Chapitre III. L’infrastructure urbaine : les villes de Guérande et du Croisic
p. 153-210
Texte intégral
1Guérande, et Le Croisic dès 1420, sont citées comme villes ; Batz, Escoublac, Mesquer, Piriac, Saint-André-des-Eaux, Saint-Lyphard, Saint-Molf, Saint-Nazaire, et Saillé à l’intérieur de la paroisse de Guérande comme bourgs. La terminologie est bien établie même si ponctuellement elle peut ne pas être respectée : ainsi, Saint-André-des-Eaux en 1394, et Saint-Nazaire en 1422, sont-elles qualifiées de ville1.
2Cette terminologie de l’habitat conduit à s’interroger sur la notion de ville médiévale. B. Chevalier estime que jusque vers 1200-1300, le concept de centralité est « peut-être » plus opératoire que celui de taille. Pour le bas Moyen Âge, il faut s’appuyer sur un faisceau de données qui sont entre elles en interaction systématique et dynamique. Le paysage urbain avec l’enceinte et le parti d’élévation marqué des édifices religieux est un signe fort du fait urbain, il façonne une identité et crée des obligations pour financer la construction, l’entretien, les nécessaires adaptations, et encore pour assurer la défense par l’organisation du guet et des milices bourgeoises. De plus, le jeu du financement sécrète un budget et une administration bourgeoise qui le gère, au moins en partie. Mais toutes les villes n’ont pas été fortifiées alors que des bourgs voire des villages l’ont été. Pour le pays guérandais est cité, le 21 avril 1461, un estage situé dans la closture du bourg de Saint-André-des-Eaux, alors que le 25 juillet 1394, sont mentionnés les fossés de la Ville-au-Chat, sans que l’on puisse se prononcer sur ce que désigne ces mots. Si le chiffre de population entre dans la définition de la ville médiévale, ce seul critère est insuffisant, de gros bourgs peuvent présenter des chiffres de population supérieurs à ceux des petites villes. Aussi convient-il de tenir compte de l’importance de l’agglomération des habitants, des densités, de la taille et de la diversité des types des maisons, de la présence, quoiqu’en faible nombre d’emplacements et de constructions à caractère public. Les activités économiques sont aussi un élément important. Une ville est par excellence un lieu de marché, et tout lieu de marché qui se développe peut devenir un centre urbain, à condition d’atteindre une certaine importance et une diversité de ces activités, surtout dans le domaine du commerce – qui est peut-être celui qui correspond le mieux aux aptitudes et aux exigences du milieu urbain –, de l’encadrement et du commandement. La prédominance des secteurs secondaire et tertiaire, qui crée une diversification socioprofessionnelle introduit une distinction nette avec le monde rural. Cette diversité est en partie responsable de la différenciation sociale, voire dans les plus grandes villes, de l’esquisse d’une répartition géographique des groupes sociaux qui permet de distinguer des quartiers. Au-delà, la ville se reconnaît à un territoire sur lequel s’exercent ses fonctions d’encadrement et de protection en période de guerre, à son espace irrigué par les échanges commerciaux à courte ou longue distance lors des marchés et des foires, à un contrôle de ces échanges, en particulier celui du marché, des ressources nécessaires au ravitaillement de la ville tout particulièrement en période d’insécurité, à une zone d’influence qui fait de la ville l’élément clé de la maîtrise de l’espace tant du point de vue militaire qu’administratif, et ce dès les xiie-xiiie siècles ; le bas Moyen Âge et ses guerres renforçe encore cet état de fait. Cette zone d’influence est plus ou moins étendue selon l’importance de la ville ; elle présente des aspects différenciés au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre tant du point de vue foncier, financier, commercial et autres. Son espace de relation ne se limite pas à cette zone d’influence car la ville est en contact économique et culturel de façon plus ou moins régulière et importante avec des lieux plus éloignés2.
3La ville placée au-dessous du chef-lieu s’établit comme un relais du point de vue militaire, administratif, judiciaire, financier vers le centre seigneurial qu’elle contribue à approvisionner en collectant les produits des revenus seigneuriaux. En ce sens, elle se place dans un réseau avec des emboîtements d’échelle différenciés et parfois complexes. Le statut est un élément important, en particulier la représentation aux états qui permet d’établir des contacts avec l’administration centrale et lui confère une influence particulière. Son rôle, sa place sont reconnus par le pouvoir qui lui accorde des franchises, des privilèges, une personnalité juridique et la qualifie de bonne ville. Cette connaissance-reconnaissance de la ville par le pouvoir est essentielle à partir du xive siècle : elle légitimise les villes, leurs pouvoirs et ceux qui les exercent. L’ensemble de ces facteurs contribue à modeler une vie sociale, des rapports de relations, une hiérarchisation, qui fait de la ville une structure à dimension sociale et culturelle particulière, base de l’émergence d’une conscience civique. Tout cela se traduit sur place par une présence de bâtiments spécifiques, un patrimoine monumental particulier, différencié, avec un nécessaire aménagement de l’espace. Au total, la ville est définie par un ensemble de « marqueurs3 ».
4Le paysage urbain de Guérande peut être présenté. Les sources permettent d’évoquer le plan de la ville, les rues et l’habitat civil. L’enceinte urbaine et la collégiale Saint-Aubin, qui ont fait l’objet d’études souvent anciennes, appellent une mise au point, sans négliger les autres constructions religieuses, chapelles et hôpitaux, ainsi que les faubourgs et de l’espace périurbain.
5Au cours du xve siècle, la montée en puissance de la ville du Croisic conduit à une redéfinition de son statut administratif et de sa place par rapport à Batz d’une part, le chef-lieu de la paroisse, et d’autre part dans le pays guérandais par rapport à Guérande, ancienne ville-centre. Cette démarche permet de poser la problématique de la relation entre des lieux de peuplement, d’analyser les champs relationnels du réseau des localités4.
La ville de Guérande : le paysage urbain
Le plan de la ville (figure 5)
6Le plan se dessine à partir des places qui constituent le centre ville. La plus importante est l’actuelle place Saint-Aubin située entre l’église Saint-Aubin et la cohue où se trouve le cimetière et une croix en pierre devant laquelle se font les assignations des vendanges ; la place du Pilori possède un puits creusé avant 1332. Sur ce centre, se greffent des « maîtresses rues » : la rue Saint-Michel couramment désignée comme Grant Rue, qui se prolonge par la Grande Rue du Pillory, et la rue de Saillé, appelée elle aussi en 1478, Grant Rue ; et des « rues médiévales communes » que sont les rues de Bizienne et Vannetaise. Chacune de ces voies assure la liaison entre le centre et l’une des quatre portes de la ville. Ces voies se retrouvent dans la trame du cadastre napoléonien, mais, sauf à admettre la pérennité systématique des parcellaires, il n’est pas possible de déduire leur profil médiéval5.
7Le plan se complète d’une plache du Marché au Blé près de la cohue – proche de l’actuelle rue du Vieux-Marché-aux-Grains –, de rues comme celle qui conduit de la cohue à la porte mortualle de Saint-Aubin, et de celle-ci au Pillory, ou devant l’hostel episcopal. Un réseau secondaire se devine : sante ou venelle qui mène de la maison Hebebar à l’église Notre-Dame-la-Blanche ; venelle de la maison Maurice Maubec à celle de Louis de La Rochière ; venelle de la maison de la chapellenie Saint-Jean et un chemin de la rue de Saillé à la maison de Guillaume Godeau ; petit chemin de la cohue à la maison prebendalle, et un autre qui relie celle-ci à la maison de Philippe de Fresnay ; et encore en 1518, une voye et chemin public6.
8La leçon donnée par un certain nombre de noms de rues, qui ont un caractère d’ancienneté, complète notre information. La rue de la Juiverie est à rapprocher de la présence des juifs avant leur expulsion de Bretagne en 1240. Elle se poursuit par la rue de l’Hôpital, la rue et la place Saint-Jean. La rue de la Trémillet renvoie à la maison Millet citée en 1495. La place et la rue du Vieux-Marché-au-Blé peuvent remonter au Moyen Âge. Une telle origine peut être recherchée pour la rue et la place de la Psallette, la rue de l’Arbalèterie – un papegault est mentionné dans le livre de chancellerie commencé le 3 octobre 1485, et il est confirmé en novembre 1528 –, et celle du Château-Gaillard qui doit évoquer la présence du manoir épiscopal. La rue de la Prévôté est celle de l’hôtel de la Prévôté qui correspond à une dignité conférée à l’un des chanoines dès le xiiie siècle7.
9Le noyau urbain se complète de faubourgs. Le mot correspond à une réalité repérable : en 1504, une tenue est dite assez pres des forsbourgs. La réformation de la noblesse recense des nobles es forbourgs de Saint-Michel, de Saillé et de Bizienne. Ces trois faubourgs sont placés le long de voies qui, au-delà les portes de même nom, prolongent des rues homonymes de la ville close. L’enceinte est-elle venue se juxtaposer à une occupation plus ancienne8 ?
10Le plan de la ville est dit de type radioconcentrique. Dans un tel plan, l’enceinte est de forme circulaire ou ovale. Le centre apparaît avec un ou plusieurs édifices attractifs ; il est le lieu d’où partent des voies qui aboutissent à des portes. Les transversales, qui assurent les liaisons internes, sont en forme d’arcs de cercle plus ou moins réguliers. Quant aux faubourgs, ils sont donnés de type « faubourg rue simple », c’est-à-dire constitué d’un d’alignement de maisons de part et d’autre d’un grand chemin qui se dirige vers l’entrée de la ville. Dans cet ensemble à structure linéaire, le plus souvent à texture parcellaire serrée, les constructions peuvent s’aligner parfois sur une certaine distance.
11En fait, sur le plan du cadastre réalisé en 1819, qui traduit une situation plus ancienne, la rue de Saillé ne débouche pas sur la place Saint-Aubin comme de nos jours, mais elle conduit à la place du Pilori. Cette dernière est reliée à deux des portes, – Bizienne et Saillé –, et la place Saint-Aubin aux deux autres. Le centre paraît ainsi dédoublé, et ce dédoublement se retrouve dans celui des sanctuaires et des marchés, imposant une logique est-ouest. Celle-ci est soulignée par le traitement des portes. À la monumentalité de la porte Saint-Michel, répond celle de la porte Bizienne qui a perdu ses parties hautes. Cette monumentalité résulte de travaux réalisés au cours du xve siècle, alors que les portes de Saillé et Vannetaise conservent des aspects plus anciens. Cette logique est-ouest correspond à un axe de communication majeur qui, venu de Nantes, se poursuit vers l’ouest, vers Le Croisic et Piriac. L’importance de cette voie est bien soulignée au niveau des faubourgs, surtout étendus à l’est et à l’ouest, pourvus de chapelle et de lieux de foires. Sur cet axe viennent se greffer une série de voies qui affectent à l’est la forme d’un arc de cercle, alors qu’au sud-ouest les tracés paraissent plus rectilignes. Ce plan est proche d’un certain quadrillage caractéristique de centres urbains plus développés que ceux présentant des plans linéaires ou en arête de poisson ; il est à rapprocher de ceux de Châteaubriant, Hennebont, Redon, Fougères, Vitré, Morlaix. Cependant, la localisation de la collégiale et de la cohue contribue à faire de la place Saint-Aubin un lieu central autour duquel se hiérarchissent des espaces. La réalisation finale de ce plan ne se réalise qu’en 1859-18609.
12Un tel plan s’explique par l’histoire de la ville (figure 6). Les découvertes archéologiques désignent l’emplacement de la collégiale comme la partie la plus ancienne de la ville, son pôle religieux. La création de l’église et la présence du cimetière s’accompagnent d’immunités qui n’ont pu que favoriser les échanges commerciaux en faveur de cette zone. Il convient d’associer à celle-ci la place et la rue du Vieux-Marché-au-Blé jusqu’à la rue de la Juiverie. La présence du manoir épiscopal au nord-ouest de la ville et la rue de la Prévôté sont à mettre en rapport avec ce premier noyau dont il est impossible de retracer l’urbanisation. Un autre point de fixation est le château ducal, attesté par la mention d’un vicarius dès le xie siècle, mais qu’aucun document ne permet de le localiser. Cependant, les éléments architecturaux anciens proches de la porte de Saillé pourraient donner une indication, à laquelle avec beaucoup de prudence peut être rapprochée la mention en 1465 d’une motte près de la tour Sainte-Catherine et proche de cette même porte. C’est à ce château, à ce pôle castral, qu’il convient de relier le bourg, mentionné en 1206. L’ensemble qui s’étend de Notre-Dame-la-Blanche à la rue du Vieux-Marché-aux-Grains peut être attribué à ce bourg. La voirie y apparaît un peu plus dense et offre un dispositif plus régulier, cette emprise au sol différente pouvant être le fait d’un lotissement constitué au moment de son organisation. Au contact des deux ensembles se sont développés des bâtiments d’utilité publique : halles, pilori et puits. Au sud de la ville, un hôpital urbain sans doute à une date ancienne occupe les lieux. Ces différentes « cellules » ont été associées par la constitution de l’enceinte réalisée à partir du xiiie siècle ; celle-ci a été revue en particulier au xive siècle, époque où elle a pu être prolongée vers l’ouest, l’occupation au sol présentant ici par une moindre densité, puis elle a connu au xve siècle des ajustements10.
13Quant aux faubourgs, la présence de rues traduisent une certaine excroissance de l’habitat et la présence d’un plan complexe qui mérite une présentation renouvelée.
Les rues et l’habitat civil dans la ville close
14Au début du xve siècle, des rues sont pavées. Dans une enquête de 1417 sont évoqués les viatours commettant des délits sur le pavé ; un acte est passé le 6 août 1474 sur le pavé. Certes, l’expression peut désigner la rue, mais les expressions employées, les 23 décembre 1472 et le 5 mai 1479, de pavé pour la Grant Rue et Grant Rue du Pilori, et encore de rue et pavé pour la voie qui relie la cohue à la porte mortualle de Saint-Aubin semblent concerner le revêtement. L’usage du pavé paraît répandu si l’on en juge par une baillée, du 29 octobre 1412, d’une venelle à Saillé, faite à condition qu’il y soit fait un chemin de 6 piez de layse pavé de pierre aussi long que la venelle11.
15Un service de collecte de détritus existe : en 1541, la parcelle où s’élevait la maison où résida Perrot Le Rouxeau, devant la porte Saint-Michel, abattue durant les guerres, est froste parce qu’on y met la plus part des immondices de la ville12.
16L’absence de rentiers est préjudiciable à la connaissance de l’habitat. Quelques indications éparses ne contenant aucune description, ni même souvent une simple amorce de localisation, empêchent, même à l’échelle d’une rue, la réalisation de plan. Le fait que les noms Saint-Michel, Bizienne et Saillé désignent tout à fois des rues en ville et les faubourgs ajoute à l’imprécision.
17De la fin du xive siècle aux années 1540, on trouve plus de 210 mentions de familles ou de maisons dans la ville close et plus de 180 pour les faubourgs. Cette liste présente de nombreuses faiblesses. Elle est incomplète : constituée très largement à partir d’indications d’actes passés dans tel ou tel lieu, elle retient plutôt des maisons de gens connus. À l’inverse, elle doit comporter des mentions doubles que l’absence de localisation ne permet pas de détecter13.
18Parmi les bâtiments publics figure la cohue auditoire. Elle est citée dès 1400 et un acte conclu, le 29 octobre 1478, hors lieu sainct entre le cimetière de l’église Saint-Aubin et la cohue conduit à la situer à l’emplacement des halles actuelles. Cette cohue devait être du type halle-rue. La localisation du manoir épiscopal est précisée en 1681 : il se debourne aux murailles de ladite ville et à la reue de l’Arballaterye ; à cette date il est en ruine ; rasé peu après, seuls en subsistent un mur et une porte en plein cintre qui peuvent être datés du xvie siècle. Un compte tenu entre 1500 et 1506 donne un état des lieux : les bâtiments sont en pierre, couverts d’ardoise, mais les couvertures sont veilles ; une porte du manoir est vielle et caducque, le mur de la cuisine caducque et ruyneux, indigent de reparacions. Les adjectifs employés corroborent les travaux entrepris. Les reparacions de la couverture du manoir ainsi que de la cohue, le 9 mars 1504, s’élèvent à 19 L 5 s, pour 60 journées de travail ; en 1503, par pluseurs fois pour abiller les couvertures, 4 L 10 s sont engagés et en 1506, 13 L 15 s pour des opérations de même type. Des travaux de menuiserie sont signalés pour abiller la porte du manoir, les huys de la cohue et y mettre des barres. D’autres – abiller et reparer un pan de mur de la charnerie – concernent le manoir épiscopal où des chaussuniers et des terrasseurs ont terracé et blanchy une partie des murs de la cuisine ; des menuisiers y interviennent pour abiller les retrectz et les portes au début 1505, enfin pour des réparations diverses ; des travaux de serrurerie sont encore signalés. La cohue nécessite l’intervention des mêmes corps de métiers. Le total des travaux engagés s’élève à 56 L 12 s 3 d. On dénombre 14 interventions dont 6 concernent à la fois le manoir et la cohue sur une durée d’un peu plus de 5 années. L’essentiel des dépenses se situe entre 1 et 5 L, une seule dépasse 10 L, cette dernière paraissant engagée dans l’urgence après une période relativement longue sans intervention. Les réparations les plus fréquentes et engageant les frais les plus élevés concernent : la couverture, 5 interventions pour 37 L 10 s 8 d ; la menuiserie (5, 10 L 4 s 7 d). Couverture et menuiserie concernent les parties des édifices exposées aux intempéries. D’autres dépenses concernant le manoir épiscopal sont réalisées lors de la venue à Guérande de l’évêque de Nantes au début 1506. Elles consistent en travaux de nettoyage : le puits, tout infect est curé, une pierre de grison est placée pour qu’il n’y tombe aucune infection, les écuries étant pleines d’immondicitez sont curées, les mangeoires sont refaites : autant d’indices d’un état assez négligé et d’un entretien peu rigoureux14.
19Une prison est signalée. Entre 1500 et 1506, il est nécessaire d’en refaire les portes rompues à la suite d’une évasion. Une autre évasion, connue par une lettre de rémission du 29 juin 1518, précise que le bâtiment donne sur la Grant Rue, qu’il est fermé par une grille de fer, et qu’en levant un banc, les évadés ont atteint le haut du mur et ont gagné la muraille. Il est possible qu’il existe une autre prison puisqu’un acte de 1621 fait allusion à une vielle prison près de la rue de l’Arbalèterie15.
20Seule une approche « impressionniste » de l’occupation de certains lieux et de certaines rues est possible : une maison, un appentis et un courtil situés près de la collégiale entre une maison et une place froste sont cités en 1407 ; en 1501 et 1504, une maison près et l’autre devant le Pilori ; d’autres le sont près de la cohue où le 28 mars 1471 est précisé un environnement constitué d’une masiere et jardin, d’une venelle et d’un petit jardin, d’où est proche encore la maison prebendalle. D’autres maisons sont à proximité de l’église Notre-Dame-la-Blanche et un des éléments d’un échange, intervenu en mars 1402, décrit l’environnement : un courtil o ses appartenances, meson neuffve au bout dudit courtil situé au bout de l’eglise pres de la maison dudit Hebebar qui fut autrefois à Jouhan de Pondarme, situee entre une venelle qui mene de la maison Hebebar à l’eglise et la meson Jehan de Musuillac. D’autres encore sont proches du manoir épiscopal. Les mentions de maisons des rues principales Saint-Michel, de Saillé et de Bizienne sont plus nombreuses ; elles sont associées à des appartenances et des courtils. Les mentions ferant sur ou ayant bout et les indications d’autres maisons pour les délimiter révèlent des voies bordées de maisons jointives donnant sur la voie par leur façade ou leur pignon. Au-delà, l’information est encore plus comptée. La Gaudinais, au nord-ouest de la ville, est présentée en 1504 comme une piece de terre cernee à murs avecques certaines mazieres et emplacementz de maisons et ung petit jardin à l’endroit o leurs appartenances16.
21L’examen du vocabulaire employé permet une différenciation des habitations. Le terme le plus employé est celui de maison qui désigne ici un logis familial simple. Masiere et appentis désignent des habitations de moindre qualité. Le mot masiere a un sens péjoratif, il évoque une chaumière en torchis et en bois, à pièce unique, sans étage, sinon un grenier accessible de l’extérieur par une fenêtre lucarne au moyen d’une échelle et dont la couverture est rarement en ardoise ; appentis renvoie à un logis d’arrière cour ou une implantation à usage professionnel. Au contraire, deux mentions, le 15 octobre 1484 et le 1er décembre 1517, de maisons pourvues de jardins, pourpris, rue, issue et appartenances – l’une située près du manoir épiscopal et l’autre rue de Saillé – renvoient à des logis d’un « certain standing ». Le terme herbregement, rencontré à trois reprises en 1414, en 1422 pour la résidence de Guillaume du Dreseuc, et en 1441, correspond à une réalité aristocratique. L’indication en 1407, 1478 et 1501 de frosts, et encore d’emplacements de maisons associés à des masieres, alors que le 22 octobre 1560, il est mentionné une maison ruynée et caducque suscite l’idée d’un paysage urbain en évolution constante que suggèrent encore : la présence de maisons neuves signalées en 1402 et en 1447 ; la nouvelle prinse d’un emplacement, la mention de maisons inhabitées, en 1504 ; et celle, le 23 décembre 1472, d’une construction future. En ce qui concerne celle-ci, Éon du Dreseuc a soin de préciser, en se réservant une partie du pourpris d’une maison qu’il accense à Jean Cadoret, que l’évacuation des eaux de cette maison ne doit pas cheer dans la partie du pourpris réservée, alors que J. Cadoret entend que la future construction n’ait pas vue sur la sienne17.
22À la plupart de ces immeubles sont associés des appartenances. Dans deux cas sont citées des écuries : pour le manoir épiscopal et la maison appartenant à un noble et où demeure le médecin Jean du Pommier. Très souvent, on trouve associés aux différents types d’habitats les mentions de jardin, de courtil ou de pourpris. Parfois ces mots sont associés ou redoublés : la maison de la chapellenie Saint-Just en 1484 comporte jardin et pourpris ; le manoir épiscopal est doté d’un jardin et d’un petit jardin. Le mot pourpris paraît s’imposer à la fin du xve siècle. Certains sont de création récente comme celui d’Antoine Sorel constitué à partir d’un petit jardin et d’un appentis. Une aire à battre est mentionnée le 12 décembre 1465 près de la tour Sainte-Catherine. Des possessions se limitent à un jardin. Un pré est signalé du côté de la rue de Saillé entre 1500 et 150618.
