Chapitre IV. Les femmes
p. 121-146
Texte intégral
1Cerner la condition de la femme infirme à Rome dans l’Antiquité est une tâche ardue. Nous sommes en effet condamnés à examiner cette question presque exclusivement depuis le point de vue masculin, puisque les textes sont écrits par des hommes. La femme y apparaît comme une éternelle mineure quasi cantonnée à un rôle social fixé par l’homme : celui de pourvoyeuse de futurs citoyens. Il demeure extrêmement difficile d’envisager la femme au corps atteint sous un autre angle et dans toute sa diversité. Si les auteurs latins parlent essentiellement des matrones romaines idéales, qu’en est-il des travailleuses, des prostituées et de toutes les autres ? Quel est l’impact d’une déficience corporelle sur le regard porté ? Dans quelle mesure l’atteinte physique peut-elle constituer une entrave pour un corps catégorisé comme une sorte de « monstre » par nature, selon Aristote, et comme un mâle défectueux ? Si l’on en croit certains auteurs, la stérilité est ce qui peut lui arriver de pire ; pourtant, cette affection n’entraîne aucune entrave au fonctionnement quotidien du corps féminin, et cependant elle l’empêche d’accomplir son devoir envers la société, ce qui peut la rendre définitivement inutile1. Qu’en est-il de l’atteinte purement esthétique ? A-t-elle des conséquences pratiques sur la vie des femmes touchées ? Le fait d’être laide, ou contrefaite, mais pas au point d’être invalide, a-t-il des conséquences sociales ? Quant à celles qui souffrent d’altérations de type fonctionnel, sont-elles considérées comme un poids pour la communauté et, de fait, irrémédiablement rangées aux marges de celle-ci ? Enfin, il convient également de se pencher sur l’image métaphorique du corps infirme féminin. Si, pour le Romain, un corps sain est le reflet d’un esprit sain, quelle image peut renvoyer le corps de celle qui, déjà valide, apparaît comme défectueux quand il est effectivement touché ? On le voit, le questionnement est multiple, et les sources écrites rares, parcellaires et biaisées ne permettent pas d’y apporter toutes les réponses que nous souhaiterions. Néanmoins, celles-ci offrent tout de même la possibilité d’envisager la façon dont les femmes ont pu être perçues par les hommes de l’élite, à défaut de pouvoir accèder à leur quotidien. Cette subjectivité occulte beaucoup d’aspects que nous aimerions connaître mais offre une clé d’accès à une manière culturelle de penser l’atteinte physique au féminin. Les sources matérielles et iconographiques, quant à elles, apportent un complément intéressant en nous permettant de lever un pan du voile qui recouvre les realia journalières de la femme infirme.
Un homme défectueux ?
« Le tout premier écart est la naissance d’une femelle au lieu d’un mâle. Mais elle est nécessitée par la nature, car il faut sauvegarder le genre des animaux où mâles et femelles sont distincts2. »
2Pour Aristote, même s’il existe deux sexes, une seule forme peut se transmettre, celle du père. En conséquence, la naissance d’une fille est déjà un écart par rapport à la norme. Le féminin se définit en négatif par rapport au masculin, la femme a toujours quelque chose en moins3. Elle est moins musclée, a les articulations moins prononcées, la chair plus molle, les jambes plus fines, les genoux plus rapprochés, les pieds plus petits et la voix plus faible4. Leur nature est à considérer comme une défectuosité naturelle5. Or une déficience, comme une partie supplémentaire, est, pour Aristote, une monstruosité6. La femme représente une déviance, et plus encore, comme l’enfant qui ne ressemble pas à ses parents, le premier degré de la monstruosité. Cette image pouvait être atténuée par les théories hippocratiques philosophiques et médicales attribuant à la semence féminine un rôle actif dans la conception, presque au même titre que celui du sperme. Aristote, en revanche, ne confère à cette matière féminine qu’une fonction passive qui n’intervient pas concrètement dans le façonnage d’un être nouveau. On y voit qu’un désavantage de plus pour la femme qui est assimilée à un mâle stérile7. Dans ces conditions, et si on suit le raisonnement aristotélicien, le fait de naître femme est déjà une altération du corps en soi. Ces considérations se rencontrent aussi au sein de la littérature latine et notamment chez Pline l’Ancien qui, une fois encore, se fait le propagateur des idées d’Aristote. Comme chez le Stagirite, la femme est décrite comme plus petite, plus faible, avec un cerveau moins volumineux8, une voix plus grêle9. D’ailleurs, seuls les enfants, les vieillards ou les eunuques peuvent être comparés avec les femmes et leurs pratiques. Il est ridicule voire méprisable pour un homme d’être assimilé avec ce qui est relatif à la sphère féminine ; il n’est pas bon de passer pour un « efféminé ». Si l’on veut insulter un homme, rendre compte de son physique saugrenu, de sa mollesse ou de la déviance de ses mœurs, rien n’est plus simple que de le comparer à la version défectueuse de lui-même, envoyée par les dieux pour semer le trouble dans une harmonie de vie primitive et y instiller le désir et la dégradation des mœurs : la femme. La littérature latine foisonne d’anecdotes concernant des hommes dont on met l’allure ou le comportement en parallèle avec ceux des femmes afin de les railler10. La critique est d’autant plus acerbe s’il est question d’hommes appelés à occuper des fonctions politiques prestigieuses car en les assimilant aux femmes, sujets exclus par excellence des charges politiques, on met en exergue l’incompétence de ces individus. Le procédé est quasi systématique : si l’on souhaite souligner le manque de qualification, l’incapacité, voire la déviance dans le comportement, il suffit de désigner l’homme visé comme amolli et efféminé11. Quintilien a recours à cette métaphore plus d’une fois lorsqu’il s’agit de décrire la voix du mauvais orateur, il faut s’exercer afin de ne pas avoir une voix de femme, de vieillard, d’eunuque ou de malade12. Un constat identique peut tout aussi bien être fait dans le second domaine par excellence réservé aux hommes : la guerre. Les vaincus ou les lâches sont souvent assimilés à des femmes, et ce à plus forte raison s’il s’agit d’Orientaux. L’Orient était parfois décrit dans la littérature latine comme la terre du luxe, de la richesse et donc, dans l’esprit romain, de la mollesse et des efféminés. Ceci est en parfaite adéquation avec la version hésiodique de la création de la première femme qui ne s’accommodait, selon l’auteur, que de l’abondance et qui est venue pervertir l’harmonie primitive des hommes qui se contentaient de ce qu’ils avaient. Par conséquent, être rapproché des femmes est particulièrement insultant, surtout dans le cadre d’activités spécifiquement masculines comme les magistratures et la guerre, car c’est être assimilé à un être jugé défectueux et qui, de fait, ne peut accomplir ces tâches. L’homme doit s’occuper de la cité, de sa politique et de sa protection, tandis que la femme doit porter et mettre au monde les futurs citoyens. À l’inverse, il n’est pas bon non plus pour une femme de ressembler à un homme, car cette caractéristique la rendrait encore plus monstrueuse qu’elle ne l’est déjà. Un médecin comme Soranos pense qu’une femme d’allure masculine n’est pas apte à concevoir et donc à remplir son devoir social13. Une idée similaire est présente chez Pline l’Ancien, qui dit « qu’un petit nombre de femmes offrent une monstrueuse ressemblance avec les hommes », comme par exemple les hermaphrodites, considérés donc ici comme des femmes14. La femme intrigue également, voire fait peur.
« Les remèdes qu’on dit tirés du corps de la femme approchent des plus monstrueux prodiges, même sans parler des criminels dépècements des enfants nés avant terme, des abominables usages du sang menstruel et de mainte autre pratique révélée tant par les sages-femmes que par les courtisanes elles-mêmes. L’odeur des cheveux de femme brûlés met, dit-on, les serpents en fuite et cette même émanation rend la respiration à celles que suffoque la maladie hystérique ; calcinés dans un vase de terre ou avec de la litharge, leur cendre guérit les granulations et les démangeaisons des yeux ; elle agit de même sur les verrues et les ulcères des enfants ; avec du miel elle guérit aussi les blessures de la tête et les clapiers de tous les ulcères ; mélangée de miel et d’encens, les panus et la goutte ; employée en topique avec de la graisse de porc elle arrête le feu sacré, les écoulements de sang et aussi les fourmillements15. »
3Mais également, tout aussi édifiant :
« Mais on trouverait difficilement rien de plus prodigieux (monstrificum) que l’écoulement menstruel. L’approche d’une femme en cet état fait tourner les moûts ; à son contact, les céréales deviennent stériles, les greffons meurent, les plantes des jardins sont brûlées, les fruits des arbres sous lesquels elle s’est assise tombent ; l’éclat des miroirs se ternit rien que par son regard, la pointe du fer s’émousse, le brillant de l’ivoire s’efface, les ruches des abeilles meurent, même le bronze et le fer sont aussitôt attaqués par la rouille et le bronze contracte une odeur affreuse ; enfin, la rage s’empare des chiens, qui goûtent de ce liquide et leur morsure inocule un poison sans remède16. »
4En somme, l’image de la femme est très ambiguë. Le sang menstruel fait horreur et pourtant il est aussi l’objet de remèdes et a des vertus thérapeutiques17. La femme est valorisée lorsqu’elle apparaît dans ses activités maternelles, car elle réalise alors pleinement ce pour quoi elle est faite, ce qu’elle doit accomplir pour la survie de l’espèce et le bien de la cité. En revanche, dès qu’on s’éloigne de ce domaine, la femme est un être parfois décrit comme défectueux. Elle n’apparaît plus alors que comme un « mâle mutilé18 », symbole de faiblesse, voire de dépravation. Cette déficience de la femme doit cependant être nuancée. Comme nous allons le voir, certaines d’entre elles avaient une activité professionnelle exercée majoritairement par des hommes et où elles ont pourtant joui de l’estime et de la reconnaissance de leurs compétences. L’exercice de la médecine en est un bon exemple.
