Chapitre V. Les activités économiques
p. 281-366
Texte intégral
1La diversité des activités économiques du pays guérandais et l’originalité de certaines d’entre elles constituent l’une des raisons majeures de faire du terrouer un objet d’étude historique. L’interface de la terre et de la mer permet l’établissement de salines, mais l’ouverture sur la mer explique aussi le développement de la vigne et permet la spécialisation des populations locales.
2La mer explique le développement des villes de Guérande et du Croisic – le centre de décision comme le port ouvert sur le large. Chacune a sa spécificité et ses activités économiques.
3On s’interrogera sur l’incidence de la multiplicité des activités sur l’évolution générale de l’économie guérandaise, sur le poids de la crise du bas Moyen Âge, sur celui de la reprise commerciale assez précoce qui lui fait suite et sur l’essoufflement mentionné aux débuts des Temps modernes.
4Parallèlement à l’activité commerciale, d’autres actions maritimes sont à envisager comme l’intégration de navires dans des armees de mer et surtout les interventions corsaires.
La mise en valeur du pays guérandais
Les cultures et l’élevage
5Le paysage agricole et rural n’apparaît pas directement. Les aveux et minus rendus par les seigneurs donnent d’abord des indications sur l’habitat nobiliaire, le manoir (plus de 45 mentions), la métairie, les bois de haute futaie, le moulin, le colombier, la garenne, l’étang, les viviers et, pour les seigneuries plus importantes, la chapelle et les fourches patibulaires, ainsi que les limites des herbregements qui peuvent être cernés de fossés. Ils mentionnent encore plus de 120 villages avec parfois leur chapelle tréviale, des hameaux, des groupes de fermes, voire des fermes isolées, caractéristiques d’un habitat dispersé. Les maisons sont en général couvertes de ros, c’est-à-dire de chaume de roseau plutôt que de paille, mais à Clis en février 1535 sont mentionnées deux maisons équipées de cheminées, l’une couverte d’ardoises. À ces maisons sont liés des jardins ou des courtils, souvent cloux à fossé, et des dépendances qualifiées de tract ou d’estable. Ces tracts peuvent être des lieux habités puisque dans l’une d’entre d’elles est dotée d’une litiere1.
6Les chemins, quelques-uns étant nommés grands chemins, innervent l’ensemble. Les pièces de terres en culture sont limitées en nombre. Des champs enclos existent entourés de fossés qui enserrent également les prés et les vignes. La douve marquant la délimitation, le fossé fait partie intégrante de la propriété, d’où une rente levée après mai 1404 sur le fossé de leur courtil. Des fossés sont en cours d’édification : certains sont signes d’une appropriation comme à Mesquer en août 1478, où l’initiative est dénoncée parce qu’elle barre un chemyn voisinal, route et voye publicque ; d’autres s’incluent dans un mode d’exploitation de la terre renouvelé auxquelles participent les métairies dont les dépendances portent souvent le nom de parc, terme qui désigne le champ clos dévolu au labour. Ce développement lent du bocage apparaît au Croisic en 1475, où sont mentionnés des enclos cernés de murs ou de fossés, soit vieux ou anciens ou plus récents ; un relevé fait état de 22 parcs clos en la paroisse de Batz, de superficie variable allant d’un demi à plus de 10 journaux, pour une superficie totale de plus de 70 journaux. Les espaces ouverts dominent en raison des landes et des incultes qui occupent la plus grande partie du territoire. Le paysage change avec les saisons, avec la mise en defens de parcelles cultivées, puis l’ouverture de certaines d’entre elles après la récolte : les terres roturières, devenues guerb, sont alors livrées à la vaine pâture. Ces usages sont précisés dans la Tres Ancienne Coutume : les terres nobles sont en défens toute l’année à condition qu’elles aient une clôture telle qu’un cheval entravé ne puisse la franchir ; les prairies sont également en défens de plein droit ; les autres terres ne pouvent être mises en défens que de la mi-février à la mi-septembre ; la période de yvenage est réservée à la vaine pâture de la mi-septembre à la première semaine de décembre, le bétail peut alors être laissé sans gardien2.
7Les seigneuries comportent un domaine constitué surtout de terres sur lesquelles le seigneur dispose de la propriété utile et une mouvance. Celle-ci comprend l’ensemble des tenures dont les possesseurs doivent au seigneur des rentes ou cens. D’autres versements peuvent s’ajouter : une taillee d’armes est versée en 1416 par certains débirentiers lorsque l’héritier du seigneur se armera pour aller à la mandée et compaignie du prince, et encore en 1422 dans la seigneurie d’Ust ; en 1529, dans la seigneurie de Crémeur une taxe est levée lors du mariage de la fille aînée du seigneur. Les rentes peuvent être réajustées lors de nouvelles baillées. Elles se font à titre perpétuel, et s’accompagnent parfois de clauses imposant la construction ou la réparation de maisons ou encore de remise en état et d’entretien des biens3.
8Le mode de tenue paysanne le plus répandu est à cens ou censive. Il aboutit à une sorte de dédoublement de la propriété. Au domaine utile dont jouit le tenancier censitaire s’ajoute le droit éminent du seigneur sur le fond. Cette propriété éminente s’exprime dans l’expression tenir du seigneur un bien et par le versement d’un cens auquel peut s’ajouter un biein appelee corvee. Celui-ci consiste en la fourniture de bœufs et de charrettes pendant quelques jours ou en charroi de vendanges, voire en corvée de charroi ou de charue, ou à charge de faner ; il est souvent converti en argent : en mars 1417, les bieins sont prisés 2 s 6 d. À cela s’ajoutent, selon une formule énoncée le 27 septembre 1460, saezinne, droict, servitude et obeissance à la court dudict seigneur… comme seigneur du proche fieff, c’est-à-dire un droit d’autorité du seigneur sur le bien et la personne qui tient le fond. Au-delà de ces obligations, le censitaire dispose de son bien. Il peut l’aliéner avec l’autorisation du seigneur : le 1er mai 1473, Perrot Le Gallo s’engage à ne prendre, vendre, ne esplecter nulz ne aucuns de ses heritaiges pour les temps advenir sans le congié dudit de Treguz. La vente peut être remise en cause par le jeu du retrait féodal4.
9Entre des tenanciers, des liens peuvent exister. Des consorts ou freresches mettent en valeur une exploitation en maintenant dans l’indivision des terres afin d’éviter un émiettement préjudiciable à leur rentabilité. Certaines freresches sont à base familiale : en novembre 1429, Maurice Guillemin et ses sœurs mariées rendent hommage pour ce qui est tenu frereschelement de la seigneurie d’Escoublac. Certaines mentions renvoient à une réalité de la fin du xive siècle. Elles se placent dans une période de réaménagements à la suite des mortalités, de répit et de reprise à l’intérieur de la crise du bas Moyen Âge, dont témoignent encore les mentions de gaigneries, terres conquises sur la friche, à Saint-Nazaire5.
10À l’échelle de plusieurs villages, le réseau des relations sociales s’appuie sur la frairie. Elle est une circonscription pour le paiement de la dîme, de l’impôt ; elle associe les frairiens dans la dévotion à un saint protecteur qui a parfois sa chapelle, ses fêtes et ses foires. Elle peut être l’instrument de défense d’intérêts communs, un cadre d’entraide pour des travaux. Les rentiers ducaux mentionnent à l’intérieur de certaines paroisses des zones où sont levées les rentes. Dans la paroisse de Guérande : Guérande, Careil, Saillé, Larmor et Quéniquen, Clis ; dans celle de Batz : Batz, Pelemer, Penchâteau ; pour celle de Saint-Nazaire : Marsac et Prieuc, et le mot frarie est utilisé pour Marczac en Saint-Nazaire. En 1500-1506, il est distingué à Guérande, dans la zone des marais, six cueillettes : Careil, Clis, Congor, Quéniquen, Saillé et Trescallan6.
11Les mentions de métairies concernent avant tout le xvie siècle. À Guérande, on enregistre quelques 22 métairies entre le 7 juin et le 16 décembre 1540, et d’autres sont citées dans les autres paroisses. Chaque seigneurie dispose d’au moins une métairie selon la règle énoncée lors de la réformation générale des feux, mais qui n’est pas restrictive : Pierre II admettant le droit pour un individu de posséder trois à quatre métairies tout en s’efforçant de limiter la franchise aux manoirs anciens. La métairie se présente comme un ensemble d’une seule pièce qui occupe la partie la plus étendue de la réserve, mais elle peut regrouper des tenues paysannes récupérées par le seigneur. C’est le cas de Guillaume Calon qui obtient l’autorisation de créer le 26 octobre 1487 une métairie par le regroupement de trois maisons. Le mot métayer ne préjuge pas de la nature du bail, mais indique que le tenancier est exempt de fouage. Le seigneur baille l’exploitation tout entière avec l’équipement nécessaire, outils et bétail : Pierre de Larloc, après 1473, se voit remettre les bêtes d’aumaille et les brebis se trouvant en la métairie de Larloc ; en 1563, il est baillé au métayer trois socs de charrue, un coudre, une esterpe, un croc à fians, trois fourches, une tranche, une failie mare, un râteau. D’autres contrats s’accompagnent du partage des récoltes : à la quarte (en 1404, 1433) ou la tierce gerbe (en 1413, 1482), et pour le cheptel à la moitié (en 1563). Si la présence d’un métayer est un marqueur social fort – tant en ce qui concerne le seigneur que son métayer –, les contrats montrent la capacité d’adaptation des seigneurs, le recours à l’exploitation indirecte, à des baux à mi-fruits, ce qui contribue à l’émergence d’une moyenne paysannerie7.
12Des maisons et des terres sont affermées. Le prix de la location est payé en monnaie. Le 12 octobre 1545, les chartreux d’Auray autorisent Alain Cadzro à prendre la suite de son père. Le contrat est passé pour un an, le preneur s’engage à acquitter toutes les charges, à entretenir la maison ; il doit réserver une chambre que pourront occuper le prieur, les moines ou leurs serviteurs8.
13Trois types de location d’exploitation agricole apparaissent : le métayage, le fermage et un type intermédiaire où le bail est consenti pour une quantité fixe de produits à livrer en nature. L’affermage existe aussi pour les monopoles seigneuriaux comme le moulin, le montant de la ferme étant acquitté en nature9.
14Des communs existent à l’échelon des paroisses ou des seigneuries. En bordure du pays guérandais, la Grande-Brière forme un immense commun sur lequel les populations des alentours disposent de droits d’usage. Ce régime juridique est à mettre en relation avec le caractère marécageux de cet ensemble qui apparaît dans des lettres patentes du 8 août 1461. Elles sont une réponse aux réclamations exprimées par le seigneur de Saint-Nazaire qui fait état de l’existence d’une certainne maniere de lac à Montoir assez pres des pastures d’Aisne. Il est responsable d’une grande submercion et abondance d’eau qui rend les prairies et les terres reduiz comme à inulité et non valleur et les voies et chemins employés par le peuple des paroisses de Montoir, Saint-Nazaire, Saint-André-des-Eaux, Escoublac et des aultres paroisses voisines tellement empeschez qu’il ne peut plus aller à beufs, ne charrettes. Cette situation est attribuée au default de curages, depuis 60 ans, des escours et essevouers anciens qui évacuent l’eau vers la mer. La solution passe par le nettoyage des curées afin qu’elles soient ouvertes et aient leur choite en la mer. Commission est donnée avec plain pouvoir aux sénéchal, alloué et procureur de Guérande de se rendre sur les lieux, d’y appeler les nobles et autres gens notables afin de s’informer et de prendre les mesures nécessaires. La question posée est celle de la régularisation du niveau de l’eau, question récurrente en Brière. Ces lettres patentes exposent les droits d’usage : le peuple peut aller à ladite Brière dont ils tiroient les mottes pour le chauffaige et les foings pour leurs bestes, qu’ils vont chercher par les chemin et voye avec beufs et charrettes, l’utilisation des mottes, c’est-à-dire de la tourbe, étant attestée à Guérande dès novembre 1379. Une exploitation individuelle de la bordure de la Brière n’en existe pas moins, avec des pêcheries, et des rotes pour entrer en la Bruere possédées à rente – sans doute faut-il y voir des accès aux coupis, propriétés indivises où l’on va couper la tourbe et pêcher. Elles se différencient des chaussees sur lesquelles peuvent s’exercer des droits seigneuriaux pesant sur le passage ou les échanges : ainsi le seigneur de Quilfistre déclare-t-il le 31 juillet 1480 un droit levé sur chaque potier vendant potz de terre au bout de la chaussée de Bréca à Saint-Lyphard10.
15La forêt n’est présente qu’en proximité du pays guérandais avec la forêt de La Roche-Bernard. Le terrouer ne connaît que des bois dont le plus étendu est celui de Quevren à Saint-Lyphard, mentionné en mars 1466 comme bois taillis et de revenu, d’une superficie de 800 journaux à la gaule en prenant en compte les bois, sous-bois, landes, prés, frostages, fossés, garennes et clôtures. Les bois de haute futaie sont un signe de seigneurie. Ceux en taillis fournissent du bois : un compte pour la période de mi-août 1516 à la mi 1528 enregistre deux ventes de bois taillis à Coëtpéan pour 140 L ; mais aussi du pâturage donnant lieu à paiement de redevances. Les indications de valeurs sont rares : le 3 juillet 1434, 5 s pour 2 journaux ; les bois du Bois-de-la-Cour sont estimés en 1486 à 111 L 6 s 8 d11.
16La distinction traditionnelle entre terres chaudes – en labour –, et terres froides – en large partie incultes – n’apparaît pas au pays guérandais. En juin 1485 sont évoquées les récoltes de blés, feygns, febves, poys, lin et chanffvre pour deux pièces de terre et un jardin. Le seigle occupe une large place : pour le domaine de Bogat en janvier 1419, sur 16 journaux en culture, 10 le sont en seigle, 2 en froment et 4 en avoine. Le seigle est la céréale par excellence de l’intérieur du pays guérandais. Facile à battre, ses rendements sont supérieurs à ceux du froment ; il mûrit tôt, dès le début juillet, aussi le paysan peut-il préparer les semences d’automne dans de meilleures conditions ; enfin il fournit une paille de qualité12.
17Le froment est cultivé dans des courtils, des clos ou en plein champ. Il figure pour une large part dans le produit des dîmes levées par l’évêque de Nantes, et dans le revenu provenant des moulins, ainsi ceux de Saint-Goustan au Croisic et de Cauden au Pouliguen entre 1516 et 1528, en froment pour l’un et l’autre moitié froment. Ces ressources étant affermées, elles traduisent un état des cultures pratiquées mais également un choix de redevances demandées par le seigneur. Cependant, le froment paraît très présent dans la zone côtière : un inventaire après décès de juillet 1392 mentionne 12 truellées de froment, et ce sont les seules céréales citées13.
18En 1379, les chevaux de l’escorte ducale en visite à Guérande sont nourris par les ressources en avoine du Domaine, l’avoine figurant dans les redevances dues au seigneur. L’orge n’est pas absent, si l’on admet que la cervoise vendue sous le nom de biere, que chargent à Guérande des navires anglais à la fin du xive siècle, est de fabrication locale14.
19Peut-on déceler des évolutions ? Aux moulins de Salley en 1 300 sont associés des redevances en froment et en seigle. Les fermes des granges des régaires se paient en 1407 dans les paroisses de Mesquer, Piriac et Saint-Molf et pour celle de la grange de Saint-Michel/Tesson, par tiers en avoine, froment, seigle ; pour celle de Folhoët le contrat est deux tiers seigle, un tiers avoine, alors que pour celle de Careil le versement est en froment. En 1503-1506, l’avoine n’apparaît plus, sa part étant prise par le froment. Ce dernier apparaît à Folhoët avec une valeur fixe limitée au cinquième, il se renforce pour atteindre les deux tiers à Saint-Michel/Tesson et à Trescallan, la moitié à Saint-Molf/Mesquer, et à la totalité des versements à Piriac, comme c’était déjà le cas à Careil. L’importance prise par le froment s’observe sur le littoral (Piriac, Trescallan), gagne l’intérieur proche (Saint-Molf, Saint-Michel/Tesson), et plus lentement l’intérieur (Folhoët). Dans un extrait de compte qui se place peu après 1506, la ferme de la grange de Saint-Michel/Tesson est versée à part égale en blé et en seigle ; ce fait donne à penser que les évolutions contastées sont dues aux volontés de l’évêque de Nantes. Une étude quantitative des montants des fermes le confirme. Certes toute comparaison est délicate, nous ne disposons que de chiffres ponctuels sans pouvoir préciser l’environnement climatique, ni apprécier l’évolution des espaces cultivés, ni celle des marchés des fermes. Néanmoins, il est remarquable de relever que la valeur de Careil, la seule dont le type de prélèvement reste le même, offre pour les années 1407, 1503, 1505, des valeurs quasiment stables. Si l’on poursuit la comparaison entre 1407 et 1505 : pour Folhoët, on trouve une valeur analogue pour le seigle en 1407 (40 mines), et le seigle et froment de 1505 (35 + 5 mines), de même pour Saint-Michel/Tesson ; mais dans les deux cas, les quantités liées à l’avoine, soit 20 et 18 mines d’avoine, ont disparu. Il faut envisager une pondération nouvelle des redevances demandées aux fermiers. Pour l’évêque, cet intérêt plus marqué pour le blé concerne une céréale qui gagne Nantes pour être consommée ou vendue. Le blé présente une plus grande valeur marchande, et, à poids égal, un gain supplémentaire grâce à la diminution du coût relatif du transport15.
20Les légumineuses entrent dans les assolements, le 25 mai 1406 une pièce de terre d’un journal est dite en labour de pois, et sont cultivées dans les courtils16.
21Les prés débordent le rebord du coteau et gagnent des zones où la sécheresse, l’été, peut se manifester. Ils sont affectés de qualificatifs variés : pré landesche, pré freschal, des prés salés sont mentionnés. On trouve des noés, prairies humides, offrant une herbe abondante que l’on fauche, leur sol ne convenant pas au pacage. Les superficies en prés restent limitées ; en 1419, le domaine de Bogat comporte : hébergement, courtils et appartenances, 4 journaux ; bois et garennes, 30 ; terres, 52 journaux ; prés, 12 hommées en 6 parcelles dont la plus importante est de 4 hommées. Les valeurs de prisage sont variables : en janvier 1419, une hommée de pré freschal 8 s, et de noé 10 s. Ces prix rivalisent ceux des autres terres : en juillet 1466, 9 s pour un journal en blé, 3 s pour un journal de terre arable, 9 s et 12 s pour une hommée de pré. À côté de prairies encloses, existent des pâtures, terres ouvertes de culture laissées en repos, que le bétail parcourt. L’élevage bénéficie encore d’herbes vendues qui fournit un foin rentré et stocké au chaffault. Les transformations d’un étang en pré à Escoublac en 1476 et en 1540 à Piriac, ainsi que des terres en vigne converties en pré, tant à Trébasquier en 1540 (35 hommées) qu’à Kerlan en 1545 (14 seillons) sont des indices d’un certain développement de l’élevage17.
22La liste des espèces animales est longue : chevaux, bovins, moutons, mulets, porcs, chevreaux, oies, gelines, chapons. Les bêtes ne sont pas sélectionnées. Une saisie, le 1er décembre 1505, fait apparaître : 2 vaches à poil rouge sur le blanc, 2 à poil brun, 2 à poil noir, une à poil rouge, une à poil blanc, une à poil brun sur le rouge. L’élevage n’est pas spécialisé ; cependant, Bernard Guéguan en juillet 1392 dans la zone de Saillé/Careil ne possède que des brebis. Sans doute faut-il admettre que les bêtes sont nourries sur les boucils des salines dont l’herbe est rase. La possession de gros bétail semble diversifiée : en 1506, Ernault Berche, paovre homme de labeur, achète une jument, puis vole un bœuf qui appartient à un varlet et serviteur de son frère. Parmi les productions figurent le beurre : en 1469 à Mesquer, il en est acheté 8 livres à 7 d la livre, il est associé à des dépenses pour l’alimentation de ceux qui travaillent la terre18. Le lapin est élevé dans les garennes, qui, comme les colombiers et leur élevage de pigeons, restent l’apanage des détenteurs de seigneuries.
23Le problème essentiel est de redonner sa fertilité à la terre après qu’elle ait été cultivée. Des terres sont en gueret ou garet, c’est-à-dire en jachère qui sont labourées et fumées à partir du printemps précédant les semailles des céréales d’automne – froment, seigle, avoine grosse. D’autres champs sont laissés pendant un certain temps en repos. Les aveux les désignent sous le nom de terres en pasture ou soubz lande livrées au parcours du bétail. Certaines peuvent même être plantées en landes, ainsi en décembre 1428 à Escoublac. La réalité est complexe. Elle apparaît dans les valeurs de prisage : un minu, en janvier 1419 pour le domaine de Bogat, donne pour les terres frostes et fresches 2 s 6 d le journal, les frosts sous genêt 1 s 8 d, les terres sous menues landes et genêts et d’autres encore sous menues landes et pâtures 4 d. La complexité se lit encore au niveau de l’exploitation : à Trémelu en juillet 1413, outre les terres arables (28,75 journaux), on trouve des terres arables et en landes par moitié (4,5 j), des terres arables et en genestay (4 j), des menues landes (4 j), des frosts, pré et pastures (10 j), des prés et pastures sous landes (5 j), et des landes (12,5 j)19.
24Quatre charestées de frambray figurent dans un inventaire de juillet 1392, et du franbroys et engres estans à present es rues et maesons de Kersalio sont mentionnés en mars 1470. C’est un compost qui trouve son emploi dans les courtils. Son apport en fertilité est limité alors qu’il exige une grosse dépense en temps pour le préparer. L’utilisation du goémon est envisageable, mais sur une bande de territoire peu étendue ; les deux mentions de frambray concernant Saillé et Clis n’excluent pas son usage en complément20.
25Des rotations biennales sont avérées. Dans le compte rendu en août 1423 concernant Villeneuve en Mesquer, le receveur indique que les terres sont en garet la seconde année et qu’il ne se charge pas des blés. Dans d’autres cas, le domaine paraît divisé par tiers : à Cleuz en Saint-Nazaire à la fin du xive siècle, 4 journaux en seigle, 4 en garet, auquels s’en ajoutent 5 autres ; à Mohonna en Saint-Molf après mai 1404, 7 j labourés en seigle, 6 en garet, 9 en landes ou frostes ; à Villeneuve en Mesquer en mars 1413, 21,5 j en froment, 17 en garet et 20 sous menue lande. Une même tenue ou pièce de terre peut être divisée en trois parties : en juillet 1480 à Saint-Molf, labour, landes et frostaige ; en février 1525 à Saint-Nazaire, en lande, fresche et céréales ; en mai 1535 au Croisic, 5 j, partie d’icelle labourable, partie pré et partie en lande. Et parfois en deux : à Brenoguen en Saint-André-des-Eaux en juillet 1421, des terres sont en frost et en gueret pour moitié ; en juillet 1480 à Saint-Molf, en frost et labour. Il ne faut pas exclure des mises en repos des terres sur une plus longue durée, comme le révèle la mise en culture de landes : en septembre 1482 à Escoublac, Guillaume Deniot s’engage à labourer une pièce de lande21.
26L’assolement biennal peut être froment/jachère ou seigle/jachère et la rotation triennale jachère/seigle/avoine grosse. Une quasi monoculture des céréales d’automne apparaît, le seigle étant largement représenté. Cependant, le fait qu’en juillet 1392 dans un inventaire à Saillé/Careil ne figure en grains que du froment donne à penser que la zone côtière connaît des pratiques culturales spécifiques. Les landes y sont moins présentes, ainsi à Brandu à la fin du xive siècle, on relève 24 pièces de terre, 3 de pré, une seule en lande. Cela est à rapprocher de la proximité de la mer, de la pratique d’amendements et de l’usage d’engrais marins. À ces différences géographiques s’ajoutent des différences sociales. Les domaines et les métairies disposent de moyens supérieurs en matériel et en animaux, et comme ils sont mieux pourvus en terres, un assolement plus efficace peut être mis en place22.
27La documentation concernant les rendements est très insuffisante. Dans un minu rendu après octobre 1400 à Saint-André-des-Eaux, la levée de 4 journaux cultivés en seigle est estimée à 18 truellées. En mai 1404 à Saint-Molf, un journal en potage est évalué à 4 truellées, 7 j en seigle à 12 mines. Ces maigres indications sont d’autant moins significatives que les rendements sont irréguliers selon les années et inégaux selon les zones géographiques – opposition entre la côte et l’intérieur – et le mode de tenure23.
28Rares sont les mentions d’outils individuels dans la documentation : un inventaire de juillet 1392 mentionne une fourche, un caper et une meule ; un acte du 5 août 1422, la faucille ; des charrettes portant un demi muid de sel sont signalées24.
29Les moulins sont très nombreux, plus de 80 pour le pays guérandais. Les moulins à vent sont majoritaires et certains existent encore. Ils illustrent un type architectural particulier appelé « petit pied » ou « taille de guêpe ». La base est circulaire ; le tronc conique, d’un diamètre de quelque 2,50 m, qui contient l’escalier conduisant à la chambre des meules, présente des murs épais de 1 à 1,20 m et supporte une chambre en encorbellement. Le toit conique est pivotant. Son caractère monumental est remarquable, tant par la recherche d’une silhouette à la fois rationnelle et élégante, que par le souci d’une utilisation d’un bel appareil où la mouluration et la sculpture ne sont pas absents. Ce type n’est pas le seul présent, il est fait mention d’un moulin turcaisserre à Clis en décembre 1423 ; d’un moulin carré en avril 1461, dit encore le vieux moulin d’Ust, et d’un moulin turquoys (1540), qualifié un peu plus tard de masse de moulin à chandellier turquoys (1557), place des Moulins à Guérande. Les deux solutions utilisées pour « suivre » le vent ont donné lieu à trois types de réalisations : le moulin-pivot est en bois et disposé sur un appui posé sur le sol ou sur une maçonnerie par l’intermédiaire d’un trépied, ce qui permet de l’orienter à la main grâce à une perche de bois suivant la direction du vent ; le moulintour est en pierre, seule pivote sa toiture conique qui porte les ailes, la manœuvre étant assurée par une perche de l’extérieur, ce type, mieux adapté à des vents plus forts, est largement représenté au pays guérandais ; le moulin-cavier est un système mixte où l’on combine une tour maçonnée et une cage mobile en charpente fixée à la tour par un pivot. Les moulins de Cuy à Escoublac et de Tréveday à Guérande, en forme de cône, construits en moellons, sans doute surmontés d’une chambre en bois, seraient des xiiie ou xive siècles, alors que ceux du Dreseuc à Guérande et Beauregard à Batz, assez petits et de petit appareil, seraient de la seconde moitié du xive siècle. Dans la première partie du xve siècle, les moulins deviennent plus grands et l’appareil employé est plus important et plus régulier comme à Brandu. Pendant la seconde moitié du xve siècle et le début du xvie siècle l’évolution se pousuit : la taille se renforce, le grand appareil est utilisé, les moulurations très présentes, ainsi à Kerjean à Piriac et Crémeur à Guérande. Par la suite l’appareil est plus irrégulier, les formes plus massives, les moulures plus rares25.
30L’entretien des moulins à vent peut-être présenté à partir du compte de tutelle et de curatelle de Tristan Le Pennec. Deux moulins sont concernés pour la période de mi-août 1526 à mi 1528. Au moulin de Saint-Goustan, on installe 4 paneaulx, une cene, une poumelle, des travaux de couverture se montent à 5 L, l’achat et le transport de la cene coûte 3 L ; 25 L sont employées à mettre un lit, à lever la meule et pour le plâtre ; en 1527, un moulage revient à 18 L, et pour parachever le deppos de la meule, il en coûte 11 L. Le moulin de Cauden reçoit une meulle et moulage, soit 31 L de dépense, alors que pour une verge, un câble et des travaux sur la toiture indigente de couverture on dépense 5 L, puis en 1527, 15 L pour ung plommel, six chevrons et des travaux de couverture, et encore pour un moulage, 18 L. Au total, 131 L 10 s de dépenses, pour un revenu global pour les 12 années de 712 L 1 s, selon les valeurs de l’appriecement contenues dans le compte, ce qui laisse un indéniable gain26.
31Des moulins à eau et à marée sont également en activité. À Soursac en Mesquer, est mentionné en juillet 1479 un moulin moulant à eau de mer, avec sa chaussée, reservoir et estendue de terres à garder et retenir son eau de mer pour faire mouler27.
32Les moulins sont liés à des terres nobles et leur construction est soumise à l’accord du pouvoir. Le 24 décembre 1432, Pierre Baye reçoit du duc l’autorisation d’en construire un sur une terre récemment anoblie, à Saillé. Toutes les seigneuries n’en disposent pas, les moulins étant réservés aux seigneurs qui disposent du pouvoir banal leur permettant d’imposer aux tenanciers l’obligation de suivre le moulin du seigneur. L’exploitation est confiée à des fermiers. Mais l’exemption de fouage obtenue le 11 janvier 1445 par Jeanne Chesnel, pour Nicolas Le Blanc moulinier du moulin de Beauregard à Escoublac, donne à penser à un mode d’exploitation différente. À ces moulins seigneuriaux s’en ajoutent d’autres au Croisic ne disposant pas de destroit, ils sont possédés par des marchands mariniers sensibles à la rentabilité de cette infracture à usage collectif28.
33Quelques valeurs sont mentionnées. Le moulin de Cauden a été échangé en novembre 1458 contre 8 L de rente (160 L en capital) ; au Croisic en 1536, est mentionné un moulin à vent acquis pour 200 L, et en décembre 1539, un autre pouvant valoir 5 L de rente (100 L en capital)29.
34La nourriture paysanne est la première destination des productions. Une autre partie des récoltes sert au renouvellement de la cellule d’exploitation en donnant les semences et en contribuant au paiement de certaines redevances alors que le gros bétail fournit sa force de travail. Une autre partie, tant pour les grains et la viande, même de bœuf, alimente le commerce local comme en atteste la présence de boulangers et de bouchers. Les productions locales sont sollicitées, lors de visites ducales, pour le ravitaillement de l’armée ou pour l’avitaillement des navires30.
35Cette dimension commerciale apparaît dans le compte d’Antoine Sorel entre 1500 et 1506. Les ventes se font à des moments jugés favorables pour la gestion des stocks. Des frais sont engagés pour paleer, remuer, esventer, 8 L 6 s ; louer des greniers, 9 L ; acheter du matériel, 4 palles de grenier à 20 d l’unité, truellée et demi-truellée pour 36 s 8 d ; soit un total de dépense de 19 L 8 d. À 40 s la mine, les frais représentent la valeur de 10 mines sur une quantité stockée de 290 mines. Quant aux pertes, le receveur estime qu’en deux ans, elles sont de l’ordre du quinzième. Si on tient compte de ce pourcentage, sans doute exagéré, 43 mines ont été perdues, soit 18 % du produit des fermes des granges qui passe en charge pour l’évêque. Les grains vendus peuvent trouver preneurs sur place. Une autre partie peut gagner Nantes : entre 1392 et 1393, y sont expédiés 40 tx de froment ; le 19 mars 1522, licence est donnée pour y acheminer 25 tx de grains. Cependant, de telles expéditions restent limitées, le terrouer étant avant tout acheteur de grains31.
La vigne
36Le pays guérandais est avec la vallée de la Loire et le sud-est du comté de Nantes l’une des trois grandes zones viticoles du comté nantais. Si les conditions optimales se trouvent sur le coteau, la vigne est présente sur toutes les paroisses, sauf à Saint-Lyphard, des vignes sont également au sud du coteau à Lenclis, Congor, entre Portmarzen et Pradel (100 hommées en 1542), et encore à Kervalet et à Pornichet32.
37Les cépages blancs dominent, le raisin blanc résistant mieux aux températures plus fraîches, à une atmosphère plus humide en automne et à la pourriture grise. Cependant, le vin rouge n’est pas absent, sa vendange à Piriac se fait 15 jours après celle des raisins blancs. La qualité de ces vins destinés à être consommés dans l’année est variable. Elle tient au degré de maturité des raisins et à la propreté des futailles : en 1500-1506, il est fait état de femmes occupées à gratter les fûts pendant 6 jours, et du remplacement de 15 fûts qui étaient pouczils et n’estoient utilles pour meptre les vins. La présence de vin en bouteille est signalée, il paraît consommé lors de réceptions33.
38Les modes de tenue sont variés et les seigneuries peuvent associer divers modes. La vigne est cultivée dans le cadre du domaine. Elle peut être arrentée, mais ce mode de mise en exploitation paraît limité et réservé aux vignes les moins rentables ou trop lointaines, il se rencontre encore dans le cas de culture nouvelle sur une terre déjà arrentée. Un même exploitant peut tenir des vignes de plusieurs seigneurs. D’autres peuvent être tenues à foi et hommage. D’autres encore le sont à praye, dont au moins pour un cas les teneurs doivent au seigneur la faczon34.
39La pratique du complant est très répandue. Le contrat est conclu soit pour la plantation de vignes nouvelles soit pour la remise en état de vignes existantes. Le preneur s’engage à effectuer la plantation, à donner aux plants les soins nécessaires et à enclore le vignoble. Il doit livrer, d’ordinaire après 5 ans, au moment où la vigne commence à produire, une partie de la récolte au bailleur, soit le plus souvent le tiers, mais il existe d’autres valeurs : le quart à Escoublac en 1389 ; le sixième en septembre 1444 toujours à Escoublac ; en mai 1540 à Piriac, figure une levée qui est de moitié. Des redevances en argent s’ajoutent : le denier complantier ou denier de partusage, et parfois des rentes en deniers ou en nature comme une jallaie de vin, voire des chapons. Le preneur s’engage à tenir en état les vignes, les clôtures, il doit porter la part due au seigneur sinon il aura à payer les frais de la levée engagés par le bailleur. Il peut vendre ou louer la vigne avec l’accord du bailleur, mais il ne peut la partager entre ses héritiers, le bailleur ayant puissance de désigner celui des héritiers qui sera laboureur de ladite vigne, et sera tenu de rescompancer ses consorts et coheritiers. Le bailleur conclut un contrat perpétuel, mais il a la possibilité de reprendre la terre si la vigne n’est pas deubment plantee, fossee et hayee. Les complantiers de l’abbaye de Redon doivent encore fournir une cuve destinée à recevoir la tierce partie de la vendange qu’ils doivent fouler. Le système présente pour le propriétaire des avantages : il reçoit une partie de la récolte, garde un droit de contrôle sur l’utilisation du fonds et ce, sans engager des frais trop importants. Le preneur y trouve son intérêt en limitant ses investissements. C’est parfois le seul mode de tenue d’une seigneurie, ainsi pour celle du Haut-Lessac en 1421. Des contrats de complant sont encore passés à la fin du xve siècle et dans la première moitié du xvie siècle, dont certains correspondent à une extension du vignoble : le 24 décembre 1496, un contrat porte sur quatre pièces de terre dont une partie est en labour ; le 13 décembre 1541, un autre est conclu entre Jean du Boays et Pierre Anezo, paluyer et labeureur demeurant au village de Tréven à Mesquer, à qui est baillé un parc de pièce de terre frost cernée de vieux fossés près du village de Kerné à Mesquer35.
40L’exploitation viticole est très morcelée : Olivier Le Boteuc déclare, en juillet 1422, 4 planches et 6 tronçons de vignes en trois parcelles, dans le même clos ; Pierre Le Coende, l’année suivante, un seillon, un tronçon et une pièce de vigne en trois parcelles situées en deux clos. Elle n’est jamais spécialisée : la vigne est associée aux céréales et aux prés. L’expression utilisée vigne que laboure n’a pas de signification technique mais un contenu social, elle désigne un exploitant tenant une vigne en complant. L’extension du vignoble paraît stable ou en léger recul, les mentions de vignes frostes ou gastes ou de vignes consacrées à d’autres productions étant compensées en partie par des mentions de vignes nouvelles, sans que l’on puisse établir des distinctions chronologiques et géographiques36.
