L’ambassade de France à Washington pendant la belligérance américaine : une médiation politique et culturelle entre deux mondes
p. 143-164
Texte intégral
1Une historiographie récente1 propose d’étudier les évènements de la Grande Guerre par le biais des acteurs diplomatiques. Cet angle de recherche permet d’apprécier les regards croisés des acteurs des relations internationales, mais pas seulement. Les diplomates français ont une perception particulière des enjeux de la belligérance américaine et de sa présence en Europe. Acteur, mais aussi témoin, le corps diplomatique français à Washington bénéficie d’une position d’intermédiaire, parfois difficilement perceptible, entre les autorités françaises et américaines. Ainsi, l’objet de cette étude est bien d’appréhender le rôle de l’ambassade de France aux États-Unis alors que les Américains décident de s’investir dans une guerre qui était a priori européenne en 1914.
2Depuis l’été 1914, Wilson avait clamé la neutralité de l’Amérique par peur de voir son pays s’enfoncer dans un conflit qui n’était pas le sien, mais aussi par idéal pacifiste. Les rapports franco-américains pendant ces premières années de guerre sont restés généralement cordiaux et concentrés autour de l’achat de fournitures de guerre2. Le tournant de 1917 change radicalement la perception du Quai d’Orsay envers les États-Unis. D’une ambassade de second rang, l’ambassade de France aux États-Unis devient un des centres de la diplomatie de guerre française.
3Située dans un immeuble devant être provisoire, sur la 16e avenue, l’ambassade de France aux États-Unis est, aux yeux des responsables politiques français, un poste diplomatique mineur au début du xxe siècle. Son bâtiment, de petite taille mais néanmoins rayonnant, est loué à la France par un riche américain francophile, Henderson3. Au-delà de l’aspect immobilier, l’ambassade de France est pauvre en personnel. Jules Cambon, ambassadeur de France aux États-Unis jusqu’en 1903, a vécu sa nomination comme un exil politique. En 1914, le personnel comptait sept diplomates, hors l’ambassadeur, alors que l’ambassade française à Londres, située dans un pays de moindre superficie, en abritait une dizaine. En bref, l’ambassade de France à Washington était avant la guerre loin d’être une priorité pour le Quai d’Orsay, et cela malgré l’évolution des intérêts économiques français outre-Atlantique.
4La mobilisation continua à appauvrir la chancellerie française, laissant une ambassade presque vide et à sa tête un ambassadeur reconnu mais isolé. L’augmentation des effectifs à partir de 1915 coïncide avec la croissance des enjeux français aux États-Unis entre 1914 et 19174.
5L’ambassade de France est dirigée par Jean-Jules Jusserand. Sa personnalité et sa vision des relations franco-américaines sont décisives dans la direction d’une ambassade qui, à cause de la distance qui la sépare de Paris, jouit d’une indépendance plus large que les autres. Issu de cette génération républicaine ayant vécu 1870, il est marqué d’un fort patriotisme qui le pousse à poursuivre une carrière de fonctionnaire pour servir son pays. Jusserand est avant tout un homme de lettres passionné par la culture anglo-saxonne. Il est notamment l’auteur d’une thèse sur Shakespeare. Il se marie tardivement à une Américaine en 1895, Elise Richards ; entré au Quai d’Orsay en 1878, il en poste plusieurs fois à Londres. C’est donc un universitaire bilingue, ouvert aux réflexions anglo-saxonnes. Son parcours lui permet de prétendre à l’ambassade de Washington en 1903. Il se lie d’amitié à Theodore Roosevelt et fréquente les universités américaines. Ainsi, en 1914, Jusserand jouit d’une réputation de diplomate d’expérience en France comme aux États-Unis. Il est apprécié par son administration et par l’administration Wilson malgré les tensions avec le secrétaire d’État Bryan5.
6Dès le début de la guerre, la position française repose sur la discrétion théorisée par Jusserand. Ce dernier comprend l’intérêt pour le France d’une diplomatie fine. Il s’agit de convaincre les Américains que les Français sont victimes d’une guerre imposée par les Allemands. Pour cela, la France doit éviter une propagande agressive et militariste, tout en développant de l’empathie pour le peuple de La Fayette.
« Pendant que les Allemands défendent la cause allemande avec leur brutalité ordinaire, laissez les Américains défendre la cause française, ne pas prendre la parole nous-mêmes, ce qui eût été la couper à nos amis ; laissez les Allemands parler tout seuls, comploter tout seuls, dépenser des millions tout seuls ; grâce à notre silence et notre réserve, on les entendrait et verrait mieux6. »
7Toutefois, les intérêts français grandissent avec la guerre. La « neutralité bienveillante » semble suffisante pour l’ambassadeur, notamment quand il s’agit d’obtenir de l’argent et du matériel. La montée des tensions entre Américains et Allemands, qui débouche sur l’entrée en guerre des États-Unis, change radicalement la manière de faire de la diplomatie de l’autre côté de l’Atlantique. Les Américains deviennent, à défaut d’être « alliés », des « associés ». L’envoi de troupes, l’implication directe de l’État américain dans l’économie de guerre et les buts de guerre doivent être discutés7.
8Ainsi, l’ambassade tient une position difficile d’intermédiaire entre la vision wilsonienne de la guerre et de la paix, et la position française refusant tout compromis dans la victoire. Jusserand doit faire face à la rencontre de deux mondes qui ne se comprennent pas. Entre les injonctions de Clemenceau et les déclarations de Wilson, l’ambassadeur doit écouter les requêtes américaines, tout en calmant les ardeurs françaises. Enfin, à ces problématiques s’ajoutent les mutations du monde diplomatique avec l’avènement d’une diplomatie technique et de commissions court-circuitant l’ambassade. C’est notamment le cas des organismes techniques comme le haut-commissariat français dirigé par André Tardieu. L’ambassade doit alors jouer un rôle de médiatrice entre deux mondes qui ne se comprennent pas, sur les buts de guerre comme sur les grands principes internationaux, tout en devant faire face à une diplomatie de plus en plus technique modifiant la manière de négocier
9Dès lors, nous nous interrogerons sur la place de l’ambassade de France dans une diplomatie de guerre et sur son rôle d’intermédiaire entre deux mondes qui s’ignorent. Quelle médiation outre-Atlantique face à l’engagement américain ? En quoi cette médiation rend-elle compte d’un fossé culturel ?
L’ambassade face à la belligérance américaine : construire une diplomatie de guerre
10Nouveauté pour l’ambassade de France à Washington, les États-Unis sont en guerre et deviennent des « associés ». Cette dernière expression est d’autant plus floue que les diplomates eux-mêmes ne la comprennent pas. Les autorités françaises ne perçoivent que difficilement la nuance entre « associés » et « alliés ». Les diplomates doivent alors mettre en place une diplomatie de « guerre » prenant en compte les volontés des administrations française et américaine. La première question posée est bien entendu celle de l’armée. L’Amérique en guerre, c’est d’abord et avant tout des hommes frais pour le combat, et la France n’en attend pas moins de ses « associés ». Toutefois les intérêts français et américains, fort complexes, divergent. C’est là le nœud des premières discussions entre diplomates.
