Chapitre III. Un déficit « qualitatif » : le « retard » français en matière d’urbanisme
p. 89-126
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Index géographique : France
Texte intégral
1En 1908, Hénard constate que non seulement Paris est moins doté en espaces libres que les autres capitales européennes mais que l’écart tend à s’accentuer. Là encore, il fournit données chiffrées, cartes et graphiques :
« La surface de Paris en 1789 […] était de 3 390 hectares. Les espaces plantés en occupaient 391 hectares, soit un peu plus d’un dixième. Aujourd’hui, la surface correspondante n’en possède plus que 137. Paris, depuis cent ans, a donc perdu les deux tiers de ses jardins1. »
2Raoul de Clermont2, Jules Siegfried3 et Georges Risler développent la même idée. Comme Hénard, Risler souligne les divergences dans l’évolution de la proportion d’espaces libres à Paris et dans les grandes villes étrangères :
« Alors que toutes les grandes villes à l’étranger ont augmenté leurs espaces libres, depuis 50 ans, proportionnellement à leur population, Paris, qui a vu passer, pendant le même laps de temps, le nombre de ses habitants de 1 100 000 à près de 3 millions, a fait le contraire. […] Cette situation est encore aggravée par ce fait que notre capitale croît par casernes tandis que Londres croît par cottages4. »
3Pour Hénard, l’aggravation tient largement à « un état d’esprit très curieux, mais aussi très inquiétant5 », de certains édiles, qui n’hésitent pas à sacrifier les derniers espaces libres de la capitale. Mais Hénard ne se contente pas de stigmatiser les élus parisiens. C’est la nécessité d’une gestion rationnelle du développement urbain qui est en jeu :
« Avant qu’il ne soit trop tard, en ce qui concerne Paris, il serait urgent de prendre des mesures énergiques pour compenser les dangers de la construction et de l’obstruction à outrance.
Nous avons étudié un plan général de Paris avec l’indication sommaire des parcs et jardins qu’on pourrait créer […]6. »
4Au-delà de la création d’espaces libres sur l’enceinte, la section vise l’adoption d’une législation rendant obligatoires les plans d’aménagement et d’extension pour les grandes villes, selon un principe qui existe déjà à l’étranger. L’argumentation lie indéfectiblement espaces libres et plans, la démonstration de la nécessité de ces derniers reposant sur la mise en évidence de l’aggravation de la pénurie d’espaces libres.
5Dans la réflexion sur l’« aménagement rationnel des villes7 », l’enceinte occupe une place centrale. Sa disparition imminente apparaît comme l’occasion d’expérimenter les techniques d’aménagement. Le présent chapitre commence par mettre en évidence la façon dont ce rôle pédagogique a été attribué aux fortifications. Il s’attache ensuite à la manière dont les exemples étrangers sont mobilisés pour faire prévaloir le principe des plans de ville pour Paris et pour les autres villes françaises, qui selon Risler souffrent elles aussi d’une pénurie croissante d’espaces libres : « Presque partout, comme à Paris, nous avons diminué nos espaces libres malgré l’accroissement de la population de nos villes […]8. » C’est à ce niveau que se situe le second déficit français, « qualitatif », diagnostiqué par les réformateurs sociaux : contrairement aux autres nations, la France ne se donne pas les moyens de prévoir et de diriger l’évolution de ses cités, ce que révèle la pénurie croissante d’espaces libres.
6Dans la mesure où il s’agit d’analyser la façon dont les réformateurs sociaux utilisent la question de l’enceinte pour faire prévaloir le principe des plans de ville, une présentation des travaux de la Section d’hygiène ainsi que des réactions qu’ils suscitent chez les édiles parisiens s’impose.
7Dès sa création, la section s’est dotée de deux sous-commissions. La première est chargée d’étudier le cadre législatif qui permettrait aux grandes villes d’établir des plans d’aménagement et d’extension. La présidence en est confiée à l’ingénieur Georges Bechmann, ancien directeur du service des eaux de la ville de Paris. La seconde sous-commission, présidée par Eugène Hénard, a pour mission de s’occuper de la création de nouveaux espaces libres dans la capitale et de la préservation de ceux qui existent dans sa périphérie d’extension future9. Début 1908, la perspective d’un règlement du sort de l’enceinte se précise : le gouvernement est prêt à céder la partie nord-ouest des fortifications à la Ville contre 64 millions. Aussi, en mars 1908, Siegfried obtient-il que la section reporte ses autres travaux pour concentrer son action sur la question de l’enceinte. C’est dans cet esprit que, le 2 avril 1908, la section décide de participer à la campagne pour les élections municipales et d’organiser une réunion sur les espaces libres10. Le même jour, les deux sous-commissions, qui ont axé leurs réflexions sur les fortifications, remettent leurs conclusions, qui sont adoptées.
8La sous-commission Bechmann réclame un inventaire, pour toutes les agglomérations de plus de 20 000 habitants, de tous les espaces libres, qu’ils appartiennent à la ville, au département ou à l’État. Ces espaces devront rester libres de toute construction et ne pourront être vendus qu’après le vote d’une loi. Quant aux terrains occupés par des bâtiments publics, ils ne seront aliénables qu’à condition que le produit de la vente soit utilisé à l’achat d’immeubles affectés à des usages publics, le bénéfice éventuel devant servir à créer des espaces libres. Pour Paris, la sous-commission réclame la constitution d’une instance supérieure chargée d’examiner les problèmes soulevés par l’expansion de l’agglomération et par son nécessaire aménagement. La sous-commission Hénard, elle, demande la cession de l’enceinte à la Ville, à charge pour celle-ci d’y créer neuf parcs d’environ 15 hectares et d’aménager dans l’intervalle des terrains de jeux reliés par un large boulevard. Sur les terrains qu’elle sera autorisée à vendre, la Ville devra établir des servitudes limitant la surface et la hauteur des constructions11.
9De leur côté, les édiles ne sont pas inactifs. Après avoir refusé, en juillet 1908, d’acheter la partie nord-ouest des fortifications12, le conseil municipal se voit proposer par un de ses membres une solution inédite concernant l’ensemble de l’enceinte. En novembre 1908, Louis Dausset propose que la Ville achète l’intégralité des terrains de l’enceinte, qui seraient entièrement lotis. En revanche, la zone de servitude serait expropriée et transformée en une ceinture d’espaces libres13. Ce projet entre en concurrence avec la proposition de loi Siegfried de janvier 1908, qui inspire les travaux de la section.
10La proposition Siegfried concernait la seule portion nord-ouest des fortifications. Pour contrer efficacement Dausset, la sous-commission Bechmann rédige un projet d’ensemble14, présenté à la section le 9 mars 1909, qui étend à toute l’enceinte les dispositions de la proposition Siegfried15. La tentative de conciliation entre les deux projets qui s’ensuit aboutit à une synthèse maximisant la quantité d’espaces libres : comme dans le projet Dausset la zone serait expropriée et la bande d’espaces libres ainsi créée serait élargie au niveau des emplacements des parcs prévus dans le projet du Musée social. La section est divisée entre ceux qui maintiennent leur soutien au projet du Musée social au nom du réalisme financier et ceux qui se rallient à la synthèse16. Le dernier mot revient toutefois aux édiles qui adoptent la solution proposée par Dausset : en 1912, un projet de convention Ville-État est rédigé en ce sens17.
11Pour la section, le sort de l’enceinte s’inscrit dans un enjeu plus vaste : faire prévaloir le principe des plans de ville. Rédaction de propositions de loi et examens d’expériences étrangères remplacent au fil des réunions les discussions sur les fortifications, à mesure que se confirme la perspective d’un aménagement conforme aux idées de Dausset. La question n’est plus abordée que dans le souci de limiter les effets, considérés comme néfastes, du projet Dausset. Il est donc nécessaire de présenter l’action du Musée social en faveur de l’adoption d’une législation sur les plans de ville.
12En janvier 1909, Charles Beauquier, député du Doubs18, dépose une proposition de loi visant à imposer aux municipalités l’obligation de dresser « des plans d’extension et d’embellissement19 ». Dès juillet 1909, Siegfried développe devant la section la nécessité d’étudier une proposition de loi obligeant les villes à adopter un plan d’extension. L’étude est confiée à la sous-commission Bechmann20 qui remet rapidement première ébauche de ses travaux, très proche de la proposition Beauquier21. Par la suite, la section, que cette première version ne satisfait pas entièrement, confie l’examen de la question à ses deux sous-commissions réunies pour l’occasion22. Ces dernières présentent le résultat de leurs travaux en 191223.
13La version de 1912 innove sur deux points principaux. Tout d’abord, elle ne se contente pas de déclarer obligatoire les plans d’aménagement et d’extension pour les grandes villes. Elle cherche aussi à donner à ces dernières les moyens techniques et financiers de dresser leur plan. Les villes « pourront obtenir du Gouvernement, pour l’établissement de ces plans, la collaboration effective des fonctionnaires dépendants des départements ministériels compétents, et pour leur réalisation, des subventions ou fonds de concours sur les crédits inscrits à cet effet au budget annuel24 ». Cette volonté d’apporter une assistance technique aux édiles est typique du projet du Musée social : les réformateurs sociaux partent du principe d’une certaine incompétence des élus locaux, qu’ils entendent aider. Mais l’assistance prévue est aussi financière et vise à éviter que l’obligation de dresser un plan reste formelle, faute de moyens.
14La nouvelle rédaction précise aussi les contraintes que fera peser le plan sur les propriétaires :
« À dater de la […] déclaration d’utilité publique d’un plan d’extension et d’aménagement, il ne pourra plus être établi de constructions nouvelles que suivant les alignements fixés ; et les propriétés bâties ou non, englobées dans les périmètres des voies et des espaces libres projetés, pourront être expropriées à toute époque, moyennant une indemnité calculée, d’après leur valeur vénale réelle au moment de la publication susmentionnée, par une commission composée d’experts désignés, en nombre égal, par la partie expropriante et par les expropriés, et présidée par un magistrat désigné par le président du tribunal civil25. »
15La complexité et le coût des procédures d’expropriation sont les principaux obstacles rencontrés par les autorités locales qui tentent d’exercer une action sur le développement urbain26. Comme la précédente, cette modification vise donc à éviter que les plans restent lettre morte. Cependant le texte ne mentionne pas la récupération par les municipalités d’une partie de la plus-value générée par les travaux d’aménagement. Cette récupération, dans le cas d’une expropriation pour cause d’utilité publique, fait pourtant l’objet de dispositions législatives. Mais l’application en est si difficile que celles-ci sont presque tombées en désuétude.
Les fortifications : lieu d’expérimentation
de l’« aménagement rationnel des villes »
16Le 5 juin 1908, Siegfried conclut son allocution par ces mots :
« Travaillons au progrès de la salubrité publique, à l’aménagement rationnel des villes, à la lutte contre la maladie, la laideur, la misère. Et pour commencer, puisse notre propagande amener le Conseil municipal et les autorités compétentes à résoudre largement et sainement cette question des espaces libres qui se pose tout naturellement à propos de cette suppression des fortifications27. »
17« Pour commencer » : le traitement de l’enceinte constitue un premier pas indispensable vers un aménagement d’ensemble de la région parisienne et plus généralement des villes françaises. Tout d’abord, les membres de la section sont convaincus que le sort de l’enceinte et de la zone engagera définitivement l’avenir. Manquer cette occasion unique de résoudre une partie des problèmes de l’agglomération parisienne reviendrait à se rendre incapable de présenter des solutions dans l’avenir. En ce sens, il s’agit de gérer une situation d’urgence. Ensuite, la disparition des fortifications apparaît comme une occasion particulièrement favorable de mise en œuvre de l’« aménagement rationnel des villes » et les réalisations auront valeur d’exemple.
Gérer l’urgence
Une situation de crise
18Lors de la réunion sur les espaces libres, le Musée social se réclame de l’urgence. Après avoir signalé qu’au cours des dernières années Paris a vu disparaître une partie de ses espaces libres, Risler fait remarquer qu’« [un] fait plus grave encore peut se produire : la vente et le lotissement des terrains laissés libres par le déclassement des fortifications de Paris28 ». Le lotissement imminent de l’enceinte s’inscrit en effet dans un mouvement progressif de disparition des espaces libres de la capitale. Risler vise en particulier la vente de la moitié du Champ de Mars et des terrains laissés libres par la suppression du marché du Temple, qui auraient pu être consacrés à l’agrandissement du square du même nom. Ces opérations, qui ont l’aval du conseil municipal, sont à maintes reprises dénoncées par les membres de la section29. Hénard recense ainsi les réductions dont sont l’objet les espaces libres parisiens, déjà insuffisants :
« Nous n’avions qu’un seul espace qui pût entrer en comparaison avec les parcs de Londres, le Champ de Mars, on va la réduire de moitié ; s’agit-il de construire de nouveaux hôpitaux ? on prend les terrains nécessaires aux dépens des jardins de la Salpetrière ; cherche-t-on un emplacement pour construire la mairie du 7e arrondissement ? on propose de prendre le square de la Borde ; le marché du Temple devenu inutile est démoli, va-t-on profiter de cette occasion merveilleuse pour doubler le square voisin, trop petit pour le quartier populeux dont il est l’unique promenade ? Pas le moins du monde : on va revendre les terrains disponibles pour y entasser des masses de pierres. Enfin vous trouverez des gens qui, avec une parfaite inconscience, vous disent qu’on pourrait édifier de beaux immeubles de rapport, en bordure des Tuileries ou de l’Esplanade des Invalides dont on a déjà cédé le tiers à une compagnie de chemin de fer30. »
19C’est dans ce contexte qu’intervient la question des fortifications. Dans la mesure où on a supprimé tant de parcs et de jardins intra muros, l’aménagement de l’enceinte en espaces libres revêt une importance cruciale. Telle est en tout cas l’opinion de Ribot : « Nous sommes en retard par rapport aux autres pays qui s’évertuent à augmenter ces espaces libres. Nous, au contraire, nous sommes occupés à les réduire sans cesse, et c’est ainsi qu’est née cette question des fortifications […]31. » L’aménagement en parcs et jardins d’une partie au moins de l’enceinte est ainsi censé porter un coup d’arrêt à la série de coupes sombres dans les espaces libres parisiens.