23Au total, l’occupation de l’espace apparaît constitué d’un ensemble d’îlots. Un îlot regroupe des espaces publics et privés le plus souvent entourés de rues et de venelles. On peut distinguer des îlots entièrement construits, sans espace libre, n’ayant que la profondeur des constructions édifiées ; des îlots denses, typiques du cœur des cités médiévales qui se développent en bordure de voies, offrant peu d’espaces libres, sinon sous forme de cours, aussi le cœur de l’îlot n’est-il souvent accessible qu’à partir des espaces bâtis, mais il existe des ruelles de pénétration qu’il convient de distinguer des venelles par leur absence de débouché ; des îlots aérés où l’emprise du bâti y est moindre que les espaces libres de la propriété, aussi les jardins ou pourpris y occupent-ils une place prépondérante, les constructions pouvant se placer en retrait de la voie. L’impression prévaut que l’occupation la plus forte est autour des rues Saint-Michel et de Saillé, de la place du Pilori, aux environs de la chapelle Notre-Dame-la-Blanche. Au-delà, en allant vers le sud-ouest, l’ouest et le nord-ouest de la ville, les îlots sont plus aérés. Dans cette partie de la ville, les manoirs impliquent une occupation plus lâche, et au voisinage des remparts existe une ceinture continue de terrains où il est interdit de construire19.
24Il est impossible de définir des quartiers, aucun des critères retenus de nos jours ne convenant pour le xve siècle. Cependant, l’existence d’un « centre » doit être retenue. Aligné sur l’axe porte Saint-Michel-place du Pilori, il présente au cœur de celui-ci des éléments essentiels : le logis de la porte Saint-Michel, la cohue, l’ensemble formé par la collégiale et son cimetière, la place du Pilori, le manoir de la Prévôté et à un stade moindre la Psallette. Les maisons semblent nombreuses comme en témoigne le parcellaire. Les jardins ne sont pas absents. Des fonctions variées s’y s’exercent. La fonction artisanale et commerciale que la dénomination de Grant Rue, pour la rue Saint-Michel et de la rue du Pilori qui la prolonge, souligne, ainsi que la présence de places qui sont indissociables de la fonction commerciale et des marchés au blé et aux grains qui flanquent cet ensemble. La rue de Saillé, qui communique avec la place du Pilori et les halles et qui reçoit aussi le qualificatif de Grant Rue, participe de cette fonction, la présence d’un hôpital y ajoutant une activité particulière. Au nord-ouest, la Gaudinais et le manoir épiscopal présentent une occupation au sol différente que l’on retrouve au sud-est avec les manoirs du Tricot et de la Grillère où la fonction résidentielle, en particulier l’habitat noble, est attestée, associée parfois à des lieux de pouvoir. Le reste de la ville se limite à des résidences et des jardins.
25Les matériaux et l’aspect général des constructions apparaissent peu. Entre 1500 et 1506, un compte fait allusion à l’usage de torchis. Les couvertures d’ardoise sont signalées pour le manoir épiscopal, la cohue, des maisons, mais également pour un appentis en 1478. D’autres types de couvertures existent : une maison de la rue de Saillé est dite le 21 mai 1460 couverte de glé ; alors qu’un aveu rendu en 1621 mentionne une maison près de la chantrerie, c’est-à-dire au centre de la ville, autreffoiz couverte de rotz et bourre20.
26L’usage de la pierre est attesté par l’étude sur le terrain et l’archéologie. Une restauration très récente a redonné son caractère au manoir de la Prévôté. Les travaux ont porté sur la façade. Au premier niveau côté rue, la porte autrefois transformée en fenêtre est redevenue porte, alors qu’une fenêtre dont les meneaux avaient été coupés et qui était devenue une porte est redevenue fenêtre. Au second niveau, la fenêtre a été reprise. Dans les combles, une lucarne en pierre a été installée selon l’ouverture d’origine de la charpente qui paraît d’origine. L’appareillage des assises de pierres en granit a été repris, la tour d’escalier tronquée a retrouvé son élévation ; les crochets qui ornent les rampants du pignon complétés. L’aménagement intérieur très bouleversé a été rétabli dans ses volumes. Ce manoir est séparé de la rue par une cour intérieure avec un puits. La cour fermée par un mur ouvre par une porte cochère. L’édifice est incomplet. Son développement vers l’est, au-delà de la tour d’escalier de forme polygonale marquée à sa base par des moulures, est révélé par une porte au premier étage murée de nos jours. Le plan semble avoir été celui d’un corps de logis d’un seul bloc avec en façade une tour d’escalier contenant un escalier en vis en pierre. Le premier niveau est occupé par une salle éclairée par deux fenêtres, une sur chaque façade, dont l’embrasure est en pierre de taille appareillée avec soin et dotée dans l’épaisseur du mur de coussièges. Une cheminée, adossée au pignon, a son linteau placé sous un arc de décharge qui repose sur des pieds-droits ornés d’un chapiteau en pointe. Cette pièce paraît avoir été dès l’origine plafonnée – ces aspects de la salle sont à rapprocher de ceux que l’on observe au manoir de la Porte-Calon situé hors de la ville. Près de la porte de la salle, qui par l’intérieur donne sur l’escalier permettant les circulations internes, se trouve une autre porte située dans la tour ; cette porte paraît d’origine et assure le même usage. Le premier étage dispose d’une cheminée et doit être une chambre haute. Le comble semble avoir été utilisé en grenier. Par ses caractères, le bâtiment évoque les manoirs de la fin du Moyen Âge. Il peut être daté du début du xvie siècle, peut-être un peu au-delà si l’on tient compte de la volonté d’alignement des fenêtres et de la lucarne21.
27Deux autres manoirs existent dans la ville close. Le manoir du Tricot est situé en retrait de la rue de Bizienne dont il est séparé par une cour fermée avec un puits qui sont autant de marqueurs sociaux : le manoir est une cellule privilégiée de vie, un symbole d’appartenance à un groupe supérieur. Dans son état actuel, l’édifice est de plan allongé. Son élévation est de trois niveaux, le dernier étant en combles. Il présente une tour de forme polygonale – comme précédemment et également hors de la ville dans les manoirs de Kerrolant et de De Villeneuve – enfermant un escalier en vis placée sur la façade arrière du bâtiment. Cette tour s’ouvre par une porte. Une recherche d’effet se traduit par un effort pour aligner sur les trois niveaux les fenêtres et une lucarne, mais de façon moins rigoureuse que précédemment. L’ensemble tant extérieur qu’intérieur est très remanié, mais l’existence d’un manoir de la fin du Moyen Âge ou du début du xvie siècle n’est guère douteuse. Il pourrait être rapproché du logis occupé de son vivant par Poncet du Dreseuc, sr de Lesnérac, connu par un inventaire par décès du 10 mai 1563 qui évoque la salle, la chambre haute au bout de cette salle, chacune disposant d’une cheminée, ce qui donne un plan de salle basse sous charpente apparente. Le manoir de La Grillère, dont le seigneur est le 9 mai 1532 Jean de La Touche, se situe un peu plus à l’ouest, rue de Bizienne. On retrouve le même type d’occupation du sol, avec un édifice en retrait de la rue et séparé de celle-ci par un mur de construction récente, et la présence d’un puits. Le bâtiment offre une façade très remaniée. Son pignon, démonté et reconstruit au début du xxe siècle, lorsque le corps du bâtiment a été réduit en longueur, indique une origine ancienne : les rampants s’achèvent par des acrotères, et les combles s’ouvrent par une petite fenêtre surmontée d’un arc en accolade en remploi22.
28Les indications concernant les manoirs révèlent des éléments de confort : pièces spécialisées, puits privatifs, retrectz. Mais ces derniers sont absents à l’étage de la maison où loge le médecin Jean du Pommier, pour se trouver dans une alée (galerie) sous le portail23.
29Des maisons de type « chaumière », rue de l’Hôpital et rue du Vieux-Marché-aux-Grains, sont données comme étant « du Moyen Âge », mais il convient de les attribuer au xviie siècle. D’autres éléments sont à relever. La maison dite du Potier, place du Pilori, où les éléments de pierre du premier niveau sont médiévaux – alors que les pans de bois récemment restaurés sont à dater du xviie siècle. Le premier niveau est occupé par un ouvroir, alors qu’à l’étage le niveau d’habitation a une fenêtre dotée de coussièges ; la présence encore d’un arc en accolade sur une des ouvertures donne sur la seconde façade de cette maison d’angle confirme cette datation. Elle illustre le type des « maisons bourgeoises ». Toujours place du Pilori, la maison où paraît le « bonhomme Guérande » présente des aspects anciens. Dans une venelle, qui conduit de la rue Saint-Michel à la place du Vieux-Marché-au-Blé, une maison, dont le pignon très remanié donne sur la rue Saint-Michel, présente le long de la venelle plusieurs ouvertures dont l’une est encadrée d’éléments moulurés reposant sur des bases prismatiques datant des années 1500. Celles-ci se retrouvent dans une maison de l’autre côté de cette venelle, et sur la façade d’une autre maison située rue du Vieux-Marché-aux-Grains. Deux immeubles, rue de Saillé, montrent des corbeaux moulurés d’encorbellement, dont l’un s’élève sur deux niveaux, qui renvoient à la même période. Une tour de plan polygonal est à noter rue du Tricot, ainsi que des cheminées anciennes présentant un arc de décharge caractéristique rue du Saint-Esprit24.
30Au total, les indices relevés, souvent difficiles à dater, peuvent concerner une plage de temps importante, et certains cas peuvent n’être que de simple remploi. L’archéologie apporte peu. On peut évoquer les résultats de deux fouilles de sauvetage. L’une au sud-ouest de la ville révèle l’existence de structures arasées d’un bâtiment dont la construction est à dater entre le xiie et le xve siècle ; l’autre place Saint-Jean, de murs arasés pouvant correspondre à des niveaux d’occupation échelonnés du xiie au xve siècle25.
31L’examen sur le terrain donne à penser à une présence de maisons disposant souvent d’un étage surmonté d’un grenier, à l’image de deux maisons ainsi décrites dans un aveu de 1621 : salle basse, salle haute et petit grenier, comme dans le cas des manoirs cités. Cependant, la mention d’un hault estage en 1515 et des corbeaux de la rue de Saillé n’excluent pas la possibilité de maisons ayant un étage supplémentaire26.
32Les rentes levées sur certaines maisons de Guérande sont connues au début du xvie siècle grâce à deux minus contenus dans le compte d’Antoine Sorel (1500-1506). Elles portent sur un bien matériel, taxe réelle sur une maison, quelquefois une masiere, auxquelles sont souvent associés des jardins ou des espaces non construits. Ces rentes sont exprimées en monnaie ; seules deux sont en nature et une est mixte. Dans le minu d’Éon du Dreseuc, du 14 janvier 1501, elle se placent entre 11/2 ob et 14 s et même 30 s, valeur qui correspond à une double déclaration. Les montants sont peu élevés : 13 sont inférieurs à 1 s (31 %), 12 se situent entre 1 s et 3 s (29 %), la valeur moyenne étant de 2 s 6 d. Dans le minu du 10 juin 1504 qui fait suite à la mort de François du Talhouët, on trouve des rentes en monnaie et 2 mixtes. Les valeurs s’échelonnent de 5 s à 75 s. Aucune rente n’est inférieure à 5 s, 4 se situent entre 5 et 14 s, le reste est supérieur à 15 s. Le calcul fait apparaître que La Gaudinais est affectée d’une rente de 4 L 10 s 5 d. Une des valeurs a pu être actualisée lors d’une nouvelle prinse. Des règles expliquent les différences : un bien étendu ou mieux placé est plus taxé ; plus l’arrentement est récent, plus la rente est élevée. Leur modestie tient à leur ancienneté et découle de leur fixité ; elles ne sont en rien révélatrices de la valeur locative des maisons. Leur intérêt principal est d’indiquer une propriété éminente27.
33Pour les débirentiers, à la rente peuvent s’ajouter des sourcens. Ceux-ci pèsent sur les biens en plus de ce qui est acquitté au seigneur, et ils sont payés parfois à des personnes différentes. Le possesseur, qui peut vendre, partager, échanger le bien en payant les taxes de mutations au seigneur, a la possibilité de l’utiliser comme gage d’une rente constituée. Le bien peut être ensuite vendu chargé du sourcens. L’opération pouvant se répéter, des rentes ont pu s’accumuler sur des maisons, le total des sourcens ne pouvant pas dépasser la valeur du bien hypothéqué. Pour la ville close, le seul sourcens connu pèse sur la maison d’Olivier Jouhan, rue de Saillé28.
34Les arrentements sont plus représentatifs de la valeur des biens. Citons, le 23 décembre 1472, 2 L pour une maison et une partie d’un pourpris ; le 8 octobre 1497, 55 s pour une maison rue de Saillé ; et encore le 6 août 1518, 70 s pour une maison couverte d’ardoise, jardin et issue, près de la cohue ; soit respectivement, si l’on retient la valeur de 5 %, rapport habituel de la rente constituée, des valeurs en capital de 40, 55 et 70 L29.
35À l’occasion de ventes ou de donation ou de déclaration, la valeur du bien apparaît parfois. Le 6 juin 1407, 70 L, un jalon de vin et un pain pour une maison, appentis et courtil près de la collégiale ; le 22 octobre 1447, 40 L pour une maison et courtil près de la porte Bizienne ; le 20 août 1470, 35 L pour une maison et masiere ; en 1504, 75 L pour le fief de La Gaudinais ; en 1513, autour de 160 L pour une maison, jardin et appartenances échangés contre 16 oeillets de salines ; en 1517, 150 L pour une maison couverte d’ardoise avec issues, pourpris et appartenances ; en 1536, 200 L pour une maison noble. Ces valeurs s’inscrivent sur une courbe ascendante, mais, en l’absence de toute connaissance des biens et de leurs caractéristiques, il est impossible d’apprécier ces valeurs et de dégager une évolution de celles-ci. Relevons que certaines maisons peuvent valoir jusqu’à 200 L. À titre de comparaison, citons les chiffres établis par J.-P. Leguay pour qui 25 à 50 L semble constituer une valeur médiane au-dessous de laquelle on passe du logis familial simple mais encore confortable (25 à 33 L) à la maison très ordinaire (8 à 25 L). Ces valeurs traduisent encore la présence d’un marché immobilier qui répond à la mobilité de la population et à la volonté pour certaines familes d’investir ou de s’installer dans certains lieux. La maison située près de la chapelle Notre-Dame-la-Blanche, qui a été à Michel Boudi, est ensuite occupée par Guillaume Fregnet, Pierre Guyet, Pierre du Chastel, Pierre Le Gentil et Pierre du Verger, c’est-à-dire pour les trois derniers noms, par des représentants de familles nobles du pays guérandais soucieuses d’une implantation en ville30.
L’enceinte urbaine
36L’enceinte se développe sur 1434 m, et dans son état actuel comporte 4 portes et 7 tours, une tour étant détruite au début du xixe siècle.
37Les parties les plus anciennes se situent proches et à l’ouest de la porte de Saillé. Sur une faible longueur, est un ensemble en moellon délimité à l’ouest par un chaînage d’angle ; en élévation, il n’en reste qu’une partie de base talutée, interrompue dans son développement latéral par la porte de Saillé d’époque différente. L’ensemble évoque une tour-porte quadrangulaire dont le type est très en vogue au xiie siècle. Au-delà, vers l’ouest, la courtine faite d’un moellonnage participe à cet ensemble : est-ce un reste de courtine que la tour rectangulaire viendrait flanquer ? Cette tendance au flanquement apparaît dès le second tiers du xiie siècle et s’accentue ensuite pour régner alors en maître31.
38La porte Vannetaise est une porte-châtelet. Son entrée est encadrée par deux tours semi-rondes qui présentent des archères, deux donnant sur l’extérieur par tour. Ces dernières sont de forme rectangulaire, large d’une dizaine de centimètres, au nu extérieur, et hautes de 1,20 m environ. Ces archères s’ouvrent dans chaque tour sur une salle basse dont l’usage est défensif, voûtée en pierre selon la technique de la calotte. Dans le couloir se trouvent des archères basses et un assommoir, et du côté ville, des rainures verticales attestent de l’existence d’une herse. Ce schéma défensif – assommoir, herse, vantaux –, apparu à la fin du xiie siècle, reste fréquent dans la première moitié du xive siècle. Cette porte-chatelet reprend le modèle philippien des enceintes urbaines. L’usage du moellon, raidi par un chaînage de pierre dans le plan horizontal, l’absence de pont-levis, la présence d’archères à fente simple autorisent une datation antérieure à 1250. La porte Vannetaise trouve place dans l’active politique de construction qui marque les règnes de Pierre Mauclerc et de Jean Ier. On peut rattacher à cette époque une partie peu étendue de courtine faite de moellons située à l’ouest de celle qui est attenante à la porte de Saillé déjà évoquée32.
39Pourquoi de tels aspects anciens ont-ils été conservés ? L’explication est à trouver dans la moindre importance, à la fin du Moyen Âge, des portes situées au nord et au sud de la ville, et dans la présence de défenses avancées, les boulevards, attestés en avant de la porte de Saillé et envisageables en avant de la porte Vannetaise33.
40En 1350, il est mentionné une porte Saint-Michel. Si on y ajoute la leçon d’une reprise archéologique visible au premier étage de la tour sud de cette porte et les résultats d’un sondage effectué le long de la courtine attenante à la tour Saint-Jean faisant apparaître un mur en partie imbriqué dans la courtine actuelle, on est conduit à s’interroger sur l’étendue des réalisations du xiiie siècle. Les documents manquent pour conclure, mais le texte de 1343, où Jean de Montfort ordonne de fermer la ville de meilleures murailles, prend tout son sens, et tout laisse à penser que la ville ait été close au xive siècle34.
41Avec la guerre de Succession, une impulsion nouvelle est donnée aux défenses urbaines. Le poids économique des villes et la maîtrise de l’espace qu’elles permettent font que leur importance stratégique est renforcée. Il est impossible de préciser le programme réalisé à Guérande. Il s’inscrit dans les conceptions de l’époque : il s’agit d’arrêter l’ennemi et de lui opposer une résistance passive. Comme on connaît la difficulté de mobiliser des troupes importantes pour de longs sièges, d’acheminer vivres et renforts, la victoire dépend de la capacité de la ville à tenir, à armer sa population et à créer le surnombre. Pour cela, on reste attaché aux principes définis à l’époque de Philippe-Auguste. On fait confiance à un ensemble de fortifications associant courtines et tours précédées de fossés. L’intérêt porté à ces derniers est renforcé, aussi sont-ils souvent doublés. L’ordre de Jean de Montfort en 1343 de faire creuser des fossés et d’améliorer les murailles s’inscrit dans ce contexte. Si l’on juge par les plaintes exprimées par les représentants de l’évêque, les travaux ont causé l’abattis de plusieurs clotures, arbres, fossés et maisons, ce qui suppose une certaine rectification du tracé de l’enceinte pour lui donner un aspect très proche de celui d’aujourd’hui. En revanche, il est difficile d’attribuer d’une façon certaine des parties de l’enceinte à cette période, tant les reprises ont été importantes au xve siècle, ou encore la réalisation des douves dont la mise à niveau de l’eau a exigé des travaux particuliers entre les tours de Kerbenet et de l’Abreuvoir35.
42La tour Saint-Jean, tour de flanquement, est dotée d’un larmier, de consoles de mâchicoulis dits bretons et présente un léger fruit. La continuité du chemin de ronde est coupée par la présence de la tour, le passage étant commandé par une baie selon le principe du cantonnement de la défense. Le plan des niches des deuxième et troisième niveaux est à simple ébrasement interne triangulaire. Et quatre d’entre elles s’ouvrent par des archères courtes relativement larges qui portent la trace d’un aménagement en canonnière. La niche de tir, placée en capitale au niveau supérieur, s’ouvre sur l’extérieur par une fenêtre. La construction de cette tour se situe à l’époque des premières adaptations des fortifications au canon. Il est tentant de la rapprocher de la mention du premier billot connu concernant Guérande, c’est-à-dire de 141536.
43En ce qui concerne la majeure partie des courtines et des tours, J. Mesqui, après avoir noté leurs dimensions « assez communes » et leurs archères « généralement » remplacées par des archères-canonnières, souligne comme un caractère « plus particulier » la cohésion des tours avec les courtines et le fait que les tours ne commandent que de très peu les courtines – les tours sont « ramenées au niveau des courtines et non l’inverse ». Il conclut que la majeure partie de l’enceinte est « sans doute » réalisée, ou réaménagée, après 1424 et qu’elle exprime l’état de la fortification urbaine de l’époque37.
44Cette cohésion de la plus grande partie de l’enceinte se lit encore dans la présence du même modèle de consoles sur lesquelles reposent les parapets, hormis pour la tour Saint-Jean et la porte de Saillé. Elle se retrouve dans le positionnement des tours par rapport au chemin de ronde : les tours empiétent sur celui-ci, pour le réduire d’environ de moitié. On a favorisé ainsi la continuit é de la communication pour assurer au mieux une défense active tout en gardant, grâce à la tour, un commandement sur le chemin de ronde. La cohésion apparaît encore au niveau des appareils, dans les formes semi-rondes et les dimensions assez analogues de la plupart des tours.
45Cependant, les traces de reprises sont nombreuses. Des ruptures archéologiques marquent des pans de murs. Pour certaines d’entre elles, lorsque l’appareil est semblable, il faut penser à des reprises nécessitées par un écroulement postérieur à la construction. Plus remarquables sont celles observées entre les tours Saint-Anne, de Kerbenet et de la Gaudinais et les murs voisins. Le contact montre que ce sont les pierres de plus grand appareil des courtines qui ont été taillées pour venir s’imbriquer à celles de plus petit appareil. Ces tours sont antérieures à ces parties de courtines.