Comprendre la diplomatie de guerre : le cas des attachés navals et militaires
11Pour comprendre la dimension militaire du rôle des diplomates, il faut évoquer le cas des attachés militaires et navals. Ils tiennent une place importante dans la chancellerie car officiellement rattachés au ministère de la Guerre et détachés auprès des Affaires étrangères. Leurs fonctions sont nombreuses et doivent avant tout servir les intérêts militaires français à l’étranger. Les attachés doivent tenir Paris informé des capacités militaires du pays où ils sont en mission, soit officiellement en étant en contact avec les états-majors, soit de façon officieuse et illégale, en s’adonnant à l’espionnage. Pour le cas de notre ambassade, il faut distinguer l’attaché militaire de l’attaché naval pour comprendre la diplomatie de guerre de la France aux États-Unis8.
12Le poste d’attaché militaire de l’ambassade de France est occupé en 1914 par le colonel de Bertier de Sauvigny, qui est très tôt rappelé pour combattre. L’ambassade reste sans expert militaire pendant un an. Bertier est finalement remplacé par le colonel Vignal, général de brigade à partir de 1917, décrit comme un vieil officier « fatigué9 » sorti de sa retraite pour combler le manque d’effectifs. Sa nomination coïncide avec l’évolution croissante des achats de matériel militaire aux États-Unis. Il siège entre Washington et le consulat général de New York où sont traitées les questions économiques. Ses relations avec l’ambassadeur Jusserand sont bonnes et il ne semble pas lui cacher grand-chose (l’attaché, étant donné son statut de militaire, n’est en effet pas dans l’obligation de partager sa correspondance avec l’ambassadeur). C’est à partir de 1917 que son rôle devient déterminant, lorsqu’il est placé en lien direct avec Tardieu. Le général Vignal est remplacé le 10 septembre 1918 par le colonel de Collardet, ce qui n’affecte en rien le fonctionnement du poste.
13L’attaché naval est maintenu dans les premiers temps de la guerre. Dans un pays qui possède une flotte importante, son rôle est primordial pour surveiller l’évolution des navires. Lorsque les questions d’approvisionnement émergent, sa fonction devient d’autant plus importante. En 1914, c’est le capitaine de frégate Martin qui doit gérer ce poste délicat à New York. Il est remplacé pour raisons de santé par le commandant de Blanpré en 1916 à qui on adjoint un subordonné pour des tâches moins licites10. Ces activités mécontentent Jusserand alors qu’il avait tenté, depuis 1914, d’éviter les scandales d’espionnage11. Pourtant, dès 1917, l’adjoint à l’attaché naval, le capitaine Chevigné, se voit confier des tâches de « renseignements12 ». L’ambassadeur français estime que les missions d’espionnage sont inutiles, d’autant plus que les Britanniques ont déjà implanté des espions depuis longtemps dans les ports et que ce ne serait que faire un doublon : « Le système proposé par nous ne fera que doubler faiblement. Celui-ci a plus de chances d’incidents et moins de réussite. […] Il est bon de noter encore que le Congrès discute présentement d’un projet de loi sur l’espionnage étranger aux États-Unis13. » Pour Jusserand, le renseignement était déjà effectué par l’attaché naval Martin et un réseau d’espionnage trop important pourrait confondre Français et Allemands, d’autant que les affaires d’espionnage dites « Boy-Ed » et des « Faux-Passeports » avaient refroidi les relations germano-américaines et provoqué le renvoi de l’attaché militaire allemand Von Papen. La position d’intermédiaire de Jusserand est alors peu écoutée, même s’il ne semble pas que les actions de l’attaché adjoint aient été préjudiciables à l’alliance avec les États-Unis14.
14Pour conclure sur ce point, il est évident que les attachés militaires et navals ont été un rouage essentiel pour la France sur le territoire américain. Leurs fonctions évoluent et deviennent incontournables dès l’entrée en guerre des États-Unis. Il ne s’agit plus simplement d’acheter du matériel mais de discuter stratégie. Blanpré et Vignal viennent donc représenter l’ambassade au sein du haut-commissariat Tardieu mais aussi contribuer à l’organisation de l’effort de guerre américain. Toutefois, il est à noter que Jusserand met en garde contre toute action mettant en péril le respect des Américains envers la France. Sans doute a-t-il peur des excès de zèle des militaires pouvant ruiner sa diplomatie. Il se méfie moins de ses propres attachés, qu’il semble respecter – notamment le général Vignal – que du ministère de la Guerre, qu’il juge trop intrusif. Jusserand supervise l’ensemble pour éviter tout débordement. Il agit comme un médiateur entre la diplomatie politique et les institutions militaires.
15Comme le remarque fort justement Alfred Beauvais : « C’est la complexité croissante des questions techniques, le développement incessant des découvertes de la science et leurs applications aux diverses branches de l’art militaire […] qui ont nécessité l’adjonction de spécialistes auprès des agents diplomatiques15. » Les Américains sont demandeurs de ces experts. Alors que se structure un état-major américain de guerre, les Français vont réorganiser leur représentation diplomatique. Tardieu prend en main la majorité des questions techniques via le haut-commissariat. Le général Vignal et le commandant Blanpré, alors membres de la chancellerie de l’ambassade, sont placés à la direction des Affaires militaires mais demeurent en liaison avec l’ambassade. Par ce biais, Jusserand reste au courant des discussions et peut jouer son rôle de médiateur auprès des autorités fédérales.
16Blanpré est nommé officier de liaison auprès du Navy Department avec la mission de tenir informé le gouvernement américain des pertes maritimes et de faciliter les flux de transporteurs. C’est notamment sur les tensions autour du Shipping Board que Blanpré et Jusserand tentent de détendre les relations. L’attaché naval organise une réunion à Hampton Road entre l’amiral Grasset – désigné en mars 1917 pour préparer une entente navale avec l’US Navy – et l’amiral Browing. La rencontre doit déboucher sur des accords, du moins sur une base de travail pour harmoniser les tonnages16. Blanpré reste en dehors des discussions officielles, son rôle est la mise en relation et la médiation.
17Néanmoins, malgré la position de Blanpré à l’ambassade de Washington, le ministère de la Marine lui demande de ne plus passer par Jusserand. Les diplomates classiques sont écartés des questions techniques et doivent se concentrer sur les affaires politiques et de médiations. Seul le consulat de New York reste au fait des questions techniques.
Préparer et construire une armée : des missions d’instruction à la mission Joffre-Viviani
18L’entrée en guerre des États-Unis modifie dans son ensemble la diplomatie française dans ce pays en transformant radicalement la nature des relations franco-américaines. Le partenaire commercial neutre se mue en « associé » combattant. Pourtant, l’armée américaine est presque inexistante, peu organisée et peu formée aux combats « modernes17 ». Les Français en ont conscience, d’autant qu’un rapport sans concession de l’attaché naval Blanpré à Jusserand dépeint la pauvreté militaire de l’Oncle Sam18. Il est par ailleurs intéressant de voir que même Jusserand partage cette opinion. Ce dernier a peur que les Américains, en souhaitant jouer un rôle décisif dans les tranchées, délaissent l’approvisionnement en armement des Alliés, ce qui serait désastreux pour la tenue du front19. L’apport de l’armée américaine, s’inquiète-t-il, ne serait alors pas si bénéfique que cela. Enfin, accepter les Américains sur le front serait leur accorder une place de choix à la table des négociations pour un futur traité de paix.