20L’urgence intervient aussi à un autre niveau : la suppression des fortifications elle-même rend nécessaire un plan d’aménagement et d’extension de l’agglomération parisienne. La levée de la coupure entre Paris et sa banlieue risque en effet d’être suivie d’une croissance anarchique de la ville trop longtemps contenue dans ses murs :
« Tout le monde prévoit pour Paris, dès qu’il sera débarrassé de sa muraille de pierre, une extension considérable. Où seront les parcs et les jardins indispensables aux habitants des nouveaux quartiers de la ville future si des réserves n’ont pas été prévues et préservées dans le périmètre de la cité agrandie32 ? »
Du traitement de l’urgence au plan d’aménagement
et d’extension de la région parisienne
21Pour le Musée social, le traitement des fortifications bientôt désaffectées relève de l’urgence. Mais si un aménagement respectueux des besoins en espaces libres de la capitale participe d’une gestion urbaine rationnelle, il ne constitue pas une panacée. La pénurie d’espaces libres est attribuée à l’imprévoyance des pouvoirs publics, maintes fois stigmatisée33. Il convient donc de réparer dans la mesure du possible les erreurs du passé et surtout d’éviter de les répéter. C’est à ce niveau que s’opère le lien entre traitement de l’enceinte et élaboration d’un plan d’aménagement et d’extension pour la région parisienne. Seul un tel plan peut garantir qu’on ne se retrouvera un jour pas dans une situation de crise analogue à celle que diagnostique la section en cette fin des années 1900. Comme l’affirme Risler, pour qui en matière d’administration des villes « gouverner, c’est prévoir34 », il n’est pas bon d’avoir à prendre des décisions de dernière minute : « Pas plus en fait d’aménagement et d’extension des villes qu’en tout autre chose, rien ne se fait de vraiment beau et de grand que par un travail sérieux et de longue haleine35. »
22L’aménagement en espaces libres de l’enceinte n’est conçu que comme le premier élément d’un dispositif engageant l’ensemble de la capitale, comme en témoigne le rapport de Risler sur la nécessité de créer une commission chargée de dresser le plan d’aménagement de la ville de Paris. Risler constate que, grâce en partie à la campagne menée par la section, « [personne], aujourd’hui, n’oserait plus demander que l’emplacement des fortifications soit couvert de maisons, et [que] l’on peut maintenant considérer comme certain que ce magnifique espace libre sera réservé36 ». Il demande cependant à ses collègues de poursuivre leur effort. La section doit « voir surtout, dans ce succès, l’indication de nouveaux devoirs et y puiser la force de les remplir, en cherchant […] à obtenir l’amélioration des conditions d’existence de l’agglomération parisienne37 ». Il lui faut donc porter maintenant son regard ailleurs que sur l’enceinte et rechercher les moyens d’augmenter les espaces libres intra-muros et de préserver ceux qui formeront « les réserves d’air, les parcs et les terrains de jeux de la cité agrandie38 ». C’est entre autres pour préserver ces derniers de la construction que Risler réclame un plan d’aménagement et d’extension.
23De même, la sous-commission Bechmann émet dans ses conclusions le vœu suivant, adopté à l’unanimité :
« Considérant que la désaffectation des fortifications et la vente projetée des anciens terrains militaires sont des mesures d’une gravité incontestable, susceptibles d’engager dans une voie grosse de périls l’aménagement futur de l’agglomération parisienne et de compromettre, de façon irrémédiable peut-être, l’avenir de la cité ;
La sous-commission émet le vœu qu’avant de statuer sur les mesures à prendre concernant les terrains des fortifications et de la zone de servitude, il soit constitué une commission supérieure en vue d’examiner dans leur ensemble les questions que soulèvent l’expansion progressive, et l’aménagement nécessaire, de l’agglomération parisienne ;
Et que cette commission soit chargée de déterminer les conditions légales, administratives et financières auxquelles il conviendrait de subordonner l’opération, afin de sauvegarder les intérêts primordiaux de l’hygiène, de la voirie et de l’esthétique urbaines39. »
24Pour la section, une décision sur le sort de l’enceinte, censée préserver les espaces libres, ne se conçoit pas sans un plan concernant l’ensemble de l’agglomération. En effet, un tel plan vise entre autres à réserver les espaces libres que rendra nécessaires la croissance de la ville.
25Les projets de la Section d’hygiène pour les fortifications ne se contentent d’ailleurs pas de statuer du sort des terrains militaires. Ils prévoient explicitement l’élaboration d’un plan pour l’agglomération parisienne. La proposition de loi Siegfried comporte l’article suivant :
« Il est institué, sous la présidence du Ministre de l’intérieur, une Commission supérieure d’aménagement de l’agglomération parisienne.
Cette commission sera chargée d’établir, d’accord avec la ville de Paris et les municipalités suburbaines, un plan d’extension de la ville, comprenant les voies à créer ou à élargir, les espaces libres à réserver ; elle se préoccupera également de la conservation et de l’aménagement des forêts domaniales et des servitudes d’hygiène publique dont pourront être frappées les propriétés particulières. Sa compétence s’exercera sur une zone de 10 kilomètres autour des fortifications actuelles40. »
26Comme la proposition Siegfried et en des termes presque semblables, l’article 7 de la proposition de loi préparée par la sous-commission Bechmann pour contrer le projet Dausset prévoit la création d’une commission chargée de dresser un plan d’aménagement et d’extension pour l’agglomération parisienne41. Bechmann et ses collègues ne font d’ailleurs que rester fidèles à leur vœu, exprimé un an plus tôt, de voir subordonner toute décision concernant l’enceinte à l’autorité d’une commission chargée d’examiner l’ensemble des problèmes liés à l’expansion de l’agglomération parisienne et à son aménagement. Pour la section, cette disposition, loin d’être accessoire, est peut-être encore plus importante que les modalités précises du traitement des fortifications et de la zone, comme le laissent supposer les réactions à la tentative de conciliation entre les propositions de Dausset et du Musée social. Risler, par exemple, est plutôt bien disposé à l’égard du projet qui en résulte mais insiste pour qu’y soit ajouté l’article 7 du projet Bechmann42.
27La section, qui voit dans le traitement de l’enceinte le premier pas vers un plan garantissant l’existence des espaces libres nécessaires à l’agglomération étendue, est d’ailleurs entendue. Le projet du préfet de la Seine relatif au plan d’extension de Paris de 1913, dont le jeune architecte43 Victor Schlœsing se fait le rapporteur devant la section44, en apporte la preuve. Ce document constitue en lui-même un indice de l’efficacité de l’action du Musée social. Le préfet y reconnaît l’insuffisance des espaces libres dans l’agglomération et prévoit d’en créer en grand nombre, répartis sur tout le territoire de Paris, ce qui passera entre autres par la désaffectation prochaine de l’enceinte. Il prévoit aussi de rechercher tous les lieux qui, aux environs de la capitale, pourraient être transformés en grandes promenades extérieures ou en grands jardins dans les faubourgs, pour le Paris futur.
28La nécessité de lier toute décision concernant les fortifications à l’élaboration d’une législation sur les plans de ville apparaît encore plus nettement une fois rédigée la convention Ville-État de 1912. Si ce texte entérine l’échec du Musée social sur l’enjeu local qu’est le sort de l’enceinte, la section ne se désintéresse pas pour autant de l’ex-ouvrage de défense. La convention doit être ratifiée par une loi pour entrer en application. La section milite alors pour que la loi à venir comprenne des dispositions limitant la hauteur et la densité du bâti sur les terrains militaires ainsi que des modifications permettant de rompre la monotonie induite par l’aspect systématique du projet (lotissement intégral des fortifications et maintien de toute la zone en espaces libres).
29Risler, par exemple, rédige un amendement au projet de loi gouvernemental sur le déclassement de l’enceinte, que la section adopte à l’unanimité en février 1913 :
« La ville de Paris ne pourra vendre, en vue de la construction, les terrains militaires des fortifications désaffectées que dans la proportion des deux tiers des surfaces actuellement disponibles et suivant une répartition à peu près égale dans les divers arrondissements de la périphérie.
Les acquéreurs de ces terrains ne seront admis à y édifier que des bâtiments de 12 mètres au plus de hauteur et couvrant au maximum le tiers de leur superficie45. »
30En 1914, les parlementaires sont invités à débattre d’un projet de loi sur l’aménagement de l’enceinte. Selon Risler, dans ce projet, « aucune condition n’est imposée à la Ville pour la construction sur les terrains des fortifications46 ». Afin d’éviter que ne soit élevée autour de Paris « une vraie fortification antihygiénique47 », la section amende, en le précisant, son vœu de février 1913. Mais surtout, Bechmann suggère de réclamer une modification au projet. Il propose la rédaction suivante :
« Aucune portion en pourra être distraite desdits terrains [de la zone] destinés aux espaces libres en vue d’y élever des constructions, si ce n’est :
[…]
2°. Pour l’édification d’habitations à bon marché, ou autres, en bordure des principales voies de pénétration dans Paris, mais sous la condition que toutes les surfaces occupées par des bâtiments sur lesdits espaces libres soient compensées par des surfaces réservées équivalentes sur les anciens terrains militaires48. »
31Cette disposition vise à casser le double anneau continu d’immeubles et d’espaces libres prévu par le projet Dausset, qui « permet à la ville de construire sur le terrain des fortifications, à toute hauteur et sans limite de proportion, une ceinture de pierres49 ». La section voit dans cette solution une aberration urbanistique : selon Bechmann, l’anneau d’espaces libres sera un « espace désertique, difficile à surveiller et à éclairer, monotone et inutile pour faciliter une circulation qui est rayonnante bien plus que circulaire50 ». La nécessité de la ratification parlementaire offre au Musée social l’occasion de sauver ce qui peut l’être. Cependant une ratification trop rapide, anticipant sur l’adoption d’une loi générale sur les plans de ville, présente un danger. Elle permettrait à la municipalité parisienne de lotir l’enceinte sans respecter aucune des règles d’urbanisme que la législation à venir est censée faire prévaloir51.
Opérer la suture entre Paris et la banlieue
32La localisation même de l’enceinte, lieu de passage obligé entre Paris et sa banlieue, contribue aussi à faire de son aménagement un élément d’un dispositif plus vaste de planification du développement de l’agglomération.
33Les spécialistes qui se retrouvent à la section affirment en effet la nécessité de raisonner non plus à l’échelle municipale, mais en termes d’agglomération.
« L’erreur est venue en partie de ce qu’on s’est arrêté à ne considérer que ce Paris arbitrairement déterminé par des limites artificielles, les fortifications. L’histoire de Paris, pourtant, comme celle de bien d’autres villes, démontre combien comptent peu ces barrières temporaires ; le flot montant de la population a tôt fait de déborder des limites qui lui sont assignées. Aujourd’hui il est donc manifeste que la plupart des communes attachées étroitement à la grande ville, font partie d’une même et indissoluble agglomération. Qu’elles soient ou restent ou non distinctes administrativement, cela n’empêche qu’elles forment avec Paris un entassement unique d’habitations humaines toutes solidaires, profitant des mêmes avantages et sujettes aux mêmes inconvénients, participant aux mêmes conditions d’hygiène et de salubrité générale, aux mêmes dangers de contagion morale et physique. En un mot, le développement actuel de Paris, c’est le développement de sa banlieue, le développement de l’agglomération parisienne, de cet énorme groupement large de plus de 25 kilomètres52. »
34Ainsi s’exprimait en 1906 J.-C. N. Forestier, inspecteur des Eaux et Forêts et conservateur des promenades de Paris, qui a d’ailleurs rejoint la Section d’hygiène53.
