Hommes et femmes dans la résistance armée antifranquiste en Espagne (1939-1952)
L’impossible mixité
p. 121-138
Texte intégral
Une résistance méconnue
1La résistance armée contre la dictature de Franco, qui se développe en Espagne après la fin de la guerre civile (1936-1939), en particulier à partir de 1943-1944, et dure jusqu’au début des années 1950 reste un phénomène mal connu, même en Espagne et malgré une bibliographie qui commence à être abondante sur la question1. L’origine de ce mouvement de résistance, majoritairement rural, se trouve dans des groupes de soldats républicains et de militants de gauche qui se sont enfuis pendant la guerre, ou à la fin de celle-ci, dans les montagnes pour échapper à la répression franquiste. Les rangs de ces « fuyards » (appellation sous laquelle ils sont connus au tout début, surtout dans le Nord de l’Espagne) furent ensuite grossis pendant tout l’après-guerre par des personnes considérées comme « de gauche » et tombées sous la coupe de la répression gouvernementale. Peu à peu, ces groupes s’organisent en structures stables : en 1942 est créée la première organisation de la résistance armée contre le franquisme, la Fédération de guérillas de Léon-Galice, dotée d’une direction pluraliste où sont représentées différentes organisations politiques de la résistance antifranquiste (socialistes, anarchistes et communistes)2. À partir de 1943-1944 les dirigeants du Parti communiste d’Espagne tentent de coordonner cette résistance depuis l’exil français et de lui donner une portée nationale. Cette coordination n’existera réellement que sur le papier, et la résistance armée antifranquiste reste un phénomène très hétérogène et fragmentaire, avec des chronologies et des caractéristiques politiques et sociales différentes en fonction des zones où elle est implantée.
2Bien qu’étroitement connectée à l’histoire européenne et aux différentes résistances antifascistes qui se développent au même moment dans l’Europe occupée, en particulier à la Résistance française – à laquelle participent de nombreux Espagnols3 –, la résistance espagnole contre le franquisme a de fortes particularités. Elle fait suite à une guerre civile de trois ans particulièrement violente, dont le rôle de « brutalisation » de la société espagnole pourrait être comparé à celui de la Première Guerre mondiale dans le reste de l’Europe. La résistance armée des années 1940 peut se lire à la fois comme une conséquence et comme une prolongation de cette violence de guerre civile. La guerre avait brisé les solidarités sociales et politiques et la répression de la dictature finit d’anéantir les organisations ouvrières et paysannes sur lesquelles pouvait s’appuyer la résistance. Celle-ci devra donc reconstruire patiemment les réseaux militants et remobiliser une population déjà traumatisée. Par ailleurs, la dynamique de guerre civile a pénétré jusqu’au plus profond des communautés au niveau local. La résistance doit ainsi faire face non seulement à la répression officielle, mais aussi à l’hostilité active d’une partie de la population, qui collabore de bon gré avec les forces de l’ordre. Enfin, l’Espagne ne subit pas une occupation étrangère. Si le discours patriotique est fortement mobilisé par la résistance antifranquiste (comme il l’a déjà été par les deux camps pendant la guerre civile), l’argument est nettement moins efficace que dans le reste de l’Europe.
3Tout cela explique le faible taux de mobilisation de cette résistance en ce qui concerne les groupes de guérilla. Les spécialistes ont comptabilisé entre 6000 et 8000 guérilleros qui faisaient effectivement partie des groupes armés pendant la période 1939-1952, et parmi ceux-ci entre 100 et 150 femmes, un taux d’à peine 2 % qui mériterait d’être interrogé4. Or, ce qui rend importante cette résistance dans l’Espagne de l’après-guerre n’est pas tant le nombre des hommes (et les très rares femmes) en armes, mais l’étendue des réseaux de solidarité que cette résistance fut capable de mobiliser et surtout l’ampleur de la répression déployée par la dictature pour venir à bout du mouvement. Des sources proches de la dictature font une estimation de 60000 personnes impliquées, chiffre sans doute en dessous de la réalité. D’après l’historien Francisco Moreno, plus d’un tiers de ces collaborateurs seraient des femmes ; d’autres historiens portent ce chiffre à 50 %5. Ces réseaux deviennent vite les premiers fournisseurs de nouveaux membres de la guérilla. Surtout à partir de 1945-1946, la plupart des nouvelles recrues de la guérilla sont d’anciens sympathisants actifs, agents de liaison ou puntos de apoyo qui, découverts par les forces de l’ordre, partent dans la montagne pour rejoindre les groupes armés. Les femmes, pourtant nombreuses dans ces réseaux et tout aussi exposées à la violence de la répression (d’ailleurs plusieurs en sont mortes lors d’exécutions extrajudiciaires), ne prennent le chemin du maquis qu’exceptionnellement. Selon toutes les apparences, elles n’y sont pas encouragées.
4La guérilla, comme tout phénomène ayant trait à la guerre ou à la lutte armée, apparaît ainsi comme un phénomène très fortement soumis à des logiques de genre qui déterminent la place et la fonction des individus dans le mouvement. Pourtant, ces logiques ont très peu intéressé les historiens espagnols qui ont étudié la guérilla. Son caractère très majoritairement masculin, alors même que les milicianas de 1936 représentent un des traits distinctifs de la mobilisation antifasciste dans l’Espagne des années 1930, est entériné et naturalisé. L’explication régulièrement fournie pour parler de la présence de femmes dans la guérilla fait systématiquement allusion à leurs liens affectifs et familiaux avec les guérilleros ; on écrit ainsi qu’elles se sont engagées en suivant leurs hommes, voire « comme preuve d’amour6 ». Quant aux réseaux d’aide à la guérilla, où les femmes sont beaucoup plus nombreuses, ils reçoivent une attention pour le moins marginale. Ainsi, en élaborant un récit de cette résistance qui met l’accent sur ses aspects politico-militaires, et qui fait des rares femmes combattantes les compagnes des hommes (qui, eux, se seraient toujours engagés par militantisme pur), l’historiographie de la guérilla antifranquiste fait écran à la fois aux motivations souvent multiples de l’engagement des hommes et des femmes – qui dans les deux cas, mélangent souvent le politique et l’idéologique avec le personnel et l’affectif –, aux trajectoires militantes féminines et aux logiques genrées à l’œuvre dans la résistance, qui ont fini par faire des groupes de guérilla un espace où la mixité était, sinon impossible, au moins fortement problématique.
Le genre de l’engagement antifranquiste
5Dans une bonne partie de l’Espagne, la résistance antifranquiste constitue un prolongement de la guerre civile : elle représente l’effort des vaincus, en particulier ceux appartenant aux classes populaires (surreprésentées dans les rangs de la guérilla)7 pour ne pas se laisser anéantir. Dans certains endroits, celle-ci se met en place avant même la fin du conflit, en particulier dans le Nord de l’Espagne et l’Andalousie, à mesure que ces territoires tombent dans les mains de l’armée franquiste. Par la suite, des déserteurs de l’armée franquiste et des prisonniers républicains en fuite alimentent aussi ces groupes : on y retrouve également des responsables et des militants politiques (des maires républicains ou des conseillers municipaux par exemple), des syndicalistes ou de simples paysans, menacés car ils étaient perçus comme ayant des sympathies « de gauche ». Ces premiers groupes de résistants sont déjà majoritairement masculins : comme l’écrit l’historien Jorge Marco, « le profil moyen du guérillero en Espagne était un jeune homme, paysan, voisin d’un village de montagne, ex-combattant républicain, avec une forte identité antifranquiste, mais avec peu ou pas d’expérience militante avant 19368 ».