19Quoiqu’il en soit, l’ambassadeur comprend et fait comprendre à son gouvernement que l’Amérique est là et que Wilson souhaite jouer un rôle déterminant dans l’issue de la guerre. La décision américaine d’entrer dans le conflit est totale. Toutefois, il faut recruter et former les hommes comme les officiers du corps expéditionnaire. La formation devient une question clef dans la guerre moderne et les Américains en ont conscience. C’est aussi l’avis de la France. La pensée dominante à l’état-major, à Paris, est qu’il ne sert à rien de réclamer de nombreux soldats aux Américains si ceux-ci ne sont pas instruits aux méthodes modernes de la guerre. La question de l’instruction dépasse toutefois la seule formation. La politique française pense à l’après-guerre et il ne serait pas bon de laisser les Anglais former l’armée américaine. Les diplomates français tentent de maintenir une place privilégiée dans le processus de l’instruction ; d’une part pour avoir un corps expéditionnaire efficace et de l’autre pour faire concurrence aux Anglais.
20Les premières demandes de formateurs se font étonnamment avant l’entrée officielle dans le conflit, et donc par des acteurs privés. L’initiative en revient au monde universitaire, comme en témoigne la lettre du président de l’université d’Havard, Laurence Lowell, en date du 3 février 191720. La proposition de Lowell semble surprenante même si la rupture des relations diplomatiques avec l’Allemagne a précisément lieu le 3 février, alors que Wilson maintenait encore sa volonté de rester neutre. Elle s’explique par plusieurs facteurs. Harvard est une université qui affiche des tendances favorables aux Alliés et son président est francophile. Jusserand est aussi très proche des milieux universitaires, étant lui-même un intellectuel d’une certaine renommée aux États-Unis ; il est donc normal qu’il se pose en interlocuteur privilégié des universités américaines.
21Le 10 février 1917, Briand donne l’autorisation à Jusserand d’engager les négociations et de constituer la « mission Harvard ». Les diplomates français sautent sur l’occasion pour renforcer leur influence face aux Britanniques. L’attaché militaire Vignal propose un plan pour l’envoi de quatre officiers représentant chaque spécialité. La mission est vite mise sur pied dans le mois qui suit. Elle est dirigée par le commandant Azan avec la participation de Jean Giraudoux, alors lieutenant et ancien étudiant d’Harvard. Jusserand se félicite alors d’obtenir des officiers connaisseurs de l’Amérique. L’objectif est de former les futurs officiers à la science de la guerre, mais aussi et surtout de « développer chez [les étudiants], par des causeries et conférences, des sentiments d’estime et d’affection pour la France, d’admiration pour son héroïsme21 ». La mission « relève du gouvernement français par l’intermédiaire de l’attaché militaire et l’ambassadeur22 ». Ainsi, les premières missions restent aux mains de l’ambassade qui devient, de fait, l’intermédiaire entre l’université et les autorités militaires françaises.
22Le rôle de Jusserand est important dans la gestion médiatique. L’ambassadeur ne souhaite pas que la « mission Harvard » soit médiatisée avant l’entrée en guerre officielle. La neutralité est toujours à l’ordre du jour et il ne souhaite pas froisser Wilson. Les diplomates tentent de contenir l’affaire. Pourtant des fuites ont lieu dans le courant du mois de mars et poussent le secrétaire à la Guerre, Baker, à démentir. Surtout, Jusserand demande la plus grande discrétion « dans une période encore très délicate23 » auprès du gouvernement français qui se glorifie déjà de la mission. Son avis est d’autant plus pertinent que dans The World un journaliste s’inquiète de ces formateurs étrangers qui pourraient bien changer l’uniforme des soldats américains24.
23Finalement, l’entrée en guerre des États-Unis facilite l’envoi de la « mission Harvard » et dès le 8 avril 1917, Briand annonce son départ. Jusserand s’offusque tout de même du fait que les demandes de son attaché et de l’université ne soient pas respectées, toutes les spécialités n’étant pas représentées25. L’ambassadeur l’accueille et lui donne les instructions. La presse est enchantée de voir des vétérans et la qualité des officiers qui doivent faire des tournées pour assurer la propagande militaire française.
24Le succès de cette mission incite les autres universités, dont les demandes sont relayées par la presse, à vouloir recevoir également leur mission. Jusserand en est le premier partisan et met Vignal à la tête de l’entreprise26. Ribot charge l’ambassadeur d’organiser les demandes et de renseigner Wilson. Le même constat de réussite est partagé par le lieutenant Giraudoux : « Ici, on ne sait rien et les journaux ne parlent que de nous. Boston le 3 mai 191727. » Les instructions de Jusserand de ne pas « franciser » l’armée américaine sont appliquées par le commandant Azan avec succès pour ne pas froisser le patriotisme américain. La réputation de la « mission Harvard » pousse West Point à demander des officiers français. C’est une victoire pour Jusserand et la diplomatie française face aux Britanniques.
25Toutefois, la densification des missions fait passer leur direction des mains de l’ambassade au ministère de la Guerre. Le 3 octobre 1917, la mission Harvard est confiée au haut-commissariat, toujours sous la direction de Vignal28. L’ambassade se voit donc retirer officiellement la direction des missions d’instructions. Ainsi, on constate que l’ambassade joue un rôle de technicien de secours, presque officieux sur un modèle empirique. Jusserand et ses collaborateurs semblent agir au plus pressé dans l’improvisation. L’ambassade sert de transition vers un modèle plus élaboré, au terme d’accords bilatéraux. Les improvisations autour des missions d’instructeurs peuvent s’expliquer par le manque de clarté et de culture militaires des autorités américaines qui se professionnalisent pendant la Première Guerre mondiale. Plus la guerre avance, plus les experts militaires prennent le relais des diplomates. L’ambassadeur a joué son rôle d’intermédiaire – presque de « pompier de service » – et peut maintenant s’effacer.
De la propagande discrète de Jusserand à une propagande plus marquée
26Une des marques les plus évidentes de la belligérance américaine dans la politique française est la multiplication des actions de propagande auprès du public américain. Il s’agit d’une rupture avec la philosophie classique qu’avait défendue Jusserand, contre la majorité des avis. L’ambassadeur tenait à proposer une propagande discrète en Amérique, au point que sa politique fut sujette à controverse dans certains milieux du Quai d’Orsay29. Cette stratégie à contre-courant, critiquée de plus en plus fortement à l’aube de 1917, est remise en question par l’arrivée du haut-commissariat Tardieu au printemps 1917. Toutefois, la confiance du Quai d’Orsay envers Jusserand ne semble pas être en cause et celui-ci reste en charge, avec son ambassade, du contrôle d’une partie des missions de propagande, comme nous le verrons dans le cas de la mission Joffre-Viviani.