35En février 1909, dans une conférence au Musée social, Risler résume les travaux de la sous-commission Bechmann. Celle-ci a émis une série de résolutions parmi lesquelles on relève le point suivant : « Qu’il soit créé un réseau de grandes voies rayonnantes constituant les sorties de Paris et des voies concentriques les reliant entre elles, et que ces voies soient classées comme routes nationales54. » Le plan d’aménagement et d’extension que souhaite la section est censé être étudié « au triple point de l’hygiène, de l’esthétique et des besoins croissants de la circulation générale55 ». Tout traitement des fortifications et la zone doit alors nécessairement s’inscrire dans un tel dispositif. Dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi de 1908, Siegfried recense parmi les tâches à accomplir l’amélioration des entrées et sorties de Paris, pour la plupart « pitoyables56 ». Cette carence est d’ailleurs rendue plus sensible « au moment où le développement des transports en commun, l’automobilisme, le cyclisme, diminuent les distances et permettent à une grande partie de la population d’habiter en dehors de la cité57 ». Ce diagnostic est assez semblable à celui de Guyot et de Brousse.
36La volonté d’assurer, par le déclassement et l’aménagement des fortifications, une suture harmonieuse entre Paris et sa banlieue, destinés par une évolution inéluctable à ne former qu’une seule agglomération, est ancienne et durable. Plus de 50 ans après la proposition Guyot, on la retrouve sous une forme un peu différente chez Brisset, qui consacre sa thèse aux dispositions législatives concernant l’aménagement de l’enceinte et de la zone. Même si les propos de Brisset concernent la zone et non plus les fortifications proprement dites et s’il ne s’agit pas de ménager les intérêts de la circulation mais de rendre à la civilisation urbaine des espaces déshérités, l’aménagement est censé trouver sa place dans un traitement d’ensemble d’une agglomération renouvelée :
« Tous ceux qu’intéressent le bon renom, l’hygiène et la beauté de Paris voudraient voir disparaître cette ceinture lamentable qu’est la zone. Lorsqu’on entre à Paris, les yeux se portent fatalement sur ce coin déshérité entre tous, laissant à beaucoup une impression ineffaçable58. »
Servir d’exemple
37Pour toutes ces raisons, le sort de l’enceinte s’inscrit dans une perspective plus large. Selon Risler, les « grands projets de transformation » liés au déclassement des fortifications « pourraient être le point de départ de très importantes améliorations pour l’agglomération parisienne59 ». C’est ce qui justifie la décision de la Section d’hygiène de se consacrer à l’étude d’un projet d’aménagement de l’enceinte. Par ailleurs, le traitement des fortifications revêt une dimension démonstrative et pédagogique. Les solutions expérimentées sur cet espace, qu’elles relèvent de la technique de l’urbaniste ou du législateur, serviront d’exemple aux autres villes françaises, touchées elles aussi par le déficit croissant d’espaces libres. Tel est l’autre moyen par lequel l’intérêt pour l’enceinte s’inscrit dans la mobilisation en faveur d’une loi sur les plans d’aménagement et d’extension.
L’enceinte comme laboratoire
38Espaces vierges, les fortifications et la zone constituent un lieu privilégié d’expérimentation où il n’est pas nécessaire de tenir compte de l’héritage du passé. En 1903 déjà, Hénard voyait dans la partie nord-ouest de l’enceinte, dont la désaffectation est décidée depuis 1898, l’endroit idéal pour tester son principe du boulevard à redans, « consist[ant] en constructions dont les façades ne sont pas continues, mais séparées par des jardins60 » :
« Il nous reste à montrer dans quel endroit de Paris l’essai d’un tel système pourrait être tenté. Cet endroit est tout indiqué ; c’est la zone désaffectée des fortifications déjà désignée par le gouvernement militaire dans la partie bordant le bois de Boulogne61. »
39De même, c’est à l’enceinte qu’on pense quand il s’agit d’innover en matière de morphologie des îlots. Lors de la discussion du rapport de Schlœsing sur le mémoire du préfet de la Seine relatif à l’extension de Paris, plusieurs membres de la section se prononcent en faveur d’une vaste cour au cœur de l’îlot62. Pour Parenty, si le prix des terrains rend la mesure inapplicable dans Paris intra-muros, il est un endroit où il n’est pas nécessaire de tenir compte des contraintes économiques : « Au contraire, sur les fortifications, dont disposera la ville, celle-ci pourra introduire valablement un règlement prévoyant cette cour63. »
40Les réglementations fixant la forme des îlots relèvent du domaine de compétence des plans d’aménagement et d’extension. Il est donc significatif de retrouver l’espace bientôt libéré par la disparition de l’enceinte comme un lieu privilégié d’application d’un tel dispositif. Ce repli sur les fortifications a d’ailleurs une dimension stratégique. Les réalisations que rend possibles l’absence d’une urbanisation ancienne ont une vocation pédagogique : « En améliorant ainsi le périmètre, nous arriverons à démontrer ce que l’on pourrait faire ensuite à l’intérieur64 » affirme Bechmann.
41Dès 1914, la section se mobilise pour obtenir l’élaboration de plans pour les villes détruites par les combats. Comme l’intérêt pour l’enceinte, cette démarche s’explique par une prédilection pour les espaces sur lesquels il n’est pas nécessaire de tenir compte d’un passé urbain contraignant. Comme l’affirme Risler, il faut saisir l’occasion qu’offrent les destructions pour construire en conformité avec les règles de l’hygiène et de l’urbanisme65. Par ailleurs, comme l’aménagement des fortifications, l’intervention dans les villes détruites relève de l’urgence : les plans doivent être élaborés rapidement, sous peine d’assister à une reconstruction à l’identique66. Là encore, il s’agit d’une occasion à ne pas laisser échapper, qui offre d’ailleurs par rapport à l’enceinte l’avantage de permettre une action au niveau de la ville tout entière. Mais le traitement des fortifications a lui aussi une dimension globale, dans la mesure où il n’est envisageable que dans le cadre d’un plan d’ensemble, dont il constitue les prémisses. Il sera donc possible d’en tirer des leçons valables pour l’agglomération parisienne, mais aussi pour les autres villes françaises.
Une démonstration d’« aménagement rationnel des villes »
42L’aménagement de l’enceinte n’offre pas seulement la possibilité d’expérimenter ponctuellement des techniques urbaines novatrices. S’inscrivant dans un plan d’ensemble concernant l’agglomération parisienne, il est censé apporter la preuve de la faisabilité et de l’efficacité des plans d’aménagement et d’extension : selon son auteur, sa proposition de loi Siegfried de janvier 1908 « devra être le germe de beaucoup d’autres progrès dans l’aménagement des grandes agglomérations67 ». Il ne s’agit donc plus seulement d’inaugurer une dynamique concernant la capitale, mais aussi de donner l’exemple au pays.
43La création simultanée des sous-commissions Bechmann et Hénard témoigne aussi de cette volonté de faire de l’aménagement des fortifications un banc d’essai pour les plans de ville. Pour les réformateurs sociaux, la gestion rationnelle de l’extension urbaine est un problème national, même si la capitale est redevable d’un traitement immédiat en raison de la gravité des conditions auxquelles elle est soumise. Telle est en tout cas l’opinion de Risler, qui en 1909 rappelle que la section a adopté un vœu réclamant la création d’une commission chargée de dresser un plan d’aménagement et d’extension pour la région parisienne et précise que ce vœu « ne s’applique pas seulement à Paris, [mais] s’applique à toutes les villes de France68 ».
44En 1912 encore, Siegfried, mentionnant la nécessité de sensibiliser l’opinion à la nécessité des plans d’aménagement et d’extension pour Paris et les grandes villes, propose que les deux sous-commissions étudient ensemble la question et commencent par présenter une proposition complète pour Paris69. D’une façon assez proche, Georges Roux voit dans l’organisation d’un concours pour le plan d’extension de Paris une « mise en train pratique70 ». Pour la section, une planification réussie de l’extension parisienne, qui passe en premier lieu par l’aménagement de l’enceinte et de la zone, serait de nature à convaincre l’opinion. Pourtant, au début des années 1910, cette stratégie est remise en question. Risler, par exemple, se demande s’il n’est pas vain de dresser un plan d’aménagement pour Paris avant la mise en place d’un cadre législatif approprié, ce plan risquant de s’avérer inapplicable, faute de moyens de contrainte71. L’autre danger, déjà mentionné, apparaît après la rédaction de la convention Ville-État reprenant les termes du projet Dausset : une ratification trop rapide, anticipant l’adoption de la loi sur les plans d’aménagement et d’extension, laisserait la Ville libre d’aménager l’enceinte au mépris des règles élémentaires de l’hygiène et de l’urbanisme.
45Pourtant la foi en l’exemplarité des réalisations concernant Paris ne disparaît pas avec le triomphe du projet Dausset. Le 27 novembre 1913, l’avant-projet du plan du préfet de la Seine pour l’extension de Paris est accueilli avec force louanges par la section. Il faut dire que l’un de ses membres, l’architecte Louis Bonnier, a participé de très près à l’élaboration de ce document en tant que directeur général des travaux de la ville de Paris72. Il a donc pu mettre à exécution ses idées qui, selon Risler, sont « en harmonie d’une manière générale avec celles de la section73 ». Parmi les voix chantant les mérites de l’avant-projet, on distingue celle de Bechmann, qui estime que l’exemple de Paris sera suivi par d’autres grandes villes74.
46L’aménagement de l’enceinte, enjeu local, est donc un élément central de la mobilisation de la Section d’hygiène en faveur d’une législation sur les plans de ville. Là encore, les décisions concernant les fortifications sont investies d’une dimension nationale : c’est d’elles que dépend la possibilité pour la France de combler son « retard » en matière d’urbanisme. Pour la section, l’absence de législation d’urbanisme relève d’une carence spécifiquement française. Les fréquentes références à l’étranger n’ont alors rien d’étonnant : les insuffisances françaises s’apprécient à l’aune des réalisations étrangères.
47Dans les années 1880, les édiles réclamaient le déclassement des fortifications au nom de la régénération nationale en invoquant l’exemple allemand. De même, c’est au nom de l’intérêt national que les réformateurs sociaux réclament un traitement de l’enceinte conforme aux impératifs de l’hygiène et une législation sur les plans de ville. Avec l’argument de la lutte contre la tuberculose, l’aménagement de l’enceinte est censé servir une cause nationale et les solutions proposées s’inspirent largement de l’étranger. Avec les plans d’urbanisme, il est encore largement question d’hygiène et de santé. La législation sur les plans de ville relève donc pour ses partisans d’une entreprise de régénération nationale et on retrouve chez eux un recours permanent à l’exemple étranger. Cependant, même si la thématique de la régénération nationale persiste à s’inscrire dans une perspective comparatiste presque trente ans après la défaite, ce recours s’est complexifié.
Le rôle mobilisateur des réalisations étrangères
48En 1912, Risler consacre un long article aux « plans d’aménagement et d’extension des villes75 » dans les Mémoires et documents du Musée social. Il y dresse un tableau contrasté des politiques urbaines en France et à l’étranger. Du côté français règne une improvisation qui n’a rien de joyeuse :
« Aucun plan établi à la suite de réflexions et d’un sérieux et consciencieux examen, pour fixer la nature des travaux nécessaires à l’aménagement intérieur, et pour établir, d’après leur urgence relative, l’ordre dans lequel ils seront exécutés.
Aucune prévision au point de vue de l’extension, alors qu’il est impossible de ne pas être frappé de la rapidité inouïe avec laquelle s’accroissent nos énormes villes “tentaculaires”, comme les a nommées Verhaeren. Quelles seront les grandes voies de circulation ? Où seront les réserves d’air pur, les parcs et les terrains de jeux indispensables à la vie de la cité future ? Y aura-t-il des terrains réservés pour la construction de cités-jardins ou au moins de maisons saines pour les travailleurs76 ? »
49L’étranger, au contraire, met en œuvre une véritable gestion rationnelle des villes :
« Pendant ces dernières années, toutes les capitales et la plupart des grandes villes d’Europe, d’Amérique et d’Australie se sont attachées, avec plus ou moins d’énergie, de suite et de succès, à sauvegarder leur beauté, à conserver les plantations existantes, à les développer et à améliorer l’hygiène publique77. »
50Les membres de la Section d’hygiène ne se contentent cependant pas d’opposer rituellement la prévoyance étrangère à l’incurie française dans leur argumentation en faveur des plans de ville, à la manière des édiles qui invoquaient le déclassement des places fortes allemandes pour obtenir la suppression de l’enceinte. Les mobilisations de l’exemple étranger ont évolué et se sont complexifiées depuis les années 1880. On assiste également à une codification du recours à l’expérience étrangère. En 1912, Risler commence par passer en revue différentes réalisations étrangères pour ensuite dresser l’état de la situation française. Il s’agit d’un plan canonique chez
les réformateurs sociaux qui s’intéressent aux questions d’urbanisme : La Cité-Jardin de Benoit-Lévy (1904) et Grandes villes et systèmes de parcs de Forestier (1906) s’organisent selon une logique assez similaire78.