41Le vignoble implique des travaux qu’enregistrent les comptes comme celui rendu par Jean Maderan pour le bailliage de Soursac à Mesquer. En 1422, pour la reparacion des vignes, il faut raier, deschauser, tailler, cueillir les sarments qui sont portés à l’hôtel, bêcher, lever les vignes, clore, haier, vigner, esmonder les ousiers. La préparation de la vendange exige des achats et un entretien du matériel : achat de 6 molles de cercles, d’éléments pour les doualles et foustailles, de 4 buyes de terre, de chandelle ; et encore le recours à un charpentier pour relier et douber la futaille. La vendange mobilise une main d’œuvre de cueilleurs, de hotteurs, de porteurs, de fouleurs, sans oublier les hommes pour la mise en tonneau. Au total, le receveur engage, en tenant compte de 2 L 10 s pour frais divers, 27 L 8 s 6 d et encore 3 truellées avoine et 2 gelines consommées en raison de la venue de mondit seigneur aux vendanges. Le total des rentes en deniers étant de 40 L 14 s 7 d, ce sont plus des deux tiers de cette rentrée qui sont engagés, pour une récolte estimée à 31 pipes. La main d’œuvre employée est nombreuse : pour la préparation de la vigne, ce sont 273 journées de travail et pour la vendange 19. Le transfert du vin du pressoir vers les lieux de stockage engage d’autres frais. Dans le compte d’Antoine Sorel pour 1505, figurent : 12 L 17 s 8 d (18 %) pour la préparation ; 43 L 16 s 2 d, (61 %) pour le transport et l’assemblage des vins ; 15 L (21 %) pour la location du pressoir ; soit un total de 71 L 13 s 8 d. Nous ignorons les prix du vin pour 1505. Si on se réfère à l’appriecement de 1504, soit 16 s 8 d – mais la vendange inférieure en volume de 1505 laisse augurer des prix plus élevés –, la somme obtenue représente près de la moitié des frais engagés. Ainsi pour l’évêque dans le rapport du vin un tiers passe en charge. Cette part est diminuée en cas d’incident : en 1505, 11 % sont perdus selon le receveur. Pour la seigneurie des régaires, la levée des dîmes en vin est d’un rapport intéressant qu’il conviendrait d’apprécier à l’aune de la récolte puisque la part des frais fixes, en particulier de louage des pressoirs, est importante37.
42Fin xive siècle, une hommée de vigne en complant est estimée à 3 s 6 d, le tiers revenant au bailleur ; en mai 1401 3 s 4 d, abatuz les labourages et mises, et encore en juin 1420 3 s 3 d. Dans les années 1460-1466, l’hommée de vigne est prisée entre 2 s 8 d et 5 s 2 d de rente38.
43C’est le seigneur qui proclame le ban de vendange par lequel il fixe le jour de la récolte et peut punir les contrevenants. La présence de forestiers, agents seigneuriaux, renvoie à une organisation selon laquelle les exploitants d’un même clos vendangent ensemble le même jour. Le partage de la récolte peut se faire à la porte du clos ou au pressoir, dans presque tous les cas la quote-part devant être rendue foulée. Des pressoirs sont associés aux seigneuries, ainsi sont mentionnés celui du manoir de Kersalio, celui du sr de Campsillon, et celui des chanoines de la collégiale à Piriac39.
44Une évaluation de la production peut être tentée. Un extrait de compte concernant les régaires mentionne pour 1454 95 pipes provenant du produit des dîmes (67 pipes de la paroisse de Guérande, 18 de Piriac, 7 de Mesquer, 3 de Saint-Nazaire). Si l’on applique les coefficients fixant le taux de prélèvement, on a une production de 2 144 pipes à Guérande, 1 152 à Piriac, 672 à Mesquer, et 192 pipes à Saint-Nazaire ; soit 4 160 pipes (2 080 tx) pour une partie du pays guérandais. Mais la production est inégale selon les années : pour les années 1501-1505, le prélèvement est respectivement de 58, 17, 68, 99, 43 pipes. Seul le chiffre de 1504 dépasse celui de 145440.
45Les vins sont avant tout destinés à couvrir une consommation domestique et un commerce local avec des circuits de distribution souvent réduits : le producteur débite une partie de sa production. Cependant, un débouché vers les ports bretons et à l’exportation existe, même s’il reste très réduit : en février 1432, 4 pipes de vin de Piriac entrent au Blavet ; dans un acte non daté, le prisage du denier de coutume levé sur les vins expédiés par Piriac, qui se monte à un denier par pipe, est prisé 2 L 10 s, ce qui correspond à une expédition de 300 tx41.
Le sel
46Les éléments du paysage actuel sont présents : étiers, bondres, vasières, cobiers, adrenes, fars, oeillets et autres appartenances ainsi que fossés et boucils, tremets, coez, l’estier du delivre. Des baules sont mentionnées. Après la récolte, le sel est amassé en mulons sur les tremets et les fossés42.
47Les salines peuvent être tenues à foi, hommage et rachat, le plus souvent du duc, mais également d’un autre seigneur, ou à censive et soumises au paiement de rentes. La taille qui pèsent sur les salines au début du xve siècle est couramment de 2 d ob par aire de saline – unité fiscale qui correspond à une portion d’oeillet, unité d’exploitation –, mais des valeurs supérieures existent : 3 d maille en janvier 1403, à la coustume des autres frostz veincus ; 3 d ob au début xve siècle ; et même 4 d par aire toujours à Mesquer en 1412. On trouve encore une taille d’armes apelé past, un sel de past et un sel de praye qui s’élève au quinzième du sel croissant. Le terme de paiement des redevances est celui de la foire de Saillé (1er août) pour Batz, Escoublac et Guérande, pour les autres paroisses la Saint-Michel (9 septembre) et la Saint-Lucas (18 octobre). Pour certaines salines de Saint-Molf et Merquer tenues de la seigneurie de Quifistre à foi, hommage et rachat s’ajoutent des redevances en épices : livre de poivre, once de safran, demi-livre de gingembre blanc, demi-livre de cannelle ; et encore un gant senestral. Notre documentation donne surtout des chiffres pour les salines tenues à foi, hommage et rachat, le jeu des anoblissements favorisant l’extension de ce mode de tenure. Les salines peuvent porter des sourcens, ainsi en novembre 140143.
48Un mandement ducal du 8 juillet 1517 circonscrit le monde des ayant marais et salines au terrouer de Guérande. Il correspond aux gens d’Eglise, gentilshommes, bourgeois, marchans et autres subgectz. Le duc, ou après lui le roi, tient des salines en propriété utile. La possession ecclésiastique est importante. C’est la conséquence de concessions ducales, relayées bientôt par des donations seigneuriales et autres. Les abbayes et les prieurés sont bien implantées. Certains conservent un patrimoine que des déclarations du xve siècle précisent : abbaye de Redon ; prieurés de Batz, de Saillé, d’Escoublac, de Merquel, d’Herbignac ; mais aussi l’abbaye de Saint-Gildas-des-Bois, les hospitaliers à Assérac, ainsi que le prieuré de Pénestin. D’autres établissements reçoivent encore des dons : c’est le cas des abbayes de Blanche-Couronne et de Prières. Des établissements nouveaux sont dotés en salines : l’église Saint-Michel pres d’Auray – la future chartreuse d’Auray – qui renforce ses possessions à Assérac à la fin du xve siècle ; les dominicains de Guérande, et un temps ceux de Nantes. À l’inverse, au début du xvie siècle, l’abbaye Buzay renonce à ses marais guérandais. Le clergé séculier apparaît avec la fabrique de Guérande, ainsi que les cures de Guérande, la fabrique de Batz, le recteur de Mesquer. Les créations de chapellenies et d’anniversaires s’accompagnent de donations d’œillets de salines44.
49La propriété laïque est avant tout le fait des seigneurs locaux ou extérieurs au pays guérandais. Dans les aveux rendus à la suite de l’édit de Moulins, les trois quarts des œillets tenus à foi hommage et rachat le sont par des seigneurs locaux, un septième par ceux extérieurs au pays guérandais. Pour les seigneurs locaux, les salines font partie d’un domaine constitué aussi de terres et de vignes ; elles contribuent à une dispersion géographique des biens. Des seigneuries extérieures au pays guérandais ne déclarent que des œillets. Des mariniers et des marchands en possédent et encore des paludiers et d’autres personnages plus difficiles à saisir. Des œillets peuvent être tenus en indivision. Celle-ci concerne également la mise en valeur perpétuant une opération menée en commun parce qu’elle exige des investissements non négligeables. En définitive, la possession des salines paraît marquée par un formidable morcellement : ainsi en 1495 dans de la seigneurie de Campsillon relève-t-on 697 œillets répartis en 23 salines et 86 possesseurs45.
50À la fin du Moyen Âge, ce sont des laïcs qui assurent l’extension de la mise en valeur du marais salant. L’initiative la plus visible revient au duc qui concède des baules. Le mouvement, amorcé sous Jean IV, se poursuit sous Jeanne de Navarre et prend une certaine ampleur sous Jean V. Un mandement du 13 février 1415 rappelle que le duc a commis Tristan de La Lande afin de concéder des baules sur l’ensemble du terrouer. Une série de baillées concernent Guérande où une soixantaine d’aires est réalisée. À Mesquer, 232 aires sont construites alors, et, à la suite de l’échec d’une autre tentative, un vaste projet est défini : le 22 février 1415, ce sont 7 baules de Mesquer et de Saint-Molf destinées à donner naissance à 465 oeillets de saline tenus à foi, hommage et rachat qui sont concédées à Jean Mauléon, Pierre Yvette, Éon Denisot, Jean Guérin, Morice Le Codz, Éon Le Regué dit Mauguen, sans que le duc ne puisse prendre ou saisir ces baulles si les salines n’ont pas été construites ou si, étant construites, elles redeviennent frostes. C’est peut-être une volonté de relance qu’exprime le mandement du 10 juin 1419. Si sur place l’acte ne semble pas suivi d’effet, il donne un cadre juridique nouveau puisqu’il précise que les baules seront concédées noblement, à foy, homage et rachat46.
51Ensuite, d’autres concessions ont lieu. La noblesse locale figure au premier rang des bénéficiaires dont Michel Le Pennec, Jeanne de Carné, Guillaume Jouan, Pierre de Kerguisec et dans le bassin Mesquer-Saint-Molf, Huon et Calon. On trouve encore de hauts personnages de l’entourage du duc, les chanceliers Guillaume Chauvin et Philippe de Montauban, mais également maître Yves Le Guiriec, chanoine de la collégiale, et Geoffroy Le Goyc, très bon marinier. Toute concession dans le domaine ducal fait suite à une demande adressée au duc qui, après avoir désigné une commission, prononce sa décision. Celle-ci est soumise à condition : ainsi le 3 mai 1462, il est spécifié à Michel Le Pennec que les biens ne peuvent pas être sous-inféodés, que dans les six ans des salines doivent être construites, les travaux devant commencer dès la sayson prouchaine. Il est possible que le bassin salicole de Mesquer-Saint-Molf ait été celui qui a connu au début du xve siècle le plus grand développement. Les années 1460 sont marquées par un intérêt particulier pour les salines tant en pays guérandais que dans le terrouer de Rhuis. Le duc justifie sa politique en indiquant le 3 mai 1462 que des choses inutilles puissent par bonne industrie devenir source de revenus pour les preneurs, le duc et la chose publique, attendus que l’on trouve employés en d’autres lieux. Plus qu’un intérêt particulier pour la production salicole, ces déclarations expriment une certaine conception de la gestion du Domaine selon les idées du temps47.
52Le développement du marais salant se fait encore à partir de frosts de vasières ou de baules tenus par des seigneurs. Les initiatives de la noblesse, surtout des seigneurs du terrouer sont dominantes, tant de Campsillon, de Quilfistre, d’Escoublac, d’Assérac et de Lauvergnac que les hospitaliers48.
53Cette extension du marais salant entre la fin du xive et la fin du xve siècle doit être replacée dans le long terme. Un acte du 13 janvier 1404 mentionne des salines desquelles dempuix ont esté et uncore sont vacantes, écho des difficultés liées à la crise du bas Moyen Âge et de la déprise qui en a résultée. À la fin du xve siècle, des espaces restent disponibles. Des baules sont signalées dans le domaine ducal, et dans ceux des seigneuries d’Ust, Cleuz, et de Campsillon. Des espaces cultivés peuvent être momentanément indisponibles, par exemple à la suite de la fortune de mer responsable en mars 1434 de l’existence de marois pour present inrepperables, et encore en mars 1465 ; entre les années 1516 et 1528, la saline Guillemette est victime de tourmente et de bris de mer. L’avancée du sable est une menace pesant plus durablement sur certaines salines49.
54Pour le début du xvie siècle, l’information manque ; il faut attendre les années 1546-1548, pour voir un receveur ordinaire bailler une baulle et piece de terre en laquelle y a eu salline que le preneur a remis en état. La personnalité du preneur, Hervé Jumel, annonce un changement important : les marchands prennent le relais des nobles50.
55Les œillets peuvent être l’objet d’échanges afin d’opérer des regroupements ; pour certains seigneurs, il s’agit de renforcer leur position domaniale, pour d’autres d’améliorer les conditions d’exploitation. S’ils sont l’objet de cessions lors de création de chapellenies, ils sont surtout au cœur d’un marché comportant des opérations de ventes et d’achats directs ou ils concernent des achats de rentes constituées assises sur des œillets, de partages successoraux ou de la dotation de chapellenies51.
56Les valeurs des œillets enregistrées lors de prisages sont variables : en juillet 1460 16 s 10 d de rente pour un œillet, 20 s pour un autre ; en juillet 1520, les valeurs se placent entre 9 s 6 d et 19 s 5 d avec une valeur médiane de 16 s ; et en juillet 1521 entre 16 s 8 d et 20 s, valeur médiane 18 s 6 d. Ces différences s’expliquent en partie par des superficies variables52.
57La valeur en rente des œillets fournit une série de chiffres. Ils se placent entre 1456 et 1534 entre 7 s et 20 s, ce dernier chiffre se retrouvant en 1461, 1486 et encore en 1534. Quant aux valeurs que révèle le registre de la taxe de franc-fief en 1536 situées entre 8 s et 12 s 8 d par œillet, elles s’inscrivent à un niveau assez bas, niveau que l’on retrouve en mai 1540, 8 s 2 d. Ces données appellent à beaucoup de prudence puisque le 13 juin 1541, on retrouve une valeur de rente 20 s par œillet. Plus qu’une tendance à la baisse, elles pourraient traduire le fait que les ventes ont pu porter sur des œillets de moindre valeur53.
58Les valeurs exprimées par rapport aux aires (unité de superficie) ne présentent pas le même inconvénient. Elles sont variées : en mai 1389 et en juin 1420, 5 s ; en juillet 1470, 3 s 4 d, 4 s, 4 s 2 d ou 5 s ; après juillet 1490, 3 s 4 d, à 3 s 6 d, 4 s, 4 s 6 d, 4 s 8 d, et 5 s, moyenne 4 s 5 d. Ces différences s’expliquent en raison du rendement variable des œillets qui est fonction d’éléments complexes, de la plus ou moins grande facilité d’évacuer des sels, et des charges qui peuvent peser sur eux. Cette diversité rend impossible de déterminer une évolution de ces prix54.
59Les opérations d’achats portent d’ordinaire sur des quantités limitées, mais parfois elles sont importantes : Rolland Salaun se rend acquéreur avant 1452 de 67 œillets auprès de neuf vendeurs différents ; Michel Le Pennec de plus de 372 ; François du Dreseuc sr de la Lande et du Blanc de 71 entre 1520 et 1538 ; le 27 juin 1543, l’aveu de Jean du Dreseuc fait état de 121 œillets acquis. Une évolution se dessine dans la première moitié du xvie siècle qui fait qu’à côté des nobles, d’autres personnages, tel Guillaume Briend, et notamment des marchands mariniers croisicais se portent acquéreurs d’œillets de salines. Les achats de ces derniers se font au détriment de la noblesse : G. Brient achète le 3 janvier 1517 19 œillets à Jean de Coëtcas ; Mahé Rival le 5 décembre 1527 17 œillets à de Jean Le Vicomte sr de Calean. Cependant, dans les aveux rendus à la suite de l’édit de Moulins (1538), moins de 10 % des oeillets tenus à foi, hommage et rachat, le sont par des familles de marchands mariniers. Quant à la présence des Nantais Bernard Rocaz et Jean Le Serff, qui déclarent respectivement 63 et 24 œillets de marais en 1536, ces possessions sont liées à un héritage pour l’un et à un mariage pour l’autre55.
60Un feur (devis) concernant des salines qu’Éon Denisot fait édifier à Mesquer précise, pour le tout début xve siècle – la concession date de Jeanne de Navarre – les conditions de création d’une saline à partir d’une baule. Il s’agit de faire porter ladite saline de dous piez, ponter et migailler, et les vasières et cobiers d’un pied, pour 15 L. Chaque œillet doit être de 3 et demie aires et les vasières et cobiers de 4 et demie aires. Le travail effectué, des notables gens et les plus renommez de oeuvre de paluerie attestent devant la cour de Guérande que le travail a été fait selon le feur, sauf le cobier qui a été porté à un et demi pied pour ce que aultrement ne pevet valoir ne profiter. Leur prisage établit qu’il a été construit 304 aires d’œillet, 45 aires de cobier, la vasière n’ayant pas été mesurée pour ce que en ycelle a si grant habundance de au que ne la pouvait mesurer. Si l’on suit un acte du 21 mai 1412, toujours concernant Mesquer, où il est question d’une baulle qui en vasières, quonobiers et appartenances contiennent 400 aires d’où sont rabattues les dous partz pour appartenances selon l’usement et coustume du pays, le rapport entre les aires saunantes et les appartenances est de un à trois. Le contrat, passé par Mahé Le Fauhé le 1er novembre 1461 pour fere vaincre une baule à Mesquer, indique qu’on devra faire ponter les fossés, pratiquer des ouvertures pour esevoir l’eau des salines, des vasières et des terres labourables, l’aménagement exige de penser le drainage. Dans ce dernier cas, les aires d’un œillet disposent de deux fois plus de dépendances, proportion que l’on retrouve le 4 juin 1469, lors de la concession de baule à Assérac56.
61Les travaux destinés à créer une saline à partir d’une vasière ancienne sont illustrés le 12 février 1441 par une initiative de Pierre de Lhospital qui entend à partir d’une vasière ruyneuse en la plus part, alimentant une saline, édifier une nouvelle saline. Les travaux sont estimés à 100 L. La vasière sera commune, l’entretien se fera en commun, la part de P. de Lhospital sera d’un tiers, et si l’engagement n’est pas tenu, il devra dédommager les autres d’autant. Dans l’immédiat, les travaux sont à la seule charge de P. de Lhospital qui réalise la saline. Il s’engage à faire porter, vuider et délivrer la terre étant dans la vasière, la raier la premiere fois, fera taluer le fossé de ladite vasiere, et faire mettre deux cuies pour cette première foiz57.
62Le résultat est parfois problématique. La saline Saint-Goustan entre 1516 et 1528 est dite en grant mise et reparacion, en raison d’un problème d’alimentation en eau, aussi sur les 12 années n’a-t-elle pas porté grande levée et pendant plus de 7 ans il n’y a pas eu que my levées. Ici l’exploit technique est remarquable en raison de la présence d’une canne, c’est-à-dire d’un aqueduc permettant à l’eau de mer de franchir le cordon dunaire, mais les résultats incertains. La saline Yviquel, quant à elle, ne porte aucune levée à raison qu’elle estoit trop haute, d’où des travaux et la confection d’un cobier58.
63Le travail sur le marais apparaît avec l’entretien des fossés, des pertuys, le rayage (le re-creusement périodique de la vasière) et le curage des étiers. Ces travaux sont partagés entre les différents propriétaires de la saline, d’où des contestations possibles : Jean Le Pennec se prétend exempt de rayage pour la saline Franguez. Entre 1516 et 1528, il est dépensé 66 s pour rayer la vasière de la saline Coucellac, et pour le rayage et curage du cobier d’une saline, de la hauteur de 2 pouces et d’une partie d’une vasière, 100 L59.
64Un procès verbal du 9 décembre 1533 donne à voir la production du mois d’août sur les fossés. La vente peut se faire dessus les fossés et tremays. Le 13 janvier 1548, lors une vente assortie d’un racquet possible au 31 août, il est précisé qu’en cas de rachat à cette date 28 L supplémentaires seront à verser pour le prouffit qu’il ne peut faire, ce qui donne à penser que la vente n’intervient qu’après cette date. Au moment de l’expédition, le transport mobilise toute une population de manouvriers qui s’affairent avec des bœufs, des chevaux, des charrois, des mules. Le sel est écoulé dans l’année, au moins en partie. Le compte tenu par Antoine Sorel le rappelle, mais les sels prélevés entre 1501 et 1505 au titre de la dîme, ne sont pas vendus. Des stocks se constituent sur le marais. Il faut alors assembler le sel, faire le tremet, amulonner, couvrir le sel récent et ancien. Ce sont les frais dits de serrage dans ce compte qui énumère un à un les mulons de sel et précise sur quelle saline ils se trouvent. Ces stocks font l’objet de travaux d’entretien : ce sont les dépenses de gardaige dont les paludiers qui en ont la charge doivent s’engager à bien et deüement garder lesdits saulx et d’en respondre. Les frais liés à ces opérations sont rapportés au muid. Le prix de garde reste stable pendant toute la durée du compte d’A. Sorel. Mais, les frais de serrage sont variables : 4 s en 1501 ; 6 s 8 d en 1502 ; 4 s 2 d, en 1503 ; 3 s 10 d, en 1504 ; 5 s en 1505 – à rapprocher des 4 s 6 d par muid versé en 1454 pour cuiller et amulonner les sels. Les bonnes années à sel, les valeurs s’établissent autour de 4 s et grimpent à 5 s les mauvaises années et même en 1502 à 6 s 8 d. Ces écarts s’expliquent par une main d’œuvre plus ou moins nombreuse. À la suite des étés pourris, une partie des manouvriers devait aller chercher du travail ailleurs et l’afflux de possible migration saisonnière être moindre60.
65La lutte contre les éléments naturels est un autre aspect de la mise en valeur. Entre les années 1516 et 1528, la saline Guillemette, victime d’un bris de mer, est remise en état. Il est réparé les fossés, enlevé des terres projetées sur la saline, refait les pertuis, déplacé des mulons de sel. De tels travaux donnent à penser que les systèmes de protection sont faits en terre, à l’initiative du ou des possesseur(s) de chacune des salines exposées et sous leur responsabilité. Aussi, le 7 août 1480, ceux qui contestent la donation par le duc d’une baule à Geoffroy Le Goyc, font-ils valoir que esfoiz et quantes les foussez de la saline Malplayec qui est au contact de la baule, estoint rompuz, ils estoient en pocession de prandre la terre d’icelle pour repparer lesdits foussez61.
66Les moyens d’accès aux salines sont un enjeu majeur. Jean Guilloré, paluyer de la chapellenie de Saint-Gilles, afin d’évacuer la production de 44 œillets construits dans la saline Beaulté à Mesquer, établit une voye et chemin en maniere de pont et bardeau pour franchir un petit étier passant par un lieu que son propriétaire dit tenir deffensable. Il en résulte un procès. Le 21 janvier 1472, une transaction intervient. Les paludiers peuvent aller, venir, tirer et faire tirer par cherroy, bestes, mulles et aultrement le sel récolté et il ne leur est reconnu qu’un droit de servitude pour l’exploitation des marais62.
67La mise en valeur est le fait des paludiers. Leur nom est parfois associé la formule : laboure à eupvre de pallurie. Cette pratique évoque celle rencontrée pour les laboureurs de vigne qui labourent et tiennent à complant et qui, comme eux, sont associés dans les aveux à un lieu de production. Ces formules rendent compte d’une qualification sociale. Certains portent le titre de maître paludier et peuvent bénéficier d’exemption de fouages, ainsi pour le paludier des salines concédées à Pierre Yvette ; pour Jean Tallic et Hervé son fils, paludiers des salines du chancelier ; pour le paludier de Prières et deux paludiers de la chapellenie de Saint-Ronan. Leur rémunération est le quart du paludier qui désigne la part qu’ils reçoivent de la récolte. Ils ont à répondre de leur production et le cas échéant peuvent être appelés en justice pour en attester, ainsi dans l’affaire qui oppose les officiers royaux à Tristan de Carné, onze paludiers sont-ils convoqués devant la chambre des comptes. Le conduit, le serrage et le gardaige n’entrent pas dans le contrat et font l’objet de paiements à part. En cas de fortune des eaux ou de vymer, en l’absence de faute imputable au paludier, les frais de réfection incombent au foncier : ainsi, le 18 juin 1548, la chambre des comptes pourvoit-elle aux réparations nécessaires aux salines royales. Si l’expression de colon partiaire se rencontre au xviie siècle pour désigner le statut des paludiers, J.-L. Sarrazin souligne que la part qui revient au paludier ne s’apparente pas à celle laissée au vigneron dans par un contrat de complant. Le paludier n’est pas un tenancier puisqu’il n’a aucun droit sur les œillets qu’il met en valeur. Le quart qu’il reçoit représente « en quelque sorte le salaire de sa sueur63 ».
68Si les paludiers sont des travailleurs hautement spécialisés, ils ne sont pas des mono-cultivateurs, mais des paysans « pluri-actifs ». En juillet 1518, Julien Thébaud est dit laboureur et paludier ; en décembre 1541, Pierre Anezo du village de Tréven à Piriac est paluyer et labeureur et il prend des vignes à complant64.
69L’affermage des œillets de salines est pratiqué. Au début du xve siècle, Hervé Sarzau prend à ferme 10 œillets de Pierre Coterel, le contrat est dénoncé par Pierre de Lhospital contre le versement de 40 écus. Ce mode d’exploitation a les faveurs des établissements religieux : d’Auray en 1464 ; de Prières en 1504 ; de Blanche-Couronne en 1523. Il n’est pas inconnu des seigneurs locaux, ainsi le 13 août 1474 pour les marais possédés par Rio du Dreseuc et Jean Le Guiriec, voire des chapellenies, comme pour celles de Saint-Nicolas ou de Saint-Sébastien le 9 janvier 1533, sans oublier celles du Domaine en 1523. Les fermiers sont des marchands locaux ou des hommes engagés dans le mouvement commercial : Jean Gaultier le 8 août 1460 ; Pierre Dagorne et Clément Galet, ce dernier des parties de Guerrande, le 28 février 1464 ; Jean Gastinel le 12 avril 1523 ; Regnault Codz, prêtre, et Philippe Geffroy, bourgeois et marchand du Croisic, le 18 août 1523. Des marchands extérieurs au pays guérandais peuvent être associés : Pierre Dagorne est de Saint-Goustan près d’Auray. Ces fermes semblent être prises pour une durée de six, voire neuf ans. Des valeurs sont mentionnées : le 28 février 1464 157 L 10 s par année pour les salines des religieux d’Auray, puis le 18 août 1523 100 écus la première année et un muid de sel, puis 120 écus pour les 5 années suivantes et un muid. Certaines valeurs sont mises en relation avec une quantité d’œillets : le 13 août 1474 11 L pour 7 œillets ; le 21 octobre 1526 les 299 œillets du Domaine sont estimés porteurs d’un revenu de 300 L, préalablement Jean Gastinel les avait affermés 745 L pour 3 ans ; le 9 janvier 1533 5 œillets à Mesquer pour 5 L 5 s pour 4 ans. Dans l’estimation de 1548 de la valeur du Domaine, la valeur estimée des salines est de 312 L 10 s, confirmant le chiffre de 1526, si toutefois elle porte sur la même réalité. Des valeurs inférieures à la livre par œillets sont également connues : le 10 mai 1520, la confrérie Saint-Nicolas de Guérande afferme un œillet pour 10 s ; le 5 mai 1532, les dominicains de Guérande prennent à ferme 27 œillets de salines de ceux de Nantes pour 12 L 10 s et 12 années65.
70Quelques déplacements de paludiers guérandais contribuant à mettre en valeur d’autres marais salants sont envisageables. Leur participation à la création de salines à Naples a été évoquée. En 1466, le maître comptable valencien demande à Johan Jofre, breto plafanguer comorant en la civitat de Valencia, d’aller à Saragosse recruter des Bretons afin de drainer et assécher des terrains marécageux napolitains. Huit personnes gagnent Naples le 12 septembre 1466. Les noms de six d’autres d’entre eux sont connus. Le fait que les hommes concernés aient d’abord travaillé à Saragosse incite à les considérer comme des spécialistes du drainage et à les rapprocher des valladiers, c’est-à-dire de manœuvres bretons émigrés en Gascogne pour trouver du travail et engagés dans des travaux hydrauliques66.
71Le vroy Gargantua, chronique anonyme de 1482, rapporte que le roi Arthur et Merlin, désirant saler une grande quantité de cerfs qu’ils ont tués à la chasse, demandent à Gargantua d’aller chercher du sel, ce qu’il fait au pays de Guérande, preuve de la réputation légendaire du produit. En France, on évoque le sel noir plus apprécié pour son bon prix que pour sa qualité opposée au sel blanc du Languedoc, de meilleure qualité, mais plus cher. En 1523, le sel de Picardie est dit n’être si bonne de telle garde que le gros sel lequel se fait en Bretagne. Ce n’est sans doute là qu’un argument de circonstance pour justifier l’obtention d’une diminution de taxe, puisque le sel picard, sel blanc ignigène, a toutes les chances d’être plus pur. Pour les consommateurs de l’Allemagne du Nord dont les sels de mines à fins cristaux fondent facilement, les sels à gros cristaux présentent un avantage évident pour la conservation du poisson et des viandes, d’où le succès des sels de mer. Les Hanséates appellent la baie de Bourgneuf die Baie et Baiensalz le sel qui en provient, cette désignation s’appliquant ensuite à tous les sels de l’Atlantique, à celui de Brouage, voire au sel portugais, les sels ibériques étant jugés d’« un peu meilleure qualité ». Cependant, pour le sel, la quantité disponible est plus importante que la qualité67 !
72Une estimation de la production de sel guérandais peut être faite à partir du montant du prélèvement des dîmes levées par l’évêque de Nantes sur le sel : 232 muids en 1454, 67 à 355 entre 1501 et 1506. Mais nous ignorons la part relative des sels provenant des diverses paroisses soumises à cette levée où le taux est différent. Si on retient les conditions les plus favorables à l’évêque, soit un 1/32e de la production, cela donne des valeurs comprises entre 2 144 et 11 360 muids. Cette estimation ne tient pas compte des productions soumises à d’autres décimateurs, ni des salines exemptes68.
73Quelques rendements sont mentionnés : le 4 août 1434, pour 278 œillets, les salines les unes et les autres en chacun œillets donnent un muy de sel ; le 15 août 1459, 21 œillets rendent 30 muids 2 moets ; pour 1478, 2 œillets, 2 muids et demi ; en 1513, 8 œillets, 19 muids ; en août 1533, 33 œillets, 32 muids ; le 9 décembre 1533, 20 œillets, 17 muids et 13 autres œillets, 15 muids69.
74Sur cette production, outre les frais engagés pour la construction, l’entretien, l’exploitation – quart du paludier, conduit, et le cas échéant stockage et entretien – pèse encore la dîme. Le 26 décembre 1332, il est précisé que l’évêque ne peut sceller les mesures que pour la dîme levée pour soi et ses devoés – et non pour le chapitre – et ceux à qui la dîme est due doivent aller la querre et prendre sur les lieux, sinon ils ont tant seulement selon le pris que le sel aura restée vendue et non plus. En cela, s’applique la règle fixée par le droit canon qui interdit à l’exploitant d’enlever sa récolte avant d’avoir avisé le décimateur, mais passé le délai de 24 heures, il peut rentrer sa récolte à condition de laisser sur place la quantité nécessaire correspondant à la dîme. L’estimation se fait par le décimable, ce qui ouvre la porte aux fraudes. Les exemptions peuvent être également l’objet de contestations comme il apparaît dans une enquête de 1417, et encore le 8 juillet 1517 où une enquête est diligentée à propos de cette forme ancienne du département des saulx afin de faire respecter la manière acoustumé70.
75Le prix marchand du sel est difficile à appréhender. Le compte de Jubin Regnaud tenu d’octobre 1384 à janvier 1386 donne une série de chiffres. Ils sont variables de mois en mois, se situant entre 13 s et 40 s le muid. Les prix les plus bas sont en août septembre 13-15 s, puis ils augmentent en octobre novembre 16-17 s, la montée se poursuit en hiver 18-24 s. Le point culminant est atteint en février plus de 25 s. Puis à l’approche de l’été, la volonté de dégager les aires de stockage doit peser sur les prix, avant que la production suivante ne permette une offre nouvelle. Cependant, les prix présentent des variations au cours d’un même mois. L’éloignement des salines des lieux de chargement à une incidence, de même que la qualité de l’acheteur : les étrangers paient plus cher que les Guérandais : ils déboursent en mars avril de 20 à 40 s et presque toujours plus de 30 s, alors que les Guérandais déclarent des valeurs de 20 à 30 s et presque toujours plus de 25 s. La qualité du vendeur doit également jouer : est-il à même de stocker, ne doit-il pas au plus vite disposer d’argent frais ? Si l’on compare les prix du sel pour des mois correspondants, c’est-à-dire novembre et décembre 1384 et 1385 pour les sorties par les gens de hors, et octobre à janvier pour ceux du terrouer, les prix sont plus élevés en 1384 qu’en 1385, signe que la récolte de 1385 est meilleure71.
76Ensuite les mentions sont éparses : un fragment de compte d’avril 1413 à septembre 1413 mentionne 30 s et 15 s ; avant le 2 mai 1456, 9 muids de sel sont vendus 10 L ; le 10 mai 1458, 9 muids des récoltes de 1456 et 1457 ont pour valeur de vente et apreciement 40 s le muid, alors que le sel de la récolte de 1458 est livré au prix 35 s dont il faut rabattre le conduict et menage, soit 4 s 2 d par muid ; en 1478, 32 s 6 d le muid – le conduit 2 s 6 d par muid est à la charge du vendeur –, le 10 février 1497, Jean d’Espinay vend 150 muids de sel pour 234 L 3 s 1 d, soit 31 s 2 d le muid72.
77Une valeur du prix du sel guérandais par rapport à d’autres denrées est donnée pour la fin du règne de François II, lorsque des licences sont accordées afin d’échanger du sel contre du vin d’Anjou : en février mars 1488, la valeur d’échange est d’une pipe de vin pour 5 muids de sel. Ce muid est nantais, sa capacité est grossièrement celle du tonneau. La valeur est au profit du vin d’amont dans un rapport de 1 à 10 à Nantes ; en ce lieu, le prix du sel enregistre le coût d’opérations de vente et de transport et donc il est plus élevé que sur le marais73.
78Le revenu global de l’exploitation apparaît dans un minu du 15 août 1459, concernant 21 œillets et une vente de plus de 30 muids : il comptabilise 27 L 7 s 6 d demouré à cler, soit 26 s par œillet. Des valeurs comparables se retrouvent en 1478-1479, soit 25 s et 22 s 10 d, ainsi qu’en 1494, soit 25 s. Les éléments constitutifs du bilan comptable apparaissent dans le compte de fabrique de Batz commencé le 20 mars 1478 : pour 2 œillets, pour la production de 2 muids et demi, au prix de 32 s 6 d par muid, il est fait état d’un revenu brut de 76 s 6 d duquel il convient de déduire 2 s 6 d par muid pour le conduit, 20 d de mises et réparation, 17 s 2 d pour le paludier, et 1 s de rente due à la seigneurie de Campsillon. Le revenu net est de 25 s 7 d ob par œillet, soit les deux tiers du prix de vente. Pour un autre œillet, la levée quitte de mise est notée 22 s 10 d74.