6Or, malgré cette forte masculinisation, on a pu trouver la trace de quelques femmes qui font partie de ces premiers groupes de « fuyards », en particulier dans les Asturies et la Galice, mais aussi dans la région de la Mancha, l’Extremadure et l’Andalousie. Certaines sont d’anciennes milicianas, comme Rosario « la Maña », qui avait combattu auprès de son mari sur le front des Asturies, ou comme Enriqueta Otero, guérillera galicienne qui eut un rôle central dans l’organisation des guérillas galiciennes et qui avait obtenu le grade d’officier pendant la guerre9. D’autres ont un passé militant, comme les sœurs Elvira et Asuncion Rodriguez Pulgar, qui appartenaient aux Jeunesses Socialistes de Moreda (Asturies), dont Elvira fut la première secrétaire10. De même, Estefania Cueto Puertas « Fanny », qui pendant un certain temps fut intégrée à un groupe de guérilleros, avait été une dirigeante de l’organisation de femmes antifascistes des Asturies11. Deux rapports élaborés par des guérilleros de Galice et des Asturies font également allusion au caractère mixte de certains des premiers groupes de guérilla12. Enfin, l’historien Francisco Moreno a pu identifier 26 femmes intégrées dans les guérillas des montagnes du Centre-Sud de l’Espagne, dont certaines prirent le maquis dès les premiers moments de la formation des groupes13. Malgré un stéréotype bien implanté dans l’historiographie, qui fait de l’engagement féminin dans la guérilla (et en particulier dans les groupes armés) une affaire amoureuse, on constate que parmi ces femmes plusieurs ont milité préalablement dans des organisations politiques, certaines ayant occupé des postes de responsabilité.
7À mesure que la situation se stabilise, que les groupes armés prennent une position offensive et s’organisent en agrupaciones guerrilleras (souvent de portée provinciale, voire régionale), la plupart du temps sous le contrôle du PCE, un double mouvement semble s’amorcer. D’une part, l’incorporation de femmes aux groupes de résistants dans la montagne, déjà rare, devient exceptionnelle. Plus les formations de résistance sont organisées selon un modèle strictement militaire, plus la présence des femmes devient problématique. D’autre part, les guérilleros tentent d’organiser des réseaux d’aide dans les villages proches. Or, les premières personnes impliquées dans ces réseaux sont souvent les membres de leur famille, et au premier chef les femmes. Ainsi, de nombreux paysans et paysannes se virent impliqué·e·s dans l’aide aux guérillas, dans un contexte où aux traumatismes déjà vécus pendant la guerre se rajoutaient la tension et la brutale répression liées à la présence des groupes armés.
8L’aide à la guérilla revêtait la plupart du temps un aspect relativement banal, puisqu’il s’agissait surtout d’assurer la survie quotidienne des guérilleros en leur fournissant de la nourriture et des vêtements, ainsi que des soins s’ils étaient blessés ou malades. Du fait que ces tâches « domestiques » étaient souvent – mais pas toujours – accomplies par des femmes, on en a un peu vite déduit que celles-ci vivaient cet engagement comme un prolongement de leurs tâches quotidiennes, même si les circonstances étaient exceptionnelles, et que le sens politique de ces actions leur était attribué a posteriori, principalement parce que l’accomplissement de ces tâches était aux yeux des autorités un acte illégal et subversif, puni par la détention, la torture ou même la mort. Or, s’il est certain que les populations ont vécu la répression de ces actes comme une profonde injustice – puisqu’elle allait à l’encontre des traditions paysannes d’aide aux proches et du devoir d’hospitalité –, aider un guérillero, fût-il un proche, avait un sens indéniablement politique dans des communautés où la guerre civile avait exacerbé les divisions idéologiques. Et les femmes, tout apolitiques qu’elles fussent, ne l’ignoraient absolument pas. Ainsi, dans leurs témoignages, les anciennes collaboratrices de la guérilla marquent clairement le moment où l’accomplissement des tâches qui leur sont traditionnellement dévolues prend un sens politique, même si le mot n’est pas prononcé, pas plus que celui de « résistance14 ».
9Les femmes qui ont témoigné sur leur engagement dans l’aide à la guérilla racontent souvent celui-ci comme un processus de prise de conscience, un glissement qui part d’un sentiment d’injustice et d’un devoir humanitaire vers un engagement plus clairement politique. La plupart du temps, la violence de la répression vécue ou observée est à l’origine de cet engagement résistant. Les femmes présentent ainsi leur aide à la guérilla comme une conséquence presque inéluctable de l’injustice observée, ainsi que d’une forte solidarité de classe :
« Je ne savais rien de la politique. Ce que je savais c’est qu’ils étaient écrasés, qu’ils étaient maltraités, qu’ils étaient pauvres et qu’on était en train de les assassiner » (Paquina, agent de liaison de la guérilla du Léon).
« J’ai toujours été une femme totalement étrangère à la politique. Mais cette répression tellement ample était en train de me briser en morceaux » (Rosario Gutierrez, collaboratrice des guérillas aux Asturies).
« Je ne comprends rien à la politique, ni tout ça, c’est vrai, j’ai grandi toute ma vie dans la montagne […]. Mais je me disais, si ces messieurs (les guérilleros) vont dans la montagne, ils veulent défendre ou soutenir quelque chose : il faut aider, parce que tu les voyais tellement gentils. Je me suis dit : ces gens défendent quelque chose, il faut les aider, c’est obligé » (Adelina Delgado, dite La Madre, « point d’appui » des guérillas du Levante, Valence)15.
10Souvent – mais pas toujours –, ces femmes ont un lien de parenté avec un ou plusieurs guérilleros, ce qui a poussé de nombreux historiens de la guérilla à présenter leur engagement comme une « preuve d’amour ». Or, si on ne peut pas nier l’importance des liens de parenté dans l’engagement résistant des femmes, au risque de dénaturer le sens et la complexité de cet engagement, quelques observations supplémentaires semblent indispensables. Tout d’abord, si ces liens ont joué un rôle dans l’engagement de nombreuses femmes, il en va de même pour de nombreux hommes. Ce que l’on pourrait appeler la « seconde vague » des incorporations à la guérilla, pendant les années 1946-1948, qui se produit en rapport avec l’intensification de l’activité de la guérilla et du harcèlement de la répression envers la population civile, concerne principalement des jeunes sans expérience politique ou militaire préalable. Ces jeunes paysans s’engagent des suites de leur activité d’appui à la guérilla et ont souvent des liens de parenté avec un ou plusieurs guérilleros. Plusieurs historiens font allusion ainsi aux « liens de consanguinité » ou aux « liens de parenté et de voisinage » pour expliquer l’engagement dans la guérilla de nombreux paysans peu ou pas politisés16. À l’inverse, le fait qu’effectivement de nombreuses femmes aient rejoint la guérilla suivant leur compagnon ne devrait pas conduire à gommer d’un trait leurs éventuels engagements préalables. La collaboration avec la guérilla est ainsi lue par les historiens selon une grille qui est déjà fortement genrée et qui conduit à privilégier un type ou un autre de causalité en fonction du sexe de l’individu concerné.