Fortifications et plans d’aménagement et d’extension
51Les membres de la section s’intéressent au traitement des fortifications désaffectées à l’étranger. Est ainsi mentionné l’aménagement en espaces libres, total ou partiel, des anciennes enceintes d’Ulm79, de Hambourg80 et de Cologne81, qui a d’ailleurs selon Risler « profité de la démolition de ses fortifications pour créer de superbes parcs et terrains de jeux82 », ou encore de Francfort, Munich, Düsseldorf, Darmstadt et Altona. Les villes allemandes ne sont pas les seules à être citées en exemple : sont aussi mobilisées Vienne, avec le Ring83, et Anvers84. En cela, les membres de la section n’innovent pas. En 1906, Forestier faisait déjà référence à Vienne :
« Vienne a sa “Ringstrasse” dont l’affectation en ceintures de parcs, de places publiques, de monuments fut autrefois la cause d’un conflit entre la Ville et le Royaume. La ville put alors sauver les terrains de ces anciennes fortifications. Combien en aurait-il coûté à la municipalité actuelle pour exécuter ce plan qu’on estime aujourd’hui indispensable à la beauté de Vienne85 ? »
52Les références sont nombreuses et éclectiques. Les membres de la section rappellent que le cas de Paris n’est pas unique et incitent les pouvoirs publics à suivre l’exemple que leur donnent de nombreuses villes étrangères :
« Mais dans des cas semblables à celui qui se présente aujourd’hui pour Paris, de nombreuses cités n’ont point hésité, et c’est ainsi qu’à la démolition de leurs remparts nous avons vu des villes telles que Cologne, Vienne, Francfort… transformer les terrains rasés en vastes promenades qui constituent actuellement pour elles une véritable richesse, une cause d’attraction pour le touriste et leur donnent une universelle réputation de beauté86. »
53Pourtant il ne s’agit pas seulement d’accumuler des exemples d’aménagement heureux, en parcs et promenades, de fortifications désaffectées. Les références sont souvent choisies dans un but précis.
54Les réalisations étrangères sont parfois mobilisées pour démontrer la possibilité financière d’un aménagement de l’enceinte laissant une large part aux espaces libres. C’est ainsi qu’est utilisé l’exemple d’Ulm. Siegfried signale que la municipalité allemande a réussi à concilier réalisme financier et espaces libres : « Cette ville a racheté 1 000 hectares de ses fortifications, en a gardé 375, et a revendu le reste avec un beau bénéfice87. » La remarque n’a rien d’étonnant : dans sa proposition de loi de 190888 comme lors de ses interventions à la section, Siegfried se préoccupe de l’équilibre financier de l’opération d’aménagement. Après 1912, il se montre par exemple réticent envers les propositions visant à imposer des servitudes hygiéniques aux futurs acheteurs des terrains militaires. S’il n’est pas opposé au principe d’une limitation de la densité et de la hauteur du bâti, il souligne la nécessité de modérer la rigueur des servitudes :
« La proposition de la Section réduirait à néant les ressources de la Ville. […] [Siegfried] est d’avis sans doute de réduire la partie à vendre et surtout la hauteur des maisons. Celles-ci se vendront d’autant plus cher qu’étant moins hautes, elles représentent l’habitation de gens plus riches et qu’ainsi la Ville pourra se rattraper sur un prix de vente plus élevé, la part faite au surplus des habitations à bon marché. C’est une question de mesure. Jusqu’où pouvons-nous aller89 ? »
55Le rachat de ses fortifications par la municipalité d’Ulm laisse une impression durable. En 1921 encore, dans une discussion sur les modalités d’application de la législation d’urbanisme dont s’est dotée la France au sortir du conflit, Risler rappelle cette opération « merveilleuse tant au point de vue financier qu’au point de vue hygiénique90 ».
56Certaines références visent à démontrer qu’il est judicieux et même nécessaire de lier traitement de l’enceinte et élaboration d’un plan d’aménagement et d’extension pour la région parisienne. L’exemple anversois est ainsi cité plusieurs reprises : quand il s’est agi de démolir les fortifications d’Anvers, le roi a nommé une « commission chargée d’utiliser ces terrains pour l’assainissement et l’embellissement de la ville et de dresser le plan d’aménagement complet de la cité future91 ». La suppression de son enceinte a donc été pour Anvers le « point de départ de l’établissement d’un plan d’aménagement dressé en vue des grands espaces libres et de larges dégagements92 ». L’exemple, moins récent, de Cologne est aussi invoqué : cette ville a saisi l’occasion que constituait, en 1881, la démolition de ses fortifications pour dresser un plan d’urbanisme « qui passe, à juste titre, pour un des modèles du genre93 ».
57L’expérience étrangère en matière d’utilisation d’enceintes désaffectées est aussi invoquée pour résoudre certains des problèmes ponctuels posés par la solution choisie par les édiles en 1912. Pour casser l’effet systématique de l’aménagement proposé par Dausset, il faut limiter la hauteur des constructions et la densité du bâti sur les terrains militaires, et introduire la possibilité de construire sur la zone à condition de laisser en espaces libres des surfaces équivalentes sur les anciennes fortifications. L’architecte Auburtin rappelle que le même problème s’est posé à Anvers et qu’on a autorisé la construction en bordure des voies rayonnantes, entre lesquelles on a créé des parcs94.
58L’exemple d’Anvers est aussi invoqué pour une autre raison : la ville a ouvert un concours pour l’établissement de son plan d’aménagement et d’extension. L’idée d’un concours, pour le traitement de l’enceinte ou pour le plan d’aménagement et d’extension de l’agglomération parisienne, est en particulier soutenue par les architectes de la section. Ces derniers invoquent l’exemple des villes étrangères, dont les concours leur offrent l’occasion de mettre en œuvre leur savoir-faire d’urbaniste, ce qu’ils ont rarement l’occasion de faire en France. Prost rappelle ainsi qu’Anvers avait lancé un concours d’idées pour son plan d’extension95, négligeant modestement de rappeler qu’il en a été le lauréat96. L’organisation d’un concours pour l’aménagement de l’enceinte et de la zone permettrait d’ailleurs aussi de pallier les défauts du projet Dausset97.
Les plans de ville :
incurie française et prévoyance étrangère
59Au-delà de l’aménagement de fortifications désaffectées, l’exemple étranger est mobilisé pour démontrer l’existence d’un retard français dans le domaine des plans de ville.
60Il est impossible dans le cadre de ce travail de déterminer si ce retard est réel où si l’affirmation relève uniquement de l’effet rhétorique. En matière d’urbanisme comme ailleurs, la référence à l’Allemagne fonctionne comme un « outil de lutte idéologique98 ». Dans un domaine assez proche, S. Magri souligne l’utilisation par les partisans des habitations à bon marché de « l’aiguillon de la compétition internationale pour faire prévaloir leurs positions sur la scène politique nationale99 » : le Congrès international des habitations à bon marché, organisé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, avait une vocation essentiellement nationale100.
61Par ailleurs, certains discours quasi-contemporains incitent à la prudence. L’administration londonienne, par exemple, ne fait pas l’unanimité. Le géographe D. Pasquet souligne la fantaisie du découpage des différents ressorts administratifs, juridiques, scolaires… entre lesquels se partage la capitale britannique. En matière de rationalité administrative, l’avantage irait plutôt à la France101. D’ailleurs, pendant le second xixe siècle tout au moins, Paris est considéré comme la référence internationale en matière d’urbanisme102. N. Evenson cite un voyageur italien qui en 1878 décrivait le boulevard Beaumarchais dans les termes suivants :
« Entre deux rangées d’arbres, il y a une cohue de voitures, de camions, d’omnibus traînés par des machines à vapeur, d’autres omnibus très hauts, chargés de voyageurs, qui roulent en cahotant sur le sol inégal avec un fracas assourdissant. Mais c’est un mouvement différent de celui de Londres. L’espace ouvert et verdoyant, les visages, les voix, les couleurs, donnent à cette confusion l’aspect d’un divertissement plus que d’un travail103. »
62La réflexion a de quoi surprendre qui se penche sur la littérature émanant de la Section d’hygiène.
63Jean-Pierre Gaudin note toutefois que la mise en place de dispositifs d’urbanisme rencontre en France des obstacles spécifiques, liées au compromis sur lequel repose la iiie République. Cette dernière, fondée sur « une alliance politique dominante qui valoris[e] d’autant plus la propriété foncière qu’elle [peut] ainsi s’appuyer tant sur les voix paysannes que sur celles des commerçants, artisans et entrepreneurs, qui plac[ent] leur argent dans l’immobilier104 », peut difficilement s’attaquer à la rente foncière. Dans un registre un peu différent, Viviane Claude note le contraste, à la fin du xixe siècle, entre la rareté de la littérature en langue française consacrée aux techniques urbaines et l’abondance de la production en anglais et en allemand. De même, en la matière, l’enseignement et les associations professionnelles apparaissent dès les années 1850-1860 en Allemagne et en Angleterre, alors qu’en France il faut attendre les années 1890 pour observer les premières tentatives de regroupement des professionnels105. De toute façon, il s’agit surtout ici d’analyser les modalités, complexes, de la mobilisation des exemples étrangers.
64Trois rôles distincts sont assignés à la référence aux réalisations étrangères en matière de plans de ville. La section cherche tout d’abord à mobiliser les volontés en faisant toucher du doigt aux détenteurs du pouvoir et à l’opinion la réalité du « retard » français. Ensuite, il s’agit de tirer les leçons d’une analyse des expériences étrangères qui n’exclut pas la critique. Enfin, le rappel des succès remportés par les urbanistes français dans les concours internationaux suggère que le pays dispose des talents nécessaires pour mettre en œuvre un « aménagement rationnel des villes ». Dans le même ordre d’idées, on affirme que certaines initiatives étrangères sont redevables pour une part à des idées nées en France afin de prouver que le principe même d’une action sur le développement des villes n’est pas incompatible avec le génie national.
Réveiller l’orgueil national : démontrer le « retard » français
65Une première utilisation des réalisations étrangères met l’accent sur le contraste entre les performances étrangères et l’incurie française. Les membres de la section ne manquent pas une occasion d’invoquer l’exemple étranger pour souligner le « retard » pris par la France en matière de législation ou de réalisations urbaines proprement dites.
66L’exposé des motifs de la proposition de loi sur les plans de villes présentée à la section en juin 1912 est particulièrement intéressant. On y retrouve le sempiternel rappel du contraste entre la grande misère des villes françaises et la qualité des réalisations étrangères en matière d’hygiène et d’esthétique. Ce contraste a pour origine l’absence en France de législation sur les plans de ville :
« Sans plan d’ensemble, sans plan d’aménagement et d’extension mûrement réfléchi, établi d’une manière prévoyante pour une longue période, avec de larges vues d’avenir, il n’y a pas de gestion économique, pas de confort, et pas suffisamment de beauté pour nos grandes villes106. »
67À la défaillance française est opposée la prévoyance des nations étrangères qui se dotent des moyens nécessaires au contrôle du développement urbain. Et l’exposé des motifs de citer la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, les États-Unis, l’Australie, la Norvège, la Suède et le Danemark. Ces pays montrent la voie à suivre, qu’ils aient adopté un cadre législatif fixant les règles de la planification urbaine ou que leurs plus grandes villes se soient dotées de plans d’urbanisme. Le texte se livre à une revue rapide, sans s’attarder sur le détail des mesures prises dans les différents pays. Sont ainsi mis sur le même plan l’obligation faite depuis 1836 aux grandes villes belges de se doter de plans d’extension, le fait que toutes les villes américaines possèdent de tels plans, « souvent dressés et même quelquefois exécutés par des Associations privées auxquelles les municipalités confient cette charge107 », et la mise au concours par l’Australie du plan de sa nouvelle capitale. L’accumulation de références est censée souligner l’isolement de la France, seule parmi les nations à ne pas se soucier de diriger la croissance de ses villes : l’exposé des motifs s’adresse à l’orgueil national et au sens de l’émulation des élus du peuple.
68Une telle utilisation des références étrangères est assez fréquente. Dès la réunion de la Sorbonne, Risler multiplie les références aux performances étrangères en matière d’espaces libres et de plans de villes, afin de mettre en évidence le retard français et d’inciter les pouvoirs publics à l’action108. Ce recours à un exemple étranger censé réveiller l’orgueil national de l’opinion et des dirigeants se rencontre aussi chez Ribot, qui se demande s’il ne serait pas nécessaire de dresser un plan d’avenir pour Paris, à l’exemple de ce qui a été fait pour Londres, Vienne et les villes américaines, et qui conclut son discours par un appel à la mobilisation pour que la France « garde […] sa place dans le monde109 ».
69On pourrait multiplier les exemples de cette mobilisation des réalisations étrangères110. Cependant le recours à l’exemple étranger ne se limite pas à une accumulation, relevant largement de la rhétorique, de références censées souligner le retard pris par la France.
Tirer les leçons des réalisations étrangères
70La section ne se contente pas de réclamer une législation sur les plans de ville. Elle entend aussi être partie prenante dans son élaboration. Ses membres se livrent donc à une analyse des dispositifs adoptés à l’étranger, afin d’en tirer des enseignements valables pour la France.