La grande absente des sources ? Une histoire à reconstituer
Ce que disent les sources littéraires
5La question de la femme, et en particulier de celle qui souffre d’une atteinte corporelle, est très difficile à appréhender dans le contexte qui nous occupe, et ce en raison même de la nature des sources à notre disposition. Les sources écrites, bien que mentionnant de façon plus ou moins régulière les personnes de sexe féminin, ne nous permettent pas de forger beaucoup d’hypothèses concernant la réalité quotidienne des femmes, si ce n’est à travers le point de vue masculin et, notamment, celui de l’homme riche. Nous ne possédons pas, à ma connaissance, d’œuvre littéraire latine complète rédigée par une femme, et encore moins par une femme qui aurait souffert d’un handicap. Les maigres allusions dont nous disposons pour reconstruire l’existence d’une femme invalide ou malade ne nous sont dispensées que par des hommes. La littérature médicale aborde le problème des maladies féminines ; mais là encore, uniquement au prisme de la perception masculine. Si nous connaissons bien l’existence de femmes médecins grâce à l’apport des sources épigraphiques19, les traités médicaux dont nous disposons pour la période qui nous intéresse sont écrits par des hommes. Lorsqu’ils parlent spécifiquement des femmes, ces derniers abordent surtout la sphère gynécologique et en particulier tout ce qui a trait à la fécondité, la stérilité et les maladies de l’utérus. Pour la thérapeutique générale, cependant, une femme ne diffère pas d’un homme et on peut suivre des recettes qui s’adressent aux deux sexes. Cet intérêt pour les « maladies des femmes » repose essentiellement sur le fait de pouvoir permettre à celles-ci de remplir ce qui est leur premier rôle dans la société : celui de génitrice. La plupart des auteurs de recueils médicaux ont consacré une partie de leur œuvre à cette thématique, comme Celse par exemple, qui réserve un chapitre entier de son livre IV du De la médecine aux maladies de la matrice20. Pour la période qui nous concerne, le traité le plus important est sans conteste celui rédigé en grec par Soranos d’Éphèse (iie siècle)21. Ses écrits furent par la suite repris, adaptés et traduits par différents auteurs de langue latine comme Vindicianus Afer, Théodore Priscien22, Caelius Aurelianus23 ou bien encore Mustio24. Il faut attendre le vie siècle n. è. pour avoir un traité sur les maladies féminines rédigé par une femme, Metrodora, qui écrit dans le milieu culturel gréco-byzantin. La portée scientifique de son œuvre est plutôt limitée, mais elle donne tout de même des recettes de remèdes contre les maux gynécologiques et des indications de thérapie générale, ainsi que des éléments de cosmétologie25. D’après D. Corsi26, le seul manuscrit qu’il reste aujourd’hui de ce traité se trouve à la bibliothèque laurencienne de Florence et a été édité et traduit par G. del Guerra sous le titre Il libro di Metrodora sulle malattie delle donne e il ricettario di cosmetica e terapia27. Pourtant, le soin des femmes semble avant tout avoir été une affaire de femmes28 et l’accès du médecin au corps féminin parfois limité. Les femmes ont observé leur propre corps et c’est souvent à la sage-femme que revenait la tâche de soigner ces malades. Il en va de même pour les accouchements, où le médecin n’était appelé qu’en dernier recours, si les choses tournaient vraiment mal pour la parturiente. C’est en disséquant des guenons que Galien explore l’anatomie féminine, et en tire des analogies. Ce n’est donc pas un hasard si Soranos dit vouloir écrire son traité pour les sages-femmes, car ce sont elles qui soignent les femmes.
6Une autre difficulté rencontrée dans l’étude de la condition féminine – qui découle aussi de la partialité de nos sources – est l’impossibilité d’envisager la femme antique dans toutes ses dimensions et en fonction de ses différents statuts. Le quotidien d’une riche matrone n’a pas forcément grand-chose à voir avec celui d’une courtisane ou d’une esclave ; et, à l’intérieur même de ces catégories, les destins peuvent être bien différents d’une femme à l’autre, selon qu’elle vive en milieu urbain, citadin, ou rural. Le sort de l’esclave dépend de son milieu et de la bienveillance de ses maîtres ; la femme libre, quant à elle, n’a pas les mêmes conditions de vie selon qu’elle vient d’une famille riche ou pauvre. Les textes anciens offrent le point de vue de riches aristocrates qui ne dépeignent, la plupart du temps, que ce qui était attendu des riches matrones de l’élite et n’offrent sur les autres catégories féminines que de vagues remarques faites incidemment en passant, et le plus souvent sans fournir les détails qui permettraient de donner une véritable épaisseur à ces personnages. Un autre paramètre à prendre en compte dans ce questionnement est plus général, c’est-à-dire non spécifique aux femmes ; c’est la distinction à opérer entre une atteinte au corps qui ne serait qu’esthétique avec celle qui est fonctionnelle (ou les deux). L’impact sur la vie sociale du sujet touché et les conséquences qui peuvent en résulter sont tout à fait différents s’il est concerné par l’un ou l’autre de ces facteurs additionné à la prise en considération de la catégorie sociale à laquelle il appartient. Pour les femmes, cette distinction est très difficile à faire, mais pas toujours impossible comme nous le verrons ultérieurement.
7Les écrits, qu’ils soient historiques, politiques ou bien encore philosophiques, ne laissent que peu de place à la femme handicapée, ce qui, en vérité, n’est pas très étonnant ; dans ce domaine, la rareté voire l’absence de mention de la femme est à la mesure de celle des hommes. S’il ne faut pas s’attendre à y trouver de larges descriptions nous éclairant sur la condition de ces femmes, on peut, en traquant les allusions furtives, essayer d’obtenir quelques informations. Si les textes demeurent silencieux sur le quotidien des femmes souffrant d’atteintes corporelles, quelques-uns évoquent la problématique de la dimension religieuse dans le cadre de l’exercice de prêtrises féminines, et un parallèle semble pouvoir être fait entre prêtrise au masculin et au féminin. Prenons l’exemple des Vestales dont la procédure de recrutement est décrite par Aulu-Gelle dans ses Nuits attiques :
« Ceux qui ont écrit sur la prise des Vestales, et parmi eux le plus scrupuleux est Antistius Labéon, ont affirmé qu’il est sacrilège de prendre une fille à moins de six ans ou plus de dix, de même une fille qui n’ait plus son père ou sa mère, de même une infirme de langue, débile d’oreille ou marquée par quelque tare corporelle (item quae lingua debili sensuue aurium deminuta aliaue qua corporis labe insignita sit), de même une fille qui ait été émancipée ou dont le père l’ait été, se trouvât-elle du vivant de son père sous la puissance de son aïeul ; de même celle dont les parents, l’un ou l’autre, ou les deux, ont été esclaves ou exercent des professions infamantes29. »
8C. Baroin30 a analysé ce passage afin d’essayer d’expliquer les critères corporels de sélection des Vestales énoncés par Aulu-Gelle. Les arguments avancés par l’auteur latin sont tout à fait pertinents si on considère le cas des prêtres masculins. Il semble logique de ne pas recruter un muet ou quelqu’un qui bégaie car on connaît l’importance de la prononciation de certaines formules rituelles : une seule erreur et le rituel est à recommencer. De même, il est problématique d’investir une sourde de cette fonction car elle ne pourrait entendre les consignes à exécuter. Si l’on sait que les Vestales étaient présentes lors des grands sacrifices publics, rien ne dit qu’elles étaient effectivement amenées à prononcer des paroles rituelles ; ce document pourrait le sous-entendre31. Au-delà des raisons pratiques, ces précisions fournies par Aulu-Gelle suggèrent, comme le proposent C. Baroin et J. Scheid32, qu’une partie des agents romains du sacré étaient comme une image du dieu qu’ils servaient. Si on applique ce principe aux Vestales, celles-ci étaient considérées comme un équivalent humain de Vesta et, par conséquent, devaient être complètes, corporellement intactes. Un autre passage relatif aux Vestales nous permet de pousser l’investigation un peu plus loin, car il mentionne que la grande prêtresse était aveugle lors d’un incendie qui touche le temple de Vesta en 14 avant n. è.33. Si l’on se fie aux règles mentionnées par Aulu-Gelle, la femme dont il est question chez Dion Cassius n’était pas aveugle lors de son recrutement en tant que Vestale, et ne l’est devenue qu’au cours de l’exercice de ses fonctions, visiblement avant l’incendie décrit et non pas au cours de celui-ci. Cela signifie que cette femme, bien qu’aveugle, a continué à occuper la fonction dont elle était investie et dont un des critères de sélection est l’intégrité du corps. Cette allusion semble suggérer qu’à l’instar des magistrats qui, selon Ulpien34, une fois devenus infirmes, n’étaient pas autorisés à briguer une nouvelle charge officielle mais pouvaient au moins achever celle qu’ils avaient commencée et rester sénateur et juge, les femmes prêtresses étaient aussi concernées. On peut donc supposer ici que cette Vestale fut autorisée à terminer son engagement de trente ans au service de la déesse. Mais, à la fin de celui-ci, a-t-elle dû réintégrer la « vie civile » ou a-t-elle eu, comme ses consœurs, la possibilité de continuer à servir Vesta jusqu’à sa mort ? Un autre point est peut-être à souligner. On sait d’après Denys d’Halicarnasse que les Vestales pouvaient être battues de verges en cas de faute35. De telles punitions devaient être relativement rares. On en a la trace en 206 et 178 avant n. è. où, à chaque fois, une Vestale avait laissé s’éteindre le feu sacré. Néanmoins, de tels événements ne sont pas sans susciter le questionnement. Les verges devaient laisser des traces, voire des cicatrices définitives sur le corps de ces femmes. Dans ces conditions, étaient-elles admises, en dépit de leur faute et des éventuels stigmates qui résultaient de la punition, à continuer le service de la déesse ?