46Aux trois tours qui viennent d’être citées s’ajoute la tour Théologale. Cette tour de flanquement, construite en moyen appareil, est située à faible distance d’un angle qui marque le tracé de la courtine, ce qui atteste d’une volonté de limiter les constructions, donc leur coût. Ces quatre tours sont de hauteur, de volume, de forme demi-ronde analogues, et de structure semblable. Elles sont équipées de cinq niches d’artillerie, dotées d’archères canonnières dont la base peut affecter des formes quelque peu différentes, disposées sur trois niveaux en quinconce : 2, 1, 2. Le premier niveau bat le fossé assurant un tir rasant, selon un positionnement qui est l’une des « caractéristiques majeures » des réalisations de la première moitié du xve siècle. Le niveau médian s’ouvre en capitale et le niveau supérieur se place dans une position intermédiaire, sans que les nus extérieurs des ouvertures ne soient alignés afin de ne pas affaiblir la muraille. Seules deux niches situées au niveau des fossés de la tour Théologale présentent dans leur flanc des placards38.
47Ces tours sont à rapprocher de ce que l’on connaît entre 1430 et 1437, à Saint-Aubin-du-Cormier où deux fragments de comptes évoquent des travaux accomplis au château pour l’installation de canonnières et à la Tour-Neuve de Suscinio où on trouve, semble-t-il, pour la première fois des placards. Aussi est-il tentant de rapprocher ces quatre tours guérandaises d’un paiement d’Aufroy Guinot, trésorier et receveur général en 1430, en faveur de Charles de La Ville-Audren, capitaine de Guérande, pour demourer audit lieu pour la fortification du pays et pour y estre deja demouré deux mois39.
48Si le programme s’amorce alors, sa réalisation s’échelonne sur plusieurs années. La tour de la Gaudinais, dont l’emprise au sol est moindre, présente un appareil plus petit et un plan intérieur marqué par un pan coupé. Elle pourrait être la plus ancienne ; les tours de Kerbenet et Saint-Anne, mieux calibrées seraient un peu plus récentes ; quant à la tour Théologale, en raison de sa position, de son appareil et des placards, elle serait légèrement postérieure aux précédentes.
49Quant aux courtines, leurs appareils largement semblables participent de l’effort fait pour améliorer la solidité du mur. La hauteur de ces murs et leur disposition par rapport aux tours – le commandement est réduit – illustrent les conceptions des ingénieurs militaires concernant les enceintes urbaines autour des années du milieu du xve siècle. La lecture archéologique des rapports entre tours et courtines confirme cette datation et renvoie aux plaintes de l’évêque, exprimées en 1459, déclarant que les tours et murs de la closture ont été reffaitz et eslargiz40.
50La porte Saint-Michel est remarquable par son caractère monumental, la qualité de la taille des pierres de grand appareil, son double accès juxtaposant une porte charretière surmontée de deux rainures destinées à recevoir un pont-levis à deux flèches et une porte piétonnière dont le pont-levis est à flèche unique. Mais les transformations dont le bâtiment a été l’objet n’ont pas été suffisamment soulignées. La présence au second niveau de la tour sud d’un départ de mur et l’absence de celui-ci au troisième niveau révèlent une amorce de développement moindre tant en ce qui concerne l’emprise au sol que dans le plan vertical. Il faut conclure à l’absence initiale de fonction résidentielle. Cette porte a été l’objet d’un programme d’extension et d’élévation. À l’origine, elle est exempte de couverture comme en atteste un procès verbal de travaux du 24 avril 1634 ; l’ensemble se terminait alors en terrasse surmontée d’une lanterne couronnant l’unique escalier en vis assurant la distribution de l’ensemble du bâtiment. Il convient aussi de prendre en compte certaines interventions liées à la reconstitution réalisée au début du xxe siècle : les ouvertures des canonnières sont alors retaillées et les armoiries que l’on voit aujourd’hui placées. Ces interventions conduisent à réexaminer la datation de cette porte donnée du règne de François II. Ses tours de forme semi-ronde, le fait que les pierres de la courtine ont été taillées pour s’emboîter aux pierres des ailes de la porte déjà en place et que sur les clichés les plus anciens la canonnière placée en capitale évoque la forme de celle de la tour Théologale, conduisent à dater cette porte des années 1440-1450. Elle est contemporaine des portes Mordelaise à Rennes, de Broërec à Hennebont, et de Saint-Nicolas à Nantes. Les plaintes de l’évêque en 1459, dénonçant l’attitude des officiers du duc qui veullent efforcer de faire logeix de peuple et de mesnagiers esdites tours, pourraient être un indice supplémentaire41.
51Associé à cette porte se développe un logis. Si les pièces du premier niveau sont d’usage militaire, il est impossible au vu de la disposition actuelle de préciser la disposition initiale des pièces des deuxième et troisième niveau et d’en préciser les affectations d’origine. Cependant, l’ampleur de celles-ci témoigne d’espaces affectés à l’accomplissement de fonctions publiques, de commandement et de résidence qu’il convient de relier à la personne du capitaine. L’ensemble forme un logis-châtelet renfermant la totalité du programme résidentiel ; la compacité du plan s’explique surtout par une recherche de monumentalité. Cette affirmation prestigieuse se lit également à partir de l’intérieur de la ville. Elle symbolise la présence du duc représenté par le capitaine de ville42.
52Avec la tour de l’Abreuvoir, nous changeons d’époque. Cette tour de flanquement, située près d’un angle que fait le tracé de la courtine, est proche la porte de Bizienne. Elle se distingue des précédentes tours par son volume, son avancée plus grande par rapport à la courtine, sa forme en fer à cheval et ses ouvertures de tir. Elle est dotée, au premier niveau, de trois archères-canonnières : deux d’entre d’elles prennent en enfilade le fossé, la troisième est placée en capitale. Ce type de tour apparaît à partir des années 1460, et la présence d’une canonnière en capitale, positionnement qui semble disparaître à partir du dernier quart du xve siècle, permet d’envisager une date antérieure à cette période. Il est tentant de rapprocher cette construction d’un texte du 10 février 1487 où il est ordonné de requérir le miseur de Guérande de payer à Geffrin Hillary et Jean Le Gallus 301 L 10 s qui ont mis et employés, dès le 9 janvier de l’an LXIX, pour l’an LXXV, en l’ediffice d’une grosse tour. Jean Le Gallus est sans doute ce personnage qui le 17 février 1487 est nommé maistre maczon des euvres de Vennes. Greffin Hillary est connu comme un des fermiers de la recette ordinaire entre 1477 et 1481. La tour pourrait être des années 1470. Cependant, la tour Sainte-Catherine, tour de flanquement située entre la porte de Saillé et celle de Bizienne qui a été détruite au début du xixe siècle à en juger par le plan de ville dressé en 1809, est également en fer à cheval et de dimensions sensiblement égale à celle de l’Abreuvoir. Mais la tour Sainte-Catherine citée le 12 décembre 1465 paraît antérieure, à moins que cette mention ne fasse allusion à une tour plus ancienne qui aurait été reprise43.
53Le programme militaire réalisé au cours du xve siècle se complète de boulevards. Ce sont une innovation de la première partie du xve siècle qui se généralise dans la seconde partie du siècle. Ils sont destinés à défendre les points faibles de l’enceinte et tout en particulier les portes. Il s’agit de disposer d’une plate-forme avancée qui, parce qu’elle est basse, est moins vulnérable à l’artillerie des batteries adverses. Il s’agit surtout de préserver la fortification de l’impact des boulets des plus grosses pièces d’artillerie qui, dès le début du xve siècle, pourraient faire brèche si elles sont placées près du mur et que l’assaillant dispose du temps nécessaire à leur installation et à leur utilisation. Ils participent à une défense active : l’enceinte devenant une seconde ligne de résistance. À Guérande, un compte tenu de 1500 à 1506 mentionne le boulevart de la porte de Saillé. Ce boulevard a pu s’étendre jusqu’à la porte Saint-Michel, comme en atteste la présence de pièces d’artillerie au bas dudit portal de Saint-Michel mentionnées en 1495 – il constitue le soubassement du mail actuel qui s’étend entre les portes de Saillé et de Saint-Michel. La présence de masses de terre en avant des fossés autour de la porte Vannetaise et autour de la porte Bizienne trahissent la présence d’autres fortifications avancées. Ces ouvrages sont le signe d’un renforcement des défenses au cours du xve siècle, auquel il convient d’ajouter des travaux effectués sur les tours anciennes de la porte Vannetaise et de Saint-Jean. Celles-ci reçoivent des canonnières à ouverture rectangulaire capables de prendre en enfilade le fossé. Ces ouvertures sont à rapprocher des canonnières rectangulaires que l’on trouve dans l’espace breton dans la seconde moitié du xve siècle et qui ne semblent pas dépasser la fin de ce siècle44.
54Le 30 juin 1542, commandement est donné au receveur ordinaire de Guérande de faire réaliser des portes et des pont-levis aux portes du chasteau et à celle Bizienne tirant vers Jacobins et également murailler la porte devers Saillé. La mention de Chasteau renvoie au logis châtelet de la porte Saint-Michel que la tradition locale désigne sous ce nom, à moins d’envisager que la tour mentionnée dans des actes du xive siècle correspond à une réalité matérielle. La présence d’un pont-levis à la porte Bizienne permet d’envisager un aspect bien différent de celui qu’elle offre de nos jours, et que révèle des arrachements dans les parties hautes de cette porte. Pour la porte de Saillé, les travaux mentionnés conduisent à une réalisation qui, si l’on suit une indication contenue dans une lettre de rémission du 3 avril 1562, lui fait disposer d’une grande porte et d’un huisset, c’est-à-dire d’un dispositif à deux entrées que l’on ne retrouve pas dans l’état actuel du bâtiment qui peut être daté du xviie siècle45.
55Tout au long du xve siècle, travaux et constructions nouvelles sont signalés. Les fortifications sont pour les Guérandais, comme pour les autres citadins, une préoccupation continuelle. Si les efforts consentis répondent à un besoin de sécurité, et à ce titre ils sont sensibles aux événements, la réalisation d’une enceinte urbaine résulte d’autres facteurs. Elle est intimement liée à la mise en place d’une administration municipale destinée à gérer les deniers des taxes octroyées par le duc, et donc à la reconnaissance par le pouvoir du statut de bonne ville. Elle participe d’une façon forte à l’affirmation identitaire des citadins. C’est aussi une architecture de prestige. Aussi l’intérêt que l’on lui porte se développe-t-il sans discontinuer et génère-t-il sans cesse des travaux. À ce titre, les efforts financiers consentis apparaissent comme de véritables investissements. L’intérêt de l’enceinte pour le prince n’est pas moins grand. C’est lui qui accorde, par délégation de l’imposition publique, la levée des billots. Surtout, il contrôle les travaux par son capitaine ou des commissions spécialisées, et il peut le cas échéant ordonner l’exécution de travaux. Pour lui, l’enceinte est un point d’appuipour tenir un territoire, l’administrer et le défendre. Aussi les travaux prennent-ils en compte l’évolution des formes et des techniques de la fortification mise au point par les architectes des systèmes défensifs à une époque où l’artillerie à poudre se développe et se perfectionne, traduisant le constant dialogue entre attaque et défense. Le caractère composite de l’ensemble de l’enceinte de Guérande conduit à considérer que la politique conduite a abouti à une juxtaposition de formes d’époques différentes46.
56L’absence à Guérande de la nouvelle génération de tours d’artillerie de plan en U, aussi larges que hautes et dont le diamètre peut atteindre une vingtaine de mètres, apparue après 1470, est notable. Elle révèle qu’à Guérande, la fin du second tiers du xve siècle voit s’achever une phase de réalisation importante comme en atteste l’affectation du billot prorogé le 28 octobre 1464 pour être affecté aux fortifications et à l’équipement en artillerie – l’achat d’armes par les villes s’effectuant après l’achèvement d’une phase de fortification. D’autre part, il est tout aussi remarquable que dans les très nombreux mandements de François II concernant la défense des places, Guérande n’apparaisse pas, hormis pour l’entretien des douves. Certes, les conditions politiques font que les préoccupations se portent en priorité vers la zone des Marches, mais certaines places côtières n’en sont pas moins nommément citées, comme Saint-Malo, Brest, Quimper, Concarneau. Force est de noter que dans un contexte qui voit la hiérarchisation des places dont certaines deviennent de véritables places fortes, Guérande n’accède pas à ce rang. La faiblesse du flanquement de la courtine et le parc d’artillerie connu par un inventaire de 1495, tant par la nature des pièces que par le fait que celles en fer du parc local, en raison de l’absence des boîtes, ne sont pas en état de fonctionnement alors que celles en bronze sont en nombre limité, le confirment. Il est possible que le pouvoir ait jugé que les deux tours en fer à cheval, Abreuvoir et Sainte-Catherine, situées au sud, formant comme une seconde ligne en arrière d’une défense côtière, qui s’appuie sur les fortifications du Croisic, que les capacités de mobilisation des populations côtières et que les possibilités offertes par l’utilisation de la flotte soient suffisantes pour assurer une défense efficace. Mais surtout, le pays guérandais ne représente plus le même enjeu politique et stratégique qu’à l’époque de la guerre de Succession47.
Les faubourgs et l’espace périurbain
57Le faubourg Saint-Michel se développe autour du grand chemin qui part de la ville. Une enquête du 27 juin 1411 montre que des maisons alternent avec des courtils et jardins, alors que des venelles structurent l’ensemble. L’occupation du sol peut être par endroit plus dense : une enquête de 1417 donne la maison Chuygnart, située à près de la porte Saint-Michel, comme adjacente à celle de Jean Priour ; et proche de la chapelle Saint-Michel, la mention en 1529 de la rue des Truelles évoque un certain bourgeonnement48.
58Une différenciation de l’habitat est perceptible. Aux côtés de maisons, de masieres, le 1er mai 1404 est cité l’ostel Aubin Gallay. La réformation de la noblesse vers 1427 recense plusieurs nobles dont Olivier Deno et Jean du Chastel. Ces familles se retrouvent, pour l’une dans un rôle rentier, postérieur au 1er août 1466, de la seigneurie d’Escoublac où figure une maison que tient Roland Deno – c’est le manoir de l’Arloc dont le bâtiment paraît être du xvie siècle, sa porte Renaissance étant datée de 1580 ; et l’autre dans un minu rendu le 14 janvier 1501 pour une rente payée par Pierre du Chastel, sr de la Géleusie. Ce sont des cas uniques de continuité d’une présence sur une longue période. Des activités artisanales trouvent leur place : le 22 octobre 1473, est mentionnée la maison de Jean Bertran, corveisier ou corduanier (cordonnier ou savetier) ; le 22 novembre 1474, celle de Guillaume Rouxelle, texier. L’ensemble des habitants du faubourg forment une cueillette ; le 16 septembre 1503, les frariens demandent qu’une enquête soit menée parce que, à la suite d’une épidémie, les habitants s’en vont et qu’il ne reste plus guère que 10 à 12 pauvres gens, les plus riches ayant déguerpis, signe d’une mixité sociale. Des sourcens donnent quelques indications sur la valeur des immeubles, ils s’élèvent de 14 à 28 s49.
59Le faubourg Bizienne est un peu mieux renseigné en raison d’actes de donations faites au couvent Saint-Yves. Il s’étend de la chapelle Saint-Laurent à celle de la Trinité et s’ordonne le long de la rue de Bizienne qui se prolonge par le chemin conduisant à Clis. On y retrouve les classiques mentions de maison, courtil et appartenances. Un parcellaire lanièré se dessine : en 1477, maison et courtil de Jean Gellart, proche de la chapelle de la Trinité, situés entre les maisons et courtils de Jean Meyniel, et ceux de Guillaume Hallier ; en 1508, maison et jardin d’Olivier Boisrobert bordés de chaque côté de maison et jardin, et ferants d’un bout à la rue de Bizienne et d’autre bout à un chemin. Si la maison de Jean Gellart est couverte d’ardoise, celle d’Alain Morel mentionnée en 1535 l’est de ros et ses jardins et pourpris au derrière sont clos. Cette réalité des enclos se retrouve avec un jardin arrenté, le 1er avril 1498, à Alain Bytin, cerné à mur et pour partie à fossé, c’est-à-dire d’un talus. Des évolutions se devinent avec l’arrentement, le 29 avril 1465, d’une masiere et courtil à charge pour le preneur de bâtir dans les cinq ans une maison affectée d’une rente de 15 s. Les deux voisins de Jean Gellart sont texiers, preuve d’une activité artisanale, alors qu’une activité de service apparaît avec Guyonne Greslon qui en 1525 tient taverne50.
60La présence d’un manoir fait apparaître une occupation différente du sol. Dans un aveu du 5 décembre 1539, Guy de Quenechquivillic et Marie Hillary, sr et dame de la Touche, déclarent la maison, manoir et herbregement de la Touche, avec jardin adjacent clos de murs et fossés, contenant environ 4 journaux de terre et, adjacent à ce dernier, une autre pièce de terre, de même superficie, située entre les terres du sr du Parc et du sr de Saint-Denac. Ces parcelles cultivées d’une certaine ampleur forment une transition vers la campagne proche, l’appellation de chemins donnée aux voies de communications renforçant le caractère rural du faubourg : ils mènent à la chapelle de la Trinité, au moulin de Colveuc, au manoir de la Touche, au couvent Saint-Yves dont l’espace sacré se matérialise par des croix. Monuments religieux mais aussi bâtiments civils, à vocation plutôt rurale, structurent l’espace de ce faubourg. Cependant, les rues Cauchic et Goheu, et aux abords même de la ville, la rue de Coëtpouan – reliée au Grenouillet –, qui donne son nom à la tour de Coëtpouan qu’il convient d’identifier avec l’actuelle tour de l’Abreuvoir, sont des extensions limitées du faubourg. Peu d’indications de valeurs, sinon, le 2 novembre 1458, pour une maison supportant une rente de 17 s 6 d51.
61Au début du xve siècle, une intervention du duc Jean V modifie l’aspect de ce faubourg. La concession qu’il fait d’un terrain permet l’édification du couvent Saint-Yves qui s’accompagne de la reconstruction de la chapelle de la Trinité à quelque distance de sa première implantation. Par la suite, avec la création d’une foire franche puis d’une foire Saint-Pierre et Saint-Paul, le faubourg prend une dimension commerciale que seul le faubourg Saint-Michel possédait. Le jeu des donations accélère la mobilité de la propriété. Les religieux reçoivent quatre maisons et jardins entre 1477 et 1535. D’autre part, la concession de pièces de terre, par Jean du Verger puis par son frère et héritier Pierre, contribue à redéfinir l’emprise au sol du couvent qui reçoit le 1er août 1513 une terre mitoyenne au parc du couvent, et le 8 mai 1532 un parc et pièce de terre contenant 6 à 7 journaux proche de précédent, permettant ainsi aux religieux de clore facillement leur parc et pourpris52.
62Pour le faubourg de Saillé, aux maisons roturières s’ajoutent des propriétés nobles : dans la réformation de la noblesse vers 1427 figurent Alain de Kermellec et Rolland Deno. La structure classique du faubourg se retrouve avec des maisons, jardins et appartenances dont certaines couvertes d’ardoise, ce qui n’exclut ni des couvertures en glé en1460, ou en ros en1469. L’évolution du bâti se lit au niveau des maisons : la résidence de Jean Gourgaut notée masiere en 1438 est donnée comme couverte de pierre en 1454. Une autre évolution apparaît : un chemin allant du faubourg au Verger mentionné en 1438, est noté rue et venelle en 1497. Des activités de service apparaissent : Jean Ricard est boucher en juin 1431 ; Jean Le Rouxeau boulanger en mai 1438. Quelques sourcens sont cités, ils se situent entre 27 s et 55 s, renvoyant à des maisons dont la valeur en capital est supérieure à 27 ou 55 L53.
63Au total, trois faubourgs, la porte de Vannetaise n’étant pas prolongée par un habitat surburbain. Ils sont d’inégale importance : le faubourg de Saillé n’a pas le développement des autres et ne connaît pas l’évolution qui marque celui de Bizienne transformé par l’implantation du couvent Saint-Yves et la création de foires ; tandis que le faubourg Saint-Michel garde son importance ancienne en raison du maintien des foires anciennes et de sa liaison avec la porte principale de la ville. Nul doute que l’évolution du faubourg Bizienne renforce à l’ouest l’axe est-ouest structurant de la ville.
64Au-delà des faubourgs ou entre ceux-ci, l’habitat, le réseau de voies et la mise en valeur des terres sont connus par des informations venant d’aveux ou de contrats. Les environs de la porte Vannnetaise se précisent : le long du grand chemin qui mène de Guérande à Crémeur se trouvent le bois du Bois-Rochefort et, proche de la croix de Kerbenet, des terres, des prés proches du village de Kerbenet. Vers le nord-est, l’archéologie a révèlé les restes d’un vaste bâtiment médiéval – 25 m sur 13 m – des xive-xve siècles, mais si des restes de sols en terre battue et de foyers antérieurs au xive siècle ont été mis à jour, l’absence de matériel domestique ne manque pas d’étonner. Ce bâtiment, situé à la jonction de trois voies d’origine antique toujours en activité au Moyen Âge, pourrait être lié à la perception d’un octroi. Des fouilles ont encore révélé, au-delà de la chapelle Saint-Michel, des fondations d’un bâtiment de dimensions importantes dont l’affectation n’a pu être établie54.
65Entre le faubourg Saint-Michel et celui de Saillé, le chemin de la Quintaine – qui renvoie à une quintaine courue à cheval attestée tardivement – mène de la chapelle Saint-Michel à la place des Moulins. Plusieurs moulins sont mentionnés : moulin Jean Baye devenu le moulin des Frères après sa donation en mars 1451 aux dominicains ; moulin à vent turquoys, en mai 1540 ; un autre est proche de la rue de Saillé, possession d’Éon du Dreseuc en 1452, il est en juillet 1542 devenu une masse et emplacement de moulin. Un parc Saint-Michel, clos à mur, est signalé à proximité en avril 1423 et vers l’hôpital Saint-Armel, le pré du Corbon. Des moulins de la place, un chemin mène au marcheix dont l’environnement comporte maisons et jardins. Ce marcheix, cité sous le nom Marhallé en janvier 1579, correspond à l’actuelle place du Marhalé55.