71Qu’il s’agisse de réalisations ponctuelles ou d’un cadre législatif d’ensemble, les expériences étrangères sont instructives et la section se donne pour tâche de les faire connaître. Elle s’intéresse d’ailleurs aussi aux initiatives isolées prises en France par des villes aux édiles particulièrement sensibles aux questions d’urbanisme.
72Dès février 1909, la section envoie deux circulaires, l’une à certaines municipalités étrangères, l’autre aux principales villes françaises, pour leur demander communication des plans d’aménagement et d’extension dont elles auraient pu se doter, ainsi que des renseignements sur la superficie, la mortalité et les initiatives privées en faveur des habitations à bon marché. La circulaire adressée aux villes étrangères réclame aussi des informations sur les lois et règlements relatifs à l’expropriation, à l’achat de terrains, aux servitudes architecturales ou d’hygiène, aux interdictions de vente et au classement des forêts voisines. Quelques mois plus tard, le Musée social envoie une lettre à un certain nombre de correspondants pour se documenter sur les cités-jardins à l’étranger111. De même, les membres de la section s’intéressent à l’Exposition internationale d’hygiène qui se tient à Dresde en 1911 : l’un d’eux, Édouard Fuster, en est le commissaire pour la France112 et certains de ses collègues font le déplacement en Allemagne113.
73Ces initiatives visent à constituer un fonds documentaire où pourraient puiser tous ceux qui se préoccupent d’« aménagement rationnel des villes ». À cette fin, Fuster souhaiterait recueillir une partie des plans exposés à Dresde. Siegfried, qui se fait l’écho de ce projet auprès de la section, signale qu’il faudrait pour le mener à bien créer à Paris un Institut international d’hygiène, « le pendant en cette matière de ce qu’est le Musée social en économie sociale114 ». Fuster lui-même obtient de la section un vœu tendant à obtenir du Parlement un crédit destiné à l’impression des documents provenant de l’exposition de Dresde115. Les membres de la section contribuent à ce fonds documentaire en communiquant les documents qui leur parviennent. Benoit-Lévy par exemple soumet à la section les plans d’extension d’Amsterdam, de Providence et d’Adelaïde-City116. La constitution d’un tel fonds s’inscrit dans la logique de la mission que s’est assignée le Musée social, « organe d’étude et d’information qui met ses renseignements à la disposition de tous117 ». La démarche est très fréquente dans les milieux réformateurs, comme le note M.-J. Dumont au sujet du mouvement en faveur des habitations à bon marché au début du xxe siècle : « Construisant peu, on publia beaucoup : brochures, expositions, concours, tout cela promettait des collections et des archives nombreuses118. »
74L’article de Risler sur « les plans d’aménagement et d’extension des villes » comporte une section spécialement consacrée aux réalisations étrangères119. Si l’Allemagne y occupe la plus grande place, on repère également des « spécialités nationales » : chacun des pays cités mérite d’être pris pour exemple dans un ou plusieurs domaines particuliers. Cette utilisation sélective se retrouve d’ailleurs dans des termes assez semblables chez les collègues de Risler.
75Risler fait brièvement référence à l’Australie, pour signaler que la capitale de ce pays a été construite suivant un plan dressé à l’avance. Cette utilisation de l’exemple australien est assez fréquente. La procédure du concours, à laquelle ont souvent recours les autorités australiennes pour dresser les plans de leurs villes, séduit la section. L’exposé des motifs de la proposition de loi de 1912 sur les plans d’aménagement et d’extension rappelle que l’Australie a mis au concours le plan d’une nouvelle capitale120. De même, l’architecte Donnat-Alfred Agache réclame un concours pour l’éventuel plan d’extension de Paris en invoquant l’exemple australien121. En 1913, Agache est d’ailleurs lauréat d’un autre concours australien, celui de Yass-Camberra122. Pour les architectes de la section, qui brillent dans les compétitions internationales, le concours constitue le meilleur moyen de ne pas abandonner le sort de Paris aux vues étriquées des non-spécialistes que sont les édiles et les députés, ainsi que d’acquérir la légitimité professionnelle qui leur manque au plan national. La présence même des architectes urbanistes au sein la section participe de ce souci de faire reconnaître en France la profession d’urbaniste.
76Risler insiste aussi sur le rôle pionnier de la Belgique en matière de plans d’urbanisme : « Il y a 75 ans que l’établissement de plans d’ensemble pour les villes avait été officiellement préconisé en Belgique, et que des règlements avaient été promulgués à cet effet123. » Il rend aussi hommage à l’opportunisme des pouvoirs publics belges, qui profitent d’occasions comme l’Exposition universelle de Bruxelles pour accroître les espaces libres dans les villes et mettre en œuvre une planification urbaine124. Dans le même ordre d’idées, Siegfried insiste sur le lien opéré en Belgique entre aménagement de fortifications déclassées et élaboration de plans d’urbanisme125.
77Si les Belges sont souvent mentionnés pour la création d’espaces libres, les Britanniques sont considérés comme les champions en la matière. En 1912, Risler consacre un long développement à l’exemple britannique. Celui-ci revient souvent chez les membres de la section, frappés par les sacrifices financiers auxquels consentent les pouvoirs publics anglais pour ménager des espaces libres dans les villes. Comme Risler, on oppose les politiques menées à Londres et à Paris : « À Londres on doublait les espaces libres ; à Paris, on les diminuait de moitié126. »
78L’exemple britannique incite par ailleurs à l’optimisme. Pour Hénard, Londres apporte la preuve qu’une immense agglomération urbaine peut rester viable :
« L’étude du plan de la plus grande ville d’Europe nous donnera de précieuses indications pour l’avenir. Nous verrons comment une aire immense, couverte d’habitations, peut arriver à prendre une extension prodigieuse sans que l’agglomération humaine en souffre127. »
79Il n’est donc pas question de s’élever contre la croissance urbaine, mais de l’accompagner et de la diriger, le plan constituant le dispositif le plus approprié. Cette utilisation de l’exemple londonien est assez proche de celle de Guyot, pour qui l’existence d’une agglomération comme Londres prouvait qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter de l’extension de Paris128. La parenté avec le discours des édiles des années 1880, comme avec celui des géographes, ne s’arrête d’ailleurs pas là. « Les villes anglaises s’accroissent par cottages tandis que les nôtres s’accroissent par casernes129 » constate Risler. Près de 30 ans auparavant, Guyot insistait déjà sur les différences de densité entre Paris et Londres130. La même constatation se retrouvait en 1899 chez Pasquet131.
80Risler met l’abondance d’espaces libres Outre-Manche au compte de spécificités nationales, dont la sensibilité à la nature et l’amour de l’exercice :
« Jamais les Anglais ne consentiraient à vivre dans un milieu où rien ne leur rappellerait la campagne, et sans des espaces leur permettant de se livrer, en plein air, à ces exercices violents et agréables, qui entretiennent d’une manière si efficace la vigueur de leur race132. »
81L’analyse se retrouve chez Souza : « Les habitudes spéciales de la vie domestique et le goût des sports […] entretinrent et développèrent, particulièrement à Londres, de larges morceaux de campagne133. »
82Affirmer l’existence, chez les Anglais, d’« habitudes spéciales de la vie domestique » à l’origine d’une morphologie urbaine particulière n’est ni original ni novateur. En 1899 déjà, Pasquet, s’intéressant au dépeuplement du centre de Londres qu’il attribuait au renchérissement des valeurs foncières, écrivait :
« Ajoutez à cette cause générale celles qui sont spéciales à Londres et au caractère anglais. Les petites casernes que nous habitons à Paris n’inspirent à l’Anglais moyen que peu de sympathie. “[…] Bon pour vous autres, Français, qui comme chacun sait, n’avez point le sentiment de la famille et qui passez votre vie au café!” Un véritable Anglais […] ne s’accommode de ce régime qu’à contrecœur, et avec l’intention bien arrêtée d’avoir, lui aussi, lorsque la fortune lui sourira, sa maison à lui, bien à lui, sa villa indépendante […], ou simplement son cottage d’ouvrier, avec ses vingt-cinq mètres carrés de jardin derrière134. »
83Certains membres de la section sont cependant plus réservés au sujet du développement réel de la pratique sportive Outre-Manche. « Les jeux sportifs semblent négligeables en France ; en Grande-Bretagne ils ne sont à la portée que de la population aisée135 » écrit Benoit-Lévy qui a d’ailleurs voyagé en Angleterre136. Il n’empêche, l’utilisation par la section de l’exemple britannique est en accord avec le sens commun.
84L’invocation des performances anglaises s’inscrit aussi dans une autre tradition. Le mouvement pour les espaces libres qui a précédé la mobilisation du Musée social sur la question de l’enceinte recelait une part d’anglomanie. L’expression « espaces libres » est un décalque, d’après Souza, de l’anglais « open spaces »137. Selon Risler, La Société pour la protection des paysages de France de Beauquier a été conçue sur le modèle de la Commons and Footh-paths Preservation Society britannique138. De même, la campagne contre la mutilation du bois de Boulogne est initiée par des représentants du monde sportif, au sein duquel prévaut une anglomanie certaine139.
85Pour la section, la France a d’ailleurs de moins en moins de leçons à recevoir de l’Angleterre en matière d’intérêt pour l’exercice physique. Telle est en tout cas l’opinion de Siegfried :
« Dans le magnifique développement donné à l’instruction publique par le Gouvernement de la République depuis 1877, les Jules Ferry, les Paul Bert n’ont eu garde d’oublier les exercices physiques. Nos enfants ont pris, comme les jeunes Anglais, le goût bienfaisant des jeux en plein air en même temps qu’ils apprenaient de leurs maîtres des notions d’hygiène140. »
86Pour Risler, cette évolution est très positive : il est bon de donner le goût du jeu à la jeunesse, dans la mesure où il s’agit d’une « arme pour la lutte pour la vie141 ». Cependant un problème persiste : « Mais, où joueront ces jeunes gens et ces enfants s’ils n’ont pas de terrains de jeux à leur disposition ? Dans la rue142. » Risler demande donc la création de terrains de sports afin que le goût nouveau pour l’exercice physique puisse s’épanouir.
87Si Risler évoque avec intérêt l’Angleterre, c’est à l’Allemagne qu’il consacre le plus long développement. On entre ici dans le cœur de l’article : « [Nous] trouvons là les exemples les plus nombreux et les plus complets en matière de Town-planning143. » Risler loue le soin dont sont l’objet les plans d’urbanisme en Allemagne :
« En ce qui concerne l’établissement des plans, les Allemands tracent de larges rues, ménagent de grands espaces libres, et lorsqu’on arrive à l’exécution, après avoir établi la viabilité, amené l’eau, l’électricité, le gaz et construit les égouts, emploient au point de vue du pavage les procédés les meilleurs quelque prix qu’ils puissent coûter. Nous estimons, de notre part, que comme ensemble ils obtiennent des résultats remarquables, tant au point de vue hygiénique et économique, qu’à celui de la décoration sylvestre et florale144. »
88Au-delà de cet effort, l’urbanisme à l’allemande se caractérise par la pratique systématique du zonage :
« Dans leurs plans d’extension, [les Allemands] divisent les terrains qui seront employés à la création de la ville nouvelle en quartiers industriels, ouvriers, administratifs, riches, etc. Tout cela est fait d’une manière très rationnelle ; aussi, avant de fixer l’emplacement assigné aux fabriques, on étudie le régime des vents […] ; pour le quartier riche, on tient compte de la nature du terrain qui devra fournir rapidement une belle végétation145. »
89Et Risler de citer des exemples remarquables comme Ulm, Wiesbaden ou Cologne. Dans cette ville, « [chaque] propriétaire sait exactement, au moment où il achète son terrain dans une partie quelconque de la Ville, quelle superficie il peut couvrir de constructions, et de quel genre celles-ci devront être146 ». L’insistance sur la spécificité des plans mis en œuvre Outre-Rhin se rencontre aussi chez Fuster147. L’Allemagne n’est toutefois pas l’unique référence invoquée en matière de zonage. A. de Villemereuil signale que la ville de Zurich a aussi eu recours à cette technique148.
90L’Allemagne est aussi remarquable par le traitement des risques de spéculation, « seul inconvénient149 » des plans de ville. Les Allemands cherchent par tous les moyens à empêcher l’augmentation du prix des terrains visés par le plan. Une des mesures auxquelles ils ont recours paraît spécialement efficace à Risler : l’achat de terrains et leur revente par les municipalités. Et Risler rappelle lui aussi l’opération réalisée par la ville d’Ulm lors du déclassement de ses fortifications150. Cette utilisation de l’exemple allemand n’est pas novatrice. En 1906, Forestier faisait déjà l’éloge de la prévoyance germanique : « Depuis longtemps les villes allemandes ont compris l’intérêt qu’il y a à acheter les terrains qui les avoisinent pour former un fonds municipal, et permettre ensuite, sans entassement, leur propre développement151. »
91En ce qui concerne les moyens de la politique d’urbanisme, l’attention est aussi attirée, Outre-Rhin, par les procédures d’expropriation. En 1912, Risler analyse certains dispositifs utilisés à l’étranger : en Autriche et en Allemagne, les terrains voués l’expropriation sont frappés de servitude dès la promulgation du plan et leur prix peut être fixé immédiatement même si l’expropriation ne doit intervenir que plus tard. Risler, qui réclame un remaniement d’ensemble de la législation sur les expropriations, propose l’adoption d’une disposition semblable quand la France se dotera d’une loi sur les plans d’aménagement et d’extension. La proposition de loi Beauquier, remaniée une première fois en 1909, ne lui paraît pas suffisante152. Risler indique en outre que, en Allemagne et en Autriche, le partage des plus-values entre riverains bénéficiant des améliorations et responsables du financement de ces dernières est la règle en cas de travaux d’utilité publique153. La mobilisation de l’exemple allemand lui permet de réclamer l’application systématique de la loi de 1807 qui rend possible un tel partage. Toutefois, lorsque Risler réclame une modification de la législation sur l’expropriation pour cause d’insalubrité, il invoque l’exemple de l’Angleterre154.