79Le compte de tutelle et de curatelle de Tristan Le Pennec, pour la période de mi-août 1516 à mi 1528, porte sur le revenu de 640 œillets répartis en 28 salines. Quicte de quart et de conduict, sauff à demander raison des mises et reparacions pour chaque saline, il s’élève pour 12 ans à 4 219 L 14 s, soit un rapport par an estimé à plus de 351 L et un rapport moyen par œillet et par an de 10 s 11 d. Pour les reparacions, les contrôleurs acceptent d’enregistrer 368 L 2 s 2 d soit un peu plus de 11 d par œillet et par an. Reste un revenu net de 3 851 L 11 s 10 d, soit 10 s par œillet et par an. Cette valeur moyenne n’est indicative parce que la valeur par œillet et par an est variable selon les salines. Elle est comprise entre 8 s 4 d et 14 s : 51 œillets rapportent entre 8 s et 8 s 11 d ; 119 entre 9 et 9 s 11 d ; 103 entre 10 s et 10 s 11 d ; 159 entre 11 s et 11 s 11 d ; 77 entre 12 s et 12 s 11 d ; 131, 13 s et plus. Ces valeurs sont inférieures à celles précédemment citées relatives au xve siècle, et à celles de fermes passées à la même période. Une évolution défavorable peut être envisagée. La fiscalité, après les années 1540, est accusée en raison de mesures prises depuis vingt ans d’avoir fait baisser les revenus que tel aiant 500 L esdits maraiz n’a aujourd’hui que 150 L, alors que les clients étrangers gagnent d’autres destinations. Certes, le document a un caractère polémique, cependant, le 27 mai 1553, devant la chambre des comptes, le receveur ducal de Guérande indique qu’une grande partie des salines est en frost et ruyne, faute d’entretien de la part des propriétaires, ce qui semble confirmer des difficultés75.
La pêche
80Des pêcheries sont signalées en Brière, le marais salant pratique le poissonnage (pêche périodique pratiquée dans les vasières), et le pays guérandais dipose d’étangs et de viviers. La pêche est pratiquée sur la côte ou dans des cours d’eau à partir d’écluses : à Clis, dans les seigneuries de Saint-Nazaire et de Marsaint où sont mentionnés des borgnes, sortes de nasse que l’on met à l’extrémité des parcs ouverts. La pêche maritime demeure une activité saisonnière, de complément et sans doute secondaire. Si on accepte le récit de Jean Glévian, selon lequel il embarque avec d’autres pescheurs le lundi matin et reste en mer une semaine, force est d’admettre que le poisson pêché est salé. Le fait qu’après la messe les marins se réunissent à la taverne disgner et faire quelques comptes montre un système proche du partage des parts76.
81Des droits seigneuriaux portent sur cette activité. Le seigneur de Campsillon peut pour son usage bénéficier de chaque pêcheur, sujet de la seigneurie, venant vendre au port de Piriac, de prix inférieurs d’un tiers de ceux du marché, et sur les autres pêcheurs d’un prix préférenciel. La vente publique ne peut intervenir avant que le seigneur n’ait, s’il le désire, acheté. Toute vente est interdite entre soleil couchant et levant. Si des bateaux abordent avant le soleil couchant à une heure où ils ne peuvent vendre sur place, ils vont vendre ailleurs qu’avec l’accord du seigneur, après avoir attendu une marée, que le seigneur soit pourvu. En cas de non respect, l’amende est de 60 s 1 d. Le seigneur de Saint-Nazaire dispose d’un droit appelé branchaige et estallaige, levé sur ceux qui vendent du poisson à Saint-Nazaire, qui s’élève au 14e poisson ou au 24e denier au choix du seigneur. Le seigneur de Campsillon se réserve encore les morhoz pêchés par ses sujets, la tête, l’échine et la coue jusques au numbril ; celui de Saint-Nazaire a le droit de jouir de touz et chacun les gros poyssons trouvés entre Pierre-Percée et l’étier de Montoir. Certains poissons sont destinés au prince : la mention dans le registre de la chancellerie le 15 janvier 1513 d’une baleanne avenu pres Le Croisic, s’accompagne en marge de la mention le roy77.
82La vente du poisson frais se fait dans les ports. Il est rappelé le 5 octobre 1420 que le poisson doit être exposé sur des estaux afin que sans regrat les consommateurs puissent en acheter ; puis les poissonniers et les colporteurs s’approvisionnent pour en assurer la distribution. Des poissons parés et salés font l’objet de ventes78.
L’économie urbaine
Les activités urbaines
83Dans la ville close de Guérande et au Croisic, le secteur primaire est présent comme en témoignent les mentions de jardins, courtils ou pourpris. Dans les faubourgs, l’espace rural prend plus d’ampleur, aux jardins lanièrés s’ajoutent des champs et des prés entre les faubourgs. Sans doute faut-il envisager des productions largement tournées vers l’auto-subsistance, d’où l’élevage n’est pas absent ; seuls les surplus sont commercialisés.
84Les activités secondaires n’ont pas laissé de nom qui désigne une rue, mais au Croisic, le village d’Olonne, aujourd’hui disparu, est peut-être à mettre en rapport avec une production textile, ainsi que la rue des Cordiers, métier illustré par des mentions de cordiers79.
85À l’époque de Jean IV, Guérande est le siège d’un atelier monétaire. En octobre 1476, est mentionné l’orfèvre Jean Cadoret. Un doridier, Pierre Le Long entre à la confrérie Saint-Nicolas en 1484, un autre Jean Thomas habite Grand Rue au Croisic80.
86Les professions du cuir sont représentées par Geffroy Le Begel, corduanier, cité en 1417 et par Jean Bertran corveisier (savetier ou cordonnier) en octobre 1473. En novembre 1478, un sellier, Olivier Jouhan, installé rue de Saillé, doit pour une maison, un petit jardin et un appentis couvert de pierre, 72 s de rente, ce qui révèle un niveau d’aisance. Un autre sellier, Jean Veron prend à ferme des granges à dîmes de l’évêque. Il faut ajouter un mareschal, Jean Le Pyer, nommé en novembre 1506, et un peletier, Jean Gareau, cité en mai 1511. Le secteur textile est représenté. Si on ignore l’origine des 24 aulnes de quenevaz achetés en Guérande pour faire toailles et davantaux pour les cuysiniers mentionnés dans un compte en 1386, on connaît des texiers (tisserands) exerçant dans les faubourgs de Guérande ; quant à Jean Morice, il est cousturier en 1506. En 1488, pour le beguin de François II, Pierre Fontenay est envoyé à Guérande afin de se procurer des pièces de draps ; Guérande, comme Nantes et Vannes également citées, est un centre de ravitaillement reconnu. Le drapier Jean Stuhart est mentionné dans le rentier de Tréambert en août 1459. Le travail du métal est illustré en 1508 par un coutelier, Pierre Favier ; mais aussi par des pintiers, Jean Hamon (1481), Guillaume Blanchet (1514) et Jean Le Febvre (1538). Au Croisic, sont mentionnés également des texiers et des cordonniers81.
87À Guérande, le compte d’Antoine Sorel pour la période 1500-1506 fournit une liste de noms et de corps de métiers : des couvreurs, Guillaume Calo, Vincent Jouan, Pierre Chesnays et ses varlets, Jean Drean ; des menuisiers, Alain Gaultier et Pierre Quiban, Guillaume Cazdre, Alain Le Petit et Jean Fourbillon, Tanguy Charles et ses serviteurs ; des maçons, Éonnet Le Moël, Éon Aureal et Guingant ; des chaussuniers et terraseurs ; des serruriers, Jean Herpe et Guillaume Desboais. Les travaux sur la cohue ou sur le manoir épiscopal ne sont pas réservés à certains artisans : ces derniers sont mis en concurrence par le jeu des adjudications. Ces artisans forment un noyau d’intervenants permanents. La présence des marques de tâcherons surtout sur la porte Saint-Michel pourrait être le signe du recours à une main d’œuvre spécialisée non guérandaise82.
88Le Croisic présente la même diversité vers 1500-1515, avec des charpentiers, Jean Pilet et Jean Nicolas ; couvreurs, Éonnet Callo ; menuisiers, Thomas Charles qui intervient également à Guérande ; maçons, Yves Le Gaudron qui travaille aux quais et à Notre-Dame-de-Pitié, Guyon Alannyon, Charles Gruault ; et en 1515-1516, Hervé Pezdron, Bonabès Gambert ; perrieurs, Yves Gendronneau ; claveuriers, Jean Kerdeno et Simon Lestourneau. Quant à Pierre André, il rappelle le 29 février 1500 avoir fait deux vitres pour une fenestre croizee à mectre à Lesnerac, et en mars 1494 il est donné comme vitrier83.
89La spécificité du Croisic apparaît avec la construction navale. En 1478, 4 mâts de navires et 5 grandes boullinges sont employés pour un échafaudage nécessaire à une intervention à l’église Saint-Guénolé de Batz. Le chantier naval croisicais attire des étrangers : en 1512, W. Van der Gheest, marchand bourgeois d’Anvers, désigne Aernt Symoens pour réceptionner un navire qu’il a, avec Jan Bottyn, fait construire au Croisic. Tous les navires utilisés par les Croisicais ne sont pas construits sur place : le 11 décembre 1511, une action en justice est menée à Quimperlé par Thomas Mocer et Yvon Hamon, marchands et mariniers du Croisic, contre Martin Meligain, faiseur de navires, touchant la faczon d’un navire84.
90Des activités secondaires apparaissent également dans les bourgs : à Saint-Nazaire en novembre 1533, Guillaume Vincent est dit délaissant son métier de cordouerie ; à Mesquer en 1480 figure Pezdron Le Coente et en décembre 1511 Henri Le Bocennec tous deux marechaux ; à Escoublac en octobre 1476 Éon Le Corre est taillandier et Jean Haspo, charpentier ; à Saint-André-des-Eaux : en mars 1417, Abraham Cariou est charpentier et en avril 1461 Jean Le Soudaier et Jean Le Piraud, forgerons ; à Piriac, après juin 1523, Guillaume Gohory est pintier ; à Batz, des charpentiers, couvreur, menuisier, maçons, forgeron, et peintres de vitres travaillent à l’église Saint-Guénolé en 1478-147985.
91Un artisanat rural existe avec l’exploitation de perrières, comme celles situées près du Croisic, à Kervenel ; près du manoir du Boisjollan à Saint-Nazaire où l’on extrait de la pierre de maczonnage ; à Melon et proche de la chapelle de Saint-Sébastien à Piriac où sur une superficie de 10 journaux, personne ne peult tirer pierre sans le congé dudit seigneur de Campsillon ; et encore à Kerhué, et Portmarzen en Guérande. La poterie est signalée : en 1400, Jean Hoguar est potier à Saint-André-des Eaux ; le sr de Quilfistre dispose d’un droit sur chaque potier vendant potz de terre au bout de la chaussée de Bréca à Saint-Lyphard. Au-delà du pays guérandais, un aveu du 10 mai 1547 fait état d’un four à potz, dans la frairie de Landieule en Herbignac, site où l’activité potière est attestée sur le long terme86.
92Les professions alimentaires sont présentes. D’abord les bouchers. En 1411, une maison du faubourg Saint-Michel à Guérande a été habitée par des bouchers : Jean Cramezel, puis Pierre Le Boucher dont la veuve épouse Jean Joaye, un autre boucher. Jean Cramezel a été en procès avec des gens du Vannetais à propos de bêtes d’aumaille qu’il leur avait achetées ; il a été sergent de l’évêque, et tailleur et esgailleur du fouage ce qui suppose un certain répondant. Une enquête de 1417 évoque une affaire de viande infecte qui est donnée aux chiens et dans laquelle est impliqué un autre boucher, Barribel. Traditionnellement, il est souligné l’aisance de cette profession : Jean Ricard et son épouse rendent aveu, le 20 juin 1431, de ce qu’il tiennent, rue de Saillé, du sr de Lesnérac, soit 2 maisons et une masière, disposant d’un courtil, acquisitions du couple, sauf une autre maison achetée lors du premier mariage de son épouse ; Jean Poternio est en possession avant 1452, de 27 oeillets de salines ; Jean Le Bihan déclare, le 8 avril 1468, 19 planches de vignes. La coutume du « saut des poissonniers » rappelle l’existence de cette très active profession dans les villes médiévales. Une enquête de 1417 à Guérande rapporte des fraudes sur le pain, la présence de boulangers étant illustrée par Jean Le Rousseau qui dispose le 6 mai 1438, d’un herbregement, courtil, masière et pourpris, rue du faubourg de Saillé. Un pasticier de Guérande employé pour faire pasticeries, tortes et mestiers apparaît en avril 1506 ; et en 1516, le pastoier Armel Rouxeau entre à la confrérie Saint-Nicolas. Des marchands de vin au détail sont connus : au début du xve siècle, Perrot Petesson occupe une maison du faubourg Saint-Michel ; Guillaume Jarno vend du vin à la foire de Saint-Michel. Une lettre de rémission en septembre 1525 évoque la maison de la Grande Pintiere et la taverne que tient Guyonne Greslon au faubourg Bizienne87.
93Ces différents types de commerce se retrouvent au Croisic. En 1478-1479, Jean Gledel fournit des chevilles, des clous, des orfrais – passementerie d’or et d’argent – qu’il fait venir de Rennes, du bongrain, du fil et une livre d’encens destinée à la fabrique de Saint-Guénolé de Batz ; en 1500, Pierre du Bray, 50 grands clous de carvelle et 4 pioches de fer. Des merciers (marchand importateur ou exportateur) sont mentionnés : Olivier Jumel en septembre 1511 ; Jean Rygaud et Jean Pychot en 1529. L’inévitable présence des taverniers est rappelée par une ordonnance de police du 14 décembre 1478 dénonçant les possibles fraudes : certains ne mettent ni brandon ne enseigne, d’autres ne respectent pas la mesure raisonnable ; d’autres encore se font payer le vin avec des vituailles pour ne pas en déclarer la vente ; certains déclarent vendre en gros du vin vendu au détail ; d’autres mettent en perce une pipe qui est merchee mais servent du vin provenant d’autres fûts non merchés, soit qu’ils remplissent la pipe en perce, soit qu’ils soutirent d’une autre pipe le vin par un petit faulcet ; d’autres encore s’opposent au contrôle des celliers. Cette ordonnance révèle un cadre réglementaire, un contexte de contrôle que l’on devine tatillon, et une véritable culture de la fraude. Ces commerces sont aussi présents dans les bourgs avec par exemple Jean Mahé en 1476 est boucher à Escoublac, un autre boucher Rolland Benes en 1506 à Piriac et un tavernier, Briard, au Pouliguen en 153488.
94Toute une activité de transport apparaît avec l’acheminement des céréales ou du vin des dîmes vers le manoir épiscopal, ou d’une huge apportée de Nantes pour la confrérie Saint-Nicolas puis transportée de Saillé à Guérande. Au Croisic, la mention de Jean Picard, passagier, rappelle que liaison avec Guérande peut être assurée par voie d’eau. Le compte de la fabrique de Batz pour 1478-1479 enregistre un transport d’ardoises assuré par Symon, Pezdron et Jacob Jouhanno, peut-être une entreprise familiale89.
95Les halles de Guérande comportent des étaux. Un marché hebdomadaire, attesté des 1332, se tient le samedi. C’est un moment important de la vie de la ville avec la venue des ruraux du plat pays, et un des articles du règlement de police du 23 février 1418 lui est consacré. Des estaux sont signalés au Croisic où un marché est créé à la fin du xve siècle90.
96Tout un petit monde de serviteurs, de servantes ou chambrières se devine et se trouve employé par des personnes de diverses catégories sociales : marchand, chapelain, nobles, René de Beauboys est serviteur du sr de Baulac, mais également « coq de village », Blanche Le Rigolaine vient à Guérande avec sa chambrière91.
97Guérande possède deux hôpitaux et une léproserie rurale ce qui situe la ville au niveau d’Auray, Brest, Châteaubriant, Clisson, Josselin, Lamballe, Morlaix, Ploërmel, Pontivy, Saint-Pol, Vitré et Saint-Brieuc. Le Croisic ne compte qu’un hôpital. Des barbiers sont installés, à Guérande : en octobre 1476 Jean Gicqueau rue Saint-Michel ; en juillet 1479 Guillaume Le Baron ; en octobre 1495 Jean Lesnoux ; mais aussi au Croisic, Jean Guillet en juin 1460 et Mahé Le Gentil en mars 1480. À Guérande, un appoticaire Jean Boschier est mentionné en décembre 1492. L’existence d’un médecin est attestée en juin 1515 : Jean du Pommier, originaire de Normandie, se marie avec Françoise Lesenet fille d’un notaire guérandais et héritière des biens familiaux ; il réside dans la ville close de Guérande dans une maison appartenant à Marguerite Le Comte, châtelaine de Careil, dont il emprunte un jour un cheval pour aller au Croisic à la demande d’un homme detenu de greffve maladie, ceci semble signifier l’absence de médecin au Croisic. Guérande, seule, dispose de cette fonction tertiaire à l’intérieur du terrouer. En dehors de Guérande et du Croisic, un hôpital est mentionné à Batz et des barbiers à Piriac et Saint-André-des-Eaux92.
98La fonction d’enseignement à Guérande, outre la psallette, doit être représentée par une « petite école », à l’image de toutes les paroisses urbaines. Au xve siècle, le studium du couvent dominicain complète le dispositif avec un lecteur attesté dès 1439 ; les lecteurs ne sont pas d’ordinaire des gradués, ils ont suivi les cours des écoles de l’ordre et peuvent passer parfois la licence en exerçant93.
99L’analyse économique conduit à distinguer entre Le Croisic et Guérande. Le Croisic est une ville marchande, et Guérande une ville administrative. Symboliquement en 1491, c’est à la demande du Croisic que les privilèges économiques du terrouer de Guérande sont renouvelés. Face à la montée du Croisic à la fin du xve siècle Guérande, s’attache à défendre son rôle de chef lieu administratif avec l’appui des autorités, comme nous l’avons vu dans l’affaire de la prévôté au Croisic, en 1493.
Les foires et les liaisons terrestres
100Guérande est le siège de trois foires « simples » : Saint-Pierre (29 juin), Saint-Michel (29 septembre), Saint-Lucas (18 octobre). Une enquête de 1417 apporte quelques informations sur la foire Saint-Michel. Les bannies en sont communes entre les représentants du duc et ceux de l’évêque. Un coutumier commun ainsi que les sergents de l’évêque et du duc ajustent et contrôlent les aulnes et les mesures à vin, dont l’étalon est en cuivre. Il en coûte 5 d aux marchands pour étalonner leurs verges à drap larges et linges. Le debat intervenu entre des marchands des parties de Caone et de Revaid, et celui entre des marchands des parties de Malestroit et un de Nantes donnent une idée du rayonnement de cette foire. La foire Saint-Lucas est située es forbourg devant le cymetiere de l’eglise de monsr Sainct-Michel. Guérande possède encore une foire franche. Pendant la durée de celle-ci, les vendeurs et acheteurs échappent totalement ou partiellement aux impositions habituelles : il s’agit du « summum » réservé à quelques villes : Auray, Blain, Le Gâvre, Hédé, Quimperlé, Nantes (dès 1407), Dinan (2 à partir de 1510) ; la durée de la foire étant un autre critère de distinction, elle dure 17 jours à Dinan et 15 à Nantes. Cette foire franche se tient au faubourg Bizienne devant l’église des dominicains, celle de la Trinité et dans la rue du faubourg pendant 3 jours, la veille, le jour et le lendemain de la Saint-Yves (18, 19, 20 mai) ou trois jours consécutifs si la Saint-Yves tombe un dimanche ou encore le jour d’une fête solennelle. Lors de cette foire, les religieux perçoivent un droit. Cette foire a été créée en 1437, par Jean V à qui il convient d’attribuer aussi la création de la foire Saint-Pierre et Saint-Paul qui se tient à Bizienne94.
101Au Croisic, les foires Sainte-Madeleine (22 juillet) et Saint-Michel (29 septembre) ont été créées le 5 octobre 1420 par Jean V. À Escoublac existent 4 foires, le lundi après l’Assomption, à la Saint-Georges (23 avril), Saint-Martin d’hiver (11 novembre) et Saint-Servais (13 mai), deux sont des créations du xve siècle. On connaît une foire à Merquel à la Nativité Notre-Dame (8 septembre), ainsi qu’à Saillé le 1er août, et encore une à Saint-Lyphard. À Saint-Nazaire, à la foire Sainte-Marguerite (20 juillet) s’ajoutent trois foires et un marché hebdomadaire dont Charles de Coesmes obtient la création en août 1539. Au total, on dénombre 14 foires avant 1539 dont six ont été créées au xve siècle. Elles mettent en évidence la présence ancienne des prieurés – Saillé, Merquel, Saint-Nazaire –, l’importance des seigneurs et des chefs-lieux des seigneuries – Escoublac et Saint-Nazaire – et la présence des villes – Guérande et Le Croisic –, c’est-à-dire les lieux de peuplement et les voies de communication. Le nombre de foires par lieu ne traduit pas une hiérarchie entre ces lieux. Les créations, au moins celles intervenues dans la première moitié du xve siècle, ne répondent pas à une expansion du mouvement commercial, mais à une volonté d’animer les échanges en une période difficile. Le calendrier couvre une partie de l’année contribuant à organiser le temps et l’espace. Une première série de foires s’échelonne de la fin avril à la fin juin, suivie par une autre à la fin juillet et durant la première partie du mois août, avant qu’une nouvelle vague de manifestations se tienne de la fin septembre jusqu’au mois de novembre. Le rythme est classique, il respecte le calendrier agricole, l’époque des foins et des moissons, puis celle des autres récoltes95.
102Les sels sont l’objet d’un commerce terrestre. On utilise communement des charrettes chargées d’un demi muid et, si l’on accepte les chiffres énoncés en 1459 dans les plaintes exprimées par l’évêque, ce seraient plus de 3 000 à 4 000 charrettes qui auraient un temps fréquenté le pays guérandais, emportant de 1 500 à 2 000 muids, ce qui est sans doute exagéré. L’évêque affirmant encore que la coutume ne rapporte plus que 20 ou 30 L ce seraient 600 à 900 charrettes, soit 300 à 450 muids qui seraient expédiés à partir du terrouer96.
103Des routes du sel se dessinent. Le 4 octobre 1420, Jeanne dame de Rochefort et de Rieux reconnaît que le duc l’a autorisée pour la reparacion des châteaux de Ranrouët et Lorieuc à lever des taxes sur le vin et le sel – 2 s par charretée. Ces routes se prolongent vers le Vannetais : le 23 mai 1426, une franchise accordée au monastère de Prières évoque le sel mené par terre au monastere. Le rentier de Vannes de 1455-1458 mentionne des devoirs pesant sur des charges de sel apportées par cheval, mule ou charrettes tirées par un cheval ou un boeuf. Le passage de la Vilaine se fait à Tréhiguer, à la Roche-Bernard, à Vieille-Roche, bientôt au port des Gerbes entre Péaule et Nivillac. Le passage de l’Isle n’apparaît qu’aux environs de 1406, mais son utilisation par mauvais temps paraît délicate. D’autres passages se font encore par Guedas, Rieux et Redon. Les routes existent également vers le pays nantais. Des droits de rouages, 2 d par pipe de vin, sont levés dans les seigneuries d’Escoublac et de Saint-Nazaire, et le 12 septembre 1431, une sentence du sénéchal de Guérande tranche dans une querelle entre ceux du Gâvre et les fermiers des devoirs de Guérande qui avaient fait saisir bœufs et charrettes. La Loire peut être franchie à Saint-Nazaire97.
104À la demande du roi Louis XI, qui se plaint de la contrebande sur le sel alimentée par des sels acheminés par terre venant de Bretagne, le duc le 21 juin 1479 rappelle que la sortie du sel n’est autorisée du comté de Nantes que par mer ou par la Loire. Mais dès le 24 novembre 1480 à la demande des fermiers de la prévôté de Nantes qui tiennent la recette ordinaire de Guérande, la traicte des saulx par terre hors de Bretagne, par marchands forains et estrangers, est autorisée à condition que ceux qui s’y livrent baillent caution et certificat des grenetiers et officiers du roi. Il n’y a pas de trace directe que des Guérandais fassent passer des sels en contrebande vers la France. Cependant, une affaire connue par une lettre de rémission du 26 décembre 1506 nous met en présence, à Saint-Julien-de-Vouvantes, de Julien Gannes qui est en relation avec le châtelain de Varades Jacques Danyan ; J. Gannes, après avoir été apostrophé d’un « voyez si l’un des saulnier de Guérande, c’est notre homme », est « passé à tabac », une telle affaire pourrait se rapporter à des dénonciations d’actes de contrebande98.
Les relations maritimes
105L’étude des relations maritimes du pays guérandais bénéficie d’une source exceptionnelle avec le minu des imposicions et gabelles des entrees et yssues dou sel, de blez, de vins et d’autres denrees es paroisse de Baz et de Guerrande tenu par le receveur ducal Jubin Regnaud concernant les gens de hors entre le 15 novembre 1384 et le 26 janvier 1386, et ceux du terrouer de Guerrande du 31 octobre 1384 au 26 janvier 1386. À cela s’ajoute une documentation provenant d’extraits de comptes ou de contrats pour des ports bretons, français ou anglais, et encore des données de la fiscalité, des mandements de la chancellerie, des lettres de rémission, des comptes rendus d’enquête.
Les moyens : les ports, les navires, l’organisation du commerce
106La documentation met l’accent au début du xive siècle sur Guérande. Les navires fréquentant Bordeaux et Libourne entre 1306 et 1309 sont déclarés de Guérande, un seul est dit du Croisic. Cependant, l’analyse des noms des maîtres de navires pour 1308-1309 fait apparaître des familles que l’on sait ensuite être présentes au Croisic. Sur les 22 noms de familles citées, 7 pourraient être croisicais. Quant aux noms de Henri Le Botel, Nicolas le Botot (Le Botec ?) et de Daniel Le Pennec, ils renvoient à des familles implantées au bourg de Batz. Geffroy Malvezin est à rapprocher de Bernard Mauvoisin, et Guillaume Berton de Jean Berton de l’ille de Batz qui le 1er juin 1386 passe contrat pour employer la barge ducale. Ainsi, dès le début du xive siècle, Le Croisic est-il un port d’armement. Au cours du xive siècle, la documentation indique des navires de Guérande, nom qui figure encore dans l’ordonnance organisant le convoi. Le compte de Jubin Regnaud pour 1384-1386 ne cite aucun lieu d’embarquement hormis Saillé, mais l’étude des noms révèle une forte présence de familles recensées dans le dial de 1452 à Batz-Pelemer et dont les descendants résident au Croisic. Sur les 109 noms de maîtres de navires enregistrés, au moins 35, soit un tiers, renvoient à des noms de familles installées à la fin du xve siècle au Croisic. Dans le compte tenu par Pierre de Lesnérac en 1386, il est cité Le Croisic, le port de la Garenne, le passage d’un bateau chargé de ravitaillement jusqu’à Baz (c’est-à-dire Le Croisic) où l’on avitaille des navires et Saillé ; parmi les compagnons embarqués sur un baleinier, on relève un bon quart de noms croisicais99.
107Au xve siècle, les documents concernant la vie maritime continuent d’évoquer Guérande. En juillet 1407, une armée de Guarrande est mentionnée, mais en décembre 1406, c’est Robert Sorin, capitaine de Batz, qui reçoit mandement de prendre navires et mariniers pour qu’il jugera certaine armee ordonnee estre levee ; c’est encore à lui qu’il est ordonné le 22 mai 1407 de se saisir des Anglais pris par les Guerrandois, alors qu’en mars 1407, il est fait allusion à Jean Jouan, Hervé et Jean Le Bosec et Jean Colven de l’isle de Batz, et que le 21 mai 1407, sont délivrées deux lettres de seürté et sauvegarde concernant 63 prisonniers anglais de Jean Bouchart, Pierre Groy, Guillo Le Capitaine, Jean Colven et Pierre Le Conte et plusieurs autres, alors qu’Olivier Le Gruyer doit payer rançon aux Anglais. Beaucoup de ces noms correspondent à des familles croisicaises100.
108L’examen des actes des notaires bordelais concernant le commerce roulier des navires du pays guérandais révèle une réalité complexe : entre 1468 et 1499, on relève sept mentions de navires dits de Guérande et quatre du Croisic ; deux armateurs sont dits de Guérande et un du Croisic ; une fois la destination notée est Guérande et six fois Le Croisic101.
109Dans Le grant routtier et pillotage et enseignement pour encrer tant es ports, havres, que aultres lieux de la mer…, sans doute rédigé en 1483, Pierre Garcie Ferrande cite Le Croisic comme un port à l’image de ceux de Concarneau, Brest, Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Olonne, La Rochelle, Brouage et Honfleur. Le Croisic est réputé pour ses pilotes à qui l’auteur assure avoir demandé avis et conseil, mais ensuite, il ne parle que du port de Guérande. Pour ce marin, les hommes de la mer sont bien des Croisicais ; ceci est confirmé par les actes de la pratique : le 30 mars 1462, sont notés les navires d’armee du Croesic ; le 29 mars 1488, plusieurs demourans du Croisic participent à l’armee de mer qui doit intervenir aux frontières du Poitou. Cette réalité humaine, associée aux travaux qui améliorent les capacités portuaires du Croisic au cours du xve siècle, explique l’affirmation de ce port : aussi en 1506, à Anvers, Gerande est-elle située empres le Croesick. Cependant, Le Croisic trouve sa place dans l’ensemble portuaire de Guérande102.
110Cet ensemble est formé de plusieurs sites. Le 4 mai 1584, sont mentionnés les havres, chambres et estiers deppendans desdits Croisic, Pouliguen et le Pau. Cette dispersion, qui évoque celle constatée dans la baie de Bourgneuf, peut être précisée. Autour des Traicts de Guérande, du Croisic et de Saillé sont mentionnés le port de la Garenne, près de la garenne du duc, c’est-à-dire le site du Pau (près des buttes du Pô), Le Croisic, Le Pouliguen, le port de Saillé près duquel est un Port-au-Vin. La navigation remonte les étiers : en mai 1540, est cité l’étier qui conduit du port Myrebel à Congor ; en juin 1533, une escaffe chargée de sel se trouve en l’étier au Dodec. Ces étiers jouent un rôle majeur dans l’évacuation du sel et la circulation sur certains d’entre eux donnent lieu à la perception de droits seigneuriaux. Certains étiers disposent d’un équipement sommaire pour permettre le chargement désigné par le mot siege : celui de l’abbé de Prières est indiqué en mai 1535, et en juin 1543 celui de Mebrebes. Les étiers peuvent recevoir des bateaux qui y déchargent des marchandises : ainsi en 1478-1479, de la chaux venue de Penerff d’une embarcation amarrée en l’étier Sterbiec. De ces sites portuaires, les relations vers l’intérieur sont assurées par la terre ferme par le Grand Chemin chartier qui conduit de Guérande au Croisic passant par le pont de Saillé et par le Grand Chemin qui mène de Congor au Croisic ; à marée basse, des passages permettent de franchir le Traict, tel le chemin de Clis au Croisic103.
111D’autres sites portuaires existent : Saint-Nazaire où sont distingués le Trect es Martins, le Grand Treict, proche du four du bourg de Saint-Nazaire, le Treict de l’Ancraeson, proche du bourg et du Prieuré ; Pornichet ; La Turballe, Lérat, Piriac, Kercabellec et au-delà vers Merquer104.
112Au-delà, vers l’ouest, se trouvent Faugaret en Assérac où il est fait mention d’un cail devant l’hospital, les ports de Tréhiguier, Vieille-Roche et La Roche-Bernard en l’estuaire de la Vilaine. À l’est, le pays guérandais se rattache à 17 ports de la basse Loire, petits et grands sur les deux rives du fleuve, auxquels s’ajoutent La Plaine et Pornic plus ouverts sur la mer. Le port de Nantes, au moins du milieu du xvie au milieu du xviiie siècle, n’est pas accessible aux navires d’un tonnage un peu fort, soit 100 tx et plus, souvent beaucoup moins. Les avant-ports jouent un rôle essentiel, comme lieux de déchargement ou de chargement et de transbordement dans des gabarres. Les conditions de navigation dans l’estuaire sont difficiles et le recours à des pilotes est nécessaire : Siméon Nicolas, qui réside à Saint-Nazaire, est dit le 19 novembre 1533 le milleur pilote de la riviere de Loyre recherché par les marchands d’Espagne, d’Angleterre et de Flandre105.
113Les ports du pays guérandais sont avant tout des ports d’échouage, mais des mouillages, des paux, existent. Certains ports bénéficient de travaux et nous avons évoqué ceux concernant Piriac, Le Pouliguen et plus encore Le Croisic.
114Pour le site guérandais, la fonction d’escale est limitée : entre le 15 novembre 1384 et le 26 janvier 1386, seuls neuf navires chargés de vins relâchent à Guérande dont huit en décembre 1384. Au Croisic, au Trait devant le Croisic, des bâtiments peuvent attendre des ordres pour déterminer le port de destination. Le pau de Saint-Nazaire peut accueillir des navires le temps d’attendre la marée pour remonter la Loire ou plus longtemps : avant le 15 mars 1467, deux navires anglais sont au Havre du duc ; dans le contrat d’affrètement du 15 décembre 1481 conclu par un marchand de Valence de la Santa-Maria de Portugalete, portant sur 80 tx de vin de Catalogne et des marchandises d’Alicante, la caravelle doit faire halte à Saint-Nazaire pendant quatre jours afin de prendre des ordres du marchand. La fonction de transit paraît peu, et les possibilités de redistribution des productions provenant de l’hinterland sont limitées. Ces ports assurent avant tout la diffusion des productions locales, surtout le sel pour l’ensemble guérandais, et le vin pour Piriac. Le Croisic, fort de sa flotte, est un port d’armement. Il joue aussi le rôle d’avant-port de Nantes : ainsi en 1386, le compte de Pierre de Lesnérac mentionne des dépenses engagées au Croisic, l’espace de quatre jours, pour rassembler les compaignons et mariniers nécessaires ; en 1431, des marchands italiens et aragonais résidant à Londres affrétent à Guérande une caraque vénitienne chargée de sel, fer et autres marchandises pour Dublin. Enfin, nous avons déjà vu que le mouvement des conceptions peut illustrer le mouvement de ce port qui associe un trafic de cabotage d’octobre à mars à une activité hauturière au printemps et en été. Le Croisic peut être encore un lieu de casernement et d’embarquement de soldats : le 8 janvier 1543, ordre est donné d’aller le long de la ripviere à Sainct Nazaire afin de réunir les navires nécessaires à l’embarquement de 5 000 lansquenets que François Ier envoie dans ce port106.
115Dans le compte de Jubin Regnaud pour 1384-1386 on trouve enregistré des bateaux emportant des cargaisons de 4 muids de sel ; des escaffes de 4 à 20 muids ; des crayers de 15 à 60 muids ; des vessels, chargeant du sel mais également du vin ou du froment, de 18 à 100 muids ; des barges de 50 à 100 muids ; des nefs de 60 à 100 muids107.
116Le fait que 48 noms de maîtres de navires ne soient déclarés qu’une seule fois ne manque pas d’intriguer. Faut-il considérer certains d’entre eux comme engagés dans d’autres activités maritimes – comme la pêche pour les plus petits tonnages et le commerce roulier du vin entre la Gascogne et l’Angleterre pour les plus élevés ? Ou envisager que le même navire soit utilisé par des maîtres différents dont l’activité maritime ne serait qu’épisodique ? D’autre part, pour un même nom de maître de navire, la mention de plusieurs cargaisons de même importance enregistrées à des dates différentes, et en l’absence du nom du navire, renvoie-t-elle toujours à une même embarcation ? En tenant compte de toutes ces réserves, la flotte des gens du terrouer s’établirait à 148 unités, dont 142 n’emportent que du sel entre le 31 octobre 1384 et le 26 janvier 1386. En ne tenant compte que des cargaisons de sel, la capacité totale de la flotte guérandaise serait de 3219 muids. Elle se répartit ainsi, cargaison comprise entre : 2 et 10 muids, 42 navires ; de 11 à 20 muids, 40 : 22 à 40 muids, 42 ; 50 à 80 muids, 11 ; 100 muids, 6 ; 120 muids, un. La moyenne des tonnages est de 22,6 muids. Les petits et moyens tonnages dominent en nombre : près des trois quarts des navires ont une capacité inférieure ou égale à 22 muids (40 % du tonnage) ; plus d’un cinquième des navires emportent entre de 25 à 80 muids (37 % du tonnage) ; à l’opposé, 5 % des navires enlève 100 muids et plus, soit plus de 22 % du tonnage. Aucun navire n’affiche des capacités supérieures à 120 muids.
