le Gendre « les pépinières de sauvageons [.] seront assez fortes pour estre greffées dans leur trois ou quatriesme année, celles de coignassiers et de pruniers dans leur seconde127 ».
Le porte-greffe, un choix déterminant
55Si le greffon détermine les fruits, le porte-greffe est important car il nourrit l'arbre et conditionne sa future vigueur. Ainsi le choix du porte-greffe n'est pas laissé au hasard dans des ouvrages contemporains conscients des affinités entre le porte-greffe et le greffon, de son importance pour la forme et la hauteur voulues, et de son adaptation au sol. Tous notent que le jardinier ne saurait être un apprenti sorcier : « les végétaux, comme les animaux, rejettent les alliances étrangères, n'en forment de solides et de durables qu'avec les individus de leur espèce et de leur famille128 ». Ce sain principe est admis dès le xviie siècle.
Figure n° 12 : Les porte-greffe conseillés par les traités sur la culture des arbres fruitiers (xviie-xviiie siècles)

56Les arboristes conseillent d'utiliser, en porte-greffe, un pommier de paradis, dit aussi fichet129, ou un pommier de doucin130 pour former des arbres nains utilisés pour des espaliers, des contre-espaliers et des buissons ; le merisier recevra des greffes de cerisiers, griottiers et bigarreautiers, le cognassier, de poiriers, les pruniers, de pruniers, de pêchers et d'abricotiers ; les sauvageons de pommier seront utilisés pour les pommiers, et les sauvageons de poirier et les amandiers, pour les pêchers. Les sauvageons peuvent provenir de la forêt, de pépins semés ou de rejets aux pieds d'arbres fruitiers cultivés. « Les merisiers, et surtout les blancs qui naissent à la campagne et dans les vignes des rejetons les uns des autres, servent de fort bons sujets pour être greffés des autres principales espèces131 ».
57Dans la vallée Montmorency, les baux révèlent une utilisation exclusive du merisier comme porte-greffe pour les cerisiers, les guigniers, les griottiers et les bigarreautiers ; Claude Mollet précise, pour le milieu du xviie siècle, que « les cerises qu'on apporte de vallée de Montmorency à Paris sont greffées sur des merisiers tardifs132 ». Les plants enracinés de doucins, de paradis et de cognassiers sont directement prélevés au pied des « souchesmères » « où ils viennent ordinairement133 ». Le Jardinier françois conseille de planter des cognassiers à quatre pieds les uns des autres et, au mois de mars, de « les coupper à un poulce de terre afin qu'ils repoussent quantité de nouvelles boutures134 ». Nul doute que les pépinières de cognassiers que l'on retrouve dans la vallée de Montmorency aient joué ce rôle. Pour multiplier les boutures de cognassiers, de pommiers de paradis et de doucins, on procède à un buttage135 ; durant l'hiver le tronc du pied mère est rabattu, puis des rameaux s'y développent à proximité du sol, alors on butte dessus de la terre pour que les différents rameaux y prennent racines ; à l'automne il ne reste plus qu'à prélever les porte-greffe enracinés136 ; l'entretien des haies vives se prête bien à cette opération, renforçant ainsi son rôle de réserve de porte-greffe.
58Ordinairement, dans la vallée de Montmorency, les arbres ne sont pas plantés greffés ; cet usage évite que la greffe ne soit enterrée ce qui annulerait l'influence du porte-greffe137. L'insistance contre ce danger dans les traités contemporains souligne une différence majeure entre l'arboriculture fruitière des jardins et des clos des privilégiés et celle des paysans et des vergers en plein vent : l'achat d'arbres greffés dans des pépinières, pour les premiers, et l'auto-production de porte-greffe par la communauté rurale, pour les seconds.
« Mille maladies, mille dangers, mille ennemis menacent les arbres138 »
« Bien et duement entretenir les arbres fruitiers »
La grossièreté du fumier et la délicatesse du fruit
59Autant la greffe doit contribuer à la délicatesse du fruit, autant l'apport du fumier pourrait le corrompre. En effet, les traités sur la culture des arbres fruitiers des xviie et xviiie siècles rendent compte d'une vive controverse sur l'usage du fumier. Une première tradition que l'on pourrait placer sous l'étendard de La Quintinie, est hostile à l'emploi du fumier pour des arbres fruitiers, par crainte que la grossièreté de celui-ci ne gâte le délicat goût du fruit. Déjà Le Gendre déconseillait fortement de fumer les arbres « s'il n'en ont besoin, parce que le fumier rend leur fruit moins délicat139 ». Et si René
60Triquel conseille de mettre, dans la fosse de plantation, « force fumier bien consommé, et du terrau ou curure de marre ou d'estang140 », c'est
« à fin que les Arbres estans plantez on n'y mette plus de fumier, ou au moins de très long temps ; et ainsi lorsqu'ils seront en estat de porter ; ce fumier estant tout consommé et n'estant plus que terre, ne donnera pas son mauvais goût aux fruicts qu'y viendront ; ce qui arrive souvent lorsqu'on met beaucoup de fumier aux Arbres qui sont déjà venus141 ».
61Au début du xviiie siècle, Saussay est encore méfiant envers l'usage du fumier142. Au contraire, la plupart des arboristes du xviiie siècle sont acquis au mérite de l'apport de fumier au pied des arbres fruitiers, tels Louis Liger143, Combles144, La Bretonnerie145 et Schabol. Mais dès la seconde moitié du xviie siècle les jardiniers n'étaient pas tous d'accord entre eux ; Bonnefons est favorable à l'apport de fumier au pied de l'arbre à la condition sine qua non qu'il n'y ait aucun contact direct entre le fumier d'origine animale et les racines de l'arbre de peur qu'elles ne soient brûlées146.
62On craint la contamination du fruit par une odeur, que ce soit celle du fumier, de la terre ou celle du foin, de la paille et du bois de sapin dans une fruiterie147 ; même les dents gâtées du jardinier posent problème lors de la greffe en écusson car lors de l'incision de l'écorce, le greffeur tient entre ses dents l'œil qui porte les qualités des fruits à venir ! Pour La Nouvelle maison rustique, on doit juger de la bonté d'une terre par l'odorat
« car il est certain que tout plant contracte lui-même, ou communique à son fruit l'odeur qu'il tire de la terre où il est planté ; et c'est pour cette raison qu'on prend toujours une poignée de cette terre qu'on porte au nez pour la flairer, et pour s'en servir si on la trouve sans défaut148 ».
63Cette véritable obsession de la contamination du fruit par une odeur exogène est particulièrement nette chez La Quintinie qui veut « défendre (se)s fruits du mauvais goût » en les éloignant du « voisinage du foin, de la paille, du fumier, du fromage, de beaucoup de linge sale, et surtout de linge de cuisine149 ». Cette hantise pourrait s'expliquer par une croyance, présente dans la pharmacopée classique, dans les qualités pénétrantes d'une forte odeur sur un corps moins odorant, or le fruit se caractérise justement par de faibles qualités olfactives d'autant plus sensibles dans une société qui aime les senteurs musquées. De surcroît, c'est l'avancement de la maturité du fruit qui développe une odeur souvent absente lors de la cueille, renforçant ainsi un lien sensible entre l'odeur et la nature corruptrice du fruit trop mûr. Par ailleurs, l'usage massif du fumier dans les vignes, en provoquant une hausse des rendements, entraîne une baisse de la qualité du raisin, cette conséquence connue des contemporains a pu être étendue aux arbres fruitiers.
64Ainsi, « certaines gens entêtés sur cet article, et qui sont pourtant obligés de convenir du bon effet du fumier, parce qu'on le leur a démontré [...] se retranchent à dire qu'il est vrai que le fumier donne de la vigueur à l'arbre, et de la grosseur au fruit mais qui lui ôte le goût, comme il ôte la qualité au vin150 ». Le problème de la contamination du fumier se posant pour les fruits et le vin151 mais pas pour les céréales, la raison de cette réticence à fumer peut tenir à la dimension psycho-culturelle du produit. En effet, si une partie de la noblesse du fruit réside dans son développement aérien, non seulement l'usage du fumier le renvoie à la terre mais en plus à une nourriture puisée dans une matière en décomposition, en putréfaction152. Par ailleurs, les arboristes écrivant pour un jardin fruitier alliant l'agréable à l'utilité, pour un jardin à proximité de l'habitation et digne d'une promenade, le refus de l'utilisation du fumier pourrait être lié à un seuil de tolérance olfactive. Ce qui explique peut-être pourquoi, dans les maisons de campagne, le jardin potager est écarté. En effet le fumier y est abondamment utilisé pour préparer les couches afin d'obtenir des légumes en primeur, mais il faut noter que les légumes ne jouissent pas du même environnement mental que les fruits.
65« Presque aucun propriétaire ne fume ses arbres ; cependant ils en réclament les bienfaits153 », si au début du xixe siècle le débat sur l'usage du fumier semble entendu, le problème de la pratique se poserait toujours. Dans les rapports d'experts, l'absence de fumier apporté aux arbres fruitiers est considérée comme une preuve du mauvais entretien de la pièce de terre et ouvre droit à des dédommagements pour le propriétaire ; Charles Leblond et François Lefebvre notent les arbres morts « faute de labours et de fumier, d'avoir esté osté les buis et pour avoir esté brouter par les vaches154 » ; sur trois quartiers de terre mal entretenus depuis cinq à six années, sur le finage d'Enghien, ce sont des arbres cerisiers qui mourront « sy lad. pièce n'est labourée et fumée incessament155 ». Clairement, le bon entretien des arbres fruitiers, pour des experts issus des communautés rurales locales, intègre l'apport de fumier. Pour la paysannerie, il n'y a pas de réticences envers le fumage contrairement aux arboristes de la seconde moitié du xviie siècle. D'ailleurs les auteurs du siècle suivant, pour justifier l'usage du fumier, auront beau jeu de se référer aux techniques villageoises contre la « théorie de cabinet » de leurs prédécesseurs.
