Chapitre I. Le goût de l’arboriculture et du fruit
p. 27-84
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Texte intégral
« Il y a des misères sur terre qui saisissent le cœur ; il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver, ils appréhendent de vivre. L’on mange ailleurs des fruits précoces ; l’on force la terre et les saisons pour fournir à sa délicatesse… »
La Bruyère, Les caractères, (VI. 47).
« … jamais on ne travailla tant après cette plus noble et plus agréable partie de l’Agriculture que l’on fait depuis quelque temps. Il n’y a personne qui ne parle de fruitiers ; il n’y a que ceux qui n’ont point de terre qui ne plantent point ; et ceux-là mesmes ne laissent pas d’en discourir, et de se divertir en voyant les fruits et les arbres bien tenus dans les jardins des autres1 ».
1Noble, agréable, discourir et divertir, cet extrait de la préface de La manière de cultiver les arbres fruitiers pose d’emblée la spécificité psychosociologique de l’arboriculture fruitière à l’époque moderne. Le fruit et l’arbre fruitier doivent être replacés dans un environnement mental et des pratiques culturelles qui entretiennent et accompagnent l’expansion des cultures fruitières dans les villages circumparisiens. On plante, on greffe, on taille de Port-Royal-des-Champs aux maisons de plaisir des bourgeois parisiens. On parcourt son jardin fruitier-potager avec ses hôtes, on en déguste les fruits et on les offre. Honnêteté, plaisir licite et propreté2, le fruit accapare toutes les vertus et devient même gage de santé au détriment de l’ancienne diététique.
2La multiplication des traités sur la culture des arbres fruitiers à partir de la seconde moitié du xviie siècle révèle cet engouement ainsi qu’une réelle pensée agronomique largement occultée par nos préjugés sur la futilité du jardinage du Grand Siècle. Les auteurs de ces traités, les amateurs qu’ils citent et les lecteurs qu’ils recherchent, nous permettent de dresser une typologie socioculturelle des « arboristes3 » ou de ceux qui prétendent l’être. En effet, la réelle curiosité voisine avec le conformisme social dans l’élaboration du bon goût à avoir en matière d’arboriculture fruitière nourrissant une hiérarchie des fruits, mouvante pendant deux siècles, entre ceux à la mode et ceux vulgairement communs. Le goût des fruits, enfin, est aussi celui de sa consommation, de l’élaborée confiture au fruit frais croqué à pleines dents.
Les traités sur la culture des arbres fruitiers : un révélateur
3À partir de la Bibliotheca botanica4 de Séguier et de la Bibliographie agronomique de Musset-Pathay5, croisées avec le catalogue des collections de la Bibliothèque Nationale de France, et avec les études de Georges Gibault6 et d’André-Jean Bourde7, il est possible de recenser les traités sur la culture des arbres fruitiers dans leur première édition en langue française à l’époque moderne ainsi que la fréquence significative des rééditions. Pour ne pas les noyer dans le flot des traités sur le jardinage, il est plus évocateur de ne considérer que les ouvrages traitant exclusivement ou principalement de l’arboriculture fruitière ; ainsi les Nouvelles maisons rustiques et autres dictionnaires d’agriculture n’ont pas été pris en compte.
Deux périodes fastes, le Grand Siècle et la seconde moitié du xviiie siècle
4Il faut attendre la seconde moitié du xviie siècle pour que de nombreux traités consacrés principalement à l’arboriculture fruitière soient imprimés en France. Bien sûr La maison rustique d’Estienne et Liebault traite du verger dès le troisième livre8, et Olivier de Serres lui consacre le sixième lieu de son Théâtre d’agriculture, mais il s’agit de traités généraux. Le xvie siècle connaît bien quatre petits traités imprimés en français consacrés à la greffe, et à la conduite des arbres fruitiers, mais l’un n’est qu’une traduction de l’Art d’enter, planter et cultiver jardins de l’Italien Pietro di Crescenzi (xiie siècle) par Nicolas du Mesnil9, et un autre est plus proche des secrets d’un grand Albert que d’un traité d’arboriculture10. Par contre le traité du frère David Brossard de l’abbaye Saint-Vincent du Mans et celui de l’avocat bordelais Arnauld Landric préfigurent, par la clarté des explications, la revendication d’une réelle et longue pratique de l’arboriculture, et le refus des secrets11, les ouvrages du Grand Siècle, d’autant plus que les principales manières de greffer y sont déjà décrites. À ces quatre petits traités il convient d’ajouter la traduction en français, par Jacques de Cahaignes, du De vino et pomaceo de Julien Le Paulmier12. Dans le chapitre VIII13 sont recensées plus de quatre-vingt-dix variétés de pomme à cidre cultivées en Normandie, offrant une véritable pomologie qui, en utilisant la couleur, le goût, la grosseur et la période de maturité de consommation pour classer les fruits, annonce celles de la seconde moitié du xviie siècle qui s’intéresseront, il est vrai, à des espèces jugées plus nobles. Ce chiffre de cinq traités est à rapprocher de l’unique nouveau titre paru entre 1601 et 165014, et surtout des dix-sept nouveaux titres de la période 1651-1700.
5Ce mouvement continue avec douze nouveaux titres de 1701 à 1750 pour culminer à cinquante-deux nouveaux traités entre 1751-1800. Dans cette dernière période, la fièvre de l’agromanie des élites rejoint la mode du jardinage, les ouvrages scientifiques de Duhamel du Monceau voisinant avec les traités sur la culture des pêchers. En tout, la période allant de 1551 à 1800 a connu la publication, en français, de plus de quatre-vingt traités différents consacrés entièrement ou principalement aux arbres fruitiers avec deux périodes particulièrement fécondes : la seconde moitié du xviie et le renouveau de la seconde moitié du xviiie siècle.
Figure n° 1 : Nombre de traités sur la culture des arbres fruitiers publiés en français à l’époque moderne

6La multiplication des nouvelles publications, à laquelle il faut ajouter les nombreuses rééditions jusqu’à la Révolution, est révélatrice de la mode de l’arboriculture fruitière et des préoccupations des amateurs de cultures fruitières et de jardinage. Plus précisément, l’étude des premières éditions met en valeur un décollage de cette mode qui correspond au début du règne de Louis XIV avec la publication en 1651 du Jardinier françois de Nicolas de Bonnefons, en 1652 de La manière de cultiver les arbres fruitiers de Le Gendre et, en 1667, de L’abrégé des bons fruits de Merlet qui tente d’écrire une pomologie, pour ne citer que les principaux et plus novateurs des traités. Le jardinier françois en est déjà à sa neuvième édition en 1673, et L’instruction pour les arbres fruitiers de René Triquel, publiée pour la première fois à Paris en 1653, est rééditée en 1655, 1658, 1659, 1664, 1673, 1676 et, avec le traité de Le Gendre, en 1671 et 1684. Ces nombreuses rééditions, ainsi que les rapides traductions en langues étrangères15, témoignent du très grand succès des traités horticoles français et de l’engouement européen pour les cultures fruitières.
7Cette première période d’une arboriculture aristocratique européenne est couronnée par la somme posthume de La Quintinie publiée en 169016. Ces leçons sont prolongées au début du xviiie siècle par de « nouveaux » traités qui ne sont bien souvent que des plagiats des traités du siècle précédent à l’image de La nouvelle maison rustique (1700), du Nouveau théâtre d’agriculture (1713) et du Nouveau jardinier françois (1711) tous signés Liger.
8Il faut attendre la seconde moitié du xviiie siècle pour voir apparaître des traités plus novateurs comme ceux de Duhamel du Monceau œuvrant pour une meilleure connaissance de la physiologie végétale, ou les traductions en 1768 de la Pomologie et de la Fructologie du Hollandais Jean- Herman Knoop. Alors que les traités horticoles français étaient rapidement traduits en langues étrangères au xviie et au début du xviiie siècle, après 1750 ce sont les traductions, en langue française, d’ouvrages horticoles étrangers qui deviennent plus fréquentes17, la jardinomanie rencontrant l’anglomanie. Parallèlement se multiplient les traités entièrement consacrés à une seule espèce fruitière. Alors que le xviie siècle réservait ce type d’ouvrage aux arbres exotiques tels que les citronniers ou les orangers18, le xviiie l’élargit aux pêchers, pommiers, poiriers, châtaigniers, amandiers, figuiers, cassis et oliviers19. Enfin, de Merlet au Traité des arbres fruitiers20, la volonté de fixer les noms des variétés qui souffrent de la grande diversité des appellations locales, et la multiplication au xviiie siècle des catalogues des pépiniéristes, des révérends pères chartreux comme des particuliers, donnent un nombre non négligeable d’ouvrages répondant et alimentant la mode de l’arboriculture fruitière.
9À ces publications, il faudrait pouvoir ajouter les manuscrits, peut-être nombreux, qui ont pu circuler entre les amateurs de jardinage. Dans la préface de son Dictionnaire pour la théorie et la pratique du jardinage, l’abbé Roger Schabol informe ses lecteurs que « plusieurs morceaux faisant partie de tout l’ouvrage, même des Traités entiers, ont été par lui communiqués à nombre de curieux parmi les personnes du plus haut rang, qui les ont fait copier de son consentement21 ». Cette communication de manuscrits sur les cultures fruitières était déjà annoncée dans Le spectacle de la Nature par l’ecclésiastique rédigeant un mémoire sur la greffe et un sur la taille pour l’instruction du jeune héros22. D’ailleurs certains traités ont été publiés à partir de manuscrits retrouvés chez des amateurs.
« Après la mort de Mr Vautier, premier Medecin du Roy, on a trouvé au nombre de ses livres qu’il cherissoit le plus, ce manuscrit, qui traitte de la façon et facilité de bien planter, cultiver, tenir, et entretenir toutes sortes d’arbres en espaliers, contre-espaliers, hayes d’apuy, buissons, arbre de haute tige, ou en plein vent […] et désirant servir le public, et contenter des personnes illustres qui (l)’ont convié de le mettre souz la presse23 »,
10le libraire parisien Antoine Bertier fait imprimer ce texte qu’il attribue à René Triquel. C’est aussi à partir des manuscrits de Roger Schabol qu’Antoine-Nicolas Dezallier d’Argenville mettra en forme La pratique24 et La théorie du jardinage25 après le décès de cet abbé amateur d’arboriculture fruitière.
Le type du traité sur les cultures fruitières
11Ces traités d’agriculture peuvent se répartir en deux groupes. L’un concerne des traités pratiques, facilement consultables, imprimés dans un format de poche revendiqué pour pouvoir les feuilleter directement dans son jardin et surveiller le travail de ses jardiniers ; Bonnefons et son Jardinier françois, La culture des arbres fruitiers de Le Gendre, l’Abrégé des bons fruits de Merlet peuvent être rangés dans cette catégorie. Les autres sont pensés comme une somme à étudier dans son cabinet, comme une œuvre scientifique à prétention littéraire, et vice-versa, tels l’Instruction de La Quintinie et le Traité des arbres fruitiers de Duhamel du Monceau.
12D’un traité à l’autre, préface, épître, avis au lecteur ou avis du libraire offrent les mêmes lieux communs. Tous revendiquent une réelle et longue pratique de l’arboriculture et le souci d’être utile à leurs contemporains qui, forcément, attendaient leur traité. D’ailleurs, par coquetterie d’auteur, c’est à la demande pressante de ces derniers qu’ils prétendent avoir écrit ces traités tout en se défendant de vouloir donner des leçons mais plutôt des conseils obligatoirement pleins de bon sens car fruit d’une longue expérience !
Figure n° 2 : Un exemple de plagiat, la vraie fausse nouvelle instruction pour la culture des figuiers

13Insistant sur la nouveauté du traité, les auteurs feignent d’ignorer les autres titres contemporains26, ou leur dénient tout intérêt, mais le plagiat et « les emprunts » sont flagrants. Ainsi la Nouvelle instruction pour la culture des figuiers n’est en rien nouvelle n’étant qu’une copie « de la conduite ou culture des figuiers » de l’Instruction de La Quintinie. Ce traité faussement anonyme, est sûrement une opération commerciale de l’imprimeur parisien Charles de Sercy, spécialisé dans les traités d’horticulture mais qui, justement, n’a pas l’œuvre de La Quintinie dans son catalogue. Il faut attendre la seconde moitié du xviiie siècle pour que des auteurs contemporains soient plus systématiquement cités comme références selon une nouvelle rigueur scientifique : les abbés Rozier et Schabol, Duhamel du Monceau, les Anglais Miller et Hull.
14Le plan de ces traités n’est guère plus original que les préfaces. Logiquement ces ouvrages débutent fréquemment par des considérations générales sur la nature de la terre et ses prédispositions pour telle espèce fruitière, suivies par la question du fumier et de l’exposition, pour se terminer par la récolte des fruits et leur conservation. Entre les deux, des chapitres s’intéressent à la pépinière/bâtardière, à la plantation et au greffage de l’arbre, d’autres à la taille et à la conduite de l’arbre fruitier, sans oublier la sélection des meilleures espèces et variétés à cultiver.
La Quintinie : un symbole encensé, bientôt condamné et aujourd’hui réhabilité
15Souvent pillé, parfois cité, La Quintinie27 reste la référence jusqu’à la fin du règne de Louis XV pour qui veut écrire un traité d’arboriculture :
« Quoique plusieurs Auteurs ayent déjà écrit sur cette matière, je crois pouvoir dire qu’elle n’a jamais été ébauchée, et qu’aucun d’eux n’en a fait une étude suffisante pour pouvoir servir de guide ; cependant j’en excepte, à juste titre, M. de la Quintinie, qui a donné des règles fort judicieuses fondées sur l’expérience et sur le bon raisonnement28 ».
16Mais les dernières décennies de la France moderne lui sont hostiles, jusqu’à le transformer pendant la Révolution en symbole de la futilité et de l’aspect contre nature de l’Ancien Régime. Face à la découverte de la manière de conduire les arbres à la Montreuil, les préceptes du jardinier du roi sont de plus en plus critiqués. « On commençoit déjà à Montreuil d’avoir une pratique supérieure pour la taille et la culture des arbres fruitiers, mais La Quintinie, directeur des jardins du Roi, qui en avoit une particulière, quoique très fautive, ne voulut pas s’en détacher29 » ; cette attaque contre le jardinier du roi est d’autant plus forte que l’Instruction pour les jardins fruitiers est avant tout un traité sur la taille. L’article « fumier » est l’occasion pour Roger Schabol de critiquer La Quintinie et de conclure sur une note d’humour que l’« on peut dire des bons jardiniers en général, sans taxer personne [sic], qu’ils sont aussi rares que les bons directeurs des consciences : un entre dix mille, dit-on30 » ! Les « anti-quintinistes » des xviiie et xixe siècles adressent trois principaux reproches au directeur des jardins fruitiers et potagers du roi : une taille trop courte, son hostilité à l’utilisation du fumier pour les arbres fruitiers, et le retrait de tout le chevelu des racines avant de planter l’arbre31.
17De nos jours, les historiens de l’agronomie ont redonné une place de choix à La Quintinie. Seul auteur d’un traité du xviie siècle considéré comme agronomique et cité comme étant digne de paraître entre Le Théâtre d’agriculture et la Nouvelle maison rustique, La Quintinie devient même « le plus grand agronome de son siècle32 » dans une réédition critique de La manière de cultiver les arbres fruitiers, et « un chercheur agronome et un intellectuel33 » dans une réédition de son Instruction pour les jardins fruitiers et potagers.
18Cette condamnation et cette réhabilitation, sans doute excessives, tiennent plus au symbole qu’il représente qu’au contenu de l’œuvre. Jardinier courtisé par les aristocrates français34 et européens, créateur du potager royal de Versailles, maître d’élèves jardiniers propageant bientôt ses techniques, auteur d’un traité de plus de mille pages, alors que ses contemporains ne publient que de petits traités pratiques, l’homme cumule tous les attributs pour devenir un emblème qui occulte les traités réellement novateurs des années 1650 et les premières pomologies. Ainsi Georges Gibault, contribuant à la réhabilitation de La Quintinie au tout début du xxe siècle, le présente comme ayant « donné une impulsion très vive à l’arboriculture fruitière et attiré l’attention sur l’importance de la taille des arbres, que d’autres, par la suite, ont perfectionnée35 », cependant ces propos méritent d’être fortement discutés tant les traités de Bonnefons (1651) et de Le Gendre (1652) tentent de vulgariser l’art des espaliers, induisant obligatoirement une réflexion sur la taille bien avant celle du jardinier du roi.
19Dans les années 1960, présentant L’instruction, André-Jean Bourde fixe ce qui est communément admis de nos jours sur La Quintinie. Sa conclusion est donc particulièrement révélatrice. À la question essentielle de savoir « comment apparaît en définitive, l’importance de l’œuvre de La Quintinie », il apporte la réponse suivante :
« En fait, au xviie siècle elle n’a qu’un rival. C’est le Théâtre d’agriculture. […] Même si les demandes pratiques sont erronées, même si les déductions sont inexactes, l’esprit qui guide La Quintinie est celui de la méthode, de l’observation, de l’expérimentation. À ce point de vue, son travail se situe sur un plan supérieur à celui des autres travaux assez nombreux, qui l’accompagnent à son époque36 ».
20Outre la discutable comparaison entre un traité sur une culture particulière et un traité d’économie rurale générale, d’autant plus qu’Olivier de Serres n’a pas traité de l’espalier, cette conclusion sous-estime les traités qui ont précédé la somme de La Quintinie. En effet la méthode, l’observation et l’expérimentation caractérisent déjà les traités de Le Gendre, Bonnefons ou Merlet. Il me semble donc plus juste de présenter l’Instruction comme l’aboutissement d’un demi-siècle de réflexion et d’améliorations arboricoles que comme un traité novateur, et de mettre l’accent sur les premiers traités d’une arboriculture plus « scientifique » des années 1650-1660, fruit des expériences liées à l’engouement pour les jardins du premier xviie siècle.
21De plus, si l’on fait abstraction d’un style pompeux et boursouflé marqué par l’esprit courtisan, le principal défaut de sa volumineuse Instruction réside dans la multiplication des redites rendant difficile son utilisation ; on peut, à juste titre, se demander si ce traité est vraiment achevé quand décède La Quintinie. Quatre-vingts ans après sa première publication, l’abbé Le Berryais fait une présentation particulièrement pertinente de ce traité :
« Monsieur de la Quintinye, Père du jardinage François, est le seul qui ait fait sur cette matière un traité complet, digne de l’estime universelle dont il est en possession, rempli d’excellentes règles, et de principes solides et féconds. Mais ses instructions noyées dans les mots, souvent obscurcies par la prolixité même, isolées dans deux volumes enflés par de fréquentes disgressions et des répétitions multipliées, ne peuvent être que soupçonnées ou entrevues par une simple lecture : de sorte que cet ouvrage n’est utile qu’au petit nombre de ceux qui ont le courage d’en faire plusieurs lectures avec l’application nécessaire pour rapprocher les parties éparses des leçons de ce grand Maître37 ».
La mauvaise réputation agronomique des traités de jardinage du Grand Siècle
22Ces nombreuses publications ont mauvaise réputation. « L’agronomie est en sommeil » entre 1600 et 1750 peut-on lire dans la dernière synthèse sur l’agronomie en France38. Dans l’Histoire de la France rurale, Jean Jacquart, s’appuyant sur les travaux de Jean Meuvret39 et d’André-Jean Bourde40, se dit « frappé de la presque disparition de la littérature agronomique originale pendant tout le xviie siècle et même jusqu’à la parution du Traité de la culture des terres de Duhamel du Monceau (1750) », tout en reconnaissant que « les traités nouveaux abondent, en revanche, dans domaine de l’horticulture et de l’arboriculture » mais il ne les considère pas comme de « véritables traités d’agriculture41 ».
23Ces traités sur la culture des arbres fruitiers sont victimes d’une histoire rurale française qui a surtout scruté les emblavures et qui a recherché les sources susceptibles de fournir des arguments pour alimenter un débat sur l’existence d’une révolution agricole surtout posée en terme de rendements céréaliers. N’est-ce pas, en outre, abusif de juger ces traités, qui sont pensés pour une culture spécifique, à l’aune du traité général d’Olivier de Serres, et des productions ultérieures qui marquent un renouvellement de la pensée agronomique ? Les traités du xviie siècle pâtissent ainsi du grand prestige intellectuel et scientifique de la seconde moitié du xviiie siècle, alors qu’ils ne sont pas dépourvus d’une certaine ambition scientifique : simplement « les conceptions de ce qui est scientifique et de ce qui ne l’est pas peuvent alors être fort éloignées des nôtres42 ». Enfin le style ampoulé et verbeux de certains ouvrages comme l’Instruction de La Quintinie, l’aspect répétitif des traités donnant une désagréable impression de déjà « lu », et le fréquent plagiat, n’ont pas contribué à améliorer une réputation peu flatteuse et entachée de la « frivolité » et de l’« égoïsme » des privilégiés du Grand Siècle.
24Cette opprobre jetée sur les traités de jardinage est sensible dès la fin du xviiie siècle et durant la Révolution française, ce qui pourrait expliquer, en partie, l’évolution des traités horticoles vers un style plus sec, plus pratique et concret où les effets littéraires et les considérations générales sur les joies d’un jardinage, divertissement de l’honnête homme, laissent le pas à l’utilitarisme et à une rigueur qui se veut scientifique. La Bretonnerie écrit son École du jardin fruitier pour « essayer de contribuer à l’utilité de ses concitoyens43 ». C’est dans ce contexte de redéfinition du traité sur les arbres fruitiers que se développe l’éloge de la conduite à la Montreuil opposée à l’ancienne et aristocratique horticulture de cabinet. Pour répliquer à la dévalorisation ambiante du jardinage divertissement, Jean Mozard conçoit son livre, publié en 1814 sous la première Restauration il est vrai, comme
« une réponse énergique à ces hommes superficiels, qui n’approfondissent rien, regardent la culture des arbres à fruits comme une espèce d’enfantillage, comme un délassement futile de l’opulente oisiveté, comme l’espèce de culture qui offre le moins de ressource et qui prête peu au talent44 ».