117Le tonnage réel de cette flotte est difficile à apprécier. Un fragment de compte de mai 1407 mentionne un navire de 25 tx estimez à 16 muez de sel, chaque muid de Guérande contenant 3 pipes de sel. Indication à rapprocher d’une autre du 5 février 1393 selon laquelle 180 muids, mesure de Nantes, sont équivalents à 120 muids mesure de Guérande soit un rapport de 3 pour 2. Comme d’autre part le muid nantais équivaut grossièrement au tx, le muid guérandais équivaudrait à environ 1,5 tx. La tentation est grande d’appliquer ce rapport et de donner à la flotte guérandaise une capacité théorique de plus de 4 800 tx. La réalité est sans doute plus complexe. Dans le compte de Jubin Regnaud, une seule comparaison est possible : Robert Colven entre avec 12 tx de vin et sort avec 15 muids de sel ; s’il s’agit du même navire et s’il est à pleine charge, on trouve 25 % de charge en plus. Les navires bretons, qui peuvent être suivis dans les archives anglaises avec des chargements réguliers, emportent un nombre de tx de sel supérieur de 10 à 15 % à celui des tx de vin, représentant le volume gagné en raison d’un transport des sels qui se fait en vrac, ce qui paraît confirmé à Exeter le l8 août 1396, mais pas en 1420. On peut donc estimer que la capacité exprimée en tx de la flotte guérandaise est supérieure à celle exprimée en muids, c’est-à-dire au minimum 3 500 tx108.
118Dans le compte de Jubin Regnaud, 110 noms sont mis en rapport avec une embarcation. Hormis celui d’Éon de Lesnérac, propriétaire d’une barge, les noms peuvent être considérés comme ceux de maîtres de navires. Ils appartiennent à 91 familles.
119Aux 44 noms qui ne sont cités qu’une fois les cargaisons de sels sont comprises entre 3,5 et 100 muids. Il s’y ajoute 5 navires emportant du vin : 3, moins de 5 tx ; un, 14 ; et un bâtiment dont le tonnage est ignoré.
120La situation des noms de maîtres de navires cités plusieurs fois est différenciée. Pour 37 d’entre eux, les cargaisons déclarées sont égales entre elles au muid près. On peut envisager qu’il s’agit d’un même navire utilisé à plusieurs reprises.
121D’autre part, 28 noms sont cités à plusieurs reprises et sont associés à des tonnages différenciés. On dénombre 67 navires emportant du sel et un 40 tx de froment. Ces maîtres sont-ils propriétaires, au moins en partie, de leur navire ? Le compte ne permet pas de répondre, sauf dans le cas d’Hervé de Bayonne déclaré maître de la barge de Jean Malor chargé de 100 muids. D’autre part, le navire associé au nom d’Hervé Chauvette doit être la barge d’Éon de Lesnérac, H. Chauvette n’étant possesseur que des apparaux. Aussi certains maîtres de navire contribuent-ils à l’équipement des navires qu’ils commandent et disposent de moyens diversifiés. En supposant qu’à cargaison égale à un muid près, les navires notés à des dates différentes soient les mêmes, il est possible que 19 personnes disposent de 2 navires, 7 de 3 et 2 de 4. Ainsi, 28 maîtres de navire représenteraient un quart des maîtres, possèderaient au moins 45 % de la flotte et disposeraient de 60 % des tonnages. Ils assureraient 44 % des mouvements des gens du terrouer liés à l’expédition des sels et enlèveraient 50 % des sels embarqués par ces derniers. Cette concentration des moyens autour de 1385 apparaît au profit d’une minorité d’où émergent des d’individus : Guillo Calon, Bertho Jollan, Raoul Le Pennec, Jean Phelippes, Geffroy Flahart, Hervé de Bayonne, Hervé Chauvette, Pierre Jean qui disposent de tonnages supérieurs à 100 muids. Certaines familles, en raison de leurs branches cadettes, apparaissent au premier plan : Jollan, Calon, Chauvette, Le Pennec, Bayonne et Ylisploé. En s’en tenant aux indications contenues dans le dial ducal de 1452, 40 % des noms et 36 % des familles sont à rattacher au Croisic ; ils disposent de 48 % des navires chargés de sel et assurent 57 % des expéditions enregistrés dans le compte de J. Regnaud.
122En 1386, le compte tenu par Pierre de Lesnérac mentionne des baleiniers. On y retrouve bon nombre de maîtres de navires cités dans le compte de J. Regnaud auxquels s’ajoutent ceux de Jean Chauvette, Jean Le Borléon, Laurent Le Boteuc et Jean Le Poitevin109.
123D’après les archives anglaises entre 1380 et 1400, en tenant compte des transports de sel et des transports rouliers, la flotte guérandaise compte pour 17 % du total breton. Elle dispose de navires de capacité appréciable : entre 1377 et 1413 tous les sauf-conduits attribués par la chancellerie anglaise à des navires bretons de plus de 100 tx le sont à des Guérandais, et en 1404 le Saint-Pierre, d’une capacité de 160 tx, représente le chiffre maximum enregistré. Si cette présence de gros porteurs n’est pas spécifique au pays guérandais, elle n’en est pas moins remarquable à une époque où la flotte bretonne offre surtout des moyens et petits tonnages bien adaptés à un temps de contraction des échanges, où de fréquentes navigations se font sur lest, mais qui traduisent aussi les conditions de la navigation bretonne : dispersion des ports tout le long de la côte bretonne, utilisation des embarcations pour la pêche et le commerce, moyens financiers limités et manque d’accumulation de capitaux110.
124En août 1413, un fragment de compte enregistre des mouvements de navires guérandais, dont les cargaisons sont comprises surtout entre 5 et 10 muids, à destination de Nantes et plus encore Redon. Un autre extrait de 1464 montre des navires guérandais gagnant Redon avec des cargaisons surtout comprises entre 16 à 20 muids. La flotte apparaît plus homogène, avec des tonnages un peu renforcés111.
125L’utilisation de la caravelle marque une évolution d’ordre qualitatif. Celle-ci apparaît dans les comptes bretons en 1458 et son succès est net dès les années 1460, si bien que l’on pu dire qu’entre 1450 à 1475, il n’est de caravelle que bretonne. Les Guérandais suivent le mouvement, et à Bordeaux la première mention connue d’un tel type de navire, le 23 février 1468, est un Guinolay dont le maître Mahé Lart Thomas paraît être Croisicais. D’une autre caravelle sans doute construite à Saint-Jean-de-Luz, qui navigue pour les Bordelais avant d’être capturée par des Croisicais, en 1497, et qui 7 ans plus tard n’a pas été restituée, on connaît le tonnage, 80 tx, et le gréement, mastz et mastreaux portant cor deu tref am tres bonetes, tref de davant, dues bonetes, las misanes de darrey et la tref de la hune112.
126Que peut représenter la flotte du pays guérandais à la fin du xve et au début xvie siècle par rapport à la flotte bretonne ? De celle-ci, il est dit qu’elle compte en 1499-1500 2000 navires, estimation discutée par des Bretons, mais admise par H. Touchard pour qui elle correspond à un tonnage d’une vingtaine de milliers de tx ; compte tenu du rythme de rotation de la flotte, cet ensemble représente au moins une quarantaine de milliers de tx offerts chaque année aux affréteurs. Pour le pays guérandais, nous ne disposons que d’une indication chiffrée concernant Le Croisic, figurant dans une bulle du 4 octobre 1501. Il est fait état d’un grand nombre de navires de « diverses sortes chargés de diverses marchandises qui, parfois, au-delà du nombre de trois cents abordent cette ville ». Ce chiffre paraît exagéré surtout s’il ne s’applique qu’aux entrées ; en 1385, certes dans un contexte économique plus déprimé, le compte de Jubin Regnaud n’enregistrait pour tout l’ensemble portuaire guérandais que 316 mouvements de navires dont 130 d’origine extérieure. L’exagération se retrouve aussi dans l’appréciation convenue qui figure dans le renouvellement du billot du Croisic du 20 août 1532, selon laquelle Le Croisic est un des prinicipaux lieuz, port et havre de Bretagne. D’un point de vue qualitatif, si les tonnages offerts par la flotte bretonne sont variés, l’outil par excellence présent sur les grands itinéraires du commerce européen est un bâtiment de 70 à 80 tx. Les navires dont la capacité est comprise entre 100 et 160 tx sont assez fréquents, mais les tonnages supérieurs sont rares ; en Angleterre en 1492-1493 ne sont recensés que 4 navires bretons de plus de 200 tx, et Jacques Cartier en 1543 déclare que dans tout le duché de Bretagne il n’y a pas de navires de plus de 200 tx. Certes, il y a quelques exceptions : en 1482 François II commande une unité de 800 à 900 tx, et le 31 janvier 1517 est évoquée la construction d’un bâtiment de 2 000 tx. Un recensement des forces navales mobilisables demandé par François Ier, le 12 décembre 1520, relève 2 navires de 1 000 tx et plus ; 5 de 500 à 999 ; 11 de 200 à 499. Les gros tonnages restent rares. Le Croisic figure dans la liste limitée des ports capables de fournir des unités de plus de 100 tx : le 23 juillet 1523, il est mis au service du roi 4 navires : un de 180 tx, 2 de 140 et un de 80, embarquant au total 320 mariniers ; et le 9 mars 1544, il est fourni 7 navires d’une capacité de 90 à 180 tx. Il ne paraît pas exister au Croisic de navires dont le port dépasse 200 tx que l’on trouve, dans la liste établie en 1520, à Groix et Penmarc’h où sont enregistrés respectivement 3 nefs de 300 tx chacune, et 3 de 240. Quant aux types de navires, on ne peut que suivre l’indication générale faite pour 1516-1520 qui relève à la coste de Bretaigne, grand nombre de navires à caravelles semblables à ceulx de Normandie, excepté qu’ilz sont plus cours, et enchastellez d’autre maniere et la plupart n’a que une mygraine. Ce navire marchand s’impose dans les navigations hauturières et peut être intégré dans des flottes de combat113.
127H. Touchard a souligné l’organisation rudimentaire « quasi artisanale », du commerce guérandais portant sur l’acheminement du sel du terrouer, évoquant des paludiers devenant marchands une partie de l’année. Une lettre de rémission, accordée par le roi de France en décembre 1385, apporte un autre éclairage. Elle concerne deux guérandais, Nicolas Jean, maître du navire Saint-Esprit, et Noël Galois, marchand. Ceux-ci indiquent avoir chargé à Guérande du sel pour l’Espagne où ils doivent acheter des lances et des harnois destinés à armer une barge appartenant à Éon de Lesnérac, capitaine de Clisson, et à Hervé Chauvette, un croisicais engagé dans le commerce, avec l’intention de rejoindre l’Écluse et de se joindre à l’armée française qui doit envahir l’Angleterre. L’achat des armes est commandité par É. de Lesnérac et H. Chauvette, le navire et les apparaulx leur appartiennent. Ce vaissel est probablement celui qui quitte Guérande le 28 mai 1385 chargé de 92 muids de sel et 8 tx de froment enregistré sous le nom d’H. Chauvette, mais les noms du maître et du marchand n’apparaissent pas dans le compte de J. Regnaud. Ainsi aux maîtres de navires s’ajoutent-ils des investisseurs, des commanditaires et des marchands114.
128Cette présence noble est encore explicite dans le compte de Jubin Regnaud, avec la barge de Monseigneur Jean Malor qui le 20 janvier 1386 sort 100 muids de sel. Elle se retrouve dans le compte de Pierre de Lesnérac, en 1386, puisque la grant barche est désignée comme étant celle du connétable ou de Jehan Malour, alors qu’à un autre navire est associé le nom d’H. Chauvette. Tout ceci participe d’un phénomène où le duc lui-même par contrat, confie l’exploitation de navires lui appartenant. Ainsi, La Katherine, le 1er juin 1386, est-elle attribuée à Jean Berton de l’Ille de Baz, ce dernier est vraisemblablement un maître de navire mentionné le 17 mars 1385. Ce navire est ensuite placé le 10 juillet 1390 sous le commandement de Jean Bouchart, un autre noble ; le contrat précise que devenu mestre, garde et gouvernans de la barche, et des apparaulx, il reçoit le quart des profits réalisés, participant à même hauteur aux mises et coustages necessaires, tout en s’engageant à garder la barche à ses propres coustages115.
129La présence marchande est attestée pour le commerce des sels dans un compte de 1431 qui enregistre les passages de bateaux au pont de Rieux : la norme paraît être l’association d’un maître de barque et d’un marchand. Un fragment de compte de 1464 le confirme, sauf pour les cargaisons de l’abbé de Prières dont les sels acheminés proviennent des salines de l’abbaye116.
130Pour le commerce roulier, le registre de la comptablie de Bordeaux, tenu entre le 1er octobre 1482 et le 30 septembre 1485, recense six navires du pays guérandais. Quatre des six maîtres de navires sont de simples transporteurs au service de marchands dont deux sont d’origine extérieure au terrouer et deux sont associés à Guillaume Gaultier qui paraît être de Guérande. Les deux autres maîtres, Jean Le Tréhu et Marc Cormeray, sont désignés également comme des marchands. L’absence de marchands spécialisés croisicais est notable. Cependant, d’autres sources citent des affréteurs et des chargeurs croisicais, tels André Trouoezec, Guillaume Le Paludier (Guérande), Jean Riou, marchand aulnier, Jean Jollan, Jean Jollan le jeune, et Guillaume Cayn117.
131Les maîtres de navires du pays guérandais sont nombreux à naviguer aux ordres d’affréteurs qui leur accordent des prêts à la grosse aventure. C’est le contrat le plus couramment pratiqué : à la fois opération de crédit et assurance maritime, il doit son nom au fait que le bailleur de fond expose son capital aux aventures de la mer en prenant les grosses avaries à son compte. Parfois, le contrat est un peu plus élaboré, à l’image de celui passé entre Antoine Beuf, marchand de Bordeaux, et Saubat de Lissaragua, marchand d’origine basque installé au Croisic, où il est convenu que le transport se fasse aux perilhs et aventures de ce dernier. Par contrat encore, le maître de navire peut prêter de l’argent au marchand ; c’est le cas en février 1512, en décembre 1514, en novembre 1516 et en février 1517 pour des sommes qui peuvent atteindre 100 L t. Il peut être stipulé que le maître de navire est chargé de la vente ou d’aider le commis du marchand dans la vente ou l’achat des marchandises qui seront rapportées, ainsi en janvier 1508 et en janvier 1511118.
132Surtout, le registre de la Comptablie nous met en présence de marchands mariniers. Ces derniers sont dénommés soit marchands et mariniers, ainsi pour Thomas Mocer et Yves Hamon en décembre 1511, soit marchands et maîtres marinier, dans le cas de Guinolay Le Chappon en mars 1517, et en 1472 pour Jean Le Mercier119.
133Ces marchands mariniers constituent un milieu non homogène. Certains disposent de moyens limités et s’engagent dans la diffusion des sels dans le cadre d’un cabotage de faible ampleur ou vers des directions plus lointaines ; c’est le cas d’Henri Le Tillon qui entre en 1463 avec son escaffe chargée d’un muid de sel dans un port breton, ou de ceux qui fréquentent au début du xvie siècle le port d’Exeter. D’autres engagés dans le commerce roulier, à partir de La Rochelle ou de Bordeaux, disposent de moyens plus importants : tel Hervé Goyson (Goaiso), maître du Saint-Nicolas, qui charge le 9 octobre 1469 aux ports de La Rochelle et du Plomb à destination de L’Écluse une cargaison de vin dont il posséde 11 tx sur les 95 embarqués120.
134Les marchands mariniers combinent les profits d’une activité commerciale aux revenus du transport. Le 9 octobre 1469, sur le trajet La Rochelle- L’Écluse, le fret est fixé à 3 écus par tx, 22 tx comptés pour 20, alors que la pratique habituelle est de 21 tx pour 20, le 21e étant destiné à l’ouillage. Un autre contrat passé le 2 février 1493 par Jean Le Bourdiec, maître de la Catherine du Croisic, pour une cargaison de 117 tx et 50 sacs de pastel, précise que le maître se fera payer en monnaie anglaise, aux Pays-Bas ou à Calais à un taux de change déterminé ; la soulte du fret n’aura lieu que trois semaines après le déchargement, et le facteur du marchand espagnol qui accompagne la cargaison aura à choisir le port de débarquement lorsque le navire sera au large de la Bretagne. Le transporteur prend à sa charge une partie des frais, tels le pilotage et le remorquage. Le marchand s’engage à procurer les sauf-conduits, le cas échéant à payer la rançon de chaque matelot, soit un marc par marin, deux pour le maître. Les marchands mariniers peuvent encore ajouter les revenus qui leur viennent de la possession de parts dans la propriété du navire, comme le montre la vente le 5 décembre 1470 par Jean Le Gruyer des parts qu’il possède dans l’escaffe Saint-Jean. Ce système des parts peut s’appliquer aux échanges ; ainsi Jean Jollan, carsonnier (chef de quart) de la Bonaventure du Croisic en novembre 1511, est-il mentionné comme l’un des affréteurs d’un navire le 12 février 1512, et son fils l’est de même le 11 décembre 1512. Sur place, les marchands mariniers passent des contrats pour disposer de navires, contrats qui font parfois l’objet de contestations comme celle qui le 18 juillet 1522 oppose Michel Nicolas aux héritiers Jean Le Bazoullec à propos de certain garaitaige d’un navire et de ses apparaux. Ils bénéficient encore d’initiatives de personnes disposant de capitaux, à l’image de Jean Cramezel de Guérande. C’est un des acheteurs le 23 juin 1502 à Bordeaux d’un navire de 50 tx avec Louis Voyhac de Taillebourg, pour 110 L t, à une époque où les activités commerciales ne sont pas réservées seulement aux professionnels, mais peuvent engager des notables (notaires, juges, officiers…) qui investissent dans des parts de navire ou de cargaison de façon plus ou moins épisodique. D’autres encore affrétent des navires extérieurs au pays guérandais, comme Bertran Le Roy et Jean Jollan. Quelques-uns enfin peuvent s’établir marchands, ainsi le 1er février 1525 le marinier Guillaume Arnault121.
135Certains disposent de facteurs : le 8 mai 1464, Jean Géraud ou ses facteurs reçoivent un congié pour commercer avec l’Angleterre ; le 24 mars 1515, Jean Gastinel et Jean Le Roy se plaignent d’une prinse d’une pinasse qu’Yvon Le Poitevin leur facteur convoyait. D’autres ont des représentants à l’extérieur, comme Yvon Le Bouteiller, clerc d’Yvon Quelo, cité en 1463 à Plymouth. Un réseau se dessine avec Guillaume Rodrigo, marié avant 1456 avec Théphaine Quelo, sœur d’Yvon Quelo déjà cité, qui réside au Croisic. G. Rodrigo dispose d’une maison à Bourgneuf où est accueilli en 1439 Bernard Le Camus des environs de Brest. À Bourgneuf, demeure en mars 1466 un autre G. Rodrigo qui est en liaison avec l’Angleterre, et dont les affaires sont d’une certaine ampleur122.
136Des liens existent avec des marchands et des marins de basse Bretagne : Geffroy Le Gruyer est caution de Pierre Dagorne de Saint-Goustan en février 1464 ; le 24 octobre 1487, ordre est donné de rendre des biens pris sur un navire de l’île de Groix appartenant à Henry Roullin d’Hennebont et à Guillaume Douallen du Croisic ; Jean Maucazdre mène avec des Croisicais des actions corsaires connues par un acte du 20 mai 1517. Des collaborations s’établissent avec des Bordelais : ainsi le Croisicais Jean Jollan qui est-il en rapport avec Simon Boulaye. Leur association est riche de plusieurs entreprises menées en commun : le 18 juillet 1511, J. Jollan, maître de la Marguerite, quitte Bordeaux avec du pastel pour Rouen ; le 5 novembre 1511, il est carsonnier et l’un des affréteurs avec S. Boulaye et Martin Le Corre, le maître de la Bonaventure, d’un navire qui transporte du vin vers l’Irlande ; le 10 novembre 1511, il est affréteur du Nicolas d’Arvert qui gagne le Croisic avec du froment et du vin ; le 12 février 1512, S. Boulaye et J. Jollan affrétent en commun le Guynolé de Pierre Le Chappon, J. Jollan étant chargé de vendre la marchandise à Kinsale, faire le partage au Croisic lors du retour du navire et verser 130 L t au maître de la Magdelaine ; le 11 décembre 1512, Jean Jollan le jeune est associé à S. Boulaye pour une cargaison de vin destinée au Croisic, Redon ou Vannes, chargée sur la Françoise d’Yvon Riou de Ploumanach. Bertran Le Roy est également en rapport avec des négociants bordelais avec qui il affréte le 21 novembre 1511 la Marie, de Bordeaux qui gagne le Croisic avec 19 tx de vin. Des marchands non-bretons, bayonnais, espagnols et britanniques sont également installés au Croisic123.
Commerce et fiscalité
137D’après les Guérandais qui s’expriment en 1420, pour le sel hormis les coustumes anciennes qui encores y sont levees, le terrouer était franc de tous devoirs avant 1360 ; c’était d’ailleurs, selon eux, le plus franc port de toute la coste. Mais depuis 60 ans, Jean IV a établi, afin d’édifier une forteresse en l’isle de Baz, une taxe portant sur chaque muid de sel, que les gens du terrouer paient à la sortie, s’élevant au vingtième de la valeur alors que les forains de notredit terrouer, tant de nostre duchié, paient au dixième. Cette taxe sur le sel est citée en 1384-1386 dans le compte de Jubin Regnaud. Ce compte indique aussi une taxe de 24 s pour l’entrée de chaque tx de vin de hors, 4 s pour l’issue de chaque pipe de vin breton et 16 s pour chaque tx de froment. Le compte mentionne comporte également un certain subside ordrenné par mondit seigneur le duc pour le fet de la mer, soit un franc à l’entrée de chaque tx de vin de hors et 5 s pour l’issue de chaque tx de froment, allusion à une imposition pour la mise en œuvre du convoi décidé peu auparavant124.
138Le 5 octobre 1420, cette ficalité est revue. La taxe sur le sel, qui continue à être levée bien que la forteresse soit achevée, est réduite pour les forains au vingtième. Les taxes sur le vin et les blés sont modifiées. Les Guérandais rapportent que sur leurs expéditions de vin local est perçu un droit d’issue, et en outre un droit d’entrée dans le port breton où il est déchargé, auquels s’ajoute une taxe de 15 s par tx depuis 1er novembre 1397. Ils obtiennent du duc une exemption territoriale en n’ayant plus à payer que 4 s à la recette de Guérande et 11 s dans le port breton de destination, sous condition de rapporter une relation du receveur local à celui de Guérande, car s’ils déchargent en autres parties, ils doivent à s’acquitter ainsi que anciennement est acoustumé à Guérande125.
139Pour le blé, les Guérandais font état de mesures prises par Jean IV, Jeanne de Navarre et Jean V, selon lesquelles ils sont francs et exempts de droits d’issue dans les ports bretons pour les blez nécessaires à leur provision et substantacion et des autres demourans dans le terrouer. Comme les échanges sont souvent effectués par troc, c’est le système connu sous le nom de troque qui apparaît. Il en est fait mention dans une déclaration concernant la fiscalité des ports de Pontrieux, Paimpol et Binic, dans des extraits de compte pour Hennebont en 1421 et Lannion en décembre 1460. Or en 1420, les officiers ducaux de différents ports bretons ignorent ces franchises et prétendent imposer des droits d’issue aux Guérandais. Jean V renouvelle cette franchise. Les Guérandais devront rendre relacion au receveur du port breton où ils chargent en produisant un document provenant de la recette de Guérande126.
140Les justifications des mesures prises en 1420 sont à relever. Les Guérandais font référence à la concurrence de la Baie pour le sel, et pour le blé au déficit en blez du terrouer qui ne couvrirait qu’un dixième des besoins. Les préoccupations économiques du duc se sont pas absentes : attirer les marchands et permettre l’augmentacion de nosdits subgiz.
141Ces mesures fiscales et l’ensemble des dispositions concernant le terrouer arrêtées le 5 octobre 1420 sont confirmées à l’occasion de l’avènement d’un nouveau prince. C’est le cas en novembre 1442, et encore le 1er décembre 1451, date à laquelle il est précisé que les blés rapportés ne peuvent être vendus aucunement fors avec les demourants audit terrouer et seulement pour leurs provisions. Le 3 décembre 1456, le vin apparaît à côté du sel. Autre renouvellement le 13 octobre 1457. Ceux des 15 juillet 1491 et 28 août 1532 sont obtenus à la demande des Croisicais. Le 28 août 1532, il est précisé à nouveau que les grains sont destinés au ravitaillement des habitants et à l’avitaillement de leurs navires ; les blés peuvent être obtenus tant par achapt, estroquement…, par eschange et estroquement de sel et vins ou en deniers comptans127.
142La pancarte de Guérande de 1532 confirme la valeur de la taxation pesant sur les sels. Elle donne le montant des droits levés sur les autres produits : 30 s sur chaque tx de vin venant de hors et amené par mer ; 4 s par pipe pour l’issue de vins bretons menés par mer, et 10 s pour ceux hors la creu de ce pays ; 16 s pour chaque tx de froment mené par mer hors Bretagne ; et 8 s par tx d’autres gros blés ; 20 s pour l’entrée et décharge de chaque tx de fer et d’acier ; 2 s pour l’entrée et déchargement de chaque tacre de cuir o poil ; un jalon de vin ou sa valeur pour chaque pipe de vin hors du creu de Bretagne que chaque marchand forain fera venir par la Loire ou la mer et descendre au traict de Saillé. La taxation des vins de hors paraît avoir été augmentée puisque dans un compte tenu du 18 janvier 1422 au 18 avril 1423, elle ne s’élève qu’à 24 s par tx. D’autre part, Guérande est citée comme port exempt de brefs de vitaille. Les navires chargés de sel ou autres marchandises qui ne peuvent se sauver à la mer ne sont pas astreints aux brefs de sauveté, et les barques qui mènent des marchandises à l’intérieur du comté nantais ne paient pas de brefs128.
143Des taxes portuaires locales s’ajoutent comme celles des anciennes coustumes, ventes et gardes des navires, barques, basteaux et ancrages. Un droit de balisage est levé au Pouliguen ; attribué anciennement par les ducs, il s’éleve à 5 s sur chaque bâtiment ou barque à chaque entrée, mais 2 s 6 d pour les bâtiments qui n’ont pas de petits bateaux et 5 s par an pour les bâtiments ou barques du Pouliguen. En retour, les habitants de Saillé doivent entretenir quatre balises. Des droits seigneuriaux sont levés. Pour Campsillon, un denier de coutume est levé sur chaque pipe de vin chargée dans les ports de la seigneurie, et sur chaque muid de sel vendu es fiez prouches dans les paroisses de Batz et de Guérande ; pour la vicomté de Saint-Nazaire, ce sont 4 d de petite coustume du travers de Loire sur chaque fardeau lié de cordaige et aultres meubles vendus ou à vendre amenés au port et passant au pays de Retz, alors que des droits de grand et petit ancraiges sont levés. Des seigneuries de moindre importance disposent aussi de droits : un denier de coutume est levé sur chaque muid des salines qui sont au fyé de la maison du Dreseuc, et 4 d de pauage sont levés dans certains lieux au profit du seigneur de Cardinal sur checun vessel et escaffe qui vet en l’estier de la salline Canuen et o tremoy Serebelle et pouse encre ou est ammarree ou demourree129.
144La comparaison des impositions levées dans les autres lieux de production montre que l’imposition sur les sels de la creue du terrouer de Muzillac s’élève pour les forains au dixième comme à Guérande. Dans la seigneurie de Rays, les droits ducaux d’issue ne s’appliquent pas, mais il existe une dîme seigneuriale, qui se monte au vingtième du prix, à laquelle s’ajoutent certains droits seigneuriaux. Il existe des sels francs, mais ils sont peu nombreux. Le 12 novembre 1486, dans une concession faite au seigneur de Rays, on apprend qu’il existe un lieu nommé le Havre de franchise où se chargent sels et autres denrées et que ce lieu n’est pas soumis au devoir de convoi. Dans le compte des dîmes de sel desplacez par mer ou fyé de La Marchancie, la taxe est au dixième denier plus les frais de rivaige et portaige, soit 5 d dûs par le marchand. Les Marches communes bénéficient d’avantages fiscaux portant sur l’ensemble des finances extraordinaires. La fiscalité des sels du Poitou et de Saintonge est redéfinie par une ordonnance du 1er décembre 1383. La mesure déclenche une révolte à Noirmoutier à la fin de l’hiver 1384, et suscite une migration de saulniers vers Enguerrande. On a proposé de localiser ce lieu à Noirmoutier, ce qui ne peut être accepté : Enguerrande étant en païs de Bretaigne. Il faut admettre un départ limité, mais qui n’eut pas pour effet de créer les salins guérandais comme l’indique le texte poitevin. Face à la révolte, le pouvoir royal réagit et ne laisse que le droit du quart à chaque vente et revente, ce droit étant ramené à un demi-quart pour les roturiers vendant le sel de leurs propres marais. Le Poitou est désavantagé par rapport à Bourgneuf et Guérande, d’autant plus qu’à Nantes s’ajoute le droit de poitevinage qui ne concerne que les nefs qui chargent au Poitou. Par rapport à Bourgneuf, Guérande n’a connu qu’un temps, entre 1360 et 1420, une fiscalité plus élevée pesant sur les étrangers130.
145En Bretagne, la fiscalité sur les sels entrant dans les ports est favorable aux sels de Guérande, voire à celui de Rhuys : le muid chargé à Guérande ou Rhuys étant taxé 5 s et celui de la Baie, de Noirmoutier ou ailleurs hors Bretaigne, 15 s dans la plupart des ports bretons. On trouve encore des valeurs respectivement de 6 s et 16 s, à Daouet, au Legué et Saint-Brieuc. Les vins du pays guérandais à Vannes, Quimper, Quimperlé, Pont-l’Abbé et Penmarch sont soumis à une taxe de 15 s par pipe, contre 30 s pour les vins du Nantais et hors Bretagne. Ces tarifs illustrent la volonté des ducs de mettre en place une véritable politique protectionniste131.
146Dans ce cadre général, trouvent place des mesures dérogatoires par lesquelles le duc accorde des exemptions. Certaines sont perpétuelles et leur application est régulièrement remise en cause par les officiers ducaux. Elles concernent l’évêque de Nantes qui dispose du droit de voiturage, mais aussi les abbayes possessionnées dans le pays guérandais. Pour l’abbaye de Redon, un mandement du 19 août 1382 rappelle le droit dont disposent les moines de faire venir chaque année de Guérande à Redon, en franchise par la Vilaine, des sels pour leur estorement et leur droit de bansel, avantage limité à 300 muids. Le 2 octobre 1363, un autre mandement ordonne que les moines de l’abbaye de Prières ne paient ni gabelle, coustume ou imposicion sur ce qu’ils vendront ou achapteront pour leurs necessitez ou soustenance et de leur abbaye, cette mesure s’appliquant aussi aux premiers marchands achetant les sels des marais possédés par Prières ; elle s’accompagne d’une franchise accordée lors de la fondation de l’abbaye, sur le passage de 100 muids de sel de l’abbaye, mesure de Guérande, transportés par mer, tant à Guérande, qu’au port de Nantes et par la Loire. D’autres mesures sont temporaires. Des religieux en bénéficient : le 12 juin 1435, le duc autorise l’abbaye de Prières à lever un impôt de 100 muids de sel pour la réparation de l’église, et le 14 mars 1488, licence leur est donnée pour vendre 140 muids de sel hors du duché. Elles peuvent être accordées à des seigneurs locaux : le 3 février 1393 à Denis Baye ; en juin 1407 à Guillaume Baye ; le 17 janvier 1487 à Guillaume Calon ; ou d’autres personnages : le 9 juin 1407 à Guillaume Le Fournier de l’Isle de Baz132.
147Au début du xve siècle, une opposition se dresse face à la volonté du duc d’accroître les exemptions dont dispose l’abbaye de Prières. En mars 1414, une lettre ducale de augmentation de franchise pour 100 muids de sel suscite des debats entre les moines et les nobles de Guerrande auxquels il convient d’ajouter, selon un acte du 17 septembre 1428, le menu peuple. Un procès est encommancé. Ces réactions reflètent la volonté de limiter une concurrence d’autant plus vive que l’économie est dans une phase déprimée. Finalement, le 17 décembre 1430, les moines de Prières obtiennent une exemption, pour un an, pour 400 muids de leur sel du terrouer de Guérande sortant par la mer et pour 150 mesures de Redon sortant par la Vilaine. Cette mesure est complétée le 3 mars 1431 par l’autorisation que 100 muids de sel, mesure de Guérande, provenant des marais des moines, puissent être acheminés tant par mer que par la Loire en franchise, tant à Guérande et au trépas de Saint-Nazaire et à Nantes ; une nouvelle exemption porte sur 40 muids le 15 juin 1434133.
148La contestation se retrouve entre octobre 1499 et octobre 1500, lors de la proposition d’une taxe nouvelle de 5 s t par pipe de sel exporté de Bretagne, Poitou et Saintonge sur les navires étrangers. Les objections viennent de plusieurs gens de bien de Bretagne, en fait des milieux nantais qui soulignent que le devoir pesant sur leur sortie du terrouer et du Croisic est assez payé. Cette contestation renaît bientôt et le roi, le 11 septembre 1514, révoque les mesures prises le 9 août interdisant l’exportation des blés, sels et vins à partir de la Bretagne en raison des plaintes des marchands qui craignent que les étrangers désertent leurs ports et gagnent le Portugal, Lisbonne et ailleurs où il y ahabondance de sel134.
149Cette fiscalité suscite des formes de contrebande. À Nantes, Guillaume Calon est condamné en 1392 à payer 40 nobles d’amende, ses vallez ayant baillé sel par nuit à un marchant. Le système de déclaration lié à la troque provoque de fausses déclarations : un fragment de compte de 1413-1414 indique que le receveur se charge des sels trouvés en supplément dans les comptes de Guérande à partir des déclarations des maîtres de navire affirmant aller à Redon par rapport à ce qui est totalisé à Redon. Les écarts de déclaration aboutissent à un redressement fiscal s’élevant à plus de 5 L. La fraude concerne aussi les brefs qui pour Redon et Nantes au départ de Guérande ne sont pas exigés. La fraude se retrouve en février 1513 lorsqu’une commission est donnée de s’informer à qui appartiennent deux navires et trois barques du Croisic qui, en dépit des défenses faites sur peine de la hart, ont quitté le port135.
Les routes, les trafics
150Chronologiquement, nous ne suivons pas la position d’H. Touchard qui place à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle un déclin de la flotte bretonne et pour le pays guérandais la décadence de la marine guérandaise. En effet, l’expansion, en dépit de la grave crise consécutive à la guerre d’Indépendance, apparaît comme un fait établi dans la première moitié du xvie siècle. Aussi nous ne distinguons que deux périodes : 1350 à 1450 et 1450 à 1540136.
Routes et trafics entre 1350 et 1450
151Le commerce maritime guérandais est alors confronté à l’épreuve de la crise du bas Moyen Âge.