66Les quarante-cinq perches plantées en arbres fruitiers sur le terroir de Saint-Brice, prises à titre de loyer par le marchand-fruitier Pierre Brizeuille, devront être « fumé(es) pendant lesd. six années deux fois de quarente sommes chaque fois156 » ; ce sont trente sommes de fumier qui doivent être apportées dans la première année d'un bail, dans un demi-quartier planté de cerisiers157 et une somme de fumier à chaque pied d'arbre dans deux pièces de terre à Deuil158. La majorité des baux indiquent la nécessité d'un apport de fumier au pied des arbres fruitiers mais hésitent sur la fréquence, entre une fois tous les six ans et une fois tous les trois ans, par contre la quantité optimale précisée se fixe autour d'une somme de fumier pour chaque pied d'arbre159 et jusqu'à une somme par perche ; nous retrouvons la densité de plantation optimale d'un arbre par perche.
67Pour pallier la disette structurelle de l'agriculture française en fumier d'origine animale, les villages de banlieue utilisent massivement les boues amassées le long des grands chemins et dans les rues des villes et des villages160. D'ailleurs en 1789 les voix s'élèvent pour se plaindre que :
« autrefois, et il n'y a pas plus de dix à douze ans, on obligeait les habitants des environs de Paris à venir prendre, mais gratis, aux dépôts des immondices de la capitale, les fumiers nécessaires aux engrais de leurs héritages. Depuis sans aucune autorisation légale et d'autorité privée, on exige de chaque habitant trois sols pour chaque bête de somme et dix sols par chaque cheval attelé à la voiture qui vient charger à ce dépôt161 ».
68Au xviie comme au xviiie siècle, la paysannerie parisienne fume les arbres fruitiers ; ils bénéficient, d'ailleurs, du fumier apporté aux autres cultures qui leur sont associées : un vigneron d'Enghien ne s'engage-t-il pas par un bail à planter des arbres fruitiers dans une pièce de vigne et d'« entretenir la vigne et la fumer pour l'élévation desd. arbres162 » ? Néanmoins les soins apportés à l'arbre ne sauraient se résumer à l'apport de fumier.
La propreté au verger
69Dans sa présentation des travaux mensuels nécessaires pour un jardin potager-fruitier bien entretenu, Le jardinier prévoyant, almanach pour l'année M.DCC.LXX, place au mois de septembre un petit paragraphe sur les soins à apporter aux arbres fruitiers :
« la destruction des insectes et de la mousse est une partie de cette surveillance sur laquelle nous insisterons. Que le jardinier prévoyant sçache arrêter le mal dans son principe : qu'il préside souvent à la toilette de ses arbres et de ses plantes vivaces ; qu'il dirige les filles du jardin chargées de brosser, laver, d'éplucher ; qu'il brûle tout ce qu'elles auront enlevé, qu'il choisisse les tems humides où la mousse se détache aisément, qu'il établisse surtout une chasse réglée aux limasses et aux hannetons ; qu'il mette à prix les captures, qu'il engage les voisins à concourir au bien général par une destruction unanime : leurs soins seront recompensés par l'abondance de toutes les productions163 ».
70Nul doute que Le jardinier prévoyant développe ici ce que les baux entendent par « garder », « conserver », « entretenir » ou « nettoyer » les arbres fruitiers. Quelques baux un peu plus développés, des rapports d'expertise, des arrêts de police des champs et les incontournables traités horticoles permettent de comprendre que ces clauses sibyllines englobent en fait plusieurs opérations nécessaires au maintien de la production de fruits, dont l'épluchage et l'émoussage.
71L'épluchage est une taille très superficielle parfaitement résumée dans la formule classique répétée de bail en bail pendant deux siècles : « sans y pouvoir coupper aulcun bois mort ny vif sinon esplucher164 ». Cette précaution prend son origine à la croisée de deux craintes, le vol de bois et la baisse du rendement d'un arbre fruitier pour les années à venir ; au contraire il faut « entretenir lesd. arbres qui sont dans lesd. héritages comme d'un bon père de famille165 ». Il faut « maintenir et entretenir lesd. arbres sans les détruire ains les conserver aux mieux qu' [il] sera possible166 » ; à garder, conserver et entretenir répondent dans les baux détruire, « gaster167 », endommager168 et « offancer169 » les arbres. L'épluchage comprend certainement aussi les morceaux de vieilles écorces, nids à insectes et à infections, que Le Gendre conseille de retirer avec une serpe170.
72L'entretien des arbres nécessite la destruction d'autres végétaux parasites tels que le gui171, dont les graines sont rapidement disséminées par les oiseaux, ou la mousse qui sera grattée avec un bouchon de paille172 ou un couteau, mais aussi l'arrachage des boutures qui peuvent affaiblir l'arbre fruitier173. Les chancres, « sorte d'ulcères qui détruisent de proche en proche l'écorce et le bois174 », créés par des champignons sur des plaies provoquées par des outils ou un dégel brutal175, doivent être entièrement grattés puis la plaie recouverte d'un enduit à base de bouse de vache176.
73Entretenir l'arbre fruitier revient aussi à tenter de prévenir ses maladies. Pour éviter la formation de chancres, il faut enduire toute plaie et « emma-roter » les branches coupées, c'est-à-dire les « couvrir incontinent de glaise ou d'argile détrempée avec du foin ou de la mousse177 ». Pour remédier à un arbre qui végète, ou qui jaunit, les traités contemporains proposent des arrosages, des labours ou des binages, un meilleur drainage du sol, un apport d'engrais et de terre de meilleure qualité. Le déchaussage de l'arbre s'avère bien souvent nécessaire pour y apporter ces remèdes178. Même les jardinistes hostiles à l'usage du fumier, le préconisent, comme un mal nécessaire, pour fortifier un arbre fruitier rongé par une maladie. Malgré tout, au début du xixe siècle, Pictet-Mallet peut encore dresser un tableau très négatif des soins apportés à un arbre malade :
« ce que les agriculteurs ont presque entièrement négligé, c'est la guérison des arbres attaqués de quelques blessures ou maladies. En effet, excepté l'application de quelques remèdes plus ou moins insignifians, nous voyons partout des arbres abandonnés à la nature, qui quelquefois, il est vrai, parvient à les rétablir, mais qui, le plus souvent, aura besoin d'aide179 ».
74La lutte contre les insectes traduit aussi la faiblesse des moyens disponibles pour protéger les arbres fruitiers.
Sus aux chenilles et autres insectes
75Il faut écheniller les arbres fruitiers, les baux rappellent cette obligation pendant toute la période étudiée ; le 9 mai 1630 Pierre et Jehan Leseur de Deuil, louent pour quatre années au marchand-fruitier Jehan Marin de Montmorency, un tiers d'arpent de jardin planté en arbres fruitiers à la charge « d'escheniller les arbres, et labourer au pied des arbres et en fin dud. temps rendre iceux en bon estat et valleur180 ». Durant l'hiver, on doit retirer manuellement les cocons des chenilles sur les arbres, tant espalier, buisson que haute-tige, et les brûler pour éviter la réapparition de papillons dont la ponte donnerait naissance à de voraces chenilles friandes de feuilles, de jeunes pousses et de fruits. Pour accéder aux hautes branches, on tente de perfectionner des échenilloirs ; les traités contemporains les décrivent, mais ils sont absents des inventaires après décès. Pour y remédier, les projets de lutte contre les chenilles dans la généralité de Paris au début des années 1730 prévoient d'exiger des communautés villageoises un de ces instruments qu'auraient utilisé, à tour de rôle, les habitants181.
76Mais le mal reste endémique, notamment parce qu'il est très difficile d'écheniller les haies, sans parler des forêts. Par ailleurs, un hiver doux et sec et la négligence de certains exploitants suffisent à multiplier les chenilles. Ainsi les règlements de police des champs n'oublient pas de répéter l'obligation d'écheniller ses arbres182, le parlement de Paris intervient aussi en promulguant des arrêts de règlement reprenant cette obligation183. Malgré la répétition de l'obligation dans les baux et dans les règlements de police, l'inobservation de cette clause, conduit à être plus coercitif :
« Sur ce qui nous a esté resmontré par le procureur fiscal que les habi-tans et autres particuliers qui ont des héritages à Daumont et sur le territoire dud. lieu les quels sont négligents et refusant de faire eschenillier les arbres fruitiers et hayes ensemble les chesnes et ormes qui sont dans les jardins comme il est acoutumé et qu 'il se pratique dans les autres lieux circonvoisiens [...] Nous ayant esgard audit réquisitoire avons ordonné que lesdits habitans de Domont seront tenus de faire escheniller les arbres fruictiers et autres estant dans les jardins et enclos dud. lieu dans huitaine le tout à peine de vingt livres184 ».
77La nécessité de trouver des solutions contre l'invasion des insectes maintient, dans les traités, l'énoncé de recettes qui font partie intégrante du genre du traité agronomique ; elles résistent d'ailleurs mieux à la critique que le discours sur l'influence de la lune ou les greffes fantasmagoriques. Que ce soit pour réaliser des confitures, pour concocter un sirop de fruits aux mille vertus ou pour chasser les limaces, la recette reste un passage obligé des Maisons rustiques et des almanachs pendant les trois siècles de l'époque moderne. Pour lutter contre les insectes et les parasites, ils préconisent des fulmigations de souffre, de tabac, des décoctions à partir de tabac et de coloquinte, de lessive de tan, d'eau de chaux, de souffre en poudre... Pour lutter contre « les tigres », de petits moucherons gris, Jean Merlet donne la recette suivante :
faire bouillir « des herbes fortes, comme rhue, absinthe, et à leur défaut du tabac ; l'eau étant froide on en mouille et lave les feuilles dessous de temps en temps, et au printemps, comme les murs sont pleins de leur couvin, on les blanchit avec lait de chaux185 ».
78L'utilisation d'odeurs fortes, telles le souffre et le tabac, pour « soigner » les arbres fruitiers n'est pas surprenante dans une société qui croit aux vertus thérapeutiques des senteurs, qui pense « par l'aspersion ou la fumigation, [.] corriger l'air ambiant186 ».