25La même année, un mémoire adressé au Ministre de l’Intérieur stigmatise les « arbres fruitiers, d’agrément à demi-tige, quenouille, espaliers, nain, etc. [qui] ne sont [que] des enfans de luxe45 ».
26Malgré cette mauvaise réputation, les ouvrages du Grand Siècle recèlent bien une réelle pensée agronomique46 qui « s’attache à la description précise, à l’explication et à l’amélioration des techniques de culture47 », avec une réflexion sur la taille des arbres afin d’améliorer les récoltes et sur l’utilisation des murs pour créer un microclimat, avec des chapitres consacrés aux avantages et inconvénients des porte-greffe et des différentes manières de greffer, aux rapports entre la nature du sol et les espèces fruitières, le tout dans un réel souci vulgarisateur48 d’apprendre à conduire un arbre en espalier. Le volumineux traité de La Quintinie est avant tout un traité sur la taille et sur ses bienfaits sur l’arbre et ses fruits.
« La beauté des arbres, l’abondance et la beauté des fruits dépendent […] principalement de bien tailler et bien conduire certaines branches qui sont en même temps grosses et bonnes, et de retrancher entièrement celles qui sont grosses et mauvaises49 » :
27améliorer la productivité de l’arbre et accélérer la fructification sont bien des préoccupations agronomiques.
28L’arboriculture fruitière du Grand Siècle, telle qu’elle apparaît dans ces traités, pourrait se résumer à deux aspects relevant de l’agronomie : la sélection des variétés fruitières et la taille. Les développements réservés à la taille dans les traités horticoles du xviie siècle témoignent de l’existence d’une véritable réflexion agronomique. Bien que présentée dans des traités de jardinage appliquant les canons du jardin architecturé dit à la française, cette opération ne saurait se résumer à une taille de formation pour donner une belle figure à l’arbre, elle est aussi une taille de fructification. Les controverses sur la manière de tailler les arbres fruitiers pour accélérer la mise à fruit et améliorer les rendements, visibles dans les traités qui se répondent les uns aux autres, traduisent une recherche basée sur l’observation et l’expérimentation et non plus une compilation des sources antiques. Elles révèlent aussi une étude de la physiologie végétale avec la distinction entre le bouton à fleur et le bouton à bois, et la prise en considération du mouvement de la sève qui nourrit, dans la seconde moitié du xviie siècle, un débat sur l’influence de la lune s’inscrivant dans la recherche du « principe de végétation, c’est-à-dire […] poser en termes de physiologie végétale la question de savoir quels sont les facteurs de la croissance des plantes50 ».
29Quant à la greffe, ses principaux types sont déjà correctement présentés dans les traités du xvie siècle ; cependant les greffes extravagantes directement issues des traités agronomiques de l’Antiquité disparaissent des ouvrages du xviie siècle.
« La curiosité a porté quelques uns à inventer des greffes extraordinaires, et à mêler des espèces d’arbres entièrement différentes, pour faire produire à la nature des fruits nouveaux et monstrueux. Ils étaient persuadés qu’en faisant passer une branche de vigne au travers de la tige d’un noyer percé d’une tarière, et que bouchant exactement l’entrée et la sortie de ce trou, cette branche prendrait sa nourriture du noyer, et ainsi pourrait produire des grappes pleines d’huile au lieu de vin ; ils croyaient que greffant un rosier sur un houx ou sur un genêt, il rapporterait des roses vertes ou roses, qu’ayant enté la Calville sur les merisiers noirs, et des pêchers sur des cognassiers, ils recueilleraient des pommes noires ou des pêches sans noyau ; mais l’expérience leur a fait connaître que la nature est très chaste dans ses alliances, très fidèle dans ses productions, et qu’elle ne peut être débauchée ni corrompue par aucun artifice51 ».
30Avec Bonnefons et Le Gendre, les secrets quittent les traités arboricoles sérieux. Il n’est plus question de greffer de la vigne sur un cerisier ou un olivier, ni de ces arbres merveilleux « chargé(s) de toutes sortes de fruits ; une branche port(ant) des noix, une autre des baies, d’autres des raisins, des figues, des mûres, des grenades et diverses espèces de pommes52 », preuve de l’amélioration scientifique des traités arboricoles du Grand Siècle et d’une réelle pratique de l’arboriculture.
31De même écrire que « Knoop et Duhamel sont les premiers à introduire une méthode scientifique dans les descriptions pomologiques » et que « jusqu’au milieu du xviiie siècle, les jardiniers n’ont dressé des fruits que des catalogues où ils se bornent à transcrire des noms mais sans relever la moindre différence qui se trouve entre les diverses sortes53 », procède d’une même logique de dépréciation des traités de la seconde moitié du xviie siècle leur refusant tout critère scientifique. Pourtant Merlet dans son Abrégé des bons fruits avec la manière de les connoistre, et de cultiver les arbres, divisé par chapitres, selon les espèces, a la volonté d’« y mettre les bons fruits ; avec leurs sinonimes et différences particulières54 ». Un siècle avant la Pomologia de Jean- Herman Knoop55, il y décrit et classe suivant la maturité de consommation des fruits, vingt-huit pêches, quarante-trois prunes, cent trente-six poires, trente-trois pommes. Ainsi la poire beurrée rouge, dite aussi d’Anjou, d’Amboise et d’Isambert le bon, est une « grosse poire colorée, fort beurrée et fondante […] son eau est fort sucrée […] elle est une des meilleures de toute la saison56 » ; la poire Martin sec de Bourgogne, ou bec d’oye, est « une petite poire d’un gris coloré qui est beurrée et d’une eau excellente57 », la pomme de Rambour rayé ou Nostre Dame, est « une pomme, ronde, grosse, hâtive et fouetté de rouge58 ». En 1667, Merlet fait clairement œuvre de pomologue en utilisant comme critère la forme, la couleur de la peau et de la chair, et l’époque de maturité59. Trois ans plus tard, l’éditeur parisien Charles de Sercy60 publie une Nouvelle instruction pour connoistre les bons fruits61 qu’il attribue à un religieux feuillant, Dom Claude de Saint-Etienne62. Là encore, cet ouvrage est clairement pomologique avec la volonté de présenter les fruits selon leur grosseur, forme, couleur et parfum, et de recenser les synonymes, mais il ne tient pas toutes ses ambitions, notamment au sujet des prunes et des pommes réduites à une simple liste alphabétique. Bien sûr les descriptions n’ont pas la précision et la clarté du xviiie siècle, mais nous sommes avant Linné ; bien sûr les critères subjectifs et a posteriori peu scientifiques sont très présents, mais il n’en demeure pas moins vrai que ces livres issus de la mode des fruits et des jardins du Grand Siècle sont de véritables pomologies. Cet effort de classification se perpétuera au siècle suivant dans les catalogues des pépiniéristes à l’instar de ceux des Chartreux de Paris qui décrivent sommairement les espèces fruitières en précisant la forme, la grosseur et la couleur du fruit, la date de floraison et celle de maturité de consommation, ainsi que des critères gustatifs subjectifs.
32La multiplication de nouveaux traités, et des rééditions, est bien révélatrice d’une mode de l’arboriculture fruitière devenue un conformisme social sous le règne personnel de Louis XIV. Bien évidemment, ces livres ne sont pas adressés aux paysans mais aux propriétaires de maisons de campagne qui doivent avoir le bon goût d’entretenir un jardin potager-fruitier.
Jardinistes, arboristes et illustres jardiniers
33La Quintinie destine son Instruction avant tout « aux honnêtes gens […] (à) ces illustres jardiniers », c’est-à-dire « les fameux amateurs du jardinage, de quelque condition qu’ils soient » qu’il oppose aux « jardiniers ordinaires […] qui sont vulgairement connus par le simple nom de jardiniers63 », Nicolas de Bonnefons s’adresse aux « personnes de qualité […] et aux bourgeois qui ont des Maisons de Plaisir proches de Paris64 », Merlet au « personnes de conditions65 » et Le Gendre à « quelqu’un qui veuille gouster de ces plaisirs innocens, et qui se sente porté à cette inclination, qui est commune à tant de personnes de mérite66 », quant au Jardinier royal il ne veut parler qu’au « bon bourgeois67 ».
Les arboristes réputés
34Quelques noms d’amateurs d’arboriculture sont parvenus jusqu’à nous, soit parce qu’ils ont écrit un traité, soit parce qu’ils ont été cités par leurs contemporains. En 1652 est publiée une Manière de cultiver les arbres fruitiers signé Le Gendre, curé-prieur d’Hénouville. Rapidement les contemporains vont douter de cette paternité et subodorer d’autres auteurs, lançant une recherche qui se poursuivra jusqu’à nos jours. Bien que Le Gendre, curé-prieur d’Hénouville68 en Normandie, ait existé, porté le titre de contrôleur des jardins de Louis XIII et que ses jardins aient été chantés par Corneille, selon Aristote, jardinier de Puteaux69 et La Quintinie, auteurs bien introduits en cour, il s’agirait d’un pseudonyme : « nous sommes surtout redevables à quelques personnes de qualité éminente qui, sous le nom et sur les mémoires du fameux curé d’Hénouville, ont si joliment écrit de la culture des arbres fruitier70 ». Du xviie siècle à nos jours, la recherche de l’identité de l’auteur qui se cacherait derrière « Le Gendre, curé d’Hénouville », et les différentes hypothèses jugées plausibles reflètent la sociologie de ces fameux arboristes. D’après Séguier, reprenant la paternité attribuée par le jardinier de Puteaux, derrière le curé d’Hénouville se cacherait l’abbé de Pont Château71, directeur des jardins de Port-Royal-des-Champs, mais cet homme n’a que 18 ans lors de la première publication de ce traité présenté, dans sa préface, comme le fruit d’une expérience de cinquante ans. Pour Georges Gibault le traité aurait été rédigé par Guillaume de Lamoignon et Lefèvre d’Ormesson à partir de notes du curé Le Gendre72. Aujourd’hui on admet que ce livre est l’œuvre de Robert Arnauld d’Andilly73, réputé pour son goût du jardinage et ses liens avec les solitaires de Port-Royal-des- Champs ; d’ailleurs, dès l’édition de 1716 de l’Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, une note indique ce nom dans la préface. Derrière la recherche de l’auteur, s’ébauche un portrait socioculturel des amateurs de jardinage : ecclésiastique et noble de robe.
35Cette première approche des arboristes par étude des auteurs de traité, révèle une forte proportion d’ecclésiastiques : les abbés Le Berryais, Calvel, Couture, Gobelin, La Châtaigneraye, Nolin74, Schabol, le prieur René Triquel, le frère chartreux François Gentil, le frère feuillant Claude de Saint- Etienne, le jésuite René Rapin75. Le monde des officiers et de la noblesse de robe fournit aussi son contingent d’amateurs (les procureurs du roi Le Lectier à Orléans76 et Thierrat à Chauny77, l’avocat au parlement Louis François Calonne et la famille des Arnauld) auquel il faut ajouter les directeurs des jardins royaux ou princiers tels que La Quintinie, Saussay ou Dahuron ainsi que quelques médecins (Nicolas Venette, Pierre-Joseph Amoureux).
36Une seconde approche est rendue possible par l’évocation, dans les traités, de célèbres amateurs et de quelques rares noms de jardiniers professionnels comme La Quintinie et ses successeurs, les Le Normand père et fils78. Le Jardinier royal fait l’éloge du jardinier du sieur de Sandricourt n’ayant jamais « trouvé personne plus expérimenté et plus diligent en icelle [la taille], ny rendant mieux et plus raisonnablement raison de sa taille et de l’effet d’icelle79 ». Étienne Calvel rend honneur au travail de Christophe Hervy, laïc qui s’occupa pendant une quarantaine d’années de la pépinière parisienne des frères Chartreux80. Combles évoque « M. Girardot, ancien mousquetaire du roi, si connu pour les belles plantations qu’il fit à Bagnolet81 » ; Roger Schabol le reconnaît aussi comme amateur de jardinage tout comme un ancien officier de la maison du roi à Montreuil, Nicolas Pépin dont « des Princes et des seigneurs […] venoient admirer ses arbres » et qui, « tous les ans […] présentoit au Roi des pêches de son jardin82 ». En 1814, Jean Mozard83 décrit la méthode de son maître Pierre Pépin, fils de Nicolas, célèbre dans la seconde moitié du xviiie siècle pour la culture du pêcher à Montreuil. Charles Butret le cite comme un modèle dans sa Taille raisonnée des arbres fruitiers car « on ne voit chez lui que des pêchers prodigieux, formés avec une étonnante régularité de chaque côté, et tous les bois garnis de branches à fruit du bas en haut, sans aucun vide84 » ; en 1806 la Société d’Agriculture lui décernera des éloges pour ces travaux arboricoles. À Montreuil encore, Cupis, un maître violon85, « pendant les trente dernières années de sa vie s’est entièrement livré aux soins, à la conduite des pêchers, il n’avoit pas une autre occupation, c’estoit pour lui une véritable passion86 ».
Un réseau de jardins fruitiers de curiosité
37Tout comme pour les cabinets de curiosité il existe un réseau de jardins autour de Paris dignes d’être visités pour leur collection d’arbres fruitiers et la conduite des arbres en espalier ou en quenouille. Ce réseau ne se résume pas aux seules résidences royales ou princières, mais fait cohabiter Versailles et Meudon87 avec Bagnolet88 et le jardin du « sieur Baudouin, jardinier marager près la barrière des Incurables [qui] cultive toutes sortes de fruits et légumes précosses avec un succez merveilleux89 ». Les traités sur la culture des arbres fruitiers s’en font l’écho lorsqu’ils évoquent tel « illustre jardinier », tel jardin admirable pour ces pêchers en espaliers ou pour cette « belle palissade de bon chrétien enter en cognassier chez le conseiller ou Galand ou Durand90 »… Dans son Histoire de la vie privée, Le Grand d’Aussy parle du souvenir des jardins de Girardot dans le Paris des années 1780 où « il se trouve encore plusieurs personnes qui se rappellent être allé dans leur jeunesse les visiter comme un objet de curiosité publique91 ». Pour Sauval, le jardin de Thevenyn, au bout de la rue de Richelieu, « mérite d’être décrit autant à cause de sa figure bizarre et galante tout ensemble, que pour la qualité, la grosseur, et la rareté de ses fruits ». Ce jardin est véritablement l’écrin d’une « quantité d’arbres fruitiers de trois pieds de haut seulement, mais chargés les uns de fruits hâtifs ; les autres de tardifs ; les uns d’été, les autres d’hiver, que la Provence, la Touraine et le reste des Provinces du Royaume produisent séparément », et les honnêtes gens y étaient reçus92.
38Il s’agit à proprement parler de cabinet de curiosité en plein air où l’amateur de jardinage est aussi collectionneur ; au monde des fleuristes répond celui des arboristes93. Dans l’écrin de ses murailles, le fruitier-potager de l’amateur d’arboriculture fruitière s’inscrit complètement dans l’idéal aristocratique de la collection définie comme « tout ensemble d’objets naturels ou artificiels, maintenus temporairement ou définitivement hors du circuit d’activités économiques, soumis à une protection spéciale dans un lieu clos aménagé à cet effet et exposé au regard94 ». L’oeil ironique de Tallemant des Réaux et l’agacement de Jean-Baptiste de La Quintinie ont saisi cette propension de leurs contemporains à accumuler de nombreuses espèces et variétés fruitières sans se soucier de leur qualité gustative. L’auteur des Historiettes raille Arnauld d’Andilly qui « par une curiosité ridicule […] avoit à Andilly jusqu’à trois cens sortes de poires dont on ne mangeoit point95 » et La Quintinie vilipende
« la démangeaison d’en [des fruits] avoir de toutes les sortes [qui] est une maladie d’autant plus difficile à guérir que bien loin d’être regardée sur ce pied-là, elle paraît avoir les charmes et les attraits d’une perfection singulière ; ces pauvres gens, qui [lui] font grande pitié, ne seront point en repos qu’après avoir perdu beaucoup de temps et d’argent, pour savoir enfin par une longue expérience, suivie de beaucoup de chagrins, qu’il y a dix fois plus d’espèces à mépriser, qu’il n’y en a de bonnes à cultiver96 ».
39Au-delà de ces railleries, la distinction sociale s’affirme bien dans la diversité des espèces et surtout des bonnes variétés fruitières cultivées dans le jardin fruitier-potager, comme elle se retrouvera au xixe siècle dans celle des arbres ornementaux des parcs paysagers97 et dans les plantes exotiques des serres98.
40Comme pour les cabinets de curiosité, ces amateurs possèdent des inventaires, parfois imprimés, de leur verger tel le catalogue que Le Lectier99, procureur du roi à Orléans sous le règne de Louis XIII, adresse à d’autres amateurs pour échanger des greffons. Ce petit livre imprimé recense sur trente-six pages, classés par ordre de maturité de consommation, deux cent cinquante-sept poiriers, soixante-quinze pommiers, soixante-et-onze pruniers, vingt-sept pêchers, douze cerisiers, dix figuiers, douze agrumes et neuf « autres arbres portant fruits », tous de variétés prétendues différentes100 et se termine par cette invitation :
« je prie tous ceux qui auront des fruits exquis (non contenus au présent catalogue) lorsqu’il tombera entre leurs mains, de m’en donner advis, afin que j’en puisse avoir des greffes pour eschange de celles qu’ils n’auront pas, lesquelles ils désireront de moy, et que je leur fourniray » ;
41la recherche de greffons, souvent contrariée par la multiplication des noms pour une même variété, crée un commerce et une émulation entre les curieux de jardinage. Un inventaire précis des chartriers et autres papiers de famille pourrait nous fournir ces catalogues, comme ce « plan du jardin potager » contenu dans le chartrier du château de La Roche-Guyon101. En effet les traités arboricoles conseillent de tenir un plan de son potager-fruitier et de sa pépinière ainsi qu’un registre des variétés fruitières plantées et greffées102. Des gravures peuvent même circuler pour les jardins les plus réputés à l’image du potager du roi à Versailles103.
42Il est très probable que les adresses circulent parmi les amateurs de jardinage104. Le Gendre se souvient que, dans sa jeunesse, il allait voir « tous les jardins qui étaient en réputation », fréquentant « tous ceux qui se piquaient d’avoir de beaux fruits, et qui voulaient passer pour habiles gens en cette matière105 ». René Triquel indique clairement, pour certaines poires rares en Île-de-France, le nom du propriétaire et parfois la localisation du jardin comme autant d’invitations au lecteur curieux : « Oignon Rozar, autrement brutte-bonne, espalier, ou buisson. À Chilly, chez Monsieur de Seves106 », « Saint-Lezin beuré, très rare et excellent, veut l’espalier, Monsieur Ferrant107 », « Poire d’Estranguillon, excellente, idem, aux Gobelins du fauxbourg Sainct Marceau108 ». Il dresse ainsi une carte de ces jardins fruitiers de curiosité pour le milieu du xviie siècle : Chilly, Paris, Pontoise, Rambouillet109 et Rueil110. D’ailleurs l’Anglais John Evelyn, amateur de jardinage, qui visite, dans les mêmes années, les curiosités parisiennes, se rend à « la maison de campagne du cardinal de Richelieu à Rueil » et trouve les jardins tellement « magnifiques » qu’il « doute que l’Italie puisse rien présenter qui les surpasse111 », compliment ô combien dithyrambique tant est grande la réputation des jardins de l’Italie du nord comme celui de Padoue. Pour les espaliers, il conseille d’aller à La Chevrette dans les environs de Paris112.
43La visite devait donner lieu, dans le cadre d’un commerce plaisant digne de la civilité classique, à des compliments convenus sur la beauté, la bonté et la quantité des fruits113, mais aussi à des observations techniques et à des échanges de renseignements pratiques, source d’informations ouvertement revendiquée dans nombre de préfaces, d’autant plus « qu’un honnête homme se fait un plaisir de faire part de son sçavoir à ses amis114 ». En 1779, Hurtaut et Magny conseillent la visite des jardins de M. Cochin, ancien échevin et « amateur distingué », qui à Châtillon115 « a soin d’entretenir de tout ce qu’il y a de plus curieux en arbustes étrangers, en plantes et en fleurs », et ce d’autant plus que « tous les honnêtes gens y sont reçus avec ces manières polies et aimables qui caractérisent un citoyen bienfaisant, qui ne cherche qu’à obliger116 ».
44À la fin du xviie siècle, l’Anglais Lister visite les jardins parisiens les plus renommés. Dans celui de l’hôtel Pussort il admire des murs « biens garnis d’espaliers » mais il est surpris que les pêchers n’aient pas encore été taillés. Il s’en inquiète auprès du jardinier, « un habile homme », qui lui répond « qu’il avoit reconnu que de ne les tailler qu’après la fleur en amélioroit le fruit, tandis que la méthode contraire les chargeoit trop et en gâtoit la qualité117 ». Certains traités reprennent ce principe d’un dialogue entre deux amateurs comme dans La culture parfaite des jardins fruitiers et potagers de Louis Liger118, ou l’échange entre Oronte, propriétaire d’un jardin fruitier à Vitry-sur-Seine119, et son visiteur Licidas avide de satisfaire sa saine curiosité120. Le frère François dans son Jardinier solitaire121 sous-titré explicitement « dialogues entre un curieux et un jardinier solitaire » répond aux nombreuses questions d’un amateur qui veut acheter une maison de campagne aux alentours de Paris et y dresser un jardin fruitier et potager de quatre arpents. L’auteur étant un Chartreux, on y retrouve sans doute nombre de questions posées par des curieux à ces révérends pères dont les pépinières parisiennes étaient très réputées, même au-delà des frontières du royaume122.
