« Sabotear, sabotear, sabotear ! »
Résistance antifasciste et travail forcé des femmes dans les camps nazis
p. 99-118
Texte intégral
1Le 14 avril 1945, jour où la 2e division d’infanterie américaine est arrivée au camp de travail de l’usine de munitions HASAG Leipzig-Schöenfeld, la détenue espagnole Mercedes Núñez Targa (1911-1986) devait être transportée vers les chambres à gaz. Elle souffrait de la scarlatine et avait à peine survécu au terrible trajet qui l’avait menée de sa capture en tant que membre de la résistance française à la déportation vers le camp nazi de Ravensbrück réservé aux femmes où elle était enregistrée sous le numéro de prisonnière 43225. En 1944, Ravensbrück était devenu un point crucial de transit et une ressource de main-d’œuvre, où quelque 50 % de prisonnières soumises au travail forcé étaient réparties sur les plus de 200 sous-camps. Comme des milliers de femmes aptes initialement détenues à Ravensbrück, Mercedes avait été transportée pour la deuxième fois avec sept de ses camarades espagnoles au kommando HASAG où les femmes étaient contraintes de fabriquer des obus, essentiellement destinés aux Panzerfäuste1. En janvier 1945, dans ce seul ensemble industriel, plus de 5000 femmes de toutes nationalités subissaient le travail forcé, les interrogatoires, la surpopulation et la privation de sommeil, de nourriture et d’hygiène. Les femmes qui tombaient gravement malades ou qui étaient incapables de travailler étaient vouées à l’extermination. Les appels interminables et les châtiments favorisaient les maladies et l’épuisement. Moins de 20 déportées espagnoles ayant survécu ont laissé des témoignages, mais l’échantillon est déjà suffisant pour comprendre le récit des Espagnoles sur le système concentrationnaire nazi, les conditions de travail forcé et les méthodes, bien que très limitées, employées par ces femmes pour continuer la résistance antifasciste par tous les moyens possibles. Le travail forcé constitue l’essentiel de l’expérience des prisonniers politiques espagnols, hommes ou femmes, détenus en camp nazi. Pour les prisonnières espagnoles, il avait lieu dans les sous-camps réservés aux femmes où il s’agissait de les affaiblir et de les terrifier au moyen de maltraitances ; agressions sexistes ou rituels violents destinés à briser les identités féminines.
2L’itinéraire de Mercedes Núñez Targa qui allait finir à Ravensbrück a commencé en 1931 avec la proclamation de la Seconde République espagnole. Mobilisée au sein des groupes de jeunes avec des centaines de milliers d’autres partisanes de la République, Mercedes se retrouve à la tête du parti communiste espagnol de sa région natale de Galice. Après la défaite des Républicains en 1939, elle est arrêtée par la police franquiste. Libérée de la tristement célèbre prison de Ventas trois ans plus tard par erreur administrative, Mercedes s’enfuit en France où elle rejoint la formation espagnole de la résistance française à Carcassonne et où elle devient agent clandestin (sous le pseudonyme de Paquita Colomer) et fournit des faux papiers aux résistants2. Arrêtée par la Gestapo en 1944, Mercedes est déportée vers le camp de Ravensbrück avec d’autres prisonnières. À la libération des camps nazis, comme des milliers d’Espagnols et de Catalans, elle reste en exil en France car il lui est impossible de retourner chez elle en Espagne où Franco restera au pouvoir jusqu’en 1975. Le parcours de Mercedes illustre cinq décennies d’engagement transnational de femmes de gauche espagnoles contre le fascisme ; certaines de ces femmes, peut-être quelques centaines, se sont retrouvées au cœur même du châtiment fasciste : les Lager nazis.
3Que veulent signifier les Espagnoles qui parlent de résistance antifasciste dans leurs témoignages ? Comment les déportées politiques concevaient-elles leurs idées et leurs actions ? La déportation vers les camps de concentration et le travail forcé ont drastiquement modifié et limité les moyens d’expressions et d’actions offensifs des résistantes antifascistes. Robert Gildea a récemment exprimé l’idée d’une résistance « minimum » pour décrire la façon dont les déportées espagnoles percevaient leur propre position. En décrivant le cas français – dont font partie voire que dépassent les Espagnoles – il écrit que la résistance « consistait à refuser la proposition française d’armistice et l’occupation allemande, et à vouloir trouver une solution, quitte à enfreindre les règles et à courir un risque. » La Résistance (avec un R majuscule) impliquait « de fournir des informations aux Alliés, de secourir les soldats parachutés, de diffuser de la propagande contre les Allemands et Vichy, de mener des actions de sabotage et en dernière instance une lutte armée3 ». C’est dans cette deuxième définition, qui met l’accent sur la réalité physique et le risque, que les anarchistes et les communistes espagnoles ont ancré leur propre expérience. Le concept « d’antifascisme » adopté par les déportées espagnoles s’étend à travers l’Europe mais revient toujours vers l’Espagne et son but ultime de libérer la péninsule des griffes du dictateur Francisco Franco. Les opposants espagnols se voyaient comme faisant partie d’un mouvement mondial pour la justice de classe et la justice raciale ; ils cherchaient à défendre les valeurs humanistes nées des Lumières et se consacraient pleinement au combat antinazi, anti-Franco et contre la sauvagerie « fasciste ».