79Préoccupation de paysans et d'arboristes, la lutte contre les insectes nourrit légitimement les discussions des sociétés d'agriculture. Le 10 mai 1787, Thosse lit devant celle de Paris, un « mémoire sur la manière de détruire les pucerons qui attaquent les arbres fruitiers ». Il y reconnaît l'usage d'herbes dont la forte odeur ferait fuir les insectes, mais il le condamne car ce « n'est qu'un palliatif qui ne détruit pas la cause du mal ». En revanche, il conseille l'usage de l'essence de térébenthine qui non seulement à une odeur « forte et pénétrante », mais en plus tue les insectes. Pour ce faire, il mélange de la terre jaune (de la glaise ?) avec une petite quantité d'essence puis il y verse de l'eau afin d'obtenir une bouillie dans laquelle il trempera les branches infectées d'insectes. Schabol avait déjà évoqué des « bains terreux » pour les détruire187 ; le principe d'un badigeonnage du tronc de l'arbre et de ses branches, que l'on retrouve de nos jours avec la bouillie bordelaise, est déjà présent dans Le jardinier françois qui pourchasse les pucerons verts « en les barbouillant avec de la chaux vive fraischement destrempée188 ».
80La main du jardinier est mise à contribution pour lutter contre les insectes. Parmi les astuces délivrées par les jardinistes se trouvent des pièges classiques, tels la bouteille remplie d'eau sucrée ou miellée pour noyer les fourmis189, et ses variantes comme ces petits coffrets de cartes suspendus dans les arbres, percés de trou et remplis d'un appât mêlant arsenic et miel190. Pour La Quintinie, le jardinier précautionneux se doit de visiter régulièrement ses arbres pour retirer à la main les escargots et les limaces. Cependant l'impuissance à éradiquer tous les insectes, laisse la porte ouverte aux recettes peu éloignées de la magie : « les fourmis s'estrangeront de l'arbre, si vous y faites une ceinture au tronc, de la largeur de quatre doigts, avec de la laine fraischement tirée de dessous le ventre d'un mouton191 ».
81Dans une cosmologie chrétienne où le monde est régi par la Providence de Dieu, le recours traditionnel à la clémence divine par des dévotions agraires offre une espérance de lutter contre une sécheresse ou une invasion « démoniaque » d'insectes. Les paroisses étudiées participent aux processions des Rogations demandant la bénédiction de Dieu sur les fruits de la terre : le village de Saint-Brice est traversé par une ruelle dite de la procession de Saint-Marc, d'ailleurs, ce jour-là, le prieur de Domont est « obligé de donner desjeuner à toutte la paroisse de Saint-Brice et au sieur curé de Saint-Brice chez lui conformément à l'ancienne coutume et possession il le distribue ausdicts parroissiens de Saint-Brice dans l'église192 » ; Épinay-sur-Seine et Franconville ont des chapelles consacrées à ce saint protecteur des biens de la terre. En cas d'invasion d'insectes malfaisants dans les vignes, et donc sur les arbres fruitiers, la procession du Saint-Sacrement, à travers la campagne, s'offre comme une solution193.
82Saint-Fiacre, protecteur des jardiniers, propose aussi son intercession, mais son culte semble peu développé dans la vallée de Montmorency, bien qu'il soit le second patron de Saint-Prix, contrairement à la Brie194 voisine. Il a quand même laissé son nom à l'onguent constitué de bouses de vache, de terre grasse et de balles de blé195, utilisé pour colmater une greffe ou soigner une plaie ; cette dénomination n'est pas innocente, elle lie le saint protecteur à la non-contamination de la plaie, or Saint-Fiacre fut d'abord un saint thaumaturge au Moyen Âge avant de devenir, dans le courant du xviie siècle, le patron des jardiniers196.
83Un insecte est curieusement absent des traités horticoles : l'abeille. Ce silence sur les « mouches à miel » témoigne de l'ignorance de leur rôle dans la pollinisation des arbres fruitiers. D'ailleurs, dans les inventaires après décès de marchands-fruitiers, les priseurs ne trouvent pas de ruches confirmant l'absence de lien entre arboriculture et apiculture. Cette absence peut paraître d'autant plus surprenante que l'exploitation des abeilles jouit d'un prestige socioculturel assez proche de celui de l'arbre fruitier et bénéficie aussi des supports imprimés des Maisons rustiques voire de traités particuliers197. L'explication réside, peut-être, dans la peur que l'abeille ne prenne, pour faire son miel, le sucre du futur fruit, ou/et que le butinage du nectar des fleurs soit préjudiciable à la bonne nouaison des fruits, une période marquée par une très grande fragilité : cette crainte existerait chez Réaumur198. Cependant, l'utilité de l'abeille interdit de la placer parmi les parasites à éliminer, on comprend alors le silence des traités horticoles.
Contre les animaux pâturants et les bêtes fauves
84Il faut aussi protéger les arbres des animaux pâturants, des vaches qui les renversent en s'y frottant199, des plaies occasionnées par des coups de corne ou par les dents des moutons200 mais aussi des bêtes sauvages des forêts comme les cerfs. Si les moutons sont peu présents dans les pays de vignoble, on les retrouve dans les finages orientaux de la vallée de Montmorency, en bordure de la plaine de France ; il faut y protéger les arbres cultivés dans la zone des jardins, ces prés arborés entourés de haies vives. Lors d'une période de sécheresse en 1731, Adrien Bercher l'aîné et Charles Tiphaine, tous deux laboureurs à Domont, se plaignent des particuliers conduisant leurs troupeaux dans les « jardins » une fois le pré fauché ; non seulement, dans une perspective de disette fourragère, les bestiaux compromettent les regains mais en plus
ils « ruinent et mangent les arbres fruittiers [.] ainsi que les fruicts, ce qui cause un tort considérable tant aux suppliants qu'aux autres propriettaires qui ont des jardins et des prés sur ce terroir pourquoi il est nécessaire de remédier à ces abus201 ».
85Les dégâts provoqués par la dent vorace des moutons peuvent être considérables ; à Enghien, ce sont douze jeunes poiriers et pommiers âgés de six ans « dont l'écorce d'iceux a esté mangés et brouttez entière(me)nt par des moutons ce qui causes indubitab(lem)ent la perte d'iceux202 » et quatorze autres partiellement endommagés ; les dégâts y sont estimés à trente-huit livres dont vingt-quatre livres pour les douze arbres totalement détruits qu'il faudra remplacer.
86Pour le protéger de ces dangers, un jardin bien entretenu doit être « clo(s) et fermé de hayes que les bestiaulx ny puisse faire aulcun tort ny domm(ag)e203 ». Des haies acérées sont plantées et entretenues, et surtout on « encourtine204 », on « arme d'épines205 », on « épine206 », on entoure le jeune tronc de paille et d'épines afin de repousser les coups de dents des bestiaux. Lorsque Raphaël Huet, un bourgeois parisien, fait planter des jeunes poiriers dans une pièce de terre, il prend garde de préciser « de les bien entortiller de paille et de ronces pour les garentir des cerfs et biches207 ». Les épines acérées doivent repousser les animaux et la paille sert à protéger l'écorce tendre du jeune tronc de l'agression des épines qui pourrait développer un chancre208.
87De même, si Nicolas Desjardin et son épouse obtiennent le droit de faire pâturer leurs vaches dans un pré planté d'arbres fruitiers, ils doivent les attacher « de manière qu'elles ne puissent ronger les arbres ni la haye et y faire aucune sorte de dommage à peine d'en être garents et responsables209 ». Nicolas Douzin et son épouse obtiennent l'autorisation de mener pâturer leurs vaches dans des prés plantés d'arbres fruitiers qu'ils louent, à la condition « de mettre une corde liée de la tête à une jambe de leurs vaches lorsqu'ils les mettront pâturer [...] afin qu'elles ne puissent brouter aucune branche des arbres fruitiers, à peine de six livres d'amende par chaque tête210 ». Les règlements de police des champs reprennent ces défenses en interdisant « aux laboureurs, habitans et tous autres de laisser aller leurs troupeaux et bestiaux dans les jardins et clos [.] dont ils ne sont propriétaires ou locataires et que lesdits bestiaux ne soient gardés211 ».
88La proximité de la forêt et des capitaineries renforce les dégâts dans les héritages plantés d'arbres fruitiers. Les cahiers de doléances de 1789 des bailliages de Versailles et de Meudon traduisent le désarroi de la communauté villageoise face au plaisir du Prince. Les habitants de Bois d'Arcy212, dont le finage est incorporé dans le grand parc de Versailles, supplient Louis XVI d'ordonner l'abattage
« des deux tiers des chevreuils, qui sont en très grande quantité dans ce canton, lesquels ravagent non seulement les bois, mais viennent encore par troupeaux, en franchissant les murs et haies des jardins, manger tout ce qui s'y trouve, même les arbres fruitiers213 ».
89Ceux de Bailly214 reprennent la même plainte contre ces chevreuils qui « écorcent les arbres fruitiers, passent par dessus les haies et dévastent les jardins215 », alors que les bêtes fauves et le gibier viennent « jusqu'aux portes des cultivateurs [de Viroflay216] ravager les fruits de leurs sueurs et de leurs travaux217 ».
90La rancœur contre le privilège seigneurial de la chasse qui exclut les paysans mais leur fait subir les dégâts des bêtes sauvages conduit logiquement à la demande de suppression des capitaineries, le cahier de Saint-Brice propose même la proclamation d'une loi
« dans laquelle il sera dit très expressément que si un seigneur nuit à l'agriculture par la quantité de gibier, la paroisse aura le droit de s'assembler et de se réunir pour faire usage du moyen très simple qui lui sera fourni par cette loi pour obtenir de son seigneur la restitution du dommage. Ce point paraît si important que si les Etats Généraux ne trouvent pas cette loi de leur sagesse cet article étant de première nécessité, on les supplie d'abolir tous droits de chasse218 ».
91Pendant des générations, face aux dégâts de la chasse, les communautés villageoises, si on fait abstraction d'une compensation illégale sous forme de braconnage et d'une rancœur violemment exprimée contre les gardes-chasses, n'ont pu compter que sur la seule clôture pour tenter de protéger les arbres fruitiers.