27Jusserand reste incontournable auprès des élites américaines de l’Est. Il participe ainsi à de nombreux évènements célébrant l’amitié franco-américaine, durant lesquels il tient des discours élogieux sur ces liens fraternels unissant les deux pays. Prenons l’exemple du 14 juillet. Fête ô combien française, elle permet d’insister sur l’image d’une France des Droits de l’homme et libératrice face à la tyrannie. L’ambassade prévoit de nombreux évènements sur la côte est en lien avec les autorités américaines locales pour le 14 juillet 1918. Jusserand se félicite des succès de la journée dans son rapport. Des manifestations et réceptions ont lieu à l’ambassade et sur la 16e avenue. L’ambassadeur rejoint dans la même journée ses collègues britannique et italien au Madison Square Garden à New York pour d’autres cérémonies. Le protocole élaboré par l’ambassade française est un succès auprès de la population américaine de l’Est. Pour Jusserand : « Le 14 juillet 1918 est une date qui comptera dans l’histoire, ce sera surtout, à l’immense avantage de notre nation et des principes pour la défense desquels tant des nôtres sont morts30. » Cette cérémonie est notamment marquée par différents discours sur la place de l’Alsace dans le cœur des Français.
28Cette période, fin 1917 et 1918, est propice à l’exhibition outrancière de la solidité des liens entre la France et les États-Unis. L’ambassade de France est au cœur d’évènements symboliques qui mettent en avant les buts de guerre, l’histoire de France et les liens indéfectibles entre les deux nations atlantiques. Au-delà du folklore symbolique et des rhétoriques pompeuses, l’ambassade de France agit comme un aiguilleur des actions françaises auprès des États-Unis pour que l’aide américaine soit dirigée dans le bon sens en Europe. Il serait toutefois présomptueux d’y voir une réussite, d’autant que l’après-guerre montrera la fragilité des relations franco-américaines.
29Le second volet de cette « diplomatie de guerre » est la médiation indispensable sur le plan politique et surtout culturel. Cette médiation est d’ailleurs le premier rôle de l’ambassade et celle-ci passe par une position d’intermédiaire.
La médiation entre deux peuples
30Américains et Français ont beaucoup de points communs mais leur compréhension du monde est souvent inconciliable. C’est l’enjeu principal de l’ambassade de France à Washington de s’interposer pour éviter des dérives et des accrocs parfois préjudiciables. Le premier exemple de ce rôle de médiateur culturel concerne les envoyés du gouvernement français. À partir d’avril 1917, de nombreuses missions sont dépêchées sur le sol américain. Ces dernières sont souvent maladroites et leur message passe mal auprès du public. La tâche de l’ambassade au « temps des missions » est de renforcer la cohérence des objectifs politiques français, sans froisser les Américains. La mission Joffre-Viviani en est un parfait exemple.
L’ambassade et le temps des missions
31La mission Joffre-Viviani illustre bien la rencontre entre deux cultures qui s’estiment sans se comprendre. Le contexte est connu. Lors du printemps 1917, les États-Unis sont entrés en guerre et souhaitent devenir un acteur incontournable du front pour peser sur les discussions de paix. Pour les Français, il reste à convaincre les Américains des plans d’action pour la suite des évènements. Les divergences entre les points de vue sur l’utilisation des troupes américaines ou de la production militaire sont nombreuses. On choisit donc de faire pression sur place en envoyant une mission auprès du gouvernement américain. Même si la fonction de l’ambassadeur semble être contournée, Jusserand reste néanmoins au cœur de la délégation, dans un rôle d’agent de l’ombre. L’objectif, au-delà de la dimension pratique d’une discussion bilatérale directe entre les exécutifs des deux nations31, est de rapprocher deux mondes. Il faut donner une bonne image de la France et concurrencer la délégation britannique, menée par Lord Balfour, arrivée mi-avril 1917. Ainsi, l’enjeu d’une mission diplomatique est multiple : expliquer les buts de guerre français à l’opinion et aux autorités américaines, préparer l’arrivée d’une mission plus technique pour gérer l’approvisionnement, aborder la question de la stratégie (notamment celle de l’autonomie des troupes américaines), séduire les Américains et concurrencer les Britanniques pour remporter la bataille diplomatique.
32L’entrée en guerre imminente des États-Unis pousse le gouvernement français à agir vite. Le 1er avril 1917, le président du Conseil reçoit le maréchal Joffre pour lui proposer un voyage aux États-Unis, en compagnie de Viviani. Joffre semble rechigner à s’éloigner du front, mais cède dans l’objectif de jouer un rôle décisif. La mission s’organise lentement, le maréchal restant hors des conversations de l’état-major et n’ayant aucune information sur la composition exacte de la délégation. Pourtant, Joffre reste convaincu de son rôle de médiateur et nourrit de grandes ambitions32.
33À Washington, le rôle de l’ambassade est primordial dans l’établissement du programme de la mission. Jusserand prend à cœur sa fonction d’intermédiaire entre les autorités françaises et américaines. Dès le 1er avril 1917, Alexandre Ribot informe l’ambassade qu’une mission de « hautes personnalités » sera envoyée aux États-Unis33. Jusserand se rend en personne à la Maison Blanche pour en informer Lansing34. Cependant, le caractère secret et réfléchi du président américain le pousse à prendre son temps. Mal compris par Paris, Ribot rappelle l’importance de cette mission à son ambassadeur qui doit alors presser l’administration Wilson pour avoir une réponse. Face à la concurrence anglaise de Balfour, Jusserand propose à Ribot de prendre à contre-pied le gouvernement britannique avec l’envoi d’une « mission aussi restreinte que possible en nombre35 ». Fidèle à sa conception d’une propagande qui ne doit pas s’imposer, il souligne que « c’est par l’illustration de ses membres qu’elle devra compter ». Très vite, il se félicite de son initiative. La mission Balfour semble mécontenter les Américains avec son nombre impressionnant d’experts : « Les Anglais se donnent l’apparence de vouloir venir dire aux Américains ce qu’ils auraient à faire. Ce n’est pas une attitude qui puisse plaire, de leur part surtout36. » Bien renseigné sur les mœurs américaines et de son administration, Jusserand évite un premier faux pas diplomatique, d’autant que Wilson et l’opinion américaine semblent accueillir avec beaucoup d’enthousiasme Viviani et surtout Joffre dont la popularité est forte. Wilson propose de régler tous les frais de la mission et met à sa disposition des véhicules et des logements37.