92En résumé, dans l’exemple offert par l’Allemagne, c’est la fermeté des pouvoirs publics qui suscite l’approbation. Fermeté à l’égard des intérêts des particuliers, avec les procédures d’expropriation, mais aussi envers les intérêts purement locaux. Risler repère ainsi des ressemblances entre les situations de Cologne et de Paris. Comme Paris, Cologne était une ville fortifiée, avec une zone de servitude non aedificandi au-delà de laquelle de véritables agglomérations s’étaient développées. Mais, devant la croissance anarchique des faubourgs, les pouvoirs publics réagissent différemment en France et en Allemagne : dès 1888, la municipalité de Cologne, qui « n’eut pas la longanimité de Paris », a décidé que ce « développement sans ordre ne pouvait continuer155 » et a obtenu l’incorporation des communes suburbaines.
93Même s’il n’est pas question ici de juger de la qualité des performances allemandes, on peut nuancer les affirmations des membres de la section, en particulier au sujet de la fermeté des pouvoirs publics à l’égard des intérêts privés. En 1862, la ville de Berlin s’est dotée d’un plan d’aménagement sur le modèle de celui d’Haussmann. Que les Prussiens se soient inspirés de l’œuvre du préfet de la Seine n’a rien pour étonner les membres de la section, qui rappellent l’existence en France de précurseurs dont les contemporains ne se montrent pas dignes. En revanche, les critiques dont fait l’objet du côté allemand la mise en œuvre du plan étonneraient sans doute les réformateurs sociaux : on reproche en effet aux autorités la trop grande latitude laissée aux sociétés immobilières156. Même s’il ne s’agit que de la seule ville de Berlin, ces critiques invitent à nuancer les appréciations portées sur l’efficacité de l’urbanisme à l’allemande. La référence à l’Allemagne vaut certainement avant tout comme « outil de lutte idéologique ».
94L’utilisation de l’exemple étranger s’articule autour de deux pôles principaux : performances britanniques en matière d’espaces libres d’un côté, rigueur et discipline germaniques de l’autre. Le repérage de domaines d’excellence propres à ces deux nations, ainsi qu’aux autres, s’accompagne de celui de domaines de moindre performance. La dimension critique est présente dans l’analyse des réalisations étrangères : il ne s’agit pas de transposer tels quels à la France les dispositifs repérés ailleurs. Les réserves ont une double origine : la nécessité de tenir compte des spécificités françaises et les imperfections repérables à l’étranger.
95La section a pour objectif l’adoption rapide d’un plan pour la région parisienne et d’une législation sur les plans d’aménagement et d’extension. Les solutions proposées doivent donc faire preuve de réalisme et tenir compte des spécificités nationales. Pour Bechmann, par exemple, l’idée parfois avancée d’une interdiction de la construction dans la périphérie des villes est inapplicable en France, et en particulier à Paris. Elle n’est envisageable que lorsqu’« on crée une ville de toutes pièces sur un espace complètement libre157 », comme dans le cas de Bucarest. Ce qui fonctionne en Roumanie et dans d’autres pays aux traditions urbaines moins affirmées n’est pas valable en France. La nécessité de tenir compte d’un tissu urbain préexistant se double d’ailleurs selon Bechmann d’un autre obstacle : en France, la jurisprudence est très favorable au propriétaire, circonstance regrettable mais dont il faut tenir compte158.
96Les réticences à s’inspirer servilement de l’étranger reposent aussi sur une analyse critique des dispositions adoptées au-delà des frontières. Si Risler rend hommage à l’efficacité et à la prévoyance germanique, l’éloge s’accompagne de certaines réserves : « [Si] au point de vue de l’hygiène, confort, économie, les meilleures solutions pratiques y sont réalisées, il en est rarement de même au point de vue artistique159. » La réticence est partagée par Benoit-Lévy160.
97En cela nos voisins d’Outre-Rhin ont les défauts de leurs qualités et sont victimes de leur esprit de système. Le principe du zonage, qui serait systématiquement appliqué dans les villes allemandes, suscite d’ailleurs aussi des réactions très nuancées. Pour Bonnier, sa mise en œuvre pose des problèmes. Si, pour un nouveau lotissement, on peut distinguer le quartier commerçant du quartier d’habitation, dans le centre des villes, et tout particulièrement à Paris, il est presque impossible de répondre à la question suivante : « Où commence […] le beau quartier et où finit le vilain quartier161 ? »
98Risler, lui, se méfie d’une technique qui, poussée à l’extrême, menace la paix sociale : « [Nous] n’aimons pas beaucoup non plus voir les riches parqués dans un quartier, les pauvres dans un autre ; il nous semble préférable qu’il y ait entre eux des contacts aussi fréquents que possible162. » Le zonage serait donc à la fois difficile à mettre en œuvre et dangereux, en raison de la ségrégation sociale qu’il porte en germe. Risler se prononce finalement pour un zonage limité, dicté par des raisons d’ordre géographique, et refusant la ségrégation :
« Sans doute, il est logique de concentrer l’industrie près des gares et des canaux, et dans un endroit choisi de manière à ce que le régime des vents dominants ne chasse pas les fumées et les odeurs désagréables sur la ville. Il paraît naturel de créer les cités-jardins destinées au logement des travailleurs, non pas tout près, mais à des distances peu considérables des usines ; mais autrement, il ne nous semble pas bon d’exagérer le système et de parquer les citoyens par catégories163. »
99L’attachement à la mixité sociale est une constante à la section. En 1904 déjà, Benoit-Lévy faisait l’éloge de Port Sunlight, la Cité-Jardin qui accueille employés et ouvriers des usines Lever :
« Nous voyons le contremaître […] loger sous le toit voisin du manœuvre […].
Là, l’amitié ne s’établit pas seulement entre hommes de la même condition, mais aussi entre individus de classes différentes. Par l’égalité des conditions de la vie, la lutte des classes n’a plus de raisons d’être164. »
100Les règlements municipaux en vigueur dans les villes allemandes sont aussi l’objet de critiques. Si Risler salue le soin avec lequel sont édictés et appliqués Outre-Rhin les règlements d’hygiène, il condamne l’inutile minutie des règlements de construction et leur application tatillonne165. Là encore, c’est avant tout l’esprit de système germanique qui est mis en cause :
« [Le] principe est juste, mais on l’exagère, et l’application en est défectueuse. Il n’y a, sauf les grandes lignes directrices relatives à l’hygiène, rien d’absolu en matière de construction des villes166… »
101Tous les membres de la section ne sont d’ailleurs pas aussi critiques. Fuster exprime son admiration pour les règlements de construction en vigueur Outre-Rhin et pour le principe du zonage :
« La législation allemande, principalement la loi saxonne, a soin, non seulement de régler l’extension de la cité, mais la construction de cette cité elle-même, les espaces réservés aux fabriques, au quartier du commerce, aux maisons à nombreux étages, aux villas ; cette législation détermine aussi la direction des voies. Il en résulte la conséquence naturelle que les lotissements privés rentrent d’eux-mêmes dans ce plan de construction, de même que les voies privées qui sont la conséquence de ces lotissements et aussi, toute construction, éloignée même des voies d’accès, doit être l’objet d’une autorisation administrative conforme au plan général. En France, l’obligation d’un plan de construction n’existant pas pour une ville, les lotissements échappent à la réglementation167. »
102Cependant, l’admiration pour l’urbanisme à l’allemande s’accompagne de doutes sur ses chances d’acclimatation en France. Fuster, bien qu’appelant de ses vœux un « plan d’aménagement et d’extension [qui] devrait être la conséquence d’un plan de construction168 », ne croit pas vraiment qu’une telle mesure soit envisageable. Pour lui, l’absence de coordination entre les dispositions législatives est un trait national, observable ailleurs qu’en matière d’urbanisme : « Malheureusement nos lois françaises ne forment jamais un ensemble coordonné. On remarque cet inconvénient dans d’autres domaines que l’hygiène : ainsi dans l’assurance et la prévoyance169. »
103Nécessité de tenir compte des spécificités françaises et conscience des imperfections des solutions expérimentées au-delà des frontières font qu’il n’est pas question de suivre servilement l’exemple donné par l’Allemagne en particulier et par l’étranger en général, mais seulement de s’en inspirer. Risler conclut par ces mots son analyse de la planification urbaine allemande :
« Nous résumerons cette étude des conditions du “Town-planning” en Allemagne, en souhaitant de voir nos concitoyens s’inspirer des exemples qui nous sont offerts, s’approprier l’esprit de prévoyance qui y règne, édicter des règlements analogues dans ce qu’ils ont de bon et de pas trop… prussien170. »
Nul n’est prophète en son pays
104Tout en mettant sous les yeux des dirigeants des exemples réussis de maîtrise du développement des villes à l’étranger pour tenter de réveiller leur fierté nationale, les membres de la section ne manquent pas de rappeler les apports français à l’urbanisme. Par ailleurs, ils soulignent les contributions d’architectes français à l’élaboration des plans de villes étrangères.
105L’intérêt pour les espaces libres et l’idée même de plan de ville plongeraient leurs racines dans d’anciennes traditions françaises, tombées dans l’oubli chez nous, et dont les villes étrangères s’inspirent avec plus ou moins de talent. Pour R. de Souza, la France a joué un rôle pionnier dans la création d’espaces libres :
« La question des “espaces libres” à conserver dans les agglomérations urbaines est plus ancienne qu’on ne l’imagine communément. […] Nos ancêtres, par les quinconces, les cours, les mails, ne nous avaient pas attendus pour en connaître l’importance et pour la résoudre171. »
106De même, selon Risler les villes étrangères qui accroissent leurs espaces libres ne font que suivre un mouvement né en France172, nation qui peut se targuer d’un passé glorieux. La création d’espaces libres y est particulièrement dynamique au xviiie siècle : « Les plus belles promenades de nos villes datent encore de cette époque. C’est une erreur de croire qu’excepté à Paris nous y avons beaucoup apporté. Tout au contraire nous n’avons cessé de rogner les espaces que nos pères ménageaient173. » Le souci des espaces libres perdure sous le Premier Empire. D’après Souza, la rupture avec la tradition d’aménagement de parcs et de promenades intervient sous la Restauration :
« La naissance de l’industrialisme (et l’esprit utilitaire qu’il fit peu à peu prévaloir) substitua à l’architecte l’ingénieur, longtemps insensible à ce qui n’était pas utilisé pour une production immédiate. […] On ne parlait pas encore d’hygiène et l’art était considéré comme un luxe174. »
107Le Second Empire témoigne cependant d’un souci renouvelé pour les espaces libres. « Il faut excepter de cette période les quinze années de l’administration d’Haussmann, qui, lui du moins, fit des créations nouvelles pour compenser nos pertes175 » affirme Hénard. Souza attribue cependant à l’influence étrangère l’intérêt de l’Empereur et de son préfet pour les espaces libres, envisagés dorénavant dans une perspective hygiénique et non plus seulement esthétique. Cet intérêt se manifeste en particulier en 1852 et en 1860 avec le don des bois de Boulogne et de Vincennes à la ville de Paris.