4En partant de ces observations, cet article se fixe deux objectifs principaux. Le premier est de présenter les raisons et les conditions qui ont mené les prisonnières politiques à la déportation à Ravensbrück et à l’Aussenkommandos (camp de travail détaché). Le deuxième est d’exposer les deux modes de résistance à l’oppression nazie, tous deux considérés par les femmes comme logiques et nécessaires à la poursuite de leur travail antifasciste préalable. Les Espagnoles évoquent leur volonté de résistance psychologique face aux violences sexualisées. Lorsqu’elles étaient victimes de mauvais traitements visant à diminuer leur féminité, les prisonnières cherchaient des moyens de maintenir leur dignité et leur envie de survivre, en tant qu’individus et en tant que membres d’un groupe de femmes antifascistes soudé. La solidarité entre les femmes, surtout au sein des rassemblements communistes nationaux, a aussi permis la perpétration d’actes de sabotage à la suite desquels des femmes ont été transférées vers les sous-camps de production d’armement. Le travail forcé était un vecteur d’activités de résistance antifascistes de grande ampleur, tangibles et sources de fierté ; les femmes y avaient été intégrées depuis les années 1930-1940. En d’autres termes, en mettant l’accent sur les actes de résistance au travail forcé, ces survivantes espagnoles et catalanes démontrent l’indéfectible intégrité de leur action et préservent une perception d’elles-mêmes, en tant qu’adhérentes aux valeurs communistes, qui ne peut être compromise par les souffrances connues en captivité. En observant ces modes de résistance, ce chapitre s’attardera sur le cas des Espagnoles qui ont essayé de trouver leur place au sein des groupes de prisonnières, essentiellement communistes, d’autres nations.
Ravensbrück : une passerelle vers le travail forcé
5Les républicaines espagnoles qui avaient fui l’Espagne de Franco en 1939 ainsi que les femmes issues des précédentes vagues d’immigration économique vers la France se sont engagées dans les activités de résistance sous l’occupation nazie en 1940, généralement grâce à des formations de résistance espagnoles du Sud de la France. Capturées par la police de Vichy ou par la Gestapo, ces femmes risquaient la détention et souvent la torture dans les prisons de France, tout comme leurs camarades françaises. La plupart des Françaises furent déportées à Ravensbrück en 1944, quand la résistance prit une ampleur massive. Parmi les 8000 Françaises, il y avait peut-être 200 ou 300 Espagnoles embarquées dans les trains bondés en direction de l’Allemagne. 70000 prisonnières politiques de toutes nationalités sont passées par Ravensbrück au cours de la guerre.
6Construit en 1938, Ravensbrück était le plus grand camp de concentration de femmes du Reich allemand. Ce n’était pas un camp d’extermination. Il a d’abord été conçu comme un lieu d’isolement et de réforme pour les « asociales », les alcooliques, les vagabondes et les marginales ; plus de 30 nationalités étaient représentées parmi les prisonnières du camp. Les Espagnoles étaient très peu représentées. Les autorités SS internaient les prisonnières politiques, les Roms et les Sintis, les juives, les témoins de Jéhovah et les femmes considérées comme « criminelles », « paresseuses » et « profanatrices de la race ». Les survivantes racontent s’être senties terrorisées et désorientées dès leur arrivée où on leur assignait un numéro et un triangle de couleur qui devait être cousu sur leurs vêtements. La procédure d’admission comprenait des rituels de déshabillage, de rasage des cheveux, de vérification de l’hygiène génitale, d’inspection des dents et de la masse musculaire. Les femmes de Ravensbrück et des sous-camps subissaient les pénuries et l’assujettissement et mouraient de diverses causes dont les maladies et les exécutions par pendaison, gazage ou fusillade. Les médecins SS menaient des expériences médicales sur les corps des femmes, parmi lesquelles des stérilisations, des amputations, et le traitement de leurs blessures avec toutes sortes de substances chimiques. On estime aujourd’hui à près de 30000 le nombre de femmes tuées à Ravensbrück et dans ses camps satellites4. Le 30 avril 1945, l’Armée rouge atteint le camp déserté par les SS ; il ne reste alors que très peu de femmes sur place. Certaines avaient été secourues, beaucoup avaient été transférées vers d’autres camps, d’autres enfin ont été éliminées au cours des marches de la mort. Beaucoup étaient parties d’elles-mêmes, demandant de l’aide aux civils du pays.
7Pour beaucoup de prisonnières politiques du KL Ravensbrück, l’expérience fut courte, car au bout de quelques semaines ou de quelques mois, la plupart intégraient des unités de travail forcé impliquant des tâches physiques en milieu extérieur, des brigades mobiles de construction, des opérations de sauvetage après bombardements, de la fabrication textile ou de la construction de roquettes V-2 pour Siemens Electric Company dans une usine adjacente au camp de Ravensbrück. Des milliers de femmes, dont des Espagnoles, étaient également transférées dans les camps satellites, essentiellement destinés à la production de matériel de guerre. De nombreuses femmes étaient employées dans les départements de finitions et d’inspection de pièces de munitions. Les menaces de pendaison, de tabassage ou de gazage décourageaient les prisonnières tentées d’interrompre la production. Certaines femmes manipulaient des machines de pointe capables de lourds dommages, rendant possible, tout du moins en théorie, leur sabotage. La surveillance pour empêcher le sabotage était donc une priorité pour les industriels et les SS qui menaçaient régulièrement d’exécuter toute prisonnière impliquée dans ces actes5.
8Pour les prisonnières politiques qui avaient de l’expérience dans les réseaux de résistance antifasciste, le sabotage représentait une raison de vivre et leur permettait d’exercer une résistance idéologique à la terreur nazie. Le sabotage pouvait être accompli de quatre façons : réduire le rendement, introduire des défauts de fabrication cachés, faire des grèves et, lorsque les usines étaient situées dans des lieux potentiellement proches de partisans, voler la production pour la donner aux résistants. Par exemple, les femmes pouvaient manipuler la précision des filetages d’obus, ruinant ainsi l’efficacité des balles antiaériennes qu’elles remplissaient dans les chaînes de montage. Les Espagnoles racontent qu’elles dévissaient légèrement leurs treuils pour ralentir les opérations ou qu’elles remplissaient les obus d’eau ou de neige qui les rendraient inutilisables. En dehors de ces ralentissements de production, il y avait d’autres possibilités de résistance comme des grèves de la faim, des refus de participer aux systèmes de bonus instaurés par les SS et que les femmes considéraient comme des menaces pour leur solidarité6. Dès que c’était possible, les groupes nationaux restaient ensemble et partageaient nourriture et soutien moral. À cet égard, les Espagnoles – peu nombreuses – étaient nettement désavantagées, et souvent intégrées aux « familles des camps » formées par les Françaises.