34Les Américains se bousculent à l’ambassade pour inviter les membres de la mission à des réceptions mondaines. Jusserand s’affole, avec une certaine satisfaction, de cet enthousiasme38. Il doit trier les invitations qu’il juge prioritaires. C’est l’ambassade qui établit l’emploi du temps définitif de la délégation. L’objectif est simple, faire découvrir à l’Amérique deux illustres personnalités françaises, c’est-à-dire rendre palpable l’amitié franco-américaine. Il faut concilier l’image pour l’opinion et le facteur politique pour les décideurs. Jusserand souligne donc l’importance de se rendre à Philadelphie et de sonner la cloche de l’Indépendance, de s’attarder sur les lieux symboliques de la Révolution américaine où s’est manifestée l’aide française. L’ambassade prévoit une visite de Mount Vernon, résidence de George Washington. Notons enfin que Jusserand privilégie les visites d’universités, monde qu’il connaît bien39. Célébrer la Révolution et l’alliance franco-américaine, à un moment où l’ennemi était alors l’Angleterre, procède d’une démarche mûrement réfléchie. Enfin, ces évènements doivent rappeler la lutte française contre la tyrannie à laquelle on aimait associer l’Allemagne du Kaiser. Toutefois, cette rhétorique passéiste ne doit pas éluder les réalités des relations franco-américaines. Ce renvoi permanent à ce passé glorieux montre la faiblesse des liens entre Français et Américains d’un point de vue politique et pratique. Par conséquent, la glorification de cette période est le symbole d’une amitié assez superficielle, qui finalement ne se rattache qu’au passé. Les Anglais garderont, après-guerre, toujours une longueur d’avance en Amérique, notamment d’un point de vue pragmatique. La propagande française est surtout marquée par un romantisme révolutionnaire et symbolique apportant peu sur la scène politique.
35La mission s’embarque le 15 et arrive le 24 avril à Washington, accueillie par les officiels américains dont Lansing et le jeune Franklin D. Roosevelt. À l’arrivée de la délégation, l’ambassade se scinde en deux, Jusserand et son conseiller sont attachés à Viviani, tandis que l’attaché militaire Vignal devient le guide de Joffre40. La mission est un réel succès populaire auprès de l’opinion américaine d’après l’ensemble des sources. Le cortège attire les foules. Jusserand devient l’interprète des discussions en traduisant l’ensemble des conversations et en assistant Joffre et Viviani auprès des autorités américaines. La mission dialogue en permanence avec Paris par le biais de l’ambassade et tout se déroule selon le programme prévu. Seul un déraillement viendra ralentir le rythme de légionnaire de la mission. On honore Benjamin Franklin à Philadelphie et on inaugure des plaques représentant La Fayette à New York. La mission aura même l’occasion de faire un détour par le Canada après une discussion entre le consul français à Montréal et Jusserand.
36Pour conclure en quelques mots, les résultats politiques de la mission permettent d’abord de clarifier les positions françaises et américaines et de fournir une base aux discussions futures, inaugurant ainsi une nouvelle phase des relations franco-américaines. Par ailleurs, il faut retenir le caractère symbolique de l’épisode. C’est un succès populaire auprès d’une opinion déjà séduite, mais également un succès diplomatique pour la France et sa diplomatie. Jusserand comprend l’objectif de propagande grâce à son expérience américaine. Pour mettre celle-ci en place, il dirige méticuleusement l’emploi du temps, le protocole et les traductions par le biais de ses conseillers. L’ambassade démontre une nouvelle fois sa fonction d’intermédiaire nécessaire. Celle-ci tentera, autant de fois qu’il sera possible, de contenir et de diriger les missions de toutes sortes. Toutefois, il convient de nuancer ces succès diplomatiques. Certains de ces « missionnaires » ignorent les conseils avisés de l’ambassadeur.
37La politique des missions organisée par le gouvernement français s’intensifie lors de l’été 1917. La mission Joffre-Viviani et la belligérance américaine ouvrent la porte à toute une vague de propagande, aux objectifs parfois mal définis. L’ambassade doit alors organiser et prendre en charge la présence sur place de ces missions, souvent peu informées sur les États-Unis – ce qui ne manque pas d’agacer Jusserand les voyant d’un mauvais œil, comme le note le troisième secrétaire de l’ambassade, Jules-François Blondel :
« À Paris s’étaient érigés non seulement un ministère des Missions, excusez du peu, mais aussi une sorte d’agence de presse et de voyage dépendant du ministère des Affaires étrangères où affluaient, à la porte de Philippe Berthelot, les artistes, les écrivains, les journalistes, et de simples coquettes, à la recherche d’une publicité complaisante et d’une tournée avantageuse à l’étranger41. »
38Jusserand, qui n’a jamais été un grand partisan de la propagande et encore moins des missions d’experts, s’emploie à trier strictement les « bons » missionnaires de ceux qui ne feraient que dégrader l’image de la France. Le Quai d’Orsay demande aux chefs de mission de passer par le bureau de Jusserand, qui pouvait se montrer peu accueillant, comme en témoigne Blondel :
« Pour redécouvrir l’Amérique alliée, bien des messagers s’envolèrent, loin des glorieux charniers, sous l’aile tutélaire de la propagande officielle. […] Une épreuve, toutefois, guette à leur arrivée les resquilleurs de la propagande : la comparution protocolaire devant l’ambassadeur. Cet homme a horreur des dépenses inutiles. Raide comme la justice, il veut des explications et ne s’en laisse pas compter42. »
39Cette rigueur conduit parfois des ministères à dépêcher des missions sans que l’ambassade en ait connaissance. Jusserand signale à de nombreuses reprises à son ministre qu’il n’a aucune liste complète des missions sur le sol américain, ni leur but43.
40Finalement, l’ambassade gère un nombre important de missions aux objectifs divers et variés, entre missions militaires, comme celle du capitaine Grimpel, ou missions de presse, comme celle de Marcel Knecht. Les modes d’action sur le sol américain sont multiples : conférences, actions dans des bureaux comme dans une rédaction de journal, attachés ou conseillers dans des organes du gouvernement. Ainsi, la position de médiation de l’ambassade était parfois utile pour éviter des missions pouvant ruiner les efforts français par des maladresses.
L’ambassade, un médiateur précieux entre les autorités françaises et américaines
41Au-delà de ces problématiques de propagande, l’ambassade devait œuvrer avec tact pour amortir les conflits entre les autorités américaines et françaises, mais aussi les différends entre populations.
42Lors de l’arrivée de l’état-major de Pershing, les autorités françaises semblent faire confiance au général du corps expéditionnaire. L’opinion française est séduite par Pershing qui multiplie les cérémonies symbolisant l’amitié franco-américaine44. Jusserand témoigne de sa confiance envers le chef du corps expéditionnaire auprès de son gouvernement avant même son arrivée le 13 juin 1917 : « Le général Pershing est un homme froid, résolu, de peu de paroles, qui s’est toutefois exprimé avec une émotion visible lorsqu’il a été question du rôle de la France dans la guerre et de son propre désir d’apporter à notre pays un concours efficace45. »
43Toutefois, très vite des tensions entre les deux commandements apparaissent, principalement sur la question de l’autonomie et de l’usage des troupes américaines. L’ambassade de France doit alors s’employer à résoudre les désaccords, délaissant les fonctions techniques au haut-commissariat de Tardieu. Le 22 juillet 1918, Pershing est autorisé à former une force armée indépendante dans le secteur de la Vesle, mais les Américains dépendent de l’armée française. Les généraux français eux-mêmes ne sont pas d’accord sur l’attitude à avoir envers les « Yankees ». Mais le principal vœu des Américains reste de voir leur drapeau flotter dans les tranchés. L’impréparation des effectifs du 1er DIUS inquiète les généraux français et en premier lieu Clemenceau qui demande à l’ambassade de faire pression sur le gouvernement américain pour fusionner les troupes américaines dans un premier temps, ou du moins, accélérer leur formation. Jusserand rapporte que Wilson est peu séduit par l’idée d’une fusion et fait entièrement confiance à Pershing46. Il doute lui aussi de l’utilité de la fusion des effectifs, rappelant que Rochambeau n’avait jamais agi de la sorte.