9Les textes normatifs, s’ils évoquent parfois le cas de déficiences spécifiques, notamment le mutisme, la surdité et la cécité, sont très peu diserts sur la situation juridique des femmes invalides. Cela peut s’expliquer de façon assez naturelle si on considère, sauf exception, que la femme est déjà perçue comme une mineure et que ses possibilités d’action relevant du droit sont considérablement réduites par rapport à celles des hommes. Ainsi, il n’est pas besoin de mentionner le cas particulier de la femme infirme puisque celle qui est en bonne santé est déjà minorée. Dans la documentation normative, la situation juridique de la femme est régulièrement abordée en parallèle avec celle de l’invalide ou du malade. Ulpien rapporte que, d’après l’édit des préteurs, la femme, au même titre que l’aveugle entièrement privé de la vue, ne peut postuler pour autrui en justice36. Exceptionnellement, les femmes peuvent bénéficier d’une dispense permettant d’agir pour leurs parents malades – mais cela supposait probablement qu’elles-mêmes ne le soient pas – ou trop vieux pour s’occuper de leurs affaires et qui étaient isolés37. Mais cette mesure ne relève que de l’exception et la femme est généralement mise sur le même pied que l’incurable, ce qui n’est pas sans rappeler la vision de celle-ci comme un « mâle mutilé » propagée par Aristote puis, dans la littérature latine, notamment par Pline l’Ancien38. Un cas intéressant est fourni par les Controverses de Sénèque le Rhéteur. Un homme qui avait une femme et un fils est capturé par des pirates lors d’un voyage à l’étranger. Il écrit à sa femme et à son fils pour être racheté. Son épouse devient aveugle à force de pleurer. Le fils veut partir pour ramener son père, mais sa mère lui demande de rester et de la nourrir. Comme il ne veut pas, elle veut le faire mettre en prison39. Bien qu’il s’agisse d’une affaire fictive proposée comme exercice de rhétorique, ici en tant que plaidoirie devant un tribunal, le cas est intéressant car il permet d’envisager les différentes réponses avancées par les membres de la société romaine face à une telle situation. Le nœud du problème ici est de savoir si un enfant doit des aliments à ses parents. Indubitablement, la réponse est oui, mais se pose alors la question de savoir si cette loi sur les aliments dus aux parents ne concerne pas d’abord le père, tant que celui-ci est vivant ; car quand il y a conflit entre les devoirs dus au père et ceux dus à la mère, ceux du père passent en premier. Quoi qu’il en soit de ces débats, ce cas, bien que fictif, montre que le problème de l’entretien et des soins aux personnes infirmes a pu être envisagé, voire discuté, et qu’il a tout naturellement reposé sur des solidarités familiales ; non pas seulement en raison d’un amour filial mais aussi de façon instituée et normative peut-être, la loi semblant stipuler que les enfants devaient aider les parents malades, infirmes ou trop vieux pour subvenir eux-mêmes à leurs besoins.
L’apport des sources matérielles
10Les sources archéologiques peuvent elles aussi venir compléter l’apport de la littérature afin d’élargir un peu plus notre vision de la femme en lien avec l’atteinte physique. Les ex-voto en forme d’utérus et les amulettes visant à protéger la sphère génitale sont particulièrement intéressants car ils fournissent un témoignage direct sur les pratiques féminines sans, cette fois, la médiation de la plume masculine. Toutefois, étant la plupart du temps anépigraphiques ou peu loquaces, ils sont très difficiles à interpréter. Le problème qu’ils posent est épineux : en l’absence du vœu qui accompagnait l’objet, il est difficile de savoir à quel type de pathologie rattacher ces utérus. Faut-il d’ailleurs vraiment les relier à un seul genre de demande ? L’objet est sans doute produit en série, mais le vœu qui s’y rattache est personnel, et il peut y avoir autant de demandes différentes à la divinité que de dédicantes. Certes, certains de ces ex-voto ont dû souhaiter le rétablissement d’une maladie touchant à la sphère génitale, voire la guérison de la stérilité ; mais, comme nous l’avons déjà dit, ils symbolisaient des désirs beaucoup plus larges de protection de l’enfant à naître ou de volonté d’un accouchement sans difficultés qui préserverait l’enfant, mais également la mère, de séquelles potentielles. Si l’on sait que beaucoup de femmes meurent en couches, il n’est pas non plus impossible qu’un nombre non négligeable de parturientes ait pu ressortir de la parturition invalides et ce de façon irrémédiable, compromettant les possibilités de grossesses postérieures mais aussi les conditions de vie de la femme atteinte. Le même constat peut être fait en ce qui concerne les nombreux ex-voto représentant des seins, mis au jour ces dernières décennies. Plusieurs chercheurs y ont vu des dépôts votifs en vue de solliciter la guérison de pathologies et tumeurs qui auraient pu toucher ces organes. C’est tout à fait possible et il est plus que probable qu’un certain nombre des offrandes découvertes aient été faites dans ce but. Néanmoins, ne pourrait-on pas voir une gamme variée de demandes liées à un même type d’objet ? Quand on sait l’importance du lait et de l’allaitement dans la pensée romaine40, ne peut-on pas voir dans ces objets l’expression d’un souhait en rapport avec ces domaines ? La littérature regorge de passages vantant l’importance et les bienfaits de l’allaitement maternel pour l’enfant41. Dans ces circonstances, le lait entre, au même titre que les massages d’après bain ou l’emmaillotage, dans le processus de formation de l’enfant romain, car on attribuait au lait maternel le pouvoir de transmettre au nouveau-né des qualités physiques et morales. Ainsi Aulu-Gelle recommande aussi, en cas de recours à une nourrice, de ne la choisir ni sans moralité, ni laide42. Par ailleurs, le lait était largement usité pour les vertus thérapeutiques qu’on lui conférait. Pline l’Ancien fait une large place à l’emploi du lait de femme dans ses recettes de remèdes43. Ne peut-on pas voir dans ces représentations de seins le souhait de mères qui veulent produire suffisamment de lait de bonne qualité pour leur enfant afin de le conformer physiquement et moralement à cette beauté culturelle du Romain déjà évoquée par le biais de ce liquide si vertueux, et de remplir ainsi au mieux leur devoir social ? Ce n’est pas impossible si l’on considère que Soranos donne des indications alimentaires pour favoriser la production de lait44. Nous disposons aussi d’amulettes censées favoriser sa venue45.
11Parfois, la dédicace ne se limite pas à un ou deux mots et nous permet d’en savoir un peu plus. Il existe un ex-voto en métal, daté du iie ou iiie siècle n. è. et aujourd’hui conservé au musée des Arts décoratifs de Hambourg, qui représente un regard, yeux et sourcils, manifestement atteint de strabisme, au-dessous duquel on peut lire en grec :
« Aurelia Artemisia d’Éphèse au Theos Epekoos Hypsistos a fait cette dédicace après avoir fait un vœu et avoir suscité de la pitié46. »
12S’il n’est pas précisé pour quelle raison Aurelia Artemisia remercie le dieu par cette offrande, on peut supposer que son vœu est à mettre en rapport avec le défaut de parallélisme représenté dans le regard de l’objet. Un tel témoignage, si le souhait concerne bien ce strabisme, permet d’établir qu’on essaie de remédier aux défauts tant esthétiques que fonctionnels, car Aurelia ne devait pas être gênée dans son processus de vision autant qu’elle pouvait l’être par l’effet inesthétique produit par cet œil déviant. Le strabisme n’handicape que partiellement la vue ; l’impact esthétique, cependant, ne devait pas être sans conséquences pour un Romain. Le jugement porté sur les défauts de parallélisme des yeux varie selon la gravité de la pathologie47. Si l’on en croit les sources, les sujets atteints d’un strabisme sévère ont eu à essuyer de nombreux quolibets et moqueries48. D’un point de vue moral, le jeu des associations d’idées a des conséquences sociales graves puisqu’on assimile les gens atteints de strabisme à des personnes « louches », de peu de moralité49. En revanche, une divergence légère du regard semble avoir suscité des vues plus positives et pouvait même être considérée comme un élément de séduction. Il n’est plus ici question d’un strabo mais plutôt d’un paetus, épithète parfois attribuée à Vénus, la divinité qui jette des coups d’œil furtifs50, allusion à des regards coulés tendrement. Ils sont le signe de désirs amoureux51. On peut ainsi comprendre pourquoi Aurelia Artemisia a pu vouloir se débarrasser de son strabisme qui la soumettait aux quolibets.