66Entre le faubourg de Saillé et celui de Bizienne, la rue du Verger est également bordée de quelques maisons et jardins. Vers l’ouest, cette rue donne sur deux chemins, l’un qui conduit à Colveuc et l’autre au couvent Saint-Yves, aux environs desquels s’étend la vaste métairie du Verger contenant en 1539, 52 journaux de terres, proche des terres du sr du Parc. Un peu plus vers l’ouest se trouvent le manoir et herbregement du Dreseuc, avec maisons, rues, courtilz, yssues et appartenance, une garenne au joignant, un moulin avec une petite maison couverte de pierre et un courtil, une vieille masse de moulin et tout un environnement agricole : des clos dont certains sont cernés de fossés, soit en labour ou frosts ou sous lande ; des landes, des pâtures, des prés, des noés et des carrières de pierre. Environnement que l’on retrouve avec le manoir proche de la Jeleusie, dont la présentation, le 22 octobre 1560, est classique : maisons, court, rues, yssues, pourprins, jardrins, mestaieries, boays de haulte fustaye, communs, garrennes et autres appartenances, et dont le domaine forme un ensemble cohérent de jardin, de prés et de terres – dont beaucoup sont des clos ou des parcs – et de landes. Cette présence illustre un aspect caractéristique des environs des villes médiévales marqués dans un rayon de deux à trois lieues des centres par la présence de manoirs. Pour la zone la plus proche de la ville close Guérande, un inventaire non exhaustif fait apparaître, outre ceux déjà cités, les manoirs de Crémeur, Beaulieu, Ville-James, Porte-Calon, Villeneuve, Texon56.
67La transition paraît ensuite se faire avec la campagne dont les activités, phénomène classique au Moyen Âge, s’avancent jusqu’aux murs de la cité.
Les édifices religieux
68Dans la ville close, la collégiale Saint-Aubin et Notre-Dame-la-Blanche sont des sièges de paroisse ainsi que l’église Saint-Michel dans les faubourgs. Les autres édifices sont des chapelles. Deux hôpitaux existent. Au xve siècle est construit un couvent de dominicains faubourg Bizienne.
La collégiale Saint-Aubin (figure 7)
69La collégiale s’impose par son caractère imposant, son élévation accentuée par le clocher construit au début du xxe siècle, et son caractère « accidenté ». Cependant, l’édifice garde une certaine harmonie d’ensemble. La présence d’un porche et d’un vaisseau intérieur – qui se développe sur environ 63 m de longueur – d’une remarquable unité, ouvert sur une maîtresse-vitre orientale et une grande fenêtre occidentale, font que la collégiale participe des caractéristiques de l’architecture religieuse bretonne de la fin du Moyen Âge et du début du xvie siècle57.
70La nef d’environ 26 m de longueur est formée de cinq travées. Le vaisseau central est bordé par deux bas-côtés. Il n’est éclairé, au vu des gravures anciennes, que par les bas-côtés selon le mode poitevin de la nef obscure. Les supports, au nombre de huit, qui portent de grandes arcades brisées à double rouleau, présentent à leur base des griffes qui reposent sur un plateau circulaire formé de tores successifs séparés par des gorges. Ils se succèdent en une alternance de colonnes rondes et de plus gros piliers formés d’un faisceau de huit colonnes engagées. D’un point de vue architectural, l’alternance entre colonnes et piliers est possible parce que l’église est voûtée en bois, mais c’est également un parti pris de l’architecture. Le profil rond des supports évoque les procédés de l’école poitevine, repris et utilisé au Mans et à Laval. Le jeu de l’alternance reste en Bretagne d’une relative rareté, il est à rapprocher ce que l’on trouve dans la nef de l’abbaye de Saint-Gildas-des-Bois.
71L’autre élément remarquable de la nef est la présence de chapiteaux historiés. Dès 1927, R. Grand relève leur originalité en Bretagne et leur similitude avec les sculptures présentes à Merlévenez. En 1958, cet auteur souligne les inspirations romanes venues du Poitou ou de Saintonge. Pour lui, les réalisations de Merlévenez et de Guérande pourraient avoir été accomplies par un même atelier, soit étranger, soit encadré par un ou plusieurs maîtres artisans ayant été chercher une formation dans d’autres régions. Récemment, on a relevé que les traces d’yeux agrandis et les traits stylisés sur les joues d’une des têtes humaines qui marque l’angle du chapiteau aux griffons de la cathédrale Saint-Pierre de Nantes – conservé au musée Dobrée – présentent des analogies avec ceux que l’on trouve à Merlévenez, Guérande, Perros-Guirec, Yvignac, Saint-Malo et Porhoët. Ce traitement de l’œil – énorme, aux contours en amande bien taillés en creux, faisant ainsi ressortir le volume – évoque une technique qui se répand dans la sculpture romane de l’ouest de la France vers les années 1130, en particulier dans la décoration sculptée de l’église d’Aulnay-de-Saintonge. Si l’influence du Sud-Ouest est indéniable, le fait que les sculptures soient réalisées en granite et non en pierre tendre plaident pour les traditions régionales. Les liens avec Nantes et le Vannetais paraissent forts.
72L’ensemble révèle un programme iconographique, dont l’étude n’entre pas dans le cadre de notre travail, mais le sens général peut en être dégagé. Le premier pilier fasciculé représente l’homme entre le bien et le mal et l’incite à vivre selon son état, à faire face au mal, car il y va de son salut. Ceux de la colonne suivante viennent préciser ce contre quoi l’homme doit combattre. Enfin, la dernière série de chapiteaux historiés centre son propos sur des narrations, d’une part autour de la vie de saint Thomas et celle de saint Laurent, et d’autre part une réflexion sur ce que doit être la conduite de l’homme dans un monde chrétien. Cette leçon paraît d’autant plus forte que l’on est très proche de l’huys du cœur sur lequel est placé un crucify mentionné en août 1489.
73R. Grand reconnaît avoir hésité à placer la collégiale Saint-Aubin parmi les monuments romans de Bretagne. Aussi place-t-il cet édifice dans une époque « de transition » qui désigne « l’extrême fin du xiie siècle et le début du xiiie siècle où les maîtres-d’oeuvre se souviennent du passé, mais commencent à se servir des nouvelles formules ». La présence d’arcs brisés, les rapprochements avec Saint-Gildas-des-Bois, et Merlévennez, et la place des sculptures de Guérande dans le développement de la décoration sculptée de la vallée de la Loire, du Poitou et de la Saintonge confirment cette datation et plus probablement la fin du xiie siècle58.
74La cinquième travée de la nef est plus élevée. Au sud, l’arcade de cette travée comporte trois rouleaux. Chaque rouleau s’appuie sur une colonnette à chapiteau qui en prolonge la forme, à l’ouest ces colonnettes retombent sur l’abaque du chapiteau du pilier fasciculé de la nef, tandis qu’à l’est elles pénètrent directement dans la pile sud-ouest du transept. La correspondance étroite entre le profil des arcs de l’arcade et celui des éléments du pilier fasciculé du sud-ouest du transept traduit un même programme qui concerne le transept et la cinquième travée.
75Le transept est long de 31 m et large de 8,50. Le pilier du sud-ouest, de plan losangé comporte seize colonnettes à pans coupés. Le support situé au nord-ouest présente une structure complexe et le caractère massif de sa base reproduit l’emprise au sol du pilier sud-ouest. Les deux autres piliers du transept, situés à l’est de celui-ci, reprennent sur toute leur hauteur la structure supérieure du pilier nord-ouest. La pile sud-ouest est le seul témoin d’un programme plus ancien. Ce programme participe d’un parti pris d’élévation souligné par l’aspect continu de la modénature. Cette volonté d’élévation est à relier au projet d’implanter sur le transept une tour de clocher en pierre, massive et élevée. Un tel programme exige un ensemble de quatre arcades plus fortes reçues par quatre piles plus épaisses, ce qui en vient à former une sorte de bâtiment à l’intérieur même du monument, introduit postérieurement et comme encastré en lui et à faire du carré de transept la partie la plus importante de l’église. La cinquième travée peut s’interpréter comme une construction nécessaire pour contrebuter l’ensemble du transept et en assurer la stabilité ; les bras de transept ayant la même fonction. D’autre part, la construction de la cinquième travée a conduit à une élévation générale du couvrement de la nef, la cinquième travée dépasse la moulure qui recevait le lambris de la nef. La forme du pilier de plan losangé est caractéristique de la seconde moitié du xiiie siècle : l’ensemble du programme est à dater des années 1250. L’utilisation des chapiteaux cylindriques, lisses sans décor, traduit une influence venue d’Angleterre59.
76Ce programme a également concerné le chœur : le mur nord est ouvert de fenêtres en lancettes, et dans l’une d’entre elle se trouve un vitrail dont la datation admise est du xive siècle pour ses parties les plus anciennes. À cette campagne de travaux se rattachent : l’arc du collatéral sud qui ouvre sur le transept et la tourelle d’escalier menant au clocher. Quant à la « salle basse », elle présente deux niveaux. Le second est désigné comme salle capitulaire au xviiie siècle. Le premier consiste en une salle voûtée en tuffeau dont les croisées d’ogives très surbaissées s’appuient au centre sur un seul pilier. Elle s’ouvrait à l’ouest par une baie à double rouleau qu’un sondage récent a fait réapparaître. Son affectation au Moyen Âge reste problématique. Elle pourrait être, à l’origine, un édifice accolé à la collégiale mis ensuite en relation par de simples portes avec celle-ci. Elle doit être datée du xiiie siècle. Par la suite, le transept, le clocher et le chœur ont été remanié à la fin xve ou au début du xvie siècle60.
77Le chœur architectural se développe sur 27 m. Sa largeur diminue légèrement de l’ouest vers l’est. Divisé en trois vaisseaux, le chœur présente une élévation à deux niveaux. Le premier est constitué de six grandes arcades supportées par des colonnes octogonales qui portent des arcs moulurés à pénétration surmontés au sud d’un arc de décharge, alors qu’au nord, seule la dernière travée reprend cette disposition. Le profil des arcades est différent au nord et au sud où les moulures creuses dominent. Ce premier niveau est limité par une moulure horizontale qui court tout le long du chœur. Le second niveau est ouvert de fenêtres. Entre chaque fenêtre haute et dans l’axe de chaque colonne, des culs-de-lampe rythment l’ensemble. Leur base est sculptée différemment au nord et au sud. Au nord, on trouve une série de moulurations, et au sud, des éléments figuratifs sculptés. Ils portent, au vu des représentations du xixe siècle antérieures à la mise en place des voûtes en tuffeau, un départ de nervures. Le chevet est à trois pans correspondant aux trois vaisseaux, chaque pan étant percé d’une baie sur toute sa largeur. Le pan central, qui est le plus large, est plat.
78La collégiale participe de l’architecture dite « illusionniste ». L’illusion fait apparaître le chœur comme plus haut, plus long, plus éclairé. L’impression de hauteur vient des travées qui « montent » très haut pour venir occuper la quasi-totalité du premier niveau du chœur. Elle est renforcée par la largeur relativement limitée de celles-ci, ce que contribue à souligner les colonnes dont le traitement en pans coupés accentue la finesse. L’impression d’allongement vient de la dimension même du chœur, qui est sensiblement égale à celle de la nef – ce surdimensionnement est à mettre en rapport avec la nature du bâtiment, une collégiale. Mais la succession rapide des travées, le traitement des supports, ainsi que la moulure horizontale conduisent le regard vers l’avant. Le même effet provient du rétrécissement du chœur vers l’est et du traitement du contact entre le chœur et la partie centrale du chevet. Les deux ensembles sont de même largeur ; le support oriental de la dernière travée s’engage dans une très courte section de mur au tracé légèrement en oblique pour rejoindre la mouluration qui court tout le long de l’embrasure de la baie. Elle s’intègre dans l’architecture même et, comme la quasi-totalité du pan central est occupé par un vitrail, l’espace architectural, semble se prolonger. La perception en est d’autant plus forte que rien dans l’espace intérieur ne vient interrompre la visée, la partie ouest du déambulatoire n’étant pas délimitée par des colonnes. Au Moyen Âge la perception est différente : la voûte en charpente dégage du volume à l’intérieur de l’édifice qu’occupe un jubé et des stalles des chanoines. La collégiale participe du « parti haut ». Ce programme se complète à l’extérieur par d’épais contreforts amortis de pinacles délimitant chaque partie du chevet. À l’intérieur de l’église, il se prolonge par la reprise de la croisée du transept, de la travée nord de la cinquième travée, des bras du transept, et des murs des collatéraux61.
79Les grandes arcades à pénétration s’imposent dans le Vannetais à partir du troisième quart du xve siècle, alors que le style « illusionniste » s’affirme en Bretagne. Nous disposons de la date de 1541, gravée sur la sablière de la voûte en charpente du bras nord du transept. Cette date est confirmée par le traitement des mascarons sculptés sur la sablière et la présence, à l’extérieur, de candélabres qui somment les contreforts – alors qu’autour du chœur se trouvent des pinacles et une décoration qui se rapportent au gothique flamboyant. On peut retenir les années 1540 comme fin d’une campagne de travaux qui a contribué à reprendre l’ensemble du chœur, la croisée et le bras nord du transept. Les vitraux qui occupent les baies des pans coupés du chevet – vitrail de Saint-Aubin au nord-est, de Saint-Julien au sud-est – sont à placer dans le prolongement de ce programme : ils sont datés du milieu du xvie siècle ; celui du pan central figurant le couronnement de la Vierge est du xviie siècle. Le clocher de la croisée du transept, connu par une gravure ancienne, est à placer dans la continuité de cette campagne. La variété des formes relevées dans le traitement des arcades du chœur permet une chronologie relative. La stéréotomie mieux réalisée et le décor des bases des culs de lampe en mouluration montrent que la colonnade du nord est postérieure à la réalisation de celle du sud. Il est impossible, au vu de la documentation, de préciser la date du début des travaux concernant le chœur. On admet qu’ils remontent à la fin du xve siècle. Les travaux ont dû concerner en premier le chevet tant il est coutumier que, dans les chantiers d’église avançant par tranches verticales de travaux, de commencer par celui-ci62.
80La collégiale s’ouvre, au sud, sur la ville par un porche érigé ou remanié à cette époque. Ce traitement de la façade, qui bouleverse l’axe ouest-est imposé par la tradition, est une pratique courante en Bretagne. Ce porche est doté d’une porte à pilier central dont les deux ouvertures se placent sous des arcs en anse de panier. Une gravure ancienne indique un bandeau décoré de niches et semble-t-il une statue sur le pilier central. La reconstitution du xixe siècle a modifié le décor63.
81Le portail ouest a connu une histoire troublée. Retenons qu’en 1876, lors des travaux destinés à descendre le cul-de-lampe du clocher, celui-ci s’enfonce comme un coin détruisant le massif occidental et une partie de la nef. Lors de la restauration, le cahier des charges impose que l’emprise au sol et le style des parties basses et moyennes soient respectées. Le parti d’élévation est marqué. Les bas côtés présentent à leurs extrémités, sur une gravure ancienne, des contreforts angulaires amortis de pinacles dont la décoration évoque celle que l’on observe sur ceux du chevet et qui se retrouve au porche sud et sur la chapelle qui le borde à l’ouest. La partie centrale est encadrée par des contreforts dont l’un au sud s’intègre dans une tourelle d’escalier à pans coupés. Cette partie centrale est dotée d’une porte à pilier central dont les deux ouvertures se placent sous un arc en anse de panier et sont surmontées par une accolade ornée d’un fleuron. Une haute fenêtre la domine. La structure de la façade ouest est à l’image de ce que l’on trouve en Bretagne et plus particulièrement dans le Vannetais à partir du dernier quart du xve siècle. Cette structure se retrouve en pays guérandais à Saint-Guénolé et à Notre-Dame-du-Mûrier à Batz. Il est tentant de rapprocher cette réalisation des lettres d’indulgence accordées le 26 décembre 1515 par le pape Léon X déclarant qu’une « tour de l’église de Guérande…, d’une grande hauteur, au sommet de laquelle une lumière avait coutume d’éviter les dangers des mers, du côté de Guérande, aux navigateurs, et qui montrait le chemin aux marins », récemment écroulée, doit être reconstruite au plus vite. Le don, fait par le roi le 22 avril 1523 et confirmé le 11 mai suivant, aux gens d’Eglise, bourgeois, manans et habitans de la ville de Guerrande, de 500 écus pour convertir à la redifficacion de l’église de Saint-Aulbin de Guerrande, prend alors tout son sens, encore qu’il puisse être destiné au chœur puisqu’en ville les églises sont totalement à la charge des fabriques. L’achèvement du programme, si l’on en juge par la représentation d’une gravure ancienne sur laquelle le campanile présente des lignes horizontales fortement marquées de style Renaissance, pourrait être daté des années 1560-158064.
82Une chaire extérieure est présente sur le contrefort sud de la partie centrale de la façade ouest. Elle est placée sur un empattement de maçonnerie et accessible par un escalier intérieur. Sa partie basse est à trois pans, décorés d’arcs jumelés trilobés surmontés d’une guirlande de feuillage. Elle est couronnée d’un dais à trois arcs trilobés. De son décor se dégage une impression d’élégance, ses proportions sont remarquables. Elle s’intègre dans un programme qui utilise des formes mises au point à compter du dernier quart du xve siècle et qui se maintiennent au début du xvie siècle. Les chaires extérieures sont à associer aux actes religieux qui s’accomplissent, hors de l’église, dans le cadre du culte des morts qui suscite des formes nouvelles de prédication et des programmes iconographiques renouvelés65.
83Il reste à envisager les cinq chapelles de la collégiale. Les sources écrites sont limitées : le 15 octobre 1390, est citée la chapellenie Saint-Yves servie en la chapelle du même nom au joignant de l’église Saint-Aubin ; le 28 août 1489, un acte est passé en la chapelle monseigneur Sainct Pere, lieu de réunion des chanoines, qui doit être le lieu désigné, le 4 janvier 1520, comme lieu capitulaire. Ces chapelles ont un plan rectangulaire. Les trois qui flanquent le chœur présentent des aspects communs. Elles sont postérieures au programme ancien qui affecte le chœur. C’est peut-être l’une d’entre elles qui est évoquée en 1390, les autres pouvant être du xve siècle. La chapelle située au niveau de la nef entre le porche sud et le bras sud du transept est à rapprocher par le profil des contreforts et des pinacles, de ce que l’on a observé au porche sud et au chevet, c’est-à-dire d’un programme réalisé à la fin du xve ou au début du xvie siècle. Celle qui s’appuie à l’ouest du bras nord du transept est à relier à la réalisation de ce dernier dont une des sablières porte la date de 154166.
84L’importance des travaux engagés dès la seconde partie du xve siècle, un temps perturbés par les événements de la guerre d’Indépendance, qui se poursuivent au cours du xvie siècle, est remarquable. Sont concernés le chœur – largement repris –, le chevet, le transept, la façade ouest, le porche sud et la plupart des chapelles ; seule la nef n’a pas été alors remaniée. Si partout cette période de reprise est propice à l’ouverture de nombreux chantiers, l’ampleur des travaux atteste pour Guérande, mais également Le Croisic et Batz, avec les églises de Notre-Dame-de-Piété, de Saint-Guénolé et de Notre-Dame-du-Mûrier, et encore les chapelles de Careil, Kervalet, Saint-Julien à Penchâteau, Saint-Sébastien de Piriac, Sainte-Catherine à Clis, d’une capacité de financement important en rapport avec le développement économique du pays guérandais67.
Les autres églises et chapelles
85Proche de la rue de Bizienne, Notre-Dame-la-Blanche est désignée soit comme église, soit comme chapelle. Il convient de la considérer comme une église paroissiale puisqu’elle dispose d’un curé ou recteur. L’édifice, de 24 m sur 7 m, comporte une nef unique. Il présente sur ses murs gouttereaux une rupture archéologique attestant de deux campagnes de construction. La première concerne le chevet, à pans coupés, le chœur et le début de la nef. Des travaux récents de restauration ont fait apparaître pour la partie située à l’est de la porte sud, sur la partie basse des murs gouttereaux, la présence de moellons, alors que presque tout le reste de l’édifice est en pierres assisées qui révèlent un programme antérieur. Les contreforts de cette première partie sont plus puissants, les baies plus allongées présentent un entourage extérieur à double rouleau chanfreiné. La deuxième campagne concerne la partie ouest du bâtiment. Les contreforts sont moins imposants, ils sont de formes différentes, et les fenêtres sont moins allongées. Le raccordement des programmes est marqué, dans la partie supérieure de l’édifice, par un décrochement. Le faux aplomb au niveau du chœur remonterait donc au moment de l’édification de la nef. Les voûtes actuelles en tuffeau datent des travaux entrepris dans la seconde moitié du xixe siècle. Malgré les campagnes de travaux, l’édifice garde une réelle homogénéité, il paraît probable que les campagnes anciennes ne furent pas trop espacées dans le temps. Nous avons proposé de lier cette chapelle au bourg de Guérande. L’ensemble évoque, pour les parties les plus anciennes, le style de la première partie du xiiie siècle68.
86La chapelle Saint-Michel est située à l’entrée du faubourg du même nom. Un cimetière lui est associé. C’est le lieu où se tiennent les foires Saint-Michel et Saint-Lucas, dont les bannies se font devant une croix, des rentes y sont exigibles à ces termes. Là commence le cérémonial qui marque la première entrée de l’évêque. Il nous est connu par un acte du 14 décembre 1506 : François de La Lande en tant que sr de Cleuz se voit reconnaître le droit de mener et conduire par le frein dès la chapelle Saint-Michel jusqu’à l’église Saint-Aubin le cheval de l’évêque – une haquenee en poil blanc acoutre, oreillee – qui lui est, avec son harnois, ensuite attribué69.
87La chapelle Saint-Michel est le siège d’une paroisse dont Alain de Quelen est le curé en septembre 1477, alors qu’en 1560 est cité un soub curé. L’édifice est très remanié. Les petites fenêtres étroites évoquent une œuvre du xiiie siècle ; celle qui présente un remplage, une reprise du xve siècle. Son origine a été attribuée à une léproserie de fondation ducale. Sa localisation relativement proche de la ville et des chemins fréquentés, l’absence d’eau courante, semblent écarter une telle origine. Il faut y voir une chapelle de faubourg, les léproseries guérandaises étant plutôt rurales, telle la Madeleine de Guérande70.
88Au faubourg Bizienne, une chapelle Saint-Laurent est mentionnée le 7 juin 1502 et encore le 20 septembre 1525, date à laquelle s’y tient une assemblée. Elle est proche de la porte Bizienne, tandis que l’extrémité du faubourg dispose de la chapelle de la Trinité. Cette dernière est concédée au début du xve siècle aux dominicains, et laisse la place à une nouvelle chapelle de la Trinité construite à peu de distance, alors que les religieux bâtissent, bientôt, une nouvelle chapelle à l’intérieur de leur enclos71.