44Face aux résistances de Pershing47, les tractations se poursuivent, ce qui finit par agacer Clemenceau qui écrit personnellement à l’ambassadeur dans des termes peu flatteurs pour le général américain :
« En outre, il n’est jamais à Chaumont, sa principale préoccupation paraissant être de dîner à Paris. […] Il n’y a dans toute cette affaire qu’une misérable question de commandement. […] S’il préfère s’amalgamer avec les troupes britanniques, c’est l’affaire de son gouvernement. Je tiens seulement à vous bien enfoncer cette idée dans l’esprit que si les troupes américaines vont au feu dans les conditions où elles sont présentement, elles rencontreront fatalement un très grave échec qui aura le plus fâcheux retentissement en France et en Amérique. […] Que le président Wilson prenne ses responsabilités comme nous prenons les nôtres48. »
45Jusserand s’entretient avec Wilson quelques jours après, sans résultat. Les Américains campent sur leurs positions. L’inquiétude de Clemenceau s’explique d’abord par la peur de voir plier un front américain du fait de son manque de préparation. Ainsi, la fierté nationale américaine rencontre le pragmatisme militaire français. Clemenceau souligne d’ailleurs qu’il n’a jamais été question de « supprimer l’individualité des troupes américaines49 ». Une nouvelle fin de non-recevoir de Wilson à Jusserand excède le président du Conseil qui demande à l’ambassadeur de solliciter le remplacement de Pershing le 5 janvier 1918. Tardieu et Jusserand s’y opposent, considérant que cela ne ferait qu’exciter les rancœurs américaines et serait contre-productif. Néanmoins, Pershing finit par l’apprendre, mettant ainsi Jusserand, qui apparaît comme le premier artisan de cette tentative d’éviction, en porte-à-faux avec son administration et la Maison Blanche. Cette affaire montre à quel point la tâche de médiation qui est celle de l’ambassade peut se révéler ingrate tant l’ambassadeur ne doit pas fâcher l’administration Wilson, tout en obéissant aux injonctions de ses supérieurs.
46Yves-Henri Nouailhat avait montré combien les rencontres entre ces deux mondes sur le sol français pouvaient être tendues. Les soldats américains font une forte impression, on les croit riches et efficaces grâce à la force du dollar. D’autres les voient comme des ivrognes et des paresseux. Les témoignages de ces rencontres entre Américains et Français remontent peu à l’ambassade, mais certains exemples sont à signaler. Les tensions franco-américaines sur le sol français ne peuvent qu’inquiéter un ambassadeur attaché à une amitié sincère. Jusserand écoute d’abord les plaintes américaines et en informe Stephen Pichon : « Selon des Américains venant nous prêter leur aide, ils sont considérés par nos hôteliers et fournisseurs divers, non pas comme des amis, mais comme des proies50. » Il déplore une « rapacité » qui parvient à l’oreille de leurs proches, et encore pire, qui est relayée dans la presse51.
47Jusserand demande au Quai d’Orsay de prendre des mesures pour éviter des comportements portant atteinte à l’image positive de la France. Cette tension entre citoyens américains et français se retrouve également sur le sol américain. Un membre de la communauté française écrit ainsi à l’ambassade pour signaler qu’un vétéran américain de la YMCA divague sur la frivolité des femmes françaises52. Ces plaintes adressées à l’ambassade sont le plus souvent caractérisées par des jugements biaisés et jouant sur les préjugés de témoins plus ou moins directs. Ce qui inquiète les diplomates n’est pas tant les plaintes que la diffusion à grande échelle d’une image négative. L’image la plus choquante pour le public américain, mais aussi la plus récurrente dans la presse et les rapports de l’ambassadeur, est la frivolité française. Jusserand lui-même souligne le puritanisme de la société américaine qui ne comprend pas l’attitude des Français ni des Françaises.
48L’ambassade et le haut-commissariat réagissent en publiant des lettres ouvertes. C’est le cas de Tardieu qui signe dans le New York Times, le 5 août 1917, un communiqué invitant à la tolérance entre les deux peuples. La rédaction des démentis est confiée à Stéphane Lauzanne, proto-attaché de presse au service de l’ambassade de France depuis 1916. Ces opérations de communication restent cependant rétroactives et leur efficacité est sujette à caution. Le rôle personnel de Jusserand est aussi mis à contribution. Celui-ci dîne plusieurs fois avec les membres de l’état-major, dont le général Wood qui se trouve être l’un de ses amis proches. Lors de ces repas, il obtient des informations et essaye de glisser des conseils pour réguler les soldats américains sur le sol français53. Cette fonction de médiation est d’autant plus indispensable qu’Américains et Français se comprennent peu sur les mœurs, créant des mésententes superficielles et des préjugés relayés par la presse.
49Concluons sur un dernier exemple. L’arrivée des Américains en France apparait comme une solution pour combler le manque de main-d’œuvre. Comme il l’avait fait pour les achats de matériels, le Quai d’Orsay demande à l’ambassade de se renseigner sur la possibilité de recruter des travailleurs américains. Très vite, Jusserand souligne auprès de son ministre que cette requête semble maladroite pour plusieurs raisons. Les Américains ne souhaitent pas nécessairement être employés au service des Français. La seconde raison, sans doute la plus solide, est que les ouvriers américains sont payés plus cher et que le change est en faveur du dollar. Enfin, les Américains appliquent eux aussi la conscription et les ouvriers militaires sont aux ordres de l’état-major. Finalement, cela montre une certaine méconnaissance du fonctionnement américain de la part du Quai d’Orsay. Dès lors, l’ambassade fonctionne comme un moyen d’éclairer des situations floues pour les deux côtés de l’Atlantique.
La place des Alsaciens-Lorrains dans l’esprit américain
50La place des Alsaciens-Lorrains est une question d’autant plus épineuse pour l’ambassade de France que les Américains ont une méconnaissance des enjeux de la « revanche ». Dès le début de la guerre, l’opinion et les dirigeants américains ne comprennent pas les buts de guerre français. En quoi l’Alsace-Lorraine serait plus française qu’allemande ? Ce flou est accentué par les idéaux de Wilson qui souhaite l’autodétermination des peuples. En outre, au-delà des doutes idéologiques, s’ajoute un aspect pratique, comment doit-on considérer un Alsacien-Lorrain aux États-Unis ? Dès le début de la guerre, Jusserand avait engagé une série d’articles pour expliquer les buts de guerre français. L’ambassadeur a tissé d’ailleurs des liens avec le Comité des amis de l’Alsace-Lorraine en Amérique. Ce dernier publie des ouvrages et des articles, et organise des conférences pour démontrer l’appartenance de l’Alsace à la France.