13Les représentations d’handicapés ou d’invalides dans l’art romain sont relativement rares52. Un cas a retenu notre attention par son caractère énigmatique : un vase anthropomorphe représentant « la buveuse de Vichy53 », une vieille femme toute tordue, voutée, à l’aspect misérable, assise recroquevillée, une tasse à la main et ne portant qu’une seule chaussure. L’objet semble être l’œuvre d’un excellent bronzier, tant les détails et la finesse du vase sont saisissants. Mise au jour en 1889 dans un puits gallo-romain, cette vieille femme intrigue les savants, tant les historiens et archéologues que les médecins. Est-elle malade ? Il est vrai qu’elle en a tout l’air. L’expression peinte sur son visage semble refléter le désespoir. Certains se sont lancés dans l’exercice périlleux de l’icono-diagnostic à partir des maigres indices afférants au contexte et à l’objet lui-même. On a pu arguer qu’il s’agissait d’une vieille rhumatisante venue chercher remède à ses douleurs auprès des eaux de l’endroit. Elle a successivement été vue comme atteinte de podagre ou d’ostéomalacie54. Il semble impossible de pouvoir pratiquer un diagnostic différentiel sérieux à partir d’un tel objet. Il faut vraisemblablement renoncer à savoir de quoi souffrait exactement cette personne. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faille oublier ce vase dans les problématiques qui nous occupent, car l’essentiel ici n’est, au fond, pas de savoir de quoi était atteinte cette femme mais plutôt quel était le regard porté sur elle par la société. De là découle un flot de questions. L’artisan qui a réalisé cet objet a-t-il représenté une personne bien précise, ou un type générique qu’il a voulu symboliser sous les traits d’une vieille femme ? Est-ce une commande ? À qui était destiné cet objet et quel était l’usage qui lui était réservé ? Autant de questions auxquelles il paraît impossible de répondre avec assurance. L’aspect maladif de la femme et la tasse qu’elle porte suggèrent qu’il pourrait s’agir d’une curiste. Mais d’autres hypothèses, pas plus assurées, pourraient aussi être avancées. Son âge et son apparente fragilité permettent de penser qu’elle n’a pas pu faire un très long voyage pour arriver là ; il s’agirait d’une résidente des environs. Quant à son aspect misérable et la chaussure manquante, ne peuvent-ils pas laisser envisager la représentation d’une mendiante, une vieille femme malade et affaiblie privée d’un éventuel secours familial, qui pouvait trouver à Vichy non seulement le secours des eaux mais aussi la compassion de pèlerins affluant vers le sanctuaire ? Tout cela reste très hypothétique et une lecture au premier degré ne doit pas être envisagée seule, car il est tout aussi probable qu’il ne s’agisse en rien de la représentation d’une personne en particulier mais de l’évocation d’un thème iconographique connu des pèlerins ou des hommes de l’époque, et dont la signification nous échappe encore totalement. Quoi qu’il en soit, ce type d’objets suscite beaucoup de questions sans réponses mais permet aussi de voir que la femme souffrante, malade ou invalide a beau être rare dans nos sources, elle n’en est pas non plus complètement absente.
14Un dernier type de matériel nous donne également des indices sur ce sujet : les restes osseux. Dans ce domaine, la documentation s’est considérablement accrue ces dernières années, notamment grâce aux travaux de P. Catalano, L. Capasso ainsi que C. Roberts. Il ne s’agit évidemment pas de passer en revue ici tous les restes humains d’époque romaine qui présentent une pathologie quelconque mis au jour, mais de cibler quelques exemples précis afin de montrer en quoi ces découvertes permettent de faire avancer la recherche sur une thématique telle que celle de la femme infirme. Les découvertes de restes osseux de femmes porteuses d’une anomalie ne sont pas si rares. Rien que pour la nécropole de la Via Lucrezia Romana I (époque impériale), P. Charlier55 évoque plusieurs cas : une femme ayant subi une très grave fracture du fémur droit, qui a provoqué un raccourcissement de la jambe d’environ dix centimètres56, ce qui n’a pas dû être sans conséquences sur les possibilités de déambulation du sujet. On relève aussi un cas de pectus excavatum57, une déformation du thorax le plus souvent congénitale mais pouvant aussi se développer lors de la croissance, qui se caractérise par un enfoncement de la partie inférieure du sternum. Toutefois, même avec les os à disposition, il reste très délicat de pouvoir déterminer les conditions de vie du sujet, et ce même si les ossements apportent parfois de précieux indices sur le type d’activité exercée et le régime alimentaire des défunts. La façon dont ceux-ci ont été inhumés peut aussi s’avérer révélatrice d’informations. P. Catalano et son équipe58 ont étudié les restes de cette femme infirme de la nécropole de Collatina à Rome, vraisemblablement atteinte de spondylarthrite ankylosante (maladie inflammatoire de la colonne vertébrale), inhumée dans une position insolite59. La découverte dans les années 1980 des restes de victimes du Vésuve sur la plage d’Herculanum – on croyait jusqu’alors, en l’absence d’os, qu’elles étaient parvenues à s’enfuir – offre un échantillon matériel tout à fait exceptionnel. Ces squelettes ont la grande particularité d’avoir été « saisis » dans la vie par la catastrophe et diffèrent donc des restes habituellement à notre disposition provenant de nécropoles. Dans l’étude complète de ces ossements, menée par L. Capasso, quelques cas sont particulièrement éclairants60. Ces investigations démontrent peut-être, grâce à la paléopathologie, ce que les textes laissaient sous-entendre61 sur la façon de langer des nourrices antiques : en voulant façonner le corps des futures femmes d’une certaine manière, elles les emmaillotaient différemment des garçons, ce qui pouvait occasionner des lésions parfois irréversibles. Dans son échantillon, L. Capasso relève la présence de restes de tout-petits, garçons et filles. D. Gourevitch62 compare les sujets E13563, un petit garçon mort à 5 ou 6 mois, et E12264, une petite fille de 2 ou 3 mois. Les deux squelettes sont très fragmentés et on sait combien il est difficile de déterminer le sexe sur des individus aussi jeunes. Néanmoins, on ne peut qu’être frappé par le fait que les os des jambes attribués au petit garçon ne portent pas la trace de rugosités sur les fémurs, signe qu’il a été langé sans forcer ou alors, vu son âge supposé, qu’on avait déjà commencé à relâcher le lange et que l’os avait déjà été remanié. Quoi qu’il en soit, les restes de la fillette présumée montrent, au niveau des fémurs, des rugosités et une érosion témoignant d’un emmaillotage particulièrement serré. Cet exemple ne saurait prouver formellement une différence de la façon d’emmailloter selon les sexes ; de nombreux ossements de bébés de moins d’un an étant porteurs de telles rugosités. Il semble toutefois indiquer que le lange pouvait occasionner des lésions parfois irrémédiables, qui pouvaient aller jusqu’à la luxation des hanches. Toujours grâce à cet échantillon d’Herculanum, nous disposons du cas d’une femme de 35 à 40 ans souffrant d’une luxation bilatérale de la hanche65. D’après L. Capasso, ce problème pouvait résulter de plusieurs pathologies, mais on peut envisager de manière préférentielle qu’il est le résultat soit d’un problème congénital, soit d’une maladie de Legg-Calvé-Perthes, une ostéochondrite déformante de la hanche, qui aurait très tôt limité la mobilité du sujet. Les os des jambes ne montrent aucun signe d’arthrose et de dégénérescence des articulations, et ce en dépit de l’âge plutôt avancé du sujet. Si Capasso penche pour une impossibilité à se mouvoir d’elle-même, Bisel opte plutôt pour l’utilisation de cannes. Quoi qu’il en soit, cet exemple est tout à fait remarquable car il permet d’entrevoir le soin accordé à une femme dont la mobilité était fortement réduite. D’autres informations concernant le quotidien de cette femme sont encore fournies par les os. Le paléopathologiste italien a noté la présence, sur le bras droit, de signes qui pourraient s’avérer être la conséquence d’un usage soutenu de ce membre66 ; il y a des marques d’arthrose sur l’épaule droite, des traces d’enthésopathie sur l’humérus et des signes d’arthrose du coude. En somme, malgré sa privation de mouvements, qui a dû apparaître très tôt dans la vie de cette personne, elle a eu une activité laborieuse compatible avec son état physique, qui ne lui permettait de se servir que de ses bras. Bien qu’incapable de marcher, elle n’a pas nécessairement constitué un poids économique pour sa famille et la communauté. Le contexte de découverte des ossements apporte des informations complémentaires. Les restes de cette femme ont été mis au jour sur la plage avec les autres habitants d’Herculanum, loin du cœur de la cité, ce qui semble attester qu’en dépit de la cohue, quelqu’un a pris la peine de la porter et de lui faire descendre les escaliers menant à la plage, pour lui permettre de partir avec le reste de la population. Ceci indique, une fois encore, que l’idée primitive d’un rejet, d’une mise à l’écart, voire d’une élimination systématique des invalides à Rome est à nuancer fortement. Cette femme constitue un exemple particulièrement significatif puisqu’elle a contracté sa pathologie dès l’enfance ; elle est morte à un âge relativement avancé non pas de mort naturelle mais dans une catastrophe volcanique, et on peut supposer que, sans cette dernière, elle aurait sans doute vécu encore plusieurs années. De plus, elle semble parfaitement intégrée dans sa communauté, car elle a sûrement eu une activité économique, même s’il est impossible de déterminer laquelle, et apparaît socialement acceptée et aimée puisque même dans les heures sombres de l’éruption du Vésuve, quelqu’un a pris la peine de lui permettre de fuir. Un autre exemple est fourni par J. E. Molto67, qui a étudié une nécropole d’Égypte romaine (300-390) située à Kellis, dans l’oasis de Dakhleh, où l’on a mis au jour les restes osseux d’une femme d’environ 45 ans (sujet K2-85) présentant un humérus varus, une déviation de l’humérus. L’os affecté est plus court que l’autre de 63 mm. Selon l’auteur, il s’agit d’une dysplasie qui s’est manifestée peu de temps après la naissance. Il émet l’hypothèse qu’elle résulterait d’un traumatisme lié à l’accouchement. Une fois encore, nous avons affaire à un sujet touché dès l’enfance. L’examen radiographique a montré qu’elle utilisait ce bras de manière plus sélective que le membre non atteint ; néanmoins il y a tout de même trace d’une activité du bras touché. Celle-ci n’était donc pas tout à fait compromise, ce qui conduit Molto à conclure que le problème était probablement plus de nature esthétique que réellement moteur. Si les ossements peuvent nous en dire un peu plus sur la situation de la femme handicapée et complètent avantageusement les textes, nous n’en demeurons pas moins limités dans notre approche, et ce pour plusieurs raisons. Les os permettent d’envisager des cas de femmes de milieu humble ou des esclaves, rarement évoquées dans la littérature, mais on se heurte tout de même à un écueil : comment faire la différence entre la femme libre qui travaille et l’esclave ? Les os ne permettent pas de l’établir, ni le mobilier funéraire lorsqu’il y en a. Quant aux stèles, elles ne sont que rarement retrouvées en association avec leurs ossements ; et de toute façon, un citoyen pauvre n’avait pas forcément les moyens de s’en offrir une, même si certaines études ont démontré que ce type d’objets ne leur était pas non plus nécessairement inaccessible. Autre problème à soulever : la mobilité sociale. Il est d’autant plus périlleux d’essayer de déterminer le statut social de l’individu à partir de ses os que dans certaines cités de l’Empire règne une grande mobilité sociale ; des individus nés esclaves sont devenus de riches affranchis dont les os gardent les traces de l’activité exercée pendant la période de servitude.