92Cependant, la haie et le mur, surtout s'il n'est pas crépi des deux côtés, protègent aussi les animaux nuisibles en servant de retraite à des rats, mulots et autres loirs, et à des insectes comme les colimaçons, les perce-oreilles, les chenilles. ; ces derniers, et leurs pontes, trouvent aussi un abri sûr derrière les treillages d'échalas utilisés pour conduire des espaliers219, ce qui explique la disgrâce, sous la plume de quelques arboristes du xviiie siècle, de ce type de palissage : dans sa conversation initiatique avec le jeune chevalier Du Breuil, le prieur lui révèle avoir remplacé, comme bien des connaisseurs, les échalas par un treillage de gros fil d'archal220. Néanmoins, malgré la protection offerte à des nuisibles, la clôture reste un élément essentiel pour
93« garder » et « conserver » les arbres fruitiers d'autant plus qu'elle participe à la domestication du climat.
Une domestication du climat parisien
Les dangers du climat parisien
94Dans l'ensemble les conditions naturelles de l'Île-de-France sont plutôt favorables à l'arboriculture fruitière, notamment aux pommiers, aux pruniers et aux poiriers. Cependant l'hiver et les gelées tardives ainsi que l'insuffisant taux d'ensoleillement peuvent contrarier certaines espèces fruitières telles que les abricotiers, les pêchers et les figuiers, ces deux derniers étant particulièrement prisés. Le problème du climat se pose d'autant plus que l'expansion des cultures fruitières en Île-de-France correspond aux dernières décennies du « petit âge glaciaire ». Les arboristes se font écho de ces hivers particulièrement rigoureux. La Quintinie évoque avec tristesse le gel de figuiers en 1670, 1675 et 1676221 ; Le Jardinier solitaire, publié en 1704, reconnaît que le muscat « a peine à meurir depuis le dérèglement des saisons222 » ; Schabol se souvient que le 25 avril 1749 « il gela à glace de l'épaisseur d'un quart de pouce » et que cette gelée tardive « ruina ce que les précédentes avoient épargné223 » ; au contraire, La Bretonnerie savoure la réussite des figuiers d'Argenteuil qui résistèrent aux « forts hivers » de 1766, 1767 et 1768224. Un livre de raison, tenu par trois vignerons de Chanteloup-les-Vignes, note de 1690 à 1784 les accidents climatiques compromettant la récolte à venir des vignes mais aussi des arbres fruitiers. Le 23 juin 1694 une violente grêle « hacha tous les arbres, abattit tous les fruits » ; dans la première semaine de mai 1708 « la cerise devint toute noire, les noyers étaient tous écalés » ; et en 1709 « il fallut couper les vignes tout au ras [de] terre, couper les figuiers, les pêchers, abricotiers, et abattre les noyers tous sans aucune réserve, beaucoup de poiriers morts, pruniers, cerisiers morts225 ».
95Bien connu226, le grand hiver 1709 a profondément marqué les contemporains. Saussay, jardinier de la princesse de Condé à Anet, rapporte le déroulement de cette vague de froid et ses conséquences sur les arbres fruitiers placés sous sa charge.
« L'hiver ne comença à se faire que le cinq du mois de janvier 1709. Cependant la gelée fut si grande aussi bien que les verglas, causez par quatre faux dégels, que les Chênes et autres Arbres de Forêts se fendirent : dans les campagnes quantité de Poiriers, Pommiers, Noyers et autres, furent entièrement perdus, et presque tous les Arbres des jardins furent gelez227 ».
96Ce témoignage rapporte correctement la chronologie de l'accident climatique et son ampleur exceptionnelle : la baisse brutale des températures, d'une vingtaine de degrés en quelques heures, dans la nuit des Rois 1709, la nuit du 5 au 6 janvier, la surprise face à la rapidité de la gelée, et les catastrophiques faux dégels suivis de nouvelles vagues de froid jusqu'à la mi-mars 1709. Pour Saussay, le recépage est la seule solution qui permette de tenter de sauver ses arbres fruitiers.
« Je coupai par le pied tous mes Pêchers, quoiqu'âgez de treize ans, ce que l'on ne fait presque jamais : je m'en suis trouvé si bien, que je l'ai fait encore depuis [...] A l'égard des Poiriers, des Pruniers et des Pommiers, je remarquai que la gelée descendoit tous les jours, je ne lui donnai pas le temps de gagner jusques dans la racine, je coupai tous mes Arbres au-dessous de la gelée ; ce qui l'arrêta. Par là je les sauvai tous, et ils ne mourut que ceux qui avoient été gelez par les racines mais en petit nombre228 ».
97Autant le recépage fut, en effet, la solution de la dernière chance, autant le pourcentage de réussite évoqué par le jardinier, qui trouve ici l'occasion de se mettre en valeur et de fonder sa réputation, laisse sceptique. Les rapports d'expertise et les replantations massives qui eurent lieu après l'hiver 1709, donnent un ordre de grandeur plus juste des dégâts subis. Ainsi, le 10 octobre 1709, des experts se rendent sur des pièces de terre « à l'effet de faire la visite des arbres morts de dessus lesd. héritages » ; sur 1 250 perches de terre, deux cent quarante arbres fruitiers sont « morts par la rigueur de l'hiver dernier », dont cent deux pommiers, cent seize cerisiers, douze châtaigniers et dix noyers, et dans la cour et le jardin-potager, deux poiriers de haute-tige, dix abricotiers, dix pêchers et douze poiriers229.
98À la veille de la Révolution, le célèbre orage de grêle du 13 juillet 1788 ravage les campagnes parisiennes. Pierre Louis Nicolas Delahaye en a laissé un témoignage impressionnant. Pendant la messe dominicale à Silly-en-Multien, le ciel s'obscurcit, le tonnerre gronde et les grêlons s'abattent sur l'église dont les vitraux volent en éclats.
« On voyait tomber les tuiles et les pigeons de dessus l'église que la grêle cassait et tuait. Cela a duré 3 minutes environ, ensuite, la pluie est tombée avec une si grande violence qu'on eut cru que c'était le ciel qui se dissolvait [.] Il y avait des morceaux de glace de la grosseur du poing, tels qu'on les voit dans l'hiver quand on casse la glace ».
99Au sortir de l'orage, le village offre un visage d'extrême désolation :
« quand je fus arrivé chez nous, c'était une chose pitoyable de voir les carreaux des vitres cassés, tout le jardin, fruits, légumes, fleurs etc. fracassés, hachés. Les poires abattues, coupées en deux sur les arbres, les oignons hachés, en un mot tout était abimé [...] les coups qu'ont reçu les arbres ressemblent à des coups de pioche qui seraient donnés avec violence230 ».
100Les nombreuses destructions occasionnées par cette catastrophe climatique dans les campagnes parisiennes sont maintes fois évoquées dans les cahiers de doléances afin d'obtenir un dégrèvement d'impôt.
101Ainsi, sous le climat parisien, l'arbre fruitier peut craindre les gelées tardives sur ses fleurs, les coups de vent faisant tomber les fruits, la grêle hachant feuilles et fruits, la sécheresse estivale compromettant la récolte et les étés « pourris » hypothéquant la maturité de cueillette des fruits d'automne et d'hiver. Face aux aléas climatiques, la fragilité de l'arboriculture fruitière, tout comme celle de la vigne231, exacerbe l'obsession traditionnelle du temps chez une paysannerie qui y lit l'espoir d'une bonne récolte ou le spectre d'une « année de misère » ; elle y guette ses recettes ou dépenses à venir. Cette obsession, bien compréhensible, du temps qu'il fera s'exprime à travers les dictons colportés par les almanachs, l'observation quotidienne du ciel et du vent, et les processions et prières communes.
102La spéculation sur le temps, la recherche continuelle pour étendre au maximum les périodes de maturité de cueillette et le goût pour les fruits hâtifs et tardifs renforcent la préoccupation ancestrale du temps qu'il fera. Non seulement l'arboriculture fruitière exacerbe l'angoisse du climat, mais en plus elle la répand socialement à une population non paysanne et non rurale qui par mode et/ou par goût s'intéresse à l'arboriculture fruitière dans ses clos et ses jardins. Pour plaire à son maître, le jardinier ne doit-il pas « travailler à lui procurer bien des douceurs pendant l'hiver232 ». Le développement des cultures fruitières, le bon goût des clos et jardins des maisons des champs et les exigences des consommateurs, ne pouvaient qu'entraîner un travail sur la domestication du climat parisien.
La recherche de sites abrités
103L'utilisation d'un site d'abri est la principale solution trouvée pour protéger les arbres fruitiers des intempéries.
Abri : « endroit où les plantes sont en assurance contre les pluies froides, les frimats, les gelées et les mauvais vents. Tout ce qui sert aussi à parer de toutes ces choses, comme paillassons et autres s'appellent Abris. Abri se dit aussi d'une muraille ou d'un lieu qui garantit les plants des mauvais vents, et de tout ce qui peut leur être nuisible233 ».
104L'espalier utilise le microclimat créé par le mur protégeant des gelées printanières et des vents. Le mur joue le rôle d'un « accumulateur thermique234 » en réfléchissant le rayonnement solaire et en restituant, la nuit, la chaleur emmagasinée dans la journée. Quant au chaperon qui couronne le mur, il protège les arbres des intempéries qui tombent perpendiculairement. Deux expositions sont particulièrement recherchées : celle du levant qui a le soleil de son lever au début de l'après-midi et surtout celle du midi qui l'a du milieu de la matinée jusqu'au soir235. La première exposition présente l'inconvénient d'exposer directement les arbres en espalier aux rayons du soleil avant que les matinales gelées printanières n'aient disparu, risquant ainsi de brûler les jeunes pousses et les fleurs236. Quant à l'exposition vers le nord, elle permet de retarder la maturité de cueillette des fruits qui « auront moins de couleur et [...] un goust médiocre, pour n'avoir eu le soleil237 », mais une année peu ensoleillée et froide compromet fortement le mûrissement de ces fruits.