51L’entrée en guerre des États-Unis renforce la confusion car les Alsaciens-Lorrains sont officiellement Allemands, alors que les Français les considèrent comme leurs concitoyens. Dans un premier cas, ils sont soumis aux sanctions et aux surveillances dont font l’objet les Allemands sur le territoire américain, dans le second cas, ils peuvent être appelés sous les drapeaux, ou du moins servir l’effort de guerre. L’inquiétude des Alsaciens-Lorrains est palpable dans les courriers reçus à l’ambassade. Le Quai d’Orsay, de son côté, souhaite qu’une solution soit trouvée rapidement, ce qui serait un signe de bonne volonté de Wilson. C’est un compromis temporaire qui est trouvé en attendant le règlement de la paix entre Jusserand et Wilson.
52Un recensement est effectué pour établir une liste officielle auprès du gouvernement américain des Alsaciens-Lorrains sur le territoire fédéral, accompagné d’une enquête approfondie quand on suspecte un potentiel Allemand54, au cours duquel l’ambassade délivre une carte spéciale dûment tamponnée55. La police américaine continue toutefois à stigmatiser la minorité alsacienne et Jusserand doit en référer directement au président, ainsi qu’à la presse56. Il s’efforce d’expliquer une nouvelle fois les subtilités de la « revanche » à l’opinion américaine. Il faudra attendre la proclamation des Quatorze points de Wilson en janvier 1918 pour que la situation des Alsaciens-Lorrains soit comprise. L’ambassade de France a alors tenté de remédier à une incompréhension dans les buts de guerre français. Jusserand est de nouveau monté au créneau pour défendre les intérêts français.
L’ambassade de France, un bureau des plaintes ?
53Avec l’entrée en guerre des Américains, l’ambassade de France aux États-Unis a vu son rôle se renforcer dans la politique extérieure de la Troisième République, que ce soit en termes de moyens ou de personnel. La force de la diplomatie française en Amérique repose sans nul doute sur son ambassadeur, Jean-Jules Jusserand, fin connaisseur des mentalités anglo-saxonnes et proches des milieux universitaires et politiques. Pour autant, le poids de cette ambassade est de plus en plus contourné par des institutions techniques comme le haut-commissariat de Tardieu. Doit-on en conclure à l’inutilité de l’ambassade ? Évidemment non. On assiste avant tout à un repli de ses fonctions sur la médiation politique et culturelle, délaissant les aspects techniques à des « experts ». Il serait illusoire de croire que l’ambassade a été incontournable, mais son poids moral n’est pas pour autant négligeable.
54L’évolution d’une diplomatie neutre à une diplomatie de guerre en pays allié s’est faite progressivement. L’ambassade a d’abord aidé, de façon temporaire, à l’organisation de l’armée américaine dans le premier semestre 1917 par le biais de ses attachés militaires, mais aussi par le poids de Jusserand auprès des milieux universitaires. Le rôle de l’ambassade de France s’amenuise à mesure que les experts militaires, économiques et culturels s’installent aux États-Unis. Ainsi, cette position d’intermédiaire fut indispensable pour que la France puisse placer ses pions comme le démontre le cas des instructeurs d’Harvard ; l’objectif étant de dépasser les Britanniques sur le sol américain. L’ambassade française doit alors convaincre son administration de ne pas faire fausse route. La maîtrise de la propagande est déterminante. Jusserand avait bien compris les limites de la propagande à outrance à laquelle les Britanniques et Allemands s’étaient livrés. Ainsi, malgré une densification de la propagande, il garde la main sur les choix des actions culturelles.
55L’autre rôle de l’ambassade est de se poser en médiatrice lorsque des tensions naissent sur les buts de guerre ou la présence américaine en Europe. Jusserand s’impose comme intermédiaire dans les tensions entre Pershing et Clemenceau. C’est aussi l’ambassade qui combat les mauvaises images renvoyées par les soldats américains en France. Ainsi, cette médiation culturelle et politique se révèle utile sur des points de frictions. Jusserand et son équipe déminent des conversations et facilitent les contacts entre Français et Américains comme le montre la mission Joffre-Viviani. Critiqué en France mais adulé aux États-Unis, Jusserand montre une aptitude remarquable à tenir en respect les exigences françaises et les raideurs wilsoniennes. L’ambassade devient un bureau des plaintes utile permettant de réguler des tensions franco-américaines liées à des différences de point de vue souvent irréconciliables.
56Concluons par cette formule de Berthelot qui résume l’ensemble de la pensée de la diplomatie française : « Les Américains sont les indésirables nécessaires, et dire qu’il a fallu aller chercher ces gens-là ?! L’Europe le paiera cher. »
Figure 1. – Joffre et Jusserand aux États-Unis, mai 1917.
Photographie de presse, Agence Rol. BNF, Gallica, référence(s) : Rol, 49464.
Figure 2. – Arrivée à Washington de la mission Joffre-Viviani, in Blondel Jules-François, Ce que mes yeux ont vu (1900-1950), Récit d’un diplomate, Paris, Hachette, 1960.
Notes de bas de page
1 On note la multiplication des publications sur le sujet depuis les années 2000 et notamment l’article « Diplomatie de guerre » écrit par Georges-Henri Soutou, in Jay Winter (dir.), La Première Guerre mondiale, vol. 2, Les États, Paris, Fayard, 2014. On peut également citer les travaux de Aballéa Marion, Un exercice de diplomatie chez l’ennemi : l’ambassade de France à Berlin, 1871-1933, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, ou le numéro de la Revue d’histoire diplomatique dirigé par Michel Catala et Stanislas Jeannesson consacré aux « entrées en guerre des diplomates et des consuls en 1914 », 2016/1.
2 Voir notamment la thèse de Nouailhat Yves-Henri, France et États-Unis, 1914-1917, Paris, Publications de la Sorbonne, 1979.
3 Morinière Corentin, « Les cadres de la représentation française aux États-Unis : construire l’ambassade de France à Washington au début du xxe siècle », in Amélie Balayre, Claire Le Bras, Marie-Cécile Pineau et Nathan Rousselot (dir.), Le diplomate en représentation (xvie-xxe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Enquêtes et documents », 2021, p. 169-185.
4 Morinière Corentin, L’ambassade de France aux États-Unis pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), mémoire de master en histoire sous la direction de Stanislas Jeannesson, Nantes, université de Nantes, 2015, p. 33-56.
5 Pour approfondir sur le personnage : Young Robert J., An American By Degrees, The Extraordinary Lives of French, The Ambassador Jules Jusserand, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2009 ; Dasque Isabelle « Jean-Jules Jusserand, un ambassadeur entre l’Ancien et le Nouveau Monde », Questions internationales, no 54, mars-avril 2012, p. 108-116 ou encore Morinière Corentin, L’ambassade de France aux États-Unis, op. cit., p. 56-87.