9Les chercheurs n’ont pas réussi à déterminer le nombre exact d’Espagnoles détenues dans les camps nazis. Le recensement tenu en ligne par l’Amicale de Ravensbrück compte actuellement 119 noms de femmes envoyées à Ravensbrück et la base de données de l’Amicale de Mauthausen répertorie 227 cas d’Espagnoles déportées sur l’ensemble des camps nazis7. Les historiens qui travaillent à partir des archives de Ravensbrück (Archiv der Mahn- und Gedenkstätte Ravensbrück) estiment que le camp et ses satellites détenaient 170 déportées espagnoles. Pour beaucoup de ces femmes, il y a peu d’informations, seulement quelques listes établies à partir de témoignages de camarades qui ne stipulent parfois que les surnoms, comme par exemple « Felisa, La Gitana, desaparecida en Ravensbrück8 ». La plupart des femmes étaient arrêtées pour résistance « politique » ou « rouge ». Si les Espagnoles étaient actives dans les réseaux français, la majorité d’entre elles opéraient dans le Sud et le Sud-Est, ce qui correspond à la présence espagnole dans la résistance en général. Les registres montrent que la plupart des Espagnoles ont été transportées à Ravensbrück en 1944, en provenance principalement de grandes prisons françaises ou des centres de transfert par voie ferrée de Compiègne, Bordeaux, Paris gare de l’Est ou Romainville.
10On sait peu de choses sur les Espagnoles de Ravensbrück, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’un nombre de femmes très réduit – peut-être 200 ou 300 au total – auxquelles les historiens et les autres survivants se sont relativement peu, voire pas du tout intéressés. Ensuite, les nazis ont détruit tous les dossiers du camp et les traces des Espagnoles ont donc disparu avec les autres. Mais ce n’est pas une explication suffisante car les historiens ont réussi à reconstituer les histoires de familles de nombreuses autres nationalités. Le facteur le plus révélateur est que dans l’Espagne de la dictature de Franco et jusque dans les années 1980, les récits de persécutions et de camps nazis étaient rares et difficiles à raconter. La difficulté d’avancer des chiffres est également dû aux lieux et aux conditions de départ en déportation des Espagnoles. À la chute de la République, des centaines de milliers d’Espagnols ont fui vers la France où ils ont été enfermés dans des conditions difficiles et parfois fatales dans les camps de détention du sud. Beaucoup sont passés dans les Groupements de travailleurs étrangers et pour certains, dans les rangs des formations – françaises, espagnoles ou mixtes – de la Résistance française. C’est donc à travers la Résistance que les Espagnoles ont été capturées avec leurs camarades françaises (souvent sous des alias ou noms de guerre français). Considérées comme françaises, ou en possession de papiers français, de nombreuses femmes ont péri ou ont été tuées sans que l’on puisse enregistrer leur véritable identité. Après la libération, certaines femmes n’ont même pas pris la peine de corriger les dossiers ni de témoigner. De plus, l’autocensure fréquente des Espagnoles concernant leur vie durant la Seconde Guerre mondiale et leur exil en France est une réaction aux conditions extrêmement difficiles qu’elles ont connues pour survivre pendant plusieurs décennies.
11La réintégration après l’épreuve des camps de concentration sera compliquée par l’isolement prolongé des Espagnoles restées, d’une part, dans un exil linguistique, économique et culturel en marge de la société française et, d’autre part, spirituellement focalisées sur l’accablante réalité du maintien au pouvoir de Franco dans leur pays. Juste après la guerre, les récits français sur l’occupation qui ont rangé le pays tout entier du côté des résistants ont effacé de la mémoire collective les rôles cruciaux joués par de nombreux groupes de la Résistance : les femmes en général, mais aussi les résistants issus de la communauté internationale dont les antifascistes espagnols, les Brigades internationales, les migrants économiques d’Europe centrale et orientale, les réfugiés juifs et les agents britanniques9.
12Les rivalités sur l’appropriation de la Résistance française ont éclaté non seulement parmi les Espagnols, mais aussi parmi les Espagnoles. La France ne leur offrant aucune tribune officielle pour raconter leur expérience dans la Résistance ou en déportation, les Espagnoles sont majoritairement restées silencieuses à ce sujet10. Les survivantes étaient en majorité des femmes de la classe ouvrière qui ne se sont pas senties légitimes pour raconter leur récit de guerre. Elles n’avaient pas cette aura de la Résistance dont « l’héroïsation » de la lutte contre l’occupation a paré de nombreux déportés français et comme les Espagnoles de Ravensbrück étaient « encuadradas en la organización clandestine francesa11 » lorsque les Françaises ont commencé à réclamer leur reconnaissance en tant que résistantes et survivantes de camps, les Espagnoles ont de nouveau vu leur récit encadré par les récits de guerre français12. Une autre explication de l’occultation des Espagnoles dans l’histoire de Ravensbrück nous conduit à observer que pendant la guerre froide de nombreux groupes de victimes ont été exclus des pratiques commémoratives et des récits historiques ayant mis en avant l’héroïsme des femmes, en particulier des communistes est-allemandes, occultant la représentation plurielle de la population des prisonnières de camps.