11Or, la situation de conflit armé vécue dans les campagnes après la guerre civile, et au premier chef la répression gouvernementale qui vise tout un pan de la population, politise les liens personnels (de parenté, amicaux, de voisinage) : les affinités politiques circulent ainsi par les réseaux personnels et affectifs. Cet enchevêtrement du personnel et du politique est d’ailleurs clairement perçu par les autorités franquistes, qui soupçonnent tout de suite les parents et amis des guérilleros de faire partie de leurs réseaux et feront de leurs familles, en particulier des femmes, des cibles privilégiées de la répression. Dans l’engagement des femmes comme dans celui des hommes, il faudrait donc déceler un mélange de conscience politique et de loyautés personnelles, à des dosages différents en fonction des individus17. Ce qui ne revient pas à oublier que ces engagements se produisent dans les cadres sociaux fortement genrés du milieu rural de l’Espagne des années 1940, où les femmes restent en général en dehors des réseaux de socialisation politique et où leur activité se déroule principalement dans l’espace privé du foyer et de la famille. Ce qui, en effet, porte les femmes à privilégier les réseaux personnels et affectifs au moment de s’engager dans une action qu’on ne peut qualifier autrement que de politique.
Les imaginaires genrés de la résistance
12L’assignation de rôles à l’intérieur des réseaux d’aide à la guérilla, et surtout dans la guérilla elle-même, où la présence des femmes est extrêmement minoritaire, ne répond pas seulement à la réalité du milieu social dans lequel ces réseaux sont implantés, où en effet il y a une répartition des tâches et des espaces en fonction du sexe et, surtout, où les femmes sont traditionnellement tenues à l’écart des activités militantes18. Elle est aussi structurée par un imaginaire militant et résistant fortement genré qui, à la différence de ce qui se passe dans d’autres mouvements de résistance européens où les femmes sont appelées à intégrer les groupes armés (ou, du moins, au sein desquels leur présence est tolérée), conçoit le maquis comme un espace exclusivement masculin. Cette absence des femmes doit être attribuée tout simplement à une répartition des espaces par sexes commune à tous les conflits, qui exclurait les femmes du « front19 » (considérant que dans un conflit irrégulier comme celui-ci, le « front » se trouve dans la montagne). En effet, elle est à mettre en perspective avec le fort taux de participation des femmes à d’autres guérillas antifascistes, en particulier en Yougoslavie, Grèce ou Italie, où les guérillas s’implantent, tout comme en Espagne, dans des zones rurales avec des caractéristiques sociales sensiblement similaires à celles régnant dans les régions espagnoles – mais où sans doute le contexte d’occupation change la donne par rapport au regard porté sur l’engagement des femmes dans la lutte armée20. Or, même en prenant compte le caractère beaucoup plus massif de la mobilisation dans ces pays, il y a des raisons complexes pour expliquer l’exclusion des femmes des groupes de guérilla en Espagne.
13En fait, cette exclusion se met en place dès la guerre civile elle-même et coïncide, d’une part, avec la mise en place d’une armée régulière à l’automne 1936, et d’autre part avec la mainmise du PCE sur la structuration et l’organisation de cette armée. La grande mobilisation antifasciste de juillet 1936 en réponse au coup d’État, dans une grande mesure spontanée, avait concerné un nombre significatif de femmes, les fameuses milicianas. L’organisation de l’Armée populaire et le passage de la guerre de colonnes, formées par des miliciens volontaires, à un conflit organisé selon les modalités de la guerre conventionnelle comporte l’exclusion des femmes du front et la réorganisation des espaces en fonction du genre. Dolores Ibarruri Pasionaria elle-même popularise le slogan qui entérine cette division genrée des espaces du combat antifasciste : « Les hommes au front, les femmes à l’arrière-garde. » Parmi les arguments avancés pour exclure les femmes de la première ligne du front, on retrouve l’inadéquation de l’organisme féminin à la lutte armée, mais aussi une vision des femmes comme facteurs de désordre sexuel : la présence des milicianas serait ainsi un « foyer de perdition » pour les combattants. La propagation de maladies vénériennes dans le front républicain fut immédiatement imputée à la présence des femmes et constitua un argument de poids pour leur exclusion définitive des rangs des combattants21. Désormais l’image du combattant sera exclusivement masculine et les femmes se verront assignées aux tâches de production et de ravitaillement. C’est à elles également de faire face à la réorganisation de la vie quotidienne dans l’arrière-garde, en particulier tout ce qui relève des tâches traditionnellement considérées comme « féminines22 ».
14C’est cette division genrée des tâches et des espaces, ainsi que la vision négative des femmes au combat comme porteuses de « désordre sexuel », dont héritera une guérilla antifranquiste assez largement dominée par les communistes, en tout cas en ce qui concerne l’organisation et la propagande, même si sur le terrain on retrouve beaucoup d’anarchistes – qui ne sont pas non plus particulièrement portés sur la participation des femmes au combat armé. Ainsi, du moment où l’on voit apparaître une propagande élaborée par le Parti communiste pour organiser la lutte armée à l’intérieur de l’Espagne, les appels au combat établissent des tâches et des modalités de participation à la lutte différentes pour les hommes et les femmes. À l’automne 1944 l’Union Nacional Española, organisation unitaire mise en place sous les auspices du PCE pour coordonner l’action des Espagnols dans la Résistance française, commence à faire des appels aux réfugiés pour l’organisation d’une armée de guérilleros qui allait traverser les Pyrénées lors d’une opération appelée, de façon significative, Reconquista de España. Ces appels entérinent déjà un imaginaire à la fois fortement genré et sensiblement nationaliste, récupérant la figure du guérillero viril et patriote qui au xixe siècle s’était opposé à l’invasion napoléonienne, lors de la guerre que les Espagnols appellent « de l’Indépendance » (1808-1814) :
« Guérilleros, jeunes aux [illisible] poitrines de bronze, aux bras d’acier, qui avez laissé très haut le drapeau de l’Espagne dans les terres de France et d’Espagne […] la Patrie admire votre audace, vos mères, vos épouses, vos filles pleurent de joie en attendant la libération de leur peuple grâce à votre énergie et à votre courage23. »
15Les femmes ne sont pas absentes de ces appels, qui cherchent à mobiliser les masses espagnoles dans une hypothétique insurrection nationale à partir de la pénétration des guérilleros – mobilisation qui, comme nous le savons, n’aura pas lieu. Mais leur place dans cette insurrection est déjà prédéfinie en fonction de leur sexe :
« La Patrie appelle ses enfants ; dans l’Histoire de l’Indépendance de l’Espagne, la femme espagnole a toujours su être femme et patriote. […] En tant que mères, en tant qu’épouses, en tant que fiancées ou sœurs, nous ne pouvons et ne voulons pas rester à l’écart face au développement de l’insurrection nationale qui s’allume dans toute l’Espagne24. »
16L’imaginaire antifranquiste récupère ainsi une répartition sexuée des rôles entre le guérillero viril et la mère patriote héritée de la tradition libérale forgée au xixe siècle à partir des figures héroïques de la guerre de l’Indépendance. Cet imaginaire avait déjà été mobilisé pendant la guerre civile et imprègne les représentations de la résistance contre Franco : les pages des journaux clandestins sont peuplées de ces guérilleros héroïques et mères sacrificielles.