45Au-delà de l’Île-de-France, les traductions des traités arboricoles en plusieurs langues étrangères ou en français, la présence de jardiniers français en Angleterre123 ou en Allemagne124, les voyages d’arboristes anglais dans la France de Louis XIV comme John Evelyn sous la régence d’Anne d’Autriche, ou Martin Lister en 1698125, l’expédition de greffons et d’arbres déjà greffés au-delà des frontières des États126, révèlent l’existence d’un réseau européen d’arboristes127 dans lequel la région parisienne du xviie siècle joue un rôle moteur, comme le jouera l’actuelle Belgique au xixe siècle. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, Christophe Hervy se sert de la correspondance des révérends pères Chartreux « qui s’étendait principalement dans toute la France et l’Allemagne, pour se procurer les meilleures espèces ou variétés, et les qualités les plus parfaites de toutes sortes de fruits128 » et enrichir les pépinières parisiennes. Dans son catalogue de 1771, le pépiniériste Andrieux avise ses clients que
« les correspondances qu’il tient, tant avec la Hollande, l’Angleterre et autres pays étrangers, qu’avec plusieurs curieux du Royaume, le mettent à portée de satisfaire aux demandes qui lui seront faites sur les objets les plus rares de la Botanique129 ».
46Ce réseau traverse même l’Atlantique130 : « le sieur Andrieux espère […] offrir dans peu aux curieux des greffes et même des sujets greffés de la monstrueuse Reinette du Canada131 ».
47L’introduction d’espèces fruitières étrangères concerne aussi la paysannerie, l’exemple du Canada est à cet égard particulièrement parlant : dans les jardins et les vergers des maraîchers montréalais du xviiie siècle, à côté de variétés locales, sont cultivées des variétés aussi présentes en France comme les pruniers de Damas, les pommes de Reinette ou de Calville132. De surcroît, il ne faudrait pas réduire ce réseau de jardins de curiosité à une simple extension d’une civilité urbaine unissant la Cour à la Ville, et qui ne serait qu’un corps étranger et imperméable à la communauté rurale. En effet, les villageois offrent non seulement une main-d’œuvre, au moins saisonnière, mais aussi un savoir-faire et un sens pratique qui ne sont pas forcément présentés comme routiniers par les traités arboricoles ; l’observation des techniques paysannes et les dialogues qu’elle provoque avec les habitants, sont même une source d’informations parfois revendiquée. « Allez à Montreuil, lui dit-il, vous y verrez des gens qui ne déférent point aveuglément, comme vous, aux usages reçus dans le jardinage133 », cette invitation faite par « un particulier » à l’abbé Schabol serait à l’origine des traités agronomiques de cet arboriste. Ces jardins fruitiers mettent en contact villageois et arboristes, il est donc envisageable qu’il y ait eu des influences mutuelles. À l’échelle même du village, il est probable qu’un ou deux jardins d’une maison des champs ou d’un curé aient joué ce rôle de cabinet de curiosité en plein air auprès des villageois.
Typologie socioculturelle des amateurs d’arboriculture fruitière
48Les demandes d’une autorisation d’alignement, véritables demandes de permis de construire conservées dans les archives judiciaires, sont un bon révélateur du public intéressé par ces traités : non seulement ces demandeurs possèdent des maisons de campagne dans les villages circumparisiens, mais en plus ils désirent agrandir leur clos et/ou multiplier les jardins clos134 ; ainsi peut-on suivre l’agrandissement des jardins d’un Premier commis à la marine, Nicolas-Louis Goix, qui entre 1781 et 1787 demande trois autorisations d’alignement pour clôturer et joindre à sa propriété d’Enghien de nouveaux héritages135. Deux sondages effectués dans les archives de la justice du duché-pairie de Montmorency, l’un pour les années 1690-1700 et l’autre pour les années 1775-1790, livrent respectivement dix-neuf et dix-sept demandes d’alignement. Les deux tiers des demandeurs sont des nobles et/ou des officiers de finances et de justice, parmi lesquels on rencontre un mousquetaire136, un chevalier ordinaire du roi ancien échevin de Paris137, un écuyer trésorier général des finances138, un receveur général des rentes de l’hôtel de ville139, et autres conseillers du roi… Le tiers restant est surtout constitué par des marchands et bourgeois parisiens.
49Louis-Sébastien Mercier « pardonne au traitant son extrême opulence, quand il [l’] emploie à féconder la terre, à la parer de ses plus beaux ornements. Sa justification semble écrite le long de ces espaliers qui enchantent le regard et séduisent l’odorat140 ». Tout comme les collections d’œuvres d’art et le mécénat des fermiers généraux « justifient la richesse, transmutent l’argent sans honneur en moyen de prestige, de considération et de réussite141 », le potager-fruitier doit participer à la même consécration. Ainsi le château de Brunoy, propriété de Pâris de Montmartel, est remarquable par ses potagers et ses serres chaudes142 : « la puissance de l’art y arrache la nature à l’emprise des saisons et la force de produire des fruits de l’été et de l’automne au milieu des glaces de l’hiver143 » ; le château de Croix-Fontaine appartenant au fermier général Bouret est, quant à lui, réputé pour ses immenses potagers, coupés de murs et garnis d’espaliers144. Les Loyseau de Béranger, dont le fils Jean-Louis sera fermier général, propriétaires du fief de Mauléon à Saint-Brice, vendent en 1752 les fruits de leur clos et jardin pour 816 livres à l’exception « de deux litrons de cassis, […] des espaliers dud. jardin, et des fruits qui sont dans l’intérieur des deux cours, et des noisettes qui peuvent estre dans led. Jardin145 ». Quant à Fabus, receveur général des domaines et bois de la Généralité de Paris, sa propriété de Montgeron est ornée d’un « magnifique potager de douze arpens, coupé en trois parties. Celle du milieu a un grand bassin accompagné de quatre plus petits pratiqués dans les deux parties latérales, formant chacun six jardins séparés par des murs d’espalier. On croit être dans les jardins d’Alcinoüs146 ».
50Finance, robe et clergé, bourgeoisie marchande et de l’office, nul doute que nous touchons ici le public visé par ces traités sans que l’on puisse cependant faire la distinction entre la véritable passion et le conformisme social. En effet, « la maison de campagne la plus somptueuse et la plus superbe manque d’un de ses principaux ornements, si elle n’est accompagnée de jardins fruitiers qui soient beaux et bien entendus147 » : toute maison des champs se doit d’avoir un potager et des arbres fruitiers dressés en espalier et en buisson. L’arbre fruitier taillé appartient à la typologie de l’art des jardins des xviie-xviiie siècles, tout comme la terrasse, le parterre, la charmille ou la pièce d’eau. Pour la quasi-totalité des maisons royales, châteaux et autres lieux de plaisance décrits par Antoine-Nicolas Dezallier d’Argenville dans son Voyage pittoresque des environs de Paris, les potagers sont localisés dans les jardins ; dix sont jugés tellement beaux qu’ils sont accompagnés d’une petite description et/ou d’un qualificatif mélioratif148. L’entretien d’un jardin potager-fruitier alliant plaisir, utilité et propreté, est loin de traduire automatiquement de réelles préoccupations arboristes.
51Les inventaires après décès détaillant rarement le contenu des bibliothèques, et estimant souvent en bloc les volumes possédés149, il nous est difficile de confirmer que les propriétaires des maisons de campagne, lecteurs potentiels, possédaient effectivement ces traités arboricoles ; d’autant plus que les inventaires rencontrés ne concernent que les maisons des champs et non le domicile parisien. Cependant, il n’est guère surprenant que ce soit chez Pierre Desain, un bourgeois de Paris propriétaire d’une maison de campagne à Groslay150, que l’on trouve à côté d’« un petit livre d’heure fermé d’une agraphe d’argent », un livre intitulé La connaissance des arbres fruitiers151 et un autre, Agriculture et la maison rustique152. On ne sait pas si ces ouvrages d’agriculture ont été achetés ou hérités, mais en tout cas ils n’étaient pas conservés au domicile parisien, mais bien à la campagne153. Par ailleurs, la possession de La connaissance des arbres fruitiers est plus significative que celle de La nouvelle maison rustique car il ne s’agit pas d’un livre de cabinet mais bien d’un traité d’agriculture pratique, dans un format de poche, constitué de chapitres courts, et consacré pour plus de la moitié du volume à la taille. Or la taille est bien la grande préoccupation des arboristes de la seconde moitié du xviie et du début du xviiie siècle.
52Ce type d’ouvrages se retrouve aussi dans les bibliothèques ecclésiastiques : le curé de Domont possède « trois des quatre volumes du Spectacle de la nature154 » et celui d’Epinay-sur-Seine155 un exemplaire de La Nouvelle maison rustique156. Le Spectacle de la nature de l’abbé Pluche étant en huit volumes, il est probable que le prêtre de Domont possède le quatrième volume et deux des trois premiers. Or le premier traite de la physiologie végétale157 et se termine par un vibrant éloge du jardinage, et le deuxième est en partie consacré à la culture des arbres fruitiers, de la préparation du terrain à la conservation des fruits158. Dans le deuxième volume de ces entretiens fictifs, c’est justement un ecclésiastique, soucieux des espaliers de son presbytère, le prieur-curé du lieu, qui initie le jeune chevalier Du Breuil aux principes du jardinage et qui lui rédige un mémoire sur la greffe, et un sur la taille ; une lecture édifiante pour le curé de Domont confirmant la sociologie des arboristes.
53Au-delà des imprécisions et des inconnues liées à l’habituelle double résidence des élites de la fortune, et de la faiblesse quantitative de ces quelques inventaires après décès, ils témoignent néanmoins de la présence de traités horticoles dans les villages, et de leur possible utilisation par les propriétaires des maisons des champs, d’autant plus que les livres se prêtent. Ils soulignent aussi l’intérêt des curés de campagne pour le jardinage.
54Il est vrai que des ecclésiastiques s’intéressent à l’horticulture. Certains, à l’instar de Rozier ou de Schabol, écrivent même sur ce sujet, et, dans les années 1760-1780, « un grand nombre a été touché, et intéressé par la propagande et les idées agronomiques : diffusion des bonnes méthodes, distribution de semences, d’instructions, d’encouragements matériels159 ». De plus, le jardinage, invitant à la méditation comme à Port-Royal-des- Champs, est un passe-temps qui sied bien au clerc. Ainsi le fameux jardin de curé est bien une réalité160 : dès le xviie siècle « la poire de Curé » est une expression péjorative qui renvoie à une poire rustique, peu tendre et peu juteuse161, mais aussi à une réalité sociale. Pénétrons dans les jardins de la maison que prend à loyer Alexandre Fleuriotte, vicaire de la cure de Groslay :
des « arbres peschers, arbricotiers et pruniers […] font la garniture des murailles au tour de lad. cour, [un] grand jardin derriere planté en arbres buissons de differents fruits, groselliers, seps de vignes et encore de quelques grands arbres fruittiers à haute tige, icelluy jardins fermés de murs au tour desquels en dedans sont plantés des arbres poiriers, peschers, abricotiers, pruniers et autres fruits pallissés ainsy que ceux dans lad. cour162 ».
55Au village de Silly-en-Multien163, les vingt-deux perches du jardin presbytéral associent plaisir, agrément et utilité : le buis taillé dessine le parterre alors que poiriers et pêchers viennent offrir leurs fruits. Le prêtre du lieu n’hésite pas à acquérir des arbres fruitiers à l’extérieur de la communauté villageoise, notamment à Meaux164, et à employer le maître d’école du village pour entretenir son jardin moyennant une rétribution annuelle d’une quarantaine de livres165. Là encore, l’entretien d’un jardin planté d’arbres fruitiers à côté du presbytère peut parfois renvoyer à un conformisme social à l’image du peu d’enthousiasme du curé de Villiers-le-Bel166, Philippe Gourreau de La Proustière abordant, comme un passage obligé, les agrandissements de son jardin dans les années 1653-1658, et se contentant d’évoquer la plantation « de tous les arbres que l’on void167 » ; il justifie cette dépense par un habitus ecclésiastique168 et par le sentiment, vraisemblablement répandu, « qu’un jardin agréable, remply de fruits, délaisseroit l’esprit169 » des basses contingences humaines.
56Conformisme ou véritable jardinomanie, il n’en demeure pas moins vrai, qu’au cœur du village, le jardin de curé a dû jouer un rôle culturel qui reste à analyser ; la description des plantations d’arbres fruitiers, et notamment des espaliers, du prieur Christophe Sauvageon dans le village « immobile » de Sennely-en-Sologne170 en laisse présager l’importance.
Une activité digne du gentilhomme
« La culture des plantes n’est pas moins noble qu’agréable, elle a toujours eu des charmes pour les rois comme pour les personnes du commun, et c’est à présent une chose fort ordinaire en France et en Angleterre, que de voir les plus grands seigneurs s’appliquer au jardinage171 ».
57Greffer et planter des arbres à l’intérieur d’un clos apparaissent comme des activités nobles. Et l’analogie entre le lignage et l’arbre n’est pas innocente, d’autant plus que cette représentation d’une généalogie pourrait coïncider avec la vogue de l’arboriculture fruitière à l’abri du clos protégeant de la dérogeance172. De plus la « greffe » doit apporter de bons fruits au lignage, comme à l’arbre fruitier, en respectant une sélection élitiste de greffons. Améliorer, bonifier, œuvrer pour un avenir en unissant des qualités reconnues sont autant d’actions dignes d’un gentilhomme, d’autant plus qu’elles s’inscrivent dans le temps et dans un espace qui se donne à voir. De même, la greffe et la taille peuvent aussi être une métaphore de l’éducation sensible dans le vocabulaire utilisé pour parler de la culture des arbres fruitier173 : élever, dresser, gouverner174, alors qu’un disciple de La Quintinie, René
58Dahuron intitule un chapitre de son Nouveau traité de la taille des arbres fruitiers, « remarques sur les arbres mal élevez175 », et que les experts de la vallée de Montmorency notent les arbres déshonorés176. Pour l’abbé de La Châtaigneraye la transition entre ses chapitres sur la taille de l’arbre, et celui consacré aux maladies arboricoles est aisée : « nous avons jusques à présent représenté le personnage du Père […] il est temps que nous nous déclarions Médecin177 ».
59Il est tentant de faire le rapprochement entre le contrôle du corps lié au processus de civilité des temps modernes et l’engouement pour l’espalier, ce « corps » dressé symbole de la mode aristocratique de l’arboriculture, comme procédant de la même dimension socioculturelle. Tout comme les traités de civilité dressent, depuis La civilité puérile d’Erasme, la liste des comportements licites178, les traités de jardinage du xviie siècle élaborent une norme, non pas pour les gestes, les regards ou la position du corps, mais pour l’ordonnancement d’un jardin, la conduite d’un arbre ou les espèces fruitières dignes d’être cultivées. Tout comme les postures du corps sont censées révéler l’homme, un jardin potager-fruitier bien ordonné doit refléter la bonne éducation de son propriétaire, la propreté et l’ordre ; cette lecture s’impose d’autant plus que le jardin appartient au monde de l’intime.
60Il est symptomatique, encore, que le livre de chevet européen de la noblesse de la première modernité multiplie les métaphores de l’arbre et de la greffe pour souligner l’importance et de la naissance et de l’éducation dans l’idéal du courtisan :
il « advient presque toujours qu’aussi bien dans les armes que dans les autres actions vertueuses, les hommes les plus signalés sont nobles, parce que la nature en toute chose a placé cette semence cachée qui donne une certaine force et propriété de son principe à tout ce qui descend d’elle, et le rend semblable à elle. C’est ce que nous voyons non seulement dans les races de chevaux et d’autres animaux, mais aussi dans les arbres, dont les rameaux ressemblent presque toujours au tronc, et si quelquefois ils dégénèrent, c’est la faute du mauvais agriculteur. Ainsi en va-t-il des hommes, qui, quand ils sont cultivés par une bonne éducation, sont presque toujours semblables à ceux dont ils sont descendus, et souvent même meilleurs ; mais s’il leur manque quelqu’un qui les soigne bien, ils deviennent comme sauvages, et ne parviennent jamais à maturité179 ».
61Clairement, l’arboriculture et l’élevage hippique, auquel elle est ici associée, appartiennent à la même dimension psycho-sociologique, et se prêtent aux mêmes valeurs/vertus nobiliaires. D’ailleurs, à côté des nombreux traités de jardinage ce sont bien des ouvrages d’hippiatrique qu’André-Jean Bourde présente comme caractéristiques des publications agronomiques du xviie siècle180. Au siècle suivant, l’analogie aristocratique arboriculture/équitation/ chasse est encore présente :
« dresser, on dit dresser des arbres, comme on dit dresser un cheval au manège, un chien pour la chasse, etc. C’est à l’égard des arbres, non seulement les tenir droits et d’allignement, mais les former de jeunesse pour leur faire prendre la figure qu’ils doivent avoir pour jamais, c’est encore de bien conduire, panser, tailler, ébourgeonner…181 ».
62De plus, cette noble activité est d’autant plus convenable que les Anciens la pratiquaient, et il n’est pas innocent que les traités de la seconde moitié du xviie siècle citent les agronomes antiques. Dans sa préface, La Quintinie inscrit son traité dans la prestigieuse lignée des Columelle, Caton, Théophraste, Varron, Xénophon et autre Géoponna182, et Jean Merlet est encore plus explicite en précisant qu’il
« ne trouve pas [l’arboriculture fruitière] indigne des personnes de qualité, voyant que parmy les Grecs et les Romains, les plus qualifiez y prenoient un singulier plaisir, qui a passé dans le Levant, et particulièrement dans la Perse et la Turquie où le Sophy et le Grand Seigneur et les plus élevez en dignité de ces Empires, font faire de grands jardins, où ils ont d’excellens fruits, et depuis quelques années cette curiosité est venue en France, où les personnes de conditions s’y appliquent et s’y perfectionnent tous les jours par le raisonnement et l’expérience qu’ils ont eu sur la taille des arbres et des meilleurs fruits183 ».
63Jean Merlet développe une vision très aristocratique de l’arboriculture fruitière qui fait des gentilshommes français entant et taillant des arbres les dignes descendants des patriciens romains et pour éviter une rupture qui serait néfaste à l’idée de lignée, il fait passer le savoir et le goût grécoromain par les empires orientaux avant de les faire parvenir en France suivant un parcours qui joue l’analogie avec celui de nombreux manuscrits antiques. Les arboristes veulent donner un lustre spécifique aux traités arboricoles contemporains en en faisant un thème littéraire descendant des traités agronomiques antiques184. Cependant, dans les jardins fruitiers-potagers, la querelle des Anciens et des Modernes n’aura pas lieu. En effet, en soulignant fortement la nouveauté technique de l’espalier qui permet d’obtenir des fruits d’une grosseur, d’un coloris et d’une précocité/tardiveté jusqu’alors inconnus, et en multipliant à loisir les variétés fruitières, tous les auteurs du xviie siècle concordent pour souligner que les Modernes, en l’occurrence les Français, surpassent les prestigieux Anciens. Même le jésuite René Rapin qui, pourtant, choisit le latin et les vers pour enseigner la culture des jardins et suivre les traces de Virgile, souligne, dès sa préface, la difficulté de trouver une formulation latine pour des techniques horticoles ignorées des Latins comme l’espalier185 dont il dressera l’éloge dans son quatrième chant. Et malgré une tentative abracadabrante pour dresser des espaliers dans les jardins d’Alcinoüs – la technique, conseillée par une Nymphe, aurait été rapidement oubliée ! – il admet que « l’âge présent plus habile dans ce grand art [le jardinage], a beaucoup ajouté aux anciens usages, et notre culture est bien supérieure à celle de nos Ancêtres186 ».
64Il n’en demeure pas moins vrai qu’étant digne des Anciens, l’art de greffer, de tailler ou d’écrire sur l’arboriculture est convenable pour un honnête homme français d’autant plus que le premier des gentilshommes du royaume s’y intéresserait. Claude Mollet indique à ses lecteurs que Louis XIII « a pris plaisir [à la culture des arbres fruitiers] par plusieurs fois, et particulièrement en son parc de Fontaine-Belleau [Fontainebleau], auquel [ce jardinier a] planté par l’ordre exprès de Sa Majesté, la quantité de sept mille pieds d’arbres fruictiers, tant à pépin qu’à noyau187 », et La Quintinie, en bon courtisan qui se met en scène, se fait un devoir d’évoquer l’intérêt de Louis XIV pour le potager de Versailles188. Si la gourmandise de Louis XIV pour des primeurs et les figues est avérée, son goût pour l’arboriculture fruitière semble davantage être de l’ordre du discours convenu. Non seulement sa Manière de montrer les jardins de Versailles189 ne concerne pas le potager mais en plus le journal de Dangeau ne comptabiliserait que deux visites royales dans ce jardin190.
65Ces traités sont enfin dignes des gentilshommes car ils s’apparentent aussi à des manuels pédagogiques s’inscrivant dans un idéal politique dominant. À cet égard, le parallèle avec les traités de chasse se révèle particulièrement éclairant. Alors que la période faste de publication et de réédition des ouvrages de vénerie en France correspond aux troubles civils entre 1560 et 1660191, l’essor des traités horticoles accompagne la réduction à l’obéissance des élites du royaume à partir des années 1650.
« Temps des discordes civiles et religieuses, crise de l’aristocratie et de la légitimité monarchique : dans la France des années 1560-1660, l’âge d’or des traités de chasse oppose au désordre de la société l’image d’une violence qui ne fait pas couler le sang des hommes192 ».
66Au contraire, la pacification de la société, le progrès du processus de « civilisation des mœurs » et la redéfinition du jeu politique, font du jardinage sous le règne de Louis XIV un idéal, un havre de paix, un « pré carré » où tout est contrôlé et domestiqué ; le jardin devient un espace clairement délimité où l’on doit agir en maître et où l’ordonnancement du monde passe par une obéissance de la nature, tout comme le royaume doit obéir au roi. Quant à l’augmentation des nouvelles publications à partir des années 1750, elle correspond à une redéfinition du sens politique des traités de jardinage, où la domestication de la nature et l’ordonnancement du monde laissent le pas à l’utilitarisme et à une invitation à la réflexion intérieure à l’instar du dernier chapitre de Candide193 ; l’image du gentilhomme est remplacée par celle du sage et bon citoyen. Laissons la parole au rêve de Louis Sébastien Mercier pour l’an 2440 :
« L’art le plus cultivé chez ce peuple était le jardinage […] Chaque citoyen cultivait son jardin, et c’était une honte de ne point savoir ni planter ni greffer, ni tailler un arbre […] Ce peuple était vraiment luxurieux dans ce goût innocent […] Ce peuple errait la moitié du jour dans les jardins. La jeunesse y faisait ses exercices, et la vieillesse y respirait jusqu’au coucher du soleil194 ».