Une santé réduite à la capacité à se reproduire
Reconnaître la femme féconde
15Dans la littérature médicale, la santé de la femme est, la plupart du temps, réduite aux soins des maux qui affectent la sphère génitale. Ceci n’est guère surprenant si on considère le rôle social de reproduction qu’elles ont à jouer. On comprend l’inquiétude qu’ont certainement dû éprouver certaines femmes face à leur incapacité à procréer. Si la femme est parfois vue comme un « mâle mutilé » ou défectueux, il est un domaine où la littérature l’encense : celui de la fécondité et de la procréation, car c’est elle qui porte et met au monde les futurs citoyens. Une femme qui se retrouve dans l’impossibilité d’assumer ce rôle devient inutile68. L’État juge essentiel qu’un citoyen épouse une femme féconde. À cette fin, certains médecins ont pu proposer des « tests » pour savoir si la jeune fille avec laquelle on projetait de se marier était capable de concevoir. Soranos d’Éphèse, dans son traité sur les Maladies des femmes, expose les critères utiles pour bien choisir la future épouse69. L’ampleur du traitement de ce sujet ainsi que les nombreux détails qu’il donne attestent son importance. Les critères pour reconnaître la femme stérile sont nombreux et on différencie celles qui ne sont pas capables de concevoir et celles qui y parviennent mais qui ne peuvent mener à bien l’accouchement70. Plusieurs paramètres sont à prendre en considération si on veut s’assurer71 que la fiancée pourra bien engendrer la progéniture tant souhaitée. D’abord, un critère d’âge (entre 15 et 40 ans), puis des critères physiques tant externes que relevant de la physiologie interne de la patiente. La forme et l’orifice de la matrice doivent respecter des caractéristiques précises ; certains traits psychologiques sont aussi importants, ainsi que l’état de santé et la conformation de celle-ci. Cette description de la femme parfaite féconde s’accroît aussi de la prise en considération des règles et de leur composition72, et comprend, enfin, des « tests » afin d’être vraiment sûr que la femme en question soit capable d’avoir des enfants ; notons cependant que Soranos, lui, n’y croit pas. Il existe un certain nombre de tests qui n’avaient, selon toute probabilité, aucune efficacité et qui, comme le souligne S. Blomme73, devaient dans presque 100 % des cas révéler des femmes non stériles. Ainsi a-t-on recours aux suppositoires vaginaux dont la qualité physique de l’ingrédient doit remonter jusqu’à la bouche de la femme pour montrer qu’elle est féconde. Les composants employés (ail, rue…) avaient une odeur forte et volatile qui ne manquait pas de « remonter jusqu’à la bouche ». Si on a conservé la mention de la possibilité de reconnaître la femme stérile par un examen et des tests (avec les recettes)74, on ne sait pas, en revanche, si ces théories étaient mises en pratique et si les jeunes Romaines subissaient réellement un examen gynécologique avant le mariage, ni qui le pratiquait. Les textes ne semblent pas en faire mention, du moins pas explicitement, ce qui permet de douter d’un recours systématique à ce genre de procédés. Quand bien même ces pratiques eussent-elles été répandues qu’elles n’auraient pu concerner, une fois encore, que les femmes d’un certain rang. En outre, il devait être assez malaisé pour les médecins de l’époque, hommes ou femmes, de diagnostiquer la stérilité. Quoi qu’il en soit, dès qu’elle est suspectée, on déploie tout un arsenal thérapeutique visant à favoriser la conception, recoupant tous les domaines : médical, religieux et magique. On pouvait avoir recours à chacun de manière parallèle, ou successive, et sans exclusivité pour l’un ou l’autre. L’emploi de remèdes issus de la pharmacopée médicale n’était pas incompatible avec l’utilisation de la magie ou l’invocation de la bienveillance divine.
Soigner et éviter la stérilité ?
16On ne relève pas de thérapie spécifique à la guérison de la stérilité75. Les remèdes proposés peuvent prendre des formes variées : pessaires, boissons, conseils diététiques, bains, recours à la chirurgie, mais également emploi d’amulettes et pèlerinage auprès d’un sanctuaire. Beaucoup de recettes relèvent plus de l’aide à la conception que d’une véritable lutte contre la stérilité. Les produits utilisés sont aussi d’une très grande diversité en fonction de choix qui obéissent à une logique culturelle76. Il s’agit avant tout de mettre la femme dans un état physique propice à recevoir la semence masculine et la retenir. Pour que s’opère la conception, quelques remèdes contre la stérilité sont mentionnés77. Parfois, la rareté des ingrédients (œil d’hyène) semble assurer l’efficacité du remède78. On cherche aussi à faire venir les règles par tous les moyens79, car c’est le signe par excellence de la bonne santé féminine, d’une femme féconde. Le sang menstruel ne doit pas être absent, mais il ne doit pas non plus couler avec excès80. Si le problème vient d’un défaut physique lié à l’obstruction, empêchant la femme d’être enceinte, le recours à la chirurgie peut être envisagé. Dans son traité De la médecine, Celse consacre le chapitre 28 du livre VII à l’opération « qu’il convient de pratiquer aux femmes impropres à la cohabitation » et qui consiste en l’exérèse d’une membrane obstruant la vulve81. Celse n’est pas le seul à signaler ce problème ; Aristote, déjà, dans ses œuvres Histoire des animaux et De la génération des animaux, l’évoquait82. Il en va de même pour Pline l’Ancien qui donne un exemple précis. Cornélie, la mère des Gracques, serait née avec les parties génitales closes, ce qui a pu être soigné puisqu’elle aurait eu douze enfants, dont neuf seraient morts en bas âge83. Cependant, Pline estime que cette atteinte est un présage néfaste ; et comment ne pas le suivre quand on sait ce qu’il advint de ses enfants84 ? Si la chirurgie a été évoquée dans les traités médicaux, ce n’était sûrement pas le procédé auquel on avait recours le plus souvent. Le nombre important d’ex-voto (utérins ou de bébés emmaillotés), dont une partie a pu recouvrir des vœux de fécondité, laisse à penser que l’appel des femmes aux dieux pour ce type de problème était fréquent. Le même type d’objet représentant des pénis fait soupçonner que l’on avait bien conscience de la stérilité masculine, même si elle était moins souvent évoquée85. On sait dès l’Antiquité que la femme n’est pas nécessairement la seule responsable de l’absence d’enfants dans un couple. C’est un fait bien développé au sein de la littérature latine : l’homme, et même à la fois la femme et son mari, peuvent être impliqués dans la stérilité du foyer pour cause d’incompatibilité entre eux86. De même, il était sans doute possible de recourir aussi aux amulettes, pour protéger la grossesse ou susciter les règles. Soranos aborde la question et leur confére un certain effet placebo87. Centrées sur la conservation de la santé, un grand nombre d’amulettes découvertes ou mentionnées dans les textes concernent la protection de la grossesse88. P. Gaillard-Seux souligne notamment le faible nombre d’amulettes emménagogues, tout en émettant l’hypothèse selon laquelle l’inefficacité de celles-ci dans ce domaine devait paraître plus évidente que pour d’autres comme l’accouchement, où le hasard pouvait plus facilement donner l’impression du succès. La diversité de l’arsenal thérapeutique développé pour promouvoir la conception et l’importance qu’on lui donnait montrent qu’on ne se résignait pas et qu’on souhaitait agir afin d’endiguer la stérilité. La femme ne peut trouver son accomplissement et un rôle au sein de la société, sauf exceptions comme les Vestales, qu’en mettant au jour des petits d’homme ; la femme stérile a pu apparaître comme une épreuve pour la communauté tout entière. La stérilité n’est pas le seul problème : l’accouchement systématique de filles a aussi pu être considéré comme une forme de stérilité89. Le fait de ne mettre au monde que des filles tend à accentuer le caractère faible de la femme. Parmi les recettes qui visent à augmenter les chances de conception, nombreuses sont celles qui favoriseraient la procréation d’un garçon90. Avoir un enfant, c’est donc de préférence avoir un fils à qui transmettre le patrimoine et le nom de la famille. Les femmes ayant déjà enfanté ne sont pas non plus à l’abri de devenir stériles. Dans ses écrits, Stace implore les dieux qui président aux naissances d’épargner le corps de sa douce Stella91. Celui-ci et les nombreuses gemmes magiques visant à la protection de l’utérus et de la délivrance rappellent la dangerosité de l’événement, qui pouvait causer la mort ou des séquelles traumatiques graves et définitives. « Il est certain que les difficultés de l’accouchement entraînent la stérilité », dit Pline92, ce qui n’est pas très étonnant si on prend en considération, outre les conditions sanitaires de l’époque, que de nombreuses jeunes filles étaient mariées très jeunes. Soranos s’élève d’ailleurs contre cette pratique93 : leur corps n’était parfois pas encore assez développé pour mener une grossesse à terme dans de bonnes conditions, entraînant des séquelles importantes94, si ce n’est la mort95. On a pu également attribuer la stérilité à des facteurs comme l’obésité des parents. Ce dernier critère peut apparaître comme paradoxal car si l’obésité est dénoncée par la littérature médicale comme cause de stérilité, dans la statuaire, au contraire, les bourrelets sont plutôt un signe de fécondité96. Pourtant, dans le milieu médical, pas de doute ; Soranos97, Oribase98, comme Pline l’Ancien99 sont d’accord : le surpoids engendre la stérilité.