89À un hôpital situé intra-muros s’en ajoute un autre dans le faubourg de Saillé. Le premier est situé rue de Saillé. Son environnement apparaît le 5 novembre 1478 lorsque sont cités le cimetière de la chapelle Saint-Jean, le jardin de l’hôpital, des maisons et jardins riverains. Cette situation, dans la ville close près d’une porte et d’une rue importante, n’est pas la plus courante au Moyen Âge, mais elle se retrouve dans plusieurs villes bretonnes. L’édifice a été mis en rapport avec les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, et rapproché de la mention dans une liste apocryphe des biens des hospitaliers d’une domus. Certains même évoquent le retour des chevaliers après la chute de Rhodes en 1527. Mais les archives des hospitaliers n’en font pas état pour le xve siècle72.
90L’édifice, le 7 juin 1418, est désigné sous le nom d’hôpital Saint-Jean auquel est lié un aumônier, Guillaume Cochart, chanoine de Saint-Aubin. Cette aumônerie est citée à plusieurs reprises, en 1448, 1451, 1454. En mai 1509, Yves Ernaud en est aulmonier, en octobre 1518, c’est Jean Nicolas qui est prêtre et ne paraît pas être chanoine. Le 8 octobre 1526, par testament, le prêtre Guillaume Groy, sans doute le chapelain de l’hôpital, demande d’être inhumé dans l’église et il crée une chapellenie au nom de Saint-Jean-Baptiste. Cette création est un simple acte de piété individuel. Cette chapellenie est ensuite annexée à la Psallette et ses revenus affectés à l’entretien du maître des quatre enfants qui y sont accueillis. Cette chapelle Saint-Jean est à relier à un hôpital resté sous la tutelle des chanoines dont l’un d’entre d’eux était l’aumônier de l’hôpital, et qui acquiert ensuite une certaine autonomie. Cette évolution est conforme à celle constatée ailleurs, selon laquelle les xiie et xiiie siècles sont marqués par des créations et une réglementation. Il s’élabore alors un nouveau réseau hospitalier avec les aumôneries, les maisons-Dieu et les hôtels-Dieu. Lors de leur fondation, ces établissements sont sous la tutelle des possesseurs des paroisses ou des chapitres. Ils bénéficient bientôt d’une certaine autonomie spirituelle en recevant un chapelain, ce dernier devant assurer le service religieux des pauvres et des malades73.
91L’édifice est très remanié. Sa façade occidentale est dotée d’une unique porte présentant un ébrasement à ressaut aux voussures feuillagées. Elle est surmontée d’une fenêtre à ébrasement simple. Le pignon triangulaire présente des rampants ornementés de crossettes. L’ensemble peut être daté de la fin du xive ou du début du xve siècle. Il témoigne du soin tout particulier apporté à l’édification de ces chapelles, ce qui souligne un trait de la mentalité des hommes de l’époque.
92La gardianne de Saint-Armel est mentionnée en octobre 1455. En 1501, une rente est payée par la fabrique de Saint-Aubin, sur l’emplacement de la chapelle Saint-Armel et la maison de l’hôpital Saint-Armel. Cette implantation dans un faubourg, celui de Saillé, est plus classique. La rente que paie la fabrique de Saint-Aubin atteste de liens entre cet établissement et le chapitre de la collégiale, sans que l’on puisse préciser la date et les conditions de la mise en place de l’établissement74.
Le couvent dominicain Saint-Yves
93Sa fondation est autorisée le 19 mars 1404 par une bulle du pape Benoit XIII. Le duc propose, pour faciliter l’installation des dominicains, de leur confier la chapelle de la Trinité située au faubourg Bizienne. Celle-ci relevant de la fabrique de Saint-Aubin, le chapitre de la collégiale trouve matière à exprimer son opposition, relayée par l’évêque de Nantes Henri Le Barbu. Cet appui affiché aux positions exprimées par le clergé séculier va à l’encontre de celui que, le 11 octobre 1381, Simon de Langres a accordé aux cordeliers de Vannes lorsque le clergé guérandais avait cherché à remettre en cause leur droit de prêcher, mais il s’inscrit dans un contexte général marqué par la multiplication, au cours du xve siècle, des entraves épiscopales aux implantations mendiantes. Face à cette opposition, Jean V intervient auprès du pape qui, par une bulle du 5 janvier 1406, désigne comme arbitre l’évêque de Cornouaille, Gatien de Monceaux. Finalement, en présence de l’évêque de Nantes, de celui de Cornouaille et de Jean de Malestroit, chancelier de Bretagne, le chapitre de Guérande accepte la fondation du couvent et la mise à disposition de la chapelle contre une somme de 4 000 L que leur verse le duc, afin que la fabrique de la collégiale puisse acheter des rentes, édifier une nouvelle chapelle de la Trinité, et soit dédommagée de la perte de la quatrième portion et tous autres droits auxquels elle pouvait prétendre75.
94La première pierre du couvent est posée le 16 mars 1409. Aussi la fondation réelle du couvent est-elle à placer entre 1404 et 1409. Pour celle-ci, le duc accorde aux religieux des jardins, terres et prairies. Il intervient à nouveau afin que le pape Jean XXIII, le 2 février 1411, reconnaisse le couvent et lui accorde les privilèges habituels. En dépit de ces premières lenteurs, dès 1404-1405, André Le Quéric paraît être le premier religieux dominicain sur place et être un délégué des dominicains de Nantes. Le 10 mai 1410, le prieur du couvent s’engage à célébrer une messe chaque jour pour le salut de l’âme du duc et de la duchesse en contre partie d’un don de 1 000 écus. Cependant, le fait que le prieur seul soit cité indique une présence des plus réduites des religieux. Le 16 mai 1418, les religieux commencent à édifier l’église Saint-Yves qui allait remplacer la chapelle de la Trinité préalablement concédée. On envisage, au moment du décès de Vincent Ferrier intervenu à Vannes le 5 avril 1419, d’y inhumer le corps du prédicateur puisque Guérande est le couvent dominicain le plus proche, mais le clergé vannetais fait opposition76.
95L’aide du duc est encore sollicitée. Il accorde en 1430 30 L. En mai 1436, à la requête de Jean V le pape promet des faveurs spirituelles à ceux qui aideront à l’achèvement du couvent. Par lettres patentes les 15 janvier 1437 et 4 juin 1437, le duc cède encore aux dominicains des droits commerciaux lors d’une foire franche qu’il crée à Guérande. La communauté s’étoffe et ce sont le prieur, le lecteur, le supérieur ainsi que la maire partie des religieux qui, le 9 mars 1439, reçoivent une rente pour la fondation d’une messe77.
96Théoriquement, dès le xiiie siècle dans les provinces de l’Europe du sud, la fondation proprement dite d’un couvent mendiant passe par trois phases : d’abord un ou plusieurs religieux enquêtent sur place des possibilités de la fondation ; puis la décision étant prise, des frères sont envoyés pour préparer la fondation définitive ; enfin, le couvent est établi avec un prieur, un lecteur et des frères, le nombre statutaire étant d’un prieur et de douze religieux au minimum. Si l’on suit ce schéma, la présence d’André Le Quéric correspond à la phase un ; celle du prieur attesté en 1410 à la phase 2 et celle de la communauté de moines, signalée en 1439, à la phase 3. Les années 1436-1437 sont décisives : les interventions ducales sont rapprochées et leurs retombées financières sont importantes. Le 16 septembre 1441, l’évêque de Nantes Jean de Malestroit consacre l’église Saint-Yves. Une nouvelle concession ducale est justifiée le 13 avril 1442 par le peu de revenue qui est, l’ediffice notablement encommenzee oudit couvent, ne se peult convenablement parfaire, anczoys en brieff pouroit dechoir en ruine, dimynuer, ou ledit couvent demeurer inhabité. Au-delà du caractère conventionnel d’un document de ce type, on peut admettre que des travaux restent en cours. L’écho s’en retrouve le 26 juillet 1483 dans une donation qui est justifiée, entre autres, par la necessité que à present apparoist oudit couvent tant en ediffices que aultrement. Le 28 juin 1498, Anne prend acte du fait qu’en raison des charges pesant sur la communauté, le nombre des religieux a dû être réduit78.
97L’implication des ducs est essentielle dans la mise en place du couvent. Elle participe d’une volonté d’affirmation politique et de prestige. Cependant, la création de ce couvent répond d’abord à une volonté des religieux. Le duc se fait leur porte-parole et plus tard les aide et les protège : le 26 juillet 1466, maintenue et sauvegarde perpétuelle leurs sont données. Certes, la conjoncture politique favorise l’accord pontifical, mais la bulle du 19 mars 1404 reprend l’argumentaire des religieux dont Jean Le Danteuc, confesseur du duc, a pu se faire l’écho : Guérande ne renferme aucun couvent mendiant et il ne s’en trouve pas dans les environs immédiats sinon à Vannes, et à Nantes ; le pays est riche et peuplé, près de la mer et de nombreux marchands et étrangers y viennent par mer et par terre, et plus de 3 000 habitants vivent dans la paroisse dont les aumônes et celles des gens qui y affluent peuvent assurer la vie des religieux79.
98Guérande est une des sept maisons dominicaines bretonnes avec Dinan, Morlaix, Nantes, Quimperlé, Guingamp, Rennes. C’est la plus récente et la seule ouverte au xve siècle en Bretagne. Le fait que l’on ait affaire à une zone côtière et l’absence de « concurrence » ont dû être décisifs. Cette création traduit le développement des petites villes aux xive et xve siècle dans le duché. Mais la lenteur des réalisations est notable. Pour les bâtiments, peut-être faut-il envisager une inadéquation entre les ambitions monumentales et les ressources des religieux. Les difficultés du couvent dominicain de Nantes ont pu interférer, auxquelles ont pu s’ajouter celles de l’ordre dont les effectifs semblent en recul à Morlaix et Guingamp entre 1370 et 1420. Et surtout, les effets d’une conjoncture économique et démographique déprimée, au moins jusque dans les années 1440-1450, sont à prendre en compte80.
L’affirmation de la ville du Croisic
99Le Croisic appartient à la paroisse de Batz. Dans la seconde assignation du douaire de Jeanne de Navarre, le 26 février 1396, où sont mentionnés la ville, chasteaux et chastellenies de Guerrande et de Baz, Le Croisic est lié à l’ensemble défensif encore désigné comme celui de l’isle de Batz dont Nicolas Bouchard est capitaine le 14 septembre 1355. Dans le dial du domaine ducal de 1452, qui reprend une situation plus ancienne, les Croisicais trouvent place dans la rubrique Batz-Pelemer. Cependant, la réalité urbaine est reconnue : le 5 octobre 1420, le duc constate que la ville du Croisic est marchande. Elle est au cœur de l’affirmation du Croisic qui apparaît dans le domaine militaire, administratif et paroissial81.
Le Croisic, château et forteresse
100Les premiers capitaines connus sont dits de Batz, mais leur nom est associé à celui du Croisic en 1397 et 1434 ; à partir de 1442 ne paraît plus que la mention du Croisic. Ce changement dans la titulature tient compte d’une réalité : les fortifications sont localisées au Croisic. Selon les lettres patentes du 5 octobre 1420, 60 ans auparavant, soit vers 1360, Jean de Montfort fait lever des taxes afin de permettre la construction d’une forteresse au Croisic. La construction du château a pu être assurée par Nicolas Bouchart, et se substitue peut-être à une plus ancienne puisqu’il est fait état d’un veill chasteau82.
101Par la suite, des travaux sont attestés en 1495 et en 1515-1516 par les mentions du boulevard du château et des portes des boullevarts. Dans le renouvellement du billot du 20 juillet 1505, le château est dit vieil et ancien, ruyneulx et indigne de reparacions. La formule, qui reprend celle exprimée par les demandeurs, est habituelle à ce type de requête. Des travaux sont signalés en 1515-1516 aux portes et au pont dormant. Le compte du miseur de 1517 indique la construction d’une maison au devant du grant corps de la maison du château. En 1561, est mentionnée la tour neuffve du château où sont stockées les munitions. Des réparations sont encore signalées en 1564. Mais en 1629, les Croisicais obtiennent la concession des restes du château déclaré innutile et de la place où il se trouve pour y bâtir une maison de ville avec une halle83.
102À ce château s’ajoutent des éléments de fortification, en particulier à la Barrière. Une représentation de 1560 fait du Croisic une ville en partie close, au sud-est et l’est ; cependant, le dessin du rivage et celui de l’emprise de la ville appelle à la prudence. En 1627, un procès verbal d’enquête fait état de murailles ; il précise qu’autrefois on entrait venant du Pouliguen par la porte du sud, qui a été fermée il y a 10 à 12 ans. Des témoins, au xixe siècle, évoquent encore une muraille partant de la mer pour aboutir à l’ancien chemin menant au bourg de Batz, les traces d’une porte d’entrée flanquée de deux bastions ; ils citent des constructions sur le chemin menant au Traict, avec porte, fossé et pont-levis, reliés au château par un parapet. D’autres signalent la présence d’un mur d’enceinte crénelé et les substructions de deux tours. Nul doute que beaucoup de ces vestiges doivent être attribués à la fin du Moyen Âge84.
103Le Croisic participe au dispositif de la défense côtière déjà présenté. L’armement de la ville est connu par l’inventaire rédigé le 11 juillet 1495 par Girardin de Billy. Appartiennent au roi : dans la maison de Pierre Molle, 2 grosses couleuvrines de fonte amenées de Nantes, d’un poids de 3 000 livres ; dans son cellier, une petite couleuvrine montée sur roues et affût dont le devant est rompu, d’un poids de 800 livres, 3 faulcons de fonte, montés sur roues et affût, respectivement de 500, 300 et 200 livres, et des boulets de fer au calibre des grosses couleuvrines ; dans une salle basse d’une des tours du château, 5 petitz faulcons de fonte à tourillons, 4 de 160 livres et un de 40 livres. Les pièces d’artillerie appartenant aux bourgois et habitans consistent en : un gros canon de fer de 5 pieds de volée, sans boîte, monté sur affût qui se trouve sur le boulevard du château ; 7 serpentines de fer à boete ; 2 petits canons et 2 barils de poudre. La comparaison avec l’artillerie de Guérande fait apparaître des pièces en fer financées par le billot moins nombreuses au Croisic, 10 contre 15. Quant aux armes en fonte, si leur nombre est analogue, 12 à Guérande et 11 au Croisic, cette dernière ville dispose de pièces de plus gros calibre : au Croisic, 5 pièces dépassent 200 livres, poids maximum de ce que l’on trouve à Guérande. Cet avantage est récent. Des pièces venues de Nantes sont mentionnées dans une quittance du 30 juin 1492, dans laquelle, Pierre Molle, miseur du Croisic, reconnaît avoir reçu de Jean Chausse, garde de l’artillerie de Nantes, 2 serpentines en cuyvre (bronze), l’une de 2 053 livres de poids et l’autre de 2 303 livres, avec 120 boulles de fer. Il reçoit également 4 gros faulcons de la Royne avec roues, affûts et poudres. C’est sans doute de ces armes dont il est fait écho dans un mandement obtenu le 10 juillet 1506 par Jean Houys commis à la garde de l’artillerie de Nantes contre les habitans du Croisic. À cette date, ce dernier réclame la restitution de deux pièces d’artillerie et de 120 boulets de fer reçus durant la guerre. L’envoi de ce renfort est à placer en 1489 ou 1491, moments où le Croisic est en relation avec Nantes et en conflit avec Guérande. Par la suite, l’armement reste limité, le compte du miseur rendu le 7 février 1517 enregistre 9 pièces de fonte avec leurs affûts, un petit couillart de fonte et son affût, 7 pièces de fer vieilles et ruyneuses, 10 vieilles boîtes de fer, 12 hallebardes, 6 arbalètes avec leurs bandaiges, 100 garrots ferrés et empaumez85.
104Les travaux militaires se suivent sur une longue période et justifient l’affectation du billot. Les fortifications sont, pour les Croisicais comme pour les autres citadins, une préoccupation continuelle et font l’objet d’un véritable investissement. Néanmoins, Le Croisic, comme Guérande, n’apparaît pas dans les mandements ducaux concernant la défense des places sous François II. Le Croisic n’accède pas au rang des places fortes, ce qui est confirmé par l’état de l’artillerie selon l’inventaire de 1495, et plus encore par l’affectation du billot qui ne concerne que le château. Aussi l’affirmation le 2 avril 1546, selon laquelle Le Croisic est l’une des plus fortes places de toute la côte de Bretagne paraît-elle exagérée et relève de ces appréciations convenues et habituelles de ce type de document qu’est une franchise d’emprunt86.
L’administration de la ville du Croisic
105Cette administration se met en place à la suite des privilèges commerciaux, fiscaux et politiques accordés par le pouvoir politique, souvent lors de circonstances politiques particulières.
106Lors de la crise de 1420, qui voit Jean V être un temps retenu prisonnier, Le Croisic se place, à l’image du pays guérandais, dans le camp loyaliste. Cette fidélité est récompensée le 5 octobre 1420. Les décisions ducales concernent le terrouer de Guérande, mais Le Croisic bénéficie de décisions particulières : deux foires y sont créees ; les règlements concernant le marché du poisson sont rappelés ; les supplians reçoivent la possibilité de faire bourse commune afin de recouvrer le cas échéant navires et biens capturés à l’étranger87.
107La levée d’un billot est concédée par le duc à une date inconnue. Il fait suite à la taxe imposée en 1360 et redéfinie le 5 octobre 1420 dont le produit est affecté aux fortifications. Il date du règne de François II – comme le rappelle l’acte de renouvellement du 20 juillet 1505 – et il est antérieur au 22 juillet 1467, date de sa prorogation. Il est ensuite continuellement renouvelé : il est mentionné, le 14 décembre 1478 ; prorogé : le 13 octobre 1486, le 20 juin 1488, le 17 septembre 1506, le 27 juin 1515, le 26 juin 1523, ainsi que le 20 août 153288.
108Les guerres de la fin de la période ducale sont propices aux évolutions des mesures fiscales. Le 7 juin 1487, les habitants du Croisic, du Pouliguen et aultres lieux de la paroisse de Batz obtiennent du duc François II une exemption de touz fouages, aides, dons, empruntz et autres subsides et subventions personnels quelxconques, durant notre plaisir, en raison des services militaires rendus et sous condition d’être prêts à servir le duc. D’autre part, commission est donnée aux officiers de Guérande de faire incontinent les reparations nécessaires au Croisic. Peu après, à la fin de 1488 lors de la joyeuse entree en la ville et terrouer de Guerrande de la duchesse, les Croisicais obtiennent de n’être pas imposés au titre d’un emprunt levé sur le terrouer – le Croisic devant contribuer pour 3 500 L. Dans l’acte du 26 novembre 1488 donné au nom de Jean de Rieux, tuteur testamentaire d’Anne qui officialise cette mesure, celle-ci est justifiée par le fait qu’il sembloit fort estrange et hors de toute bonne raison et equité en ayant esgard auxdits services militaires rendus, qu’il s’agit de la première requête, et par l’engagement pris par les Croisicais de bien et loyaument servir le duc. L’exemption de fouages et subcides est renouvelée par Anne et Maximilien le 18 avril 1491 en raison de la loyauté des Croisicais, de leurs actions militaires menées dans le passé, et présentement face aux ennemis et adversaires qui tiennent et occupent Nantes. Il s’agit pour Anne de maintenir Le Croisic dans le camp loyaliste. Efforts vains, puisque la ville se rallie au roi qui, le 15 juillet 1491, à la demande des gens d’Eglise, nobles, bourgeois et habitans du Croisic et de l’Isle de Baz, confirme les privilèges du terrouer de Guérande. Mais Le Croisic obtient des avantages supplémentaires : pour la bourse commune, une taxe d’un denier par livre (1/240e) est levée sur toutes les marchandises vendues ou déchargées en la paroisse de Batz et sur celles qui ne font que transiter, sauf sur les blés, le beurre, le lard, les chairs, bois et fagots, fèves, poissons frais et vins du creü qui seront vendus au détail ; un marché est créé le mardi au Croisic pour lequel le roi s’engage à faire bâtir une cohue, et pour cela il ordonne d’affecter une maison. La décision est fondée sur la parfaicte amour, vroye et entiere obeissance des requérants, sur le fait qu’ils se sont ralliés sans aucun effort ou contrainte, qu’ils ont offert leurs personnes, biens et navires pour servir le roi par terre et par mer, et qu’ils se sont toujours montrés vroys vassaulx et subjectz de ceulx qui ont la seigneurie et principauté sur eulx sans varier. Le roi le 5 juillet 1491 confirme également le papegault préalablement accordé par François II, et le 10 novembre 1492 le roi demande à la chambre des comptes d’entériner les lettres d’exemption, ce qui est fait le 6 décembre 1492 pour 10 ans. Enfin, à une date inconnue mais avant novembre 1493, le roi accorde une prévôté au Croisic ; celle-ci assure au Croisic, dans certains domaines, son autonomie judiciaire par rapport à Guérande. C’est un nouvel équilibre qui s’établit entre les deux villes et contre lequel Guérande réagit en obtenant en novembre 1493 que la mesure soit rapportée. Les protestations des Croisicais restent vaines ; cependant, un accord est trouvé sous François Ier selon lequel les gens de justice de Guérande s’engagent à rendre la justice une fois par semaine au Croisic89.
109Ce jeu politique mené par Le Croisic traduit tout à la fois l’affirmation de la ville et une prise en compte d’intérêts particuliers. Les relations du Croisic avec Nantes reflètent plus largement celles du pays guérandais avec la Loire, voie de pénétration des sels vers la France. Ces préoccupations stratégiques et commerciales ont certainement pesé dans les choix politiques. Le Croisic a mené un jeu personnel qui lui rapporte de nombreux avantages. Mais la ville n’a pu conserver sa prévôté. Quant au fouage, il continue d’être levé comme l’attestent : en mai 1505, un procès qui oppose les paroissiens de Batz à Jean Chotard et Robert de Vallée chargés respectivement des cueillettes de Saint-Yves et du Croisic ; le 21 septembre 1539, la justification demandée aux paroissiens d’une décharge de 12 feux ; et encore, le 2 avril 1546, parmi les attendus de la décision du roi d’exempter la ville d’emprunts figure que la ville contribue au fouage90.