Le fruit, une production végétale noble
67Allen J. Grieco a développé l’idée que les aliments répondraient à un code social fortement hiérarchisé et connu de tous. Chaque aliment aurait une valeur plus ou moins noble ou ignoble selon sa position dans « une grande chaîne de l’être » établie par Dieu. Ainsi le fruit d’un arbre tirerait sa noblesse de son éloignement de la terre et de son corollaire, son développement dans les airs.
« Selon les idées botaniques d’alors [bas Moyen Âge et Renaissance] les plantes les moins nobles étaient celles qui produisaient un bulbe comestible souterrain (comme l’oignon, l’ail et l’échalote) […] le sommet étant présenté par les fruits, le plus noble produit du monde végétal. Infiniment supérieurs à tous les autres végétaux les fruits convenaient donc mieux aux classes sociales élevées195 ».
68Ce préjugé peut se retrouver dans l’interdiction formulée par La Quintinie de fumer les arbres fruitiers pour ne pas souiller le goût délicat des fruits. Cette question de la fumure embarrasse d’ailleurs tous les auteurs de traités horticoles du Grand Siècle qui d’un côté reconnaissent les mérites du fumier pour enrichir la terre mais en même temps craignent de gâter la délicate eau d’un fruit.
69Les fruits sont des présents reconnus et appréciés. Pour le Jardinier françois, publié en 1651 par un homme bien introduit à la cour, « le premier et le plus loüable [intérêt d’avoir un jardin fruitier] est celuy des présens que vous en faites à personnes de toutes sortes de conditions, dont vous estes amplement remerciées et louées dans vostre curiosité196 ». Lorsque Monsieur Tibaudier fait parvenir, par son laquais, des poires de son jardin à la comtesse d’Escarbagnas, celle-ci reconnaît « qu’il sait vivre avec les personnes de [sa] qualité, et qu’il est fort respectueux197 ». Le comique de cette scène ne provient pas du cadeau, que la comtesse reconnaît à juste titre comme un usage de la cour, ni à la variété fruitière offerte, des poires de Bon-Chrétien198, mais au fait qu’elles « ne sont pas encore bien mûres199 ». En effet, si Arnauld d’Andilly envoie des paniers de fruits à Anne d’Autriche, à Madame de Sablé ou à Mademoiselle, ce sont des pêches pavies choisies sur une trentaine d’arbres ou des poires « si rare[s] et si excellente[s] à [son] gré qu’[il] voudroi[t] en avoir davantage200 ». Il ne saurait être convenable d’offrir à une dame de haute naissance des fruits communs mais il est louable d’être « curieux d’avoir de belles et grosses poires, pour faire présent à vos amis, et pour présenter, quand vous avez bonne compagnie201 ».
70Il est de bon goût, après la visite du potager-fruitier, d’offrir à ses invités de goûter les fruits de son jardin, de conclure les plaisirs des yeux et de l’odorat par ceux du palais. La visite des jardins peut même se terminer par une véritable collation comme, à Chantilly202, ces fruits, confitures, gâteaux et boissons rafraîchissantes offerts, en octobre 1669, à Olivier Lefèvre d’Ormesson et à son épouse203. L’offrande de fruits n’est pas un usage uniquement réservé aux privilégiés de la fortune et de la naissance, à la fin du xviiie siècle, le maître d’école de Silly-en-Multien reçoit, de ses élèves, des noix et des pommes204.
Les fruits à la mode et les fruits vulgairement communs
71Il faut attendre le dernier tiers du xixe siècle pour qu’André Leroy205 écrive la première pomologie en langue française qui se veut exhaustive. En effet, depuis l’Abrégé des bons fruits de Jean Merlet, les traités de pomologie n’offraient qu’une sélection des espèces et variétés fruitières dignes d’être cultivées. Ces ouvrages, ainsi que les chapitres consacrés aux choix des espèces dans les traités sur la culture des arbres fruitiers, et les arbres proposés à la vente dans les catalogues des pépiniéristes permettent de comprendre ce que l’on peut appeler un bon fruit à l’époque moderne.
Un bon fruit pour l’époque moderne
72Un bon fruit pour Jean Merlet n’est pas uniquement un fruit agréable à manger, mais aussi une curiosité dans la collection d’un amateur : onze variétés sont ainsi qualifiées de curieuses et de ce fait, bien que souvent de qualité gustative médiocre telle la cerise hâtive, fruit « sec, petit et de peu de suc206 », sont jugées dignes de figurer dans une pomologie. D’autres doivent leur présence à la vue de critères exclusivement esthétiques, formes et couleurs désignant une espèce belle à peindre comme « le certeau d’esté […] longue poire, belle à peindre [… mais qui] n’est pas des meilleures207 » ou « la bellissime […] poire assez grosse, belle à peindre, et fouettée de rouge208 ». Un siècle plus tard, Combles présente la pêche Pavie de Pompone qu’il « estime peu […], quant au goût : mais [il la] considère pour trois raisons. La première, c’est la grosseur monstrueuse et son beau coloris, ornent parfaitement une table209 ».
73Durant toute l’époque moderne, les peintures de fleurs, fruits et légumes entrent dans la décoration des intérieurs aisés, notamment dans les lambris, motifs que l’on retrouve dans les productions de la Savonnerie, des Gobelins et d’Aubusson, reflétant la dimension psycho-sociologique que peut revêtir le Jardin dans l’imaginaire culturel des élites tout en rappelant le goût que se doit d’avoir le maître des lieux pour le jardinage. Au xviie siècle les peintres Louise Moillon, Jacques Linard et Pierre Dupuis offrent de nombreux exemples de ces fruits parisiens bons à peindre que l’on retrouve au siècle suivant dans les natures mortes de Jean-Siméon Chardin210. Le prototype de ces fruits serait la pomme d’Api211, « que l’on sert plutôt pour l’ornement que pour l’usage […], petite pomme aplatie, très jolie, fort rouge d’un côté et pâle ou blanche de l’autre, et qui pourroit servir de modèle aux dames pour se peindre à leur toilette212 ».
74De même, les pyramides de fruits, posées sur les buffets des banquets, jouent sur les formes et les nuances rouges, vertes, jaunes et violettes. Jean- Baptiste de La Quintinie insiste sur la finalité uniquement décorative et futile de celles-ci :
« je ne trouve guère rien de plus misérable pour un honnête curieux que d’en vouloir avoir simplement pour en faire parade dans la bigarrure de certaines pyramides ; ce sont fruits dont il ne faut approcher que de la vue, et qui ne sont pour l’ordinaire que des décorations de table, qui sont véritablement aujourd’hui à la mode, et qui en effet ont quelque chose de grand et de magnifique, mais qui ne sont pas pour cela moins inutiles, si ce n’est pour faire honneur à l’officier qui les a rangées avec tant de symétrie213 ».
75Dans une de ces natures mortes, Chardin a peint une de ces pyramides de fruits constituées de pêches, de prunes et de poires posées en équilibre les unes sur les autres214. Le banquet y semble terminé, et le désordre met en valeur la grandeur de la pyramide dont l’honneur « est de s’en retourner toujours saine et entière sans avoir souffert aucune brèche ni dans sa construction ni dans sa symétrie » au contraire des corbeilles de fruits mûrs qui, elles, sont là pour être entièrement vidées par les convives215.
76Les arbres nains cultivés dans des vases que l’on pose sur les tables lors des réceptions aristocratiques appartiennent à la même dimension que les pyramides, et doivent charmer les convives par les fruits présents ; les catalogues des pépiniéristes parisiens proposent à la vente différentes variétés fruitières comme des pêchers nains216. Cet usage se retrouve encore sur les tables des riches amateurs dans les années 1840 : « la greffe du prunier sur le prunellier donne des arbres nains qu’on peut maintenir dans les plus petites dimensions ; ils s’élèvent dans des pots au dessert sur la table, à l’époque de la maturité du fruit et que les convives ont le plaisir de cueillir eux-mêmes217 ».
77Cependant, l’essentiel des variétés présentées par Jean Merlet le sont pour leur qualité gustative, quarante-sept sont mêmes qualifiées d’excellentes ou de recherchées. Par défaut, un mauvais fruit a la chair sèche, pierreuse, pâteuse ou cotonneuse, fade ou acide. Au contraire, un bon fruit séduit surtout par son eau : il se doit d’être juteux, sucré, et d’une saveur relevée. Dans une société où le sucre est plus rare que de nos jours, il est très probable que les fruits paraissent d’autant plus sucrés, et que des fruits considérés comme fades aujourd’hui aient pu accéder à la table. La rareté du goût sucré dans les denrées consommées valorise d’autant le fruit où le sucre est naturellement présent, et par conséquent condamne le fruit acide, et notamment certaines variétés de cerises, de pommes et des fruits rouges telles les groseilles. En effet, pour les cerisiers et les pommiers, par défaut, l’absence d’acidité est citée comme une qualité. Ainsi dans le catalogue de 1736 des pépinières des Chartreux, « la cerise royale est grosse, assez ronde, d’un rouge noir, l’eau est douce sans acide […] c’est une excellente cerise218 », et « la calville blanche est une grosse pomme blanche dedans et dehors […], sa chair est très légère et le goût très relevé, sans aucun acide, elle est fort estimée219 ». De même l’avocat au parlement Calonne, dans ses Essais d’Agriculture en forme d’entretiens, recommande de greffer les boutures poussant au pied des arbres fruitiers afin d’éviter qu’elles ne « jette(nt) que des fruits sauvages qui seroient des trois quarts plus petits que les autres, et dont le goût seroit acide et désagréable220 ». Quant aux groseilles, fruits présents dans les jardins bien qu’acidulées, elles sont utiles pour… les confitures221 ! Un traitement identique est réservé aux cerises à bouquet jugées « trop acides pour être mangées autrement qu’en compotte ou glacées de sucre222 ».
78C’est d’ailleurs ce rapport au sucré, associé aux limites techniques des transports et au goût des élites pour la collection, qui explique l’acclimatation et le commerce de fruits « naturellement » peu adaptés au climat parisien, tels que les pêches, les abricots et les figues, sans parler des espèces plus exotiques des orangeries aristocratiques. Grimod de La Reynière précise même que, « quoique les Provençaux affichent un grand dédain pour nos figues, il faut convenir que celles qui nous viennent d’Argenteuil sont succulentes, assez parfumées et plus juteuses même que les figues méridionales223 ». L’abbé Pluche pousse l’éloge jusqu’à préciser que le vrai connaisseur, y compris l’honnête méridional, reconnaît la supériorité gustative de la figue parisienne224 ! Quant à l’abricot, ayant du mal à « se gorger de soleil » sous le climat parisien, si ce n’est les années particulièrement ensoleillées comme l’été 1676225, on noie son acidité dans le sucre des confitures : « on en fait véritablement quelque cas ; mais ce n’est que pour les confitures, tant sèches que liquides ; ce n’est pas un fruit délicieux à manger cru226 ».
79Sucré et juteux, les critères d’un bon fruit sont aussi fonction des espèces. Une bonne poire est fondante/beurrée, c’est-à-dire que le « fruit estant en maturité, si-tost que l’on en met un morceau dans la bouche, il fond comme le beurre, et à un goust odoriférant227 ». Merlet rejoint La Quintinie qui « aime en premier lieu celles qui ont la chair beurrée, ou tout au moins tendre et délicate, avec une eau douce, sucrée et de bon goût et surtout quand il s’y rencontre un peu de parfum228 ». Une bonne pomme se doit d’être ferme, quant à la prune, sa chair doit se détacher facilement du noyau.
80« Y-a-t-il musc, ny ambre, qui surpasse l’odeur d’une bonne poire et d’une bonne pesche, quand elles sont bien meures ?229 ». Si dans l’éloge des bons fruits, la bonne senteur d’une poire se doit d’être supérieure aux parfums musqués à la mode, la sensibilité olfactive des contemporains semble exclure bon nombre de fruits. Pour seulement la framboise, jugée « fruit odorant, délicieux et délicat230 », l’abricot231 et cinq poires sur les quarante-sept variétés décrites dites excellentes, Merlet note un parfum, au contraire deux pommes très appréciées, la Bardin et la pomme d’Api sont dites inodores. Le goût des élites du xviie siècle et de la première moitié du xviiie siècle pour des parfums très forts utilisés à outrance232, au premier rang desquel il faut placer le musc, ne pouvait que réduire le critère olfactif dans l’élaboration d’un bon fruit233 faute de fruits très odorants. De surcroît, pour de nombreuses variétés, une forte odeur est le signe d’un trop grand avancement voire d’un début de corruption.
81Ainsi, l’appréciation du fruit est avant tout visuelle et gustative, secondairement olfactive, mais jamais tactile, probablement à cause de sa fragilité et de sa propension à s’abîmer lors des manipulations. Enfin, si Merlet précise de temps en temps qu’un arbre « charge beaucoup », la fertilité de l’espèce n’apparaît pas comme un critère décisif.
Sélection des espèces et des variétés fruitières pour l’élaboration du bon goût
82La multiplication des espèces et la sélection qu’elle rend possible au cours de l’époque moderne, associée aux innovations et améliorations techniques telles que la taille et l’espalier, expliquent qu’un fruit considéré comme excellent au xvie siècle puisse être jugé mauvais et grossier au xviiie siècle. La pêche de Corbeil illustre parfaitement ce cheminement. Cette pêche cultivée en plein vent est la plus estimée par Charles Estienne et Jean Liebault234. Un siècle après, Merlet la qualifie de pêche commune assez bonne235 et, à la fin du xviie siècle, La Quintinie la classe parmi les mauvaises pêches, la trouvant fade et insipide avec un arrière-goût de vert et d’amertume236. Au siècle suivant cette disgrâce est confirmée par Le Grand d’Aussy237 notant en 1782 qu’il n’y a « maintenant que le bas peuple qui en achète, et elles se crient dans la rue sous le nom de pêche au vin238 », et par la condescendance de l’arboriste Schabol : « ces pêches viennent de noyaux dans les vignes, et sont le partage du menu peuple. Il s’en trouve quelquefois de passable239 ». Parallèlement à cette dépréciation des fruits des pêchers de plein vent, la technique de l’espalier s’est développée et améliorée, devenant même la spécialité du village de Montreuil et des terroirs limitrophes, et la multiplication des variétés a permis de sélectionner des pêches juteuses, plus sucrées et plus volumineuses, fruits alors inconnus au xvie siècle.
83Il faut aussi noter que nous avons là l’élaboration par des élites du bon goût nécessaire, en matière d’arboriculture, pour manifester une distinction sociale240 ; ce processus est très visible quand La Quintinie condamne certaines variétés comme étant trop mauvaises pour les laisser entrer dans le privilégié jardin ou dans l’assimilation de la pêche de Corbeil au « bas peuple ». Ainsi la multiplication des variétés fruitières, sensible dans les traités d’arboriculture, et la condamnation de certains fruits reflètent la constante recherche du bon fruit. Le goût de la bonne poire entraîne obligatoirement une sélection des variétés pour passer des poires sauvages à chair pierreuse, à des poires à chair juteuse et sucrée, ce qui explique que La Quintinie dresse la liste de dix-neuf poires qu’il « connaî[t] pour si mauvaises qu’[il] ne conseille à personne d’en planter241 ».
84Enfin, les saisons, associées à la période de maturité de consommation d’un fruit, jouent un rôle essentiel dans la sélection des espèces considérées comme bonnes. Seules la précocité et la tardiveté permettent à certains fruits d’accéder à la table. C’est grâce à la raréfaction des fruits en hiver et au début du printemps que la poire « gros musc d’hyver » malgré une chair « brute et grossière » est dite excellente par Jean Merlet242. Quant à la pêche Pavie de Pompone citée par Combles pour les mérites de son volume et de son coloris, elle l’est aussi parce qu’elle « vient quand toutes les dernières pêches finissent et […] qu’on l[a] mange toute l’année, confit au vinaigre comme les cornichons243 ». Ce n’est plus ici la saveur qui détermine le goût d’un fruit, mais le temps qui devient un allié permettant à des fruits parfois insipides et/ou pierreux d’accéder à la table.
85Outre les critères qui font un bon fruit, ces sélections nous permettent d’appréhender les fruits à la mode chez les propriétaires d’une maison des champs. Ainsi il n’est guère surprenant que les pommiers à cidre et les poiriers à poiré, trop populaires, soient absents des pomologies comme des arbres proposés à la vente dans les pépinières tenues par les Chartreux. En attendant le xixe siècle244, ces variétés de pommiers et de poiriers sont confinées dans les rares traités sur l’art de faire du cidre comme celui du marquis de Chambray245 ou celui du procureur du roi Thierriat246, deux auteurs qui, significativement, ne sont pas parisiens.
De la poire à la pêche, les fruits à la mode
Figure n° 3 : Nombre de variétés fruitières sélectionnées dans des traités horticoles parisiens (xviie-xviiie siècles)

86Note247
87Note248
Figure n° 4 : Nombre de variétés fruitières proposées à la vente dans les catalogues des pépiniéristes parisiens (xviiie-début xixe)

88Note249
89Note250
90Note251
91Note252
92Note253
93Sélections de bons fruits dans les ouvrages pomologiques, choix de variétés fruitières qui méritent de trouver place dans les vergers des traités d’arboriculture, et catalogues de vente d’arbres fruitiers des pépinières parisiennes, s’accordent pour consacrer la domination des poiriers sur les autres espèces même si la part des variétés citées tend à lentement diminuer du xviie siècle au début du xixe siècle.
94Si l’on compare le nombre de variétés de pêche et de pomme citées dans les chapitres pomologiques et surtout dans les catalogues des pépiniéristes, il apparaît clairement que, dans la seconde moitié du xviie siècle et durant tout le xviiie siècle, le pommier y est sous-estimé par rapport au pêcher. Pourtant, autant le pêcher craint particulièrement les gelées printanières et peut souffrir d’un taux d’ensoleillement insuffisant, autant le pommier est une variété rustique parfaitement adaptée au climat parisien. La Quintinie réduit même les vingt-cinq variétés de pomme qu’il daigne citer à sept pommes bonnes à manger crues ou cuites254, alors que Claude de Saint-Etienne dans son Instruction pour connaître les bons fruits en 1670 prévient ses lecteurs qu’il « ne dir(a) pas grand chose [des pommes], (s)a curiosité n’ayant esté que des Poires et Pavis principalement. [Il] les mettr(a) donc seulement suivant les lettres de l’Alphabet255 », traitement qu’il avait déjà, en partie, infligé aux prunes. Pourtant, un siècle plus tôt, La maison rustique proclame le pommier « arbre le plus requis et précieux de tous, pour cela appellé d’Homère l’arbre au beau fruit256 » et le place devant le poirier, reconnaissant la pomme fruit plus sain que la poire selon, sans doute, une analogie classique dans la diététique ancienne entre la plus ou moins rapide corruption du fruit et ses effets sur l’organisme. Et ce sont surtout des pommiers que greffe et élève, au milieu du xvie siècle, le sire de Gouberville257, en Normandie il est vrai. Cependant la même édition de La maison rustique note que « toutesfois si l’on se veut asserter au goust, la poire est communément plus plaisante et savoureuse au goust, plus agréable à manger en la saison crue, cuite et confite, que la pomme » et s’« esbahis qu’on ne plante point plus de poiriers que de pommiers258 », annonçant clairement les préférences du xviie siècle.
95En effet, dans les deux derniers siècles de l’époque moderne, poires et pêches sont manifestement à la mode contrairement au pommier et au prunier pourtant bien adaptés aux conditions naturelles des campagnes de l’Île-de-France. L’honnête homme se devant d’apprécier la délicatesse de la chair fondante des fruits, ce qui exclut la chair ferme, croquante et parfois légèrement acide de la pomme, et faire du fruit une friandise consommée toute l’année, telle la poire, et/ou obtenue en forçant la nature derrière ses murs, telle la pêche, ne pouvait que créer une hiérarchie des espèces fruitières.
96Cette hiérarchie est visible dans les noms en français des différentes espèces qui traduisent, au moment où ces appellations parfois imagées et subjectives furent données, une échelle de valeurs. Or les traités des xviie-xviiie siècles, comparés à ceux du xvie siècle, connaissent une augmentation sans précédent des espèces fruitières citées créant autant de nouveaux noms. Reinette, Rambour, Bondy et autres pommes d’Api y font piètre figure à côté de la Bellissime, de la Merveille d’hiver, du Trésor ou poire d’Amour, de la poire d’Ange, de Jalousie, ou d’Ah ! mon Dieu et autre Bon- Chrétien. Seule la pêche est en mesure de concurrencer la poire grâce aux Admirables, Petites et Grosses Mignonnes, Belle de Vitry, sans oublier les Tétons de Venus.
97La mode de la poire au xviie siècle chez les élites peut se comprendre par son rapport au temps. Les poiriers offrent des variétés d’été, d’automne et d’hiver, tout comme les pommiers, mais ces derniers sont entachés de la vulgarité du commun, alors qu’au poirier sied l’espalier et l’abri du clos. René Dahuron, élève de La Quintinie, prévient ses lecteurs que
« les pommes ne tiendront pas tant de place dans ce traité qu’ont fait les poires. Quoique ce soit un bon fruit, je n’en voudrois planter que peu dans les jardins. Une bonne poire y étant toujours à préférer à une pomme ; et je crois que bien des gens sont de mon sentiment. Ce n’est pas que je les en voulusse bannir tout à fait, mais je n’y en voudrois mettre que quelques unes, attendu qu’elles viennent bien toutes en plein vent259 ».
98De plus, la maturité de consommation étant réduite pour les poires, le jardinier se doit de multiplier les variétés pour pouvoir en offrir la plus grande partie de l’année, rencontrant ainsi le goût de l’honnête homme pour la collection alors que la longue maturité de consommation des pommes ne pousse pas à la multiplication des variétés260.