105Le jardin fruitier idéal décrit par l'abbé Le Berryais se doit, « s'il a une grande étendue, [d'être] coupé de mur de refend, pour rompre les vents, multiplier les espaliers et procurer des primeurs238 ». La mode des jardins coupés de murs se comprend par la volonté de multiplier les sites d'abri pour les espaliers, mais aussi pour des arbres cultivés en buisson tels que des abricotiers ou des figuiers, lesquels seraient beaucoup plus sensibles au climat dans des jardins découverts d'une grande superficie239.
106Le site d'abri offert par les murs peut être renforcé par l'utilisation de paillassons placés en auvent sur des supports scellés sous le chaperon et en cloison verticale pour protéger les espaliers des gelées printanières et des précipitations froides240. Ces assemblages de pailles longues liées ensemble par des ficelles ou de l'osier sur une armature d'échalas reposent sur des pieux fichés dans le sol241. Pour l'abbé Schabol, l'utilisation de paillassons serait une spécialité de Montreuil ; là encore son aveuglement pour ce village, le conduit à une exagération. Les auteurs des traités décrivent aussi un système de couvertures-rideaux242.
Des figuiers dans les campagnes parisiennes
107L'engouement à partir du règne de Louis XIV pour la culture des figuiers permet d'étudier comment une espèce fruitière, naturellement peu adaptée aux hivers parisiens, a pu être acclimatée, aussi bien dans les jardins aristocratiques qu'en plein champ dans des villages circumparisiens. Au xviie siècle il y a eu une sélection de variétés rustiques parvenant à produire correctement sous ce climat. Ces variétés seront d'ailleurs appelées au siècle suivant, sanctionnant la réussite de cette acclimatation, figue blanche de Versailles et figue blanche d'Argenteuil.
108Cependant cette sélection n'est pas suffisante : « dans nos climats tempérés où nous l'avons transplanté, [le figuier] ne vient que par artifice, il faut lui choisir le terrain, et le mettre à l'abri du froid243 ». Dans les jardins aristocratiques, à l'instar de Versailles, les figuiers peuvent être cultivés dans des caisses disposées dans un jardin clos de mur, la figuerie, et ils passeront l'hiver dans une « serre » qui pourra être « une cave médiocrement basse, ou une écurie, ou une salle ordinaire244 ». La Quintinie revendique la paternité de ce type de jardin245 et « l'imitation qui s'en est ensuivie chez beaucoup de curieux246 ». D'une pratique socialement plus répandue, le figuier palissé peut prendre place le long d'un mur avec d'autres espaliers, dans le coin d'une cour, le long d'un mur de bâtiment ou d'un conduit de cheminée. Le 19 juin 1691, c'est dans la cour d'une maison de Montmagny appartenant à la veuve d'un conseiller secrétaire du roi, que le jardinier-vigneron Denis Trianon, expert nommé par la justice, a « veu et recogneu qu'il y a peu de fruit figues qu' [il a] estimé celles vingt sols247 ». Hors de l'appui contre un mur, le figuier peut être cultivé en buisson ou en plein champ comme à Argenteuil.
109Si la culture dans des caisses représente une solution onéreuse et aristocratique s'inspirant du traitement réservé aux arbustes exotiques des orangeries, d'autres solutions techniques ont été trouvées pour protéger le figuier des rigueurs de l'hiver :
« j'ai parlé des figuiers que l'on tient en caisses : il y a une autre manière de la conserver quand ils sont en pleine terre : c'est de les envelopper de paille de la tête aux pieds248 ».
110Les figuiers conduits en espalier, sont dépalissadés à l'entrée de l'hiver, les branches couchées vers le sol et recouvertes de paille, de litière, de fougère ou de cosses de pois. Pour ceux plantés en buisson et éloignés de l'abri des murailles du jardin, cette opération est encore plus nécessaire et ils peuvent être recouverts d'une couverture. En plein champ, ils sont plantés inclinés, et l'hiver approchant on couche les principales branches dans des fosses, creusées autour du pied, profondes d'une vingtaine de centimètres et tapissées de paille, puis on les recouvre de paille et on jette dessus un peu de terre. Quant aux branches que l'on n'a pas pu coucher, on les lie ensemble pour les entourer de paille249. Cette protection particulièrement efficace permettra aux figuiers d'Argenteuil de résister aux forts hivers de 1766, 1767 et 1768 contrairement à ceux empalissadés qui gelèrent250. Au début du xxe siècle, cette méthode était encore pratiquée à Argenteuil251. Ce village a aussi des figuiers le long des murs des jardins
« pour ne pas manquer de ressources, car si l'hiver est froid et sec, les figuiers couchés dans terre dans les champs leur donnent du fruit, mais quand l'hiver est trop mou, ce qui gâte les figuiers qui sont dans terre, ce sont alors ceux des jardins qui ne sont pas couchés dans terre, qui en fournissent252 ».
111Dans sa lutte contre le climat parisien, « l'arboriculteur » pouvait compter sur la sélection des variétés, sur le choix d'un porte-greffe rustique comme le cognassier, et sur l'utilisation de sites d'abri, de paillassons et d'autres protections pour prévenir les risques de gelées. Mais cette domestication du climat est incomplète si on ne parvient pas à conserver des fruits, non transformés, au cœur de l'hiver.
La fruiterie pour conserver les fruits de l'été au cœur de l'hiver
112Si la chambre à fruits reçoit tous les fruits en attente de consommation, des printanières cerises aux hivernales poires de Bon-Chrétien en passant par les estivales pêches, elle revêt toute son importance pour les fruits d'hiver qui doivent y acquérir leur maturité de consommation et faire patienter les consommateurs pendant l'hiver et le printemps. Une fois cueillis, les fruits de garde doivent encore être protégés des gelées hivernales, de l'humidité et des voraces petits rongeurs. La description de la fruiterie, lieu stratégique de résistance contre le général hiver, est un passage obligé des traités sur la culture des arbres fruitiers, car on doit avoir « la consolation » de pouvoir jouir d'« une honnête provision » de fruits de garde « au fort d'un hiver triste et mélancolique253 » ; « la difficulté est d'en avoir pour l'hiver, qui est une saison morte et infertile, il s'agit donc surtout de savoir garder de mauvaise fortune ceux qui sont bons que longtemps après être cueillis254 » ; la description de la fruiterie sera donc détaillée.
113Pour La Quintinie, cette salle doit être meublée d'une grande table centrale pour déposer les corbeilles et les plats en porcelaine nécessaires au service des fruits ; sur les murs seront fixées, à distances régulières, des tablettes, légèrement inclinées vers le sol et terminées par un rebord, sur lesquelles reposeront les fruits, par variété et par qualité, avec une étiquette pour en marquer le nom et la date de maturité de consommation. Une couche de mousse séchée ou de sable fin recevra les fruits délicatement déposés sans risquer de leur transmettre une odeur. Ce lieu devra être impénétrable à la gelée grâce à une bonne exposition excluant catégoriquement le nord, à des murs épais, au calfeutrage des fenêtres et de la porte d'entrée. Enfin, selon des principes hygiénistes et aéristes, la fruiterie sera régulièrement visitée pour retirer les fruits pourris afin qu'ils ne contaminent pas les autres et l'air devra être fréquemment renouvelé. Des pièges ou un chat permettront de lutter contre les rats et les souris. La bonne localisation de la fruiterie exclura la cave trop humide et sujet à la moisissure ainsi que le grenier trop vulnérable au froid, mais préférera une pièce au rez-de-chaussée ou au premier étage255.
114Cette fruiterie idéale ne se retrouve que dans les résidences aristocratiques comme celle du duc de Liancourt à La Roche-Guyon. Son inventaire après décès ne manque pas d'estimer le matériel disposé dans une chambre explicitement nommée « fruicterye » ; on y retrouve les ustensiles nécessaires à l'entretien d'un feu (chenet, une paire de pincette, deux pelles à feu) ; la couche, le traversin et la couverture présents peuvent aussi servir de recours contre la gelée256 ; enfin la pièce comporte cinq tables, un coffre, « unze aix servant de tabletes, un petit basquet, traize petits plats de fayance de Holande et six autres petits257 » probablement destinés à recevoir les fruits et à les servir. Le coquemar en cuivre, présent dans la fruiterie, ou le bassin, a pu jouer le rôle de sentinelle contre la gelée à l'instar de ce « petit vaisseau plat plein d'eau » que La Quintinie conseille d'y placer pour « donner avis de tout ce qui peut nuire ; si cette eau ne gèle point, il n'y a rien à faire, mais si elle vient à geler tant soit peu, il faut aussitôt courir au remède258 ». Le mobilier donne une idée de la dimension de la salle, d'autant plus que l'inventaire y prise aussi une couche, et des capacités de stockage des fruits produits dans le jardin potager-fruitier du château.
115La fruiterie est plus modeste dans le château de Sannois appartenant à Louis-Denis-François Berand, chevalier et mousquetaire ordinaire de la garde du roi, mais elle jouit quand même d'une pièce précisément réservée, meublée d'« une tablette composée de cinq planches à metre fruits, [et] une planche percée259 » ; on y a aussi entreposé « neuf cloches de couches » servant à obtenir des légumes primeurs. Pour l'aristocratie de la naissance et de l'argent, idéalement la Fruiterie bien ordonnée et spécifiquement localisée doit rappeler le prestige social et le bon goût au même titre que l'Orangerie ou la Glacière ; d'ailleurs ces espaces doivent, tous trois, permettre de jouer avec le temps, de le forcer ou le retenir.