110Un premier mode de fonctionnement des institutions municipales apparaît dans un acte du 26 mars 1462. À cette date, commission est donnée aux capitaines de Guérande et du Croisic et à leurs lieutenants, à la chambre des comptes, aux officiers de justice de Guérande ou à quatre d’entre eux, c’est-à-dire le capitaine ou son lieutenant chacun en son bailliage, un représentant de la chambre des comptes, le sénéchal ou l’alloué de Guérande, le procureur de Guérande ou son lieutenant, afin que, les bourgeois de ladite ville et des gens d’Eglise dudit lieu de Guérande… appelez, ils fassent compter les receveurs des billots ordonnés pour les reparacions des ville de Guerrande et chasteau du Croisic, et les miseurs desdites euvres de reparacion. La présence croisicaise se limite à son capitaine ou son lieutenant, c’est-à-dire au représentant du pouvoir ducal sur place. Il en va différemment le 22 juillet 1467 : la lettre de renouvellement du billot précise qu’un miseur est désigné par l’avisement et ordonnance du capitaine ou son lieutenant et les justiciers dudit lieu, et autres gens notables, manans et habitans de ladite ville du Croesic, qui en rendra compte devant les devantdits en présence d’un des auditeurs de la Chambre. Aux côtés des représentants du pouvoir ducal – capitaine du Croisic ou son lieutenant, officiers de Guérande – existe donc une représentation locale. Cet acte n’est enregistré que le 6 juillet 1468. Ce délai est sans doute révélateur d’oppositions qui se manifestent contre la redéfinition des pratiques en cours91.
111Quoi qu’il en soit, ce type de fonctionnement s’impose, et en 1471 l’arrentement d’une place en la ville du Croisic exige la présence des bourgeois. Le 21 février 1500, le miseur reçoit commandement d’exécuter des travaux du commis du lieutenant du capitaine et de plusieurs des nobles et bourgeois ; la signature de quelques-uns figurent au bas de la lettre de miserie que reçoit Jean Le Talruz. Les renables des travaux des 25 février et 24 novembre 1500, les passations de marché des 9 février, 16 avril et 4 décembre 1500, se font à chaque fois en présence d’un certain nombre de personnes dont on peut établir une liste non exhaustive de 37 noms. Le 8 avril 1500, le miseur Alain Quelo rend son compte en présence de quatre Croisicais. Ces pratiques attestent de l’existence d’une assemblée ouverte. Une maison commune est citée dans le compte du miseur tenu entre le 15 novembre 1515 et le 14 novembre 1516. Le xve siècle a donc vu l’affirmation progressive de la communauté de ville qui fait contrepoids au pouvoir du capitaine nommé par le duc92.
112Une liste incomplète des capitaines du Croisic peut-être dressée (annexe 11). L’implantation locale se lit avec Nicolas Bouchart, Jean de Serent, Jean de La Boessière, Denis Baye, et encore Guillaume de Rochefort. Nicolas Bouchart est selon Alain Bouchart natif du Croisic : sa présence dans le pays guérandais est attestée par divers actes dès le 3 septembre 1360. Jean de Serent, sans doute originaire du Vannetais, le 6 février 1396, rend aveu pour plus de 15 L de rente qu’il tient du duc dans le domaine de Guérande. C’est sans doute lui qui met fin à la Noël 1368 à une contestation qui l’oppose à l’abbaye de Prières à propos d’un moulin à Batz. Jean de La Boissière pourrait être un noble recensé dans la réformation de la noblesse de 1427 dans la frairie de Saillé. Quant à Guillaume de Rochefort, il est sr d’Henlees (Henleix) à Saint-Nazaire93.
113L’institution de Robert Sorin et de ceux qui suivent illustre une autre tendance qui voit la nomination d’hommes du duc. Robert Sorin parcourt une riche carrière : il est envoyé en mission auprès de Benoît XIII et à son retour, à compter du 24 décembre 1404, nommé trésorier et receveur général ; puis, en octobre 1406, capitaine de Pirmil ; en novembre 1406, maître d’hôtel et bientôt argentier du duc. Jean du Juch est un représentant de la noblesse bretonne présente à la cour. La longue présence, entre 1459 et 1477, d’Alain de La Motte, sr des Fontaines, vice-amiral de Bretagne, est révélatrice du rôle maritime de la ville et n’a pu que contribuer à le développer. La tendance à l’hérédité des fonctions, constatée à Guérande dans la première partie du xvie siècle, se trouve ici confirmée avec les Robien, Jacques succédant en 1541, à son père Jean en poste depuis 151694.
114Le capitaine est représenté sur place par un lieutenant : en août 1463 Guillaume Jouan ; le 24 février 1488 Éonnet de Vallée, connu ensuite comme receveur ordinaire de Guérande ; le 16 avril 1500 Jean du Talhouët que l’on peut rapprocher de François du Talhouët, sr de Kerrougar en Assérac et de la Gaudinais à Guérande ; entre le 15 novembre 1515 et le 14 novembre 1516, Pierre Jonneaulx dont on connaît le montant de ses gages : 6 L t. Il peut être assisté sur place par un commis : le 4 décembre 1500, Guillaume Jouan est commis du lieutenant du capitaine95.
115Le capitaine contrôle les comptes du miseur, et peut assister à la reddition de son compte, par exemple le 7 février 1517. L’importance du capitaine est soulignée par le fait qu’en 1515-1516 c’est au château et non à la maison commune que se trouvent dans un coffre les comptes et enseignements de la ville. Pour les affaires militaires, et en temps de guerre, le pouvoir du capitaine s’impose. Au Croisic, il assure la mobilisation des forces maritimes, ainsi au début du xve siècle et encore le 13 juin 1470, date à laquelle Guillaume Jouan, lieutenant du capitaine, reçoit ordre d’armer 4 à 5 navires. C’est lui encore qui délivre les sauf-conduits émis par le duc ou par l’amiral de Bretagne96.
116Le 26 mars 1462, est mentionné un miseur des oeuvres de reparacion dont la compétence est limitée au chasteau. Le 22 juillet 1467, son nouveau mode de désignation est précisé : il est nommé par le capitaine ou son lieutenant et les justiciers dudit lieu et autres gens notables, manans et habitans de ladite ville du Croesic. Le 7 février 1517, la titulature de sa fonction apparaît : miseur et garde des ports et havres du Croisic et du Pouliguen. C’est le seul officier municipal qui apparaisse avant 1540 ; il faut attendre août 1561 pour voir mentionner un procureur des bourgeois, manans et habitants de la ville du Croisic, ysle et paroisse de Batz, port et havre du Polguen97.
117Un certain nombre de miseurs sont connus : avant juin 1492, Pierre Molle ; avant le 8 avril 1500, Alain Quelo ; en 1500, Jean Le Talruz ; le 4 décembre 1501, Jean Le Rouxeau ; le 5 mars 1506, Pierre Labbé ; avant le 15 novembre 1515, Hervé Layc ; le 7 février 1517, Jean Jollan l’aîné rend son compte pour la période du 15 novembre 1515 au 14 novembre 1516, ses gages sont de 12 L t ; le 23 septembre 1532, Jacob Le Goff. Hervé Layc figure dans la réformation de la noblesse de 1513, alors que Jean Le Talruz et Pierre Labbé le 17 mars 1508, prétendent être exempts de fouage. Surtout, plusieurs appartiennent au milieu des marchands mariniers. Pierre Labbé a été procureur de la fabrique de Batz en 150598.
118Les ressources de la ville proviennent du billot. En 1467, le billot porte sur les vins vendus au détail au lieu du Croesic et en l’isle de Baz, et sa levée est au 15e. À cela peuvent s’ajouter d’autres ressources : celles procurées par le duc qui le 7 juin 1487 ordonne de faire les reparacions nécessaires à la ville ; celles provenant des paroissiens de Batz qui sont autorisés le 4 mars 1503 à faire esgail et tailler par entreulx de la somme de 120 L pour fere reparacion des quais du Croisic. Mais l’essentiel des finances vient du billot : dans le compte tenu entre le 15 novembre 1515 et le 14 novembre 1516, 99,9 % de la recette de la miserie proviennent de celui-ci99.
119Si la régie est utilisée par exemple en 1462 et en 1467, l’affermage est pratiqué et certains fermiers sont mentionnés : le 14 décembre 1478, Jean Raoul ; le 11 octobre 1480, Pierre Rogon ; le 22 septembre 1509, Jacques Quelo ; le 5 décembre 1509, Blays Bruneau et Yves Le Boteuc ; en 1515-1516, Bonabès Gambert. Ce sont surtout des Croisicais. Leur origine sociale est variée : Jean Raoul est marinier ; Pierre Rogon, notaire ; Bonabès Gambert, maçon ; Jacques Quelo et Yves Le Boteuc sont deux représentants de familles nobles ; quant à Blays Bruneau, il figure, le 13 mai 1505, parmi la plus saine et maire partie des paroissiens de Batz. Le cadre administratif de la levée du billot a pu varier. Le 12 novembre 1513, il est fait état d’un fermier général du devoir de billot de l’évêché de Nantes, sauf pour la paroisse de Batz, ce qui implique un receveur particulier ; mais ce qui n’était pas le cas le 5 mars 1506, puisque Pierre Labbé, miseur obtient un mandement à l’encontre de Simon Compaign, fermier du billot du terrouer de Guérande100.
120Un tiers des revenus doit être consacré à la reparacion du caill de Poliguen, et le reste es reparacion du caill et chasteau du Croesic. L’inventaire de Girardin de Billy le 11 juillet 1495 montre également des achats d’armement. Ces affectations militaires et portuaires tant pour Le Pouliguen que Le Croisic sont ensuite continuellement rappelées101.
121Ces investissements portuaires continus contribuent à la prise de conscience d’une identité maritime de la population. Ils peuvent être suivis sur une longue période : en 1410-1412, une venelle mène des estaux à la mer, alors que le 10 juin 1540 ils sont en communication avec un quai ; en 1425, une chaussée est mentionnée – le terme est équivalent de jonchère qui est une chaussée de pierres provenues de lestaiges de navyres – près du château, alors qu’en 1533 une place froste située sur la chaussée du Croisic est comprise dans le plus grand placître de tous les quais du Croisic – sans doute l’actuelle place de la Croix de Ville. Parmi ces quais, l’un est désigné en 1537 comme le grand quai du Croysic, il est relié par un grand chemyn au Pont-de-Bois102.
122D’autres travaux sont connus par des quittances ou des extraits de comptes. Le 4 décembre 1500, Yvon Le Gaudron rappelle avoir réalisé 5 toises de mur en pierre de taille ; pour de nouveaux travaux, il exige que les prix soient revus – de 6 L 17 s 6 d t à 8 L t par toise –, ce qui est accepté et ce sont 23 toises qui sont réalisées. Le 31 janvier 1500, Rolland Le Boteux s’engage à curer les atrectz qui sont choaiz au long du cay du Pouliguen, et au Croisic, à trousser – courber en dedans – une chaussée qui est derrière le quai, utiliser les pierres pour le renforcer et obturer un perthuis, le marché est conclu pour 15 L t. Le 21 février 1500, Jean Le Talruz, miseur, reçoit commandement de faire : toutes les mises concernant le château ; des pioches de fer ; les réparations qui s’imposent au pont de Lénigo ; abiller les retrectz qui sont sur le cay ; rompre certains rochers qui sont sur la vase devant le château, ceux de Carrec en Sauson et plus généralement tous ceux qui sont au port du Croisic où cela est nécessaire ; réparer les quais où il en est besoin ; combler au derriere du quai qui a été repparé de neuff près de la grant motte qui est vis à vis du château ; parachever les travaux engagés concernant les quais au Croisic et au Pouliguen pour lesquels il est précisé le 8 avril 1500 que 60 L t sont affectées au Pouliguen. Le 16 avril 1500, marché est passé pour des travaux de curage et visant à achever de trousser un bout de la chaussée pour 42 L t. Le 18 juin 1500, Yvonnet Gendronneau et ses compagnons reçoivent 4 L 5 s t pour 17 jours passer à rompre la pierre du rochier de Carec en Sauzon. Le 10 janvier 1501, Robert Blandin reçoit quittance de 94 L 10 s t pour la réalisation de 10 1/2 toises de quai qui s’ajoutent aux 15 déjà réalisées. Le 4 mars 1503, 120 L sont levées en partie pour fere reparacion des caiz du Croesic103.
123Dans le compte du miseur tenu du 15 novembre 1515 au 14 novembre 1516, il s’agit de : rompre certains rochers qui gardoient d’entrer et ysser les navyres, devers le rocher nommé Mabon – encore indiqué à la fin du xixe siècle, sous le nom de Crasse-des-Mabons, comme un des rochers situé dans l’avant-port laissant à peine le passage dans le chenal à marée basse pour un canot – ou perthuys nommé la Chemynee, la location d’un bateau pendant 52 jours est nécessaire pour cette réalisation ; relever et réparer deux brèches de cay, 6 toises à relever et 4 à faire de neuf, deux degrez sont également rabillés ; planter six paulx ; et au Pouliguen, relever plusieurs toises de quais ou en faire des neufs. Cette année-là, ce sont 71 L 16 s 8 d t qui sont engagés dans des travaux portuaires au Croisic, soit 37,6 % des dépenses totales. Il s’y ajoute 10 s t pour l’entretien du pont du Lénigo, 85 s t pour les paux, 60 s t pour les balises, et 9 L 5 s 5 d t pour le château, soit pour Le Croisic un total de 88 L 17 s 1 d t, 46,1 % des dépenses totales. Au port du Pouliguen sont affectées 50 L t (25,9 %), alors que les gages d’officiers représentent 18 L t (9,3 %), et les dépenses diverses liées à la reddition du compte 35 L 12 s 9 d t (18,5 %). Le total des dépenses s’établit à 192 L 9 s 10 d, soit 48,8 % des recettes qui s’élèvent à 400 L 7 s 8 d t. En 1516-1517, le rocher Carec-en-Sauzon près du chenal, qui gêne le mouvement des navires, est attaqué ; 20 toises de quai sont réalisées tandis que l’on s’emploie à abiller la chambre commune du Lénigo. Les travaux pour améliorer l’accès au port et son équipement en quai se poursuivent tout au long de notre période, et au-delà : en 1559, un transport de pierre de la perrière du bourg de Batz au quai du Lénigo révèle d’autres travaux en cours. La navigation est également facilitée par la présence de balises signalés dans le compte de miserie de 1516-1517104.
124Un procès verbal d’enquête du 29 août 1561 permet une description du port du Croisic (figure 8). Des jonchères divisent le port en chambres ou bassins, elles ne sont dotées de quais qu’à leur extrémité. Un premier quai de pierre au Lénigo se prolonge jusqu’à une petite crique dite du Pont-de-Bois et constitue, avec la jonchère du Port-Ciguet, un premier bassin. Au-delà, contiguë à la chambre du Port-Ciguet, on trouve la Grande- Chambre délimitée par la Grande-Jonchère et à l’ouest par la Petite-Jonchère-de-la-Motte. Puis se développe la Petite-Chambre bornée au nord par la Petite-Jonchère et à l’ouest par la Jonchère-de-la-Croix pratiquement entourée de quais. Enfin la Chambre-Vazouse termine le port105.
L’évolution de l’administration paroissiale
125La paroisse est celle de Batz. Son administration est assurée par la fabrique de Saint-Guénolé, qui est connue par le compte tenu pour un an à partir du 20 mars 1478, et rendu les 12 et 20 juin 1479. Les fabriciens sont alors Jean Cabelguen et Bonabès Jouhanno. Ils succèdent à Jacquet Vinces et Guillo Cazdre, en exercice en 1477-1478, et laissent la place à Pierre Calloch et Jacob Le Laisour nommés pour 1479-1480. La vingtaine de personnes présentes lors des adjudications, d’actes divers ou de la reddition du compte est très largement croisicaise. La décision prise, le 6 juillet 1478, par plusieurs des nobles, bourgeois et gens notables de la paroisse de Batz, afin que le dominicain François Dignan prêche le carême, est prise en compte dans la quittance de ce dernier comme l’aumone ordrennee par messeurs les bourgoys du Croesic, ce qui souligne l’importance de ceux-ci106.
126Cette remarque vaut également pour les années suivantes pour lesquelles l’information nous est plus comptée : le 28 mai 1482, Nicolas Harvo est un des procureurs de la fabrique ; le 19 décembre 1513, Guinolay Enes est l’un des fabriciens ; le 11 mars 1528, ce sont Jean Le Gruyer et Mahé Rival dit Laby ; le 21 septembre 1539, Martin Geffroy et Jean Briard ; le 18 octobre 1540, Guillaume Pen et Jean Martineau sont procureurs107.
127Cette circonscription religieuse est active dans la première partie du xvie siècle. Le fouage est levé dans le cadre de la paroisse dont les représentants interviennent le cas échéant devant la chambre des comptes. La circonscription du devoir d’impost, au moins à la fin du xve siècle, est la ville du Croisic108.
128Les Croisicais obtiennent du pape diverses mesures. Une bulle de Sixte IV, du 20 janvier 1482, accorde des indulgences à ceux qui contribuent à entretenir la chapelle Notre-Dame-de-Pitié ; d’autres sont accordées le 25 juin 1486. En octobre 1501, Alexandre VI répond à la requête des Croisicais qui font état de l’importance acquise par la ville, de l’éloignement, accentué par le mauvais temps, qui rend difficile le trajet pour aller à Batz, située à 2 milles, où se trouve un prieuré bénédictin. Le pape, accédant à la demande des Croisicais, leur permet que dans leur église dont il autorise la consécration, l’on baptise, conserve l’eucharistie, célèbre la messe et les heures canoniales, au moins les jours de fêtes, sous réserve de permission de l’ordinaire, et sans qu’il soit porté préjudice aux droits de l’église paroissiale109.
129Les Croisicais transforment l’ancienne chapelle Notre-Dame de l’Hôpital en un édifice d’une toute autre dimension, et ils bâtissent l’actuelle église Notre-Dame-de-Pitié. Cette identification peut être établie à la lecture de divers actes concernant les possessions des Lescuiche. Un aveu du 28 mai 1478 rendu par Antoine Le Cleguer et Olive Lescuiche, son épouse, indique que leur maison est à la proximité de la chapelle Notre-Dame-de-l’Hôpital ; cette localisation est confirmée le 16 janvier 1500 ; cette possession des Lescuiche est concernée le 13 décembre 1508 par la mesure obtenue par Guinolay Enes, miseur de l’eglise et ediffice de Notre-Dame-de-Pitié, qui reçoit pouvoir de contraindre Jean Lescuiche à vendre une pièce de terre de 4 brasses sise de l’église commencee pour que l’on puisse plus facillement et à moins de cout preparer les actraictz necessaires pour ledit edifice : c’est-à-dire de Notre-Dame-de-Pitié110.
130Une série de dates permet de suivre la réalisation du programme. Le 4 décembre 1494, pose de la première pierre par Jacques Penfau, miseur ; le 2 mars 1507, François Hamon, grand vicaire de Nantes, accorde aux Croisicais le droit de faire bénir leur église ; le 2 décembre 1507, Guillaume Trouvé, vicaire perpétuel de Batz, passe contrat avec le procureur des habitants du Croisic pour célébrer une messe chaque dimanche à Notre-Dame-de-Pitié et pour baptiser les enfants ; le 25 mars 1508, l’église est consacrée par Mathieu de Plédran, évêque de Dol ; le « 8e jour des calendes de mars 1509 », soit le 20 février 1510 (n. st.), Yves Le Tavis reçoit mission de célébrer la grand’messe paroissiale de Batz dans l’église du Croisic les jours de fêtes, les dimanches, et autres jours quand besoin sera ; en janvier 1526, sont achevés de bénir l’église et consacrés le cimetière ; le 6 avril 1526, est commencé à asseoir le bois pour poser le clocher dont l’achèvement est d’août 1526 ; le premier enterrement est du 21 janvier 1528, et sur les fonts mis en place par Guinolay Enes, miseur de l’église, le 24 mars 1528, a lieu le premier baptême, ce qui suscite un plegement du prieur de Batz et de l’abbé de Landévennec, qui prétendent obliger les Croisicais à faire tous les enterrements et les services pour les défunts à Saint-Guénolé de Batz, auquel font opposition les Croisicais, le 2 juin 1528 ; le 23 août 1528, est accompli le portail nord, dont la piéta est vraisemblablement d’époque, par le maître d’œuvre Olivier Robin ou Robein, cité encore le 11 octobre 1529 ; le 5 avril 1529, on commence à faire la procession dans l’église avec messire Nicolas Le Mauguen, curé d’icelle, sous messire Robert Labbé, vicaire de Batz ; en 1534, la cloche La Michelle étant baptisée est placée dans l’ancien clocher fait de bois et d’ardoise111.
131Des recherches récentes ont fait le point sur l’architecture et la décoration de Notre-Dame-de-Piété, aussi nous nous contentons de souligner la présence d’un voûtement en tuffeau, remarquable en Bretagne à cette époque. Il témoigne des capacités locales de financement, des liens commerciaux existant avec la vallée de la Loire, et participe d’un sentiment d’affirmation et d’identité de la communauté croisicaise. Cette réalisation contribue à une évolution locale d’ordre administratif puisqu’il est institué un miseur et gouverneur de l’eglise et chapelle Notre-Dame-de-Pitié : avant le 5 février 1506, on trouve Jacob Penfau, auquel succède Guinolay Enes, cité le 13 décembre 1513 comme procureur de Saint-Guénolé de Batz. C’est à cette fonction locale qu’il convient de rapprocher la mention du 2 décembre 1507, de procureurs des manants et habitants du Croisic, concernant Guinolay Enes et messire Alain Conan ; en 1529, il est indiqué que Le Roy est miseur ; en 1534, l’inscription portée sur la cloche La Michelle, mentionne Jehan Pont-l-Abbé (Ponnabat), miseur de Notre-Dame de Batz112.
132L’affirmation du Croisic se suit sur une longue période. Les crises politiques sont des catalyseurs, notamment celle liée à la guerre d’Indépendance à la fin du xve siècle. Cependant, au début du xvie siècle, le mouvement reste incomplet. Le Croisic n’a pas obtenu la prévôté, la ville reste une trève de Batz et n’a pas de représentant aux états de Bretagne.
Le tissu urbain croisicais
133Les indications éparses contenues dans les aveux ou dans des actes d’origines diverses interdissent la réalisation d’un plan détaillé et une étude très précise du tissu urbain. Cependant, la documentation concernant la seconde partie du xve siècle permet d’évoquer certains aspects de la ville.