« En premier lieu je mettray les poiriers, écrit Nicolas de Bonnefons, […] lesquels l’on cueille des fruicts en leur maturité au moins cinq mois de l’année ; et que c’est le fruict, dont il y en a quantité qui se garde jusques aux nouveaux, sans déchoir de la bonté de son goust, ny sans se flétrir, ce qui ne se rencontre pas en tous les autres fruicts261 ».
99D’ailleurs il classe trois cents variétés de poires dont la maturité s’étend de la fin du mois de juin à février262. La Quintinie, chantre de la poire, tient le même discours.
100Cependant le prestige de la poire tend, au xviiie siècle, à être remplacé par la pêche dont la culture s’est développée autour de Paris dans les clos aristocratiques et bourgeois, mais aussi, pour répondre à la demande parisienne, dans des clos paysans comme au village de Montreuil célèbre pour sa manière de cultiver les pêches. Au xviiie siècle c’est le pêcher, après le poirier, qui offre à la vente le plus grand choix de variétés dans les catalogues des Chartreux, dans celui du pépiniériste-grainetier parisien Andrieux et dans les pépinières Alfroy à Lieusaint.
101En 1745, Combles note que « la culture de ce fruit n’étoit autrefois connue que de peu de personnes, aujourd’hui tout le monde s’en mêle, les plantations se sont multipliées extraordinairement263 ». Il explique le succès de cet arbre fruitier par le fait « qu’il n’en est point qui tapisse si agréablement des murs, qui offre des fruits si brillans aux yeux, et plus agréables au goût, et qui rapporte si promptement264 ». Pour apprécier la pêche, il met en avant le goût, la vue, le temps et l’art de l’espalier, car il ne saurait être question de quitter le clos. Les pêches recherchées ayant besoin de l’abri du mur pour mûrir, se colorer et se « gorger » de soleil, l’engouement pour ce fruit au xviiie siècle s’explique, notamment, par l’amélioration de la conduite du pêcher en espalier dans la seconde moitié du xviie siècle ; Le Gendre reconnaissait en 1652 que le pêcher palissadé ne réussissait pas265.
102Cette mode des pêches ne concerne que les pêchers conduits en espalier abrités derrière un mur et exclut les arbres de plein vent :
« il n’en est pas de même de certaines espèces communes telles qu’on en voit aux environs de Fontainebleau, et dans toutes nos provinces méridionales, qui étant plus dures de leur nature, et d’une grosseur fort médiocre, résistent assez communément aux injures du tems, et s’élèvent dans les vignes comme dans les jardins, sans aucune culture, mais elles n’ont presque que le nom de pêche comparées à celles que nous élevons ici266 ».
103En effet, l’engouement pour la pêche ou la poire ne veut pas dire que toutes les variétés de ces espèces fruitières soient sollicitées ; certaines sont même décriées. Ainsi la poire de Messire-Jean aux dires de La Quintinie « n’a pas véritablement le don de plaire à tout le monde […] (on) lui reproche la chair rude et grossière […] en disant que ce n’est qu’une Poire de Curé, de Bourgeois et de Valets, ou tout au plus une Poire de Communauté267 ».
104Cette remarque sur ses contemporains illustre parfaitement la dimension psycho-sociologique du fruit que nous avons déjà rencontré comme ressort comique chez Molière, et comme affirmation d’une distinction aristocratique chez Arnauld d’Andilly.
105Une dernière espèce fruitière appartient au bon goût de l’arboriculture, mais elle ne peut être révélée par une approche quantitative à partir des variétés citées dans les pomologies ou les catalogues des pépiniéristes, car seules deux ou trois variétés parviennent à produire correctement sous le climat parisien : il s’agit du figuier.
« Mais enfin cette curiosité a été portée beaucoup plus loin depuis quelques années. L’amour qu’on a eû pour les figues, a fait juger les figuiers dignes d’occuper les meilleures places dans les espaliers ; et l’on s’est même avisé d’en élever dans des caisses comme des orangers, afin de jouïr plus abondamment et avec plus de seureté d’un si riche présent de la nature, qui est ainsi devenu le fruit mignon de nos jours268 ».
106De sa visite du potager royal de Versailles, l’Anglais Lister retient surtout qu’« il y a sept cents caisses de figuiers » et son regard d’étranger, déjà marqué par « d’autres exemples à Paris », retient « qu’ici l’on aime beaucoup les figues269 ». D’ailleurs lorsqu’au cours de son récit, « avant de laisser là les jardins et la campagne, [il] veu[t] ajouter quelques remarques sur des objets nouveaux pour lui » il insiste derechef sur la culture de cet arbre270.
107Là encore, La Quintinie se montre un excellent témoin et artisan de l’élaboration du bon goût en matière d’arboriculture fruitière, « la figue bien mûre éta[nt] à [s]on goût le meilleur de tous les fruits des arbres qui jusqu’à présent sont venus à [s]a connaissance, comme aussi est-elle en effet celui que la plupart des honnêtes gens trouvent le plus délicieux de tous271 ». En effet, dans la seconde moitié du xviie siècle tout jardin fruitier digne de ce nom se doit d’avoir quelques pieds de figuier voire, comme à Versailles, une figuerie, jardin spécialisé où sont placés des figuiers en caisse. Ces arbres fruitiers sont aussi cultivés en espalier et en buisson dans les jardins ou dans un coin d’une cour272, et en plein champ. D’ailleurs au xviiie siècle, le figuier est cultivé hors des jardins aristocratiques et bourgeois dans des terroirs circumparisiens comme à Argenteuil273 ou à Chanteloup-les-Vignes274. À la veille de la Révolution, le curé de Saint-Brice, en faisant le bilan des conséquences d’une année 1788 particulièrement humide, indique que les figues y étaient cultivées en vue d’une commercialisation275.
Des fruits vulgairement communs
108Tous les fruits ne jouissent pas du prestige de la poire, de la pêche ou de la figue. Ainsi, dans sa définition de la prune, Furetière illustre parfaitement la vision de ses contemporains en écrivant que l’« on dit proverbialement, il aime bien mieux deux œufs qu’une prune, pour dire, il n’est pas niais, il entend bien ses intérests. On dit aussi, cet homme n’est pas là pour rien ». De même, quand La Bruyère dans Les caractères veut ridiculiser le goût de ses contemporains pour l’arboriculture, il ne choisit pas les fruits réellement nobles, telles que les figues, les pêches ou les poires mais bien la « vilaine » prune :
« O l’homme divin en effet ! homme qu’on ne peut jamais assez louer et admirer ! homme dont il sera parlé dans plusieurs siècles ! que je voie sa taille et son visage pendant qu’il vit ; que j’observe les traits et la contenance d’un homme qui seul entre les mortels possède une telle prune !276 ».
109Remplaçons prune par poire et l’effet recherché par La Bruyère serait différent. Pour ridiculiser la superficialité des modes, l’auteur des Caractères choisit à bon escient la prune car ce fruit dédaigné connaîtra un court engouement dans la dernière décennie du xviie siècle.
110Si les prunes sont très présentes dans les natures mortes du xviie et xviiie siècles et dans les pyramides des fruits, elles le doivent à la variété de leurs coloris, du jaune au violet/noir en passant par le rouge et le vert. Seules quelques espèces obtiennent les honneurs d’être citées et recherchées dans les jardins : la Reine-Claude, reine des prunes pour l’abbé Le Berryais, la Mirabelle, la plus recherchée des prunes pour Jean Merlet, la prune de Monsieur, le Perdrigon, les prunes de Damas. Le prunier ne semble toléré dans les jardins des traités agronomiques que pour les confitures et les pruneaux que ses fruits permettent de confectionner. C’est par une transformation culinaire, qui n’est pas obligatoire pour la poire ou la pêche, que la prune gagne ses lettres de noblesse.
111Bien qu’étant une espèce fruitière très rustique et très bien adaptée au climat de l’Île-de-France, le nombre de variétés de prunier citées dans les traités contemporains et proposées à la vente par les pépiniéristes est globalement similaire à celui des variétés de pêcher. Selon un raisonnement qui appliquerait aveuglément un déterminisme du milieu naturel, les pruniers auraient dû être plus présents que les pêchers ; seule une prise en compte des facteurs humains permet de comprendre cet ordre de grandeur similaire qui s’explique par un relatif désintérêt pour les prunes et un vif engouement des élites pour les pêches. La comparaison avec le catalogue de 1825 des pépinières de Louis Noisette confirme cette sous-estimation des pruniers : par rapport aux pépinières du xviiie siècle, il propose à la vente trois à quatre fois plus de variétés de prunier et seulement deux fois plus de variétés de pêcher. Ce quadruplement des variétés de prunier ne peut pas s’expliquer uniquement par l’arrivée, dans les campagnes parisiennes, de nouvelles variétés venant de la province ou de pays étrangers mais bien par la prise en compte de variétés locales jusqu’alors délaissées par les arboristes. Cinquante ans avant les cent six pruniers proposés à la vente par Louis Noisette, l’abbé Le Berryais n’en sélectionnait, dans son traité, que vingt-cinq.
112L’image très largement négative que traîne le prunier peut trouver ses origines dans ses propriétés laxatives, mais aussi dans sa trop grande facilité à pousser et à fructifier sous le climat parisien, et ce, même à l’état sauvage ou dans une haie. Le Jardinier Solitaire reproche à cet arbre d’avoir une racine « incommode pour le voisinage, parce qu’elle mange beaucoup de terre, et pousse des rejettons de tous costez277 ». Cerisette, ou prune blanche dite Pisseuse, sont autant d’appellations péjoratives pour des fruits qui « viennent de boutures, ou de noyau, sans qu’il soit nécessaire de greffer278 », au contraire « les variétés intéressantes de prunier, se greffent en écusson ou en fente sur des sujets de leur espèce279 » mais même greffés, « les murs sont trop précieux pour que les pruniers aient une place importante parmi les espaliers280 ». De plus, l’aspect visuel d’un vieux prunier « tor(d)u, dégarni, difforme281 » ne correspond pas au canon classique d’un bel arbre dans un jardin digne de ce nom, à savoir la rectitude, l’équilibre et l’harmonie d’un bel espalier. Enfin, même le calendrier lui est défavorable car la saison de maturité de nombreuses prunes correspond à la pleine saison des pêches, ainsi le prunier ne peut pas bénéficier de la disette d’autres fruits contrairement au cerisier.
113En effet, un fruitier manque à notre palmarès : le cerisier. La présence de nombreux cerisiers dans la vallée de Montmorency à l’époque moderne traduit l’existence d’une importante demande, notamment parisienne. Le succès du temps des cerises tient à la période de maturité de ces fruits qui offre un avant goût de l’été en remplaçant les fruits de garde, néanmoins cet arbre n’attire pas les honneurs décernés au poirier et au pêcher, sans pour autant connaître la dédaigneuse condescendance des auteurs contemporains envers de nombreuses pommes et prunes. Cette neutralité peut se comprendre par deux caractéristiques du cerisier qui s’équilibrent. Si le cerisier ouvre la saison des fruits et possède ainsi l’atout de la primeur, il aime à être cultivé en haute-tige et en plein vent, ce qui lui interdit les privilèges du jardin, à l’exception anecdotique du cerisier précoce dont l’espalier offre, dès le mois de mai, de petites cerises acides que les femmes de l’aristocratie consomment avec beaucoup de sucre. De surcroît, ce fruit massivement commercialisé apparaît peut-être plus comme une production de marchands-fruitiers et de verger de rapport que digne d’appartenir à la société élitiste d’un jardin fruitier de curiosité.
La consommation des fruits
Le fruit, un dessert
114Le nouveau goût des élites de l’époque moderne pour les légumes frais, tels que les artichauts, les asperges, les petits pois282… renforce, sans nul doute, la position que les fruits avaient déjà acquis sur les tables des grands au Moyen Âge, d’autant plus que Louis XIV se montre friand de ces légumes, de figues et de fraises. D’ailleurs le mot « dessert » tend à être remplacé par « fruit » chez les personnes de qualité283, et le chef de fruiterie de la maison du roi ou d’un grand seigneur a pour principale fonction de préparer le service du dessert, d’offrir des fruits frais, des confitures et des confiseries pour le dernier service du repas ou lors d’une collation offerte avant ou après une comédie, après une promenade284… Et c’est sous la rubrique « office de fruiteries » que Nicolas de Blégny recense les lieux parisiens renommés où l’on peut acheter des confitures sèches et liquides, des dragées, des massepains, des biscuits, et des fruits frais et secs285.
115Ces fruits sont consommés crus ou cuits. Les traités sur la culture des arbres fruitiers distinguent précisément les fruits à couteau et les fruits à cuire, et les baux prévoyant un paiement en partie en nature reprennent cette distinction pour faire livrer au domicile du bailleur des cerises à confire ou des poires à cuire. Cuisinés avec du sucre de canne ou plus rarement du miel, les fruits se dégustent en compote, en marmelade, en gelée à partir du jus des fruits, en confiture, en pâte de fruits, c’est-à-dire les confitures sèches dont le cotignac d’Orléans, et en fruits confits dans du vinaigre ou du sirop.
116Certains fruits, tels les abricots286, les pêches, les cerises et les Reines Claude, après avoir été cuits dans du sucre, peuvent être conservés dans de l’eau-de-vie287. Le terme confiture revêt un sens beaucoup plus large que de nos jours, il désigne tous les moyens de conservation des fruits : Le jardinier françois propose des confitures au sel et au vinaigre, des confitures liquides au sucre, des confitures au moût, au cidre et au miel, et des confitures sèches.
117Le goût des fruits entretient la mode des confitures et les traités sur la culture des arbres fruitiers ne manquent pas de leur consacrer un chapitre. Nicolas de Bonnefons termine son Jardinier françois par un « traicté de la manière de conserver les fruits en leur naturel » où les confitures, les fruits séchés et confits voisinent avec la construction d’une fruiterie ; et trois ans plus tard il publie un livre de recettes de cuisine, Les délices de la campagne288, qu’il présente comme la suite logique de son traité sur la culture des arbres fruitiers. Les livres de cuisine ne les oublient pas non plus, et certains sont même presque exclusivement consacrés à l’art de faire des confitures289. De manière significative la seconde moitié du xviie siècle est aussi marquée par une multiplication de ces traités avec cinq premières éditions entre Le confiturier françois de 1660 et la Nouvelle instruction pour les confitures de Massialot en 1692 ; elle connaît une augmentation à la fois des nouveaux titres consacrés à l’arboriculture et de ceux consacrés aux confitures. Cette coïncidence n’est pas fortuite mais symptomatique d’un même engouement des élites pour les fruits. La mode des confitures peut se développer grâce à la production sucrière de Saint-Domingue et des Antilles françaises augmentant à partir du dernier quart du xviie siècle ; les ports profitant de la façade atlantique, de Rouen à Bordeaux en passant par Nantes, deviennent, dans la seconde moitié du xviie et surtout au xviiie siècle, de grands centres d’importation puis de réexportation du sucre de canne des Antilles290.
118La mode des fruits et des confitures procède d’une redéfinition de la gourmandise datée du xviie siècle par Jean-Louis Flandrin : alors que ce sont les excès quantitatifs qui sont condamnés, le palais d’un homme distingué se doit d’apprécier les friandises sucrées et la délicate chair des fruits291. « Cette transformation du système de valeurs n’est sûrement pas sans rapport avec la désaffection des personnes distinguées pour les aliments les plus bourratifs, et leur passion nouvelle pour des nourritures végétales plus délicates292 » : laitues, petits pois primeurs et melons, cerises, poires et pêches. Le jeu avec le temps peut aussi expliquer la mode des confitures : lutter contre la nature rapidement corruptible du fruit et figer sa maturité pour en profiter toute l’année cherchent à provoquer « la surprise et l’admiration qui naissent de la vue des choses extraordinaires, attendu que c’est presque un miracle de la nature d’entretenir, dans un état incorruptible si longtemps des espèces si sujettes à corruption par le moindre accident qui leur arrive293 ». Dans ce discours ambiant se développe une controverse médicale entre les mérites comparés du cuivre rouge et du cuivre étamé pour la préparation des confitures. Le premier offre l’intérêt de conserver aux fruits leur couleur mais il développe le redoutable vert de gris s’il est mal nettoyé, au contraire le second élimine le risque d’empoisonnement mais il noircit les fruits294. Le titre du dernier chapitre du Jardinier françois est d’ailleurs très explicite : « traicté de la manière de conserver les fruits en leur naturel ». Il en est de même à propos du goût des fruits : plus il y a de sucre, plus la confiture peut se garder mais plus le goût naturel du fruit est masqué, et vice versa295. Jouer sur les quantités de sucre et la durée de cuisson296 pour multiplier consistances, couleurs, goûts et durées de conservation, caractérise l’art de faire des confitures. Celles-ci, recouvertes « d’une petite couche de sucre qui se durcit comme du cristal297 », sont conservées dans des pots de gré, de faïence, de terre plombée ou de verre, et dans des boîtes en sapin.
119D’autres fruits sont séchés au four avant d’être commercialisés comme les réputés pruneaux du Val-de-Loire298 et ceux de Brignoles299, et ce dès le xvie siècle300. La Nouvelle maison rustique utilise, après la cuisson du pain, la chaleur du four pour faire sécher des cerises, des prunes et des raisins ; les fruits enfournés sur des claies seront « tourn(és) de temps en temps, afin qu’ils sèchent par tout avec égalité301 ». La technique était aussi pratiquée dans les campagnes parisiennes du xviie siècle : l’inventaire après décès de Nicole Gillet, mère d’un officier de fruiterie de la reine, révèle en 1650 « deux clef [claies] de bois servant à mettre des rezains au four302 ». Par ailleurs, la pomme Fournière, qui est une variété de Reinette cultivée et probablement née303 dans la vallée de Montmorency, serait ainsi appelée « parce que les paysans de la vallée de Montmorency en faissoient autrefois sécher des fournées entières, aujourd’hui ils préfèrent les porter à Paris, où ils le vendent bien304 ». Si les baux, les enchères de fruits et les rapports d’experts confirment la production de pommes de Fourniere dans la vallée de Montmorency aux xviie-xviiie siècles, les différents dépouillements réalisés ne révèlent aucun indice quant au séchage de ces fruits. La précision de « autrefois » invite à être d’autant plus prudent au sujet de cette étymologie tout en indiquant que l’on ne pratique plus cette transformation au xviiie siècle, ce que nos sources confirment par défaut. Les fruits séchés n’étant pas un aliment de substitution en Île-de-France, il est probable que ne sont demandés que des fruits de qualité produits dans d’autres provinces, voire dans des pays étrangers, et acheminés vers Paris, les campagnes parisiennes se contentant, alors, de vendre leurs fruits sans les transformer. Ainsi, au xviiie siècle les épiciers parisiens vendent des pruneaux de Touraine, de Brignoles, d’Aubagne, de Castellane, de Digne et de Guyenne, des raisins secs de la Grèce ottomane et vénitienne via Marseille, de Roquevaire, d’Auriol, de Frontignan et d’Espagne, et quelques figues sèches de Provence et d’Espagne305.
120En effet, contrairement aux fruits séchés de la France de l’Est306, il ne s’agit pas ici d’un aliment de substitution pour parer à une cherté prévisible, mais bien d’un aliment supplémentaire, d’un aliment perçu comme un dessert, d’autant plus qu’il est lié au sucre. Le fruit est réservé au règne du sucré, à la fin du repas, dans une cuisine française qui tend à nettement séparer le sucré du salé. Contrairement à l’Europe orientale et centrale, les fruits ne sont pas traditionnellement utilisés comme accompagnement de viandes ou comme condiment307. La groseille acide offre une exception notable à cette évolution en remplaçant le verjus comme assaisonnement, elle sert notamment à accommoder le maquereau, ce qui lui donnera son nom actuel308.
Le fruit, un aliment devenu sain
121Le passage des fruits du début à la fin du repas illustre aussi, tout comme la mode des confitures, une perte d’influence de l’ancienne diététique issue de Galien qui attribuait au fruit une mauvaise réputation309, celle d’une nature dangereuse de décomposition, responsable « des ventosités et douleurs de ventre310 ». Le goût des fruits se développe dans la société du xviie siècle au détriment des principes traditionnels de la médecine et de la diététique issus de la période médiévale. Sous le règne de Louis XIV le fruit est même devenu un aliment sain et recommandé pour rester en bonne santé : « presque tous les malades aspirent après le fruit, et plusieurs se sont guéris en en mangeant311 ». Pour La Quintinie
« les fruits sont sans doute une des plus fortes passions de tous tant que nous sommes, qui croyons volontiers, que comme ils sont délicieux au goût, aussi sont-ils utiles à la santé ; les médecins qui nous doivent donner des règles contre les infirmités, bien loin de combattre cette opinion, l’établissent comme infaillible, et souvent ordonnent l’usage des fruits comme des remèdes souverains ; de la vient que, pour ainsi dire, c’est aujourd’hui la mode d’être curieux de fruits, et que tant de braves gens se font honneur de marquer l’empressement à en élever312 ».
122Le traité du médecin Nicolas Venette, imprimé en 1683, est représentatif de ce changement : il joint à son Traité sur l’art de tailler les arbres fruitiers un second explicitement intitulé Usage des fruits des arbres, pour se conserver en santé, ou pour se guerir, lors que l’on est malade. Contre l’ancienne diététique, ce médecin déclare :
« il n’y a que les mauvais fruits et les fruits immaturez qui causent des cruditez, des indigestions, des coliques et des fièvres. Je diray bien plus : l’expérience de tous les jours nous apprend, que par leur usage modéré l’on prévient une infinité de maladies, et que l’on en guérit autant313 ».