Les conséquences sociales de la stérilité
17Cependant, même si l’on est conscient que la femme n’est pas forcément la seule responsable dans une alliance demeurée stérile, c’est elle qui en paie les conséquences. Les auteurs latins rapportent que les premiers cas de divorce prononcés à Rome avaient pour cause la stérilité100. Spurius Carvilius Ruga, au iiie siècle avant n. è., se serait séparé de son épouse car celle-ci ne lui donnait pas d’enfants, l’empêchant d’honorer le serment fait face aux censeurs de prendre femme dans le but d’avoir une descendance. Plutarque rapporte que Sylla aurait répudié sa femme, Cloelia, pour ce motif101. Il s’agit donc bien d’une raison de divorce. La situation ne s’est probablement pas améliorée avec la mise en place des lois natalistes augustéennes : restriction de la transmission des biens en faveur des célibataires et des hommes sans enfant, institution des droits liés aux trois enfants… Le Digeste semble arguer que c’est toujours un motif de séparation au ve siècle n. è.102. Parfois, l’affection est plus forte que le devoir civique et on a conservé l’éloge funèbre d’une femme dont le mari a refusé de divorcer malgré la stérilité de leur couple103. À aucun moment, dans ce document, on ne met en doute le fait que ce soit la femme qui est stérile. Néanmoins, cet exemple montre qu’il y a toujours un écart entre la norme et la pratique. La théorie veut qu’on divorce d’une femme stérile, car inutile en quelque sorte. En réalité, il ne faut pas négliger les liens affectifs qui se créent entre les époux et qui peuvent pousser à aller au-delà de la pathologie et des prescriptions sociales. Si la stérilité n’entrave pas l’activité féminine dans son quotidien, elle l’empêche de réaliser son devoir social.
Les autres atteintes du corps
18Si les textes ont bien souvent réduit la condition corporelle de la femme à son activité génitale, la stérilité n’est pas la seule atteinte au corps dont elles ont souffert. Elles ont contracté les mêmes maux que les hommes, et Soranos ne dit pas autre chose dans les Maladies des femmes, lorsqu’il s’interroge sur l’existence d’affections leur étant spécifiques. Selon lui, il n’existe aucune pathologie exclusivement féminine, à l’exception de la conception, de la charge du développement du fœtus, de sa mise au monde, et de la lactation104. Le féminin n’est donc pas différent du masculin sur le plan de la thérapeutique générale, et c’est probablement en vertu de cela que la femme n’est évoquée dans la littérature médicale qu’en fonction des états qui lui sont propres : les maladies de l’utérus et la grossesse. Les sources archéologiques et les nouvelles perspectives de recherches qui en découlent viennent nous aider à compléter ce tableau des altérations qui auraient touché de manière préférentielle des sujets féminins. On l’a vu dans les pages précédentes, les ossements sont une source précieuse car ce sont les seuls à pouvoir nous éclairer sur une réalité bien connue aujourd’hui mais ignorée des Anciens : la fragilisation de la structure osseuse à cause de l’ostéoporose, une pathologie qui ne touche pas exclusivement les femmes, mais les concerne pour la majorité des cas. Cette maladie, fréquente après la ménopause105, se caractérise par une fragilité excessive du squelette favorisant les fractures. S. A. Mays106 a mené une étude sur ce sujet d’après 39 squelettes de femmes issus des fouilles d’une nécropole datant des iiie et ive siècles n. è. sur le site d’Ancaster (Lincolnshire). L’anthropologue observe une diminution de la masse osseuse avec l’âge plus importante chez les sujets romano-britanniques que chez un échantillon composé de patientes actuelles, ce qui suggère que la masse osseuse acquise durant la croissance était déjà plus basse pour les personnes de la nécropole antique. Bien qu’il soit impossible d’établir un lien entre la faible masse osseuse des habitantes d’Ancaster et les fractures des vertèbres, de la hanche ou du poignet, on a observé que celles-ci sont associées à l’ostéoporose dans les populations actuelles. Une fréquence élevée de ce type de traumatismes chez les individus plutôt âgés de la communauté est visible107, ce qui permet de suggérer de manière convaincante qu’il pourrait s’agir ici de manifestations d’ostéoporose. En admettant cela, l’auteur conclut que cette pathologie a pu avoir des conséquences graves sur la santé des femmes âgées de la communauté d’Ancaster en raison du nombre important de fractures relevé. S’il n’est pas possible de tirer de conclusions générales à partir de l’étude d’un seul échantillon, l’expérience est néanmoins très intéressante car elle permet d’envisager encore un peu mieux les soins potentiels apportés aux individus atteints, que ce soit de manière provisoire ou définitive. Mays précise que, la plupart du temps, les fractures ont été bien soignées, ce qui implique des soins après l’incident, mais aussi le respect d’un certain temps d’immobilité afin que l’os se reconsolide. Dès lors, on peut imaginer qu’il existait une entraide, qu’elle soit familiale ou communautaire envers les sujets provisoirement immobilisés, ou du moins que ces derniers pouvaient se voir confier des tâches réalisables en fonction de leur état.
19Enfin, on peut s’interroger sur les conséquences sociales de l’infirmité féminine. La pensée des Anciens semble claire : la femme naît pour être placée dans les liens du mariage afin de concevoir des enfants. La stérilité, on l’a vu, peut entraîner le divorce ; mais qu’en est-il des autres, celles dont la déficience est visible avant même d’avoir conclu une alliance ? Là encore, la question est délicate et il semble difficile d’apporter une réponse générique. Chaque cas a dû être envisagé séparément en fonction du défaut dont il est question et de la catégorie sociale à laquelle appartenaient les individus concernés. Dans son ouvrage consacré au handicap en Grèce ancienne, M. L. Rose émet l’hypothèse selon laquelle une difformité dévalue une mariée, mais la déficience physique ne rend pas forcément la femme incapable d’accomplir sa tâche première : engendrer108. Qu’en est-il à Rome ? Le mariage romain, du moins chez les élites, s’inscrit régulièrement dans un réseau de stratégies d’alliances sans dimension affective. On peut supposer que des femmes issues d’une grande famille aristocratique et pourvues d’une dot confortable ont, sans doute réussi à se marier en dépit de leur laideur ou autre déficience physique mineure, qui n’entravait pas la capacité à procréer109. Craignait-on une transmission des défauts de la mère aux futurs enfants qui résulteraient de cette union ? Dans les strates sociales inférieures de la population, il est probable que des caractères physiques indésirables de type esthétique ne comptaient pas et que ce sont des incapacités fonctionnelles qui aient posé problème, puisque chez les plus pauvres, la femme devait sans doute aussi travailler pour subvenir aux besoins du ménage. Mais, une fois encore, la question est très ambiguë car, on l’a vu avec l’exemple de l’infirme d’Herculanum, des tâches pouvaient être assignées en fonction des aptitudes de chacun et que, dans ces conditions, avoir une incapacité physique n’était pas nécessairement synonyme de fardeau économique pour la famille ou la communauté à laquelle on appartient. De nouveau, il convient d’avancer prudemment en concluant que la situation de ces femmes devait dépendre de la déficience dont il était question sans pour autant négliger la question des paramètres d’ordre affectif. Lucien rapporte le cas de Ménécrate qui avait une fille laide et contrefaite (κόρῃ αἰσχρᾷ καὶ λελωβημένῃ). L’ami de celui-ci, Zénothémis, en dépit des protestations du père, et par amitié pour celui-ci, la prit pour femme. L’auteur précise même qu’il l’aima avec tendresse et ne rougissait pas de l’avoir épousée. La fortune l’a récompensé de ses sentiments généreux car de cette femme si laide, il a eu un petit enfant charmant (παιδίον γὰρ πάγκαλον)110. À aucun moment, il n’est question des sentiments de la femme ou de son consentement, c’est d’amitié entre le père et le gendre dont il s’agit. D’après Lucien, Ménécrate aurait été un riche massaliote privé de ses biens par le conseil des Six-Cents à la suite d’un décret, contraire aux lois, qu’il aurait proposé. Il avait une fille contrefaite dont les défauts sont décrits en amont de l’épisode du mariage. Cydimaque, qualifiée de « monstre horriblement traité par la nature, un spectre effrayant », avait la moitié droite du corps desséchée (ξηρὰ τὸ ἥμισυ τὸ δεξιὸν) et un œil éraillé (τὸν ὀφθαλμὸν ἐκκεκομμένη)111. Cette description reste assez vague quant aux déficiences réelles de la jeune femme. On insiste sur sa laideur mais on ne sait pas vraiment quelles incapacités potentielles se cachaient derrière ce côté droit flétri ; s’agissait-il d’une paralysie ? Rien ne le dit. Aussi laide qu’ait été Cydimaque, elle pouvait concevoir et on souligne le fait qu’elle a mis au monde un enfant charmant à qui elle n’a pas transmis ses défauts, et c’est bien tout ce qui compte : épouser une femme capable de procréer et surtout de bien le faire. Cydimaque est laide et contrefaite ? Qu’importe : elle a accouché d’un bel enfant !