17Or, si les femmes ne sont pas explicitement appelées à prendre les armes et à partir dans la montagne, mais sont plutôt présentées comme les soutiens de la résistance dans l’arrière-garde des villages, une troisième figure vient perturber cette représentation binaire : celle de la femme combattante fantasmée, guérilléra virginale présente en particulier dans certaines représentations littéraires de la guérilla contemporaines des faits et qui a plutôt vocation à alimenter un imaginaire masculin – en aucun cas à être présentée comme modèle pour les femmes antifranquistes. Le meilleur exemple de cette littérature est probablement La Niña Guerrillera, drame théâtral de l’écrivain communiste exilé José Bergamin. La Niña Guerrillera met en scène une très jeune paysanne, qui élève seule ses deux petits frères (ce qui introduit la dimension maternelle, si importante dans les représentations de la femme antifranquiste élaborées par la culture communiste)25. Après la mort de son fiancé, le guérillero Martinico, assassiné par la Guardia civil, elle endosse les habits du guérillero mort et rejoint le maquis en adoptant son identité. Finalement elle sera capturée, sauvagement torturée et pendue. L’engagement féminin est encore présenté comme un engagement par amour, où la femme adopte l’identité de son amoureux jusqu’à en perdre la sienne : « Je ne suis plus la Niña, moi. Je suis Martinico. La Niña est morte cette nuit. On l’a assassinée26. » Or, pour la première fois dans les représentations de femmes antifranquistes La Niña Guerrillera « rompt avec sa fonction passive de paysanne » en adoptant une identité de combattante armée27. Sa vengeance s’accomplit par la violence et elle devient même le chef du groupe de guérilleros. Pour construire son personnage de la Niña, Bergamin semble avoir puisé dans la tradition et la littérature soviétiques : son modèle pourrait provenir de la pièce de théâtre de l’écrivain russe Konstantin Simonov Russkiye Liudi (1942), traduit en espagnol sous le titre Los hombres rusos28, qui a abondamment circulé dans l’exil antifranquiste et qui met en scène la guérillera Valia, inspirée de Zoia Kosmodemianskaia, partisane soviétique torturée et pendue par les Nazis en 1941, dont l’histoire est abondamment relayée par la presse communiste espagnole29.
18La figure la plus paradigmatique de la guérillera fantasmatique popularisée par des écrivains communistes est celle de la nommée Manuela Sanchez, une enlace (agent de liaison) de la Galice, morte sous les balles de la Guardia Civil, le corps de police rurale qui prit en charge la lutte contre la résistance armée. Cette femme, qui s’appelait en réalité Manuela Lopez Suarez, devient sous la plume de ces écrivains une courageuse guérillera qui aurait affronté toute seule cent guardias civiles, avant de finalement tomber sous leurs balles. On en fait l’héritière de la légendaire Maria Pita, noble galicienne qui avait défendu La Coruña de l’invasion anglaise en 1598, les armes à la main. Or, toute l’histoire de Manuela Lopez Suarez est le produit d’un processus de fictionnalisation : à partir d’un fait réel (l’assassinat par la Guardia civil de cette femme, enlace de la guérilla, et de son père), les écrivains et publicistes du PCE élaborent une figure légendaire, plus inspirée des héroïnes du passé que des femmes réelles qui luttent dans la guérilla antifranquiste, à des fins de propagande et de mobilisation et destinée à un public en exil30. Ces figures féminines plus mythiques que réelles alimentent un imaginaire héroïque de l’antifranquisme destiné à renforcer l’identité et la cohésion du collectif des exilés ; le sang de Manuela Sanchez devient ainsi, sous la plume de Rafael Alberti, le « sang précieux de l’Espagne31 ». Or, la figure légendaire de Manuela Sanchez fait écran à la présence réelle de plusieurs femmes guérilleras dans les guérillas de la Galice et le Léon. On a comptabilisé au moins 14 femmes qui ont intégré les groupes armés de cette région, pendant plus ou moins longtemps, et avec des responsabilités politiques et militaires diverses. Un cas assez exceptionnel est celui d’Enriqueta Otero, institutrice et miliciana avec un grade d’officier pendant la guerre civile, qui, d’après l’historien Angel Rodriguez Gallardo, son biographe, a joué un rôle central dans l’organisation des guérillas des provinces galiciennes de Lugo et La Coruña. À la différence de Manuela Sanchez, elle ne fait pas partie du roman héroïque de la résistance communiste : sa place est contestée et nul n’évoque son rôle dirigeant dans la guérilla. Même après la mort de Franco, sa figure ne fut jamais revendiquée par le PCE, avec qui elle finit par rompre pour « des histoires de famille », selon ses propres mots32. En fait, la présence de femmes en chair et en os dans les groupes armés semble avoir été bien plus problématique que ce que laisse à penser leur représentation mythifiée.
Des femmes dans le maquis : troubles dans le genre
19En dehors des représentations fictionnelles des guérilléras idéalisées, les femmes réelles qui ont rejoint les groupes de guérilla ne sont jamais vues comme des combattantes. Ce ne fut pas le cas dans les groupes armés et ça ne l’est pas non plus pour les historiens qui aujourd’hui écrivent l’histoire de la guérilla de l’après-guerre, souvent en insistant pesamment sur le manque de combativité des femmes. Après avoir dressé la liste des femmes engagées dans les groupes armés du centre et du Sud de l’Espagne, l’historien Francisco Moreno affirme ainsi :
« Nous n’avons pas de preuves d’un service d’armes actif de la part de ces femmes, ni d’une activité de combat dans l’avant-garde. Elles étaient armées, en tout cas, et elles portaient les mêmes habits que les guérilleros : le typique pantalon de velours, béret et sac à dos, sangles et holsters. On les chargea des labeurs d’intendance et de services. Préparer à manger ; coudre, raccommoder et laver les vêtements des guérilleros. On les chargea aussi des tâches de garde et de sentinelle dans les campements et les entrepôts. Ou alors, des tâches d’appui et protection dans l’arrière-garde quand on menait des actions de ravitaillement, des “coups de main à caractère économique” ou des prises d’otage. La rareté de sa présence dans la guérilla ne permettait pas non plus une activité plus remarquable33. »
20Pourtant, on ne se pose pas la question des faits d’armes de certains hommes qui ont intégré pendant un temps la guérilla mais qui ne prenaient pas part non plus à des actions armées, ceux qui étaient trop âgés ou trop jeunes par exemple, et qui du simple fait de leur sexe sont assimilés à des combattants. La lutte armée est naturalisée par les récits des historiens comme un espace et une activité exclusivement masculine ; ainsi, Salvador Fernandez Cava affirme que la présence des femmes dans le maquis ne fut jamais une question à l’ordre du jour dans la guérilla du Levant qu’il étudie – et qui pourtant accueillit quatre femmes pendant deux ans : « On a donné pour acquis les principes d’activité militaire hérités de l’histoire et de la pratique des derniers conflits, où la guérilla ou le maquis étaient formés par des hommes, laissant les femmes soutenir [la Résistance] depuis la plaine ou rester à charge de la famille34. » L’historien évite ainsi de s’interroger sur une pratique que contredit la massive participation féminine à d’autres guérillas pourtant contemporaines, en Grèce, en Yougoslavie ou en Russie, par exemple.