134Des pôles apparaissent. C’est d’abord le château, situé face à l’actuel port de plaisance – l’ancienne chambre-des-Vases où le 21 février 1500 sont mentionnés certains rochiers dans la vase – et vis-vis d’une grande motte. Il est entouré de douves qui communiquent avec la mer, aussi à chaque renouvellement de billot est-il rappelé l’interdiction de jeter dans le port et les douves des pierres, sablons, terriers, bourriers, lestaige. Les quais et leurs places, surtout le placître où est la croix sur le cay – l’actuelle place de la Croix de Ville –, réputée être en 1533 la plus grande et la plus fréquentée des marchands, sont d’autres lieux importants de cette ville ouverte sur son port. Vers l’intérieur, la place des Estaux est proche du château ; elle est bordée de maisons dont les propriétaires sont parfois cités (Jean Jouan, Jean Beaumanoir, Jean Le Poitevin, Yves Le Hégarat). Cette place des Estaux est reliée au quai, et une Grande Rue – l’actuelle rue du Pilori – conduit des estaux droit à l’église Notre-Dame-de-Pitié. Les édifices religieux sont la chapelle Saint-Yves et celle liée à l’Hôpital, Notre-Dame-de-l’Hôpital future Notre-Dame-de-Pitié. Quant au pont du Lénigo, encore appelé le Pont-de-Bois, relié à la rue de l’Hôpital et à Notre-Dame-de-Pitié, il est un passage obligé. Proche de l’hôpital, objet de travaux continuels, il enjambe l’étier Cuden d’où son autre nom de pont de l’étier Cuden ; il révèle un aspect du Croisic d’alors qui est la présence de « lacs » tels ceux du Lénigo, du Lengorzec ou de Kerdavi113.
135Un réseau de rues prolongé par des chemins se dessine. La rue de Torglouët est à placer à l’entrée de la ville lorsque l’on vient de Batz. La rue du Croisic se suit du château jusqu’à la veille porte du Croisic et un chemin conduit à l’hôpital. Elle est qualifiée parfois de Grande Rue – il faut l’assimiler aux actuelles rues du Pilori et Saint-Christophe – et vers le nord, au-delà des maisons, se trouvent le quai et la mer auxquels on accède par des ruelles. Cette rue du Croisic se poursuit par le Cay, bordé de maisons, alors qu’une rue conduit de la mer à la rue de l’Hôpital – sans doute l’actuelle rue A. Maillard – et un chemin conduit vers l’étier Cuden. Il est encore mentionné un grant chemyn qui conduict dudit pont de Bois sur le grand cay du Croysic. Vers l’intérieur, sont signalées la rue de l’Hôpital – l’actuelle rue de l’Église –, les rues Saint-Yves, des Cordiers, Jagouzaud – l’actuelle Jean-Gouzo –, la rue Bourboutin – l’actuelle du Bourg-Boutin – et l’autre côté du Len, la rue du Len – sans doute l’actuelle rue du Pont-au-Chat –, les rues de Lanueur, de Lengorzec et du Lénigo – qui au-delà ouvre sur les sables et la mer quant elle est plaine par grant maline (grande marée) et qui se prolonge par des chemins vers la croix du Lénigo et le lac du Lénigo. D’autres rues sont mentionnées : la rue Neuve – qui est reliée par un chemin à la fontaine de Kervenel et à la côte –, celles de Kerouas, de Rohello, et encore la rue Cohic qui se poursuit par un chemin vers Kervenel. Au-delà, des chemins quadrillent la campagne : chemins qui mènent du Len du Lénigo aux moulins – près desquels se situe la Butte des Archers – du Lénigo au Rohello, du Rohello à la fontaine de Kervaudu et aux moulins, de la rue Jagouzaud à la place des Moulins, du Croisic à Pélamer. Dans un environnement agricole se situent des villages : Olonne, Pélamer, Torglouët, Kerdavy, Kerrivault ; des maisons à Kerroger, Kerencorre à proximité de Saint-Goustan, Kerpichonnet ; des manoirs, des moulins, des chapelles – Saint-Goustan et du Crucifix. Des chemins assurent la liaison vers Batz : ceux de Pélamer à Batz, d’Olonne à Batz – à distinguer du vieux chemin d’Olonne à Batz –, de Kermarquer à Batz, de Kerouas à Batz, auxquels s’ajoutent le grand chemin de Batz au Croisic et le grand chemin de la rue de Bourboutin à Batz114.
136Le Croisic s’ordonne autour d’un noyau urbain organisé selon un double quadrillage : le premier entre le château et le pont qui enjambe l’étier ; le second à l’ouest de cet étier. La présence dans ce dernier secteur d’une rue Neuve, au-delà de la vieille porte et du viell château, témoigne d’un développement récent, probablement aux xive-xve siècles. L’examen des diaux ducaux confirme cette évolution du tissu urbain. Ils comportent un chapitre particulier consacré aux frosts nouvellement baillés dans la paroisse de Batz, où sont recensées dès 1452 quelques 25 opérations localisables au Croisic. Elles sont antérieures à cette date et s’échelonnent sur une assez longue période. Certaines sont attribuées à Jubin Regnaud et Jean Galivier connus comme receveurs ordinaires du duc respectivement en 1384-1386, et 1410-1412, ainsi que celles des adjudications effectuées par Philibert de Kerguz, receveur ordinaire de Guérande en 1450-1451. Parmi ces concessions, 13 sont situées à l’ouest du Pont-de-Bois : 7, au Lénigo ; 3 rue Neuve ; 2, rue du Lengorzec et une près du Len115.
137Les rues sont pavées. Le 22 juillet 1467, la prorogation du billot s’accompagne de l’ordre de contraindre les habitants de faire paver devant leurs maisons, tant celles étant es grandes et bonnes rues que dans les ruelles qui mènent aux quais et de les entretenir. À la même date, est concédée une place froste de l’heritage du duc située près du Croisic ailleurs que sur le port où les habitants doivent porter les framboays et bourriers de leurs maisons. Ces deux mesures sont à mettre en rapport avec l’extension du champ d’intervention permis par les ressources du billot et du domaine de compétence du miseur. Elles révèlent la volonté d’affirmer une certaine image de la ville et une conscience urbaine116.
138Plus de 300 maisons peuvent être dénombrées entre 1450 et 1540. En l’absence de sources permettant un recensement systématique, ce n’est qu’une estimation, avec d’inévitables oublis mais aussi des mentions doubles.
139Le terme le plus couramment employé est celui de maison auquel sont le plus souvent associés un courtil ou un pourpris et des appartenances. Les mentions de maisons pourvues de courtil, issues, releix et appartenances renvoient à des logis d’un certain « standing ». Elles sont relativement nombreuses : maisons de Théphaine Jollan, veuve Jean Jouan ; de Jean Le Bazoullec acquise de Pierre de Muzillac ; de Jean Bouis, rue du Lénigo ; de Jean Kerascouet ; de Jean Flourigo, également rue du Lénigo ; de feu Olivier Le Poitevin. Cette première liste peut être complétée par celle comportant les déclarations enregistrant des mentions de maison, courtil, issues et appartenances où figurent : Perrot Le Bessouch, rue de l’Hôpital ; Thomas Nicolas, sur le quai ; Yves Le Hégarat, rue du Croisic ; Antoine Le Cleguer, devant Notre-Dame ; Guillaume Porsal, rue Saint-Yves ; de Jean Thomas au Lénigo. Ces maisons sont à rapprocher à celles qualifiées d’hostel pour des périodes plus anciennes117.
140Les termes de maison et herbregement – pour la résidence de Guillaume Jego – et plus encore de manoir et herbregement – pour Jean Calon et le manoir de la Porte-Calon – renvoient à une réalité aristocratique qui est, dans ce dernier cas, encore soulignée par la présence d’un moulin à vent et d’une garenne. La Porte-Calon est à rapprocher des mentions de la Porte-Moro, le 9 décembre 1539, et de la Porte de Kerouas, citée le 26 juin 1540, qui appartient à Jean de Reuys, sr de Siltz. Des masieres sont mentionnées en ville, rue du Lénigo, rue de Lengorsec et aux alentours à Kerdavi ou à Pélamer118.
141L’indication de frosts – rue Jagouzaud, rue de l’Hôpital ou encore devant le lac du Lénigo –, de places, d’une maison tombée en frost, et à plusieurs reprises d’emplacements de maisons associés à des masieres ou à des courtils, en divers endroits de la ville – rues du Len, du Lénigo, du Rohello, du Croisic –, complète le tableau. Le paysage urbain est en constante et rapide évolution, comme en témoignent encore l’indication de maisons nouvellement construites comme celles : de Jean Jouan, près des Étaux ; de Hervé Layset, rue de l’Hôpital ; de Jean Portier, rue du Lénigo ; de Raoul Pen, rue Bourboutin ; de Jean Antoine, rue du Lénigo, Jean Tristan, rue du Len, Jacob Benoist, rue de l’Hôpital, Guillaume Jego, Jacques Jouan, Jean Gastinel, Jean Jollan. Elles peuvent avoir été bâties aux alentours de la maison d’un chef de famille comme en témoigne le cas d’Hervé Job pour les maisons édifiées par Jean Job, son fils, et par Jean Bouchard, son gendre. Des frosts sont concédés par le duc : après le 1er janvier 1471, en juillet 1475, en octobre 1477. Certes, les insuffisances de la documentation interdissent d’envisager une évolution très précise du bâti, mais le dynamisme urbain croisicais est soutenu119.
142Dans un seul cas, une maison porte un nom, la Tourelle, en écho d’une caractéristique de son aspect. Des couvertures d’ardoise sont signalées. Elles sont caractéristiques des maisons de ville, ce qui n’exclut pas des couvertures en glé rue du Rohello, rue de Kerdavi, à Torglouët ou rue de Bourboutin ; voire en ros, rue de Torglouët, rue Saint-Yves, rue du Lénigo120.
143Toutes les maisons situées dans le domaine ducal ne portent pas de rentes, mais restent soumises au devoir d’obeissance à la juridiction de la cour ducale. Cette absence d’imposition semble ancienne. Elle peut faire suite à un acte ducal d’anoblissement : le bien est désormais tenu à foi, hommage et rachat, comme cela apparaît avec Gilles Le Gentil, le 24 février 1425. Lorsque les rentes dues au duc existent, elles sont de faible valeur, plus élevées en cas d’arrentement récent. Les valeurs des nouvelles baillées contenues dans le dial ducal de 1452 se répartissent ainsi : 29 % sont inférieures à 2 s ; 41 % se situent entre 3 s et 5 s ; 16 % entre 7 et 10 s ; trois rentes sont de valeur supérieure s’établissant à 15 s, 20 s et 25 s ; autre valeur : 15 s sur la place concédée le 28 mai 1478121.
144Certaines maisons relèvent de seigneurs du pays guérandais ainsi du sr d’Ust, du sr d’Escoublac, en raison de sa prévôté de Brantonnet, ou du sr de Crémeur122.
145Bon nombre de maisons supportent des sourcens. Une même maison peut en être affectée de plusieurs, telle, le 26 mars 1471, la maison la Tourelle de six de valeurs différentes. Dans l’ensemble, les sourcens sont de valeur limitée : 46 % d’entre eux sont inférieurs à 10 s ; 42 % sont compris entre 11 s et 39 s ; 8 % entre 2 et 5 L ; 3 % dépassent 5 L. Les valeurs les plus élevées sont de 10 L sur la maison Alain Jouhier, rue du Croisic, et encore sur la maison Larchier ; 13 L 10 s, sur la maison Jacques Josset, rue du Croisic123.
146Ces sourcens attestent de la présence d’immeubles dont la valeur dépasse 200 et même 270 L, si l’on retient le taux habituel des prêts c’est-à-dire 5 %. D’autres chiffres permettent d’apprécier la valeur des maisons lors d’opérations de vente ou encore d’évaluation : 20 L pour une maison et son courtil, rue Lengorsec en octobre 1478 ; 25 L pour une pièce de terre en courtil où il y a un emplacement de maison, rue du Lénigo en janvier 1481 ; 160 L pour une maison, courtil, emplacement, pourpris et appartenances rue du Len, alors qu’un emplacement de terre dans la même rue est évalué à 40 L, après juillet 1490 ; 70 L pour une maison noble, sans doute rue Lengorsec, qui a appartenu à Pierre de Muzillac ; 100 L pour une maison couverte de ros, jardin et appartenances rue Saint-Yves en septembre 1511 ; 100 L encore pour la Porte-Maro, rue du Rohello ; et surtout 200 L pour la Porte-Calon et sa garenne soubz lande d’une superficie de 4 journaux en décembre 1539. Ces valeurs sont à rapprocher de celles rencontrées à Guérande124.
147Si l’on prend en consédération d’autres acquisitions de maisons signalées sans mention de prix – en 1478 par Guillaume Porsal ; en 1480 par Jean Flourigo ; en 1495 par Jean Tristan ; après juillet 1490 par Hervé Job –, toutes ces opérations révèlent l’existence d’un marché immobilier ; celles-ci peuvent consister en un achat d’un bien soit dans sa totalité ou en partie avec le système de la rente constituée. Elles révèlent encore les capacités d’investissements de certains, tel Elyot Labbé, marchand, qui déclare le 13 février 1496 cinq opérations gagées sur des maisons pour un montant de 27 L soit en capital 540 L125.
148Chaque mutation s’accompagne de la rédaction d’actes notariés et d’une prise de possession reelle et corporelle qui consiste, en présence d’un sergent et de témoins, en l’accomplissement de certains rites ; ainsi le 28 septembre 1530, concernant une pièce de terre en courtil où il y a un emplacement de maison, cet acte consiste à entrer et sortir, à jeter des roches et encore couper du bois d’un mourier estant oudit jardin126.
Les bourgs du pays guérandais
149Une typologie des bourgs peut s’appuyer sur un certain nombre de critères. Tout d’abord la présence ou non d’une paroisse – seule Saillé ne l’est pas – à laquelle peut être associée un prieuré, c’est le cas de Batz, Saint-Nazaire, et Mesquer ; ensuite l’existence d’un chef-lieu d’une seigneurie pourvue d’une haute justice, Batz, Saillé et Saint-Lyphard ne le sont pas.
150Nous disposons de peu de renseignements sur ces bourgs. Quelques affaires fiscales font apparaître la saine et maire partie des paroissiens ou le corps politique dont le procureur peut entamer des actions en justice. À Mesquer, un procès oppose, de 1478 à 1484, les procureurs du lieu au commandeur de Faugaret, ce dernier prétendant que son receveur, demeurant dans une maison relevant de lui, est exempt de fouage. Le 2 avril 1486, une contestation oppose Éon du Dreseuc et les paroissiens de Saint-Molf à propos de la franchise d’un métayer, l’accord passé porte mention de 33 noms dont celui du procureur Guillo Guymar. Le 22 mars 1508, Julien Paulmier, procureur du corps politique de Saint-Nazaire réagit face aux exigences des sous fermiers du billot et se porte défenseur des paroissiens dans une affaire que nous avons évoquée127.
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151Très tôt, dès le haut Moyen Âge pour le moins, le pays guérandais a connu de fortes densités démographiques. Les agglomérations ont été à la base de la constitution du réseau paroissial. L’époque féodale a consacré cette infrastructure sauf exceptions avec la création de prieurés et la mise en place des grandes seigneuries. Guérande occupe une place à part. C’est un ensemble urbain, une ville-centre, dont l’ancienneté reste marquée dans son plan et par un riche patrimoine monumental comme en attestent tout particulièrement l’enceinte urbaine et la collégiale Saint-Aubin.
152Cependant, au bas Moyen Âge la montée en puissance de la ville du Croisic permet son affirmation par rapport à Batz et à Guérande. Le Croisic, reconnu par le pouvoir comme ville, reçoit des privilèges, est doté de ressources et d’une administration. Le phénomène se développe sur le long terme. Dans les périodes de crise, notammment en 1420 et pendant la guerre d’Indépendance, des mesures importantes sont prises en faveur de la ville dont certaines, comme la création d’une prévôté, ont pu être rapportées lorsque la situation est revenue à la normale. Au début du xvie siècle, le mouvement reste inachevé : Le Croisic n’a pas de représentation aux états de Bretagne et n’est pas devenu une paroisse indépendante. Ces changements dans les champs relationnels doivent être expliqués par l’analyse de la société puis de l’économie du pays guérandais.
Notes de bas de page
1 ADLA, B 1443 ; ibid., B 1450 ; ibid., 59 J 2, f° 10 ; ibid., B 1478 ; ibid., G 581 ; ibid., B 1484, ibid., B 1472 ; ibid., E 557.
2 Ibid., B 1478. B. Chevalier, dans Les petites villes du Moyen Âge à nos jours, 1985, Paris, 1987, p. 483-493 ; F. Bréchon, « Le réseau urbain en Cévennes et Vivarais », dans La ville au Moyen Âge, 1995, Paris, 1998, t. I, p. 267, 271-276 ; P. Contamine, La guerre au Moyen Âge, Paris, 2e éd., 1986, p. 208 ; F. Mouthon, « Villes et organisation de l’espace en Bordelais à la fin du Moyen Âge : le rôle des villes secondaires (vers 1475-1525) », dans La ville au…, t. I, p. 300-303, M. Bochaca, « L’aire d’influence et l’espace de relations économiques de Bordeaux », ibid., p. 281-291.
3 A.Molinier, « Villes languedociennes (xve-xvie siècles) », dans Les petites villes…, p. 149-150, 155 ; J.-P. Genet, dans La ville, la bourgeoisie et la genèse de l’État moderne, xiie-xviiie siècles), Paris, 1985 (1988), p. 341-343 ; B. Chevalier, Les bonnes villes de France du xive siècle au xvie siècle, Paris, 1982, p. 11-17 ; ID., « Les bonnes villes du Centre-Ouest au xvie siècle : constellation ou nébuleuse », dans Réseaux urbains…, p. 120-121 ; A. Derville, « L’urbanisation de la Flandre wallonne d’après les enquêtes fiscales (1449-1549) », RN, 1997, p. 298-299.
4 S. Curveiller, « Les relations d’une ville du littoral flamand et de son hinterland : Dunkerque et Bergues au Moyen Âge », dans La ville au…, t. I, p. 213.
5 ADLA, E 74/14, f° 21 ; ibid., E 74/8, f° 1 v° ; ibid., G 38, f° 6-6 v° ; ibid., 198 J 75 ; BM Nantes, ms fr 2667/2 ; J.-P. Leguay, La rue au Moyen Âge, Rennes, 1984, p. 11-15 ; D. Leloup, La maison urbaine en Trégor aux xve et xvie siècles, Rennes, 1996, p. 28-31.
6 ADLA, 198 J 33, 75, 106 ; ibid., G 303 ; ibid., E 1228/2 ; ibid., G 300, ibid., B 24, f° 191 v°.
7 Ibid., E 216/13, f° 20, A. de La Borderie, Complot…, p. 139 ; ADLA, B 12838/2, f° 412, Actes de François…, t. I, n° 3248.
8 ADLA, G 38, f° 9 ; ADM, 9 J 6, Guérande.
9 J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 48-51, 54, 73, 144, 190, 252, 357, 384 ; D. Leloup, La maison…, p. 33 ; A. Gallicé, « Guérande : configuration urbaine et plan de ville », CPG, 36, 1995, p. 25-26.
10 ADLA, 198 J 33.
11 Ibid., E 74/11, f° 5 v° ; ibid., E 1347 ; ibid. 198 J 75, 97, ibid., B 682.
12 Ibid., B 1493, f° 38 v°.
13 Comparaison avec d’autres villes closes, J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 260.
14 ADLA, E 74/14, f° 28, ibid., G 747 ; ibid., G 38, f° 24 v°-25, 44-44 v°, 46 v°-47, 48, 50, second cahier, f° 30 v°, 36 v°, ibid. B 1511, f° 1925 v°. J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 205 ; J. Kerhervé, L’État…, p. 50.
15 ADLA, G 38, f° 30 v°, 44 v° ; ibid., B 24, f° 152-153 v° ; ibid., G 298.
16 Ibid., 47 J 2 ; ibid., G 38, f° 5 v°, 9 ; ibid., B 1462 ; ibid., 198 J 106 ; ibid., E 1228/2 ; ibid., G 304 ; AP Guérande, vol., I, f° 1 v°, ADLA, B 1478, ibid., G 762, ibid., G 38, f° 6 v°, ibid. G 389, ibid., 1229/1, ibid., 47 J 84 ; ibid., G 539, ibid., G 762, ibid., G 38, f° 6 v°-9 v°, BM Nantes, ms fr 2667/2 ; ADLA, E 74/14, f° 46 v°- 47, ibid., G 62, f° 239 v°, ibid., G 301, ibid., 47 J 2.
17 Ibid., G 38, f° 5 v°-8 ; BM Nantes, ms fr, 2667/2 ; ADLA, G 304, ibid., G 762 ; ibid., G 539, ibid., E 1228/1, ibid., E 641 ; ibid., 47 J 2, ibid., B 1459, ibid., G 38, f° 8 ; ADM, E 52, p. 133-134, ADLA, G 38, f° 7 v°, ibid., B 1484 ; ibid., 1E 538 ; ibid., E 1228/2, ibid., G 301 ; ibid., G 38, f° 9, 30 v° ; ibid., 198 J 75.
18 Ibid., G 38, f° 48, ibid., B 22, f° 104 v°-106 v° ; ibid., E 1228/2, G 304 ; ibid., G 38, f° 42, 50 ; ibid., H 603, f° 13 ; ibid., 198 J 33 ; ibid., G 38, f° 9-9 v°.
19 D. Leloup, La maison…, p. 32-33.
20 ADLA, G 38, f° 24 v°, 46 v° ; ibid., G 303, ADM, E 52, p. 146-147, ADLA, G 762, BM Nantes, ms fr 2667/1, ADLA, 198 J 72 ; ibid., G 298.
21 Le manoir en Bretagne, 1380-1600, dir. C. Mignot et M. Chetenet, Paris, 1993 ; G. Meirion Jones, M. Jones, M. Bridge, A. Moir, D. Shewan, « La résidence noble en Bretagne du xiie au xvie siècle : une synthèse illustrée par quelques exemples morbihannais », BSPM, 2000, p. 27-103.
22 ADLA, E 1228/1, A. Gallicé, « Inventaires… », p. 33-34 ; AP Guérande, vol. II, f° 6 v°.
23 ADLA, G 38, f° 25 ; ibid., B 22, f° 104 v°-106 v°.
24 J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 217 ; P. Garrigou-Grandchamp, Demeures médiévales. Cœur de la cité, Paris, 1994, p. 26-31.