108Ces opérations s’inscrivent d’ailleurs dans une tradition qui a présidé au don de l’Étoile de Chaillot à la ville de Paris par Louis XVI et à celui des Champs-Élysées et de la place de la Concorde par Charles X. Le rappel de ces libéralités est censé inciter l’État à la générosité dans les négociations engagées avec la municipalité parisienne au sujet de l’enceinte176 : pour Siegfried, « la République ne peut faire moins que les monarchies qui l’ont précédée177 ». Tout se passe donc comme s’il n’y avait pas tant un « retard français » qu’un décalage de calendrier. Les magnifiques espaces libres qu’on admire dans les villes étrangères, en particulier allemandes, s’inspirent des réalisations françaises : « Les parcs et perspectives ouverts au xviie siècle à l’imitation du style français furent multipliés et conservés en souvenir de Versailles. […] Le culte naturel des Allemands pour les arbres soutint cette conservation178. »
109De même que la France a montré le chemin pour la création d’« espaces libres » qui ne portaient pas encore ce nom, elle est à l’origine de l’idée même de plan. Pour Risler, les plans d’aménagement et d’extension s’inscrivent dans une tradition ancienne : « [Sous] Henri IV, sous Louis XIV, sous la Convention, il avait été établi des plans d’extension179. » Risler fait même remonter, en France, l’idée de plan au Moyen Âge. Sans aller aussi loin, ses collègues ne manquent pas de mentionner le plan de 1793, établi par une « Commission des artistes » sur l’ordre de la Convention. Pour Risler, ce plan, « qui en somme n’était autre chose qu’un plan d’aménagement et d’extension, sans que ce nom lui ait été donné180 », contient l’indication de presque tous les grands travaux exécutés sous le Premier Empire, mais aussi sous tous les régimes qui l’ont suivi, y compris le Second Empire181. Là encore, on aurait affaire à un décalage de calendrier. Le plan d’urbanisme, né en France pendant la Révolution ou même avant, a rapidement sombré dans l’oubli, tandis qu’à l’étranger « on a compris, un peu plus tard que chez nous l’utilité pour les villes des plans d’aménagement et d’extension, mais […] l’usage en a été généralisé dès que leurs avantages ont été appréciés182 ». On fait donc référence à un passé glorieux mais relativement reculé pour mieux souligner l’incurie qui caractérise le passé récent et le présent.
110L’idée était déjà présente en 1906 chez Forestier :
« Dans différentes parties du monde, un enseignement nouveau nous est apporté, dont les villes jeunes, dont les villes en formation, comme les vieilles cités peuvent tirer profit. Londres et Paris se sont les premières occupées de leur desserrement et de leur embellissement, chacune dans un esprit un peu différent. Londres a cherché le plus d’espace possible, Paris s’est attaché à l’esthétique et à l’élégance.
Toutes deux ont eu l’avantage de trouver, chez elles et autour d’elles, des réserves royales qui leur ont permis de réaliser de vastes et heureux programmes, qu’il est nécessaire de compléter aujourd’hui. Elles ont jeté les premières graines : la semence répandue dans le monde a été merveilleusement féconde et le fruit, perfectionné, amélioré, nous surprend à notre tour.
Endormis après l’effort admirable d’Haussmann et d’Alphand, qui nous faisait croire à la réalisation de la cité parfaite, nous nous apercevons aujourd’hui, que Paris a eu tort de s’arrêter en si beau chemin et de ne pas poursuivre plus avant son système d’embellissement, d’aération, de ne pas prévoir que son développement continuel exigeait un développement parallèle de ses espaces libres, de ses parcs et de ses promenades183. »
111De manière un peu semblable, les membres de la section rappellent que les talents n’ont jamais manqué en France, même s’ils ne sont pas utilisés au plan national. Ils mentionnent l’existence de visionnaires qui, dans un passé récent, se sont heurtés à l’inertie ou à la mauvaise volonté des pouvoirs publics. Souza rend ainsi hommage à Laborde. Ce dernier est l’auteur, suite à l’Exposition universelle de 1851, d’« une véritable somme de plus de mille pages très concrètes, sur le rôle de l’art dans les sociétés, [où] tout est préconisé des diverses formes de la question qui nous occupe : terrains de jeux, vastes jardins, sorties de Paris, environs à sauvegarder184 ». Malheureusement, Laborde n’est pas parvenu à se faire entendre.
112Il s’agit aussi de montrer que la France dispose actuellement de spécialistes capables de mettre en œuvre une planification urbaine. Les succès internationaux des architectes français sont ainsi fréquemment mentionnés. Risler, par exemple, rappelle que deux Français, Prost et Auburtin, ont remporté respectivement les premier et deuxième prix du concours international pour l’élaboration du plan d’aménagement et d’extension d’Anvers. La présence de Hénard dans le jury constitue d’ailleurs, d’après Risler, une preuve supplémentaire du rayonnement de l’urbanisme national185. De même, en 1914, Siegfried rend hommage aux architectes urbanistes français tout en regrettant que les villes françaises aient si peu recours à leurs lumières, contrairement aux villes étrangères186.
113On assiste donc à une véritable exportation des compétences urbanistiques françaises, qui relève d’ailleurs d’une tradition ancienne. Risler signale par exemple qu’au xviiie siècle un Français, Nicolas Jardin, a été chargé des transformations de Copenhague et qu’il travaillait sous le contrôle de l’Académie d’architecture de Paris187. Pour Risler, l’incurie française n’en est que plus regrettable :
« Ne sommes-nous pas véritablement coupables, lorsque nous avons le bonheur de disposer de pareils hommes et de si précieuses réserves de science, de talent, d’ingéniosité et de goût, de ne pas les utiliser pour le bien de nos concitoyens et la grandeur et la beauté de notre patrie188 ? »
114D’un autre côté, puisque la France possède une culture urbanistique et un personnel compétent, toutes les chances pour qu’elle rattrape son « retard » sont réunies. Siegfried en est persuadé :
« Puisque l’étranger couronne des architectes français pour ses plans d’extension, la France n’aura pas de mal à trouver chez elle des architectes prêts à exécuter des travaux du même genre, quand elle aura adopté une législation appropriée à ce but189. »
115De fait, la reconnaissance des urbanistes français à l’étranger est réelle. Hénard, par exemple, jouit d’une réputation internationale de spécialiste de la circulation urbaine190.
116Le rappel de l’audience des architectes-urbanistes français à l’étranger ne vise pas uniquement à démontrer que la France est à même d’assurer la planification de la croissance de ses grandes cités. Les architectes cités appartiennent à la Section d’hygiène et leur présence renforce la légitimité du combat des réformateurs sociaux pour les plans de ville. Réciproquement, la section fournit aux urbanistes en mal de professionnalisation une structure d’accueil, au sein de laquelle ils jettent les bases de leur future organisation professionnelle, avec la Société française des architectes urbains191. Les architectes de la section participent d’ailleurs à la mission que s’est donnée celle-ci. En communiquant les résultats de leurs travaux192, ils collaborent à l’enrichissement du fonds documentaire que le Musée social entend mettre à la disposition de tous les hommes de bonne volonté intéressés par l’« aménagement rationnel des villes ».
117Pour la section, le traitement de l’enceinte n’est donc pas uniquement un enjeu local. Il doit s’intégrer dans un plan d’aménagement et d’extension de la région parisienne, dont il constitue un élément clé. D’une part, les chances de parvenir à diriger l’évolution de la capitale seraient gravement obérées par un aménagement de l’enceinte négligeant les impératifs de l’urbanisme, c’est-à-dire la nécessité de réserver des espaces libres, de prévoir l’emplacement des voies de communication et d’imposer une réglementation de la construction. D’autre part, les expériences menées sur les fortifications sont investies d’une dimension pédagogique. Elles apporteront, au niveau parisien mais aussi national, la preuve que la planification urbaine est possible et efficace pour lutter contre les maux dont souffrent les habitants des villes, ces maux n’étant pas constitutifs de la vie urbaine mais résultant de l’absence d’un « aménagement rationnel des villes ».
118Les réformateurs sociaux réclament une législation sur les plans d’aménagement et d’extension au nom de l’hygiène et de la santé de la population des villes. Le sort de l’enceinte, enjeu local lié à une mobilisation en faveur des plans de ville, continue donc de relever de la thématique de la régénération nationale. L’inscription est d’autant plus nette que les plans sont censés combler un manque spécifiquement français. L’argumentation mobilise donc largement les exemples offerts par l’étranger, qu’il s’agisse de démontrer la nécessité de la loi ou d’en définir le contenu. On peut établir un parallèle avec les édiles parisiens des années 1880, qui réclamaient la suppression des fortifications au nom de l’hygiène en invoquant l’exemple allemand et qui écartaient les craintes suscitées par la croissance de l’agglomération parisienne en faisant référence à Londres. Cependant, avec le changement d’intervenants et l’évolution des enjeux urbains liés au sort de l’enceinte, le recours aux exemples étrangers s’est complexifié et les références se sont diversifiées.
119Les membres de la section continuent à invoquer des aménagements heureux de fortifications désaffectées, en Allemagne ou ailleurs, et à voir dans Londres la preuve qu’une extension urbaine harmonieuse est possible, mais ces utilisations des références étrangères s’intègrent désormais dans un cadre plus large. D’une accumulation désordonnée d’exemples à une analyse critique des réalisations observables au-delà des frontières, les références se déclinent en fonction de l’effet recherché. Le rappel incantatoire d’une infériorité de la France, unique nation à ne pas se préoccuper d’urbanisme, vise à réveiller l’orgueil national de l’opinion ou des pouvoirs publics. En proposant des analyses détaillées de plans de villes ou de dispositifs législatifs, les membres de la section se posent en experts auxquels le législateur pourra avoir recours. De même, l’insistance sur les succès internationaux des urbanistes français, membres de la section, confirme cette dernière dans sa position d’expertise. Qu’il s’agisse de choisir les meilleures dispositions législatives ou de dresser les plans des villes une fois la loi adoptée, des membres de la section – ce ne sont d’ailleurs pas les mêmes dans les deux cas – mettent leurs compétences au service du législateur et des autorités locales. Enfin, le rappel de l’existence d’une tradition urbanistique française vise à démontrer que l’idée de plan de ville n’est pas étrangère au génie national.
120C’est dans la mobilisation d’un enjeu local (le sort de l’enceinte) au service d’une cause nationale (l’adoption d’une loi sur les plans d’aménagement et d’extension) qu’il faut chercher l’explication de certaines caractéristiques de l’intervention du Musée social, et en particulier de son aspect relativement tardif. L’intérêt pour l’enceinte a en effet été réveillé dès le début des années 1900. Or le Musée social, fondé en 1894193, ne s’empare de la question qu’en 1908. Ce décalage laisse supposer que les réformateurs sociaux ne commencent à s’intéresser à l’anneau ceignant la capitale qu’une fois décidés à faire prévaloir le principe des plans de ville.
Notes de bas de page
1 « Les espaces libres à Paris. […] Hénard », op. cit., p. 191.
2 R. de Souza, « Les espaces libres. Résumé historique », op. cit., p. 180-182.
3 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris. Les fortifications remplacées par une ceinture de parcs. I Exposé », MDMS, 1909, p. 73-77. Voir p. 73.
4 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 359-360. Voir aussi « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […]. Rapport au nom de la Section d’hygiène urbaine et rurale présenté par M. Georges Risler », MDMS, 1908, p. 203-210, voir p. 23.
5 « Les espaces libres à Paris. […] Hénard », op. cit., p. 193.
6 Idem.
7 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Siegfried », op. cit., p. 203.
8 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 362.
9 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 205-207.
10 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 365.
11 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 205-210.
12 RDCM, 1908, n° 73.
13 PVCM, 1908, 4 nov.
14 La tâche devrait revenir à Hénard mais il semble que des problèmes de santé empêchent ce dernier de continuer ses travaux. De toute façon, les missions des deux sous-commissions sont largement confondues par la décision de concentrer l’effort de la section sur la question de l’enceinte.
15 Création de 9 parcs de 15 à 20 hectares, mi partie sur l’enceinte, mi partie sur la zone, et de 13 terrains de sport sur les seules fortifications. « Travaux des sections. SHUR : séance du 11 novembre 1909 », op. cit., p. 390.
16 Ibid., p. 394 et « Travaux des sections. SHUR : séance du 10 juillet 1909 », AMS, août 1909, p. 246-252. Voir p. 251-252.
17 RDCM, 1912, n° 130.
18 J. Jolly (dir.), DPF, op. cit., t. II, p. 511.
19 « Travaux des sections. SHUR : séance du 11 novembre 1909 », op. cit., p. 394.
20 « Travaux des sections. SHUR : séance du 10 juillet 1909 », op. cit., p. 252.
21 « Travaux des sections. SHUR : séance du 11 novembre 1909 », op. cit., p. 394.
22 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », AMS, janv. 1912, p. 32-36. Voir p. 34-36.
23 « Travaux des sections. SHUR : séance du 12 juin 1912 », AMS, juil. 1912, p. 262-268 et « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 », op. cit., p. 428-430.
24 « Travaux des sections. SHUR : séance du 12 juin 1912 », op. cit., p. 264.
25 Ibid., p. 265.
26 J.-P. Gaudin, L’Avenir en plan, op. cit., p. 109-137.
27 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Siegfried », op. cit., p. 203.
28 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 204.
29 Ibid., p. 203-204. Voir aussi « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 364 ; G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 307-308 et J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 74.
30 « Les espaces libres à Paris. […] Hénard », op. cit., p. 192-196.
31 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Ribot », op. cit., p. 229.
32 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 309.
33 Voir par exemple « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 203.
34 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 370.
35 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 302.
36 « Travaux des sections. SHUR : séance du 14 janvier 1909 », AMS, fév. 1909, p. 54-60. Citation p. 55.
37 Idem.
38 Ibid., p. 55-56.
39 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 206-207.
40 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 77.
41 « Travaux des sections. SHUR : séance du 10 juillet 1909 », op. cit., p. 249.
42 « Travaux des sections. SHUR : séance du 11 novembre 1909 », op. cit., p. 394.