21Cette attitude des historiens, au fond, n’est que l’écho de celle des contemporains. D’ailleurs, et malgré l’abîme idéologique qui les sépare, une chose semble avoir mis d’accord certains dirigeants communistes et les autorités franquistes : la présence des femmes dans le maquis pose problème, et ce problème renvoie invariablement à leur sexualité. La correspondance et les rapports laissés par les dirigeants communistes de la guérilla laissent à penser qu’effectivement, il n’y avait pas de place prévue pour les femmes dans les groupes armés ; leur contribution à la résistance était exclusivement pensée sous l’angle d’une stricte répartition des espaces et du travail militant. La place des femmes se situe ainsi dans ce que les guérilleros appellent las guerrillas del llano (les guérillas de la plaine), occupées aux tâches de ravitaillement et d’information décrites plus haut. Sur le terrain, les groupements de guérilla qui se dotent de statuts, en particulier ceux contrôlés par le Parti communiste, considèrent la présence de femmes comme une irrégularité qui pose des problèmes moraux : les relations entre les femmes et les hommes semblent ne pouvoir être envisagées que sous l’angle des rapports (hétéro) sexuels. Le discours de ces dirigeants communistes se révèle ainsi être aussi traditionnel en matière de rapports de genre que celui de la dictature franquiste. Il est courant d’assimiler la présence féminine dans les maquis au « vice » : ainsi, le plus haut responsable du Groupement de guérillas du Levant demande qu’on lui envoie, pour intégrer l’état-major, des guérilleros « qui n’aient pas de défauts tels que liqueurs, femmes, ou similaires35 ». Le responsable communiste « Fermin », après une visite aux guérilleros du premier Groupement de guérillas de Tolède, se plaignait du fait que des femmes vivaient dans la guérilla sans être les épouses des guérilleros, « comme des concubines », ce qui d’après lui rendait les guérilleros plus vulnérables, car elles pouvaient tomber facilement dans les mains des forces de l’ordre et révéler l’emplacement des maquis36. Enfin Santiago Carrillo, lors d’une analyse de la situation défaillante de la guérilla faite en 1949, attribue cette défaillance au relâchement des mœurs au sein des groupes armés : « Des éléments de corruption sont apparus : des femmes, de l’alcool, du gaspillage d’argent37. » Des affirmations portées, par ailleurs, dans un contexte de « nettoyage » de la guérilla de ses éléments les plus indisciplinés, qui s’est traduit par des exécutions sommaires à l’intérieur même des groupes armés, suivant des directives d’inspiration stalinienne émanant principalement de Carrillo lui-même38. Ces commentaires dressent un tableau de la guérilla comme théâtre d’une sociabilité exclusivement masculine, où les femmes deviennent des objets sexuels et des vecteurs de corruption au même titre que l’alcool et l’argent.
22Paradoxalement, cette vision qu’ont les dirigeants communistes des femmes dans la guérilla, qui les associe à un désordre à caractère sexuel, se rapproche de celle qu’avaient les forces de l’ordre à propos de la présence de femmes parmi les groupes armés de résistants. Dans les récits pseudo-historiques élaborés par des membres des forces répressives sur la guérilla antifranquiste, les femmes de la guérilla sont dépeintes comme des prostituées, le plus souvent malgré elles. Leur présence est utilisée pour renforcer le discours officiel, qui dépolitise les guérilleros et les présente comme des bandits dépravés qui attireraient des jeunes femmes dans leurs filets pour ensuite les exploiter sexuellement. Un imaginaire des orgies sexuelles auxquelles se livreraient les guérilleros est déployé dans ces ouvrages de propagande franquiste, lesquels prolongeaient les conceptions eugénistes développées pendant la guerre civile qui réduisaient l’activisme des femmes « rouges » à une sexualité déviante39. Ces accusations ne se déploient pas uniquement au niveau de la propagande : elles reviennent au moment de la détention, en s’ajoutant aux tortures physiques et psychologiques. Elles justifient par ailleurs les sévices sexuels dont ces femmes étaient les victimes de la part des forces répressives. Des témoignages évoquent des abus sexuels et des viols commis par les forces répressives contre les femmes résistantes : le cas le plus frappant est probablement celui de Carmen Jérez, agent de liaison de la guérilla dans le Léon, retrouvée morte et dans un état avancé de gestation 10 mois après son arrestation40. Quant aux guérilleros eux-mêmes, des cas de viols et d’abus sexuels semblent aussi s’être produits ; or, les statuts des groupements de guérilla punissaient de tels comportements par la mort41. La présence des femmes dans la guérilla suscite ainsi un certain « trouble dans le genre » : que ce soient les dirigeants communistes qui critiquent leur présence dans les maquis ou les autorités franquistes qui les traitent de « putes de la guérilla », les uns et les autres ne voient en elles que des êtres réduits à leur sexualité (évidemment hétérosexuelle) et leur nient toute capacité d’agir en tant que sujets politiques autonomes.
23Qu’en est-il des (très rares) témoignages laissés par les femmes qui sont effectivement restées dans les maquis ? Nous connaissons avec un certain détail deux expériences fort différentes, celle des femmes qui séjournèrent dans la Fédération de guérillas du Léon et de la Galice, notamment grâce au témoignage de la guérillera Chelo Rodriguez Lopez recueilli par Odette Martinez et Ismaël Cobo, et celle des femmes du Groupement de guérilla du Levant, en particulier Esperanza Martinez et Remedios Montero, qui ont livré leurs témoignages à plusieurs reprises et ont laissé des mémoires écrites42. Esperanza Martinez et sa sœur Amada passèrent presque deux ans dans la guérilla du Levant, entre les provinces de Teruel et Cuenca, entre 1949 et 1951 ; une autre sœur, Rosita, et Remedios Montero ont rejoint la guérilla pendant cette période de façon intermittente. Les quatre jeunes femmes (d’une vingtaine d’années au moment des faits) partirent rejoindre le maquis avec d’autres membres de leurs familles, dont les deux pères, après avoir collaboré pendant des années avec les groupes armés. Quant à Chelo Rodriguez Lopez et sa sœur Antonia, elles restèrent dans le maquis limitrophe entre la Galice et le Léon en 1946 et 1947. Dans le cas de Chelo Rodriguez, on y trouve une revendication explicite de la sexualité vécue au sein de la guérilla ; au contraire, Esperanza Martinez et Remedios Montero insistent sur le fait que la guérilla fut un espace à la fois asexué et asexuel. Derrière ces différences dans la transmission d’une expérience féminine de la guérilla, on retrouve des expériences et des trajectoires de vie différentes, mais aussi des clivages idéologiques : la guérilla du Levant était contrôlée par le Parti communiste et, comme on a vu, la question de la mixité posait des problèmes importants aux responsables communistes.