123Et d’ajouter que si Galien « eut vécu de nos jours, et qu’il eut goûté les pêches que l’art et l’industrie de nos jardiniers ont rendues si recommandables314 », il ne les aurait pas condamnées. Un siècle plus tôt, La maison rustique indiquait encore que « qui sera soigneux de sa santé, ne doit user de ces fruicts que le moins qu’il pourra315 ». Cependant, l’influence de l’ancienne diététique est encore présente chez Nicolas Venette quand il fait la distinction entre les fruits que l’on doit manger avant le repas (figues, pêches, prunes, abricots, mûres et cerises) et ceux que l’on doit manger après (poires, pommes, coings, nèfles et cormes). La distinction se fonde sur la plus ou moins longue durée de conservation des fruits, les fruits ayant une maturité de consommation courte étant censés se digérer plus rapidement que les fruits de garde ; ces derniers, mangés avant le repas, retarderaient la digestion des autres aliments, alors que les premiers, en fin de repas, accéléreraient la digestion, entraînant dans les deux cas des problèmes digestifs. Un siècle plus tard, l’École du jardin fruitier de la Bretonnerie avise le lecteur
que l’« on a été que trop longtemps dans cette mauvaise opinion que les fruits sont dangereux, les prunes fièvreuses, etc. On revient un peu de ces prestiges de l’imagination […], un fruit bien mûr ne peut qu’être fort sain. Les fruits sont rafraîchissans, humectans ; ils tempèrent la chaleur du sang pendant et encore après les ardeurs de l’été. Le seul excès des meilleurs choses est nuisible, la discretion et la sobriété sont nécessaires en tout. Si les fruits ne guerissent pas seuls des maladies, ils peuvent les soulager et même en préserver316 ».
124Dans ce traité arboricole, chaque chapitre consacré à une espèce fruitière se termine par les propriétés médicinales du fruit. Une table analytique y reprend, dans l’ordre alphabétique, les maladies qui peuvent être guéries ou soulagées par l’usage des fruits317. Les recommandations alimentaires ne se maintiennent que pour les seules figues qui doivent être mangées au début du repas et avec du pain, « parce que la grande humidité qu’[elles] contiennent les rend sujet à s’aigrir, et à se corrompre bientôt ; c’est pourquoi on s’en tient à les servir aujourd’hui sur table au commencement du repas318 ».
125Sous le règne de Louis XV, une véritable marotte, notée par Le Grand d’Aussy319 et La Bretonnerie320, s’empare du cassis321 et l’élève au rang de panacée ; feuilles, fruits et écorce soigneraient les pleurésies, les panaris, et les migraines, offriraient un antidote contre les piqûres d’insectes, les morsures de serpents et de chiens enragés, fortifieraient l’estomac et le coeur, calmeraient les douleurs et les fièvres322…
bref « ce qui paroît presque incroyable [sic], c’est qu’il y a peu de maladie, qu’il ne guerisse en peu de temps, presque sans dépense ; et ce qu’il y a de consolant, c’est que s’il n’a point son effet, il ne fait jamais le moindre mal323 » !
126Derrière l’exagération, on retrouve cette valorisation du fruit, aliment sain et hautement recommandé pour conserver ou entretenir sa santé. Turgot soigne sa goutte avec un régime alimentaire constitué de pain et de « fruits doux et sans acidité324 », et loue les qualités de l’« excellent » raisin du Limousin « qui [lui] fait […] beaucoup de bien325 » ; remerciant la duchesse d’Enville pour l’envoi de plants de fraisiers, il se déclare persuadé que ces fruits rendront son régime alimentaire « encore plus salubre et certainement plus agréable326 ». La goutte, liée à une alimentation trop riche, doit être combattue par la saine délicatesse de fruits peu consistants ; ce régime doit aussi souligner la sagesse, la modernité et implicitement l’appartenance sociale du « patient ».
127En effet, la mode de l’arboriculture, fille du Grand Siècle, trouve un nouveau souffle dans la seconde moitié du xviiie siècle, sensible dans la multiplication des titres consacrés aux arbres fruitiers et au jardinage, grâce aux travaux des naturalistes et au discours des Lumières sur la nature et les mérites des végétaux dans le régime alimentaire des hommes vertueux327, muant le jardinage marqueur du gentilhomme en attribut de l’homme sage328. Les vertueux Paul et Virginie mangent des fruits, des légumes et des laitages,
« repas champêtres qui n’avaient coûté la vie à aucun animal ! des calebasses pleines de lait, des œufs frais, des gâteaux de riz sur des feuilles de bananier, des corbeilles chargées de patates, de mangues, d’oranges, de grenades, de bananes, dattes, d’ananas, offraient à la fois les mets les plus sains, les couleurs les plus gaies, et les sucs les plus agréables329 ».
128Quant à Émile, il « aime fort les bons fruits, les bons légumes, la bonne crème et les bonnes gens330 ». Chez Jean-Jacques Rousseau, les pacifiques végétariens répondent aux guerriers carnivores ; d’ailleurs il croit voir un végétarisme naturel chez les enfants et « il importe surtout de ne pas dénaturer ce goût primitif et de ne point rendre les enfants carnassiers si ce n’est pour leur santé, c’est pour leur caractère331 ».
Manières de consommer le fruit en région parisienne
129Dans la France classique, le discours ambiant sur le fruit, tant pour sa culture que pour sa consommation, est donc particulièrement favorable. Si l’actuelle approche de l’histoire de l’alimentation a su souligner l’importance des légumes frais et des fruits pour les élites de l’époque moderne, elle se heurte au problème crucial de la représentativité sociale des sources questionnées et à un usage trop exclusif de traités imprimés, livres de cuisine et d’office, qui peuvent être très éloignés des réalités quotidiennes. D’autres sources doivent être interrogées afin d’apprécier les manières quotidiennes de consommer les fruits à l’époque moderne. L’inventaire après décès de par la prisée des ustensiles de cuisine et des réserves alimentaires s’impose comme un acte particulièrement précieux.
130En croisant le sondage effectué dans le notariat de Montmorency332 avec le dépouillement systématique du notariat de Saint-Brice de 1638 aux premières années de la Révolution, on s’aperçoit qu’à partir des dernières décennies du xviie siècle333, quelques inventaires après décès prisent des poêles à confiture334, des « écumoirs335 » et autres « réchaux à fer confiture336 ». En prenant en considération que l’inventaire après décès sanctionne la fin d’une vie, ces documents de la fin du xviie et du début du xviiie siècle témoignent de la mode des confitures pour la seconde moitié du xviie siècle. Il s’agit d’inventaires de biens de bourgeois parisiens ou de nobles ayant une maison de campagne dans la vallée de Montmorency, soit le public auquel s’adressent les traités d’arboriculture et ceux sur l’art de bien faire les confitures337 ; il est vrai que le prix du sucre nécessaire est un facteur discriminant. Le même constat peut être fait pour le Vexin français, les poêles à confiture et autres « pots de confitures de fayence » se retrouvent dans les cuisines des habitants les plus aisés, mais visiblement plus tardivement que dans la vallée de Montmorency338. Par contre, ils sont absents des intérieurs des fruitiers et marchands-fruitiers prisés dans des inventaires après décès s’échelonnant d’une centaine de livres à deux mille livres339. Ainsi les marchands-fruitiers ne transforment pas les fruits avant la commercialisation, et les confitures renvoient bien à un niveau d’aisance.
Figure n° 5 : Les ustensiles de cuisine explicitement liés à la cuisson des fruits dans les inventaires après décès de la vallée de Montmorency aux xviie et xviiie siècles

131L’art des confitures, ainsi que le raffinement d’une spécialisation des ustensiles de cuisine, est le privilège d’une élite culturelle et économique dans les villages. La « poêle à confiture » doit être replacée dans un corpus d’inventaires après décès où règnent le chaudron et la poêle à tout faire. Naturellement le public concerné par cette spécialisation de la vaisselle est aussi celui qui connaît l’individualisation de l’ameublement et des pièces à vivre ; d’ailleurs il n’est guère surprenant que, pour la même période, Annick Pardailhé-Galabrun note que « les Parisiens raffolent de [ces] douceurs, si l’on en juge par les multiples pots et poêles à confiture, les compo tiers, poêles à compote et à sirop, les cloches et pommiers pour faire cuire les fruits340 ». On ne s’étonnera pas de trouver dans la maison de campagne de Louis Senelier, un bourgeois de Paris, une « compottière avec son couvercle341 ». Cependant, la compote, moins consommatrice de sucre, est sûrement d’une consommation socialement plus répandue.
132Outre les ustensiles nécessaires pour réaliser des confitures, ces documents inventorient aussi « une cloche à faire cuire des fruits342 », « deux clef [claies] de bois servant à mettre des rézains au four343 », « poêle à chataigne344 » et autres « fruitiers ». Les collections des musées des arts et traditions populaires et des écomusées présentent parfois des exemples de pommiers des xviiie-xixs siècles345. Il s’agit d’un récipient semi-circulaire dans lequel on place les pommes face au foyer. Muni d’un petit rebord pour conserver le jus de cuisson des pommes, il peut être en terre ou de fer blanc à un, deux ou trois étages346.
133Cependant, de nombreuses recettes données par Nicolas de Bonnefons dans Les délices de la campagne peuvent être réalisées par l’ensemble des villageois sans ustensiles spécialisés ou ingrédients onéreux. Les pommes sont cuites posées devant le feu ou sous une cloche, bouillies dans un pot de terre ou fricassées avec du beurre dans une poêle ; les poires sont cuites sous les cendres chaudes, dans du cidre ou du vin. Foyer, pots, chaudrons et poêles présents dans tous les inventaires après décès, permettent, à l’ensemble de la population, de réaliser ces recettes simples et peu coûteuses ; lors de la Saint- Nicolas 1783 les enfants de Silly-en-Multien offrent à leur maître d’école « un bon plat de pommes cuites au chaudron347 ». Néanmoins, la manière sans aucun doute la plus répandue de manger le fruit, mais totalement ignoré par les sources imprimées, car ne nécessitant pas de transformation, est de le croquer cru, à l’exception du coriace coing.
134Les fruits peuvent aussi servir à la fabrication de boissons : cidre, poiré, eaux-de-vie et autres ratafias. Logiquement, dans le premier vignoble du royaume, les fortes quantités de vin devraient limiter la transformation des fruits en alcool. En effet, les inventaires après décès rencontrés prisent rarement des réserves de cidre ce qui prouverait que l’on cultive surtout des fruits à couteau et des fruits à cuire. Cependant, à partir des premières décennies du xviiie siècle348 les réserves de cidre deviennent plus fréquentes, mais sans commune mesure avec celles du vin.
Figure n° 6 : Réserves de cidre dans les inventaires après décès de la vallée de Montmorency

135Note*
136Bien que la Normandie soit proche, cette boisson ne semble pas être importée, mais bien être produite localement ; le marchand Nicolas-Paul Valois prend à loyer plusieurs pièces de terre et une petite maison à Domont « où il y a un pressoir à cidre349 », alors qu’un marchand de dentelle de Sarcelles loue une maison avec grange et « pressoir […] à faire sidre350 ».
137D’après les inventaires après décès, deux qualités de cidre, le rouge et le blanc, sont consommées. Plusieurs hypothèses peuvent être formulées quant à l’origine de ces deux qualités. La première qualité pourrait être issue du pressurage des pommes, sans ajout d’eau, avec éventuellement des fruits que l’on laisse macérer dans le jus pour obtenir une teinte plus foncée ; la seconde, plus médiocre et plus pâle, correspondrait à un repressurage du marc de pommes largement arrosé d’eau qu’en Normandie on appellerait « petit cidre ». La teinte du cidre pourrait aussi provenir de la variété des pommes utilisées : Julien Le Paulmier indique l’existence de cidre rouge comme du vin grâce au pressurage d’une pomme dite « escarlate » dans le Cotentin351. Au siècle suivant, l’Anglais Lister rapporte que le meilleur cidre qu’il ait bu lors de son voyage en Île-de-France « était de couleur de clairet, rougeâtre ou brun ; la pomme dont on le tire s’appelle Fréquin, est ronde et jaune352 ». Enfin, La Bretonnerie rapporte, à la fin du xviiie siècle, un autre usage pour les pays associant vignobles et pommiers comme la vallée de Montmorency :
« quelques personnes font leur cidre avant les vendanges, et quand le vin est fait et tiré de la cuve, ils jettent leur cidre dans la cuve sur le marc avec lequel ils le laissent bouillir de nouveau, et prendre couleur pendant quelques jours ; ils le tirent ensuite aussi coloré que le vin même, ce qui fait une boisson légère qu’on peut boire sans eau, qui passe bien, qui n’est pas désagréable, et qui est encore plus saine que le cidre pur353 ».
138Cette boisson pourrait être prisée sous l’appellation de cidre rouge. L’apparition du cidre dans les inventaires après décès à partir des années 1720 pourrait être la conséquence d’une propagation du pommier à la fin du xviie siècle et dans la première moitié du xviiie siècle dans une vallée de Montmorency pourtant viticole et réputée pour ses cerisiers, ce qui refléterait une possible adaptation au marché.
139Par contre il n’est question, dans nos sondages, ni de poiré ni d’autres boissons à base de fruits contrairement au Vexin français voisin354 et au Multien355. Hors de la vallée de Montmorency, mais toujours en Île-de- France, Julien Le Paulmier notait à la fin du xvie siècle, au sujet du poiré, qu’il « s’en fait grande quantité es environs de Chevreuse356, de Sainct Germain357, de Montfort la Maury358, et lieux circonvoisins entre lesquels on en trouve d’assez bons359 ». Quant au ratafia, les nombreuses rixes que son usage provoque dans les cabarets attestent, si ce n’est d’une production locale, au moins de sa consommation. Cependant Lister rapporte comme étant une particularité parisienne, par rapport aux usages anglais, de faire macérer les amandes des noyaux dans de l’eau-de-vie pour en faire de la liqueur360. Au siècle suivant, il est vrai que la sociabilité de Pierre Louis Nicolas Delahaye, clerc paroissial et maître d’école de Silly-en-Multien, s’appuie sur un jeu d’étrennes, de fêtes et de cadeaux offerts dans lequel les bouteilles « d’eau de noyaux », « de ratafiat de prune de Reine Claude de [s]a façon » – ce qui témoigne d’une fabrication locale – « de ratafiat de fleur d’orange » et « de liqueur parfait amour » figurent en bonne place avec les rubans et les bouquets de fleurs361.
140Plus qu’aucune autre culture, l’arboriculture fruitière s’est nourrie d’un contexte socioculturel hautement favorable pendant deux siècles ; la multiplication des traités sur les cultures fruitières et sur l’art de créer un jardin clos auprès de sa maison de campagne est révélatrice de ce phénomène. Le fruit revêt donc une forte dimension psycho-sociologique entraînant le gentilhomme aux champs et l’élaboration d’un bon goût dans la sélection des variétés cultivées, dans le « dressage » de l’arbre comme dans les manières de conserver et de consommer les fruits. Ce bon goût crée un véritable réseau de jardins de curiosité, inscrit dans les villages circumparisiens et intégré dans un réseau européen d’arboristes où la région parisienne du xviie siècle joue un rôle phare ; l’arboriculture fruitière ne peut donc que rendre cruciale la question des liens entre la Ville, la Cour et le Village.
141La prise en compte de cet environnement socioculturel est essentielle pour comprendre les spécificités qu’entraîne l’arboriculture fruitière dans les sociétés rurales parisiennes qui s’y adonnent. Ce n’est pas tant l’engouement aristocratique pour le figuier qui nous intéresse ici, mais que cet arbre fruitier ait pu être cultivé sur des parcelles paysannes révélant ainsi l’impact que les modes peuvent avoir sur les cultures, la capacité d’adaptation d’une paysannerie-marchande parisienne et la recherche de solutions, pas forcément onéreuses et aristocratiques, pour acclimater une espèce fruitière « naturellement » peu ou pas adaptée au climat parisien.
142Ainsi, pour répondre à la demande urbaine renforcée par un fort engouement social pour les fruits, certains finages délaissent vignes et emblavures pour consacrer une partie de leurs terroirs aux productions fruitières. Cet essor des cultures fruitières dans les campagnes parisiennes sera le fait de quelques grands foyers.
Notes de bas de page
1 Le Gendre, op. cit., 1652, préface non paginée.
2 Dans le sens de netteté, régularité, élégance, « propre se dit aussi de ce qui est bien net, bien orné », Furetière, Dictionnaire, 1690.
3 Terme employé aux xviie et xviiie siècles pour qualifier les amateurs d’arboriculture fruitière ; ainsi défini, « arboriste » sera employé tout au long de ce livre.
4 Séguier, Bibliotheca botanica, 1740, « Bibliothecae botanicae pars tertia, librorum indicem de re rustica, et de hortorum cultura continens », p. 315-410.
5 Musset-Pathay, Bibliographie agronomique, 1810.
6 Georges Gibault, Étude sur la bibliographie et la littérature horticoles anciennes, 1905, et Catalogue de la bibliothèque de la Société Nationale d’Horticulture de France, 1900.
7 André-Jean Bourde, Agronomie et agronomes en France au xviiie siècle, 1967. Contrairement à ce qu’indique le titre, cet ouvrage s’intéresse aux trois siècles de l’époque moderne.
8 Estienne et Liebault, L’agriculture et maison rustique, 1564, éd. utilisée 1585.
9 Gorgole de Corne, Quatre traictez utiles et délectables de l’agriculture. Le premier traicte de la manière de planter, arracher, labourer, semer et émonder les arbres sauvages, bois hault et bois taillis. Le second de la manière d’enter, planter et nourrir arbres et jardins, par Gorgole de Corne…, le tiers de la manière de semer et faire pépinières de sauvageaux, enter de toutes sorte d’arbres et faire vergers, par F. Dany… Le quart de l’art d’enter, planter et cultiver jardins, par Nicolas Du Mesnil, 1560 (le premier traité ne concerne pas les arbres fruitiers) et Arnauld Landric, Advertissement et manière d’enter asseurément les arbres en toutes saisons, 1580.
10 « Pour faire que les neffles, les cerises et les pesches soyent comme bonnes espices au manger et qu’on puisse garder jusques aux nouvelles. Entez en franc meurier comme dessus est dict et mouillez à l’enter la greffe en miel, et mettez y un peu de pouldre de bonnes espices, comme clou de giroffles », Gorgole de Corne, op. cit., 1560, p. 74-75.
11 « Qui est contre plusieurs qui ont escrit que si vous entez un neflier en un coignier que les neffles sont sans noyaux, mais c’est une abusion », Dany, op. cit., p. 96.
12 Le Paulmier, Traité du vin et du cidre, 1589, rééd. 1896.
13 « Quelles sont les plus excellentes pommes à faire sidre ? » p. 51-62, rééd. de 1896 ; l’introduction critique précise que « tout ce chapitre est une adition de Cahaignes à l’œuvre de J. Le Paulmier ; mais comme il est certain que la traduction du De Vino et Pomaceo a été faite sous les yeux même de l’auteur, il est bien probable que celui-ci a donné au médecin caennais des notes recueillies pendant ses séjours en Normandie chez plusieurs gentilshommes de ses amis », op. cit., 1896, p. 72.
14 Claude Garnier, La manière d’enter, planter, et semer, avec les remèdes contre les moucherons, limaçons et autres bêtes qui gâtent les herbes et jardins, Troyes, 1631 ; l’ouvrage est cité par Séguier et par Musset-Pathay. Quant à La Nouvelle agriculture ou instruction générale pour ensemencer toutes sortes d’arbres fruictiers avec l’usage et proprietez d’iceux…, Tournon, 1616, traduction en français par Claret du De laudibus provinciae (1551) de Pierre de Quiqueran de Beaujeu, il ne s’agit pas, malgré le titre français, d’un traité sur l’arboriculture fruitière, mais, fidèle en cela au titre latin, d’une ode à la Provence.
15 Bonnefons, The French gardiner instructing how to cultivate all sorts of fruit-trees, and herbs for the garden, trad. 1658, Le Gendre, The manner of ordering fruit-trees…, trad. 1660, Venette, The art of pruning fruit-trees, trad. 1685, La Quintinie, The compleat gard’ner ; or, directions for cultivating and right ordering of fruit-gardens and kitchen-gardens…, trad. 1693, voir Blanche Henrey, British Botanical and Horticultural literature before 1800, 3 vol., 1975.
16 La Quintinie, op. cit., 2 vol., 1690.
17 Société économique de Berne, Traité des arbres fruitiers, traduit de l’allemand en 1768 ; William Forsyth, Traité de la culture des arbres fruitiers… traduit de l’anglois avec des notes par J. P. Pictet- Mallet, an XI-1803 ; Philip Miller, Dictionnaire des jardiniers, 1785 ; Puisieux, Nouvelles observations physiques et pratiques sur le jardinage, traduites de Bradley, 1756.
18 Ballon et Garnier, Nouveau traité des orangers et citronniers, 1692 ; Pierre Morin, Instruction facile pour connaître toutes sortes d’orangers et de citronniers…, 1674 ; Traité de la culture des orangers, citronniers, grenadiers et oliviers, 1676.
19 Combles, Traité de la culture des pêchers, 1745 ; Chambray, L’art de cultiver les pommiers, 1765 ; Parmentier, Traité de la châtaigne, 1780 ; La Brousse, Traité de la culture du figuier, 1772 ; Amoureux, Traité de l’olivier, 1787.
20 Duhamel du Monceau, Traité des arbres fruitiers, 1768.
21 Schabol, 1767, p. IV.
22 Pluche, 1735, t. 2, septième entretien.
23 Triquel, op. cit., 1653, « avis du libraire au lecteur » p. II-III.
24 Schabol, La pratique du jardinage, 1770.
25 Schabol, La théorie du jardinage, 1771.
26 À l’exception notable de René Dahuron qui renvoie ses lecteurs au Jardinier françois de Bonnefons, à l’Instruction pour connoistre les bons fruits de Saint-Etienne, et à l’Abrégé des bons fruits de Merlet ; Dahuron, op. cit., 1696, p. 118.
27 Présentation de la vie et l’œuvre de La Quintinie dans Jules Gervais, Le jardinier du Roi, Jean-Baptiste de la Quintinie, 1944 ; André-Jean Bourde, op. cit., 1967, p. 88-103 ; La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. de 1999, p. 1147-1165.
28 Préface de Combles, op. cit., 1745, éd. utilisées 1750 et 1770.
29 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 1, p. VII.
30 Schabol, Dictionnaire…, 1767, article « fumier ».
31 Pluche, op. cit., 1735, t. 2, p. 138. Aujourd’hui on se contente d’habiller les racines : « on rafraîchit donc le système racinaire par des coupes au sécateur d’où se développeront de nouvelles racines. Cependant, cette taille doit préserver le chevelu de radicelles qui, dès la plantation, absorbera à nouveau eau et nourriture », Thierry Delahaye et Pascal Vin, Le jardin fruitier, 1994, p. 48.