152L’information avant 1384 est comptée. Des liaisons directes avec l’Angleterre sont attestées : en 1324, un chargement de charbon vient de Newcastle, et en 1365, le Pedrok de Fowler s’approvisionne à Guérande. H. Touchard évalue vers 1360 la part guérandaise dans le sel breton gagnant l’Angleterre au sixième des cargaisons transportées, et, dans les licences d’importation accordées par la chancellerie anglaise, en 1364 les importations proviennent pour un tiers de Guérande. Les contacts avec la côte sud de la Bretagne sont bien établis : avec Redon, en 1408, un témoin évoque l’arrivée en une marée de 150 embarcations et un marché fréquenté par des marchands de Rennes, Saint-Malo, du Maine et de Normandie, témoignage à rapporter aux époques troublées des guerres qui ont conduit au développement des contacts terrestres en particulier vers la Normandie ; avec Vannes, en 1360-1361, trois Guérandais gagnent Vannes avec des navires chargés de vin nantais, peut-être s’agit-il d’un fret de retour pris lors d’un voyage à Nantes où ils avaient convoyé du sel. Le lien avec Nantes et la Loire apparaît encore à l’examen du compte de péage de Champtoceaux pour la période du 1er novembre 1355 au 1er novembre 1356, une partie des sels provenant du pays guérandais. Le commerce roulier guérandais se retrouve sur la grande route du vin partant du Sud-Ouest vers l’Angleterre et la Flandre : en 1341, un marchand de Saint-Jean-d’Angely porte plainte à Damme contre des marins de Zieriksee qui ont dérobé au large de la côte du Poitou une cargaison de vin à bord d’un navire de Guérande ; le 5 janvier 1357, une Nau-Dieu charge à Bordeaux du vin pour l’Angleterre ; en mars 1364, Matthew de Gournay s’engage auprès de Jean de Montfort à fournir du vin de Gascogne soit à Vannes ou à Guérande ; en 1372-1373, 9 navires guérandais, sur les 24 d’origine bretonne, chargent du vin à Bordeaux assurant 10 % des envois vers l’Angleterre. Le convoi qui s’organise à la suite de l’ordonnance du 1er juillet 1372 souligne cette intégration du pays guérandais à l’espace atlantique, de cette armee une nef et une barque viennent jusqu’à Guérande pour escorter les navires attendant en la riviere de Guerrande afin de rejoindre les navires étant déjà à La Rochelle et entre les terres137.
153Le compte de Jubin Regnaud, déjà présenté, enregistre, entre 31 octobre 1384 et le 26 janvier 1386, 407 mouvements : 142 (35 %). sont le fait de navires originaires de hors du terrouer, 265 (65 %) concernent des navires du pays guérandais. Si on isole l’année 1385, on recense 316 mouvements dont 130 (41 %) pour ceux de hors et 186 (59 %) pour ceux du terrouer. L’activité maritime est plus soutenue entre novembre 1384 et janvier 1385 (63 mouvements) qu’entre novembre 1385 et janvier 1386 (47). Cette différence n’est pas liée à une moindre disponibilité en sels : les quantités enlevées par ceux du terrouer sont plus importantes entre novembre 1385 et janvier 1386 avec 1 360 muids contre 930 l’année précédente à la même période, mais on a eu recours à des navires plus gros emportant en moyenne 29,5 muids contre 15,7 muids l’année précédente. Cette différence est à mettre en rapport avec une récolte plus abondante que l’année précédente où certains navires ont pu partir avec des charges moindres et surtout se porter vers d’autres usages, aussi avec les mois d’hiver le tonnage moyen des navires utilisés se renforce-t-il : 23 muids en novembre 1385, 27 en décembre, 34 muids en janvier 1386.
154Aux entrées, ne sont enregistrés que 4 navires apportant du vin de hors, en novembre 1384. À un navire de Vannes chargé de 25 tx s’en ajoutent 3 du terrouer porteurs de 30 tx. La faiblesse de ce poste oblige à considérer que des navires viennent à vide ou sur lest. Pour ceux du terrouer, un fret de retour de céréales est possible, mais le receveur n’a pas à les consigner pas en raison de la fiscalité en vigueur. Aux sorties figurent du froment : 3 navires du terrouer emportent 63 tx dont l’origine locale n’est pas à exclure ; le fait que ces expéditions se font avant et après la récolte de 1385 indique que les récoltes de 1384 et 1385 ne suscitent pas d’inquiétudes particulières. Le vin breton est celui de la production locale ; 7 navires, 5 de hors et de 2 du terrouer assurent l’expédition de 50 pipes dont 47 en 1385, année qui paraît mieux orientée.
155L’essentiel concerne les sels. Pour l’ensemble de la période, on dénombre 391 mouvements de navires emportant 6 514 muids de sel. Ces chiffres sont une valeur minimum, il faut y ajouter ce qui est enlevé en franchise, ce qui sort en fraude et les expéditions terrestres. Sur ce total, les navires guérandais assurent 262 mouvements et emportent 4 960 muids, soit les deux tiers des mouvements et les trois quarts du sel vendus ; ceux de hors, 129 mouvements pour 1554 muids. Pour l’année 1385, ce sont 313 mouvements qui sont recensés concernant plus de 5037 muids, les gens du terrouer assurant 188 mouvements (60 %) pour 3509 muids (69 %), ceux de hors, 125 mouvements pour 1 528 muids. Guérande apparaît comme le port d’un produit dominant : le sel. L’absence de cargaisons mixtes, sauf dans deux cas (vin et sel ; sel et froment), confirme ce caractère.
156Aux sorties, le trafic annuel présente deux temps forts : d’une part, les mois de février, mars, avril correspondant à l’ouverture de la pêche aux harengs qui suscite une forte demande, et d’autre part la fin de l’été lorsque la production est faite.
157La faiblesse de la présence des étrangers est à souligner : 15 navires dont 12 anglais, un hanséate, un bayonnais, un espagnol ; les Anglais, surtout originaires du sud-ouest de l’Angleterre, se succèdent de février à avril 1385 provenant de 8 ports différents : Looe, Fowey, Darthmouth (2), Portmouth, Plymouth (2), Londres, Teignmouth et d’un port indéterminé (3) ; ils enlèvent 408 muids. Les relations avec l’étranger sont le fait de petits et moyens porteurs qui ne chargent apparemment que des sels : 587 muids, cargaison moyenne 39 muids, dans une fourchette comprise entre 4,5 et 140 muids.
158Des relations vers l’Espagne sont assurées par des navires guérandais. En novembre et décembre 1386, 8 mouvements concernant 7 navires sont signalés pour un transport de 221 muids, cargaison moyenne 27,5 muids et une fourchette comprise entre 20 et 60 muids, les navires partant en convoi : 4 le 17 décembre et 3 le 20. La destination paraît être la Biscaye. Cependant, il est probable que s’y ajoutent d’autres navires : un navire de Santander chargé 140 muids de sels pourrait gagner l’Espagne, ainsi que la nef Saint-Esprit de la Corogne avec 100 muids et encore d’un navire chargé de sel et blé qui appareille le 28 mai 1385.
159Dans un espace géographique restreint, ce sont 46 navires de la basse Loire et du Morbihan qui cabotent entre Guérande, Vannes et Auray. De tonnage limité, ils chargent autour de 7 muids. Ils sont impliqués dans un trafic triangulaire : à l’aller, avec des céréales, ils gagnent Nantes, et au retour ils emportent des sels et parfois du vin guérandais. De la côte occidentale de la Bretagne, on compte 38 navires originaires du Conquet (6), Ouessant (13), Saint-Mathieu (6), Portsall (3) Audierne (2), Concarneau, Molène, Quimperlé et Quimper (3). Leur capacité moyenne est de 12 muids. La part des cornouaillais est faible, celle du Léon est plus importante : avec 34 navires emportant 431 muids, les Léonards apparaissent comme les premiers clients de Guérande venant de la Bretagne péninsulaire. Ils peuvent gagner l’Angleterre, en particulier Exeter, ou la Normandie. Mais une large part est destinée à la pêche. H. Touchard a souligné « l’heureuse conjonction du pêcheur de la Bretagne péninsulaire et du paludier des marais guérandais ». Si au printemps certains pêcheurs se ravitaillent en sel pour la saison, leur présence est surtout nette lorsque cette activité terminée, leur embarcation devient disponible pour distribuer le sel récolté. Pour les navires de ces régions, Guérande peut n’être qu’une escale : en 1385, 4 bâtiments de Saint-Pol relâchent et prennent des brefs. Les navires du nord de la Bretagne sont plus gros avec une cargaison moyenne de 23 muids mais peu nombreux, 6 unités. Ils participent à un commerce parfois plus complexe ; venus avec du blé vers Nantes, ils peuvent revenir avec du sel qu’ils acheminent en Normandie. Au total, les 109 navires bretons dont la cargaison est connue, embarquent 967 muids. S’y ajoutent 48 navires dont le port d’attache est dit de Guérande : leur cargaison moyenne s’élève à 33 muids et ils emportent plus d’un quart des expéditions. Les cargaisons enlevées par les Bretons et les Guérandais et destinées aux marchés de la Bretagne au-delà de la Vilaine ou à l’étranger, représentent 43,5 % du sel et 36 % des navires.
160Par ailleurs, 73 navires guérandais emportant 910 muids (14 %) gagnent Redon, une partie des arrivages bénéficiant de l’exemption de l’abbaye mais Redon est encore un marché de redistribution qui, par la Vilaine et les voies de terre, ravitaille l’ensemble de la Bretagne orientale.
161Nantes est la direction la plus importante avec 30 % des cargaisons ; cette direction est implicite en l’absence d’indication de prise de brefs ; cependant, il ne faut exclure que du sel de Guérande n’ait pu être chargé sur les navires fréquentant la Baie. Quoi qu’il en soit, 149 embarcations dont 123 guérandaises portant en moyenne plus de 15 muids et transportant 95 % du sel gagnent cette destination. Les petites barques de la basse Loire, dont le chargement moyen est de 3 muids, assurent le reste des expéditions. Les liaisons avec Nantes sont faibles au moment de la récolte, médiocres à l’automne lorsque la flotte guérandaise se mobilise pour gagner Redon et des expéditions plus lointaines ; elles apparaissent soutenues pendant les mois creux de l’hiver où la navigation hauturière est plus difficile et augmentent au printemps. Nantes est tout à la fois un port de stockage et de redistribution. À cette date, si l’on retient le chiffre proposé par H. Touchard de 14 000 muids nantais amenés à Nantes, l’apport guérandais compterait pour un tiers. Cependant, ces chiffres d’H. Touchard sont à revoir. Ils sont établis à partir des indications du péage de Champtoceaux pour la période du 1er novembre 1355 au 1er novembre 1356 où il est compté 11 688 muids nantais, en considérant 8 766 muids d’entre eux comme de Saumur alors qu’ils pourraient être nantais. D’autre part, si on retient le rapport de 2 muids de Guérande pour 3 muids de Nantes, bien établi en 1393, il convient de revoir à la baisse la part des sels guérandais dont l’apport ne serait alors que de l’ordre de 20 %.
162L’essentiel des relations se fait avec la Bretagne et, au-delà, vers le nord la grande zone consommatrice de la Manche orientale et la mer du Nord. Les enlèvements sont le fait d’une « foule » de petites embarcations. Dans ces échanges, la part des guérandais est prépondérante. La différence est grande avec la Baie et Noirmoutier où à partir de 1380 les horizons de la distribution sont plus larges, les tonnages des navires plus forts, et l’enlèvement largement assuré par des étrangers138.
163Pourquoi ces différences ? Selon les Guérandais qui s’expriment en 1420, la création d’une taxe, en 1360, levée sur les marchands étrangers a détourné ceux-ci vers la Baie qui dispose encore de deux avantages : une production plus abondante et la présence de tres bons havres. Ces explications sont recevables. Entre 1360 et 1420, la fiscalité s’appliquant aux étrangers est favorable à la Baie où la production est plus abondante, et où le vaste plan d’eau entre le Collet, Bouin et le port de La Roche offre à la fin du xive siècle un accès facile, quoiqu’exposée aux coups de vents d’ouest. Mais ces avantages ne sont pas décisifs : l’ensemble portuaire de Guérande est fréquenté par des navires de tonnage élevé et les différences de prix ne sont pas rédhibitoires. Traditionnellement, il est fait appel à d’autres éléments d’explication dans le cadre d’une réflexion sur le grand commerce atlantique. Le commerce des sels, produit lourd et fragile, soumis à de forts coûts de transport, ne dégage que des profits médiocres, notamment en raison du faible prix de vente du sel. Aussi les importateurs ajoutent-ils à leurs cargaisons de sel d’autres produits plus lucratifs, en particulier du vin et des toiles. Ces possibilités de changements complémentaires, qui existent dans la Baie et pas à Guérande, attirent les étrangers, les marins et les vaisseaux du nord, et créent un marché international autour de la Baie. Ces explications minorent le rôle du sel comme élément moteur dans l’établissement de courants commerciaux internationaux. Surtout, elles ignorent l’essentiel. La superficie susceptible d’être mise en sel dans le pays guérandais est relativement limitée. Dès le Moyen Âge central, le choix semble avoir été fait de lui consacrer toutes les terres capables de produire du sel. Il en résulte la nécessité de trouver un ravitaillement alimentaire, car la coexistence des deux activités pose les problèmes d’utilisation des terres disponibles et de calendrier de travail. En revanche, le Marais breton-vendéen, plus vaste et plus divers offre des terres pour le sel et pour l’agriculture : on peut y vivre de sa production et attendre « passivement » le client. Ce n’est pas le cas du pays guérandais où une part non négligeable des sels est utilisée avec le système de la troque pour obtenir des céréales dans le cadre d’échanges simples, limitant d’autant les capacités disponibles pour d’autres formes de commerce. Guérande n’attire pas « le gros commerce mais les humbles transporteurs, les petits marchands ». D’autre part, à une époque où les échanges sont limités, certains Guérandais ont compris que pour s’assurer le ravitaillement et plus encore sa continuité, il convenait de s’engager dans l’échange. Les gains espérés et les possibilités offertes de se livrer à d’autres commerces une fois que l’on dispose d’une embarcation sont devenus au fil des temps autant d’incitations, qui se sont renforcées au fur et à mesure de l’essor de la demande en sel et de l’extension du marais salant. Tout cela implique, à terme, pour les deux ensembles géographiques, des évolutions différentes des comportements. Le pays guérandais s’équipe d’une flotte. Ses marins deviennent des rouliers des mers, représentants d’une société maritime ouverte sur l’extérieur139.
164Pour la période qui va de fin du xive siècle à 1450, la documentation est réduite. Le droit de bansel dont dispose l’abbaye de Redon entretient un courant régulier d’échange vers cette ville qui est un centre de redistribution. Un compte tenu du 16 janvier au 18 décembre 1431 enregistre 96 navires qui passent le pont de Rieux porteurs de 1629 muids dont 240 en franchise. Ce trafic du sel est aux mains des Guérandais et se concentre de mai à novembre, les escaffes et vesseaux portant de 5 à 20 muids140.
165Vers la côte sud de la Bretagne, le pays guérandais expédie du vin : en mai-juin 1400 un bateau de Mesquer transporte 5 pipes de vin ; d’autres, selon un autre fragment de 1404-1405, viennent de Piriac, Mesquer, Pornichet, apportant du vin en faible quantité. Un fragment de novembre 1421, pour Hennebont, atteste d’un échange entre sel et seigle de troque. Des navires rouliers guérandais abordent également ces ports. De ceux-ci, des bateaux gagnent Guérande pour charger du sel, partant soit à vide, soit avec des céréales comme le montrent les fragments de compte concernant le port du Blavet en 1432141.
166Le sel est transporté par des guérandais vers la côte Nord de la Bretagne : à la Roche-Derrien en novembre 1438. Au-delà en Normandie, en 1404-1405 le sel de Guérande n’arrive plus à Harfleur, mais il est distribué à nouveau en 1407. Le 14 mars 1407, Jean Bouchart conduit un navire chargé de sel en Normandie, ce nom peut être rapproché de la nef de Jean Bochart de Dieppe présente au Collet en 1383, et en 1408-1409 les Bouchard de Dieppe servent d’hôtes à des Bretons, mais rien ne permet d’établir l’existence d’un système familial en rapprochant ces noms d’autres présents en pays guérandais, l’homonymie étant possible, de même dans le cas de Jean Barthou, signalé à Dieppe en 1428, qui pourrait être rapproché de Jean Bertho. Dans sa description du commerce de Dieppe, M. Mollat montre que les sels de Guérande et de la Baie arrivent de mai à juin en petites cargaisons de 20 à 30 muids qui répondent aux besoins de la pêche normande. À l’automne, c’est le sel de la récolte de l’été qui est écoulé. Les navires bretons arrivent souvent par groupe. Le fret de retour est constitué de harengs à l’automne, de céréales au printemps, mais il est possible que certains produits gagnent l’Angleterre. Par la Seine, le sel breton gagne l’Ile-de-France et cette voie maritime est « sans doute » dominante au xive siècle ; en 1404-1405, la ville de Senlis affréte avec celle de Meaux un navire pour Guérande. Cette voie de communication est ensuite fortement perturbée par la guerre, et en 1440 le Journal d’un Bourgeois de Paris affirme que les gouvernants favorisent la voie de terre142.
167Dans la continuité des échanges du xive siècle, le commerce guérandais avec l’Angleterre reste important : sur les quelques 200 navires bretons connus fréquentant l’Angleterre de 1381 à 1400, 57 transportent du sel et 24 sont guérandais. Les Guérandais qui n’apparaissent ni à Bristol, ni dans les ports du Nord, ni à Londres en 1384, sont peu nombreux à l’est de Southampton ou dans les ports du Sussex. Ils sont présents dans les ports du Devonshire et du Cornwall, et le sel guérandais, qu’il soit amené par des Anglais ou des Bretons, domine le marché de l’Angleterre du sud-ouest. À Exeter, le commerce des Guérandais porte avant tout sur le sel, près de 800 muids sont acheminés entre 1384 et 1433 par 55 navires sur les 65 enregistrés à l’entrée du port (84 %). Le vin apparaît au second rang avec 267 tx apportés au cours de 11 voyages. La part du fer, des céréales, avec respectivement 3 et 2 entrées, alors que les harengs, le safran et les fruits ne donnent lieu qu’à une déclaration, est épisodique. Seul le textile (canevas, toile à voile, tissu de lin) apparaît mieux représenté avec 11 entrées mais les quantités restent limitées. Une évolution se dessine de 1420 à 1433, le nombre des entrées annuelles de Guérandais ne dépasse jamais deux. Si le sel guérandais continue à être acheminé, c’est de plus en plus par d’autres marins au service d’Exeter, en particulier ceux de Saint-Pol, le phénomène se retrouvant pour le vin. Des navires anglais peuvent charger à Guérande comme en 1448, date à laquelle des marchands de Penzance déclarent avoir acheté du sel à Guérande. Des liens avec l’Irlande existent en 1431 et en 1435 où la Juliana reçoit licence pour acheter 12 tx de froment pour les transporter à la Baie143.
168Guérande est un port d’embarquement pour Saint-Jacques-de-Compostelle. En Galice, le développement de la pêche sardinière depuis le xiiie siècle exige du sel dont une partie est diffusée en Castille. Dès le dernier quart du xive siècle, les sources traditionnelles de ravitaillement (nord du Portugal et côte saintongeaise) s’avèrent insuffisantes, aussi se tourne-t-on vers Aveiro et Setubal d’une part et l’estuaire de la Loire et les transporteurs bretons d’autre part144.
169Au début du xve siècle, pour le transport des vins de Bordeaux vers l’Angleterre, le rôle de l’armement anglais s’accroît au détriment de l’armement breton : en 1409-1410, sur 212 navires, 18 sont bretons dont 2 de Guérande ; entre 1411 et 1419, seuls 18 bretons sont recensés dont 2 guérandais. La présence bretonne s’efface entre 1429 et 1453. Sur la liaison La Rochelle-Angleterre, les Bretons se classent comme les plus importants transporteurs de vin d’Aunis, et des Guérandais figurent parmi eux : en avril 1411, est mentionnée une barge de Guérande chargée de 80 tx de vin de La Rochelle, de 24 paniers de lamproies et de 2 palles de toile, le tout d’une valeur de 2 780 écus ; la Marie de Guérande, chargée de sel et toile ou gros drap de Joucelin, est un autre exemple de navire affrété par des Anglais : elle est citée dans un accord en octobre 1414. Les bâtiments guérandais peuvent être affrétés, ainsi en 1392 le Saint-Antoine de 140 tx145.
170Au terme de cette première période qui court sur un siècle, la flotte guérandaise s’insère dans l’espace commercial des Bretons. À côté d’une flotte du sel existe une flotte de plus gros porteurs qui permet aux marins guérandais de s’imposer comme rouliers des mers. Les marins, mais aussi les marchands profitent de ces activités. L’appréciation d’Alain Bouchart portée sur le règne de Jean V peut être reprise : il laissa son pays paisible, riche et opulent de tous biens… en manière que des lors fut le pays de Bretaigne ung droit paradis terrestre. Le propos n’est pas exempt de polémique, il entend souligner les mauvais effets du règne d’un prince – François II – qui avait été mal conseillé, et ceux, au contraire bénéfiques, du règne d’un bon prince. L’appréciation de J. de Saint-Paul, selon laquelle Jean V se tint en son païs en grand prosperité et richesse lorsque la grant guerre estoict au roiaume de France et se retirerent toutes les richesses du royaulme en la duché, pour la seurté et paix qui y estoict entretenue, montre les effets positifs pour la Bretagne de la politique de Jean V, dans le contexte de la guerre franco-anglaise, à condition de nuancer le propos pour tenir compte de la crise générale qui n’épargne pas la Bretagne146.
Routes et trafics entre 1450 et 1540
171À l’époque de l’expansion du commerce breton, Nantes doit rester la destination de proximité principale du commerce guérandais. Celui-ci doit suivre le rythme du commerce nantais : fructueux pendant les années 1445-1460, difficultés ensuite, expansion entre 1468 et 1475, nouvelle crise au moment de la tension et des guerres franco-bretonnes, puis reprise de l’expansion. Le pays guérandais et sa flotte participent avec les marais du sud Loire et les bateaux de la basse Loire et des autres lieux de production au ravitaillement en sel de la ville. Des quantités débarquées à Nantes ou expédiées à partir de la ville sont connues, pour 1449 (du 1er mai au novembre), par 33 mandements de dons de traite du sel et encore des autorisations d’échange entre des sels et du vin d’Anjou entre 1486 et 1488 (pour plus de 13 000 muids de sel), mais l’essentiel de l’information provient des registres du droit de meage des années 1490, 1495 et 1505. Les cargaisons acheminées à Nantes sont comprises surtout entre 7 et 70 muids, avec un tonnage moyen de 25 à 30 muids. La courbe annuelle de la recette du meage reproduit assez fidèlement celle du trafic fluvial de Nantes. Le moment essentiel se place après la récolte surtout en octobre, novembre. Décembre est marqué par un creux. La reprise s’amorce en janvier. La chute est brutale entre mai et septembre. Le mouvement saisonnier semble donc lié pour son maximum à la récolte et aux disponibilités des navires. Il est impossible, faute de mentions d’origine des bateaux d’évaluer de la production guérandaise ; toutefois, certains noms de maîtres de navires sont croisicais. Au-delà, des Croisicais sont en relation avec des marchands de la vallée de la Loire, comme en mai 1531, Pierre Rio en procès avec Benoît Brupe, marchand d’Orléans. Nantes est toujours pour le pays guérandais un lieu d’approvisionnement en vin et en produits divers : par exemple, en 1478-1479 pour l’église de Batz, le navire d’Éon le Lozdres de Piriac transporte 13 milliers et d’ardoise et un millier de late. Plus largement, la flotte guérandaise participe à la redistribution des produits nantais s’intégrant dans une navigation de cabotage : Guillaume Salmon de Rhuys conclut en 1492 avec Jean Le Vaillant, marinier de Guerrande, un contrat pour acheminer 8 tx de vin jusqu’à Rhuys ; d’autres noms figurent dans les registres nantais147.
172Le sel guérandais gagne Redon sur des bateaux du pays guérandais : 4 fragments de compte en 1464 enregistrent 28 escaffes dites de Guérande sur les 36 navires dont on connaît l’origine. Ils transportent essentiellement du sel (26 cas sur 28) dont une cargaison mixte, 2 cargaisons étant constituées de fer. La présence des navires guérandais est toujours mentionnée dans la péninsule bretonne : à Auray abordent en 1463 l’escaffe Notre-Dame de Hervé Le Tillon, la Notre-Dame de Jean Porsal, et une escaffe de Pornichet apportant du vin ; à Quimper en 1465 un baleinier de Guerrande décharge du sel ; à Landerneau est enregistré en 1461 un navire du Croisic chargé de 5 muids de sel ; à l’Aber Wrac’h est mentionné pour les années 1464-1466 une Notre-Dame de Guerrande ; à Lannion l’échange sel de Guérande contre froment de troque est pratiqué ; à Port-Blanc est signalée en 1448 l’escaffe Saint-Jean chargée de sel. Par ailleurs, le sel de Guérande est largement acheminé vers la Bretagne par des embarcations extérieures au terrouer comme on témoigne en 1460, à Lannion des navires de Lannion et de Perros-Guiriec. Pour Auray, les échanges peuvent être précisés grâce à un compte portuaire tenu du 30 octobre 1474 au 30 octobre 1477. Le sel guérandais est peu présent aux entrées, en raison de la proximité des salines du Morbihan : 10 navires avec des cargaisons de sel sont enregistrés en 1475, mais aucun en 1476, ni en 1477. Ces navires sont dits de Guérande pour 5 d’entre eux qui apportent, en septembre, des quantités de 3 à 6 muids. Un seul navire guérandais repart avec des céréales, les 4 autres à vide. Le vin à partir de Piriac ne donne lieu qu’à des livraisons limitées. À côté des grains, de la chaux de Pennerf est acheminée vers le pays guérandais148.
173La Normandie reste une destination du sel. La quasi-totalité du sel importé à Rouen et à Dieppe entre 1450 et 1475 arrive sur des navires bretons. L’absence de la mention d’origine ne permet pas de déterminer d’où viennent les navires, mais Guillaume Porsal, Alain Carouealle (Terroualle ?) paraissent originaires du Croisic. Les Normands qui fréquentaient auparavant Bourgneuf ont abandonné cette route du sel. Guérande devient un lieu de ravitaillement comme en atteste la prise d’un navire d’un marchand d’Abbeville, le 15 juillet 1538, qui gagne le Croisic. Plus au nord, Boulogne reçoit à la fin du Moyen Âge du sel de Guérande. Le transport passe aux mains des bas Bretons, et surtout à ceux de Saint-Pol-de-Léon qui ravitaillent également la Picardie, la Flandre et l’Angleterre selon les indications données par des fragments de comptes pour 1458. Certains ont chargé du sel à Guérande puisqu’il est indiqué l’existence de brefs délivrés par le receveur de Guérande. On trouve encore d’autres mentions de navires de Saint-Pol-de-Léon à Guérande en 1461, en 1466, en 1468, et de sels chargés à Guérande. Des actes émanés de la chancellerie attestent d’affaires opposant des marchands de Rouen à des Croisicais : en juin 1464, une cause oppose Alain du Boais-Marc à Guillaume Tristan, Denis Quelo et Jean Conan ; un marchand des parties de Paris, Bertran Solly, est en procès avec Jean Lucas et Jean Nouel du Croisic. Des affrètements de navires croisicais par des Normands sont connus vers l’Angleterre en 1464, date à laquelle Guillaume Pelletier et Gaffrin More affrétent la Katherine de Guérande. Ces embarcations peuvent acheminer du sel de Brouage qui constitue la cargaison d’une Trinité en août 1526149.
174Vers la Flandre, le trafic du sel est dominé par les navires espagnols, en 1486-1487 et 1495-1496, et par les marchands hollandais sans que l’on puisse déterminer l’origine des sels. Des liaisons directes à partir du terrouer existent comme le montrent : en janvier 1479 les plaintes exprimées par Jean Priori, koopman van Garande, à la suite de l’attaque d’une carvelle chargée de sel par un navire de Brouwershaven. Ces liaisons directes sont encore attestées par une série de congiés accordés par le duc : le 23 octobre 1487 à Jean Lucas, marchand, pour 100 tx vers l’Angleterre ou la Flandre, le 24 octobre pour l’évêque de Nantes afin de faire conduire 600 muids de son creü de Guérande vers la Flandre ; le 30 octobre 1487 à Guillemin Lucas, de Guerrande, pour 300 muids, alors que le 4 mars 1488 Guillaume Lucas obtient congé pour 300 muids à mener vers la Flandre, Yolande ou ailleurs pourveü que ce ne soit en pays contraires du duc. D’autre part en 1506, la présence de Jean Bellenef est signalée à Anvers, et en 1533 celle d’Olivier Le Roux en Flandre. Les produits de retour doivent être à l’image de ceux chargés sur la nef de Simon Gaultier de Lavau en mars 1505 : des grains et des harengs. Des œuvres d’art ont également été importées comme en témoignent certaines statues dont la destination est l’église Saint-Guénolé de Batz150.
175Vers l’Angleterre, les relations se poursuivent. Des sauf-conduits sont accordés par le duc : le 31 mars 1462, à Jean Terrouelle, Guillaume Houat, Hervé Job et Jean Le Roux, pour respectivement 100, 60 et 10 tx ; en 1463, une affaire de fraude dont les sauf-conduits sont l’objet révèle la présence d’Anglais dans les parties de Guérande, et de Guérandais en Angleterre ; le 20 avril 1464, des sauf-conduits sont délivrés à Mahé Moysan, Jean Olivier et Jean Requin ; et encore le 8 mai 1464 à Jean Geraud. Aux sels s’ajoutent des produits de redistribution : vin nantais et fer, que l’on trouve en janvier 1464 dans la pinasse de Julien Le Rouxeau du Croisic. Le Sud-Ouest de l’Angleterre reste une zone privilégiée d’échange pour les navires du pays guérandais. Les sels à Poole, de 1466 à 1476, représentent une part de tonnage mais qui se réduit et la flotte du pays guérandais, 24 % des Bretons, est dépassée, par celle des Morlaisiens et surtout des Malouins. Après 1462, dans les trafics de Darthmouth et d’Ilfracombe où le sel intéresse 73 % des navires bretons, les Guérandais en assurent 40 % du mouvement. De Plymouth à Padstow, dans les petits ports qui se succèdent, le sel est très présent aux entrées : 73 % des cargaisons bretonnes à Plymouth, 78 % en Cornwall et les Guérandais y assurent respectivement 34 % et 42 % du trafic. Cependant, les années 1490-1520 sont peu favorables aux Bretons. Par exemple, à Poole, de 1478 à 1500, ce ne sont plus que 8 navires dits de Guérande, et de 1500 à 1509, 4 du Croisic ou du Pouliguen qui sont signalés, soit 6,6 % des navires bretons fréquentant ce port de 1478 à 1519. Exeter et Darthmouth restent des destinations habituelles : le 14 juin 1509 entre à Exeter le batelle Julian du Pouliguen chargé de 25 tx de sel, il ressort le 20 juillet avec 3 cents de suif, du drap blanc étroit et une douzaine de kerseys blancs pour une valeur médiocre d’un peu plus de 2 L ; et de la Saint-Michel 1517 à celle de 1518, est aussi enregistré à Exeter le batelle Gunelle porteur de 18 tx de sel, alors qu’à Darthmouth aux sorties figure la baleinière de Nicolas Davy. En 1520-1521, Exeter voit arriver la pinasse Jelyen avec 24 tx de sel, alors qu’aux sorties on trouve le batelle Mari de Jean Morvan, maître-marchand, et le batelle Mari. Ces mouvements ne représentent que peu de choses par rapport au total des mouvements enregistrés dans ces ports, ils n’engagent que des valeurs limitées, et illustrent la règle générale selon laquelle les navires bretons amènent plus qu’ils n’emportent en valeur de marchandises. Vers l’ouest de l’Angleterre, le trafic des guérandais est plus réduit et lié au commerce roulier du vin : 5 navires de Guérande sont signalés à Bridgewater en 1465-1466 et 5 autres en 1476-1477 ; entre 1481 et 1526, dans les ports de Bridgewater, Minehead, Axwater, 4 navires de Guérande, 16 du Croisic et 4 du Pouliguen sont recensés ; et à Beaumaris 2 du Croisic en 1492 et un en 1497-1498. Quant à Bristol, c’est une des destinations des marins du pays guérandais qui participent sur la façade atlantique au commerce roulier, tels ceux du Germain qui en 1473 assurent la liaison avec l’Espagne pour le compte de deux marchands de Bristol qui importent 40 pipes de pastel et 19 tx de fer. Le sel est accessoire, un seul navire du Croisic y est enregistré. À partir de Southampton vers l’est de l’Angleterre, la part des Bretons dans le trafic diminue, et au-delà du Pas-de-Calais leur présence est épisodique jusqu’en 1475. Ils ne sont signalés qu’à Hull pour les années 1466-1467 où l’on trouve 4 navires de Guérande sur 8 Bretons. Par la suite, la présence bretonne remonte vers le nord et l’Écosse est bientôt atteinte : en 1486-1487, on trouve à Dumbarton une Marie du Croisic. Ces liens se renforcent, au xvie siècle, avec la présence d’Écossais au Croisic, sans doute en relation avec le colportage écossais dont la mise en place date de la seconde moitié du xve siècle, pour connaître une ampleur maximale entre 1500 et 1600. Mais cela ne paraît pas compenser pas le recul des Guérandais qui, dans les années 1481-1500, ne forment plus en Angleterre que 8 % de la flotte bretonne contre 20 % en 1381-1400151.
176Les Croisicais continuent à gagner les ports d’Aunis, de Saintonge ou de Gironde. La coutume de Royan enregistre plusieurs passages de navires en 1466, 1467, 1468, 1478, 1479. Parmi les produits acheminés figurent aux entrées, transportés par 9 navires guérandais, des céréales, de la laine, des draps, des cuirs, de la rousine, du bré Aux sorties, 8 navires guérandais enlèvent des cargaisons de vin qui se situent entre 12 et 20 tx. À Bordeaux, le registre déjà évoqué de la comptablie de Bordeaux, tenu entre le 1er octobre 1482 et le 30 septembre 1483, indique 6 navires du pays guérandais sur les 309 soumis au grandes et petites coustumes, dont 185 sont bretons. La part relative des Guérandais s’établit donc à moins de 2 % de l’ensemble des mouvements et à 3 % de ceux des Bretons. Elle s’inscrit en baisse par rapport aux périodes précédentes. Les archives notariales de Bordeaux font état de navires du pays guérandais emportant du vin, mais également des céréales vers Le Croisic en 1471 ou des destinations proches : en janvier 1492, Redon ou Le Croisic ; en janvier 1515, en décembre 1517, en janvier, février et décembre 1518, Nantes ; en février 1515, Redon ou Quimperlé ; et en janvier 1520, Brest. D’autres navires, bretons ou non, sont utilisés par des affréteurs Croisicais, comme Jean Jollan. Plus largement, les Croisicais s’intègrent dans des circuits d’échanges interrégionaux sur la côte atlantique, comme en témoigne la présence de rousine, produit du Sud-Ouest, sur les navires enregistrés à Royan alors que de la laine et des cuirs ont sans doute été chargés à Nantes152.
177À partir de Bordeaux, des navires guérandais gagnent les marchés normands : en décembre 1514, Honfleur ; en octobre 1516, Dieppe ; en novembre 1517, Rouen ; en décembre 1517, Honfleur ou Harfleur ; en décembre 1517, Le Crotoy ; en janvier et février 1518, Rouen. Les cargaisons déclarées se situent entre 12 et 75 tx de vin. L’Angleterre est donnée encore comme la destination en février 1468, en décembre 1499, en octobre 1500, en février 1517. L’Écosse est également atteinte, en février 1501 la Marie de Guillaume Bihan charge à La Rochelle du fer et à Bordeaux 50 tx de vin pour Irvine ; et plus encore l’Irlande où les Croisicais acheminent surtout du vin, parfois du fer, voire du blé ou du miel. Les archives notariales de Bordeaux font connaître entre 1472 et 1517, 10 navires dont la destination déclarée est l’Irlande et plus précisément : Waterford, Kinsale, Dingle Limerick, Drogheda, Dumbarton et Dublin ; à ceux-ci s’ajoutent les opérations, déjà évoquées, où apparaît Jean Jollan153.