L’altération du corps féminin : un sujet de satire sociale ?
20Il reste un aspect du regard porté sur la femme infirme à Rome à explorer : celui de la satire et la caricature. Ce genre littéraire éclaire le regard posé par les hommes au moyen de topoi pour fustiger les mœurs décadentes de prostituées ou de femmes luxurieuses. Quelle place occupe l’atteinte corporelle dans ce type d’écrits ? Les auteurs latins, notamment à la fin de la République et sous l’Empire, ont régulièrement critiqué les habitudes de leurs concitoyens amollis par les richesses et dont les pratiques n’étaient plus fidèles au Mos maiorum. Dans ce cadre, la figure générique de la femme vieille, malade, laide, voire infirme, a parfois été utilisée afin de souligner le caractère déviant de certaines modes au sein de la société romaine. La maladie ou la difformité n’est pas ici à prendre au premier degré ; elle devient la métaphore d’un défaut moral, elle est le reflet physique de la déviance psychologique d’un individu. Dans la littérature satirique, la femme de mauvaise vie aux mœurs dissolues, est quasi immanquablement affublée d’une déficience honteuse qui prête à rire. Pour que la caricature suscite le rire auquel elle aspire, il faut qu’elle se fonde, ne serait-ce que très partiellement, sur le constat d’une réalité ou, si ce n’est pas le cas, qu’elle fasse référence à des préjugés assez répandus dans la société pour que le lecteur puisse saisir les codes utilisés afin de déclencher son hilarité. Des commentaires acerbes peuvent apparaître au premier abord, comme de simples moqueries ponctuelles et isolées, mais elles sont en réalité codifiées et font référence à la critique d’un défaut bien précis. La figure de la femme borgne, par exemple, est régulièrement employée chez les satiristes, notamment Martial ou Juvénal, pour stigmatiser une dépravation d’ordre sexuel, et en général l’excès de sexualité. Un cas exemplaire est celui de Philaenis chez Martial112, nommée ainsi en référence à l’auteur antique d’un manuel érotique. Philaenis n’est pas une femme précise, elle incarne le type de la femme dépravée dont le corps porte les stigmates de sa mauvaise conduite113. La laideur, la vieillesse et la décrépitude sont aussi utilisées pour décrire des femmes dont l’attitude ne convient plus à leur âge, ni leurs excès à la bienséance ; la vieillesse (prématurée) et la laideur ne sont alors que les manifestations physiques de leur comportement :
« Tu as vu, Vétustilla, trois cents consuls et tu n’as plus que trois cheveux et quatre dents ; tu as une poitrine de cigale, une jambe et un teint de fourmi ; ton front offre plus de plis que ton manteau et tes seins sont pareils à des toiles d’araignée. Comparée à ta bouche béante, la gueule du crocodile du Nil paraît plus étroite ; plus mélodieux que ta voix est le coassement des grenouilles de Ravenne, plus doux le bourdonnement des moustiques de la Vénétie. Tu y vois tout autant que la chouette au matin et tu répands la même odeur que le mâle de la chèvre ; tu as le croupion d’une cane maigre, et un vieux philosophe cynique ne pourrait rivaliser avec les os de tes parties intimes. Ce n’est qu’après avoir éteint la lampe (il ne peut supporter la vue de ce squelette) que le baigneur te laisse entrer, au milieu des prostituées des tombeaux ; l’hiver règne encore pour toi au mois d’août, et celui-ci ne saurait te dégeler par son air pestilentiel. Après deux cents veuvages tu as encore l’audace de rêver mariage et tu as la folie de vouloir qu’un homme ait envie de tes cendres. Pourquoi ne s’amouracherait-il pas de ce rocher qu’est Sattia ? Qui appellera sa compagne, qui appellera son épouse celle que Philomélus a dernièrement appelée son aïeule ? Si tu tiens à faire chatouiller ta carcasse, qu’on dresse un lit emprunté à la salle à manger d’Acorus – le seul qui convienne à tes noces – et que l’allumeur des bûchers funèbres porte devant toi le flambeau d’hyménée : il n’y a qu’une torche funéraire qui soit faite pour entrer dans ce vagin décrépit114. »
21Cette épigramme illustre parfaitement la démarche de Martial qui consiste à lier pratique sexuelle abusive et marque physique. Tout y est, du nom de la personne jusqu’à ses stigmates physiques. Vetustilla personnifie l’antithèse du modèle de la décence romaine. Tous les sens sont concernés par cette exacerbation indécente des mœurs sexuelles. Le nom même de Vetustilla (de uetus et uetustus) annonce la couleur. Le corps est vieilli (raréfaction des cheveux et des dents, rides…), maigre, tel un squelette, son odeur de bouc déplaisante ; elle est aveugle comme une chouette le matin115, et les orifices sont distendus, tel son vagin, assez vaste pour accueillir une torche funéraire. Vetustilla est l’archétype de la femme licencieuse et cela s’inscrit jusque dans son corps.
22L’excès de luxure n’est pas le seul défaut dénoncé par la figure de la femme au corps défaillant. La coquetterie excessive, surtout celle des prostituées dont c’est la source de revenus, a aussi été vivement critiquée par les satiristes.
« Bien que, tout en restant chez toi, tu te fasses attifer en pleine rue de Subura et qu’on te fabrique, Galla, la chevelure qui te manque ; bien que chaque soir tu ôtes tes dents tout comme ta robe du soir, que tu reposes emmagasinée dans une centaine de boîtes et que ton visage ne dorme pas avec toi-même, tu me provoques avec le sourcil que pour toi on a sorti de sa boîte à ton réveil, sans aucun respect pour ton bas-ventre blanchi par l’âge, et que tu pourrais déjà mettre au nombre de tes aïeux116. »
23Là encore la critique d’ordre sexuel n’est pas loin, mais on souligne surtout la surabondance d’artifices employés par les femmes pour conserver leur séduction. Les plus fréquents sont les dents et cheveux factices117. Sous la plume de Martial, ces remontrances semblent toujours s’adresser à des courtisanes. On retrouve l’écho de ce soin du corps des femmes pour les préserver des rides ou des taches sur le visage chez des auteurs plus sérieux comme Pline l’Ancien, qui s’adresse sans doute à un public plus aristocratique, et qui fournit nombre de recettes. Pour plaire, il convient d’être jeune, belle et d’avoir un bon teint. Les satiristes raillent les femmes vieillies qui tentent de masquer leur âge, une pratique répandue, comme semble l’attester le nombre impressionnant de traitements mentionnés par le naturaliste118. Même Celse concède qu’il est naturel pour les femmes – mais futile pour un homme – de vouloir prendre soin de leur visage119. Pline donne aussi des recettes pour endiguer la chute des cheveux120. Il semble donc que les railleries des satiristes se fassent l’écho de pratiques qui ont cours dans la société romaine. L’image de la femme affaiblie est aussi utilisée dans d’autres contextes. D’autres maux sont critiqués dans le monde romain, comme le développement des mets raffinés, l’abus du vin et de la nourriture. Sous l’Empire, l’obésité devient une véritable maladie, associée à un genre de vie trop riche, identifiée par les médecins. Caelius Aurelianus, dans ses Maladies chroniques, la décrit comme un développement excessif de la chair du corps, bien au-delà des conditions naturelles les plus extrêmes, qui alourdit le corps et l’entrave121.
24Enfin, signe ultime de la corruption des mœurs, des maladies censées toucher exclusivement les hommes finissent par atteindre les femmes. La goutte est l’exemple le plus fameux122. À Rome, la goutte est la maladie qui apparaît comme le châtiment d’un genre de vie123 et sanctionne notamment les abus alimentaires et une sexualité pervertie. Sur le plan archéologique, nous disposons des restes osseux d’une femme âgée de 35 à 40 ans de la nécropole de la Via Collatina à Rome124. Cependant, ceux-ci ne viennent en rien abonder dans le sens de Sénèque, car il ne s’agit probablement pas des ossements d’une femme riche. Celle-ci a été retrouvée sans la moindre offrande funéraire et ses os portent les traces d’une activité physique vigoureuse, probablement dues à un travail assez dur. Le sujet montre des signes de goutte : ceux-ci ne sont donc pas l’effet de l’alimentation. Cette femme est d’une taille nettement inférieure à la moyenne du site ; on estime qu’elle mesurait entre 135 et 140 cm, alors que la normale pour cette nécropole était d’environ 155 cm. L’équipe qui a étudié ces restes pense que la petite taille de cette femme est à mettre en rapport avec un dysfonctionnement endocrinien qui a stoppé sa croissance. Or, dans 15 % à 20 % des cas de goutte aujourd’hui, les patients présentent une hypothyroïdie ; la pathologie goutteuse de la femme de la Via Collatina n’est pas à relier avec des excès de table125.
25La représentation métaphorique du corps de la femme vieillissante, laide et infirme, a été utilisée pour traduire la corruption des mœurs d’une époque, et démontre à quel point le Romain est régi par l’idée qu’un corps sain reflète un esprit sain, et inversement. Si le corps est le reflet extérieur de l’âme, une femme infirme constitue un symbole parfait de la déviance, elle qui, de nature, est déjà un être diminué.
Notes de bas de page
1 La stérilité est donnée par Valère Maxime et Aulu-Gelle comme la cause des premiers divorces à Rome : Faits et dits mémorables, II, 1, 4 ; Nuits attiques, IV, 3, 2. Sur la stérilité : Blomme, 2001 ; Corvisier, 2001 ; Gourevitch, 1984b, p. 142-147 ; 2013a ; Gourevitch et Raepsaet-Charlier, 2001 ; Gruson, 2001.