32 Le Gendre, op. cit., 1651, rééd. 1993, p. 97.
33 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 1148.
34 Il a participé à la création des jardins potagers-fruitiers des résidences aristocratiques de Vaux, Rambouillet, Sceaux, Saint-Ouen et Chantilly.
35 Georges Gibault, op. cit., 1905, p. 23.
36 André-Jean Bourde, op. cit., 1967, p. 102.
37 37. Le Berryais, Traité des jardins ou le nouveau de la Quintinye…, 1775, p. III.
38 38. Jean Boulaine, Histoire de l’Agronomie en France, 2nde éd. 1996, p. 11.
39 39. Jean Meuvret, « Agronomie et jardinage aux xvie et xviie siècles », Hommage à Lucien Febvre, Éventail de l’histoire vivante, 1953, t. II, p. 353-362.
40 40. « Un siècle s’écoulera, entre 1600 et 1700, sans qu’aucun ouvrage d’envergure soit publié, à la seule exception de l’Instruction pour les jardins de La Quintinie », op. cit., 1967, p. 59, mais il faut noter qu’André-Jean Bourde s’intéresse aux traités généraux et à une agronomie qui « élabore des “systèmes” globaux d’agriculture » (p. 19), dans cette optique les traités sur la culture des arbres fruitiers sont effectivement négligeables.
41 Georges Duby et Armand Wallon (dir.), Histoire de la France rurale, t. 2, 1975, rééd. 1992, p. 196.
42 Marie-Claire Amouretti et François Sigaut (dir.), Traditions agronomiques européennes…, 1998, avant-propos non paginé.
43 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 1, p. LXI.
44 Mozard, op. cit., 1814, p. 82.
45 01/08/1814, AN, F10371.
46 Agronomie est pris ici dans un sens large afin d’éviter de porter un jugement de valeur et de tomber dans l’anachronisme : « toutes les sociétés qui connaissent l’agriculture ou l’élevage élaborent des savoirs en connexion avec leurs pratiques. Et dès lors que ces savoirs font l’objet d’une élaboration qui dépasse les limites de la pratique immédiate, on peut parler d’une pensée agronomique », Marie-Claire Amouretti et François Sigaut (dir.), op. cit., 1998, avant-propos non paginé.
47 Définition de l’agronomie donnée par André-Jean Bourde, op. cit., 1967, t. 1, p. 12.
48 À l’exception de celui du père Rapin (1665), les traités de jardinage des xviie-xviiie siècles sont tous écrits en langue française.
49 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 69.
50 Jean Boulaine, op. cit., 2nde éd. 1996, p. 162.
51 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 76.
52 Pline, XVII, 26, cité par Georges Gibault, Les erreurs et préjugés dans l’ancienne horticulture, 1897, p. 23.
53 Anne-Marie Bogaert-Damin, Livres de fruits du xvie au xxe siècle dans les collections de la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin, 1992, p. 104.
54 Merlet, op. cit., 1667, préface non paginé.
55 Pomologia…, 1758, traduction française 1768, et Fructologia…, 1763, traduction française 1768.
56 Merlet, op. cit., 1667, p. 76.
57 Ibid., p. 80.
58 Ibid., p. 116.
59 André Leroy reconnaissait, à juste titre, cette dimension au traité de Merlet, mais il semble qu’il n’ait pas été entendu : « Si l’on veut, en France, remonter à l’origine de la première pomologie proprement dite, il faut aller jusqu’à l’année 1667, qui fut celle où Jean Merlet, écuyer, publia un opuscule vraiment remarquable par ses descriptions, et tellement apprécié depuis, qu’on le réimprimait encore en 1771 », André Leroy, op. cit., 1867-1879, rééd. 1988, t. 1, p. 11.
60 Le catalogue de l’imprimeur Charles de Sercy témoigne de la mode de l’arboriculture fruitière et d’un public demandeur sous le règne de Louis XIV : on y retrouve les ouvrages de Bonnefons, Dahuron, Ballon et Garnier, Laurent, Le Gendre, Merlet, Morin et d’Aristote, jardinier de Puteau, on y trouve aussi des traités sur l’art des confitures. Le livre commode des adresses de Paris pour l’année 1692 indique à ses lecteurs l’adresse de ce libraire, la grande salle du Palais, chez qui, à l’exception de l’Instruction pour les jardins fruitiers, « tous les autres livres de jardinages se vendent », Blégny, op. cit., 1692, rééd. 1973.
61 Saint-Etienne, Nouvelle instruction pour connoistre les bons fruits…, 1670.
62 Séguier et Le Grand d’Aussy l’attribuent au médecin Vautier.
63 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 33.
64 Bonnefons, op. cit., 1651 préface au lecteur, non paginée.
65 Merlet, op. cit., 1667, préface non paginée.
66 Le Gendre, op. cit., 1652, préface non paginée.
67 Gobelin, le jardinier royal…, 1661, p. 4.
68 Hénouville, dépt. 76, arr. Rouen, cant. Duclair.
69 Instruction ou l’art de cultiver toutes sortes de fleurs avec des instructions pour cultiver et greffer les arbres fruitiers, par Aristote, jardinier de Puteaux, 1677, p. 45-48.
70 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, préface p. 30.
71 « Gendre, Henouvillae Parochus, nomen fictum Ill. Viri du Pont Chateau de Comboust de Coaslin, que porto-regali horti curam habebat », op. cit., 1740.
72 Georges Gibault, op. cit., 1905, p. 19.
73 Édition critique de La manière de cultiver les arbres fruitiers…, 1993, p. 96-97.
74 Nolin, Essai sur l’agriculture moderne, 1755.
75 Rapin, Hortorum carmen cum Disputatione de Cultura Hortensi, Libri IV, 1665, traduction : Les jardins, poëme en quatre chants, du Père Rapin, traduction nouvelle avec le texte par MM. V*** et G**, (Voiron et Gabiot), 1782.
76 Orléans, dépt. 45, ch. l. de dépt.
77 Chauny, dépt. 02, arr. Laon, ch. l. cant.
78 Pluche, op. cit., t. 2, 1735, p. 138. La Quintinie dirige le potager-fruitier de Versailles jusqu’à sa mort en 1688, après le court intermède du jardinier Besnard (1688-1691), les Le Normand y règnent de 1691 à 1782, puis l’Anglais Alexandre Brown, de 1782 à 1790.
79 Gobelin, op. cit., 1661, p. 46.
80 Calvel, Notice historique sur la pépinière nationale des Chartreux, an XII-1804, p. 5-8.
81 Combles, op. cit., 1745, éd. 1770, p. 135.
82 Schabol, op. cit., 1774, préface p. V, note b.
83 Mozard, op. cit., 1814.
84 Butret, op. cit., an III, p. 4.
85 Père de la Camargo, célèbre danseuse, Marie-Rose Simoni-Aurembou, op. cit., 1982, p. 8.
86 Manuscrit anonyme sur le pêcher, AN, F10258.
87 Meudon, dépt. 92, arr. Nanterre, cant. Issy-ouest-Meudon.
88 Bagnolet, dépt. 93, arr. Bobigny, ch. l. cant.
89 Blégny, op. cit., 1692, rééd. 1973, p. 79.
90 Saint Estienne, op. cit., 1670, p. 7 ; il est probable qu’il s’agisse de Galand déjà cité par Triquel, op. cit., 1653, p. 176.
91 Le Grand d’Aussy, Histoire de la vie privée…, 1782, vol. 1, p. 180.
92 Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, 1724, rééd. 1973, p. 224-225 et 283.
93 Antoine Schnapper, Le Géant, la Licorne, la Tulipe, Collections françaises au xviie siècle, 1980, p. 43-54.
94 Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris-Venise : xvie-xviiie s., 1987, p. 18.
95 Tallemant des Réaux, Historiettes, Gallimard, La Pléiade, t. 1, p. 513. L’abbé Gobelin colporte aussi cette réputation : « Monsieur Arnaud d’Andilly, le curieux des curieux, a tellement fait planter soigneusement d’excellens fruits à ladite terre, que j’ay sceu d’un homme d’honneur, qu’un nommé Leblanc, fermier dudit Sieur en ladite terre, avoit vendu des fruicts despouillez sur ladite seigneurie en icelle année, pour quatorze mil livre », op. cit., 1661, p. 227 ; Andilly, dépt. 95., arr. Montmorency, cant. Soisy.
96 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 295.
97 Philippe Grandcoing, « Paysage et distinction sociale… », Histoire et Sociétés Rurales, n° 12, 2e semestre 1999, p. 119-123.
98 L’intérêt porté aux serres et les descriptions détaillées des arbustes ornementaux dans « l’Encyclopédie d’Horticulture » de La maison rustique du xixe, 1844, rééd. 1999, sont à cet égard révélateurs.
99 Le Lectier, Catalogue des arbres cultivez dans le verger, et plan du sieur Le Lectier…, s. l., 1628.
100 Malheureusement les fruits ne sont pas décrits mais juste nommés, or en l’absence d’une nomenclature fixe, il est très probable que sous des noms locaux différents se cache la même variété.
101 « Veue du chasteau de la Roche Guyon du costé de la rivière. Plan du jardin potager avec l’arangement des arbres par quarré, le non des espèces en 1741 », document non coté, AD 95 ; La Roche- Guyon, dépt. 95, arr. Pontoise, cant. Magny-en-Vexin.
102 Saussay, Traité des jardins, 1722, p. 26-27, « toutes les plantations faites, il est bon de tenir un catalogue de ses arbres par numéros, pour reconnoître les espèces qu’on a plantées, leurs places, et indiquer les remplacements de celles [les greffes] qui auront manqué », La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 1, p. 233, p. 270 ; Calvel, Traité complet sur les pépinières, an XI-1803, p. 338.
103 Le potager créé par La Quintinie nous est connu grâce à deux plans de Perelle dont un a été placé au début de l’Instruction pour les arbres fruitiers (1690) et le second dans un recueil de gravures Vues de Paris et de ses environs.
104 Hors de la région parisienne, le Traité du vin et du cidre de Julien Le Paulmier (1589) précise, pour certaines variétés de pomme à cidre, le nom des gentilshommes chez qui il est possible de se procurer des greffes et dessine un réseau d’arboristes dans le Cotentin et le pays d’Auge à la fin du xvie siècle.
105 Le Gendre, op. cit, 1652, préface non paginée.
106 Chilly-Mazarin, dépt. 78, arr. Palaiseau, cant. Longjumeau ; Triquel, op. cit., 1653, p. 175.
107 Ibid., p. 177.
108 Ibid., p. 179.
109 Rambouillet, dépt. 78, ch. l. d’arr.
110 Rueil-Malmaison, dépt. 92, arr. Nanterre, ch. l. d’arr. Moins d’une décennie plus tard, l’abbé Gobelin fait aussi référence à Rueil : « quelles serres leur faut-il bastir, témoin celle qui se démonte, et rebastit tous les ans en la maison de Ruël de cet incomparable Ministre d’Estat, duquel la mémoire sera éternelle », op. cit., 1661, p. 208 ; Kenneth Woodbridge, « Le jardin du cardinal de Richelieu à Rueil », Histoire des jardins de la Renaissance à nos jours, 1991, p. 165-167.
111 Voyage de Lister à Paris…, 1873, p. 237-238, la visite a lieu le 27 février 1644 : « we went to see Cardinal Richelieu’s villa, at Rueil […] the gardens about it are so magnificent, that I doubt whether Italy has any exceeding it for all rarities of pleasure », Diary of John Evelyn, 1908, p. 34.
112 Château sur l’actuelle commune de Deuil-la-Barre ; op. cit., 1873, p. 291.
113 « Les [les fruits] goûter, en régaler ses amis, entendre loüer leur beauté, leur bonté, leur quantité, tout cela ensemble fait sans doute l’idée de beaucoup de choses extrêmement agréables », La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 2.
114 « Je ne suis pas de ceux qui croiroient flétrir leur réputation à voir et conseiller les personnes de qui ils pourroient souvent tirer de bonnes instructions, au contraire je croy que c’est une des choses les plus louâbles, et qu’un honnête homme se fait un plaisir de faire part de son sçavoir à ses amis », Dahuron, op. cit., 1696, p. 102.
115 Châtillon, dépt. 92, arr. Antony, ch. l. cant.
116 Hurtaut et Magny, op. cit., 1779, t. 2, p. 313.
117 Voyage de Lister à Paris, 1873, p. 171.
118 Liger, op. cit., 1702.
119 Vitry-sur-Seine, dépt. 94, arr. Créteil, ch. l. cant.
120 Calonne, Essais d’agriculture en forme d’entretiens…, 1778.
121 Gentil, Le jardinier solitaire, 1704.
122 Dans son chapitre consacré aux « jardins à Paris et dans les environs », Lister note, en 1698, que « plusieurs couvens ont des jardins spacieux et bien entretenus, qui sont toujours ouverts à tous les honnêtes gens : tels que celui des Chartreux, qui est d’une grande étendue et fort champêtre », op. cit., traduction de 1873, p. 169.
123 La Quintinie s’est rendu deux fois en Angleterre sous Charles II et Jacques II ; André-Jean Bourde, op. cit., 1967, p. 81.
124 René Dahuron, élève de La Quintinie, travaille pour le duc de Brunswick.
125 Voyage de Lister à Paris…, Paris, 1873.
126 Calvel, op. cit., an XII-1804, p. 3.
127 Pour une présentation du réseau arboriste anglais et de l’influence des jardiniers français en Angleterre, voir Blanche Henrey, op. cit., 1975.
128 Calvel, op. cit., an XII-1804, p. 7.
129 Andrieux, op. cit., 1771, avis au lecteur.
130 Duhamel du Monceau a publié avec le marquis de La Galissonnière un Avis pour le transport par mer des arbres, des plantes vivaces, des semences, des animaux…, en 1752.
131 Andrieux, op. cit., 1771, p. 56.
132 Sylvie Dépatie, « Jardins et vergers à Montréal au xviiie siècle », Vingt ans après Habitants et marchands, 1998, p. 241.
133 Schabol, op. cit., 1770, t. 1, p. IV.
134 La Quintinie conseille de multiplier les clos à l’intérieur d’un grand jardin à l’image du potager du roi.
135 AD 95, demandes du 25/06/1781, B95/1 277, 28/10/1785, B95/1 281, et du 21/05/1787, B95/1 283.
136 Demande du 19/04/1784, AD 95, B95/1 280.
137 Demande du 22/06/1789, AD 95, B95/1 285.
138 Demande du 10/02/1789, AD 95, B95/1 285.
139 Demande du 19/02/1693, AD 95, B95/1 181.
140 Mercier, Tableau de Paris, 1781-1789, chap. CXCIII.
141 Yves Durand, Les fermiers généraux au xviiie siècle, 1971, rééd. 1996, p. 528.
142 Brunoy, dépt. 91, arr. Evry, ch. l. cant. ; Hurtaut et Magny, op. cit., 1779, t. 1, p. 693.
143 Dezallier d’Argenville, op. cit., 1762, p. 316.
144 Seine-Port, dépt. 77, arr. Melun, cant. Savigny-le-Temple ; Hurtaut et Magny, op. cit., 1779, t. 2, p. 615.
145 Vente aux enchères du 16/07/1752, AD 95, 2E7/536.
146 Montgeron, dépt. 91, arr. Evry, ch. l. cant. ; Dezallier d’Argenville, op. cit., 1762, p. 312-313.
147 La Quintinie, op. cit., 1690, p. 189.
148 Dezallier d’Argenville, op. cit., 1762 : Villeneuve l’Etang, p. 50, le potager du roi à Versailles, p. 129-130, Chilly, p. 220, Plaisance, p. 290-291, Montgeron, p. 312-313, Draveil, p. 315, Brunoy, p. 316, Arnouville, p. 353, Garges, p. 354, et Nointel, p. 367-368.
149 Pour les problèmes méthodologiques liés à la place réservée aux livres dans les inventaires après décès, voir la mise au point de Jean Quéniart, « L’utilisation des inventaires en histoire socioculturelle », Les actes notariés, source de l’histoire sociale, xvie-xixe siècles, 1979, p. 241-255.
150 Groslay, dépt. 95, arr. et cant. Montmorency.
151 La Châtaigneraye, La Connaissance parfaite des arbres fruitiers, 1692.
152 L’inventaire étant de 1717, il peut s’agir de La nouvelle maison rustique de Liger (1700).
153 Inventaire après décès du 06/10/1717, AD 95, 2E7/146.
154 Pluche, op. cit., 1732-1750 ; inventaire après décès, 05/05/1751, AD 95, B95/836.
155 Epinay-sur-Seine, dépt. 93, arr. Pontoise, ch. l. cant.
156 Liger, op. cit., 1700 ; inventaire après décès, 09/09/1718, AD 95, 2E7/147.
157 Pluche, op. cit., t. 1, 1732, p. 405-510.
158 Ibid., t. 2, 1735, p. 99-234.
159 André-Jean Bourde, op. cit., 1967, p. 1 396.
160 À sa mort en 1707, le curé de Domont laisse des outils de jardinage et « vingt trois pots à fleur prisés… 23 lt. », inventaire après décès, 21/06/1707, AD 95, B95/833.
161 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 337.
162 Bail du 25/10/1700, AD 95, 2E7/136.
163 Silly-le-Long, dépt. 60, arr. Senlis, cant. Nanteuil-le-Haudouin.
164 Meaux, dépt. 77, ch. l. cant.
165 Jacques Bernet (éd.), Le journal d’un maître d’école d’Île-de-France, 1771-1792, Silly-en-Multien, de l’Ancien Régime à la Révolution, 2000, p. 93, 94, 99, 112, 123 et 203.
166 Villiers-le-Bel, dépt. 95, arr. Montmorency, cant. Garges-les-Gonesse.
167 Béatrix de Buffévent (éd.), Mémoires de Philippe Gourreau de la Proustière… (1611-1694), 1999, p. 153.
168 Ibid., p. 144.
169 Ibid., p. 146.
170 Emile Huet (éd.), « le manuscrit du prieur de Sennely, 1700 »,Mémoire de la société archéologique et historique de l’Orléanais, t. 32, 1908, p. CXXXI-CXXXIII ; Sennely, dépt. 45, arr. Orléans, cant. La Ferté-Saint-Aubin.
171 Pluche, op. cit., 1732, t. 1, p. 496.
172 « De fait l’arbre généalogique n’a pris que tard, dans le courant du xve siècle, sa forme canonique, l’ancêtre de la lignée tapi dans les racines ou le tronc, les branches déployant sa descendance vers le ciel. L’image a connu un succès éclatant dans les élites européennes à partir de la seconde moitié du xvie siècle », Christiane Klapisch-Zuber, « La genèse de l’arbre généalogique », L’Arbre…, Les cahiers du Léopard d’Or, 2, 1993, p. 41.
173 Marie-Rose Simoni-Aurembou, « l’éducation des arbres et des hommes sous Louis XIV et sous Louis XV », Actes du XVIIIe congrès international de Linguistique et de Philologie Romanes, 1986, p. 667-687.
174 « Je fais mention de la manière dont il faut gouverner les fruits sur les arbres », Gentil, Le jardinier solitaire, 1704, préface non paginée.
175 Dahuron, op. cit., 1696, p. 94.
176 Requête du 29/09/1785, AD95, B95/1 281. Acception reprise dans Chevalier et alii, Le vocabulaire portatif d’agriculture…, 1810, p. 115 : « On déshonore un arbre en coupant sa cime et ses branches ».
177 La Châtaigneraye, op. cit., 1692, p. 208.
178 Jacques Revel, « Les usages de la civilité », Histoire de la vie privée, vol. 3, 1985, rééd. 1999, p. 167-208.
179 Baldassar Castiglione, Le livre du courtisan, 1528, livre 1, XIV, première éd. française 1537, éd. utilisée Garnier-Flammarion 1987 d’après la version de Gabriel Chappuis de 1580.
180 André-Jean Bourde, op. cit., 1967, p. 38. La comparaison entre le cheval et l’arbre fruitier se retrouve dans les traités contemporains : « Il est des arbres qu’on plante comme des jeunes chevaux, dans leurs premières années on n’entreprend pas de les dresser, mais on se contente de voir qu’ils prennent de la nourriture et qu’ils profitent », Triquel, op. cit., 1653, p. 38.
181 Schabol, op. cit., 1767, article dresser.
182 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. de 1999, préface p. 30.
183 Merlet, op. cit., 1667, préface non paginée.
184 André-Jean Bourde, op. cit., 1967, p. 65-66. Corinne Beutler « Un chapitre de la sensibilité collective : la littérature agricole en Europe continentale au xvie siècle », Annales ESC, 1973, p. 1 284.
185 « Car les Modernes ont créé du neuf. Deux techniques nouvelles, par exemple, que l’on retrouvera décrites dans le Poème, consistent dans “la distribution des fleurs par la délimitation des parterres, et l’application aux murs des arbres fruitiers ainsi que leur mise en forme”/“in digerendis per areolarum descriptionem floribus, sive in arboribus fructiferis applicandis ad murum informandisque” », Jackie Pigeaud, « Les quatre livres des Jardins du Père René Rapin », xviie siècle, n° 209, 52e année, n° 4-2000, p. 605.
186 Rapin, op. cit., 1665, trad. 1782, p. 223.
187 Mollet, Théâtre des jardinages…, 1652, éd. utilisée 1670, p. 20.
188 « Mais comme mon bonheur ne vient que parce que Votre Majesté est assez touchée des divertissements du jardinage, peut-être n’est-il pas hors de propos qu’on connaisse qu’elle sait quelquefois descendre de ses plus grandes occupations pour goûter les plaisirs de nos premiers pères […] Mais pour faire voir que Votre Majesté les surpasse en ceci comme en toute autre chose, je n’aurais qu’à représenter, s’il m’était possible, la pénétration incroyable avec laquelle elle a d’abord entendu mes principes de la taille des arbres », op. cit., 1690, rééd. 1999, épître au roi, p. 7-8.