116La fruiterie est aussi le prolongement logique du jardin de curé. Le prieur de Sennely-en-Sologne, dont nous avons déjà noté la description de son jardin fruitier, prévoit, dans l'aménagement de la maison prieurale, de réaliser une fruiterie dans le grenier au-dessus du garde-manger qui jouxte la cuisine. Il décrit un projet très proche des conseils des traités arboricoles. Sur les murs devront être fixés « des tablettes daix de sapin du haut en bas avec de petites lattes sur le rebords ». Une grande fenêtre sera ouverte sur un des murs afin de bénéficier de la lumière du jour et probablement pour pouvoir aérer la pièce. Cependant cette fenêtre devra être « bien emboittée » et toutes les autres ouvertures condamnées. La protection contre le gel et l'humidité — nous sommes en Sologne — nécessitera aussi « de faire contre-latter et torcher tout ce grenier de bon mortier à chaux et à sable ». Et c'est avec la même probable satisfaction qui l'avait amené à décrire précisément les plants de son jardin fruitier, que le prieur Christophe Sauvageon termine son dessein par « dresser autant de tables sur des treteaux que le grenier en pourra contenir, pour servir en cet état de fruiterie260 » ; la fruiterie vient ici parachever le jardin fruitier.
117Tout autre est la description de la salle servant à garder les fruits chez les marchands-fruitiers. En effet, dans les inventaires après décès cet espace est localisé dans un grenier ou une chambre non spécialisée qui recevra ponctuellement, en fonction des quantités récoltées, des fruits ; les fortes récoltes alimentent même un marché de location annuelle de chambres. De même, les fruits de garde achetés hors de la vallée de Montmorency peuvent attendre leur acheminement vers les Halles parisiennes dans des chambres louées localement pour la saison ; l'acte de vente des fruits peut même prendre en compte cette location. Les fruits — pommes, poires, noix — voisinant avec les gerbes de céréales et de foin, y sont entreposés en tas à même le sol, dans des paniers d'osier toujours très nombreux dans les inventaires après décès261, sur des « clayes à mettre des pommes262 » voire dans des tonneaux263. Force est de constater à la lecture des inventaires après décès de vignerons-fruitiers et de marchands-fruitiers que la paysannerie parisienne parvient à conserver, durant l'hiver et une partie du printemps, de fortes quantités de fruits de garde. La Bretonnerie, très au fait des campagnes parisiennes, admet
qu'« une cave, quand elle est saine, c'est-à-dire sans humidité, est la meilleure serre pour les fruits. Nos gens de campagne les y conservent pendant tout l'hiver, en tas sur de la paille sur terre, ou dans des tonneaux, des caisses ou des paniers, et les vendent bien à Pâques [...] ; on a soin de boucher les soupiraux des caves pendant les fortes gelées. [...] Nos paysans qui ont quelque fois beaucoup de pommes les conservent encore fort bien sur la paille, dans des caves sèches [...] ou sur du regain dans les greniers de leurs chaumières qui sont moins pénétrables au chaud et au froid que nos combles en tuile ou en ardoises ; ils ont seulement la précaution aux approches des fortes gelées au mois de Décembre, de couvrir leurs fruits d'une bonne enveloppe bien épaisse de regain, qui n'a pas la même odeur du foin ; ils les laissent là sans y toucher jusqu'après les grandes gelées, qu'ils les découvrent alors, et les changent de place, afin d'ôter toutes celles qui sont pourries264 ».
118La gestion ainsi décrite des chambres à fruits rajoute une activité supplémentaire durant une période hivernale qui est, décidément, très loin d'être une morte saison pour la paysannerie s'adonnant à l'arboriculture fruitière.
119Les traités arboricoles françois sont bien les reflets d'une réalité régionale. Non seulement ils témoignent d'un engouement socioculturel qui conduit le gentilhomme et le bourgeois aux champs et accompagne l'essor de l'arboriculture fruitière dans les campagnes parisiennes, mais en plus, ils sont bien révélateurs des techniques employées dans les villages circumpa-risiens. L'opposition manichéenne entre la théorie et la pratique doit cependant être remplacée par une prise en compte du public concerné et du statut de l'auteur du traité afin de déterminer de quelle arboriculture fruitière il sera question. La Quintinie reste un témoin de premier ordre pour travailler sur l'horticulture aristocratique au même titre qu'un Saussay ou qu'un
120Dahuron, alors que les traités de Bonnefons et de Le Gendre concernent un public plus bourgeois. Pour un public encore plus large avec une prise en compte de la paysannerie, les ouvrages de La Bretonnerie me paraissent particulièrement bien informés et offrir un bon reflet des pratiques arboricoles parisiennes telles qu'elles apparaissent du dépouillement des actes de la pratique conservés dans les archives notariales et judiciaires de la vallée de Montmorency ; par contre, il convient d'être très mesuré quant à l'utilisation des propos de Schabol, largement entachés d'exagération pour construire le monopole de Montreuil sur la seule bonne conduite des arbres fruitiers.
121Si globalement le contenu des traités sur la culture des arbres fruitiers peut, de manière probante, être utilisé pour appréhender les arboricultures fruitières des campagnes parisiennes, le doute subsiste pour les chapitres consacrés à la taille. Il existe car ce n'est pas dans la présentation des différents types de greffe, dans la profondeur des fosses de plantation ou dans l'élaboration du calendrier arboricole que l'arboriste va fonder sa réputation, mais bien dans la taille, ce « chef-d'œuvre du jardinage ». Or c'est justement pour la taille que vont être élaborés de véritables systèmes, qui sont quasiment des démonstrations, souvent accompagnés de planches trop belles et trop géométriques pour ne pas nous faire hésiter entre un souci de clarté de l'auteur ou une satisfaction intellectuelle de présenter un système de cabinet. Malheureusement les actes de la pratique ne nous permettent pas de connaître les tailles pratiquées dans les clos et les jardins.
122Par contre, les traités contemporains, croisés avec les actes de la pratique, permettent de dresser facilement un calendrier saisonnier des travaux nécessaires. Ce calendrier des travaux agricoles et marchands est beaucoup plus régulièrement réparti sur l'année que celui des vignerons ou des marchands-laboureurs. Non seulement les récoltes s'étirent du printemps à l'automne et la commercialisation des fruits tend à scander les douze mois de l'année, mais en plus le traditionnel « repos » — souvent relatif il est vrai — imposé par l'hiver est fortement occupé par les plantations, les greffes, le « nettoyage » des arbres, l'entretien des paniers et des paillassons, la gestion des chambres à fruits et l'acheminement des fruits de garde vers Paris.
123La grande spécificité technique de l'arboriculture fruitière réside dans un calendrier des travaux et des jours nécessitant une présence régulière, du paysan ou du jardinier, quelle que soit la saison. L'étude des travaux arboricoles dresse le portrait d'une paysannerie beaucoup plus présente autour de ses arbres fruitiers qu'elle ne l'est dans les champs de céréales ; cette présence assidue fournit une explication supplémentaire au sentiment de propriété attaché à l'arbre fruitier, d'autant plus qu'il est intimement associé au jardin.
Notes de bas de page
1 Bonnefons, op. cit., 1651, préface p. III.
2 Gentil, op. cit., 1704, p. 34.
3 Dahuron, op. cit., 1696.
4 Bonnefons, op. cit., epistre aux dames, 1651, non paginée.
5 Le Gendre, op. cit., épistre, 1652, non paginée.
6 Laurent, op. cit., 1675.
7 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 1, préface de l’auteur, p. IX.
8 Calvel, op. cit., 1802, p. 1.
9 Dahuron, op. cit., 1696, p. III.
10 Arnouville-les-Gonesse, dépt. 95, arr. Montmorency, cant. Garges-les-Gonesse ; La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 149 ; « je me retirai dans une Maison de Campagne que j’ai aux portes de Paris », Combles, op. cit., éd. de 1770, préface p. VI.
11 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 156.
12 Marie-Rose Simoni-Aurembou, op. cit., 1982.
13 Schabol, op. cit., 1767.
14 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 85-151.
15 Ibid., p. 100 et 136.
16 Corinne Beutler, art. cit., 1973, p. 1285.
17 Venette, op. cit., 1683, préface non paginée.
18 Ibid., p. 4-5.
19 Nouvelle instruction pour la culture des figuiers, 1692, p. 46-47.
20 Inventaire après décès du 29/05/1682, cité par Hervé Bennezon, op. cit., 1997, p. 44.
21 Acte de vente du 23/05/1690, AD 95, 2E7/125.
22 Accord du 08/05/1667, AD 95, 08/05/1667.
23 Accord du 20/01/1787, AD 95, 2E7/543.
24 Rapport du 14/05/1701, AD 95, 14/05/1701.
25 Bail du 11/12/1644, Saint-Brice, AD 95, 2E7/501.
26 Environ 60 cm de diamètre et 0,5 m de profondeur, bail du 22/02/1723, AD 95, 2E7/531.
27 Bail du 16/09/1680, AD 95, 2E7/115.
28 Bail du 08/07/1720, bail du 16/03/1720, AD 95, 2E7/148.
29 Marcel Lachiver, op. cit., 1982, p. 65-70.
30 La spécificité du châtaignier par rapport aux autres espèces fruitières (dans certaines régions il jouit du statut de culture vivrière et son bois intéresse l’administration) explique qu’une enquête lui ait été consacrée en 1810-1811 ; conservée aux Archives nationales sous la cote F10 429, elle a été étudiée, notamment, par Ariane Bruneton-Governatori dans Le pain de bois, 1984.
31 Mémoire d’agriculture, d’économie rurale et domestique…, An X, t. III, p. 30-33.
32 Maurice Block, Table générale des matières contenues dans…, 1851.
33 Mémoires publiés par la Société royale, année 1832, Paris, 1833, p. 141-146.
34 Jean-Yves Dufour, art. cit., 1997, p. 11.
35 Marie-Pierre Ruas, « Éléments pour une histoire de la fructiculture en France : données archéobotaniques de l’Antiquité au xviie siècle », L’homme et la nature au Moyen Âge, Actes du Ve congrès International d’archéologie médiévale, 1996, p. 92-105.
36 Ibid., p. 92.
37 Rapport d’expert, AD 95, B95/1177.
38 Jean Jacquart, « L’utilisation des inventaires après décès villageois grille de dépouillement et apports », Les actes notariés, source de l’histoire sociale, XVIe-XIXe s., 1979, p. 188.