13Enfin, plusieurs femmes ont refusé de témoigner pour des raisons communes à tous les survivants restés silencieux – la profondeur de la tragédie, l’effroi des horreurs vécues, la douleur de la culpabilité, l’irréductible honte intériorisée et les dégâts des humiliations permanentes et des avilissements sexuels subis durant leur captivité nazie sont restés insupportables13. Face à l’extermination de millions de personnes, les survivants qui écrivaient ou parlaient d’eux-mêmes prenaient le risque de paraître intéressés ou vulgaires. Après 1945, des millions de personnes se sont senties irreprésentables. Néanmoins les témoignages dont nous disposons nous permettent d’observer que les femmes refusaient que leur histoire soit englobée dans le récit français, bien que leur appartenance aux réseaux politiques français et à la camaraderie nationale ait contribué « à préserver la dignité et à sauver des vies14 ». Les Espagnoles n’ont cessé de proclamer, comme un leitmotiv, le caractère novateur et avant-gardiste de l’antifascisme espagnol comme étant au cœur de leur détermination à résister et de leur désir de solidarité dans des circonstances où l’on cherchait à détruire leur capacité à se soutenir mutuellement.
14Si le recensement des Espagnoles déportées est incomplet, les témoignages, bien que courts, s’avèrent riches et répartis parmi trois sources principales :
- Montserrat Roig’s (1946-1991) sui generis ainsi que l’ouvrage novateur sur l’histoire et la mémoire des déportées catalanes Els catalans als camps Nazis (1977) ;
- Neus Català (1915-), De la Resistencia y la deportación: 50 testimonios de mujeres españolas (1984) recueil de témoignages de résistantes espagnoles et de survivantes de Ravensbrück ;
- Mercedes Núñez Targa (1911-1986) et les souvenirs de son travail au sein de la Résistance française et de sa déportation à Ravensbrück, El carretó dels gossos: una catalana a Ravensbruck15.
15Ces ouvrages – ils sont seulement seize, dont ceux de Neus Català et Mercedes Núñez Targa – constituent les seuls témoignages autobiographiques d’Espagnoles déportées à Ravensbrück et dans d’autres camps. Deux autres témoignages ont été recueillis, respectivement par Eduardo Pons Prades et par Benito Bermejo et Sandra Checa, tous deux repris en 2012 dans le Memorial de las españolas deportadas a Ravensbrück16. Au-delà de leur valeur d’archive sur la participation des femmes à la Résistance et sur leur survie à leur déportation, ces témoignages saisissent des instants d’une grande rareté durant lesquels les Espagnoles ont été des témoins directs de l’Holocauste, car les prisonnières de Ravensbrück décrivent les souffrances et les assassinats de juifs et de Roms – femmes et enfants – dont elles ont brièvement croisé la route au camp de Fürstenberg.
- Mercedes Núñez Targa (El carretó dels gossos)
- Neus Català
- Secundina Barceló
- Mercedes Bernal
- Carme Buatell
- Alfonsina Bueno Ester
- Lola Casadellà
- María Ferrer
- Antonia Frexedes
- Felicitat Gasa
- Sabina González
- Mónica Jené
- Constanza Martínez Prieto
- Rita Pérez
- Conchita Ramos
- Elisa Ruiz
- Ángeles Álvarez (Bermejo and Checa)
- Ángeles Martínez (Pons Prades)
16Il faut insister sur le fait que De la Resistencia y la deportación reste le document le plus complet et le plus instructif disponible sur les vies des Espagnoles au sein des prisons et camps de concentration nazis. La contribution du livre à notre compréhension de l’exil républicain, de la subjectivité féminine en temps de guerre et des expériences des Espagnoles dans les Lager nazis est inestimable. Il souligne que les archives du Mémorial de Ravensbrück continuent d’orienter les chercheurs vers les travaux de Neus Català, notamment le recensement préliminaire auto-édité composé par elle et ses camarades, Relació de dones espanyoles pertanyents a la Resistència a França, localitzades per la Neus Català – Resistent i deportada – entre el 1965 y el 1975.
17Tout comme Mercedes Núñez Targa, Neus Català a vécu les périodes les plus dangereuses et emblématiques de la guerre civile espagnole, de la Résistance et de la déportation. Neus est née et a grandi à Els Guiamets, un village catalan de la région viticole du Priorat. Elle est devenue une militante active au sein des Juventudes Socialistas unificadas (Jeunesses socialistes unifiées). À l’âge de 16 ans, Neus est entrée dans une école d’infirmières ; ces études la conduiront à exercer ce métier durant une partie de sa vie. À la fin de la guerre civile espagnole, elle a pris la tête d’un groupe d’orphelins à qui elle a fait traverser la frontière française pour les mettre en sécurité et pour lesquels elle a cherché un refuge ou qu’elle a aidé à retrouver leur famille. Neus s’est elle-même reconstitué une famille en Dordogne et a épousé l’anarchiste français Albert Roger. Ensemble ils ont ouvert une ferme qui servait d’abri aux Francs-tireurs et partisans du maquis de Turnac. Neus a évoqué ses responsabilités au sein du mouvement clandestin en faisant bien comprendre qu’elle et les autres femmes n’étaient pas de simples « auxiliaires » mais qu’elles remplissaient des rôles essentiels, notamment pour le passage de matériel et de documents à travers la région, contribuant ainsi à la planification des actes de sabotage, contrôlant les potentiels nouveaux membres du maquis, fabriquant des explosifs et des faux papiers d’identité et aidant les gens à échapper à la déportation et au travail forcé en Allemagne institué par le Service du travail obligatoire.