6 Archives du ministère des Affaires étrangères, La Courneuve (AMAE), PA Berthelot, carton 18, télégramme du ministère de la Guerre à Aristide Briand, le 27 novembre 1915.
7 Pour comprendre les enjeux économiques et politiques, on ne peut que renvoyer à la thèse de Nouailhat Yves-Henri, op. cit.
8 Baillou Jean (dir.), Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, Paris, CNRS Éditions, 1984, 2 vol. ; Montant Jean-Claude, « Les attachés navals français au début du xxe siècle », Relations internationales, no 60, 1989, p. 429-442 ; Vaïsse Maurice, « L’évolution de la fonction d’attaché militaire en France au xxe siècle », Relations internationales, no 32, 1982, p. 507-524.
9 Blondel Jules-François, Ce que mes yeux ont vu (1900-1950). Récit d’un diplomate, Paris, Hachette, 1960, p. 140.
10 Blanpré reçoit l’aide d’un premier adjoint dès janvier 1917 (le capitaine Chevigné) puis d’un second adjoint, symbole du rôle des militaires aux États-Unis dès 1917, le lieutenant de vaisseau Chavel en janvier 1918. Blanpré est remplacé le 10 septembre 1918 par le capitaine Le Gouz de Saint-Seine.
11 Les Allemands ont pratiqué un espionnage militaire et industriel intense aux États-Unis pendant la guerre. On peut citer l’affaire de sabotage Franz von Papen qui déclencha les foudres de la presse américaine contre l’Allemagne en 1915.
12 Centre des archives diplomatiques de Nantes (CADN), série Washington, carton 892, dossier personnel de Chevigné, télégramme secret-défense du ministre de la Marine à Blanpré datant du 30 janvier 1917.
13 Ibid., télégramme de Jusserand au Quai d’Orsay, le 17 février 1917.
14 Pour compléter l’étude sur les attachés navals : Paroutian Virginie, Le poste d’attaché naval français à Washington (1899-1939), mémoire de maîtrise sous la direction de Robert Frank, Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2000.
15 Beauvais Alfred, Attachés militaires, attachés navals et attachés de l’air, Paris, Pedone, 1937, p. 60.
16 Service historique de la Défense, Vincennes (SHD), SS. Ea, carton 97, télégramme du ministre de la Marine à Blanpré, le 23 mars 1917.
17 Sur cette question, voir Kaspi André, Le temps des Américains 1917-1918, Paris, Publications de la Sorbonne, 1976 et Harter Hélène, Les États-Unis dans la Grande Guerre, Paris, Tallandier, 2017.
18 AMAE, série Guerre, carton 509, rapport de l’attaché naval Blanpré à Jusserand, le 30 novembre 1917.
19 SHD, 6 N 138, télégramme de Jusserand à Vignal, le 5 février 1917.
20 CADN, Washington, carton 356, instructeurs français pour l’armée américaine février-novembre 1917, télégramme de Laurence Lowell, président de l’université d’Harvard, à Jusserand, le 3 février 1917.
21 AMAE, Guerre, carton 533, instructions de la mission Harvard.
22 Ibid.
23 CADN, Washington, carton 356, instructeurs français pour l’armée américaine, télégramme du 28 mars 1917 et AMAE, Guerre, carton 533, télégramme de Jusserand à Briand.
24 CADN, Washington, carton 536, article de The World du 28 mars 1917.
25 Ibid., carton 356, télégramme de Jusserand à Briand, le 8 avril 1917.
26 Ibid., télégramme de Jusserand à Ribot, le 19 avril 1917.
27 Morand Paul, Journal d’un attaché d’ambassade, 1916-1917, Paris, Gallimard, 1963, p. 240.
28 CADN, Washington, carton 356, télégramme de Vignal à Jusserand, le 3 octobre 1917.
29 Morinière Corentin, L’ambassade de France aux États-Unis, op. cit. Voir notamment les chapitres vi et ix.
30 AMAE, PA Jusserand, carton 17, télégramme de Jusserand à Pichon, le 15 juillet 1918.
31 La mission Joffre-Viviani est mise sur pied dans le but presque avoué d’appuyer les projets militaires français devant les dirigeants américains, c’est-à-dire de presser l’envoi des soldats, quitte à amalgamer les premières divisions, pour envoyer un message fort à l’Allemagne. Il s’agit du moins, pour André Tardieu, de préparer les futures négociations.
32 Kaspi André, Le temps des Américains 1917-1918, op. cit., p. 31.
33 CADN, Washington, carton 351, mission Joffre-Viviani, télégramme de Ribot à Jusserand, le 1er avril 1917.
34 Ibid., télégramme de Jusserand à Ribot, le 4 avril 1917.
35 Ibid., télégramme de Jusserand à Ribot, le 9 avril.
36 Ibid., télégramme de Jusserand à Ribot, le 13 avril.
37 Ibid., télégramme de Jusserand à Ribot, le 16 avril.
38 Ibid., télégramme de Jusserand à Ribot, le 13 avril.
39 Ibid., télégramme de Jusserand à Ribot, le 16 avril.
40 Pour les détails chronologiques de la visite : Carlier Claude et Pedroncini Guy (dir.), Les États-Unis dans la Première Guerre mondiale, Paris, Economica, 1992 ; Morinière Corentin, L’ambassade de France aux États-Unis, op. cit., p. 214-228.
41 Blondel Jules-François, Ce que mes yeux ont vu (1900-1950), op. cit., p. 178.
42 Ibid., p. 179.
43 AMAE, PA Jusserand, carton 16, télégramme de Jusserand à Ribot, le 20 août 1917.
44 Harter Hélène, Les États-Unis dans la Grande Guerre, op. cit., p. 237-240.
45 AMAE, Guerre, carton 507, télégramme de Jusserand à Ribot, le 26 mai 1917.
46 CADN, Washington, carton 356, télégramme de Jusserand à Pichon, le 19 décembre 1917.
47 Pichon signale l’incapacité de trouver une solution à Paris dans un télégramme du 28 décembre 1917.
48 AMAE, PA Jusserand, carton 11, télégramme de Clemenceau à Jusserand, le 27 décembre 1917.
49 CADN, Washington, carton 356, télégramme de Clemenceau à Jusserand, le 1er janvier 1918.
50 CADN, Washington, carton 356, « L’Amérique en guerre », télégramme de Jusserand à Pichon, le 14 février 1918.
51 Ibid., comme le signale Lauzanne (attaché de l’ambassade à la presse américaine) à Jusserand le 14 février 1918.
52 Ibid., lettre d’un Français à Jusserand, le 5 mars 1918.
53 AMAE, Guerre, carton 531, télégramme de Jusserand à Pichon, le 31 janvier 1918.
54 Ibid., télégramme de Liébert à Jusserand, le 2 novembre 1917.
55 CADN, Washington, carton 44, surveillances Alsaciens-Lorrains, télégramme de Liébert à Jusserand, le 1er juin 1917.
56 Ibid., tribunes dans l’Evening Star, New York Times, New York Tribune, etc. entre le 2 et 6 juin 1917.
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