2 Aristote, De la génération des animaux, IV, 3 (768).
3 Sissa, 1991, p. 84 et suiv. ; 2000, p. 42-43.
4 Aristote, Histoire des animaux, X, 6.
5 Aristote, De la génération des animaux, IV, 6 (775a).
6 Ibid., IV, 4 (770b).
7 Ibid., I, 20 (727b).
8 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XI, 133. Vons, 2000.
9 Ibid., XI, 269.
10 Cicéron, Lettres aux familiers, XVI, 27 (Correspondance, DCCCXXXIV).
11 Rappelons que la mollesse peut être entendue comme un caractère féminin, la femme étant d’un tempérament humide, voire spongieux, mou, et froid en complète opposition avec l’homme qui est sec et chaud.
12 Quintilien, Institution oratoire, XI, 3, 19.
13 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, I, 11. King, 2008.
14 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XI, 262.
15 Ibid., XXVIII, 70.
16 Ibid., VII, 64.
17 Ibid., XXVIII, 22 ; XXVIII, 83.
18 Selon l’expression employée par Vons, 2000, p. 100.
19 Par exemple : CIL VI, 4458 ; II, 497 ; V, 3461 ; XII 3343 ; XIII 4334. Pour les allusions dans la littérature, voir : Alonso, 2011 ; Dana, 2014 ; Flemming, 2000 ; Künzl, 2013 ; Parker, 1999 ; 2012b, p. 122-124 ; 2012a.
20 Celse, De la médecine, IV, 27.
21 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes.
22 Théodore Priscien, Rerum medicarum. Le livre III est intitulé Gynaecia, seu de mulierum accidentibus et curis eorumdem.
23 Caelius Aurelianus, Gynaecia.
24 Mustio, Gynaecia.
25 Corsi, 1988, p. 47-48.
26 Ibid.
27 Del Guerra, 1953. Voir aussi Congourdeau, 1994.
28 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, III, 1 et CIG, II 3272.
29 Aulu-Gelle, Nuits attiques, I, 12, 1-5. Voir aussi Fronton, Sur l’éloquence, IV, 1.
30 Baroin, 2011, p. 296-298. Voir aussi Morgan, 1974, p. 137-138.
31 Ibid., p. 297.
32 Ibid. ; Scheid, 1986, p. 228. Voir aussi Wilgaux, 2009, p. 241.
33 Dion Cassius, Histoire romaine, LIV, 24.
34 D. 3. 1. 1. 5 (Ulpien au liv. 6 sur l’Édit).
35 Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines, II, 67, 3.
36 D. 3. 1. 1. 5 (Ulpien au liv. 6 sur l’Édit).
37 D. 3. 3. 41 (Paul au liv. 9 sur l’Édit).
38 D. 3. 3. 54 (Paul au liv. 50 sur l’Édit).
39 Sénèque le Rhéteur, Controverses, VII, 4.
40 Dasen, 2003b ; 2010 ; 2012 ; 2015a, p. 249-280 ; Jaeggi, 2018.
41 Aulu-Gelle, Nuits attiques, XII, 1, 20-23.
42 Ibid., XII, 1, 17.
43 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XVIII, 130 ; XX, 39 ; XX, 198 ; XXVIII, 72 ; XXX, 71 ; XXXVI, 146. Vons, 2000, p. 117.
44 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, II, 10.
45 Dasen, 2003b, p. 157.
46 SEG, 42, 1680 ; Chaniotis, 2009, p. 9-10.
47 Pardon-Labonnelie, 2004, p. 59-62.
48 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XI, 150.
49 Anonyme latin, Traité de physiognomonie, 30.
50 Pardon-Labonnelie, 2004, p. 60.
51 Anonyme latin, Traité de physiognomonie, 30.
52 Si l’on met de côté, pour l’instant, les objets issus de la plastique smyrniote et alexandrine qualifiés de grotesques.
53 Corrocher, Hilaire et Piboule, 1989, p. 148-151 ; Landes (dir.), 1992, p. 83 et p. 201-202 ; Gourevitch et Grmek, 1998, p. 295 ; Descamps-Lequime, 2014, p. 278-279.
54 Gourevitch et Grmek, 1998, p. 295.
55 Charlier, 2003, p. 69-73.
56 Ibid., p. 70.
57 Ibid., p. 71.
58 Catalano, Minozzi et Caldarini, 2012, p. 270.
59 Graham, 2013, p. 259-266.
60 Capasso, 2001.
61 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, II, 6a.
62 Gourevitch, 2011, p. 162-163.
63 Capasso, 2001, p. 884.
64 Ibid., p. 836.
65 Bisel, 2002, p. 472 ; Capasso, 2001, p. 751-759.
66 Il ne semble pas possible de mettre ces signes osseux en rapport avec l’hypothèse de l’usage de cannes évoquée par Bisel car, pour L. Capasso, l’absence d’arthrose ou de dégénérescence des articulations des membres inférieurs prouverait que cette personne a, très tôt, été immobilisée.
67 Molto, 2000.
68 Sur ce point voir cette matrone romaine qui propose le divorce à son mari, car elle semble incapable de procréer (Éloge funèbre d’une matrone romaine, II, 31), bien qu’il soit impossible de dire, en réalité, si le problème venait de la femme ou du mari. Le vocabulaire employé par l’époux semble révéler la désolation de l’épouse qui ne peut donner la vie.
69 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, I, 11.
70 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VII, 58.
71 Il s’agissait probablement d’une préoccupation importante pour la future belle-famille, Hanson et Green, 1994, estiment d’ailleurs que Soranos écrivait à destination du paterfamilias (une hypothèse encore débattue).
72 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, I, 11 ; Hippocrate, Des maladies des femmes, I, 22.
73 Blomme, 2001, p. 213.
74 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VII, 67.
75 Blomme, 2001, p. 214-219 ; Vons, 2000, p. 176-178.
76 Les produits ont une forte charge symbolique (thérapie mimétique, ou des contraires…).
77 Mais sans toujours préciser ce qui fait leur valeur. Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXVIII, 52 ; XXXI, 8 ; Celse, De la médecine, V, 21, 7.
78 Ibid., XXVIII, 97.
79 Les recettes emménagogues sont nombreuses. Par exemple : Celse, De la médecine, V, 21, 1. Voir aussi Bodiou, 2006 ; 2000.
80 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXXV, 32.
81 Celse, De la médecine, VII, 28.
82 Aristote, Histoire des animaux, X, 4 (636b) ; De la génération des animaux, IV, 4 (773a).
83 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VII, 57.
84 Ibid., VII, 69.
85 Corvisier, 2001.
86 Lucrèce, De la nature, IV, v. 1248-1259.
87 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, III, 12.
88 Voir les travaux de V. Dasen et Gaillard-Seux, 1998.
89 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VII, 57-58.
90 Ibid., XVII, 62 ; XXV, 40 ; XX, 262 ; XXVI, 162 ; XXX, 123 ; XXVIII, 248. Voir Vons, 2000, p. 174.
91 Stace, Silves, I, 2, 267-273.
92 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXVIII, 253.
93 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, I, 10.
94 Ruptures utérines, fistules vésico-vaginales ou larges déchirures du périnée avec fistules rectovaginales…
95 On observe des séquelles de ce type chez les fillettes mariées de force et victimes de grossesses précoces, notamment au Yémen. Il est donc probable que les jeunes Romaines connaissaient les mêmes problèmes. Je remercie V. Dasen pour cette information.
96 Bradley, 2011 ; Gourevitch, 1985.
97 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, I, 11.
98 Oribase, Synopsis, IX, 43.
99 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XI, 212.
100 Aulu-Gelle, Nuits attiques, IV, 3, 2 ; Valère Maxime, Faits et dits mémorables, II, 1, 4.
101 Plutarque, Vie de Sylla, VI, 21.
102 D. 24. 1. 60. 1 (Hermogénien au liv. 2 de l’abrégé du droit).
103 Éloge funèbre d’une matrone romaine, II, 31-42.
104 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, III, 1.
105 La masse osseuse diminue avec l’âge et la carence en œstrogènes.
106 Mays, 2006.
107 Rappelons qu’il n’est pas possible de dire précisément à quel âge est intervenue une fracture sur un squelette.
108 Rose, 2003, p. 45-47.
109 Martial, Épigrammes, I, 10.
110 Lucien, Toxaris, 25-27.
111 Ibid., 24.
112 Martial, Épigrammes, pour Philaenis : II, 33 ; IV, 65 ; XII, 22 ; pour d’autres borgnes : III, 8 ; III, 39.
113 Boehringer, 2011.
114 Martial, Épigrammes, III, 93.
115 Un animal qui vit la nuit comme les dépravés.
116 Martial, Épigrammes, IX, 37.
117 Ibid., V, 63 ; VI, 12 ; XII, 23.
118 Vons, 2000, p. 243-258. Contre les taches de la peau et du visage : Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XX, 248 ; XXIII, 54 ; XXIV, 186 ; XXI, 159 ; XXI, 83 ; XXX, 29 ; XXI, 129, XXIII, 85 ; XX, 248 ; XXIII, 110 ; pour combler les rides : ibid., XXIII, 85 ; XXVI, 163 ; XXVIII, 26 ; XXVIII, 183 ; XXX, 30 ; XXVI, 163 ; XXXII, 84 ; XXXII, 50.
119 Celse, De la médecine, VI, 5.
120 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XX, 27.
121 Caelius Aurelianus, Maladies chroniques, V, 129-130.
122 Sénèque, Lettres à Lucilius, 95, 20.
123 Gourevitch, 1984a, p. 217-250.
124 Minozzi, Bianchi et Pantano, 2013, p. 1-4.
125 Il est à noter qu’on sait aujourd’hui que si les excès alimentaires tant en viande qu’en alcool peuvent favoriser le déclenchement de la goutte, la cause exacte en reste mal connue.
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