18En novembre 1943, Neus et Albert comprennent qu’ils ont été trahis et que la ferme est « quemado » (découverte). Une demi-heure avant de partir, ils se retrouvent encerclés par des SS armés et ne parviennent pas à s’enfuir. Incarcérée à Limoges, Neus a eu la mâchoire brisée par ses interrogateurs dans une chambre de torture d’où elle était convaincue qu’elle ne ressortirait pas vivante. À la prison de Limoges, Neus a rencontré une jeune résistante française nommée Thérèse Menot (Tití), avec qui elle a noué une relation difficile à mesurer, car Tití et Neus formeront toutes deux une sorte de duo mère-fille durant toute leur déportation, et vivront ensemble au camp principal puis au camp de travail forcé de Holýšov en Tchécoslovaquie.
19Avant les camps allemands, Neus Català et Tití, comme des milliers d’autres prisonniers, ont été transférées à Compiègne. C’est là que Neus voit son mari vivant pour la dernière fois. Finalement, à l’hiver 1944, elle est déportée au camp de concentration de Ravensbrück avec des femmes de toutes nationalités (française, tchèque, polonaise) par le « convoi des 27000 », indiquant le numéro qui leur serait attribué à Ravensbrück. Le 7 février 1944, le train et son chargement atteignent Fürstenberg, ville thermale verdoyante située dans l’actuel land de Brandebourg au nord de l’Allemagne. Les survivants ont souvent fait remarquer le cruel contraste entre le charme du village et l’enfer du KL. À son arrivée, Neus, sélectionnée comme « apte au travail », est assignée au baraquement 22 où plus de 500 femmes se disputent l’air et l’espace. Parmi les tâches inutiles décrites par les survivantes de Ravensbrück, les femmes étaient forcées à creuser et déplacer des monceaux de terre d’un endroit à un autre pour agrandir le lac gelé de Schwedt, en retirant la boue du fond à mains nues. La faim et la maladie ont eu raison de nombreuses femmes.
20Après un mois passé à Ravensbrück, Neus Català est transférée à nouveau, cette fois à Holýšov (Holleischen), un kommando sous protection du camp de Flossenbürg dans la région des Sudètes tchèques où elle sera emprisonnée et mise au travail dans une usine métallurgique du 8 mars 1944 jusqu’au 8 mai 194517. Là-bas, Neus forme une nouvelle « famille » de camp avec sa « fille » Tití mais aussi avec une autre Espagnole et une Hongroise (63). Il n’y avait pas beaucoup d’Espagnoles ou de Françaises avec qui composer un groupe national distinct18. À Holleischen, les prisonnières fabriquaient des balles antiaériennes à l’usine jour et nuit, forcées par la violence et la famine à fabriquer 10000 balles par jour. Les survivantes de ce kommando ont raconté avec une grande fierté que l’étendue et le succès de leurs actes de sabotage ont gêné les chaînes de montage, réduisant de manière significative le nombre de balles utilisables qui sortaient du camp. Les femmes ont également résisté aux conditions de travail meurtrières en organisant une grève de la faim et en refusant les salaires proposés par les SS. Une fois que la guerre fut quasiment perdue pour les Allemands, les prisonnières attendirent de mourir de maladie, de faim ou de la main des Allemands qui avaient installé des explosifs tout autour du site avec l’intention de le faire sauter pour tuer toutes les prisonnières restantes avant l’arrivée des forces alliées. Les partizans polonais et les unités tchèques ont libéré le camp début mai 1945, peu avant l’arrivée des Américains, libérant près de 700 femmes19.
21La libération s’est avérée compliquée. Neus Català, physiquement et mentalement abattue, est parvenue à rentrer à Sarlat en France en mai 1945, retrouvant une famille à qui elle était incapable de communiquer l’horreur de ce qu’elle avait perdu et de ses souffrances. Albert Roger était mort d’épuisement à Bergen Belsen. Récompensée par de nombreux prix et consécrations, Neus est devenue, particulièrement en 2015, année de son 100e anniversaire, la représentante catalane des femmes de la république espagnole, de la Résistance espagnole en France, et des déportées catalanes20.
22Dans son étude sur Mercedes Núñez Targa, Maureen Tobin Stanley décrit l’étendue exceptionnelle du rôle des Espagnoles dans l’antifascisme :
« Le parcours des républicaines espagnoles, de la République jusqu’à la fin de la guerre révèle […] non pas une “dérive sociale” mais […] une dérive politique et carcérale. Si l’on regarde simplement le cas de Mercè Núñez Targa qui est passée de secrétaire du Prix Nobel Pablo Neruda et administratrice au sein du parti communiste à l’incarcération à la prison des femmes de Ventas, puis à la fuite par la traversée des Pyrénées suivie de son internement en camp de réfugiés, et son arrivée au camp de concentration nazi de Ravensbrück, on voit qu’en moins de dix ans, Targa est passée de l’état de prisonnière politique dans le pays où elle était née, à la situation d’une apatride non-désirée dans un pays empli d’anti-hispanisme qui serait bientôt occupé par une force fasciste inégalée, puis à la situation d’un être humain que le nazisme a essayé de réduire à un numéro21… »
23Dans leurs travaux respectifs, Neus Català et Mercedes Núñez Targa abordent la question du genre comme un élément essentiel dans l’interprétation des camps nazis : comment les Françaises et les Espagnoles s’organisaient-elles entre elles et avec les autres groupes nationaux de prisonnières pour tenter de contrer les effets des actes de violence et d’humiliation corporelle ? Comment les liens entre les femmes leur ont-ils permis de résister aux actions visant à leur anéantissement, perpétrés par les hommes et les femmes gardiens du camp et coupables de ces agissements22 ? Il faut approfondir la recherche pour comprendre comment les femmes ont pu nouer des liens affectifs et des relations familiales de substitution avec d’autres femmes alors que, par ailleurs, les liens de solidarité communistes et la nécessité de résister au sein de la collectivité excluaient tout comportement s’apparentant au lesbianisme. Un autre aspect à étudier serait celui du sens qu’ont donné les prisonnières politiques françaises et espagnoles à leur calvaire face à celui des prisonnières juives avec qui elles cohabitaient dans le camp. Le fait que ces thèmes émergent à la lecture des récits sur la vie au camp illustre la richesse des témoignages espagnols. Bien que ces questions méritent d’être considérées dans de futures études, les pages suivantes seront consacrées aux thèmes saillants du corpus : d’une part l’expérience et la mémoire de la violence sexuelle à l’encontre du corps féminin et d’autre part les actes de sabotage comme moyen de se donner une identité, dans le passé et dans le présent, avec des anecdotes qui illustrent comment les femmes ont résisté en étant psychologiquement amputées par des agressions sadiques contre leur individualité en tant que personnes unies par leur genre et par leur lien idéologique23.