24À première vue, la présence de Chelo Rodriguez dans la guérilla colle aux explications traditionnelles d’un engagement « par amour » : quand elle rejoint le maquis, elle y retrouve son compagnon Arcadio Rios, avec qui elle avait noué une relation lors de la période où elle était agent de liaison de la guérilla galicienne. Or, Chelo a par ailleurs une trajectoire personnelle et familiale qui la pousse à cet engagement résistant : elle avait vu ses parents assassinés par les forces de l’ordre pratiquement sous ses yeux en octobre 1939 et un de ses frères était aussi parti rejoindre la guérilla. Quand elle part à son tour, en 1946, cela fait plusieurs années qu’elle collabore avec les réseaux de la résistance. Ce qui rend l’expérience de Chelo particulièrement intéressante du point de vue du genre, c’est la façon qu’elle a de revendiquer à la fois le caractère politique de son engagement et son histoire d’amour dans la guérilla ; pour elle, cet amour, qu’elle n’aurait pu vivre dans son village (en particulier en ce qui concerne les rapports sexuels, bannis en dehors du mariage sous le franquisme), devient ainsi politique. Elle revendique donc cette relation amoureuse et sexuelle comme faisant pleinement partie de son engagement et de son expérience résistante43.
25À l’opposé de cette revendication, les femmes qui ont séjourné dans la guérilla du Levant insistent sur le fait que les rapports amoureux et sexuels étaient totalement interdits et décrivent les rapports entre les hommes et les femmes dans la guérilla comme étant totalement égalitaires. Pourtant, les documents produits par les guérilleros pendant la période du séjour des jeunes femmes laissent entrevoir une situation plus complexe. Dans leurs rapports, quelques guérilleros se plaignaient du comportement de certains de leurs camarades envers celles qu’on appelle « les filles », et de la complaisance de celles-ci envers eux ; l’affaire arriva jusqu’à la direction, qui prit des mesures pour sortir les jeunes femmes de la guérilla et les loger dans des maisons de confiance44. On peut lire dans ces rapports une traduction des clivages idéologiques et des rivalités qui agissaient au sein du groupe de guérilla ; les jeunes femmes furent ainsi sans doute le prétexte pour attiser des conflits déjà sous-jacents à l’intérieur du groupe armé. Mais on peut lire aussi ce conflit à la lumière de la façon dont la sexualité féminine et les rapports homme-femme étaient perçus à l’époque, dans un contexte particulier d’abstinence sexuelle forcée. Dans ce conflit, le plus intéressant est probablement la réaction des jeunes femmes qui, dans un document rédigé collectivement et lu lors d’une réunion avec l’État-major de la guérilla, nièrent toute possible complaisance envers leurs camarades et revendiquèrent, avec une certaine amertume, le caractère politique de leur lutte :
« Il est vrai qu’on a dû supporter de fausses accusations des camarades, qui nous insultaient et manquaient à notre dignité de femmes honnêtes et communistes. Quand ils ont terminé, nous avons aussi donné notre point de vue, en exprimant la déception que nous avions devant de telles accusations, en disant que nous n’aurions jamais cru qu’ils pensaient cela de nous et qu’ils renforceraient ainsi les accusations de l’ennemi ; nous n’avions pas pris le maquis pour accomplir ce type de mission, mais une autre bien plus sacrée, que nous allions mener à bien jusqu’au bout, malgré toutes les difficultés45. »
26On voit bien, à travers ces mots, que les rapports de domination de sexe et les mentalités patriarcales n’étaient pas l’apanage du franquisme et que le dénigrement des femmes guérilleras, comme des êtres dont la fonction principale était le soulagement sexuel des guérilleros, pouvait traverser les frontières idéologiques. Esperanza et Remedios, qui furent arrêtées en 1951 alors qu’elles rentraient de France pour guider un groupe de guérilleros vers la frontière, durent entendre, lors de leur arrestation et alors qu’elles étaient sauvagement torturées, que leur fonction dans la guérilla n’était autre que d’être les « putes des guérilleros », sans exclure qu’elles aient pu subir aussi des abus sexuels pendant leur arrestation46. Rien d’étonnant donc à ce qu’elles nient par la suite toute possible relation sexuelle et même affective avec leurs compagnons. Dans leurs témoignages, elles n’ont jamais évoqué le conflit qui s’est joué lors de leur séjour dans la guérilla ; l’image qu’elles en ont transmise est celle d’un espace où l’égalité et la mixité étaient non seulement possibles, mais concrètement mises en pratique. Elles en donnent une image certes idéalisée, mais cela en dit long aussi sur l’influence que cette période a eue dans la façon dont elles ont construit par la suite leur vie de militantes, où les idéaux féministes d’égalité et d’émancipation ont eu une place fondamentale47.
Conclusion
27À travers ces pages, nous avons tenté de montrer le caractère profondément genré de la résistance armée contre le franquisme en Espagne, qui se développe pendant le long après-guerre et déborde même après les années 1950. L’absence des femmes des maquis, à la différence d’autres guérillas de l’Europe méditerranéenne, pourrait être vue comme une autre des particularités qui différencie cette guérilla espagnole de ses contemporaines. Nous avons tenté de démontrer que cette absence est un héritage de la gestion de la présence féminine au front dans les premiers moments de la grande mobilisation antifasciste de 1936 : l’expulsion des milicianas devient un moment de rupture et empêche par la suite de concevoir l’espace du combat armé comme un espace mixte. L’exclusion des femmes du combat au sein du mouvement de résistance est également construite à partir des imaginaires militants, et ce malgré la force évocatrice des figures fictionnelles des guérilleras que l’on retrouve dans les écrits de l’époque, mais qui en réalité font écran à la situation réelle des femmes dans le maquis.
28Pour les rares femmes qui se sont effectivement retrouvées dans les maquis, leur présence a souvent été lue comme le prolongement d’un rapport affectif, ce qui fait de ces femmes des sujets subordonnés du point de vue de leur autonomie politique : cette grille de lecture, en fait, révèle le caractère profondément patriarcal non seulement des rapports de genre de l’époque, mais aussi du regard porté par l’historiographie sur l’engagement de ces femmes. La guérilla antifranquiste, enfin, se configure comme un espace masculin, où la présence féminine est perçue dans le meilleur des cas comme un accident, dans le pire comme un élément perturbateur dont il faut se débarrasser au plus vite. C’est bien un « désordre de genre » qui serait introduit par cette présence féminine, dans un discours qui associe systématiquement les femmes à un débordement sexuel. Et de façon paradoxale, cette vision des femmes dans les groupes de guérilla est partagée aussi bien par certains dirigeants de la résistance et guérilleros que par les forces répressives, et par la suite transmise par l’historiographie. Il faut revenir, quand cela est possible, à l’expérience et à la parole des femmes qui participèrent à la résistance antifranquiste pour trouver d’autres clés de lecture qui, par ailleurs, bouleversent la conception que nous avons de l’engagement dans cette lutte. Ce que nous apprennent ces récits, c’est que la résistance s’alimente aussi d’une « politique des affects » et qu’elle peut être relue à la lumière d’une histoire plus sensible non seulement aux rapports de genre, mais aussi aux différentes façons qu’ont les individus, hommes et femmes, de vivre l’engagement politique et de gérer le rapport entre le personnel et le politique.