178La Flandre et le Brabant sont d’autres horizons atteints par les Croisicais. À partir de La Rochelle, ils gagnent L’Écluse – devenu le port flamand est le plus fréquenté à la suite de l’ensablement de celui de Damme – qui est le lieu vers lequel appareille le 9 octobre 1469, le Saint-Nicolas d’Hervé Goyson, alors que le même jour la carvelle Marie de Raoul Pen appareille pour Étaples. À partir de Bordeaux, ils assurent des expéditions vers la Flandre, ainsi, en novembre 1475, avec la Bonne Adventure d’Olivier Carneau dont un des armateurs est Saubat de Lissaragua, marchand bayonnais établi au Croisic. Les Croisicais doivent participer à l’irrésistible poussée des Bretons qui en viennent à monopoliser le transport des vins gascons ou rochelais vers les Pays-Bas où s’impose Middelbourg comme seul grand marché des vins français. Cette montée en puissance des Bretons qui s’amorce à partir de 1494 et plus encore de 1497, est le fait avant tout des marins de Penmarc’h. À quelques Croisicais s’ajoute une mention du Pouliguen, et en juillet 1501 d’un navire de Piriac qui quitte Bordeaux pour la Flandre. À partir des ports flamands, des navires peuvent s’insérer dans de vastes circuits d’échanges : à Anvers en 1506, un navire de Guérande entre avec du blé – c’est là une cargaison exceptionnelle correspondant à une période de disette –, et reprend la mer vers l’Espagne. Mais dans ce port d’Anvers, la présence croisicaise reste cependant limitée. De 1532 à 1584, seulement 7 Croisicais gagnent cette ville dont un est un marchand important qualifié à Toulouse de potens tam in terra quam in mari, et un autre travaille avec Bordeaux. Cette présence croisicaise à Anvers semble décliner au cours du xvie siècle154.
179Au commerce traditionnel du vin s’ajoutent les exportations de pastel. Ce produit, à la fin du xive siècle, est plutôt expédié à partir de Bayonne ; il apparaît dans les affrètements bordelais à la fin du xve siècle, où les chargements se multiplient, pour connaître un grand essor dans les années 1500-1560. À partir de Bordeaux, des Croisicais l’acheminent : vers la Normandie, c’est le cas en 1511 de 3 navires qui partent en direction de Rouen, en 1517 pour 2 autres unités et encore en février 1518 ; vers les Pays-Bas en février 1493 et en octobre 1500 ; ainsi que l’Angleterre en septembre 1503. Mais ce commerce de pastel est bientôt monopolisé par les marins de Penmarc’h. Les Croisicais se placent encore sur un autre marché émergeant : celui des olonnes de Locronan. C’est à Bordeaux que ce produit est signalé pour la première fois en 1469. Dès 1471, un navire du pays guérandais y débarque 4 pièces d’Olonne155.
180Au-delà, la relation traditionnelle se maintient avec Bayonne où des marchands et des maîtres de navires du Croisic sont signalés pour un trafic dont l’un des produits est le sel. Avec l’Espagne, le pays guérandais peut être un lieu de départ pour des expéditions de céréales destinées à pallier les effets d’une disette qui affecte la péninsule en 1477. Des relations commerciales directes sont avérées : le 6 septembre 1487, autorisation est donnée à Gillet Geffroy de Guérande et Alain Le Poitevin du Croisic d’aller en Espagne sur un navire de 100 à 125 tx chargé de sel afin d’en rapporter des marchandises jusqu’à 120 tx. La péninsule ibérique est également une destination des Croisicais à partir de Bordeaux : en juillet 1506, la Marie de Guillaume Le Misson, charge du froment pour Lisbonne, Setubal, ou San Lucar, Cadix ; en août 1507, la Catherine d’Yvon Le Corre embarque 258 petites balles de pastel pour Bilbao ; et en février 1512, le Pierre de René Behoart, 30 tx de blé pour Saint-Sébastien156.
181Enfin, vers les lointains espaces atlantiques, la présence croisicaise sur les bancs de Terre-Neuve est attestée dès septembre 1517 où se trouve à Bordeaux une Marie du Croisic dont le maître est Yvon Courtebote en provenance de Terre-Neuve. Il est tentant de rapprocher ce navire et le nom de son maître d’un autre navire du même nom qui le 29 janvier 1508 quitte Bordeaux avec du vin vers l’Irlande sous la conduite de Lucas Courtebote, et d’envisager une prolongation de la navigation vers le Nord-Ouest, mais l’occasion qui nous fait connaître ce voyage est un procès intenté par le pilote de l’expédition qui est de Penmarc’h. C’est le prélude à quelques mentions de Croisicais engagés dans la pêche morutière et présents à Rouen ou à La Rochelle dans les années suivantes : un navire du Croisic du maître Nicolas Dorbec à Rouen en 1519 ; la Marie du Croisic du maître Yvon Le Fleuchier, dit Piedecerf, vient parfaire son avitaillement à La Rochelle en 1523. En 1533, l’épouse de Jean Le Baranic du Croisic déclare que celui-ci est à la Terre Neufve. Les Croisicais se portent aussi sur des routes plus méridionales. Le 8 avril 1541, un espion espagnol rapporte l’existence de deux vaisseaux armés au Croisic, l’un de 130 tx, l’autre de 110 tx, bien équipés en artillerie et munitions, portant plus de 180 hommes d’équipage, dont on lui a été indiqué qu’ils naviguent à l’aventure avec l’intention de ramener quelques barres d’or comme ils en avaient déjà rapportées auparavant. Un nouveau rapport, le 28 septembre 1541, indique que les navires ont appareillé en mars et sont allés à l’aventure aux Indes. Sans doute faut-il penser à une navigation visant à surprendre des navires retour de Guinée157.
182La flotte du pays guérandais élargit ses positions sur la façade atlantique. Au Nord, elle est présente en Irlande, en Écosse et aux Pays-Bas, au sud en péninsule Ibérique. Elle participe à l’espace commercial des Bretons. Cependant, les marins de Saint-Pol-de-Léon et de Morlaix se sont placent progressivement en force sur le circuit de la distribution du sel ; ceux Penmarc’h s’imposent sur ceux du vin et du pastel. La capacité d’adaptation des Guérandais se retrouve dans le fait que leur marine s’ouvre aux destinations lointaines qui apparaissent à la fin du Moyen Âge et au début du xvie siècle.
Les activités parallèles : guerre et activité corsaire
183La participation des navires de Guérande aux flottes de guerre ducales se suit tout au long de la période. En décembre 1406, Robert Sorin reçoit mandement de lever une certaine armee ordonnée qui paraît être de retour avant le 21 mai 1407 ; en 1431, des baleiniers de Guérande chargent de l’artillerie à Nantes et remontent la Loire ; en 1453, pour le siège de Bordeaux, deux flottes bretonnes interviennent dont l’une est commandée par Jean de Muzillac, capitaine de Guérande ; le 30 mars 1462, sont mentionnés les navires d’armee du Croisic ; le 7 avril 1468, Raoul Péan reçoit ordre, pour constituer une flotte, de se rendre, entre autres à Guérande ; l’expédition envisagée devait regrouper 25 navires partant du Croisic et se porter sur La Rochelle ; le 13 juin 1470, Guillaume Jouan doit armer, dans les 4 jours, 4 à 5 navires dont la nef ducale qui est alors au Croisic, le Serff et la Hacquenee qui appartiennent à Hervé Job, ces unités et leurs 300 combattants devant être engagés contre les Anglais ; en 1471, un espion au service de Louis XI, fait état de préparatifs militaires à Saint-Malo et à Guerrande158.
184La participation aux actions militaires de la guerre d’Indépendance a déjà été évoquée. Par la suite, Le Croisic demeure un port qui peut fournir des navires nécessaires à des missions : une cédule du 18 octobre 1496 mentionne le paiement de 1 235 L t à Guillaume Le Clerc, maître d’un navire, pour avoir conduit au Portugal Thomyn Lefevre, écuyer du roi, pour les secretes affaires du roi : il s’agit d’obtenir des renforts du roi du Portugal. Les navires requis peuvent être affectés à des actions militaires. Dans le combat où sombre la Cordelière le 10 août 1512, l’intervention de trois ou quatre navires du Croisic sauve la nef de Dieppe et permet de donner la chasse aux Anglais ; le 23 juillet 1523, Jean de L’Espinay, trésorier général, obtient l’engagement d’Aubin Le Roy, Guillaume Cayn, Jean Pen et Yvon Riolle dit Artebotte (en fait Yvon Violle dit Courtebote) de fournir chacun un navire, soit la Marie d’A. Le Roy d’un port de 180 tx et montée par 100 marins ; la neff mer de Pihiriac (Marie de Piriac ?) de G. Cayn, 140 tx et 80 hommes ; la Marie Guillemet de Y. Violle aussi de 140 tx et 80 hommes ; enfin, la nef la Françoise de J. Pen, 80 tonneaux et 60 marins ; soit un total de 540 tx et 320 hommes d’équipages. Ce rôle est reconnu par le roi qui le 26 juin 1523 note qu’il y a au Croisic grans nombre de grans navires pris de bonne guerre sur les ennemis et adversaires, et encore le 2 avril 1546159.
185Le Croisic fournit encore des navires pour le convoi. Un acte du 27 février 1462 cite trois navires du Croisic réquisitionnés. Le 12 mars 1472, Jean du Quelenec est institué capitaine des navires de Guerrende commandés pour garder la mer en mars. Le 17 août 1503, afin de faire face aux actions menées par l’Espagne, quinze bâtiments sont requis dont la Michelle du Croisic160.
186Pour servir le prince, il est accordé le 11 décembre 1487, 2 L par mois pour leur vitaille aux combattants ; le 25 août 1503, 4 L pour gaiges, avitaillement, droits de navires ; le 23 juillet 1523, chaque marinier touche 2 L 10 s, 2 s 1 d par jour pour les vivres de chaque compagnon, à quoi s’ajoute pour le maître du navire 16 s 8 d pour le fret par jour, et une participation aux prises éventuelles, soit des gages en augmentation par rapport à 1487 (25 %) et 1503 (40 %), l’artillerie, la poudre et les boulets et piques étant fournis, et parmi le personnel embarqué se trouvent des canonniers et des barbiers161.
187L’action corsaire est une autre forme de guerre navale. Elle peut être conduite au cours d’une navigation. Dans le procès de canonisation de Vincent Ferrier est mentionnée la Marie de Guérande qui, un mercredi de 1452, et naviguant par temps de brouillard, voit surgir un navire anglais armé en guerre. Les rafales de vent permettent aux Guérandais de gagner Saint-Gilles. Ce type d’action se retrouve, après la Noël 1461, lorsque 3 unités croisicaises affectées au convoi escortent trois navires bas bretons qui ont chargé du vin à La Rochelle. Ces derniers laissés à eux-mêmes sont pris par un balinier d’armee anglais, puis repris par 3 autres embarcations croisicaises. Parfois encore, l’action est menée de conserve avec un navire d’un autre port. La lettre de rémission obtenue le 12 avril 1525 par Pierre Fondose, rapporte que trois mois auparavant il s’est embarqué sur un gallion de guerre portant artillerie et 18 à 20 tx de vin qui sont vendus à Redon. De là, on gagne Le Croisic et, avec des gens de ce port, on navigue vers la côte d’Espagne, puis avec l’aide d’une barque du Croisic, on s’empare d’un navire espagnol chargé de froment venant d’Angleterre que l’on ramène au Croisic162.
188L’action peut consister en une opération improvisée menée à partir d’un port à la suite d’informations reçues. C’est le cas en 1471 ( ?), lorsque Alain Bouchart et d’autres du pays guérandais – Quelo, de Carné, Jean de Cleuz – avec huit ou neuf baleniers armés en guerre s’emparent au large de Belle-Ile de trois navires : une escarraque, une nef d’Espagne et une houlque. Les Croisicais sont renseignés par Antoine Picart qui, embarqué sur l’escarraque affrétée par Ambrois Lomelin et André Spinolle de Nantes, a été gecté à terre à la suite de certains larroucins. Alain Bouchart s’enquiert de la présence d’Anglais et marchandises anglaises dans les navires avant de passer à l’attaque, cette présence justifiant l’entreprise corsaire. Avec leurs prises, les Croisicais gagnent Noirmoutier, un port non breton. Ils négocient la remise des navires soit 3000 saluts pour la carraque et 526 pour la houlque, sans doute s’agit-il de dissimuler la prise sous une vente fictive. Cependant, les victimes agissent sur un autre registre en portant l’affaire devant la justice ducale. Ils font valoir que les marchandises n’étaient pas anglaises, et donc que l’entreprise n’est pas corsaire163 !
189Le plus souvent, un navire est préparé et l’opération organisée. Une enquête de 1529 est riche d’enseignement. Elle nous met en présence d’une barque du Croisic, sans doute de 18-20 tx. Elle est armée en guerre : on a recruté 63 hommes d’équipage ; le commandement du navire est adapté à la situation avec, aux cotés du maître Pierre Marcon, un capitaine, Simon Le Piquart ; et on se dote d’artillerie et bastons de guerre. Les objectifs sont définis : gagner la coste d’Irlande et attaquer les marchans du Portugal et de l’Espaigne. Une première prise est faite entre le raz de Saint-Mathieu et l’île de Batz, et la cargaison d’ostades (sorte d’étoffe de soie mêlée de laine ou de poil) est écoulée à Tréguier. L’accomplissement du programme est compromis par les vents contraires, ce qui oblige à se retirer au havre de Port-Blanc où l’on reste 10 à 12 jours. C’est là que se fait la rencontre avec ceux d’une petite barque du Croisic, sans doute de 15-16 tx, équipée de 30 hommes dont le maître est Fiston, le capitaine Pierre Palefrenier, et qu’est conçue l’opération commune qui allait valoir aux Croisicais l’accusation d’être des pillars de mer. Il s’agit d’une attaque perpétuée dans le havre de Perros contre un navire de Flandre sur lequel se trouve Claude Tuaudet, se disant facteur de Roch Chataignier de l’île de Ré. Mais pour les Croisicais, il navigue pour un Espagnol et l’action est corsaire. L’enquête montre que C. Tuaudet est facteur d’un Espagnol, et qu’il dispose de trois chartes-parties, l’une en espagnol, l’autre en flamand et la troisième en français, dans laquelle il est qualifié de facteur de R. Chataignier : procédé destiné à éviter d’être inquiété par les uns ou par les autres. Les autorités locales interviennent : P.Marcon et certains hommes d’équipage sont mis aux arrêts et gardés par une vingtaine de personnes de Bréhat ; la cargaison de harengs prise sur le navire flamand que les Croisicais ont vendue à un marchand de Bréhat est saisie ; ainsi que l’artillerie des deux barques placées à sec au havre de Saint-Michel où elles sont désarmées. La nuit suivante, les équipages de ces deux unités et celui d’un autre navire du Croisic, qui se trouve à Bréhat, appartenant à un nommé Bourbon, attaquent ceux qui les gardent et s’efforcent en vain d’emmener les barques qui avaient été saisies. Le surlendemain, des Croisicais cherchent à négocier avec C. Tuaudet et un accord est trouvé pour la restitution des deux unités, mais il n’est pas appliqué. À l’arrivée d’une commission d’enquête, les Croisicais abandonnent leurs deux embarcations et gagnent le large164.
190Les Croisicais apparaissent en chasse, soumis aux aléas de la météorologie, montés sur de petites unités agissant de conserve. Une opération réussie et le butin est immédiatement écoulé. L’entraide entre compatriotes, la mauvaise foi érigée en système de défense – un capitaine croisicais se fait passer pour C. Tuaudet –, le recours à la force pour se sortir d’un mauvais pas, sont autant de comportements caractéristiques d’actions à la limite de l’illégalité. Le fait que les marchands se couvrent de précautions, jouant sur les sauf-conduits multiples et éventuellement truqués, autorise les attaquants à agir sans distinction de nationalité, quitte à affronter ensuite les tribunaux et à se prêter à des compositions, ce qui ne peut qu’ouvrir la voie à des entreprises illégales. Le fait que le pavillon ne couvre pas la cargaison rend la prise légitime si la cargaison chargée appartient à un ennemi, même si elle est chargée sur un navire neutre ou allié ou encore appartenant à des compatriotes : le 14 janvier 1473, une lettre de rémission est accordée à Michel Le Vaillant de Guérande pour pluseurs prinses faites sur mer sur les subgiz de ce duché durant la guerre. La situation politique complexe, connue par les proclamations officielles, alimente la spéculation commerciale : le 21 avril 1513, Louis XII constate que soubz coulleur de certaine treve faite entre le roi de France et celui d’Espagne, certains ont stocké des grains. Le jeu des rumeurs qui fait qu’en février 1502 une nef espagnole est prise obstant le bruyct de guerre que on esperoit entre le roi de France et celui d’Espagne, la mauvaise foi qui conduit à feindre d’ignorer les trêves et à contester la valeur des sauf-conduits – en avril 1464, un navire anglais arrêté au Croisic soubz umbre et couleur d’un sauf-conduit vicieux et non valable –, les dénonciations, avérée dans le cas de 1471 ( ?) et plus qu’envisageable dans le cas de 1529, favorisent le passage à l’acte, d’autant plus que le recours à la fraude est une pratique relativement courante. Le fait encore que ce sont très souvent les mêmes navires et les mêmes armateurs, les mêmes ports qui peuvent selon les cas participer au commerce ou à des entreprises corsaires contribue à donner de la course des objectifs militaires mais également marchands ; ceci permet la poursuite d’activités commerciales, sous une autre forme, en temps de guerre165.
191En Bretagne ducale, le budget ne se préoccupe pas de défense maritime avant une date tardive. Les navires et combattants sont payés par le trésorier général sur le produit de la taxe du convoi, et ce n’est qu’à la fin du xve siècle que l’État se préoccupe d’acheter ou de faire construire de grosses unités. Aussi le duc, puis le roi, ont-ils recours à la réquisition selon un système apparenté à la retenue connue pour les armées de terre et comportant un partage des prises en mer. Tout cela débouche sur les actions illicites, sur des bavures de l’action corsaire de ceux qui sont alors dénommés pirates et ecumeurs de mer. Dans un tel contexte, toute tension entre des pays disposant de flottes ne peut qu’amener une recrudescence de l’insécurité sur mer.
192Les efforts de réglementation, entrepris dès le xve siècle, ont fixé dès la fin de ce siècle les règles de la course. Les maîtres de navire doivent bailler caution, s’engager à ne faire aucun dommage aux amis et alliés de leur prince et à réparer ceux qu’ils pourraient avoir commis, comme en témoigne le 28 février 1488 l’injonction faite aux officiers ducaux d’obtenir l’avenant de ceux du Croisic. La caution est égale à la valeur du navire, des apparaux et de l’avitaillement. Le rôle d’embarquement est déposé, un serment est prêté. En cas de prise, le corsaire ne doit pas faire disparaître les papiers saisis. Il doit ramener sa prise au port le plus proche et la remettre aux représentants de l’amiral, ce dernier ayant droit au dixième du revenu de la prise, prélèvement qui est rappelé le 23 août 1477 dans une affaire qui oppose l’amiral de Bretagne à Guillaume Le Pourceau et son fils, Jullien Maillart et plusieurs autres. La présence comme capitaine d’Alain de La Motte, également vice-amiral entre 1460 et 1483, n’a pu que contribuer au développement de ce rôle militaire. Le corsaire doit faire un rapport et ne peut disposer de sa prise qu’après enquête et jugement rendu attestant que cette prise a été faite sur un ennemi déclaré. Défense est faite à tous d’acheter des produits à des escumeurs de mer. Mais les difficultés à faire rendre la justice, ou pour le moins la lenteur de l’action de celle-ci – une caravelle capturée par des Croisicais en 1497 n’a pas été restituée sept ans plus tard –, et des commissions de réparations qui se mettent en place, sont des facteurs qui concourent à la pérennisation des abus et atténuent l’effet dissuasif des sanctions. D’autant que la population peut faire bloc contre leur application, comme au Croisic en 1471 ou encore en 1540. Or, l’absence de réparation appelle en représailles la délivrance de lettres de marque. En septembre 1473, l’affirmation d’Espagnols, qui se sont emparés d’un navire de Quimper et d’un de Groix, qu’après 22 mois de procédure menée contre Jean Mahé et aultres de Guerrande n’ayant pas obtenu de décision de justice le roi de Castille leur délivra une lettre de marque, permet de bien distinguer la lettre de marque du droit de prise, ce dernier concerne le temps de guerre et caractérise la course. La lettre de marque repose sur le droit reconnu à un particulier, qui n’avait pu obtenir justice par les voies ordinaires, du droit de reprendre, même par la force, son bien ou l’équivalent du dommage causé à son bien sur l’étranger auteur du préjudice ou sur les concitoyens de cet étranger. Ce droit est légitimé par l’existence d’un déni de justice. Il repose sur le principe de responsabilité collective et de la solidarité de la nation de l’auteur du dommage causé. Aux lettres de marque peuvent faire suite des lettres de contre-marque : le système est à même de s’entretenir de lui-même166.
193La reddition du navire attaqué évite la violence. Mais si l’adversaire résiste, la force est légitime puisque l’équipage qui n’obtempère pas à la demande donnée d’avallez le treff est considéré comme rebelle. La pire violence, aux dires des victimes, peut alors accompagner l’assaut, comme en témoignent en 1524 les lettres patentes du roi qui ordonnent de restituer à Jean Bonhons de Rouen, et à Paul Lemaistre de Dieppe le navire la Sainte-Marie de Nice de 200 tx, affrété à Gênes le 1er janvier 1522, et attaqué près du cap Finistère par sept embarcations du Croisic : les hommes pendirent les aucuns par les genitoires, leur baillerent ribaudes par la teste, leur faisant sortir par les bouches et oreilles grant effusion de sang, et rompirent coffres et casses estans oudict navires, despollerent et mirent en chemise maistre, contremaistre, escripvains, gens et facteurs167.
194Les Croisicais s’opposent à des Anglais, mais également à des Espagnols, Français, Portugais, Yrlandois et Écossais. En 1523, une opération menée contre des Italiens est notable. Des biens ont été pris sur mer provenant de trois galleaces que le roi d’Angleterre avait retenues l’année précédente pour les incorporer dans sa flotte. Leurs cargaisons avaient été transbordées par les Vénitiens à bord d’un navire anglais, Tous-les-Saints ; celui-ci est pris par des Croisicais, ce qui provoque l’intervention des duc et seigneurie de Venize, et de la communauté et seigneurie de Racgoucze, de la société Anthoine et Louis de Bonnyso et des compaignons de Lyon ; elle suscite en Bretagne plusieurs décisions de justice entre 1523 et 1526. En 1526, on retrouve les mêmes croisicais et quelques autres à propos de la prise d’un navire gênois. Parfois l’adversaire peut-être breton ! Ainsi en janvier 1491 plusieurs croisicais sont impliqués dans la prise d’une cargaison de vins. Mais parfois, il ne s’agit que de règlements de compte, ainsi le 20 novembre 1521, Pierre Pondeloc obtient l’ouverture d’une enquête parce qu’un navire chargé de sel lui appartenant a été effondré en mer. Dans toutes ces actions, l’adversaire est parfaitement identifié. Très rares sont les mentions où l’auteur du forfait est inconnu : ainsi en octobre 1515, Jean Trimau dénonce le rapt d’une barque de 12 tx chargée de céréales ; en mars 1517, Guinolay Le Chappon est victime d’aucuns mariniers à luy incongnuz ; et en juin 1530, Hervé Guyton, Jean Pen, Pierre Lesneven déposent plainte à la suite de la prise de leur navire le Toussaint. Ce n’est qu’alors que l’on peut parler de l’action de certains pirates de mer comme il est dit, le 13 septembre 1533, dans une commission d’enquête donnée aux juges de Guérande en faveur d’Yvon Goustan, à propos de certain ravissement de biens dont il a été victime168.
195L’importance quantitative de ces affaires est difficile à apprécier en raison d’une documentation fragmentaire et parfois difficile à interpréter. On dénombre une quarantaine d’affaires entre 1467 et 1540. Elles engagent un nombre relativement important de maîtres de navires, et correspondent à des périodes de tension envers un adversaire particulier, par exemple en 1470-1475, 1487-1492, 1513-1517, 1522-1526, 1529-1534. Elles sont à rattacher à un contexte d’engagements militaires.
196Le rapport des actions menées peut être important. En 1471, l’escarraque attaquée par Alain Bouchart a une cargaison estimée à 15 000 écus, celle du navire de Jean Bonhons à 20 000 écus, mais le profit est souvent moindre. Les pertes sont possibles. La balance pour ceux qui s’y livrent est impossible à établir, mais un enrichissement personnel ponctuel est envisageable. D’un point de vue plus général, en faisant naître des inquiétudes sur les échanges maritimes, en provoquant des pertes qui peuvent être irréparables pour certains, ces actions ne peuvent être considérées à la fin du Moyen Âge comme une forme de vie économique, mais une activité de remplacement ou de complément169.
197Cette étude menée au niveau local montre que nos sources ne concernent que des actions corsaires contestées par les victimes. Elle permet ainsi de relativiser le phénomène : si les cas connus sont relativement nombreux, ils ne concernent qu’un nombre limité de navires ; et surtout, les affaires connues se rapportent à des périodes de guerre.
Les bases sociales de la réussite croisicaise
198Au Croisic, tout un monde de mariniers, carsonniers, maîtres, capitaines se dessine que notre documentation ne permet pas d’appréhender totalement.
199Le marinier Jean Talic en juin 1494 déclare tenir une masière où il y a un emplacement de maison et un courtil, rue du Rohello, un quart de pièce de terre, un oeillet de saline. En mai 1504, Olivier Sallebrouet dispose de deux maisons, l’une couverte d’ardoise et l’autre de ros, avec leurs jardins. Quant à Éon Auffret et Jean Pezron, ils reçoivent le 23 février 1480 une rémission pour furt. Philippe Kermeur et Morice Soric sont notés pauvres compaignons mariniers en juin 1521, ce qui doit rendre compte de la situation sociale de bon nombre de ceux appartenant à cette catégorie sociale170.
200L’essentiel est la montée en puissance des marchands mariniers. Ce sont de véritables entrepreneurs dont certaines familles se suivent souvent sur plusieurs générations : ainsi les Le Gruyer dont on connaît Olivier cité en mai 1407, Kaulin après le 25 novembre 1411, Geffroy en 1464 et Jacques Le Gruyer en 1503. C’est encore le cas des familles Bertho, Calon, Chauvette, Colven, Deniaux, Flahart, Jean, Jego, Job, La Roche, Layc (Layeuc), Le Bastard, Le Bosec, le Boteuc, Le Bourdic (Le Bourdiec), Le Borléon, Le Corre, Le Hégarat, Le Moigne, Le Pennec, Le Poitevin, Le Roux, Levenez, Marou (Maro), Mauvoisin (Mauvesin), Noël, Pen, Porsal, Quéré, Richart, Ylisploé, dont des représentants sont mentionnés dans le compte de Jubin Regnault en 1384-1386, ainsi que trois membres de la famille Jollan (Bertho, Denis et Éon). Le duc anoblit le 24 juin 1433 une partie des biens de Denis Jollan et son fils Jean. Cette famille se suit ensuite, tout en distinguant les Jollan de Guérande, des Jollan du Croisic. La famille Groy est également citée au début du xve siècle171.
201La succession sur plusieurs générations de marchands mariniers crée une dynamique d’accumulation du capital. Des revers de fortune peuvent intervenir, mais ils ne sont pas irréparables : quelques voyages « heureux », souvent un simple aller/retour entre La Rochelle et l’Angleterre, suffisant à amortir les frais de la construction d’un navire. C’est le sens de la prolongation de respit d’une durée de 10 mois accordée le 5 juin 1510 à Martin Autour qui est justifiée par la perte, en mer, de la plupart de ses biens172.
202La disparition de certaines lignées s’explique par le manque de descendants de sexe masculin. Parfois la descendance se limite à une ou des filles ; c’est le cas des Le Bastard, des Ylisploë, des Job, et au début du xvie siècle des Le Talruz. Dans d’autres cas, la famille disparaît par l’extinction de la descendance directe, ainsi avec la veuve Le Borléon. Un cas particulier est constitué par les Le Goyc dont le dernier représentant est prêtre173.
203L’anoblissement n’interrompt pas l’activité maritime. Selon l’ordonnance de 1456 qui distingue grand et petit commerce, les nobles de lignage qui marchandent en gros et suivent les armes continuent à bénéficier de leur exemption d’impôts ; cependant, ils ne bénéficient pas d’exemption fiscale s’ils marchandent par le menu, et ce pendant le temps de cette activité en raison du privilège de « noblesse dormante ».
204Les rapports qu’entretiennent les nouveaux anoblis avec l’activité maritime varient selon les familles. Les Jouan, Quelo, Le Gliff, conservent des responsabilités militaires et une tradition de service sur la mer. C’est le cas encore des Jego, Layc, Le Rouxeau et encore des Calon : Guillaume Calon joue un rôle militaire au moment de la guerre d’Indépendance, ce qui lui vaut le titre de vice-amiral. D’autres trajectoires sociales sont suivies. Certains sont attirés par les offices financiers : Jacques Jouan est receveur, de même que Guillaume Le Bosec ; Jean le Bosec, fermier en liaison avec Michel Le Pennec ; Julien Le Rouxeau, en 1487 sous-fermier du devoir d’impost. D’autres sont établis notaires : Jean Conan est passeur pour des actes rédigés entre 1448 et 1497, et Nicolas de 1491 à 1504. Quant aux Le Bosec, ils paraissent avoir gagné Nantes où Julien et Guillaume y demeurent en 1533174.
205Le milieu des marchands mariniers peut être appréhendé dans la seconde partie du xve siècle à partir d’aveux rendus au duc. Ces aveux renseignent sur l’essentiel des biens détenus par les marchands mariniers puisque Le Croisic, les environs et une large partie des marais salants relèvent directement du Domaine. D’autres biens peuvent être tenus d’autres seigneuries comme Ust, Crémeur et surtout Campsillon qui nous connues, sauf pour les salines tenues de Campsillon, par des déclarations générales.
206Certains marchands mariniers ne semblent posséder qu’une maison, mais de « bon standing », ainsi Jean Bouis et Jean Kerascouet. Le plus souvent s’y ajoutent d’autres maisons, des rentes, des terres : Alain Le Mercier en août 1495 déclare une maison et une rente de 10 s ; Guillaume Porsal possède en juin 1478 une maison, 2 moitiés de maison et des terres ; Jean Flourigo rend aveu en octobre 1480 pour 4 maisons au Croisic dont 3 qu’il a acquises, un pré et le tiers d’une maison ; Raoul Pen en août 1493 déclare 3 maisons dont une vient d’être édifiée, un parc de terre et un pré ; Guillaume Lespeau tient en octobre 1477 avec ses frères Alain et Jean, 3 maisons et 2 courtils au Croisic. Certains y ajoutent la possession de vignes, tels la veuve Guillaume Boulet qui dispose en février 1478 de 3 maisons et d’une planche de vigne, et Guillaume Le Borléon en mars 1467175.
207Nombreux sont ceux qui possèdent également des œillets de saline : Pierre Deniaulx, en juin 1494 déclare 2 maisons et un œillet de saline ; Guinolay Enes s’en porte acquéreur avec Jean Jollan en 1518 ; Guillaume Le Pennec possède en avril 1494, 21 œillets, un pré et 6 L 4 s de rente ; Guillaume Le Poitevin en janvier 1494, 2 maisons et leurs courtils, un bout de maison, un jardin, un pré, 18 œillets et 68 s 3 d de rente ; Jean Porsal en août 1493, 4 maisons, une pièce de terre et 19 œillets. D’autres mentions éparses attestent de la possession d’œillets par bon nombre des marchands mariniers du pays guérandais, qu’ils soient du Croisic ou non, ainsi pour Jean Le Huedez de Kermoisan176.
208D’autres possèdent en plus un moulin. Nous sommes en présence de ceux dont le patrimoine est le plus varié et plus important. À ce tableau d’honneur figurent Jean Cayn dans les années 1460-1475 ; Jean Le Bastard en 1469-1481, il possède l’hotel qui fut à Hervé Chauvette et sans doute l’ancien moulin Chauvette ; Alain Le Poitevin, pour 1493-1501 ; et encore Hervé Job sur lequel nous reviendrons177.
209L’argent gagné permet la construction de maisons – c’est le cas pour Raoul Pen, Jean Antoine, Jean Tristan, Jean Job –, la prise de terres baillées par le duc, l’acquisition de maisons et sans doute la prise de fermes. C’est sans doute du revenu d’une ferme qui est en cause en décembre 1487 dans un mandement ordonnant à Jean Flourigo et Marie Le Rouxeau de restituer la production de 82 œillets de saline. Quant à Geoffroy Le Goyc, il entreprend l’édification d’oeillets de saline, et en juin 1481, il déclare une maison, 2 courtils et un emplacement de maison, une pièce de vigne, 97 œillets dont 49 récemment édifiés, et 23 s 4 d de rente178.
210Les marchands mariniers sont engagés dans des opérations financières. Ils apparaissent comme prêteurs ou emprunteurs. Selon une déclaration du 13 février 1496, Jean Antoine et Jean Lesneven doivent respectivement une rente de 5 L et 6 L à Elyot Labbé qui, de son côté, a également consenti des prêts à des personnes non engagés dans le mouvement maritime, tel Jean Nicolas, charpentier. D’autres se tournent vers d’autres prêteurs, en particulier la fabrique de Saint-Guénolé de Batz : le fait que celle-ci ne prélève pas lors du décès de Geoffroy Le Gruyer le montant de la meilleure robe donne à penser pour ce dernier à des difficultés financières. Certaines veuves disposant de capital sont capables d’avancer de l’argent, comme le montre le testament de Thephaine Le Boteuc, veuve Geoffroy Le Borléon : l’argent des prests sera distribué à sa mort et dans un codicille en avril 1490 les 32 L avancées à la mère de Denis Quelo doivent être remboursées179.
211On entrevoit quelques fortunes : le 20 juillet 1483, Thephaine Le Boteuc affecte 25 œillets à la fondation d’une chapellenie, soit le tiers de ses héritages, ce qui la fait propriétaire de 75 œillets, ce qui pourrait représenter des revenus en rente autour de 48 L à 52 L ; après juillet 1490, près de 150 L de rente sont partagées entre les héritiers d’Hervé Job et de sa femme Guillemette Le Poitevin dans une succession qui comporte un moulin, des maisons et des rentes ; Elyot Labbé, marchant, déclare en février 1496 avoir acquis 19 œillets et 27 L de rente, soit un revenu en rente autour de 40 L180.
212L’étude des alliances montre une forte homogamie qui révèle la prise de conscience d’une originalité sociale. Cela n’exclut pas des alliances avec la petite noblesse locale entre des filles de marchands-mariniers et des nobles : Guillaumette Goaschet épouse Julien Le Rouxeau ; Aliette Job, Jean Bouchart ; Perrine Job, Alain Quelo ; Marie et Catherine Le Mauguen sont mariées respectivement à Jacques Jouan et Hervé Layc ; et une fille de Jean Job, Catherine épouse Jean Le Rouxeau. D’autre part, des fils de marchands-mariniers épousent des filles de familles proches de la noblesse, ainsi pour Jean Job, Aliette Layc dont la famille est exemptée de fouage ; ou nobles, Guillemette et Jeanne Le Rouxeau, mariées respectivement à Olivier Le Gruyer et Mahé Le Bastard181.
213Les marchands mariniers affirment encore leur rang social en participant aux assemblées municipale et paroissiale et en acceptant des responsabilités : Pierre Molle, Jean Le Talruz, Pierre Labbé, Jean Jollan, Jacob Le Goff sont miseurs du Croisic ; Pierre Labbé, Guinolay Enes, Jean Le Gruyer, Mahé Rival, Guillaume Pen, Jean Martineau sont procureurs de la fabrique de Batz ; Jacob Penfau, Guinolay Enes, Le Roy miseurs de Notre-Dame-de-Pitié. Cette participation à la vie publique se renforce au début du xvie siècle. Dans ces charges, les marchands mariniers y côtoient les représentants de la petite noblesse182.