39 Contrat de vente du 27/10/1664, AD 95, 2E7/516.
40 « Le cheval du vigneron n’est pas le cheval du laboureur ; nulle indication de race, d’origine, nulle description, nulle hauteur au garot ne permet de trancher, mais le prix ne trompe pas. Le cheval du vigneron est un petit cheval […] alors que le cheval du laboureur doit avoir du Percheron ou du Boulonnais dans les veines. […] Signe particulier encore, le vigneron d’Argenteuil possède aussi bien un cheval qu’une cavale, et cela du XVIIe au xixe siècle », Marcel Lachiver, op. cit., 1982, p. 399.
41 09/01/1653, AD 95, 2E7/508.
42 23/08/1786, AD 95, 2E7/542.
43 Mercier, Le Tableau de Paris, t. 1, p. 873 ; une haridelle est un mauvais cheval maigre.
44 Le 12/03/1658, un cheval de 15 ans est estimé à 10 l., AD 95, 2E7/513 ; le 25/10/1676 « une beste azine femelle » avec son harnais à 18 l., AD 95, B95/832.
45 25/10/1676, AD 95, B95/832.
46 08/03/1710, AD 95, B95/834.
47 Jean-Marc Moriceau, op. cit., 1994, p. 283.
48 Marcel Lachiver, op. cit., 1982, p. 400.
49 Rapport de messier, B95/1362.
50 Bail du 27/08/1662, Sarcelles et Saint-Brice, AD 95, 2E7/515.
51 Bail du 20/05/1669, Saint-Brice, 2E7/519.
52 Bail du 22/02/1723, AD 95, Saint-Brice, 2E7/531.
53 « L’échelle du jardinier fruitier, pour cueillir les fruits sur les grands arbres à plein vent est longue de vingt piés et étroite, n’ayant que six pouces de large ou de longueur d’échellons en dedans des bras, de la place d’un pied seul, afin de la rendre plus légère et transportable ; c’est pourquoi on la fait ordinairement de longues perches de bois d’aulne qui sont droites et dont le bois est plus léger, les échelons toujours en chêne. Les pieds doivent être fort pointus pour entrer beaucoup dans la terre, et la rendre plus ferme, et point sujette à tourner », La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 117.
54 AD 95, 2E7/534, 26/10/1747, dans les dettes de l’inventaire après décès du marchand-fruitier Jean Langlois, il est dû 2 l. à un vannier pour « racommodage de pannier ».
55 La circulation des marchandises dans la France de l’Ancien Régime, 1997, p. VIII.
56 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 105.
57 Inventaire après décès, 18/09/1653, AD 95, 2E7/509.
58 La marchande de fruits et légumes, 1630, toile, 120 x 165 cm, musée du Louvre, Paris.
59 Marcel Lachiver, op. cit., 1982, p. 93- 99 et 405-410.
60 Une bêche.
61 Gobelin, op. cit., 1661, p. 199.
62 Bail du 22/11/1643, AD 95, 2E7/501.
63 Soit environ un mètre de profondeur pour une largeur comprise entre 1 m 30 et 2 m, Gobelin, op. cit., 1661, p. 20 ; Gentil, op. cit., 1704, p. 168 sqq ; Le Berryais, op. cit., 1775, p. 46.
64 À un demi pied du mur (6 pouces) pour Gentil, op. cit., 1704, p. 168.
65 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 85.
66 « Jean Mionceau, messier de la paroisse de Monlignon […] a trouvé le nomé Vileprin, sa f(emm)e et trois de ces enfants, vig(ner)on demt à St-Prix ceuillant des guignes à lui appartenante sur le terroir de St-Prix », rapport du 06/06/1762, AD 95, B95/1362 ; Montlignon, dépt. 95, arr. Pontoise, cant.
Saint-Leu-la-Forêt.
67 « Pierre Fery, messier d’Anguien y demt lequel a dit que ce jourd’hui […] il a rencontré les cueilleurs de Thomas Sauveau » marchand à Deuil, rapport du 09/08/1761, AD 95, B95/1362.
68 Inventaire après décès, 08/08/1750, AD 95, 2E7/530.
69 Crouler : secouer.
70 Rapport d’expert du 25/10/1681, Domont, AD 95, B95/832.
71 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 159.
72 Bail du 29/08/1701, AD 95, 2E7/529.
73 Bail du 20/02/1707, AD 95, 2E7/530.
74 « revenant d’entourer de pailles six pommiers », AD 95, B95/1280, 18/02/1784.
75 Liger, op. cit., t. 2, 1700, p. 182.
76 Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiés par la Société Royale d’Agriculture de Paris, année 1786, trimestre d’automne, p. 151.
77 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 82.
78 Ibid., p. 546.
79 Le Gendre, op. cit., 1652, « la greffe en escusson à oeil dormant se doit faire dans le décours de la lune de juin, de juillet, ou d’aoust », p. 52.
80 Abbé Pluche, op. cit., 1732, t. 1, p. 496.
81 Alletz, L’Agronome ou dictionnaire portatif du cultivateur, 1760, t. 1, art. « Lune », p. 662-663.
82 La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 219.
83 Ibid., t. 3, p. 368.
84 Mémoire de la Société d’agriculture de Seine-et-Oise, 14e année, 1813, p. 13.
85 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 27.
86 Almanach du laboureur, 1618, cité par Pierre Saintyves, op. cit., 1937, rééd. 1989, p. 36, ce dicton est encore présent dans La correspondance rurale de La Bretonnerie : « La lune pâle et trouble annonce la pluie ; est-elle rouge, c’est du vent ; est-elle brillante, c’est du beau temps », 1783, t. 1, p. 454.
87 La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 454.
88 Alletz, op. cit., rééd. 1784, p. 270.
89 Pierre Saintyves, op. cit, 1937, rééd. 1989, p. 104-129.
90 Hervé Drevillon, Lire et prédire l’avenir, 1996, p. 14.
91 Mollet, op. cit., 1670, p. 224-225.
92 Ibid, p. 232.
93 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 546.
94 « La raison pourquoy il faut tailler et arrester les Arbres au temps de la pleine lune, les Astrologues la sçavent mieux que moy ; ma pensée est que la lune estant lors dans sa grande force sur nostre hémisphère (ce qui se preuve sensiblement par la pleineur de la moelle aux os des oizeaux, en la pleineur entière aussi de leurs oeufs, et en la quantité de ceux des poissons de ce temps-là) les Arbres en ont plus de sève, laquelle estant arrestée par la taille, demeure en eux, y agit puissamment et doucement et contribue ainsi entr’autres effets à la formation et production de leurs boutons à fruits », Laurent, op. cit., 1675, avant propos non paginé.
95 Hervé Drevillon, op. cit., 1996.
96 Ibid., p. 251.
97 Duhamel du Monceau, op. cit., 1764, t. 1, p. 383.
98 Ibid., p. 392.
99 Bail du 13/02/1664, Piscop, AD 95, 2E7/516.
100 La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 171.
101 Ibid, t. 2, p. 17.
102 Plainte du 19/05/1704, AD 95, B95/1288.
103 Venette, op. cit., 1683, p. 70.
104 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 120.
105 Arlette Farge, op. cit., 1986, p. 236-240.
106 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 804.
107 Ibid., 1690, rééd. 1999, p. 808.
108 Liger, op. cit., 1700, t. 2, p. 167.
109 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 48.
110 Liger, op. cit., 1700, p. 169.
111 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 49.
112 Un rapport lu devant la Société d’Agriculture de Seine-et-Oise dans sa séance du 2 juin 1818
reconnaît que « dans les temps ordinaires, ils commencent, aux environs de Paris, vers la mi-juillet, à écussonner les pruniers, les poiriers et les épines. La greffe sur cognassiers, merisiers, cerisiers, pommiers et fortes tiges d’amandiers, a lieu dans le courant d’août. On ne place les écussons sur les jeunes pêchers et amandiers qu’en septembre », Mémoire de la Société d’Agriculture de Seine-et-Oise, 18e année, 1818, p. 112.
113 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 806.
114 Liger, op. cit., 1700, t. 2, p. 172.
115 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 25.
116 Seul l’abbé Le Berryais parle de cet outil, ibid., p. 32.
117 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 44.
118 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 32.
119 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 60.
120 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 813.
121 Bail du 28/02/1710, Enghien, AD 95, 2E7/143.
122 Ariane Bruneton-Governatori, op. cit., 1984, p. 108.
123 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 193-194.
124 Bail du 16/03/1720, AD 95, 2E7/148.
125 Bail du 27/12/1710, AD 95, 2E7/143.
126 Rapport du 06/04/1691, AD 95, B95/1178.
127 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 37.
128 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 38.
129 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 68.
130 Louis Lecompte et Joseph Denise, vignerons à Enghien, doivent planter deux pièces de terre en vigne « et bien entretenir icelle pendant led. temps et pendant lequel ils y metteront des égrains et dousserains de pommiers qu’ils esleveront dans lesd. pièces et les rendront greffer quatre ou cinq ans avant l’expiration » d’un bail de 18 ans, bail du 24/08/1710, Enghien, AD 95, 2E7/143.
131 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 818.
132 Mollet, op. cit., éd. de 1670, p. 75.
133 Dahuron, op. cit., 1696, p. 25 ; Liger, op. cit., 1700, t. 2, p. 14.
134 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 15.
135 Calvel, op. cit., an XI-1803, p. 141.
136 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 19.
137 Triquel, op. cit., 1653, p. 73.
138 «Mille maladies, mille dangers, mille ennemis menacent les arbres. Prudent jardinier, écartez d’eux les malheurs qu’ils ne méritent pas ! », Rapin, op. cit., 1665, traduction Voiron et Gabiot, 1782, p. 252.
139 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 12.
140 Triquel, op. cit., 1653, p. 24.
141 Ibid., p. 58.
142 Saussay, op. cit., 1722, p. 15.
143 Liger, op. cit., 1700, t. 2, p. 79.
144 Combles, op. cit., éd. de 1770, p. 149-153.
145 La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 189.
146 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 4, 11 et 13.
147 Dahuron, op. cit., 1696, p. 130.
148 Liger, op. cit., 1700, t. 2, p. 3.
149 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 778.