43 « Section d’hygiène urbaine et rurale et de prévoyance sociale [désormais SHURPS] : réunion du 16 décembre 1915. Ordre du jour : décès de M. Victor Schlœsing, membre de la Section », MDMS, juil.-août 1921, p. 214-234. Voir p. 215.
44 « Travaux des sections. SHUR : séance du 22 décembre 1913 », AMS, juil. 1914, p. 251-257.
45 « Travaux des sections. SHUR : séance du 13 février 1913 », AMS, av. 1913, p. 115-119. Citation p. 118.
46 « Travaux des sections. SHUR : séance du 2 février 1914 », AMS, av. 1914, p. 146-154. Citation p. 147.
47 Idem.
48 Ibid., p. 150.
49 « SHURPS du Musée social [désormais SHURPS MS] : séance du 7 février 1919 », MDMS, sept. 1921, p. 267-270. Citation p. 269.
50 Ibid., p. 270.
51 C’est aussi ce que craint le député Cornudet. Journal officiel du 14 mars 1919, cité dans « Travaux des Sections. SHUR MS : séance du 28 novembre 1926 », Revue mensuelle du Musée social (désormais RMMS), sept. 1927, p. 269-276, voir p. 273-274. Dans les années 1910, Cornudet rapporte différentes propositions de loi sur les plans d’aménagement et d’extension. J. Jolly (dir.), DPF, t. III, p. 1139-1140. p. 1139-1140.
52 J.-C. N. Forestier, Grandes villes et système de parcs, Paris, Hachette et Cie, 1906, p. 5-6.
53 A. Cormier, Extensions, limites, espaces libres, op. cit.
54 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 369.
55 Idem.
56 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 76.
57 Idem.
58 P. Brisset, La Zone de Paris et la loi du 19 avril 1930, op. cit., p. 3.
59 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 365.
60 « Les espaces libres à Paris. […] Hénard », op. cit., p. 196.
61 E. Hénard, Études sur les transformations de Paris, fascicule 2, « Les alignements brisés. La question des Fortifications et le boulevard de Grande-Ceinture », Paris, Librairies-Imprimeries réunies Dr Motteroz, 1903. Voir p. 45.
62 Il s’agit de la solution adoptée par les participants au concours de la fondation Rothschild pour la construction d’HBM en 1904. M.-J. Dumont, Le Logement social à Paris, op. cit., p. 31-58.
63 « Travaux des sections. SHUR : séance du 2 avril 1914 », AMS, juin 1914, p. 209-973. Citation p. 211.
64 Ibid., p. 212.
65 « SHURPS MS : réunion du 10 décembre 1914 », MDMS, juil.-août 1921, p. 179-191. Voir p. 184.
66 « SHURPS MS : réunion du 29 avril 1915 », ibid., p. 200-214. Voir p. 201.
67 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 76.
68 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 369-370.
69 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », op. cit., p. 34.
70 Ibid., p. 35.
71 Ibid., p. 34-35.
72 « SHURPS MS : réunion du 10 décembre 1914 », op. cit., p. 80.
73 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 novembre 1913 », AMS, janv. 1914, p. 43-50. Citation p. 44.
74 Idem.
75 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit.
76 Ibid., p. 302.
77 Ibid., p. 314.
78 G. Benoit-Lévy, La Cité-Jardin, op. cit. et J.-C. N. Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, op. cit.
79 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », op. cit., p. 34 ; G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 328-329 et « Travaux des sections. SHURPS : séance du 18 février 1921 », RMMS, fév. 1922, p. 65-67, voir p. 66.
80 « Les espaces libres à Paris. […] Hénard », op. cit., p. 195.
81 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 323-327 ; « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 361-362 et F. Cros-Mayrevieille, La Démolition des fortifications et les espaces libres à Paris, op. cit.
82 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 361.
83 « Les espaces libres à Paris. […] Hénard », op. cit., p. 195 ; J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 74 et F. Cros-Mayrevieille, La Démolition des fortifications et les espaces libres à Paris, op. cit.
84 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 74 ; « Travaux des sections. SHUR : séance du 2 février 1914 », op. cit., p. 151 et F. Cros-Mayrevieille, La Démolition des fortifications et les espaces libres à Paris, op. cit.
85 J.-C. N. Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, op. cit., p. 10. Dans le même ouvrage, Forestier mentionne aussi l’aménagement des fortifications de Cologne (voir p. 24).
86 F. Cros-Mayrevieille, La Démolition des fortifications et les espaces libres à Paris, op. cit.
87 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », op. cit., p. 34.
88 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 76-77.
89 « Travaux des sections. SHUR : séance du 2 février 1914 », op. cit., p. 147-148.
90 « Travaux des sections. SHURPS : séance du 18 février 1921 », op. cit., p. 66.
91 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 74.
92 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 361.
93 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 324.
94 « SHURPS MS : séance du 7 février 1919 », op. cit., p 270.
95 Idem.
96 « Travaux des sections. SHUR : séance du 13 février 1913 », op. cit., p. 116.
97 « Travaux des sections. SHUR : séance du 2 février 1914 », op. cit., p. 151.
98 V. Berdoulay, La Naissance de l’école française de géographie, op. cit., p. 22.
99 S. Magri, Les Laboratoires de la réforme de l’habitation populaire en France, op. cit., p. 10.
100 Ibid., p. 9-10.
101 D. Pasquet, « Le développement de Londres (premier article) », op. cit., p. 330-331.
102 A. Lewis, An Early Encounter with Tomorrow, Urbana and Chicago, University of Illinois Press, 1997, p. 42.
103 Elmondo de Amicis, Souvenirs de Paris et de Londres, Paris. Cité dans N. Evenson, Paris. Les héritiers d’Haussmann, op. cit., p. 12. C’est moi qui souligne.
104 J.-P. Gaudin, « La cité reconstituée », Revue française de science politique, vol. 35, n° 1, p. 91-110. Citation p. 11.
105 V. Claude, « Technique sanitaire et réforme urbaine : l’Association générale des hygiénistes et techniciens municipaux », C. Topalov (dir.), Laboratoires du nouveau siècle, Paris, EHESS, 1999, p. 269-298. Voir p. 271-273.
106 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 », op. cit., p. 425.
107 Ibid., p. 426.
108 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 205.
109 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Ribot », op. cit., p. 131.
110 « Travaux des sections. SHUR : séance du 14 janvier 1909. Rapport de Risler », op. cit., p. 56 ; J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 74-75 ; « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 359-363 et p. 370-371 et G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 313-334. Les réalisations étrangères font cependant l’objet d’une analyse plus approfondie dans ce dernier texte.
111 « Travaux des sections. SHUR : séance du 10 juillet 1909 », op. cit., p. 246.
112 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 », op. cit., p. 432-433.
113 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », op. cit., p. 32-34.
114 Ibid., p. 36.
115 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 », op. cit., p. 432-433.
116 « Travaux des sections. SHUR : séance du 10 juillet 1909 », op. cit., p. 252.
117 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Siegfried », op. cit., p. 202.
118 M.-J. Dumont, Le Logement social à Paris, op. cit., p. 6.
119 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 313-334 (section IV).
120 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 », op. cit., p. 426.
121 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », op. cit., p. 34.
122 « Travaux des sections. SHUR : séance du 13 février 1913 », op. cit., p. 117.
123 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 317.
124 Ibid., p. 316-317.
125 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 78.
126 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 360. Voir aussi « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 203-204.
127 E. Hénard, Études sur les transformations de Paris, fascicule 3, « Les grands espaces libres – Les parcs et jardins de Paris et de Londres », Paris, Librairies-Imprimeries réunies Dr Motteroz, 1903. Voir p. 63.
128 PVCM, 11 juin 1883.
129 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 314.
130 RDCM, 1882, n° 78.
131 D. Pasquet, « Le développement de Londres (second article) », op. cit., p. 43.
132 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 314.
133 R. de Souza, « Les espaces libres. Résumé historique », op. cit., p. 178.
134 D. Pasquet, « Le développement de Londres (second article) », op. cit., p. 42-43.
135 G. Benoit-Lévy, La Cité-Jardin, op. cit., p. 74.
136 En 1904, il est envoyé en mission en Angleterre par le Musée social pour y étudier les cités-jardins. « Travaux des sections. Section des missions : séance du 19 janvier 1904 », AMS, fév. 1904, p. 67. Les voyages d’études sont d’ailleurs fréquents chez les réformateurs sociaux. Siegfried a fait de nombreux voyages aux États-Unis. J. Horne, « Le libéralisme à l’épreuve de l’industrialisation : la réponse du Musée social », C. Chambelland (dir.), Le Musée social en son temps, Paris, Presses de l’ENS, 1998, p. 13-27. Voir p. 19-20.
137 R. de Souza, « Les espaces libres. Résumé historique », op. cit., p. 177.
138 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 360-631.
139 P. Arnaud, Le Militaire, l’écolier, le gymnaste, op. cit., p. 99.
140 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 74.
141 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 354.
142 Ibid., p. 357.
143 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 318.
144 Ibid., p. 320.
145 Ibid., p. 320-321.
146 Ibid., p. 327.
147 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 » ; op. cit., p. 431-432.
148 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 novembre 1913 », op. cit., p. 47.
149 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 322.
150 Ibid., p. 328-329.
151 J.-C. N. Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, op. cit., p. 15.
152 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », op. cit., p. 34. On retrouve la même critique et la même utilisation de l’exemple allemand chez Siegfried. « Travaux des sections. SHUR : séance du 11 novembre 1909 », op. cit., p. 395. La version de 1912 de la proposition de loi donne d’ailleurs satisfaction à Siegfried et Risler. « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 », op. cit., p. 430.
153 « Travaux des sections. SHUR : séance du 16 novembre 1911 », op. cit., p. 34.
154 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 324.
155 Idem.
156 P.-P. Sagave, 1871. Paris-Berlin, op. cit., p. 66-69.
157 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 novembre 1913 », op. cit., p. 47. Voir aussi « Travaux des sections. SHUR : séance du 2 avril 1914 », op. cit., p. 211-212.
158 « Travaux des sections. SHUR : séance du 2 avril 1914 », op. cit., p. 212.
159 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 313-314.
160 « Travaux des sections. SHUR : séance du 11 novembre 1909 », op. cit., p. 394.
161 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 novembre 1913 », op. cit., p. 48.
162 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 321.
163 Ibid., p. 339.
164 G. Benoit-Lévy, La Cité-Jardin, op. cit., p. 64.
165 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 321-322.
166 Ibid., p. 322.
167 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912 », op. cit., p. 431-432.
168 Ibid., p. 432.
169 Idem.
170 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 323.
171 R. de Souza, « Les espaces libres. Résumé historique », op. cit., p. 178.
172 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 353.
173 R. de Souza, « Les espaces libres. Résumé historique », op. cit., p. 177.
174 Idem.
175 E. Hénard, Études sur les transformations de Paris, fascicule 3, op. cit., p. 63.
176 « Compte rendu de la réunion en faveur des espaces libres […] Risler », op. cit., p. 207-208 ; J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 75 et « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 367.
177 J. Siegfried, « Les espaces libres à Paris », op. cit., p. 75.
178 R. de Souza, « Les espaces libres. Résumé historique », op. cit., p. 178.
179 « Travaux des sections. SHUR : séance du 27 juin 1912. Projet de loi relatif aux plans d’aménagement et d’extension des villes. Exposé des motifs de M. Georges Risler », op. cit., p. 425.
180 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 331.
181 « Les espaces libres dans les grandes villes. […] Risler », op. cit., p. 370.
182 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 313.
183 J.-C. N. Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, op. cit., p. 5.
184 R. de Souza, « Les espaces libres. Résumé historique », op. cit., p. 181.
185 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 351.
186 « SHURPS MS : réunion du 25 juin 1914 », MDMS, juil.-août 1921, p. 175-179. Voir p. 178.
187 G. Risler, « Les plans d’aménagement et d’extension des villes », op. cit., p. 318.
188 Ibid., p. 351.
189 « Travaux des sections. SHUR : séance du 13 février 1913 », op. cit., p. 118-119.
190 N. Evenson, Paris. Les héritiers d’Haussmann, op. cit., p. 34.
191 Selon Agache, « la Société française des architectes urbains qui se considère comme une filiale de la Section d’hygiène urbaine et rurale est une société de techniciens spécialistes ayant pour but de fournir aux théoriciens des moyens d’enquête et de réalisation par la mise en commun de leurs expériences ». « SHURPS MS : réunion du 25 juin 1914 », op. cit., p. 178.
192 « Communication du plan d’extension d’Anvers par son auteur M. Henri Prost […] » et « Communication du plan d’aménagement de la future capitale de l’Australie, Yass-Camberra, par M. Agache[…], ainsi que du plan d’extension de Dunkerque par le même architecte […] », « Travaux des sections. SHUR : séance du 13 février 1913 », op. cit., p. 117.
193 G. Osti, « La section d’hygiène urbaine et rurale du Musée social », K. Burlen (dir.), La Banlieue Oasis, op. cit., p. 59-66. Voir p. 59.
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