Notes de bas de page
1 Les premiers ouvrages sur cette guérilla ont été publiés sous le franquisme, par des membres des forces de l’ordre chargées de la répression du mouvement de résistance. À partir des années 1970 le Parti communiste en exil commence à publier sa propre version sur l’histoire du mouvement de guérilla. Des auteurs anarchistes publient également leurs propres travaux : l’un d’eux, Eduardo Pons Prades, fut finaliste, avec son ouvrage Guerrillas españolas. 1936-1977, du prix prestigieux « Espejo de España » en 1977. La bibliographie scientifique et universitaire sur la guérilla, consistant en des études de portée régionale ou locale, se développe principalement à partir des années 1980. La première synthèse universitaire est celle de Secundino Serrano, Maquis. Historia de la guerrilla antifranquista, Madrid, Temas de Hoy, 2001. En français voir Mercedes Yusta, « L’historiographie de la Résistance antifranquiste espagnole en relation avec l’historiographie de la Résistance française », in Laurent Douzou (dir.), Faire l’Histoire de la Résistance, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 277-291.
2 Secundino Serrano, La guerrilla antifranquista en León (1936-1951), Valladolid, Junta de Castilla y León, Consejería de Educación y Cultura, 1986.
3 Diego Gaspar Celaya, « De la memoria a la historia. Un estado de la cuestión sobre la participación española en la resistencia », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine, n° 9, automne 2012, mis en ligne le 11 décembre 2012, consulté le 6 septembre 2017 [http://ccec.revues.org/4273] ; et Alejandro Acosta Lopez, « Hacia un balance del estudio historiografico de los españoles en la Resistencia francesa », Spagna Contemporanea, 2016, vol. 25, n° 49, p. 149-167.
4 Secundino Serrano, Maquis…, op. cit., p. 377-383.
5 Francisco Aguado Sanchez, El maquis en España. Su historia, Madrid, Editorial San Martín, 1975, p. 249 ; Ramon Garcia Piñeiro, Luchadores del Ocaso. Represión, guerrilla y violencia política en la Asturias de posguerra (1937-1952), Oviedo KRK, 2015 ; Francisco Moreno, « Guerrilleras y enlaces. Mujeres en la resistencia antifranquista », Andalucia en la Historia, n° 25, juillet-septembre 2009. Par ailleurs, ces chiffres sont certainement très en dessous de la réalité : on a un problème important d’accès aux sources, car toutes les archives de la répression franquiste ne sont pas disponibles. Tous les guérilleros n’ont pas laissé des traces dans les sources, ce qui est particulièrement vrai dans le cas des femmes. On se heurte, enfin, aux difficultés liées à la mémoire d’une résistance vaincue, dont le souvenir a été réprimé et occulté pendant des décennies.
6 Ramon Garcia Piñeiro, op. cit., p. 909.
7 L’historien Jorge Marco évalue à 68 % la proportion de paysans dans les rangs de la guérilla de l’Andalousie orientale, auxquels il faut ajouter 12 % de journaliers. Il signale également un total de 3 femmes parmi 1083 guérilleros. Jorge Marco, Guerrilleros y vecinos en armas. Identidades y culturas de la guerrilla antifranquista, Granada, Comares, 2012, p. 233.
8 Jorge Marco, Resistencia armada en la posguerra : Andalucia Oriental, 1939-1952, thèse de doctorat, Universidad Complutense de Madrid, 2011, p. 134-135.
9 Ramón Garcia Piñeiro, op. cit., p. 904 et 906-908 ; Angel Rodriguez Gallardo, Letras armadas. As vidas de Enriqueta Otero Blanco, Fundacion 10 de marzo, Coleccion Estudios, n° 3, 2005.
10 Nicanor Rozada, Relatos de una lucha : la guerilla y la represión en Asturias, Oviedo, Gofer, 1993, p. 185, cité dans Claudia Cabrero Blanco, Mujeres contra el franquismo (Asturias 1937-1952). Vida cotidiana, represion y resistencia, Oviedo, KRK, 2006, p. 323-326.
11 Ramón Garcia Piñeiro, op. cit., p. 905.
12 « Luchas en Asturias (guerrilleros, campesinos, obreros, etc.) » et « Relato de un guerrillero que ha luchado desde el comienzo de la guerra por los montes de Galicia y Asturias », Archivo Historico del PCE (désormais AHPCE), cités dans Claudia Cabrero Blanco, op. cit., p. 313-320.
13 Francisco Moreno, La resistencia armada contra Franco. Tragedia del maquis y la guerrilla. El Centro-Sur de España : de Madrid al Guadalquivir, Barcelone, Critica, 2001, p. 16-21.
14 Voir à ce sujet les analyses extrêmement suggestives et pertinentes d’Odette Martinez, « Témoignages de femmes des guérillas antifranquistes (1939-1951) », Critique internationale, n° 49, 2010/4, p. 113-129. Voir aussi Mercedes Yusta, « Du familial au politique. Engagements féminins dans la guérilla antifranquiste en Espagne (1936-1952) », in Karine Bergès, Diana Burgos-Vigna, Mercedes Yusta et Nathalie Ludec (dir.), Résistantes, militantes, citoyennes. L’engagement politique des femmes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 89-102.
15 Témoignage de Paquina dans Alfonso Domingo, El canto del buho. La vida en el monte de los guerrilleros antifranquistas, Madrid, Oberon, 2006 (1re éd. 2002), p. 141 ; Rosario Gutierrez dans Nicanor Rozada, op. cit., p. 257 ; Adelina Delgado dans Fernanda Romeu, Mas alla de la utopia ; la Agrupacion Guerrillera de Levante, Cuenca, Ediciones de la Universidad de Castilla-La Mancha, 2002, p. 122.
16 Ramon Garcia Piñeiro, op. cit., p. 45, 50 et 122 ; Jorge Marco, Resistencia armada en la posguerra…, op. cit., p. 87-102 ; Francisco Moreno, La resistencia armada contra Franco…, op. cit., p. 32-55.
17 Laurent Thévenot, L’action au pluriel : sociologie des régimes d’engagement, Paris, La Découverte, 2006.
18 Le militantisme des femmes en milieu rural a été très peu étudié en Espagne : voir Teresa Ortega (dir.), Jornaleras, campesinas y agricultoras. La historia agraria desde una perspectiva de genero, Zaragoza, Prensas Universitarias de Zaragoza, 2015. Pour la France, la place marginale des femmes dans la constitution de réseaux militants communistes est évoquée dans Julian Mischi, « Être communiste en milieu rural », Études rurales, n° 171-172, 2004, p. 61-71. Bien que le milieu rural espagnol soit notablement différent, certaines de ses observations pourraient être extrapolées à l’Espagne des années 1930.