25 F. Guérin, Guérande : parcelle AK 11. Rapport de sondages, DRAC, Nantes, dactyl., 1991 ; Y. Viau, « Guérande : place Saint-Jean », Bilan scientifique de la région Pays de La Loire, Nantes, 1993, p. 24.
26 ADLA, B 22, f° 104 v°-106 v° ; ibid., G 298.
27 Ibid., G 38, f° 5 v°-9 ; J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 128-131.
28 AM Nantes, ms fr, 2667/2.
29 ADLA, 198 J 75, 81, 106.
30 Ibid., 47 J 12 ; ibid., G 301 ; ADM, E 52, p. 74 ; ADLA, G 38, f° 8 v° ; ibid., G 762 ; ibid., B 3022, f° 44-44 v° ; ibid., B 1489 (A), f° 33 v°, ibid., B 1489 (B), f° 44, ibid., B 1493, f° 37 v°. J.-P. Leguay, « La propriété et le marché de l’immobilier à la fin du Moyen Âge dans le royaume de France et dans les grands fiefs périphériques », dans D’une ville à l’autre : structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes (xiiie-xvie siècle), Rome, 1986, (1989), p. 184-191.
31 J. Mesqui, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, 2 vol., Paris, 1991-1993, t. I, p. 34-37, 258-262, 288-290.
32 ID., ibid., t. I, p. 38-44, 65-69, 262-272, 326-335, 339, t. II, p. 262-264, 337-338 ; A. Salamagne, « Origines et diffusion des embrasures dans l’architecture militaire de la fin du xiie siècle : une réévaluation », dans Le château médiéval et la guerre dans l’Europe du Nord-Ouest. Mutations et adaptations, 1995, (1998), p. 61-75 ; J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 39-43.
33 ADLA, G 38, f° 6 v°.
34 AP Guérande, vol. I ; f° 1-1 v° ; P. Bellanger, Bilan scientifique de la région Pays de la Loire, Nantes, 1992, p. 24 ; N. Travers, Histoire…, t. I, p. 428.
35 ID., ibid., p. 428.
36 R. Blanchard, Lettres…, n° 2659. A. Salamagne, « Les années 1400 : la genèse de l’architecture militaire bourguignonne ou la définition d’un nouvel espace urbain », Revue belge d’histoire militaire, 1986, p. 331-334 ; C. Amiot, « Quelques aspects des châtelets logis dans les châteaux forts bretons des xive et xve siècles », dans Mondes…, p. 208, 217-218.
37 J. Mesqui, Châteaux…, t. I, p. 275-276.
38 J. Mesqui, Châteaux…, t. I, p. 276, t. II, p. 319-321.
39 ADIV, 1 F 1113 ; BNF, ms fr 11542, f° 17, ADIV, 1 F 629. J. CUCARULL, « Saint-Aubin-du-Cormier (Ille-et-Vilaine) : le château », Archéologie Médiévale, 25, 1995, p. 310 ; P. André, « Le château de Suscinio », CAF, Morbihan, 1983 (1986), p. 263. J.Mesqui, Châteaux…, t. I, p. 275, t. II, p. 308-310.
40 ADLA, E 74/62, f° 9 v° ; J. Mesqui, Châteaux…, t. I, p. 87-88, 275.
41 ADLA, B 9166 ; ibid., E 74/62, f° 9 v°.
42 C. Amiot, « Quelques aspects… », dans Mondes…, p. 205-218.
43 ADLA, B 10, f° 140, 141 v° ; ibid., 198 J 33. A. Salamagne, « Un exemple rare dans l’architecture défensive du xve siècle : le boulevard du château de Lassay », La Mayenne, Archéologie, Histoire, 16, 1993, p. 198-199.
44 ADLA, G 38, f° 6 v° ; ibid., E 216/13 ; A. Salamagne, « Les années 1400… », p. 325-344, 405-434 ; J. Mesqui, Châteaux…, t. I, p. 286-287.
45 ADLA, B 574, f° 238, ibid., B 575, f° 129-130 ; ibid., E 136/11 ; ibid., B 42.
46 D. Clauzel, « Lille et ses remparts à la fin du Moyen Âge, 1320-1480 », La guerre, la violence et les gens de guerre au Moyen Âge, 119e CNSHS, 1994, (1996), t. I, p. 288.
47 ADLA, E 129/19 ; ibid., E 216/13, f° 20-20 v° ; J. Mesqui, Châteaux…, t. I, p. 279-280, 286-287 ; J.-P. Leguay, Un réseau…, p. 363.
48 ADLA, G 300 ; ibid., E 74/14, f° 20, 78-85 v° ; ibid., 198 J 138, f° 3 v°.
49 Ibid., G 38, f° 7 v°-8 ; ibid., B 1478, ibid., B 1481 ; ADM, 9 J 6, Guérande ; ADLA, E 1227/4 f° 3 ; ibid., G 38, f° 7 v°-8 ; ibid., B 1483 ; ibid., 198 J 33 ; ibid., B 14, f° 116 v° ; ibid., 198 J 33 ; ibid., G 300.
50 Ibid., H 603, f° 39-40 v°, 44 v°-46, 50-51 ; ibid., B 1462 ; ibid., 198 J 75 ; ibid., 1 E 538 ; ibid., B 29, f° 153-154 v°.
51 Ibid., B 1460 ; ibid., B 1462 ; ibid., H 603, f° 40-40 v°, 44 v°-45 v° ; ibid., B 29, f° 153-154 v° ; ibid., 198 J 46 ; ibid., 1 E 538.
52 Ibid., H 603, f° ° 3 v°-6 v°, 39- 40 v°, 44 v°-45 v°, 50-50 v°.
53 Ibid., G 38, f° 6 v°-7 ; ADM, 9 J 6, Guérande ; ADLA 198 J, 72, 81, 127 ; ibid., H 603, f° 6 v° ; ibid., 1 E 538.
54 Ibid., G 762 ; ibid., E 641 ; L. Pirault, « Guérande. Le Clos-Flaubert », Bilan scientifique de la région des Pays de la Loire, 1996 (1998), p. 19-21, C. Devals, L. Pirault, « Patrimoine archéologique des marais salants. Le pays de Guérande », Archéologia, 377, 2001, p. 32-44.
55 G. de Wismes, « Le noble jeu de la quintaine », BSAHNLI, 1913, p. 556-557 ; ADLA, H 603, f° 18 v°-30, ibid., B 1484, ibid., B 1489 (A), f° 35 v°, ibid., B 1458 ; ibid., G 762, ibid., G 38, f° 3 v°-4 ; ibid., 1 E 285, ibid., 1 E 538.
56 Ibid., B 1461 ; ibid., G 38, f° 7 v° ; ibid., 2 E 1250, f° 1-7 v° ; ibid., B 1458 ; ibid., 1 E 538.
57 A. Mussat, Arts et cultures de Bretagne. Un millénaire. Paris, 1979, p. 222-224 ; ID., « Vitrail et architecture : le fait breton », dans « Le vitrail breton », Arts de l’Ouest, études et documents, 3, 1977, p. 2.
58 ADLA, G 301. R. Grand, L’art…, p. 99-100, 151-153, 186, 281-283, 355, 435 ; ID., « L’église de Merlévennez (Morbihan) », BM, 1927, p. 91-92, 97 ; X. Muratova, « Les chapiteaux de la cathédrale de Nantes ; Maritimi Aethiopes et autres merveilles de la nature », dans La sculpture dans l’Ouest de l’âge de fer à nos jours, dir., D. Delouche, Arts de l’Ouest, 1994, p. 105, 115, 250 ; V. Arosio-Lindon, « L’église Notre-Dame de Joie à Merlévennez », CAF, Morbihan, 1983, Paris, (1986), p. 138.
59 ADLA, B 739, f° 5. D. Rabreau, « La collégiale Saint-Aubin de Guérande », CAF, haute Bretagne, 1968, p. 189.
60 R. Grand, L’art…, p. 108 ; R. Barrié, « La cathédrale Saint-Yves de Tréguier. L’architecture bretonne au xive siècle », MSHAB, 1983, p. 288 ; A. Mussat, « L’église abbatiale Saint-Sauveur de Redon », MSHAB, 1986, p. 427-433 ; Les vitraux du centre et des pays de la Loire, Corpus Vitrearum, Paris, vol. II, 1981, p. 280.
61 A. Mussat, « Vitrail et architecture… », Le vitrail…, p. 2-4.
62 R. Couffon, « Les monuments religieux édifiés aux xve et xvie siècles dans le diocèse de Vannes présentent-ils des caractères originaux ? », MHSAB, 1955, p. 9 ; A. Mussat, « Vitrail… », dans Le vitrail…, p. 2 ; S. Duhem, Les sablières sculptées en Bretagne : images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne (xve-xviie siècle), Rennes, 1997, p. 183 ; Les vitraux…, Corpus Vitrearum…, p. 280 ; C.-L. Salch, J.-M. Michel, « Chantiers de châteaux forts aux xiie-xive siècles », Châteaux forts d’Europe, 13, 2000, p. 31.
63 C. Prigent, Pouvoir ducal, religion et production artistique en Basse-Bretagne (1350-1575), Paris, 1992, p. 256.
64 G. Mollat, Études…, p. 175-177 ; ADLA, B 28, f° 63, 86 v°.
65 H. Martin, « Les Bretons et leurs prédicateurs à la fin du Moyen Âge », MSHAB, 1990, p. 34-35.
66 ADLA, E 641 ; ibid., G 301.
67 M. Venard, « La construction des églises paroissiales du xve siècle au xviiie siècle », RHÉF, 73, 1987, p. 12-13.
68 ADLA, E 1228/2 ; dom Morice, Preuves…, t. II, 302.
69 ADLA, 74/14, f° 25 ; ibid., B 767 ; Sécillon, « Les premières entrées des évêques de Nantes en la ville de Guérande », BSAHNLI, 1884, p. 194.
70 ADLA, B 1462, ibid., G 304 ; L.Maître, L’assistance publique dans la Loire-Inférieure avant 1789, Nantes, p. 112, 195-199, 112 ; J.-C. Sournia et M. Trévien, « Essai d’inventaire des léproseries en Bretagne », AB, 1968, p. 334.
71 ADLA, G 303, ibid., B 29, f° 153-154 v° ; ibid., B 751.
72 BM Nantes, ms fr 2667/2 ; J.-P. Leguay, Un réseau…, p 70-71 ; F. Guériff, « Les chevaliers templiers et hospitaliers dans l’ancien Pays de Guérande », BSAHNLA, 1967, p. 22.
73 R. Blanchard, Lettres…, n° 1303, ADLA, G 300 ; A. Vaucelle, Catalogue des lettres de Nicolas V, p. 73, 201, 293, n° 342, 978, 1392, AP Guérande, vol. I, f° 37 v° ; ADLA, B 24, f° 202 v°. A. Avril, « Le statut des Maisons Dieu dans l’organisation ecclésiastique médiévale », 110e CNSS, 1985, t. I, p. 286-291.
74 ADLA, B 1459 ; ibid., G 38, f° 7.
75 Ibid., E 43/8 ; ADM, 49 H 2. A. Le Grand, Catalogue chronologique et historique des evesques de Nantes, p. 74 ; N. Travers, Histoire…, t. I, p. 468-469 ; G. Mollat, Études…, p. 172-174 ; H. Martin, Les ordres…, p. 63, 145-146.
76 A. Le Grand, Catalogue…, p. 74 ; AP Guérande, vol. I, f° 6 v° ; ADLA, E 82/9-12 ; H. Martin, Les ordres…, p. 129 ; N. Travers, Histoire…, t. I, p. 554-555 ; J.-C. Cassard, « Le légat catéchiste, Vincent Ferrier en Bretagne (1418-1419) », RH, 1998, p. 340.
77 BNF, ms fr 11542, f° 9, dom Morice, Preuves…, t. II, 1231 ; Denifle, La désolation…, t. I, p. 121, n° 324 ; Blanchard, Lettres…, n° 2558, ADLA, B 102, f° 128 v°-129 ; ibid., H 603, f° 54 v°-55.
78 C. Douais (Mgr), Acta capitulorum procinciarum, OFP Première province de Provence. Province romaine. Province d’Espagne, Paris, 1894, p. xliv-l ; A. Le Grand, Catalogue…, p. 77 ; ADLA, H 296, R. Blanchard, Lettres…, n° 2543 ; ADLA, H 603, f° 33 v° ; ibid., H 296.
79 Ibid., B 4, f° 101 ; H. Martin, Les ordres…, p. 63-64, 90-91, 154.
80 ID., ibid., p. 93-94, 98, 101, 104, 115, 125, 281.
81 ADLA, E 17/13, M. Jones, Recueil…, n° 1044 ; dom Morice, Preuves…, t. I, 1500 ; ADLA, B 1489 (A), f° 58 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 1451.
82 ADLA, E 135/18-19, ibid., 134/16 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 1451, ADLA, B 1489 (A), f° 71.
83 Ibid., E 216/13, f° 21-21 v°, A de La Borderie, Complot…, p. 140, Caillo, Notes…, p. 141-142, 148-149, 254, 255, 257-258 ; ADIV, 1 F 815, 1978, ADLA, B 74 f° 201, ibid., B 1513, f° 825-830.
84 J. Fonteneau dit Alfonse de Saintonge, La Cosmographie avec l’espere et régime du soleil et du Nord, éd. G.Musset, Paris, 1904, p. 519 ; Caillo, Notes…, 1re éd., p. 270, 2e éd., 256 ; ADLA, 30 J 41/62.
85 ADLA, E 216/13, f° 21-21 v°, A. de La Borderie, Complot…, p. 139-140 ; AM Nantes, EE 159/10 ; Caillo, Notes…, p. 147.
86 ADLA, B 53, f° 167-168.
87 R. Blanchard, Lettres…, n° 1451.
88 ID., ibid., n° 1451 ; Caillo, Notes…, p. 87-88, 141 ; ADLA, B 6, f° 129 v° ; ibid., E 127/23 ; ibid., B 10, f° 26 v° ; ibid., B 11, f° 210 v° ; ibid., B 16, f° 105 v° ; ibid., E, dépôt, Le Croisic, CC 13.
89 Ibid., B 131, ibid., B 10, f° 211 ; ibid., B 10, f° 211 ; Caillo, Notes…, p. 76-78, 83, 157-159, 168-169 ; ADLA, B 123 ; ibid., E, dépôt Le Croisic, AA 2 ; ibid., 14 JJ, Le Croisic, 37, f° 12-27, Caillo, Notes…, p. 157-159, H. Hamon, « Les derniers rois du Croisic : le jeu du Papegaud », BSAHNLA, 134, 1999, p. 165 ; ADLA, E, dépôt, Le Croisic, AA 2 ; ibid., B 51, f° 17-20 ; supra, p. 92.
90 ADLA, 1 J 326, ibid., B 15, f° 106 v° ; ibid., B 1447, ibid., B 1445, ibid., B 1492, f° 61 v° ; ibid., 14 JJ, Le Croisic, 37, ibid., B 573, f° 309, 327 v°-328 ; ibid., B 53, f° 167-169.
91 Ibid., B 2, f° 29 v° ; ibid., B 6, f° 129 v°. A rapprocher de l’affaire de la prévôté, supra, p. 83.
92 ADLA, B 12838/2, f° 395-395 v°, ibid., E, dépôt, Le Croisic, CC 11 ; Caillo, Notes…, p. 152.
93 ADLA, E 1227/1 ; ibid., B 1484, ADM, 3 H 2, p. 90, ADLA, B 127/165-167, R. Blanchard, Lettres…, n° 2077 ; ADM, 9 J 6, Guérande.
94 Dom Morice, Preuves…, t. II, 737, 745-746, R. Blanchard, Lettres…, n° 344, 356, 375, 394, J. Kerhervé, Catalogue…, p. 96-97 ; G. Le Moigne, « La baronnie du Juch », BSAF, 1997, p. 380-381.
95 ADLA, E 198/29, ibid., B 11, f° 116 ; ibid., E, dépôt, Le Croisic, CC 11, ibid., G 38, f° 8 v° ; Caillo, Notes…, p. 147, 151 ; ADLA, E, dépôt, Le Croisic, CC 11.
96 Ibid., B 2 f° 29 v°, ibid., B 6, f° 129 v°, Caillo, Notes…, p. 147, 152-153 ; R. Blanchard, Lettres…, n° 402, 668, ADLA, E 214/35 ; ibid., E 198/29.
97 Ibid., B 6, f° 129 v° ; Caillo, Notes…, p. 145, 176, 259, H. Sée, Les états…, p. 13-14.
98 AM Nantes, EE 159/10 ; ADLA, E, dépôt, Le Croisic, CC 11 ; ibid., B 16, f° 26 ; Caillo, Notes…, p. 145 ; ADLA, 14 JJ, Le Croisic, 37 ; BM, Nantes, ms fr 1823, f° 31 ; ADLA, B 17, f° 27 v° ; ibid., 1 J 326.
99 Ibid., B 6, f° 129 v° ; ibid., B 10, f° 211 ; ibid., B 14, f° 31 v° ; Caillo, Notes…, p. 146.
100 Ibid., B 2, f° 29 v°, ibid., B 6, f° 129 v°, Caillo, Notes…, p. 146 ; ADLA, E 127/23 ; ibid., B 9 f° 148, ibid., B 18, f° 170 v°, 219 v° ; ibid., B 1447, Caillo, Notes…, p. 150 ; ADLA 1 J 326 ; ibid., B 21, f° 239 v°, ibid., B 16, f° 26.
101 Ibid., B 6, f° 129 v° ; ibid., E 216/13, f° 21-21 v° ; ibid., B 10, f° 26 v°.
102 ADIV, 1 F 1113, ADLA, B 1484 ; Caillo, Notes…, p. 264 ; ADLA, B 1492, f° 65 v° ; ibid., 1 E 539.
103 Ibid., E, dépôt Le Croisic, CC 11 ; ibid., B 14, f° 31 v°.
104 P.-A. Monnier, Le Pays guérandais, 2 vol., Angers, 1897, t. II, p. 9 ; Caillo, Notes…, p. 152, 150-151, 269-270.
105 ID., ibid., 257-270.
106 ADLA, G 632, f° 3, 13 v°, 15, 15 v°, 18, 24 v°, 26 et quittances intercalées.
107 Ibid., 14 JJ, Le Croisic, 37 ; ibid., 1 J 326 ; ibid., B 1519, f° 2005-2006 ; ibid., B 568, f° 70 v° ; ibid., 14 JJ, Le Croisic, 37.
108 Ibid., 14 JJ, Le Croisic, 37 ; ibid., B 11, f° 13 ; ibid., B 12, f° 149 v°.
109 Caillo, Notes…, p. 241 ; J.-F. Caraës, « Bulles papales et lettres d’indulgences en pays guérandais aux xive et xve siècles », BSAHNLA, 1989, p. 83-86 ; ADLA, 114 J, dépôt Le Croisic, 20.
110 Ibid., B 1447 ; ibid., B 17, f° 183.
111 Ibid., 14 J 17, ibid., 107 J 256, Caillo, Notes…, p. 240-241, 246-248 ; ADLA, H 111, f° 4 ; L. Delpire, « Une association au secours de l’église Notre-Dame-de-Pitié du Croisic : l’Association du 500e anniversaire », CPG, 42, 2002, p. 42.
112 ADLA, E, dépôt, Le Croisic, CC 11, ibid., B 17, f° 183, ibid., B 1519, f° 2006, ibid., G 632 ; L. Delpire, « Une association… », p. 42 ; 1494-1994. Église Notre-Dame-de-Pitié, 500e anniversaire, Le Croisic, 1994 ; H. Hamon, « La quatrième nef de l’église Notre-Dame-de-Pitié du Croisic », BSAHNLA, 132, 1997, p. 33-46.
113 ADLA, E, dépôt Le Croisic, C 11, 13 ; ibid., B 1492, f° 65 v° ; ibid., B 795/1, ibid., B 760, ibid., B 1447 ; ibid., B 1484 ; ibid., E 1384 ; ibid., B 17, f° 183 ; ibid., 1 E 539 ; ibid., E 1378.
114 Ibid. 198 J 98 ; ibid., B 682, ibid., B 750, ibid., B 760, ibid., B 795/1, ibid., B 1443, ibid., B 1445-1447, ibid., B 1482, B 1484 ; ibid., B 1489-1492 ; ibid., E 1378 ; ibid., E 1384 ; ibid., E 1394 ; ibid., E, dépôt Le Croisic, CC 11 ; ibid., 1 E 539 ; ibid., G 383 ; ibid., 1 J 325/1 ; ibid., 47 J 2.
115 Ibid., B 1489 (A), f° 103-105 v° ; ADIV, 1 F 1113 ; ADLA, B 2964 ; ibid., B 4295, f° 41-42 v° ; ibid., B 682.
116 Ibid., B 6, f° 129 v°.
117 Ibid., B 1484 ; ibid., B 1447 ; ibid., B 1489 (A) ; ibid., B 1489 (B) ; ibid., B 1490 ; ADVI 1 F 1113.
118 ADLA, B 1447 ; ibid., B 1462.
119 Ibid., B 8, f° 176-177 ; ibid., B 682 ; ibid., B 760 ; ibid., B 1443 ; ibid., B 1447 ; ibid. B 1462 ; ibid., B 1484 ; ibid., B 1490 ; ibid., B 1492 ; ibid., B 12838/2, f° 395-395 v° ; ibid., 198 J 98 ; ibid., B 760 ; ibid., E 1378.
120 Ibid., B 795/1 ; ibid., B 1443, ibid., B 1447, ibid., B 1484, ibid., E 1384, ibid., 1 E 539, ibid., 198 J 98.
121 Ibid., B 1447, ibid., B 1484, ibid., B 1489 (A), f° 103-105 v°.
122 Ibid., B 1478 ; ibid., E 1227/6 ; ibid., 198 J 98.
123 Ibid., B 1447 ; ibid., B 1462, ibid., B 1482, ibid., B 1484.
124 Ibid., B 1447 ; ibid., E 1378, f° 4-4 v° ; ibid., B 1447 ; ibid., E 1384 ; ibid., B 1447.
125 Ibid., B 1447 ; ibid., E 1378 ; ibid., B 1484.
126 Ibid., E 1380.
127 ADV, 3 H 1/786 ; ADLA, E 1228/5 ; supra, p. 103.
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