214Pour certains, la volonté d’intégrer la noblesse existe, comme en témoigne la prétention de Jean Le Talruz, Pierre Labbé et Jean Goaschet d’être exempts de fouage en mars 1508. La forme solennelle de ces actes fait que la franchise est souvent une étape vers la noblesse. Cependant, la réformation de la paroisse de Batz de 1513 ne retient pas ces exemptions. Le sens des hiérarchies sociales est fort, et la noblesse reste la catégorie modèle. Mais à l’intérieur d’une catégorie sociale déterminée, le rôle de l’argent apparaît. En témoigne les arguments employés en mars 1503 par Allenette Layc, grand-mère maternelle des quatre enfants devenus orphelins par le décès de Jean Le Rouxeau et de Catherine Job : pour obtenir la tutelle des enfants, elle affirme qu’en ligne paternelle, il n’existe aucune personne si solvable, désignant en cela Guillemette Goaschet grand-mère du côté paternel183.
215Pour les années 1536-1540, notre information est plus sélective : elle ne prend en compte que les biens tenus à foi, hommage et rachat du roi. Elle n’en permet pas moins de tracer des évolutions concernant les marchands mariniers du Croisic.
216La liste des assujettis à la taxe des francs-fiefs en 1536 fait apparaître des revenus en rente : pour Jacques Le Gruyer veuf de Thephaine Groy plus de 58 L ; Guillaume Groy 65 L ; Pierre Guillart noble homme déclare au nom de sa femme Ysabeau Le Talruz 32 L ; Olive Juignet 100 L ; Pierre Labbé 24 L ; Olivier Le Gruyer 4 L ; Aubin Le Roy plus de 37 L ; Jean Le Serff à cause de sa femme plus de 15 L ; Jeanne Le Talruz veuve de Guillaume Le Poitevin pour la moitié de la succession de son père Jean Le Talruz près de 20 L ; Jean Madec plus de 23 L ; Mahé Rival 9 L ; Jean Trimau près de 15 L ; il faut ajouter sans doute Jacques Olivier et sa femme Agaisse Le Douille 3 L184.
217À cette première source d’information s’ajoutent les déclarations rendues en 1539-1540 au lendemain de l’édit de Moulins. Certaines ne fournissent pas la valeur des biens, cependant la valeur des œillets de saline peut être estimée. Si l’on tient compte des valeurs déclarées en 1540 par d’autres Croisicais, on peut retenir pour valeur moyenne 10 s de rente par œillet. On obtient des revenus en rente : la veuve Jean Jollan l’aîné plus de 32 L ; Jean Madec, veuf de Béatrice Groy, 4 L ; Guillaume Groy et sa femme 37 L ; Pierre Pen et Guyonne Lesneven 14 L ; Jean Le Serff, marchand, et Olive Labbé, demeurant à Nantes, 12 L ; noble homme Jean Quelo plus de 64 L. D’autres déclarations portent parfois les valeurs en rente des biens déclarés : Jacques Le Gruyer 25 L ; Jeanne Desboys, veuve de Jean Trimau, plus de 20 L ; Raoullet Karahès et Jean Trimau 15 L ; Jean Ponnabat, bourgeois et marchant, 15 L ; Jeanne Le Talruz, épouse Olivier Le Roy, marchand, plus de 22 L ; Ysabeau Le Talruz, femme noble homme Pierre Guillart, 23 L ; Aubin Le Roy, honorable homme, 18 L ; Marie Bouchart, veuve Jean Le Roy, 10 L185.
218Des revenus compris entre 4 L et 65 L de rente, mais qui se situent dans la plupart des cas entre 10 L et 25 L, ce qui ne représente qu’une partie des ressources dont disposent ces personnages puisqu’il n’est pris en compte que les biens tenus à foi, hommage et rachat. Mais, de tels revenus révèlent plus l’aisance que la fortune.
219La comparaison entre les données de 1536 et celles de 1540 fait apparaître des déclarations semblables, celles de M. Rival et J. Le Serff ; d’autres en recul, celles de J. Le Gruyer, G. Groy et de la veuve Jollan. Mais pour certains, J. Trimau et A. Le Roy, la ponction de la taxe des francs-fiefs n’a pas entamé leur possibilité d’accroître leur patrimoine, et, fait remarquable, des noms nouveaux apparaissent : Pierre Pen, Jean Le Pourceau, Olivier Le Roy, Jean Ponnabat, ce dernier acquiert des œillets de saline en août 1526 pour plus de 420 L, Raoullet Karahès à cause de sa femme. Cependant, les disponibilités ne sont peut-être pas extensibles, et le 5 décembre 1543 certains sont deffailants à l’emprunt ordonné en 1542 par le roi, à moins qu’il ne faille songer à une certaine résistance à l’impôt appuyée sur les privilèges de la ville. Ce dernier document, qui laisse peut-être dans l’ombre des noms de contribuables ayant acquitté en son temps les sommes demandées, n’en donne pas moins une hiérarchie relative des richesses La liste comporte 17 noms pour des valeurs comprises entre 4 et 25 écus. : au premier rang, figurent Alain Antoine, Jacques Le Gruyer qui cotisent pour 25 écus ; puis Yvon Kerdavy, Aubin Le Roy, la veuve Ponnabat et son gendre, pour 20 ; Jean Pen, 18 ; Grégoire Garenne, Denis Goesval, Raoullet Karahès, 15. Les autres valeurs sont inférieures à 6 écus sauf celle de Nicolas Baudyn dit Dauphin, 25 écus, et de Jean Béliart, 15 écus, qui ne semblent pas Croisicais. Grégoire Garenne représente une nouvelle génération de marchands qui va s’affirmer dans la seconde partie du siècle186.
220Les alliances restent locales et marquées par l’homogamie. Cependant, des mariages avec des représentants de la noblesse locale ne sont pas exclus, ainsi Jean Quelo épouse Ysabeau Labbé ; Jean Le Roy, Marie Bouchart. Le cercle des alliances s’étend aux officiers royaux, et le gendre d’Olive Juignet, veuve Jean Jollan, est Mathurin Petiteau, receveur de Guérande, alors qu’Ysabeau Le Talruz épouse Pierre Guillart qui doit être un descendant d’Alain Guillart, sr d’Henleix, lieutenant ducal de la court de Guérande en 1484. Un cas fait apparaître une alliance avec le milieu des marchands nantais : Olive Labbé épouse Jean Le Serff. Elle paraît être l’héritière des biens de son père Jean Labbé qui avait reçu des œillets de son frère Elyot Labbé187.
221Autour des marchands mariniers gravitent des nobles, comme Jean Gastinel sr de Kervenel. Il possède au Croisic une maison sur le quai. Le 24 mars 1515, avec Jean Le Roy, il est concerné par la prise d’un navire qu’Yves Le Poitevin, leur facteur, conduisait. Il est impliqué en 1523 et 1526 dans des prises de navires italiens. Le 11 avril 1526, il est en procès avec un marchand de Tours. Le 6 mars 1522, il prend la ferme de l’impost de l’évêché de Nantes avec des financiers nantais, puis le 10 décembre 1526 pour 3 ans, à partir du 1er janvier 1527, la ferme du meage de Nantes pour 9 340 L avec des marchands nantais. Sur place, il acquiert des rentes. Vers 1520, il achète la seigneurie de la Mothe-Alman en Saint-Nazaire qui lui est un temps contestée. Il prend le 12 avril 1523 la ferme des salines du Domaine qu’il tient 3 ans. Le 5 mai 1535, le minu rendu à la suite des décès de Jean Gastinel et de Marguerite du Dreseuc, sa seconde femme, par Jeanne Gastinel recense une maison au Croisic, 4 prés, une pièce de terre, une pièce de vigne, un colombier, une garenne, un moulin à vent, 281 œillets, 35 L 11 s de rente à lever sur 9 maisons auxquels s’ajoute la seigneurie de la Mothe-Alman, soit le manoir et plus de 26 L de rente. En ne tenant compte que des rentes déclarées et des revenus en rente des salines, les revenus s’élèvent à 342 L de rente, ce qui place cette famille dans la moyenne noblesse. Jeanne Gastinel, qui présente cette déclaration, est la fille de Pierre Gastinel et d’Anne du Chastellier, donc la petite-fille de Jean Gastinel. Pierre Gastinel est connu comme alloué de Guérande. Au total, une trajectoire sociale remarquable pour ce noble engagé dans le mouvement commercial, l’action corsaire et dans les fermes locales ou régionales en collaboration avec des marchands nantais. Sa réussite sociale est nette, comme en atteste toute à la fois l’acquisition de la seigneurie de la Mothe-Alman en Saint-Nazaire, le fait que son fils devienne officier royal, et que la fille de celui-ci, qui est son héritière, épouse un cadet d’une famille de la haute noblesse bretonne possessionnée en pays guérandais : les Guémadeuc188.
222Ainsi dans la partie première partie du xvie siècle, la montée en puissance des marchands mariniers se poursuit. Quelques transactions nous sont connues ; ainsi en mars 1537, Alain Antoine acquiert 17 œillets pour 227 L 5 s t et en novembre 1537 20 s de rente. Leurs achats d’œillets de salines se font au détriment de représentants de la noblesse traditionnelle qui figurent parmi les vendeurs de biens. En 1536, Les Croisicais déboursent 1939 L t au titre de la taxe des francs-fiefs. Celle-ci est fixée après composition, dans son principe elle est égale à quatre ans de revenus du fief en question ; or le revenu d’un fief est réputé correspondre au vingtième de sa valeur, donc quatre années représentent le cinquième de la valeur de celui-ci, c’est un capital en salines supérieur à 9700 L t qui a changé ainsi de mains. Les marchands mariniers s’intéressent encore aux moulins. Mais ils ne se rendent que rarement acquéreurs de domaines nobles, sauf dans le cas de Jacques Le Gruyer qui se pare du titre de sr de La Porte, sans doute d’Aubin Le Roy qualifié de sr de Kervaudu et de Raoul Karahès sr du Grand Cleux en Escoublac et Saint-Nazaire. Les opérations semblent se limiter encore – il en va différemment à partir de la seconde moitié du xvie siècle – à un grignotage, sauf rares exceptions et les patrimoines constitués paraissent hétérogènes et dispersés. L’importance des achats d’œillets de saline correspond aux possibilités offertes par le marché des biens, mais également à un calcul économique : le sel est le produit qui alimente les expéditions à partir du terrouer. Cet intérêt commercial qui conduit les marchands croisicais à prendre à ferme l’exploitation de marais salants comme dans le cas de Philippe Geffroy qui afferme avec le prêtre Regnault Codz le 18 août 1523 pour 6 ans, les marais salants des chartreux d’Auray189.
223Le niveau d’instruction des marchands mariniers ne peut pas être apprécié. Si le 5 août 1480, Geoffroy Le Goyc, tres bon marinier, est présenté comme simple homme ignorans des droiz et du stille de pledoire, il faut y voir un argument employé dans le cadre d’un procès par un personnage dont la réussite sociale est évidente. Plus révélateur est que Guinolay Enes, le 5 février 1506 et Guillaume Groy le 10 juin 1540 apposent leurs signatures accompagnées de la motion vroy est, alors que les 8 et 16 avril 1500 Pierre Labbé, Guillaume Goaschet, Jean Le Gruyer et Olivier Ponnabat signent en tant que témoins. L’accès à l’instruction est encore établi par le nombre de cadets chapelains de diverses chapellenies, tels Guillaume Groy, Mahé Le Goguer190.
224Au début du xvie siècle, les marchands mariniers forment une bourgeoisie qui revendique son rang. Elle est reconnue comme telle puisque dans des actes notariés certains sont dits bourgeoys et marchant ainsi en mai 1540 Jean Ponnabat et Olive Juignet, veuve de Jean Jollan l’aîné et en juin 1540 Aubin Le Roy. Cette désignation est porteuse de sens à une époque où l’évolution du mot bourgeois fait qu’il devient un marqueur d’élite sociale191.
225À leur nom peut être également associé le qualificatif d’honorable, honesti vir ou honesti mercatores, dans les aveux, en juin 1540 pour Aubin Le Roy, et surtout dans les registres de baptêmes du Croisic. Dans ceux-ci, on ne dénombre pas moins de 50 mentions de honesti vir entre le 9 avril 1533 et 15 décembre 1540, et de 46 de honesti mercatores entre le 19 septembre 1538 et le 15 décembre 1540. En tenant compte des doubles citations, ce sont 65 occurrences d’honorables que l’on dénombre avant la fin de l’année 1540192.
226L’emploi du terme honorable illustre un fait important et décisif dans l’histoire sociale. Le mot peu utilisé dans la première partie du xve siècle devient ensuite d’un usage courant au fur et à mesure de la constitution et du renforcement des classes moyennes. Il traduit une volonté d’ordre et une conscience plus marquée des hiérarchies. Il contribue à accroître les distances sociales entre cette élite et le commun. Comme le mot « bourgeois », le mot « honorable » est un marqueur social.
Difficultés et jeux des mentalités dans les années 1530 au Croisic
227Au Croisic, l’évolution démographique après 1540, déjà évoquée, est révélatrice d’une stagnation commerciale. Celle-ci trouve ses explications dans des causes générales, nationales, régionales et locales.
228Elles sont d’abord générales et concernent l’évolution du marché du sel, le produit commercial de base du pays guérandais. La concurrence des sels non bretons, de Brouage, des salines ibériques, surtout du Portugal marque peu à peu des points. En 1495, à Danzig, pour la première fois, le sel de Setubal est moins cher que celui de la Baie, alors que les sels écossais ne sont guère plus coûteux, et que dans les ports anglais les sels ibériques ne sont pas plus chers que les bretons, ainsi à Plymouth en 1513 ou 1514. Cette concurrence inquiète les milieux concernés. Cependant, Arnemuiden, devenu à la fin du xve siècle le grand port du sel, reste une destination importante des navires bretons, surtout de Penmarc’h, pendant toute la première du xvie siècle. Quant aux prix nominaux du sel, ils sont soumis à des fluctuations très fortes, à Anvers elles adoptent un rythme trentenaire : 1450-1477 baisse ; 1478-1492 hausse ; 1493-1511 baisse ; 1511-1532 hausse ; 1533-1568 dépression. En terme d’échange, le rapport n’a cessé de se dégrader depuis le xiiie siècle et il subit une baisse relative aux xve et xvie siècles, en particulier après 1533. D’autre part, l’érosion constatée des taux de fret à partir de 1499 se poursuit jusqu’en 1540, ce qui réduit les marges bénéficiaires de ceux engagés dans le commerce roulier193.
229D’une façon plus générale, le redéploiement des routes du commerce international à l’époque des Grandes Découvertes est à prendre en compte. Des routes transatlantiques sont établies vers les terres nouvelles et l’approvisionnement des ports de Lisbonne et de Séville suscitent des courants d’échanges vers le Sud, en particulier des expéditions de toile vers Séville qui s’avèrent rémunérateurs. Or le commerce maritime du Croisic et les expéditions de sel des ports du pays guérandais sont tournés avant tout vers le Nord. Certes, les Croisicais se portent vers Terre-Neuve d’une part, et d’autre part vers le Sud. Mais dans la péninsule ibérique, ils y paraissent surtout nombreux avec des cargaisons de céréales, des produits traditionnels liés aux besoins locaux et dont la demande est irrégulière puisque liée aux aléas des récoltes. Les registres de la prévôté de Nantes pour 1554 à 1557 mentionnent des voyages effectués par des Croisicais vers le Portugal. Une partie d’entre eux a pour destination déclarée Ceuta, la plaque tournante de la contrebande entre Nantes, la côte sud de l’Espagne, et Séville. Le Portugal importe également des céréales : en 1558, 61 bâtiments du Croisic viennent avec des céréales et sans licence du roi, pour lesquels il est demandé le pardon car ils estoient en perte, l’importance des arrivées ayant rendu le produit meilleur marché qu’en France. Les marchands mariniers croisicais continuent à participer à un commerce de type traditionnel, alors que déjà Saint-Malo se concentre sur les trafics nouveaux194.
230Après 1550, la concurrence des nouveaux rouliers des mers, Zélandais et Hollandais, se fait sentir ; elle se développe dans le cadre d’une navigation qui prend sur la façade atlantique un aspect hauturier de plus en plus marqué. Les Néerlandais offrent des plus gros porteurs et donc les prix de fret plus bas.
231Il faudrait pouvoir apprécier le poids de la politique fiscale de la monarchie dans cette évolution. Le paiement de la taxe de franc-fief levée en 1536 a pu gêner certains. Les hésitations et surtout l’alourdissement de la fiscalité du sel ont dû contrarier la rentabilité de la production et de son commerce. Le 18 juillet 1551, les proprietaires, palluyers et saulniers des marais salants de Guérande, Le Croisic, Vannes et Rhuys n’ont pas satisfait à certains office, promesse et obligation pris envers le roi le 8 février 1543 et ils doivent 4 553 muids évalués à 36 426 L t. La requête des marchands de Nantes en 1556 expose que les debvoirs de gabelle, subsides et subvention que l’on a voulu, puis vingt ans, imposer sur le sel estant es maraiz sallant de la comté de Nantes, ont eu pour résultat qu’auparavant se enlevent tous les ans pour cinq cent mil escuz et à present n’en est enlevé pour dix mil, et que sur place les revenus ont tellement baissé que tel aiant 500 L esdits maraiz n’aujourd’hui que 150 L (-70 %), alors que les clients étrangers gagnent d’autres destinations. Certes, il convient de faire la part de l’exagération. Exagération que l’on retrouve dans le propos du receveur ordinaire de Guérande qui indique le 27 mai 1553 qu’une grande partie des salines est laissée en frost et ruyne faute d’entretien de la part de leurs propriétaires. Mais ces plaintes traduisent une inquiétude et des difficultés réelles195.
232Au niveau régional, la fin du Moyen Âge voit la montée en puissance, sur les routes du sel, des marins de la Bretagne nord, tout particulièrement de Saint-Pol-de-Léon qui, bientôt, avec l’affirmation de la production toilière, préférent ce fret de départ moins lourd, moins encombrant et plus lucratif. Le triomphe de Penmarc’h est encore plus spectaculaire sur les circuits du vin et du pastel. D’autre part, la proximité de Nantes n’est pas sans poser problème. La taille de la ville, l’importance de ses activités, son développement important au cours du xvie siècle semblent interdire pour une autre ville se situant dans un rayon d’environ 75 km. Ceci conduit à une certaine satellisation du Croisic pour qui il est impossible de franchir un certain palier196.
233Sur place, le sel est le fret d’aller essentiel du commerce guérandais. Or ce produit pondéreux, de faible valeur, saisonnier, de production irrégulière en raison des récoltes, périssable est de rapport relatif limité. Il est l’objet dans le pays guérandais d’un commerce traditionnel, routinier, peu capable de produire une accumulation importante de capitaux, et non d’un commerce en grosse quantité qui exige des tonnages élevés et des investissements importants seuls capables de dégager des bénéfices substantiels. À ces inconvénients, s’ajoute l’absence d’hinterland pour le commerce maritime du pays guérandais. En cela, Le Croisic est à différencier de Saint- Malo qui bénéficie, outre des avantages de la franchise concédée par Charles VI, en 1395, des productions fournies par la frange septentrionale de la Bretagne, et encore de Saint-Pol-de-Léon, et plus généralement des ports de la Bretagne nord dont l’arrière pays est à même de fournir avec la toile un fret de départ important. Le Croisic n’est pas, de ce fait, un port d’entrepôt, et il ne dispose pas de structures pour faire face à l’évolution qui se dessine. Au cours du xvie siècle, l’augmentation des trafics en tonnage est nette et exige des frets de retour importants et donc un arrière pays vaste, riche et aisément accessible à des moyens de communication « lourds ». Les grands ports de fond d’estuaire disposent alors d’un formidable avantage, et Le Croisic est d’autant plus désavantagé que les avant-ports de Nantes le long de l’estuaire sont autant de concurrents.
234Localement encore, la structure du commerce ne permet pas à la population du Croisic de s’accroître suffisamment. Cet handicap démographique restreint le dynamisme de la ville et n’autorise que des bases financières limitées, ce qui réduit d’autant les possibilités d’initiatives. Le nombre des marchands mariniers reste relativement limité. Ils ne dépassent pas un certain niveau et n’accèdent pas au statut de marchands internationaux. Le stade du microcapitalisme ne génére pas un véritable capitalisme marchand. Le Croisic est à l’image de Penmarc’h, avec cependant une différence fondamentale pour l’avenir : Penmarc’h a pour fret d’aller le poisson qui est déclassé à partir de 1520-1530 à la suite de la mise en exploitation des bancs de Terre-Neuve, alors que le sel du pays guérandais maintient un courant de sortie non négligeable, gage d’activité pour l’avenir197.
235Le Croisic se différencie encore de Saint-Malo où le fait décisif est la constitution précoce, dès le Moyen Âge, d’une véritable bourgeoisie marchande qui sait rapidement combiner le transport et le commerce de marchandises effectués sur leurs propres navires et transitant par le port. Les Croisicais, quant à eux, restent plus rouliers que marchands, ne contrôlant qu’une partie des cargaisons transportées, ne s’ouvrant qu’insuffisamment aux trafics émergeant à forte rentabilité, tels ceux du pastel ou des toiles bretonnes vers le marché espagnol. L’impossibilité de créer sur place un port d’entrepôt et donc un port marchand d’envergure pèse de tout son poids. D’autres facteurs s’ajoutent comme le jeu des successions qui fragmente le capital accumulé ou encore la concurrence pour la possession des salines avec la noblesse qui a la possibilité de faire jouer son droit de premesse, comme le montre l’affaire qui oppose Jean Jollan et noble escuyer Pierre Baye en 1533. Selon ce droit, une personne dispose de la possibilité d’intervenir dans la vente d’un bien immobilier, en se substituant à l’acheteur dans une transaction déjà réalisée, au nom de la parenté qui l’unit au vendeur, pour autant que le bien concerné provienne d’un ancêtre commun, on parle alors de retrait lignager. La non-libéralité du marché des biens fait ainsi le jeu de la conservation des patrimoines nobles dans le cadre d’une société où ces nobles ont été jugés comme la garantie du service militaire rendu au prince, et qui est également une manifestation de l’importance donnée au lien de parenté dans le droit privé breton prenant appui sur l’idée qu’un lignage dispose de la propriété éminente sur l’ensemble des biens patrimoniaux dont il dispose. Il en résulte une gêne à la concentration des biens au profit des marchands et à l’accumulation de capital entre leurs mains. Le droit privé breton, dans ce cas, atteste de la domination des valeurs anciennes dans une société pourtant en transformation198.
236Enfin, l’importance des dépenses non productives pèse de tout son poids, ainsi pour Raoul Karahès qui fait construire ou plutôt reconstruire la chapelle du Crucifix au Croisic. L’attirance des offices, par exemple Pierre Gastinel devient alloué de Guérande, contribue à arrêter cette accumulation du capital dans certaines familles que l’on a suivies au xve siècle sur plusieurs générations de marchands mariniers. Cette soif d’offices de la bourgeoise marchande est dénoncée par les nobles bretons dans des remontrances adressées à la reine au début du xvie siècle, et au roi aux états de Bretagne de septembre 1517. Elle participe à cette « trahison » des bourgeois, selon la formule de F. Braudel. Enfin, l’attrait des terres nobles a détourné des capitaux de l’investissement marchand. Ainsi, au plus profond, se trouve le jeu des mentalités.
•
237La mise en valeur du pays guérandais est remarquable par sa variété. Aux ressources de la Brière, s’ajoutent celles, classiques, de l’agriculture. L’avantage côtier apparaît, marqué par l’importance prise par le froment dans le cadre d’assolements biennaux.
238Le pays guérandais offre surtout deux productions destinées largement à la vente : le sel et le vin. La vigne, dont une bonne partie est cultivée dans le cadre de contrats de complant, se maintient au début du xvie siècle. Le sel est le produit guérandais par excellence, destiné à la vente sur les marchés bretons et au-delà. Les paludiers exploitent des salines dont la propriété est très morcelée. Si le spectre social des possédants est étendu, la propriété ecclésiastique et nobiliaire est dominante. Le marais salant qui, pendant la crise de l’Occident a connu une certaine contraction, reconquiert les surfaces perdues dès le début du xve siècle à la suite d’initiatives qui se développent tant dans le bassin guérandais que dans celui de Mesquer-Saint-Molf. Si des personnages haut placés, de l’entourage du duc, bénéficient de concessions de baules, c’est surtout la petite noblesse locale qui apparaît impliquée, le relais étant pris dès la fin du xve et au début du xvie siècle par les marchands du Croisic. Les relations maritimes du terrouer s’appuient sur un certain nombre de ports et de havres, dont le plus important est Le Croisic. L’affirmation croisicaise au cours du xve siècle est un phénomène majeur pour le pays guérandais. Les ports guérandais sont d’abord destinés à l’embarquement des productions locales, aussi le sel est-il le fret de départ par excellence. Mais Le Croisic est également un port d’armement pour une flotte qui se livre au commerce roulier. Cette flotte est nombreuse, variée et différenciée. La présence de bâtiments dépassant 100 tx est une constante. Cette flotte suit les évolutions techniques, l’adoption de la caravelle en est l’illustration. À côté de simples maîtres de navires et de marchands aux moyens limités, avec le commerce roulier se développe une catégorie de marchands mariniers. Tout au cours du xve siècle, ces marchands mariniers accumulent des capitaux et en viennent à former un milieu d’entrepreneurs actifs et capables d’initiatives. Le sel et la flotte sont présents sur l’ensemble des routes du commerce breton. Mais le sel gagne surtout le Nord, et le commerce roulier à partir de Bordeaux ou de La Rochelle s’inscrit dans un commerce des vins dont les destinations sont l’Angleterre, la Flandre, les Pays-Bas, l’Écosse et l’Irlande. Les marchands mariniers s’ouvrent aux trafics nouveaux, comme le pastel, aux routes nouvelles vers Terre-Neuve et les mers méridionales. La participation au convoi, aux flottes militaires ducales, puis royales, et aux activités corsaires complètent les ressources. Cependant, dès la seconde moitié du xve siècle, la concurrence des marins bretons, et notamment ceux de Saint-Pol-de-Léon et de Penmarc’h, se fait sentir. Surtout, fait fondamental, le tiers du xvie siècle passé, la courbe des conceptions traduit la stagnation du port du Croisic. Le manque d’hinterland pèse de tout son poids, mais plus profondément les marchands mariniers ne savent pas dépasser le stade du micro capitalisme et créer un capitalisme marchand à l’exemple de Saint-Malo.
Notes de bas de page
1 ADLA, B 1456 ; ibid., E 1227/6 ; ibid., B 2, f° 36 v° ; ibid., B 1482 ; ibid., B 1472 ; ibid., B 1450 ; ibid., B 1462 ; ibid., 1 E 123/1 ; ibid., B 1478 ; ibid., B 28, f° 107-108 v°. J.-F. Dreyer, « Le paysage de Basse-Bretagne d’après les rentiers et aveux des xve et xvie siècles », Kreiz, 11, 1998, p. 67-75 ; A. Antoine, Le paysage de l’historien. Archéologie des bocages de l’Ouest de la France à l’époque moderne, Rennes, 2000.
2 ADLA, E 1227/6 ; ibid., E 284/1, ibid., B 1478 ; ibid., B 1482 ; ADM, E 5106 ; ADLA, B 1462 ; ibid., B 682 ; M. Planiol, Histoire…, t. IV, p. 294-295.
3 ADLA, B 1462, ibid., 198 J 97, ibid., 28 J 54 ; ibid., B 1456, f° 143-146 v°, 156-161.
4 Ibid., E 1227/1 ; ibid., B 1462, ibid., 1 E 684, f° 96-97, ibid., B 1478 ; ibid., E 1227/4, f° 10, 14 ; ibid., B 1459 ; ibid., B 1476 ; ibid., B 1456, f° 160 ; ibid., E 296/7 ; ibid., E 631.
5 Ibid., B 1484 ; ibid., E 1227/6 ; ibid., B 1482.
6 Ibid., B 1489 (A) ; ibid., G 38, f° 15 v°-18 v°.
7 Ibid., B 11, f° 9 v° ; ibid., 2 E 1350 ; ibid., E 1228/1, f° 15, 16 v°-17 ; ibid., B 1478, ibid., B 1461 ; ibid., B 1475, ADML, H 3412, ADLA, B 1452.
8 ADM, 48 H 44.
9 M. Nassiet, Noblesse…, p. 59 ; ADLA, H 603, f° 24 v°-25.
10 Ibid., B 1456 ; ibid., B 123 ; ibid., E 207/2 ; ibid., B 1478 ; ibid., B 1489 (A), f° 119 v°-120 v° ; ibid., B 1481.
11 Ibid., E 439 ; ibid., B 1480 ; ibid., B 1461 ; ibid., E 1229/1, f° 18 ; ibid., B 3, f° 138 ; ibid., E 299, f° 2-3 ; ibid., B 1461 ; ADM, 3 H 2, p. 78.
12 ADLA, E 1400 : ibid., B 1455.
13 Ibid., E 1228/1 ; ibid., 59 J 19 ; ibid., E 1231/2 ; ibid., G 38, f° 12 ; ibid., E 1229/1, f° 21-22 ; ibid., B 1462.
14 Ibid., E 207/2 ; H. Touchard, « La consommation et l’approvisionnement en vin de la Bretagne médiévale », MSHAB, 40, 1960, p. 36.
15 A. de La Borderie, Nouveau recueil…, p. 78 ; ADLA, G 38.
16 Ibid., B 1462 ; ibid., B 1479.
17 Ibid., B 682, f° 6 ; ibid., B 1479 ; ibid., B 1455, ibid., B 1461 ; ibid., G 762 ; ibid., B 1455 ; ibid., E 977 ; ibid., B 1460 ; ibid., 59 J 2 ; ibid., E 1400 ; ibid., B 1450, ibid., B 1472, f° 2, 19 v°, ADM, 48 H 44.
18 ADLA, E 641 ; ibid., B 1462 ; ibid., B 16, f° 136-137 ; ibid., 59 J 2, f° 11 v°.
19 Ibid., B 1479 ; ibid., B 1481 ; ibid., E 1227/6 ; ibid., B 1455 ; ibid., B 1460.
20 Ibid., B 1462, ibid., E 977.
21 Ibid., 1 E 713 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 1478 ; ibid., B 1475 ; ibid., B 1479 ; ibid., B 1481 ; ibid., E 1230/1 ; ibid., B 1482 ; ADML, H 3412.
22 Ibid., B 1462 ; ibid., E 1228/2 ; M. Nassiet, Noblesse…, p. 60.
23 ADLA, B 1462 ; ibid., B 1478.
24 Ibid., B 1462 ; ibid., E 74/62, f° 10.
25 Ibid., 47 J 96 ; ibid., B 1478 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 1463 ; ibid., 30 J 42/42, 26/2, 48/10. G. Comet, Le paysan et son outil. Essai d’histoire technique des céréales (France, viiie-xve siècle), Rome, 1992, p. 448-451.
26 ADLA, E 1229/1, f° 21-22, 41 v°-43 v°.
27 Ibid., G 762 ; ibid., B 1472.
28 Ibid., B 125/8, R. Blanchard, Lettres…, n° 2064 ; ADML, H 3412 ; ADLA, E 1229/1 ; ibid., B 125/44.
29 ADM, E 52, p. 39 ; ADLA, B 3022, f° 24 v°-25 ; ibid., B 1447.
30 ADIV, 1 F 1111 ; ADLA, B, f° 147 v°.
31 Ibid., G 38, f° 25 v°-26, 41 v°, 46, 47, second cahier, f° 30 ; ibid., E 211/3 ; ibid., B 27, f° 44 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 1451.
32 ADM, 3 H 8, p. 9 ; ADLA, B 1458 ; ibid., B 1443 ; ADV, 3 H 1/787.
33 ADLA, B 1472 ; ibid., G 38, f° 42-43 v° ; ADM, E 5236, f° 6 v°.
34 ADLA, B 1478 ; ADV, 3 H 1/787 ; ADLA, B 1450 ; ADIV, 1 F 600 ; ADLA, B 1484 ; ibid., B 1456, ibid., B 1450.
35 Ibid., B 1472 ; ibid., B 1450 ; ibid., B 1452 ; ibid., B 1484 ; ADIV,3H92 ; ADLA, B 1459 ; ADML, H 3412 ; ADLA, 47 J 4 ; ADM, E 52, p. 158 ; ADLA, 1 E 283.
36 Ibid., E 1227/6 ; ibid., B 1472 ; ibid., B 1450 ; ibid., 1228/1 ; ibid., B 1456.
37 Ibid., 1 E 713 ; ibid., G 38, 42-43 v°.
38 Ibid., B 1484 ; ibid., B 1481 ; ibid., B 1484 ; ibid., E 1228/1 ; ibid., 47 J 2, ibid., E 977.
39 Ibid., B 1472 ; ibid., 1 E 264 ; ibid., E 977 ; ADIV, 3 H 92.
40 ADLA, G 38 ; ibid., B 1511, f° 1931 v°.
41 M. Forget, « Le mouvement du port de Blavet, fragments inédits de la recette ducale levée sur les denrées à l’entrée et à la sortie, 1432 », MSHAB, 1944, p. 55 ; ADLA, 1 J 128/5.
42 Sur l’ensemble de la question mise au point, références et bibliographie, G. BURON, Bretagne des…
43 ADLA, B 1472 ; ibid., E 1227/4 ; ibid., B 1469 ; ibid., E 163/1 ; ibid., B 1493, f° 121-123 ; ibid., B 682 ; ibid., B 1484 ; ibid., G 383 ; ibid., B 1481 ; ibid., B 1456.
44 Ibid., B 23, f° 241 ; ibid., B 51, f° 321-322 ; ADIV, 3 H 92 ; ADLA, B 777 ; ibid., B 847-848 ; ibid., B 834 ; ibid., B 818 ; ibid., B 790 ; ADIV, 1 F 494 ; ADLA, B 906 ; ibid., B 818 ; ibid., B 682, ibid., B 767, ibid., H 17 ; ADM, 3 H 8, p. 15, 16, 137-138, 168, 277, ADLA, B 795, ibid., B 1472 ; ADM, 48 H 20 ; ADLA, H 296, ibid., H 603 ; ibid., H 307 ; ibid., H 50 ; ibid., B 10, f° 224-225 ; ibid., B 1462 ; ibid., G 632, f° 13 ; ibid., B 1489 (A), f° 14 v°.
45 ADLA, B 1443 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 1489 (A), f° 83 v° ; ibid., B 1443 ; ibid., B 1476 ; ibid., B 1445 ; ibid., 1 E 260 ; ibid., B 1445.
46 Ibid., E 163/1 ; ibid., H 307, ibid., B 682, ADIV, 1 F 1113, ADLA, B 1489 (A), f° 34, R. Blanchard, Lettres…, n° 1189-1190, 1349.
47 ADLA, B 2, f° 72 v°-73 v° ; ibid., B 1445 ; ibid., B3, f° 104 v°-105 ; ibid., B 8, f° 176-177 ; ibid., 14 J 9, n° 43 ; ibid., B 7, f° 125 ; ibid., B 9, f° 127 v°-128 v° ; ibid., B 13, f° 109 ; ibid., B 1481 ; ibid., B 9, f° 70-71, 97 v°.
48 Ibid., E 1227/1 ; ibid., B 1450 ; ibid., B 1484 ; ADV, 3 H 1/782.
49 ADLA, E 163/1 ; ibid., B 1465 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 1478 ; ibid., E 557 ; ibid., B 1472 ; ibid., B 1453 ; ibid., B 1465 ; ibid., E 1229/1, f° 39-40 v° ; ibid., H 17 ; ibid., B 1450, ibid., B 1445, ibid., B 573, f° 318 v°.
50 Ibid., E 1384.
51 Ibid., 1 E 280.
52 Ibid., E 1228/1 ; ibid., E 1422 ; ibid., 47 J 87.
53 ADM, E 52, passim ; ADLA, B 5, f° 60 ; ibid., B 10, f° 224-225 ; ibid., E 1327 ; ibid., E 1283 ; ibid., B 1483 ; ibid., E 539 ; ADM, 18 J 41 ; ADLA, B 3022, f° 2, 6, 25, 24, 45, 40, 42 ; ibid., B 1465 ; ibid., B 1484.