Les Espagnoles se souviennent des violences sexuelles
24Ravensbrück était connu pour être « l’enfer des femmes » où elles subissaient des violences sexuelles de nature complexe. Pour de nombreuses survivantes, la valeur intériorisée associée aux récits d’espoir et de triomphe sur le mal a souvent supplanté les récits d’abus sexuels incluant la nudité forcée, la stérilisation forcée, l’avortement forcé et le recrutement forcé de prisonnières pour servir d’esclaves sexuelles dans les bordels des KL24. Les Espagnoles n’ont pas échappé aux rituels d’humiliation sexuelle parmi lesquels : le déshabillage devant les gardes, l’obligation de se tenir nues pendant les assemblées, le rasage, les examens gynécologiques intrusifs, publics et non-hygiéniques ainsi que les expériences médicales. Les Espagnoles présentent le large spectre des recours psychologiques et physiques exercés pour résister à l’intériorisation de la haine d’elles-mêmes en tant que femmes que les nazis essayaient d’instiller en elles.
25Mercedes Núñez Targa se rappellera que de toutes les horreurs accumulées dans les camps aucune n’est parvenue à diminuer sa conscience d’elle-même autant que l’expérience des longues heures d’appel. Pour certaines femmes, le viol et l’injection de substance dans leurs parties génitales sont les violences qui les ont le plus dégradées ou brisées (voir Bueno Ester en catalan). Mais pour Mercedes, la blessure incurable a eu lieu pendant les appels :
« La blessure que nous, les déportés, avons gardée après les camps et traînée toute notre vie. Je ne vous le raconte pas pour vous faire de la peine. Je vous le raconte pour que vous puissiez comprendre la blessure profonde, comme une marque au fer rouge, qu’a laissé l’appel en nous25. »
26En même temps qu’elle décrit l’appel comme méthode de torture sexuelle, Mercedes explique sa stratégie pour combattre les tentatives des nazis de la déshumaniser en tant que femme :
« Appel ! Appel ! Ni la faim, ni les coups, ni la menace perpétuelle de la chambre à gaz ne pénètrent l’âme autant que cette profonde humiliation de se voir obligée d’exiger de ses propres muscles une immobilité de pierre, d’afficher l’impassibilité sur son visage, de ne pas trembler, même si un coup de fouet s’abat sur la peau martyrisée d’une camarade, d’une amie, d’une sœur. On se sent vaincue, lâche, comme si les coups étaient portés pour vous arracher votre dignité de combattante, on ressent du dégoût et de la honte vis-à-vis de soi-même. […] Des groupes de SS suivis de chiens passent par là : arme à la main.
Personnellement, je n’ai aucune honte d’être nue en leur présence, comme un chien de plus ou une pierre. À force de les voir d’un jour à l’autre brailler des insultes et frapper comme des bêtes, on finit par les exclure de la communauté humaine. Pour moi, ce sont des bipèdes, c’est tout26. »
27La seule possibilité pour Mercedes Núñez de résister était par la pensée : elle bannit ses ravisseurs de la communauté des hommes, ils n’étaient que des animaux sur deux pieds, et ainsi elle revendique son humanité dans une immobilité fière, nue et flagellée. Quel pouvoir de résistance psychologique à la violence sexuelle les femmes pouvaient-elles trouver dans ce royaume de la terreur où la chance, la force d’âme et la ténacité psychologique étaient si variables selon les victimes ?
28Neus Català était une femme solide dotée d’une force et d’une intelligence remarquables. Dans son témoignage, les lecteurs trouveront peu de cas où Neus admet s’être sentie spirituellement anéantie27. En certaines occasions, néanmoins, le sadisme exercé contre le corps féminin dans sa dimension sexuelle et reproductrice s’avère presque trop difficile à supporter. Battue pour avoir vomi quand on l’a forcée à enfiler les sous-vêtements usés et incrustés de pus d’une autre prisonnière qui avait sans doute été abattue, Neus en vient presque à renier son serment de ne jamais pleurer devant les gardes28. Plus tôt, le « contrôle vaginal » renforce la révolte de Neus contre les agressions portées à la féminité des prisonnières :
« Encore un passage à l’infirmerie pour un contrôle vaginal effectué dans des conditions aussi honteuses qu’humiliantes. Avec le même instrument, et sans l’avoir désinfecté, ils nous prélèvent des échantillons. Quelle horreur et quelle peur ! C’est une torture supplémentaire imposée à notre condition de femme ; nous sortions toutes pleines de rage et la tête baissée29. »
29Comme Mercedes Núñez Targa, Neus Català combat les agressions contre son intimité en donnant aux Allemands l’image d’un ennemi non humain, rien de plus qu’un « rebut moral, un tube digestif créé pour accomplir une mission bestiale30 ». Si la résistance aux violences sexuelles était purement intellectuelle, le travail forcé était une opportunité concrète d’apporter une réponse empirique et psychique aux agressions nazies. Concernant l’usine de Holleischen, Neus Català se souvient : « Nous avons été confrontées au cas de conscience le plus grave de notre vie […] en même temps nous y voyions une chance de continuer la résistance : ne pas produire et saboter à tout prix l’armement nazi31. » La possibilité de poursuivre la résistance à travers le travail a donné aux Espagnoles une chance de revendiquer leur légitimité antifasciste.