19 En réalité, cette généralisation est largement abusive : dans les mots de Joshua Goldstein, « Gender-linked war roles are not in fact cross-culturally consistent ». Joshua Goldstein, War and Gender : How Gender Shapes the War System and Vice Versa, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 4.
20 Voir dans ce même volume les contributions de Jelena Batiníć, Odette Varon-Vassard et Margaret Poulos.
21 Gema Iglesias, « Derechos y deberes de las mujeres durante la Guerra Civil española : “Los hombres al frente, las mujeres a la retaguardia” », Las mujeres y la guerra civil española, Madrid, Ministerio de Asuntos Sociales/Ministerio de la Cultura, 1991, p. 109-117.
22 Mary Nash, « “Milicianas” and homefront heroines : Images of women in revolutionary Spain (1936-1939) », History of European Ideas, n° 11, 1989, p. 235-244 ; Angela Cenarro, « Movilización femenina para la guerra total (1936-1939). Un ejercicio comparativo », Historia y Política, n° 16, 2006, p. 159-182 ; Lisa Lines, Milicianas : women in combat in the Spanish Civil War, Lexington Books, 2011.
23 Reconquista de españa. Al servicio de la JSUN, nº 36, 10 septembre 1944.
24 « Mujeres, la patria os llama », LUCHA. Portavoz de la Agrupación de Guerrilleros “Reconquista de España al servicio de la Junta Suprema de U. N.”, n° 9, 24 septembre 1944.
25 Voir Mercedes Yusta, Madres Coraje contra Franco. La Union de Mujeres Españolas, del antifascismo a la guerra fria (1939-1950), Madrid, Catedra, 2009.
26 José Bergamin, La Hija de Dios y la Niña guerrillera, Mexico, Manuel Altolaguirre, 1944, p. 113-114.
27 Daniel Arroyo, Narrativas guerrilleras. El maquis en la cultura española contemporánea, Madrid, Biblioteca Nueva, 2014, p. 70-76.
28 Leonid Leonov et Konstantín Simonov, Invasion. Los hombres rusos, Buenos Aires, Ed. Futuro, coll. « Teatro soviético », 1945. Je remercie Teresa Fernandez Santa Maria pour m’avoir fourni les renseignements sur les inspirations soviétiques de Bergamin.
29 José Bergamin, « Cristal del tiempo : Añoranza y esperanza. El poeta ruso Simonov », El pasajero, peregrino español en América, I, México, Séneca (printemps 1943), p. 86-87, cité dans Teresa Santa Maria Fernandez, El teatro en el exilio de José Bergamin, thèse de doctorat, université Autonoma de Barcelone, 2001.
30 Aurora Marco, Mulleres na guerrilla antifranquista galega, Edicions Laiovento, 2011, p. 275-285.
31 Rafael Alberti, Coplas de Juan Panadero. 1949-1979, Barcelone, Bruguera, 1980. Publiées pour la première fois en Argentine en 1949.
32 Angel Rodriguez Gallardo, op. cit. ; Antonina Rodrigo, Mujeres de España (las silenciadas), Madrid, Plaza & Janés, 1979, p. 201-221.
33 Francisco Moreno, La resistencia armada…, op. cit., p. 19.
34 Salvador Fernandez Cava, Los guerrilleros de Levante y Aragon, t. 2 : El cambio de estrategia, Cuenca, Tomebamba, 2008, p. 155.
35 « Comandante en jefe de la AGL a los jefes de sector, 18 de enero de 1947 », Archivo Historico de la Defensa, Madrid, TMn° 1, Sumarisimo 371-V-47 (Vicente Galarza Santana).
36 « Carta de “Fermin” al Comité regional del PCE en Madrid ». Voir Benito Díaz, Huidos y guerrilleros antifranquistas en el centro de España, 1939-1955 (Madrid, Ávila, Ciudad Real, Toledo, Cáceres y Badajoz), Tolède, Tilia Editorial, 2011.
37 Archivo Historico del PCE, Madrid, Dirigentes, Caja 30, Carpeta 1/2.
38 Paul Preston, El zorro rojo. La vida de Santiago Carrillo, Barcelone, Debate, 2013, p. 143-152 ; Mercedes Yusta, La resistencia armada contra Franco en Aragon (1939-1952), thèse de doctorat, Universidad de Zaragoza-université Paris 8, 1999, vol. II, p. 384-385.
39 Ces récits apparaissent en particulier dans Tomas Cossias, La lucha contra el “maquis” en España, Madrid, Editora Nacional, 1956, p. 199 et 200, et Francisco Aguado Sanchez, op. cit. Quant à la construction de l’image franquiste de la femme « rouge » pendant la guerre civile, elle doit beaucoup aux écrits du psychiatre militaire Antonio Vallejo Najera, qui mena des études sur des prisonnières politiques à Malaga. Antonio Vallejo Najera et Eduardo Martínez, « Psiquismo del fanatismo marxista. Investigaciones psicológicas en marxistas femeninos delincuentes », Revista española de medicina y cirugía de guerra, n° 9, 1939, p. 398-413.
40 Fernanda Romeu Alfaro, op. cit., p. 118 ; Marco Aurora, op. cit., p. 140 ; Secundino Serrano, Maquis…, p. 226.
41 Gina Herrmann, « “They didn’t raped me” : Traces of Gendered Violence and Sexual Injury in the Testimonies of Spanish Republican Women Survivors of the Franco Dictatorship », in Nancy Adler et Selma Leydesdorff, Tapestry of Memory. Evidence and Testimony in Life-Story Narratives, Transaction Publishers, Londres/New Brunswick, 2013, p. 77-98 ; Benito Diaz, « Tiempos de violencia desigual : guerrilleros contra Franco (1939-1952) », Vinculos de Historia, n° 5, 2016, p. 105-120.
42 Ismael Cobo, Odette Martinez et Laetitia Puertas, L’Île de Chelo (Documentaire, France, 2008) ; Remedios Montero, Historia de Celia. Recuerdos de una guerrillera antifascista, Valence/Rialla-Octaedro, 2004 ; Esperanza Martínez, Guerrilleras, la ilusion de una esperanza, Madrid/Latorre Literaria, 2010. Les témoignages d’Esperanza, Amada et Remedios furent publiés pour la première fois dans Tomasa Cuevas, Mujeres de la resistencia, Barcelone/Sirocco Books, 1986. Le témoignage de Chelo a été aussi publié dans le livre d’Aurora Marco cité plus haut.
43 Odette Martinez, op. cit. ; Aurora Marco, op. cit., p. 73.
44 Rapports de « Manolo » et « Angelita » dans Fernanda Romeu, Mas alla de la utopia ; la Agrupacion Guerrillera de Levante, Cuenca, Ediciones de la Universidad de Castilla-La Mancha, 2002, p. 503-507 ; « Informe del camarada Emiliano. Informe estancia guerrilleros. Sobre las chicas. Sobre los puntos de apoyo », 1951, AHPCE, Nacionalidades y Regiones – Levante, jacquet 642-644. Voir aussi Salvador Fernandez Cava, op. cit., p. 155-158.
45 Cité dans Fernanda Romeu, op. cit., p. 506-507.
46 Gina Herrmann, op. cit.
47 Remedios Montero, op. cit. ; Esperanza Martinez, op. cit.
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