Introduction à la quatrième partie
p. 187-188
Texte intégral
1Juin 2003. États généraux de la psychiatrie française. Les professionnels s’alarment de la réduction brutale et rapide du nombre de lits d’hospitalisation psychiatrique : ceux-ci ont été réduits de 84 000 en 1987 à 50 000 en 1997, sans que des équivalents aient été proposés en hospitalisation partielle. Dans une optique encore très hospitalo-centrée, les psychiatres calculent que les nouvelles alternatives à l’hospitalisation ne représentent que dix pour cent des « places » supprimées. L’ouverture de nouvelles structures intersectorielles qui sont autant de réponses aux demandes sociales en croissance doit se faire au détriment des services hospitaliers classiques. La sectorisation, en tant qu’elle permet une prise en charge pluriprofessionnelle globale du malade, est toujours célébrée comme le meilleur mode de sortie du « ghetto asilaire ». Mais un demi-siècle après son émergence comme projet social, la déshospitalisation, une fois intégrée aux nouveaux dispositifs de gestion du coût de la santé, ne fait plus rêver, elle est devenue un cauchemar ! Pour répondre à un besoin criant, les psychiatres courent quotidiennement après les lits que leurs prédécesseurs ont imaginé réduire dans un souci de réforme humaniste. Le tournant ambulatoire, tant de fois proclamé, est en train d’accoucher au forceps, non sous l’effet d’une nouvelle révolution désaliéniste mais sous les coups du rationalisme des agences de santé. Ironie de l’histoire : parmi les vingt-deux mesures préconisées lors de ces états généraux de 2003, la première est ainsi rédigée : « garantir des conditions d’accueil et d’hospitalisation décentes : augmentation du nombre de lits et développement de structures extra-hospitalières ».
2Cet air de déjà vu n’est malheureusement pas spécifique au contexte français. En sol canadien, la succession de nouvelles politiques de santé mentale laisse croire à des manœuvres dilatoires peu inspirées et peu inspirantes. Le rapport De l’ombre à la lumière (2006) tenta de redresser la situation en proposant une commission de santé mentale, afin de mettre en œuvre une campagne anti-stigmatisation. Ainsi, le gouvernement canadien s’attaquait à un fort courant de résistance au détriment du problème de sous-financement et de ces conséquences directes sur la vie des Canadiennes et des Canadiens atteints d’un trouble de santé mentale. Le constat d’échec du virage vers un système de santé mentale orienté vers la communautarisation mobilisa de vastes consultations réunissant largement utilisateurs de soins, intervenants, professionnels de santé et donna naissance au rapport Vers le rétablissement et le bien-être – cadre pour une stratégie nationale en matière de santé mentale au Canada (2009), suivi du rapport Changer les orientations, changer des vies (2012). Cette dernière réforme proposait de mieux mettre en œuvre les changements nécessaires inhérents aux recommandations émises 50 ans plus tôt. Finalement, l’ambition du rapport More for the mind d’axer les soins sur les patients, d’impliquer leurs proches et de favoriser la communautarisation a bien tardé à s’implanter dans les provinces canadiennes et cela ne peut être complètement dissocié du manque de volonté politique et bureaucratique d’accorder les transferts fédéraux en santé aux gouvernements provinciaux et territoriaux, afin que ces derniers puissent agir au mieux dans le dossier des services sociaux et de santé mentale. Néanmoins, les gouvernements provinciaux ont eux aussi tergiversé quant à la mise en place de solutions efficaces concernant l’accès aux services de santé mentale et cela sur un continuum. Depuis 1993, le gouvernement de l’Ontario concentre ses efforts pour consolider le réseau de santé mentale de la province avec la franche détermination, pour l’an 2000 et au-delà d’offrir, à ses citoyens un réseau dynamique de santé mentale. Sur plus d’une dizaine d’années, les consultations publiques, les tables rondes, les visites d’établissements et les rencontres de groupes détenant une expertise approfondie en santé mentale se multiplieront. Au bout de ce processus, des dizaines de mémoires auront été produits sans toutefois, à ce jour, permettre au gouvernement de réformer significativement le réseau de santé mentale et de répondre au manque incontestable de ressources dans ce domaine.
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