Sabotage du travail forcé
30Les mémoires de Mercedes Núñez Targa et les témoignages oraux recueillis par Neus Català sont conformes aux archétypes trouvés typiquement dans la littérature concentrationnaire communiste. Parmi ces archétypes : arrestation et interrogation, transport, arrivée, actes de cruauté, actes de bonté, perception des ravisseurs, diversités culturelle, ethnique, nationale, linguistique, idéologique et socio-économique dans le camp, solidarité et résistance, sabotage, portrait chaleureux de la mort, assistance aux mourants, famine, galerie de portraits, blessure ouverte de la mémoire des femmes et enfants juifs, récits d’évitement (comment j’ai failli trouver la mort dans les chambres à gaz), libération, et enfin réalité biologique de la féminité et effets corporels et psychologiques de la torture et des privations. Ceci étant dit, notons que les témoins du recueil de Neus et les mémoires de Mercedes privilégient la description des actes de sabotage comme une activité remarquable qui leur permettait de poursuivre la résistance au fascisme. Cela semble logique pour deux raisons : l’une temporelle et l’autre idéologique. La majeure partie du temps ne se passait pas dans le camp principal mais dans les usines ou les unités détachées où elles travaillaient dans des conditions difficiles. Les survivantes se rappellent très bien les détails des procédés de fabrication, les longues heures de travail, la faim, la menace des coups, et les sessions de travail encadrées par des appels interminables et parfois fatals. L’attention portée au travail dans les témoignages démontre aussi l’irréductible impératif communiste de souligner les actes de résistance tels que les sabotages pendant l’incarcération. Les récits de sabotage dans les témoignages ne sont alors plus de simples « faits concrets de terrain » mais ils incluent cette toute petite communauté espagnole du camp au sein d’une plus large communauté de femmes communistes assez audacieuses pour essayer d’empêcher la production de munitions fascistes. Deux anecdotes sont symboliques pour illustrer de façon prévisible mais émouvante l’importance du sabotage dans le sentiment d’appartenance communiste transnationale et servent en même temps à distinguer spécifiquement les actes de bravoure espagnols et catalans.
31Mercedes Núñez Targa raconte – avec ce ton héroïque prévalant dans de nombreux témoignages de survivants – qu’elle faisait partie d’un groupe de six mille femmes (selon ses comptes) incorporées dans les groupes de travail de l’usine de HASAG-Leipzig où elles fabriquaient des obus. Felicja Karay, prisonnière du même camp, écrit que les femmes ont dû apprendre à devenir « en l’espace de quelques jours, des ouvrières qualifiées et capables de faire fonctionner des machines compliquées. » La plupart des femmes fabriquaient des munitions légères pour l’infanterie et leurs tâches incluaient également le nettoyage, le lustrage et le déplacement des lourds obus. Le rendement exigé de ces femmes était constamment « augmenté et le travail à la chaîne requérait une concentration intense32 ».
32Mercedes Núñez Targa se rappelle qu’elle était l’une des huit amies espagnoles qui formaient une famille de substitution unie et convaincue que « désorganiser [et donc saboter] l’industrie de guerre allemande constituait une bataille importante33 ». Le sabotage de la production et les autres formes d’interruptions de travail constituaient également une part importante de la participation des femmes à la résistance. Plusieurs stratégies narratives démontrent que, même confrontées aux barrières de la langue, les femmes parvenaient à convaincre leurs responsables ou leurs codétenues qu’elles n’étaient pas des prisonnières « comme les autres » (des prostituées) mais des antifascistes engagées. Les récits de sabotage en sont un élément. Être vue en pleine mise au point d’un subterfuge était une preuve de la nature politique de leur incarcération même, mais aussi une preuve de courage collectif des prisonnières. Dans une lettre, Mercedes Núñez Targa explique :
« Puisque les coups (les passages à tabac, etc.) n’étaient jamais portés à l’usine mais au retour au camp, nous avons décidé de nous risquer à une action frontale pour revendiquer notre condition de prisonnière politique face aux ouvriers allemands à qui ils avaient dit que nous étions des voleuses, des prostituées, etc. qui étaient là pour être rééduquées par le travail et avec qui il ne fallait absolument pas communiquer, ce qui était facilité par la barrière de la langue34. »
33Mercedes Núñez Targa trouva une opportunité d’extérioriser sa vertu et sa légitimité politique en tant que femme lors d’un épisode où elle réalisa qu’elle était observée de près par un jeune soldat allemand blond qui supervisait la chaîne de montage. Elle craignait qu’il l’ait vue manipuler les lignes métalliques de façon à percer des trous ovales plutôt que ronds dans les obus. Être surprise à essayer de miner la production pouvait la conduire au fouet, aux coups ou à la mort par pendaison ou par gazage. De peur que l’Allemand la surprenne, Mercedes travaillait lentement mais sans intervention évidente pour ralentir la production. En même temps, elle était excitée par le succès de sa propre ingéniosité en matière de mécanique, et continuait de percer des obus qui seraient inutilisables. À un moment, l’Allemand s’est approché d’elle et a pointé du doigt le triangle rouge qui marquait son uniforme mais qui ne portait pas d’initiale de sa nationalité. Elle répondit à l’Allemand qu’elle était espagnole. Il répliqua en allemand : « Spanisches ? Franco oder Pasionaria ? » Elle avoue : Pasionaria. Communiste ? demande-t-il. Et ils échangent un petit sourire de complicité35. Quelques jours plus tard, le système de malfaçon de Targa a malheureusement si bien fonctionné que l’axe tout entier de la machine casse. Elle se fige, terrifiée. Quand le Obermeister vient l’attaquer verbalement, le communiste allemand vient à son secours. L’ouvrier allemand et la Catalane n’ont jamais parlé ouvertement de l’incident : ce n’étaient que regards, compréhension mutuelle et silencieuse fondée sur un échange de deux mots : « Communiste » et « Pasionaria. » À la fin de l’épisode, le soulagement de Mercedes Targa est palpable, mais son sentiment principal est la joie d’avoir trouvé un « camarade » dans l’Allemagne hitlérienne. L’expression des pouvoirs de la solidarité – communiqués par la « pureté » de l’exemple des sacrifices et de la camaraderie républicaine espagnole représentée par le symbole de Dolores Ibárruri, Pasionaria (chef du parti communiste espagnol et incarnation de l’antifascisme36) – demeurent le point culminant de cette longue section dédiée au sabotage. La Pasionaria émerge dans le Lager entre deux camarades qui ne parlent pas la même langue mais qui parviennent à l’évoquer comme un code secret furtivement échangé, un sauvetage, la protection d’une femme qui permet aux esclaves d’échanger un geste. De plus la Pasionaria sert aussi à associer Mercedes à un modèle irréprochable d’action féminine antifasciste, ne laissant aucune possibilité à l’ouvrier allemand de prendre Mercedes et ses comparses pour des prisonnières « comme les autres ».