54 ADIV, 1 F 81, ADLA, B 1484 ; ibid., 59 J 19 ; ibid., E 1378.
55 Ibid., B 1489 (A), f° 36-37 ; ADM, E 52 ; ADLA, B 1465 ; ibid., B 1463 ; ibid., E 1327 ; ibid., B 1493 ; ibid., B 3022, f° 2, 5 v°-6.
56 Ibid., H 307 ; ADV, 3 H 1/782.
57 ADLA, E 1227/2.
58 Ibid., E 1229/1, f° 23 v°, 40-40 v°. G. Buron, La Bretagne des…, t. II, p. 11.
59 ADLA, E 1229/1, f° 38 v°-40 v° ; ibid., E 299, f° 23 ; ADM, E 52, p. 156.
60 ADLA, E 641, f° 22 v° ; ibid., H 324/1 ; ibid., E 1283 ; ibid., E 299, f° 19 ; ibid., G 38, f ° 14 v°-18 v°, 26-27 v°, 41-41 v°, 45.
61 Ibid. E 1229/1, f°, 39-40 v° ; ibid., B 123.
62 Ibid., H 234/1.
63 Ibid., B 1455 ; ibid., B 1472 ; ibid., B 1465 ; ibid., B 3, f° 168 v° ; R. Blanchard, Letttres…, n° 2489 ; ADLA, B 744 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 570, f° 192 ; ibid., G 632, f° 13 ; ibid., G 38, 14 v°-18 v° ; ibid., B 576, f° 107 ; ibid., G 306. J.-L. Sarrazin, « Les marais salants de la côte atlantique au Moyen Âge : apports récents de la recherche », dans Aux rives de l’incertain. Histoire et représentation des marais occidentaux du Moyen Âge à nos jours, Paris, 2002, p. 186.
64 ADLA, B 24, f° 161, ibid., 1 E 283.
65 Ibid., E 1231/2 ; ADM, 48 H 20, 44 ; ADLA, B 1518, f° 844 ; ibid., B 28, f° 212 v° ; ibid., E 1228/2 ; AP Guérande, vol. I, f° 47, ADLA, G 304 ; ibid., B 576, f° 67 ; ibid., B 12871 ; ibid., H 307.
66 J. Guiral, « La Méditerranée et l’Armorique vues du Levant valencien au xve siècle », 107e-108e CNSS, 1982, (1984), p. 91. G. Buron, « De l’origine… », p. 52.
67 F. Guériff, « Gargantua au pays de Guérande », BSAHNLA, 1959, p. 49-50 ; M. Rey, Le domaine du roi et les finances extraordinaires sous Charles VI, 1388-1413, Paris, 1965, p. 185 ; J.-C.Hocquet, « Les paysans de la mer, l’exploitation du sel en Picardie au Moyen Âge », dans Campagnes médiévales…, p. 636-638 ; H. Hauser, « Le sel dans l’histoire », Revue d’économie internationale, 1927, p. 277.
68 ADLA, G 38 ; ibid., B 1511, f° 1923 v° ; ibid., B 777 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 2274 ; ADLA, G 306 ; ibid., E 74/14, f° 9 v°.
69 Ibid., B 1445 ; ibid., B 1480 ; ibid., G 632, f° 13 ; ibid., E 299, f° 8 ; ibid., E 641, f° 22-23.
70 Ibid., E 74/8, f° 2 ; ibid., E 74/14, f° 9 v° ; ibid., B 23, f° 241.
71 Ibid., B 2964.
72 Ibid., B brefs et comptes de ports ; ibid., H 603, f° 20 v° ; ibid., E 299, f° 6 v° ; ibid., G 632, f° 13 ; AN, minutier central des notaires de Paris, liasse 11, n° 3387, dans C. Béchu, F. Greffe et I. Pebay, Minutier central…
73 ADLA, B 11, f° 113 v°, 130 v°, 132 v°.
74 Ibid., B 1480 ; ibid., G 632, f°13 ; AP Guérande, vol. I, f° 31 v°.
75 ADLA, E 1229/1, f° 23 v°-29, 38 v°-40 v° ; AM Nantes, EE 244/1, f° 3 ; ADLA, B 578, f° 33.
76 Ibid., B 1478 ; ibid., 47 J 87 ; ibid., B 1478 ; ibid., E 557 ; ADIV, 2 Ec, de Carné, 23 ; ADLA, B 27, f° 133 v°-134 v°.
77 Ibid., B 1472, f° 4-4 v° ; ibid., B 1482, f° 5-6 v° ; ibid., B 21, f° 17 v°.
78 R. Blanchard, Lettres…, n° 1451 ; ADLA, E 129/18.
79 Ibid., B 1489 (A), f° 66.
80 G. Salaün, « L’atelier… », p. 10-15 ; ADLA, B 1450 ; AP Guérande, vol. I, f° 29 ; ADLA, B 1484.
81 Ibid., E 74/14, f° 50 v° ; ibid., B 1483 ; BM Nantes, ms fr 2667/2 ; ADLA, G 762 ; ADM, E 5104, f° 3 v°-4 ; AP Guérande, vol. I, f° 37, 39, 45 v°, 54 v° ; ADLA, E 206/4 ; ibid., 2 E 1250, f° 8 ; A. de La Borderie, Complot…, p. 95 ; ADLA, 59 J 2 ; ibid., B 1461 ; ibid., B 29, f° 153-154 v° ; ibid., B 1489 (A), f° 72 v°.
82 Ibid., G 38, f° 24 v°-25, 44-47, 50 et second cahier f° 30-30 v°, 36 v°.
83 Ibid., E, dépôt Le Croisic, CC 11 ; ibid., B 1447, Caillo, Notes…, p. 146-149, 269 ; ADLA, E 1228/3 ; ADM, E 52, p. 110.
84 ADLA, G 632, f° 21 ; R. Doehaerd, Études anversoises. Documents sur le commerce international à Anvers (1488-1514), Paris, 1963, t. III, n° 3722, p. 218 ; ADLA, B 20, f° 224.
85 Ibid., B 35, f° 265-266 ; ibid., 59 J 2 ; ibid., B 1450 ; ibid., B 1478 ; ibid., 2 E 1249, f° 32 v° ; ibid., G 632, f° 15-23 v°.
86 Ibid., B 682, f° 4 ; ibid., E 1230/1 ; ibid., B 1472, f° 2-2 v°, ibid., B 1458 ; ibid., B 1462 ; ibid., B 1441 ; ibid., E 285/11.
87 Ibid., E 74/14, f° 10 v°, 19 v°, 25 v°, 78-84 ; ibid., 198 J 72 ; ibid., B 1489 (A), f° 24 v° ; ibid., B 1462 ; ibid., B 1460 ; ibid., 198 J 81 ; ibid., G 38, f° 48 v° ; AP Guérande, vol. I, f° 42 ; ibid., B 29, f° 153.
88 Ibid., G 632, f° 21 v°, 23-23 v° ; ibid., E, dépôt du Croisic, CC 11 ; ibid., E 1384 ; ibid., 28 J 54 ; ibid., E 127/33 ; ibid., B 1450 ; ibid., B 16, f° 136 v° ; ibid., B 36, f° 41 v°.
89 Ibid., G 38, f° 42 v°-43 ; AP Guérande, f° 9 v° ; ADLA, B 1492, f° 3 v°-4 ; ibid., G 632, f° 20.
90 Ibid. G 38, f° 4 ; ibid., E 74/8, f° 3 ; ibid., E 74/14, f° 31, R. Blanchard, Lettres…, n° 1286, 1451 ; ADLA, 14 JJ, Le Croisic, 37, f° 22.
91 Ibid., B 5, f° 61 ; ibid., G 303 ; ibid., B 22, f° 104 v° ; ibid., B 36, f° 97.
92 J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 300 ; ADLA, B 760 ; ibid., B 1450 ; ibid., B 1472 ; ibid., B 1457 ; ibid., B 1447 ; ibid., B 9, f° 29 v° ; ibid., E 1228/2 ; ibid., B 22, f° 104 v° ; ibid., B 1492, f° 64 ; ibid., B 27, f° 133 v°-136.
93 Ibid., H 603, f° 54 v°.
94 J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 240-242 ; ADLA., E 74/14, f° 10 v°, 25-25 v° ; ibid., B 1450 ; ibid., B 102, f° 128 v°-129 ; ibid., E 74/62, f° 9 v°.
95 R. Blanchard, Lettres…, n° 1451 ; ADLA, B 1450, R. Blanchard, Lettres…, n° 2505, 2517 ; ADLA, 2 E 1250, f° 95 v° ; ibid., B 576, f° 35 ; ibid., B 1481 ; ibid., E 557, Actes de François Ier…, t. IV, n° 11628.
96 ADLA, E 74/62, f° 10.
97 Ibid., B 12838/1, f° 93, 111, R. Blanchard, Lettres…, n° 1690 ; ADLA, B 2329, f° 5-5 v° ; J. André et P. Thomas-Lacroix, « Les grands itinéraires de la Bretagne méridionale », BSPM, 1953, p. 29-31 ; ADLA, B 1450 ; ibid., B 1482 ; ibid., E 157/5 ; ibid., E 557, f° 12 v°.
98 Dom Morice, Preuves…, III, 333-336 ; ADLA, E 128/1 ; ibid., B 9, f° 163 v°-165 ; ibid., B 16, f° 161 v°-162 v°.
99 J.-C. Cassard, « Les marins… », p. 388 ; ADLA, E 201/11 ; dom Morice, Preuves…, t. III, 1122 ; ADLA, B 2964 ; ibid., B 1489 (A) ; ibid., E 206/4.
100 R. Blanchard, Lettres…, n° 402, 469, 665-666, 668, 915.
101 J. Bernard, Navires…, t. III, p. 12, 14, 18, 26, 28, 32, 54, 66, 82.
102 BM Niort, Rés. P 165 E ; D. W. Waters, The rutters of the sea. The sailing directions of Pierre Garcie, New-Haven-London, 1967, p. 92, A. Gallicé, P. Tremel, « La navigation dans l’estuaire de la Loire à la fin du Moyen Âge », Aestuaria, à paraître ; ADLA, B 2, f° 31 ; ibid., B 11, f° 145 v° ; R. Doehaerd, Études anversoises…, t. II, p. 211-212.
103 ADLA, B 62, f° 141 v° ; ibid., 2 E 1250, f° 96 v°-97 ; ibid., B 1482 ; ibid., B 52, f° 6 v° ; ibid., E 206/4, ibid., G 632, f° 19 v° ; ibid., B 2964 ; ibid., B 1463 ; ibid., B 1465 ; ibid., E 641, f° 11-11 v° ; ibid., B 1456 ; ibid., B 1482 ; ibid., B 1463 ; ibid., G 632, f° 17 v° ; ibid., E 206/4 ; ibid., 709, f° 22 v°-23 ; ibid., B 1450 ; ibid., G 301.
104 Ibid., 1 E 684, f° 3 v°, 30, 144 v° ; ADIV, 2 Ec, de Carné, 23 ; ADLA, E 977 ; ibid., B 1472 ; A. Gallicé, P. Tremel, « La navigation… ».
105 ADLA, B 907 ; ibid., E 287/15 ; ibid., E 299, f° 4 ; ibid., B 19, f° 125 ; ibid., B 35, f° 266 ; J. Tanguy, Le commerce du port de Nantes, au milieu du XVIe siècle, Paris, 1956, p. 62 ; A. Gallicé, P. Tremel, « La navigation… ».
106 ADLA, B 2964 ; J. Bernard, Navires…, t. III, p. 130, 334 ; ADLA, B 5, f° 30 v° ; J. Guiral, Valence, port méditerranéen au xve siècle (1410-1525), Paris, 1986, p. 86 ; ADLA, E 206/4 ; A. F. O’brien, « Commercial Relations between Aquitaine and Ireland c 1000 to c 1550 », dans Aquitaine and Ireland in the Middle Ages, J.-M. Picard, dir., Cambridge, 1995, p. 46 ; AM Nantes, CC 115, f° 31 v°-32.
107 ADLA, B 2964 ; J. Bernard, Navires…, p. 247-251, 352-355.
108 ADLA, B 2964 ; ibid., B brefs et comptes de ports ; ibid., E 211/3 ; M. Jones, Recueil…, n° 917 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 320 ; ID., Les douanes municipales d’Exeter (Devon), publication des rôles de 1381 à 1433, Paris, s.d., p. xxi.
109 ADLA, E 206/5.
110 H. Touchard, Le commerce…, p. 101-102, 106, 171-172.
111 ADLA, B brefs et comptes de ports.
112 H. Touchard, Le commerce…, p. 316-317 ; J. Bernard, Navires…, p. 837 ; ID., « Les types de navires ibériques et leur influence sur la construction dans les ports du sud-ouest de la France (xve-xvie siècles), dans Les aspects internationaux de la découverte océanique aux xve et xvie siècles, Paris, 1960 (1966), p. 215-217 ; J. Paviot, « La diffusion de la caravelle en Europe xve-début du xvie siècle », dans Dans le sillage de Colomb. L’Europe du Ponant et la découverte du Nouveau Monde, 1450-1650, Rennes, 1992, (1995), p. 145-150.
113 ADLA, E 129/28, f° 2 v° ; H. Touchard, Le commerce…, p. 321-323 ; ADLA, 114 J, Le Croisic, dépôt 20 ; ibid., E, dépôt Le Croisic, CC 13 ; J. Tanguy, « La marine bretonne au xvie siècle », Amphitrite, 1, 1970, p. 12 ; ADLA, E 212/16, f° 22, ibid., B 23, f° 162-162 v° ; C. de La RONCIÈRE, Histoire…, t. III, p. 168 ; Caillo, Notes…, p. 88-90, 161-162, 217 ; M. Mollat et F. Chillaud-Toutée, « Le livre des faiz de la marine et navigaiges d’Antoine de Conflans, v. 1516-1520 », 107e CNSS, 1982, (1984), p. 21 ; ADLA, B 10, f° 237-244.
114 H. Touchard, Le commerce…, p. 18 ; AN, JJ 127, n° 283 ; ADLA, B 2964.
115 Ibid., B 2964 ; ibid., E 206/4, M. Jones, Le voyage…, p. 88, 92, dont la transcription Malouin est fautive ; ADLA, E 201/11-12, M. Jones, Recueil…, n° 590, 751.
116 ADLA, B 2448, L. Maître, « État de la navigation sur la Vilaine au xve siècle », RHO, 1887, p. 165-176 ; ADLA, B brefs et comptes de ports.
117 Registre de la Comptablie…, p. 106, 114, 119, 121, 128, 134 ; J. Bernard, Navires…, t. III, p. 14, 26, 294, 324, 334, 466.
118 Ibid., p. 836-837, t. III, p. 33, 257, 295, 325, 349, 383, 389.
119 ADLA, B 20, f° 224 ; ibid., B 23, f° 188 ; A. F. O’Brien, « Commercial… », p. 47.
120 ADLA, B brefs et comptes des ports, 31 ; BM La Rochelle, ms fr 200, minutes Noyrault, f° 169-170, M. Delafosse, « Marins et marchands bretons à La Rochelle aux xve et xvie siècles », MSHAB, 1953, p. 60-61.
121 BM La Rochelle, ms fr 200, minutes Noyrault, f° 169-170 ; J. Bernard, Navires…, p. 564, 574, t. III, p. 32, 312, 314, 324, 334 ; F. Bériac, « La France et l’Océan », dans La France et la mer au siècle des grandes découvertes, dir. P. Masson et M. Vergé-Franceschi, Paris, 1993, p. 317-322 ; ADLA, B 28, f° 131.
122 Ibid., B 3 f° 59 v° ; ibid., B 22, f° 46 v° ; ibid., E 198/24 ; ADM, E 52, p. 37 ; ADLA, B 1490, f° 97 ; N. Bataille, Le procès de Gilles de Rais, Paris, 1965, p. 140-141 ; ADLA, B 4, f° 39 v° ; H. Touchard, Le commerce…, p. 176.
123 ADM, 48 H 20 ; ADLA, B 11, f° 9 v° ; ibid., B 23, f° 217 v° ; J. Bernard, Navires…, t. III, p. 295, 304, 312, 314, 324, 334 ; supra, p. 223-224.
124 R. Blanchard, Lettres…, n° 1451 ; ADLA, B 2964 ; J. Kerhervé, L’État…, p. 681-686.
125 R. Blanchard, Lettres…, n° 1451.
126 ADLA, B 52, f° 17 ; AM Nantes II 120/14 ; ADIV, 1 F 657.
127 ADLA, C 704, f° 1-7 ; ibid., B 123 ; ibid., 14 JJ, Le Croisic, 37, f° 1-39 ; ibid., E dépôt Le Croisic, AA 1-2.
128 Ibid., B 52, f° 6-6 v°, 21 v° ; M. Planiol, La Très Ancienne Coutume de Bretagne, Rennes, 1896, p. 468 ; J. Kerhervé, L’État…, p. 673-680.
129 ADLA, E, dépôt Le Croisic, EE 1 ; ibid., G 402 ; ibid., B 1472 ; ibid., B 1482, f° 4-5 ; ibid., 2 E 1250, f° 7 v° ; ibid., B 1456.
130 Ibid., B 52, f° 11 ; R. Blanchard, Cartulaire…, n° 242, 330, 196 ; ADLA, B 1854 ; ibid., B 10, f° 90 v°-98 ; J.-L. Sarrazin, « Une urbanisation… », dans Mondes…, p. 331 ; J. Kerhervé, L’État…, p. 100-101 ; P. Guérin, Recueil…, Archives…, t. XXI, p. 231-233, J.-C. Sarrazin, « Les franchises des îles de mer du Poitou et d’Aunis à la fin du Moyen Âge », dans L’Europe et l’Océan…, p. 79-81, G. Buron, « De l’origine… », p. 44 ; ADLA, B 2671, f° 3.
131 Ibid., B 52, f° 7-21.
132 Ibid., G 20 ; ADIV, 3 H 23-24, M. Jones, Recueil…, n° 420, 1146 ; ADLA, B 77, f° 239 v°, M. Jones, Recueil…, n° 28 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 1535, 2024, 2195 ; ADLA, B 11, f° 130 v° ; ibid., E 211/3, M. Jones, Recueil…, n° 917 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 735, 789 ; ADLA, B 10, f° 145 v°.
133 Ibid., E 242/12, f° 11 v° ; R. Blanchard, Lettres…, n° 1620, 1868, 1886, 1927, 1939, 2152 ; ADM, 3 H 2, p. 99.
134 ADLA, E 129/28 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 233-236 ; AM, Nantes, HH 196.
135 ADLA, E 211/3 ; ibid., B brefs et comptes de ports ; ibid., B 21, f° 33.
136 H. Touchard, Le commerce…, p. 380-381 ; ID., « Grandeur… », p. 4-7 ; A. Croix, L’âge d’or…
137 H. Touchard, le commerce…, p. 16, 20, 26, 32, 36, 45, 68, 70, 72, 93, 408 ; A.R. Bridbury, England and the salt trade in the later middle ages, Oxford, 1955, p. 102 ; ADIV, 3 H 24 ; ADLA, E 234/2 ; S. W. Sneller, en W. S. Unger, Bronnen tot de Geschiedenis van den Handel met Frankrijk, Eerste Deel (753-1585), 1930, n° 24, p. 9, J. Craeybeck, Un grand commerce d’importation : les vins de France aux anciens Pays-Bas (xiiie-xvie siècle), Paris, 1958, p. 111 ; J. Bernard, Navires…, p. 736 ; ADLA, E 201/3, M. Jones, Recueil…, n° 33 ; dom Morice, Preuves…, t. III, 1122 ; J. Kerhervé, L’État…, p. 681-686.
138 ADLA, B 2964, ibid., E 234/2 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 15-19, 21-22, 27-28, 61, 70, 76, 80, 92-93, 386-388 ; M. Mollat, Le commerce…, p. 15 ; É. Bougouin, « La navigation sur la basse Loire au milieu du xive siècle d’après un compte de péage inédit », RH, 1935, p. 487-489.
139 R. Blanchard, Lettres…, n° 1451 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 22-26.
140 ADIV, 3 H 24 ; ADLA, B 2448, L. Maître, « État… », p. 165-176 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 70.
141 ADIV, 1 F 1111 ; ADLA, B brefs et comptes de ports ; AM Nantes, II 120/14 ; M. Forget, « Le mouvement… », p. 55-59.
142 ADLA, B brefs et comptes de ports, 22 ; M. Rey, Le domaine…, p. 202, 250-251 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 447, ID., Cartulaire…, t. II, p. 214-216, M.Mollat, Le commerce…, p. 15, 41-42, H. Touchard, Le commerce…, p. 127-128 ; J. Favier, Paris au xve siècle, 1380-1500, Paris, 1974, p. 291, A. Sadourny, « Les transports sur la Seine aux xiiie et xive siècles », AB, 1978, p. 241 ; B. Chevalier, « Aux origines de la ferme. Les villes et le monopole d’approvisionnement des greniers à sel. Fin xive-milieu xvie siècle », dans Le Roi, Le Marchand et le Sel, Lille, 1987, p. 134-141 ; Journal d’un Bourgeois de Paris de 1405 à 1449, Paris, 1990, éd. C. Beaune, p. 392.
143 H. Touchard, Le commerce…, p. 18, 93, 111, 133-137 ; ID., Les douanes… ; A. R. Bridbury, England…, p. 114, 129 ; A. F. O’Brien, « Commercial… », dans Aquitaine…, p. 44, 46.
144 E. Ferreira, « Bretons et Galiciens : une rencontre à la fin du Moyen Âge », dans 1491. Bretagne, terre d’Europe, Brest-Quimper, 1992, p. 70-79.
145 J. Bernard, Navires…, p. 354-355, 513-515, 520, 547-552, 686 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 44-45 ; ADLA, E 202/3 ; dom Morice, Preuves…, t. II, 892-894.
146 A. Bouchart, Grandes…, t. II, p. 254-255, 320, 472-473 ; J. de Saint-Paul, Chronique…, p. 53.
147 M. Le Méné, dans Histoire de Nantes, dir., P. Bois, Toulouse, 1977, p. 98-103 ; AM Nantes, CC 383/7 ; ADLA, B 10-11, passim ; AM Nantes, CC 403-406, passim ; ADLA, B 33, f° 70 v° ; ibid., B 14, f° 111 v° ; AM Nantes, CC 407, passim.
148 ADLA, B brefs et comptes de ports ; M. Russon, « L’Aber-Wrac’h et les terroirs littoraux : portrait d’une société maritime bretonne à la fin du Moyen Âge », Kreiz, II, p. 268, 274 ; ADIV, 1 F 657, 1 F 1117 ; ADM, 1 J 39/4, f° 21-25 v° ; ADLA, G 632, f° 17 v°.
149 M. Mollat, Le commerce…, p. 111, 203, 227-228, 304-313, 608 ; ID., Comptabilité du port de Dieppe au xve siècle, Paris, 1951, p. 45, 62, 67, 73 ; Z. W. Sneller en W.S. Unger, Bronnen…, p. 35, É. Coornaert, Les Français et le commerce international à Anvers (fin du xve-xvie siècle), Paris, 1986, p. 211 ; P. Villiers, « Boulogne au xvie siècle », dans La France et la mer…, p. 170 ; ADLA, B brefs et comptes de ports ; ADIV, 1 F 680 ; ADLA, B 3 f° 78 v°, ibid., B 12, f° 123 v° ; H. Touchard, Le commerce…, p. 191-192, 261.
150 ID., ibid., p. 261-262 ; Z.W. Sneller en W.S. Unger, Bronnen…, p. 171 ; ADLA, B 11, f°11 v°, 16 v°, 21 v°, 85, 126 ; R. Doehaerd, Études…, t. I, 136, t. II, p. 211-212, n° 1470 ; ADLA, B 1492, f° 11 ; ibid., B 15 f° 23-25 ; F. Guériff, De poudre…, p. 39.
151 ADLA, B 2, f° 30 v° ; ibid., E 198/29-30 ; ibid., B 3, f° 13, 16, 47 v°, 59 v° ; ibid., B 3, f° 13, 16 ; R. Gosselin, Le commerce maritime extérieur du Devon en 1508-1509, mémoire de maîtrise, dactyl., Nantes, 1970, p. 53, 93, 138 ; M. Ehouarne, Le trafic maritime du Devon en 1517-1518, diplôme d’études supérieures, dactyl., Nantes, 1967, p. 94-95, 114, 118, 132-133 ; M. Davier, Le commerce extérieur du Devon, 1520-1521, diplôme d’études supérieures, dactyl., Nantes, 1968, p. 78-79, 85, 96, 127, 139, 144 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 145, 177-178, 180-185, 239-251, 394-395.
152 G. Musset, « La coutume… », p. 398-400, 403-404, 406-407, 439-441, 454-455 ; J. Bernard, Navires…, t. III, p. 12-14. ; Registre de la Comptablie…, p. 106, 114, 119, 121, 128, 134 ; J. Bernard, Navires…, p. 516-517, t. III, p. 14, 32, 312, 352, 356, 416, 420, 424, 442, 476.
153 Ibid., t. III, p. 12, 82, 100, 256, 260, 266, 294, 298, 312, 324, 348, 356,380, 382, 388, 412, 416, 418, 428 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 245 ; A.F. O’Brien, « Commercial… », p. 47.
154 BM La Rochelle, ms fr 200, minutes Noyrault, f° 169-170 ; J. Bernard, Navires…, t. III, p. 18 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 267-272 ; É. Coornaert, Les Français…, t. I, p. 311-312, 397-401 ; R. Doehaert, Études…, t. I, p. 105, 136 ; t. II, n° 1470.
155 J. Bernard, Navires…, t. III, p. 32, 92, 304, 312, 406, 408, 428 ; ADLA, B 14, f° 115 ; J. Tanguy, « Locronan et sa région », dans Un pays de Cornouaille : Locronan et sa région, dir., P. Dilasser, Paris, 1979, p. 276.
156 J. Pontet, « Bayonne et l’Océan », dans La France et la mer…, p. 134-137 ; ADLA, B 8, f° 153 v°, 154 v°, 165 v° ; ibid., B 10, f° 255 ; J. Bernard, Navires…, t. III, p. 220, 254, 324.
157 Ibid., t. III, p. 256, 400 ; M. Mollat, Le commerce…, p. 263 ; G. Musset, « Les Rochelais à Terre-Neuve », Société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, IV, 1877, p. 14-15 ; ADLA, B 1492, f° 16 v° ; H.P. Biggar, A collection of documents relating to Jacques Cartier and the sieur de Roberval, Ottawa, 1930, p. 259-260, 297-299, 378.
158 R. Blanchard, Lettres…, n° 402, 469, 621-623, 645, 665-666, 668, 677-678, 915 ; BNF, ms fr 11542, f° 29, ADIV, 1 F 629 ; AM Nantes, II 120/20, dom Lobineau, Histoire…, p. 593 ; ADLA, B 2, f° 31-31 v° ; ibid., B 6, f° 57, C. de La Roncière, Histoire…, t. II, p. 323 ; ADLA, E 214/35 ; dom Morice, Preuves…, t. III, 239-240, B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, François II, duc de Bretagne et l’Angleterre, Paris, 1929, p. 159.
159 BNF, ms fr 8310, f° 227 v°-228, 254-254 v°, f° 256-256 v°, C. de La Roncière, Histoire…, t. III, p. 32 ; A. Bouchart (continuateur), Grandes…, addition, éd. H. Le Meignen, Rennes, 1886, f° 271-274, dom Lobineau, Histoire…, p. 833 ; Caillo, Notes…, p. 87-89 ; ADLA, E, dépôt Le Croisic, CC 13 ; ibid., B 53, f° 167-169.
160 Ibid., B 2, f° 16 v° ; dom Morice, Preuves…, t. III, 238 ; ADLA, B 14, f° 107-108.
161 Ibid., B 11, f° 78 v°-79 v° ; ibid., B 14, f° 107-108 ; Caillo, Notes…, p. 88-90, 162.
162 P.-H. Fagès, Le procès…, p. 239-240 ; ADLA, B 2, f° 16 v° ; ibid., B 29, f° 58 v°-60 v°.
163 É. Port « Alain Bouchard… », p. 517-522.
164 ADIV, 1 F 1125, le témoignage de Jean de Maranne, f° 22-28, a été privilégié.
165 ADLA, B 7, f° 14 v° ; ibid., B 21, f° 83 v°-84 v° ; ibid., B 14, f° 26 ; ibid., B 3, f° 45 v° ; ibid., B 14, f° 49.
166 Ibid., B 11, f° 123 ; ibid., B 14, f° 49 ; ibid., B 8, f° 141 v° ; ibid., E 202/15. A. Gallicé, « Les bavures de l’action corsaire : l’exemple du Croisic, 1450-1540 », ABPO, 109, 2002, 11-12.
167 É. Port, « Alain Bouchard… », p. 519 ; BNF, ms fr 5086, f° 142-146, éd. C. Bréard, « Lettres patentes, relatives à la prise d’un vaisseau, en faveur de Jean Bonhons », Bulletin de la Société d’histoire de Normandie, 30, 1896-1899, p. 333-337, ADLA, B 28, f° 69 v°, 123 v°.
168 Tableau dans A. Gallicé, « Les bavures… », p. 14-17 ; BNF, ms fr 5500, f° 330 v°, C. de La Roncière, Histoire…, t. III, p. 183-184 ; ADLA, B 28, f° 83 v°, 211 v°, ibid., B 29, f° 166, ibid., B 30, f° 54 v° ; ibid., B 30, f° 143, 176 ; ibid., B 11, f° 170 ; ibid., B 13, f° 106, ibid., B 14, f° 111 v°, ibid., B 26, f° 197, 218, ibid., B 27, f° 34 ; ibid., B 22, f° 171 ; ibid., B 23, f° 188, ibid., B 32, f° 107 v° ; ibid., B 35, f° 220 v°.
169 Tableau, M. Russon, « La piraterie à la fin du Moyen Âge : l’insécurité dans l’Atlantique et sur les côtes de Bretagne aux xive et xve siècles », BSAIV, 1990, p. 59.
170 ADLA, B 1447, ibid., 198 J 98 ; ibid., B 9, f° 22 v° ; ibid., B 26, f° 120-120 v°.
171 R. Blanchard, Lettres…, n° 636, ADLA, E 202/3, ADM, 48 H 20, ADLA, B 14, f° 115 ; ibid., B 2964 ; ibid., B 127/120, R. Blanchard, Lettres…, n° 2085, ADLA, B 1447 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 665.
172 H. Touchard, Le commerce…, p. 138-139 ; ADLA, B 19, f° 114.
173 Ibid., B 1492, f° 1 v°-2 ; ibid., E 1378 ; ibid., B 3022, f° 25 v° ; ibid., H 603, f° 35 v° ; ibid., B 682.
174 Ibid., E 214/35 ; ibid., B 10, f° 149-150 ; ibid., B 11, f° 145 v° ; ibid., B 3, f° 16 ; ibid., E 209/24, f° 16 v° ; supra, p. 106 ; ADM, E 52, p. 32, ADLA, E 1228/1, f° 22 ; ibid., 2 E 1250, ibid., E 1384 ; ibid., B 1492, f° 64 v°.
175 Ibid., B 1447 ; ibid., B 1462.
176 Ibid., B 1447 ; ibid., 1 E 260, ibid., E 641 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 1443 ; ibid., B 1465 ; ibid., B 1492, f° 68 v°, 69 v°, 72 ; ibid., 2 E 1250, f° 92-92 v° ; ibid., B 1490, f° 80 v°, 99 ; ibid., E 1227/6 ; ibid., B 1460 ; ibid., B 750.
177 Ibid., B 1443 ; ibid., B 1447 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 682 ; ibid., B 1462 ; ibid., B 1489 (A) ; ibid., B 1491 ; ibid., E 1394 ; ibid., B 1465.
178 Ibid., B 1447 ; ibid., E 1378 ; ibid., B 682 ; ibid., B 11, f° 84 v° ; ibid., B 9, f° 70-70 v°, ibid., B 1443.
179 Ibid., B 1484 ; ibid., G 632, f° 10, 12 v° ; ibid., H 603, f° 30 v°-31 v°.
180 Ibid., H 603, f° 33-33 v° ; ibid., E 1378 ; ibid., B 1484.
181 Ibid., B 1447 ; ibid., B 1443 ; ibid., E 641 ; ibid., B 1492, f° 1 v°-2 ; BM Nantes, ms fr 1823, f° 31-31 v° ; ADLA, E 1378 ; ibid., 47 J 2 ; ibid., B 14, f° 43, 64.
182 Supra, p. 198, 201.
183 ADLA, B 17, f° 27 v° ; BM Nantes, ms fr 1823, f° 31-31 v° ; ADLA, B 14, f° 43, 64.
184 Ibid., B 3022, f° 2, 5 v°-6, 24-27 v°, 39 v°-45 v°.
185 Ibid., B 1484 ; ibid., B 1465 ; ibid., B 1445-1446-1447.
186 Ibid., B 12838/1, f° 217 v° ; ibid., B 575, f° 18, 55 ; ibid., B 2411, f° 129 v°.
187 Ibid., B 1465 ; ibid., B 575, f° 192 ; ibid., B 3022, f° 2.
188 BM Nantes, ms fr 1823, f° 31-31 v° ; Caillo, Notes…, p. 150-151 ; ADLA, B 21, f° 115 ; ibid., B 22, f° 46 v° ; ibid., B 28, f° 83 v° ; ibid., B 30, f° 72, 143 ; ibid., B 27, f° 38 ; AM Nantes, CC 384/7 ; ADLA, E 1228/1, f° 27 ; ibid., E 1230/1 ; ibid., B 576, f° 67 ; ibid., B 1482 ; ibid., 198 J 139. François de Guémadeuc, sr de Beaulieu, est à distinguer de François de Guémadeuc, fils de Jacques de Guémadeuc et de Françoise de Trévecar, ibid., 198 J 139, ibid., B 1452.
189 Ibid., 1 E 539 ; ibid., B 3022, f° 2, 5 v°-6, 24-27 v°, 39 v°-45 v° ibid., B 1457 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 1492, f° 3 ; ibid., B 1465 ; ibid., B 1443 ; ibid., B 1465 ; ibid., 1 Mi ec (R I) (B), f° 78 ; ibid., B 1447 ; ibid., B 2409, f° 276 ; ADM, 48 H 20.
190 ADLA, B 123 ; ibid., E dépôt Le Croisic, CC 11, ibid., B 1484 ; ibid. G 300 ; ibid. B 1447.
191 Ibid., B 1465 ; ibid., B 1484.
192 Ibid., B 1465 ; ibid., 1 Mi ec (R 1) (B), f° 116-233.
193 V. Rau, « Le sel portugais. Les courants du trafic du sel portugais du xive au xviiie siècle », dans Le rôle…, p. 55-58 ; H. Touchard, Le commerce…, p. 262, 336, 342, 412 ; AM Nantes, HH 196 ; Z. W. Sneller en W. S. Unger, Bronnen…, p. 639-640, 646, suppl. p. 3 ; J.-C. Hocquet, Le sel et…, p. 260-261.
194 ADIV, C 3260, passim ; Caillo, Notes…, p. 221-222.
195 J.-C. Hocquet, Le sel et…, p. 304-307, C. Reydellet, « Les pouvoirs du dauphin Henri de Bretagne, 1536-1547 », MSHAB, 1991, p. 238-239 ; ADLA, B 53, f° 147-148 ; AM Nantes, EE 244, f° 3, É. Bougouin, « Nantes… », p. 140-150 ; ADLA, B 578, f° 33 v°.
196 J. Tanguy, le commerce nantais à la fin du xvie siècle et du début du xviie, Thèse, 2 vol., dactyl. Rennes, 1967, p. 261-267.
197 A. Lespagnol et J. Tanguy, « Penmarc’h, port européen aux xive-xvie siècles. Réflexions sur un destin problématique », dans Le Pays bigouden à la croisée des chemins, actes du colloque de Pont-l’Abbé, 19-20-21 septembre 1992, Cap Caval, supplément spécial au n° 17, 1993, p. 85-86.
198 A. Lespagnol, « Saint-Malo port mondial », dans Histoire de Saint-Malo et du pays malouin, dir., A. Lespagnol, Toulouse, 1984, p. 95-97 ; ADLA, E 641.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008