150 Combles, op. cit., éd. de 1770, p. 152.
151 « Autant la nécessité de fumer la terre est reconnue par tous les agronomes quand il s’agit de la culture des céréales ou des légumes […] autant la fumure de la vigne est une question controversée ; en gros, on peut dire que tous les spécialistes condamnent l’emploi du fumier dans les vignes mais pour aussitôt l’admettre comme un mal nécessaire », Marcel Lachiver, op. cit., 1982, p. 50.
152 Alain Corbin a étudié l’image malsaine que pouvait avoir la terre, la nature de décomposition du fumier a pu renforcer cette image. Alain Corbin, op. cit., 1982, rééd. 1986, p. 25-30.
153 Mozard, op. cit., 1814, p. 15.
154 Rapport du 24/12/1694, AD 95, B95/1185.
155 Rapport du 02/05/1698, AD 95, B95/1193.
156 Bail du 03/01/1642, AD 95, 2E7/500.
157 Bail du 21/05/1658, AD 95, 2E7/513.
158 Bail du 12/11/1660, AD 95, 2E7/88.
159 Baux du 14/10/1660, 03/01/1660 et 09/01/1660, AD 95, 2E7/88.
160 Schabol, op. cit., 1770, t. 1, p. 77.
161 Article 34 du cahier de doléances de Bagnolet, Cahiers de doléances de l’actuelle Seine-Saint-Denis, 1989, p. 39.
162 Bail du 25/12/1710, AD 95, 2E7/143.
163 Le jardinier prévoyant…, 1770, p. 19.
164 Bail du 20/05/1669, AD 95, 2E7/519.
165 Bail du 19/11/1690, AD 95, 2E7/527.
166 Bail du 21/02/1679, AD 95, 2E7/523.
167 Bail du 29/12/1687, AD 95, 2E7/526.
168 Bail du 10/04/1690, 2E7/125.
169 Bail du 06/07/1694, AD 95, 2E7/528.
170 Lorsque Le Gendre traite des arbres en plein vent nettoyés et déchargés, il entend débarrassés de la mousse et des vieilles écorces, op. cit., 1652, p. 212.
171 Un bail du 12/03/1749 cite nommément la destruction du gui dans l’entretien des arbres fruitiers, AD 95, 2E7/535.
172 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 211.
173 « à la charge par ledit preneur de ne laisser aucune bouture au pied des arbres », bail du 27/12/1769, AD 95, 2E7/537.
174 Marcel Lachiver, op. cit., 1997.
175 Thierry Delahaye et Pascal Vin, op. cit., 1994, p. 25.
176 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 80.
177 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 187-188.
178 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 82.
179 J. P. Pictet-Mallet, op. cit., an XI-1803, p. IV.
180 Bail du 09/05/1630, AD 95, 2E7/46.
181 Paul M. Bondois, « La protection des jardins et des cultures au xviiie siècle. La première loi d’échenillage de 1732 », Revue d’histoire économique et sociale, 1926, p. 449.
182 Article n° 8 du règlement de police de Domont, AD 95, B95/832.
183 Paul M. Bondois, art. cit., 1926, p. 447-457.
184 30/--/1680, AD 95, B95/832.
185 Merlet, op. cit., 1667, p. 91.
186 Alain Corbin, op. cit., 1982, rééd. 1986, p. 76 ; « la fonction thérapeutique des odeurs […]
aromates et parfums, ainsi que certaines odeurs nauséabondes qui possèdent aussi leur valeur thérapeutique, tiennent une large place dans les pharmacopées […] Les racines de la croyance en la vertu des parfums plongent dans l’Antiquité ; les médecins du xviiie siècle se réfèrent à Hippocrate et à Galien, bien sûr, mais plus encore à Criton dont Aétius rapporte que toute sa thérapeutique était fondée sur l’emploi des aromates. La proximité du cerveau explique la rapidité et la puissance de l’action des odeurs inhalées », ibid., p. 72-73.
187 Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiés par la Société Royale d’Agriculture de Paris, année 1787, trimestre de printemps, p. 106-111.
188 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 85-86.
189 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 155.
190 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 86.
191 Ibid., p. 86.
192 AN, LL 28, fol. 131 V°, 28/06/1673, cité par Jeanne Ferté, op. cit., 1962, p. 337.
193 Ibid., 1962, p. 337 et 338.
194 XIIIe centenaire de Saint Fiacre. Actes du congrès de Meaux (1970), 1972.
195 Voir note en bas de page d’un manuscrit anonyme sur le pêcher conservé aux Archives Nationales, « les jardiniers lui ont donné ce nom par ce que St Fiacre est leur patron », non paginé, AN, F10258.
196 Le temps des jardins, 1992, p. 386-395.
197 Marie Grezes-Bakchine, « l’homme et l’abeille selon la Nouvelle Maison rustique », L’homme, l’animal domestique et l’environnement du Moyen Âge au xviiie siècle, 1993, p. 193-203 ; Bazin, Histoire naturelle des abeilles, 1744.
198 William Wheeler, op. cit., 1998, p. 120.
199 Liger, op. cit., 1700, t. 1, p. 440.
200 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 45.
201 Requête adressée au prévôt de Domont, 22/06/1731, AD 95, B95/835.
202 Rapport du 06/04/1691, AD 95, B95/1178.
203 Bail du 13/06/1658, AD 95, 2E7/513.
204 Bail du 26/12/1760, AD 95, 2E7/184.
205 Bail du 03/12/1751, AD 95, 2E7/535.
206 Bail du 24/09/1790, AD 95, 2E7/544.
207 Bail du 29/11/1740, AD 95, 2E7/532.
208 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 164.
209 Bail du 03/10/1782, AD 95, 2E7/541.
210 Bail du 31/03/1760, AD 95, 2E7/167.
211 Article n° 7 du règlement de police de Domont, AD 95, B95/832.
212 Bois-d’Arcy, dépt. 78, arr. Versailles, cant. Saint-Cyr-l’École.
213 Article 4 du cahier de doléances de Bois-d’Arcy, Jean-François Thénard, éd., op. cit., 1889, p. 69.
214 Bailly, dépt. 78, arr. Saint-Germain-en-Laye, cant. Saint-Nom-la-Bretèche.
215 Cahier de doléances de Bailly, Jean-François Thénard, éd., op. cit., 1889, p. 98.
216 Viroflay, dépt. 78, arr. Versailles, ch. l. cant.
217 Cahier de doléances de Viroflay, ibid., p. 261.
218 Article 2 du cahier de doléances de Saint-Brice, cité par Madelaine Héry, op. cit., 1987, p. 45.
219 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 125.
220 L’abbé Pluche, op. cit., 1735, t. 2, p. 121.
221 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 693.
222 Gentil, op. cit., 1704, p. 113.
223 Schabol, op. cit., 1770, t. 1, p. 161.
224 La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 197.
225 Marcel Lachiver éd., art. cit., 1982-1983, p. 113-154.
226 Marcel Lachiver, Les années de misère, 1991.
227 Saussay, op. cit., 1722, p. 228.
228 Ibid., p. 229.
229 Rapport de visite du 10/10/1709, AD 95, B95/1205.
230 13 juillet 1788, Jacques Bernet, éd., op. cit., 2000, p. 167-168.
231 Le livre de raison de vignerons de Chanteloup édité par Marcel Lachiver est littéralement scandé par les notations des gelées et des sécheresses, de grêles dévastatrices et de pluies estivales salvatrices, art. cit., 1982-1983, p. 113-154.
232 Saussay, op. cit., 1722, p. 85.
233 Schabol, op. cit., 1767, article « Abri ».
234 Jean Tricart, op. cit., 1948, p. 97.
235 Triquel, op. cit., 1653 p. 46.
236 Ibid., p. 46.
237 Gobelin, op. cit., 1704, p 37.
238 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 14.
239 Catalogue […] des Chartreux, 1785, p. 16.
240 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 119.
241 Schabol, op. cit., 1767, articles « Auvent », « Brise-vent » et « Paillasson » ; Sonnini, Veillard et Chevalier, Vocabulaire portatif d’agriculture, 1810, p. 228-229.
242 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 120-121.
243 La Bretonnerie, op. cit., t. 2, 184, p. 221.
244 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 684.
245 Avant lui, les figuiers en caisse étaient abrités dans les orangeries ; Bonnefons, op. cit., 1651, p. 72.
246 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 682-683.
247 Rapport du 19/06/1691, AD 95, B95/1178.
248 Voyage de Lister à Paris en MDCXCVIII, p. 200.
249 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 231-232.
250 La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 197.
251 Edmond Juignet, La culture du figuier à Argenteuil et dans le nord de la France, Argenteuil, 1909.
252 La Bretonnerie, op. cit., 1783, t. 1, p. 198.
253 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 774.
254 Ibid., p. 775.
255 Cette description d’une fruiterie idéale résume le chapitre IX de la cinquième partie de l’Instruction pour les jardins fruitiers ; La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 774-785.
256 « Servons-nous de bons matelats, ou de bonnes couvertures de lit bien velues, ou de beaucoup de mousse bien sèche, pour y mettre nos fruits si bien à couvert que la gelée ne les puisse atteindre », La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 778.
257 Inventaire après décès, 28/09/1674, AD 95, 10 J 31.
258 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 778.
259 Inventaire après décès, 10/01/1760, AD 95, 2E7/184.
260 Émile Huet éd., art. cit., 1908, p. CXXXVII-CXXXVIII.
261 « Deux sommes de poires de Cailloy estant dans quatre grands panniers et un tas des memes poires qui peuvent faire une somme le tas dans un bouge bas de la maison », rapport du 30/09/1699, AD 95, B95/1195.
262 Inventaire après décès de l’épouse d’un vigneron, 02/04/1681, Saint-Brice, AD 95, 2E7/523.
263 Lors d’une perquisition dans un domicile, le bailli d’Enghien découvre « plusieurs tonneaus remplys de pommes de différentes espèces », rapport du 17/08/1699, AD 95, B95/1195.
264 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 89-94.
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Éric Roulet
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2008