189 Louis XIV, Manière de montrer les jardins de Versailles, rééd. 1992.
190 Le 31/08/1684 et le 28/04/1685 d’après William Wheeler, op. cit., 1998, p. 86.
191 Pour une présentation des traités de chasse, voir Philippe Salvadori, La chasse sous l’Ancien Régime, 1996, p. 37-66.
192 Ibid., p. 45.
193 Voltaire, Candide, 1759, chapitre trentième.
194 L’an 2440, rêve s’il en fut jamais, 1771, cité par Isabelle Richefort, « Métaphores et représentations de la nature sous la Révolution », 1995, p. 14-15.
195 Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari (dir.), op. cit., 1996, p. 487-486.
196 Bonnefons, op. cit., 1651, l’épistre aux Dames, non paginée.
197 Molière, La comtesse d’Escarbagnas, scène III. Cette petite comédie fut présentée au roi à Saint- Germain-en-Laye le 02/12/1671.
198 La poire de Bon-Chretien d’hiver est admirée « de tout le monde […] et principalement dans la France, où les jardins en produisent une merveilleuse quantité, [et] s’est acquise le plus de réputation : c’est celle qui est la plus ordinairement employée quand on veut faire des présens de fruits considérables », La Quintinie, op. cit., 1690, éd. de 1739, t. I, p. 221.
199 Molière, op. cit., scène IV.
200 Lettre d’Arnauld d’Andilly à Mde de Sablé du 23/09/16-- citée p. 94 dans la réédition par la Réunion des musées nationaux en 1993 de La manière de cultiver les arbres fruitiers.
201 Gobelin, op. cit., 1661, p. 62.
202 Chantilly, dépt. 60, arr. Senlis, ch. l. cant.
203 Dominique Michel, Vatel…, 1999, p. 218.
204 Jacques Bernet (éd.), op. cit., 2000, p. 113 et 124.
205 André Leroy, op. cit., 1867/1879, 6 vol., rééd. 1988.
206 Merlet, op. cit., 1667, p. 11.
207 Ibid., p. 71.
208 Ibid., p. 64.
209 Combles, op. cit., 1745, éd. de 1770, p. 10.
210 Michel Faré, Le grand siècle de la nature morte en France : le xviie siècle, 1974 ; Fabrice Faré et Michel Faré, La vie silencieuse en France, la nature morte au xviiie siècle, 1976 ; Chardin, catalogue de l’exposition du 7 septembre-22 novembre 1999 au Grand Palais, 1999.
211 Chardin, Trois pommes d’api, deux châtaignes, une écuelle et un gobelet d’argent, toile H. 33, L. 41, Paris, musée du Louvre.
212 Voyage de Lister…, 1873, p. 145-146.
213 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 275-276.
214 Le Buffet, 1728, Huile sur toile, 194 x 129 cm, Paris, musée du Louvre.
215 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 276.
216 Andrieux, op. cit., 1771, p. 15.
217 Bailly, Bixio et Malpeyre, op. cit., 1844, rééd. 1999, p. 84, et pour le cerisier, p. 84 et 117.
218 Catalogue des plus excellens fruits…, 1736, p. 12.
219 Ibid., p. 33.
220 Calonne, Essai d’agriculture en forme d’entretiens…, 1778, p. 110-111.
221 Gentil, op. cit., 1704, p. 86.
222 Andrieux, op. cit., 1777, p. 17.
223 Cité par Jean-Louis Flandrin, op. cit., 1992, p. 125.
224 Pluche, op. cit., t. 2, 1735, p. 200-201.
225 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 450.
226 Ibid., p. 448.
227 Mollet, op. cit., 1652, éd. utilisée 1670, p. 32.
228 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. de 1999, p. 272.
229 Dahuron, op. cit., 1696, p. 85-86.
230 Merlet, op. cit., 1667, p. 14.
231 Ibid., p. 26.
232 Alain Corbin, Le miasme et la jonquille, 1982, rééd. 1986, p. 74.
233 Pour illustrer sa thèse sur « un brutal abaissement des seuils de tolérance » olfactifs des élites à partir des années 1750, Alain Corbin précise que la fraise « tend à symboliser la bonne odeur des fruits » à la fin du xviiie s., op. cit., 1982, rééd. 1986, p. 94 ; nous sommes bien loin des critères d’un René Dahuron !
234 « les peschers plantez ou entez es vignes, produisent pesches de meilleurs goust, et de subsistance plus solide […], les meilleurs pesches sont estimées celles de Corbeil, qui ont la chair seiche et solide, rougeastres, ne tenans aucunement au noyau », Estienne et Liebault, op. cit., éd. de 1586, p. 210.
235 Merlet, op. cit., 1667, p. 35.
236 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 441-442.
237 Le Grand d’Aussy, op. cit., 1782, vol. 1, p. 186-187.
238 « pêche au vin » car les pêches de plein vent étant « dures, sans jus, et souvent amères […] on ne peut les manger sans les tremper dans du vin », La Bretonnerie, op. cit, 1784, t. 2, p. 394.
239 Schabol, op. cit., 1767, article Corbeil.
240 « c’est une communauté de manières et de goûts qui va réunir des individus très différents par la naissance, la fortune et la profession, autour des tables de festin ou dans les salons. Goûts en matière de langue, de littérature, de musique, de peinture, d’architecture, de jardins, d’ameublement, de vêtements, de cuisine, etc. En ces différents domaines, les productions des arts n’ont pas eu seulement ni peut-être principalement pour fonction de rendre la vie des élites plus commode et plus plaisante, mais de leur permettre de manifester leur bon goût, nouveau critère de distinction sociale. », Jean-Louis Flandrin, « la distinction par le goût », Histoire de la vie privée, vol. 3, 1985, rééd. 1999, p. 301.
241 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 405.
242 Merlet, op. cit., 1667, p. 94.
243 Combles, op. cit., 1745, éd. utilisée 1770, p. 10.
244 « Le fruit à cidre est désormais analysé, réglé, combiné à volonté, il a ses historiens, ses congrès, ses expositions publiques. L’étude des fruits de pressoir, commencée au Congrès d’Angers le 12 octobre 1842 se continue avec l’Association pomologique de l’Ouest depuis 1883 », Charles Baltet, L’horticulture française…, 1892, p. 32.
245 Chambray, L’art de cultiver les pommiers, les poiriers et de faire du cidre selon l’usage de Normandie, 1765.
246 Thierriat, Observations sur la culture des arbres à haute tige, particulièrement des Pommiers, sur la manière de faire du cidre, 1753.
247 Liger, La culture parfaite des jardins fruitiers et potagers…, 1702, « liste des fruits qui méritent d’être cultivés » p. 427.
248 Le Berryais, op. cit., 1775.
249 Catalogue des plus excellens fruits ; les plus rares et les plus estimés, qui se cultivent dans les pépinières des Révérends Pères Chartreux de Paris…, 1736.
250 Catalogue des plus excellens fruits…, 1752.
251 Catalogue des arbres à fruits les plus excellens, les plus rares et les plus estimés qui se cultivent dans les pépinières des Révérends Pères Chartreux de Paris…, 1785, rééd. de l’éd. de 1775.
252 Lieusaint, dépt. 77, arr. Melun, cant. Brie-comte-Robert ; Catalogue des arbres et arbrisseaux, arbustes et plantes, élevés par Charles-Thomas Alfroy, marchand Pépiniériste à Lieursaint [sic]…, 1790.
253 Louis Noisette, Catalogue méthodique des arbres fruitiers cultivés dans les jardins et pépinières de Louis Noisette (rue du faubourg Saint Jacques), 1825.
254 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 408-414.
255 Saint-Etienne, op. cit., 16 70, p. 206.
256 Estienne et Liebault, op. cit., 1564, éd. utilisée 1585, p. 214.
257 Madeleine Foisil, Le sire de Gouberville, 1981, rééd. 1986, p. 117-122.
258 Estienne et Liebault, op. cit., 1564, éd. utilisée 1585, p. 215.
259 Dahuron, op. cit., 1696, p. 140.
260 René Triquel écrit au sujet des pommiers : « il suffit d’en avoir des meilleures espèces : car comme ce fruict se garde longtemps, on ne doit pas rechercher la pluralité, mais se contenter des bonnes », op. cit., 1653, p. 167.
261 Bonnefons, op. cit., 1651, p. 65.
262 Ibid., p. 91-104.
263 Combles, op. cit., 1745, éd. de 1770, p. 3.
264 Ibid., p. 2
265 Le Gendre, op. cit., 1652, p. 22.
266 Combles, op. cit., 1745, éd. utilisée 1770, p. 26-27.
267 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 337.
268 Nouvelle instruction pour la culture des figuiers, 1692, p. 3-4.
269 Voyage de Lister à Paris (1698), 1873, p. 185.
270 Ibid., p. 200.
271 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 681.
272 Ibid., p. 681 ; La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 1, p. 167, t. 2 p. 225.
273 « on en plante en plein champ, comme on en voit à Argenteuil », La Bretonnerie, op. cit., t. 2, 1784.
274 Chanteloup-les-Vignes, dépt. 78, arr. Saint-Germain-en-Laye, cant. Conflans-Sainte-Honorine ; Marcel Lachiver, « Le livre de raison de trois générations de vignerons de Chanteloup au xviiie siècle », Mémoires de la Société Historique et Archéologique de Pontoise du Val-d’Oise et du Vexin, t. LXXI, 1982-1983, p. 123, année 1709.
275 Madeleine Héry, Saint-Brice au travers de son conseil municipal, la Révolution, 1987, p. 43.
276 La Bruyère, XIII, 2.
277 Gentil, op. cit., 1704, p. 139.
278 Merlet, op. cit., 1667, p. 42-43, ces deux fruits ne sont cités par Merlet que parce qu’ils sont précoces.
279 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 321.
280 Mozard, op. cit., 1814, p. 100.
281 Le Berryais, op. cit., 1775, p. 320.
282 Jean-Louis Flandrin, dir., op. cit., 1996, p. 658-660.
283 Ibid., p. 563. « En un sens encore plus restreint on appelle fruits, ce qu’on sert en dernier lieu au repas, soit de vrais fruits, soit des confitures, des patisseries, fromage, ect. on a servi le fruit, on est au fruit. Il y en avoit en ce repas un beau fruit, pour dire un beau dessert. Chez le Roy on dit four et fruit », Furetière, Dictionnaire, 1690.
284 Dominique Michel, op. cit., 1999, p. 217-218.
285 Blégny, op. cit., 1692, rééd. 1973, p. 85-86.
286 Chardin, Le bocal d’abricots, 1758, toile, H.57, L. 51, Toronto, Art Gallery of Ontario. À partir d’un document exceptionnel de 70 feuilles contenant les plaintes d’un mari trompé, Arlette Farge a étudié les relations d’un couple de marchand-artisan parisien dans les années 1774-1775 ; lui veut maintenir la viabilité économique de la cellule familiale, elle veut « paraître en société, échapper à son état ». Elle veut s’entourer de galants et les recevoir à son domicile ; là elle les régale d’huîtres, de vin blanc mais aussi d’abricots à l’eau-de-vie qui, dans la logique sociale de l’épouse, doivent renvoyer à des plaisirs galants liant l’acool et le sucré. Arlette Farge, La vie fragile…, 1986, p. 101- 118. Bien qu’économe voire « radin », ce marchand-artisan disposait de bocaux d’abricots et de pêches à l’eau-de-vie, ce qui tend à prouver que ce mode de conditionnement était répandu dans la population parisienne du xviiie siècle.
287 Pluche, op. cit., t. 2, 1735, p. 233 ; La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 166.
288 Bonnefons, Les délices de la campagne suitte du jardinier françois, où est enseigné à préparer pour l’usage de la vie tout ce qui croist sur la terre et dans les eaux, 1654, éd. utilisée 1662.
289 Philip et Mary Hyman ont recensé, entre 1480 et 1800, cinquante premières éditions de livres de cuisine en France, dont huit sont consacrés aux confitures (16 %), un dans la première moitié du xvie siècle, cinq dans la seconde moitié du xviie siècle, et deux dans la seconde moitié du xviiie siècle, Histoire de l’alimentation, 1996, p. 643-655.
290 Jean Meyer, op. cit., 1989, p. 121 : « entre 1670 et 1715 la production sucrière à plus que quadruplé » ; production officielle de Saint Domingue : 1715, 7 000 t., 1721, 10 000 t., 1743, 43000 t., 1767, 77 000 t., 1788/89, plus de 86 000 t.
291 Jean-Louis Flandrin, op. cit., 1992, p. 199.
292 Ibid., p. 199.
293 L.S.R, L’art de bien traiter, 1674, rééd. 1995, p. 189.
294 Jean Meyer, op. cit, 1989, p. 61.
295 Pluche, op. cit., t. 2, 1735, p. 232.
296 Le confiturier françois, 1660, utilise quatre cuissons différentes pour le sucre, Le traité de confiture ou le nouveau et parfait confiturier, 1690, cinq différentes cuissons.
297 Pluche, op. cit., t. 2, 1735, p. 233, Traité de confiture ou le nouveau et parfait confiturier, 1690, p. 8.
298 Brigitte Maillard, op. cit., 1998, p. 193.
299 Brignoles, dépt. 83, ch. l. d’arr. ; Ardoin, « Mémoire sur la manière de préparer les prunes de brignoles », Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiés par la Société Royale d’Agriculture de Paris, 1785, trimestre d’été, Paris, p. 86-90.
300 « L’on fait grand cas en Provence des prunes de Brignoles, pour leur plaisant goust […] des prunes de Damas, qui sont de trois sortes, noires, rouges et violettes, toutes fort excellentes au pays de Touraine, qui envoye par toute la France de seiche, dont l’on use en tout temps », Estienne et Liebault, op. cit., éd. de 1586, p. 222.
301 Liger, op. cit., 1700, t. 2, p. 406-408.
302 Inventaire après décès, 16/08/1650, AD 95, 2E7/74.
303 Leroy, op. cit., réed. 1988, p. 672.
304 Jean Mayer, Pomona franconica, Nuremberg, 1776-1801, t. II, p. 146.
305 Reynald Abad, op. cit., 2002, p. 757.
306 « En Alsace, on trouve des pommes, des poires, des prunes (particulièrement des quetsches) et des cerises, tantôt fraîches, tantôt séchées, dans environ la moitié des inventaires après décès, du moins à partir du deuxième tiers du xviiie siècle […] C’est essentiellement en haute Alsace, dans les régions pauvres en céréales, que le paysan consommait des fruits séchés. Cela suggère qu’ils jouaient non seulement un rôle de condiments mais aussi d’aliments. Le subdélégué de Ferrette, au xviiie siècle, confirme que “les cerises […] sont d’une grande ressource […] parce qu’elles ménagent le pain” en période de soudure difficile, car on peut les consommer séchées », Jean-Louis Flandrin (dir.), op. cit., 1996, p. 613.
307 Ibid., p. 613.
308 Bailly, Bixio et Malpeyre, op. cit., 1844, rééd. 1999, p. 129.
309 Jean Meyer, op. cit, 1989, p. 127 et 197.
310 Georges Vigarello, Histoire des pratiques de santé…, 1993, rééd. 1999, p. 93.
311 Dahuron, Nouveau traité de la taille des arbres fruitiers…, 1696, p. 86.
312 La Quintinie, op. cit., 1690, rééd. 1999, p. 774.
313 Venette, op. cit., 1683, p. 15-16.
314 Ibid., p. 29.
315 Estienne et Liebault, op. cit., 1586, p. 210 ; les cerises y sont aussi jugées dangereuses, « les cerises tant soyent elles belles, sont de peu de nourriture, engendrent humeurs mauvaises en l’estomach, et des vers au corps », p. 212 ; au contraire pour La Bretonnerie, à condition de ne pas en manger trop, « les cerises sont fort saines étant mangées crues le matin à jeun : elles sont rafraîchissantes, et capables de calmer le trop grand mouvement du sang », op. cit., 1784, t. 2 p. 195.
316 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 583.
317 Ibid., p. 586-588.
318 Ibid., p. 234.
319 Le Crand d’Aussy, op. cit., 1782, t. 1, p. 236.
320 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 246.
321 Ce n’est qu’en 1752 qu’est cité pour la première fois le cassis dans nos sondages ; vente de fruits du 16/07/1752, AD 95, 2E7/536, ce qui confirmerait la chronologie annoncée par Le Grand d’Aussy.
322 Traité du cassis, contenant ses vertus et qualités, sa culture, sa composition, son usage, et les effets merveilleux qu’il produit, dans une infinité de maladies et de maux, tant pour les hommes que pour les animaux, 1747.
323 Ibid., p. 5.
324 Joseph Ruwet (dir.), Lettres de Turgot à la duchesse d’Enville (1764-1774 et 1777-1780), 1976. Lettre CI, 15/08/1773. Ces références m’ont été aimablement communiquées par Liliane Barberie, je la remercie pour son obligeance.
325 Ibid., lettre CXIV, 19/10/1773, « je vous promets de faire beaucoup d’exercice. Je m’y prépare par la sobriété, car je me suis mis exactement au pain et au fruit pour toute nourriture. Je mange surtout beaucoup de raisin, qui est excellent dans ce pays-ci et qui m’a fait […] beaucoup de bien ».
326 Ibid., lettre CXVII, 09/11/1773.
327 Georges Vigarello, op. cit., 1993, rééd. 1999, p. 164-167.
328 « celui qui, pour vivre heureux, coule ses jours paisibles, loin du faste éblouissant dans une possession honnête en elle même, la plus utile, la première de toutes, en même temps que la plus propre à former ce qu’on appelle l’homme sage, en mettant le calme dans son âme », Schabol, op. cit., 1767, préface XIV-XV.
329 Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, 1788, éd. GF-Flammarion, 1992, p. 119.
330 Jean-Jacques Rousseau, Emile, 1762, Gallimard, La Pléiade, vol. IV, p. 464-465.
331 Michel Onfray, Le ventre des philosophes, critique de la raison diététique, 1989, p. 75.
332 Tous les dix ans de 1630 à 1810.
333 Dans nos dépouillements, la première « poêle à confiture » apparaît le 01/03/1685, inventaire après décès du seigneur de Blémur, AD 95, 2E7/525.
334 17/06/1700, AD 95, 2E7/136.
335 13/12/1700, AD 95, 2E7/136.
336 24/11/1711, AD 95, 2E7/530.
337 Sur les douze inventaires estimant des récipients explicitement liés à la fabrication des confitures, de 1685 à 1760, seuls deux ne concernent pas ce public socio-culturel : une petite poêle à confiture chez la veuve d’un serrurier d’Anguien le 21/11/1690 et le 04/07/1760 chez la veuve d’un boulanger de Saint-Prix.
338 Une cloche à cuire les fruits, deux bassines et une bassine à confiture chez le fermier receveur George Petit, une poêle à confiture chez le laboureur Antoine Crespin Maillard (1801), huit « pots de confitures de fayence » chez le laboureur François Auger, deux « pots de confitures de fayence » et un compotier chez le laboureur Jean-Baptiste Mignard, soit dans des inventaires après décès (de 1738 à 1801) d’un montant compris entre 3000 lt et 27139 lt. Enfin 16 petits pots à confiture sont prisés dans l’inventaire après décès d’un marchand de Vaisselles de Magny-en-Vexin en 1744 ; Françoise Waro-Desjardins, La vie quotidienne dans le Vexin au xviiie siècle…, 2nde éd. 1996, p. 114 -117, 134-137 et 161.
339 Sur 40 inventaires après décès de 1640 à 1786.
340 Annick Pardailhé-Galabrun, La naissance de l’intime…, 1988, p. 297.
341 23/10/1760, AD 95, 2E7/184.
342 Inventaire après décès, 02/04/1699, AD 95, 2E7/529.
343 Inventaire après décès, 6/08/1650, AD 95, 2E7/74.
344 Inventaire après décès d’un marchand-hôtelier, 28/05/1644, AD 95, 2E7/501.
345 Catalogue de l’exposition La pomme du fruit défendu au fruit cultivé, Musée départementale des Arts et Tradition populaire du Perche, 1988.
346 Furetière, Dictionnaire, 1690, article pommier.
347 06/12/1783, Jacques Bernet (éd.), op. cit., 2000, p. 113.
348 Marcel Lachiver note que « le pommier gagne de l’ouest vers l’est tout au long du xviiie siècle et que le cidre devient d’un usage plus courant », op. cit., 1982, p. 217.
* un muid vaut 268 litres et une queue, un muid et demi soit 402 litres.
349 Bail du 08/10/1779, AD 95, 2E7/540.
350 Bail du 06/10/1699 cité par Béatrix de Buffévent, L’économie dentellière en région parisienne au xviie siècle, 1984, p. 265.
351 « Quant au sidre purifié, il s’en trouve de rouge comme vin, bien excellent, fait d’une pomme, qu’ils appellent Escarlate en Costentin, de moyenne grosseur, toute rouge comme sang, et pleine de petites veines rouges à la morsure », op. cit., 1589, rééd. 1896, p. 44.
352 Voyage de Lister à Paris, 1873, p. 152.
353 La Bretonnerie, op. cit., 1784, t. 2, p. 491-492.
354 Le fermier-receveur Georges Petit conservait 12 muids de poiré estimés à 120 lt le 25/05/1761 dans l’inventaire après décès de sa femme, Françoise Waro-Desjardins, op. cit., 1996, p. 137-146.
355 « Le 21 dudit mois [septembre 1779] j’ai acheté 5 sachées de poires de Carisis au cousin M. Boileau, moyennant la somme de 30 livres desquelles j’ai eu une orléane et une champagne de poirée », Jacques Bernet, éd., op. cit., 2000, p. 73.
356 Chevreuse, dépt. 78, arr. Rambouillet, ch. l. c.
357 Saint-Germain-en-laye, dépt. 78, ch. l. arr.
358 Montfort l’Amaury, dépt. 78, arr. Rambouillet, ch. l. cant.
359 Le Paulmier, op. cit., 1589, rééd. 1896, p. 78.
360 Voyage de Lister à Paris (1698), 1873, p. 199.
361 Jacques Bernet, éd., op. cit., 2000, p. 88, 137, 217, et 222.
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