34Dans l’ouvrage de Neus Català, comme dans les mémoires de Mercedes Targa, une place importante est accordée à la description des actes de sabotage de l’armement37. Dans le propre témoignage de Neus, chapitre ouvrant son livre, le récit ralentit, pour le plaisir de raconter dans le détail la mécanique du sabotage. Dans la version romancée de son autobiographie, Cenizas en el Cielo (Cendres dans le Ciel) – coécrite par Carme Martí – Neus raconte comment elle et ses camarades espagnoles et françaises ont ralenti la production d’obus anti-aériens en diminuant le rythme de travail et comment elles ont découvert que si elles ajoutaient quoi que ce soit – en particulier de la salive, des crachats – à la poudre à canon, cela rendrait les obus inopérants. Savourant leur malice et leur succès, « Comme on était contentes38 ! », les femmes volaient de toutes petites gouttes d’huile des autres machines et les mélangeaient également à la poudre. Grâce à ces méthodes, « et à la manipulation des machines, nous faisions baisser la productivité de 1000 à 5000, parfois 6000, pour faire comme si de rien n’était, et nous avons été baptisées “Commando des fainéantes”. Quel honneur que ce mépris39 ! » Les petits détails inclus dans les passages consacrés au sabotage s’apparentent au thème de la participation espagnole à ces efforts. Par exemple, Neus affirme que c’est elle-même et Blanca Ferón, une autre déportée espagnole, qui ont proclamé les premières au sein du groupe transnational tout entier la nécessité de saboter les armements fabriqués pour tuer leurs camarades hommes sur le champ de bataille40.
35Et Neus Català, tout comme Mercedes Núñez Targa, met en avant l’exemplarité et la grandeur de la résistance espagnole par le récit des sabotages qu’elle et ses camarades ont perpétrés. Neus écrit : « Bien que la faim nous tordît l’estomac, nous ne nous volions pas le pain entre nous. Mais quant à la lutte contre nos ravisseurs, nous étions de parfaites voleuses : sabotear, sabotear, sabotear41! » La subversion, la triche, le vandalisme étaient à l’ordre du jour. Elle continue, soulignant les sacrifices des Espagnoles :
« Si nous étions prises sur le fait, nous étions accusées de haute trahison : torturées et pendues par les pieds et les mains, accrochées à des crocs de boucher par le menton, une mort lente et atroce, parce qu’on ne se vidait pas de son sang. La meilleure chose à faire était d’essayer de se débrouiller pour que le croc pénètre le cerveau. C’est ainsi que Mimí de Pau, sa belle-sœur Elena, Françoise de Paris et une femme soviétique furent exécutées pour sabotage au camp central de Flossenbürg. Mimí de Pau était espagnole… Mimí, jeune mère de deux enfants, eut le courage de faire de la résistance. Je me souviendrai toujours avec nostalgie et tendresse des brèves conversations que nous avions le dimanche après-midi. De la bouche de cette femme fragile, aux yeux magnifiques et au visage de poupée, sortaient des sentiments profonds : “Ai-je vraiment été une mauvaise mère ? C’est que je ne me sentais pas uniquement mère de mes propres enfants mais mère du monde entier”. »
36Le passage se poursuit avec la déception de Neus Català de voir que les premiers témoignages des Françaises en camps de concentration, Les Françaises à Ravensbrück (1965) n’identifiaient pas Mimí comme espagnole mais comme française. Étonnamment, la colère contre cette méprise de l’espagnole Mimí pour une Française apparaît dans plusieurs témoignages recueillis dans le livre de Neus. On peut noter dans ces mémoires un nombre d’éléments qui font écho à l’épisode de Mercedes Núñez Targa où les dangereux actes de sabotage sont liés au symbole du sacrifice maternel communiste pour distinguer une solidarité et une valeur spécifiquement espagnoles. Tout d’abord, dans le portrait de Mimí dont la supposée compréhension de sa propre maternité concorde avec celle du personnage de la Pasionaria : la longue souffrance de la mère dont les enfants, représentants de l’Internationale communiste, la rendent mère de tous. La résistance est ainsi féminisée. Deuxièmement, on observe que la francisation de Mimí est un exemple représentatif de l’effacement généralement opéré par la France de l’expérience espagnole et communiste qui a commencé par l’exil républicain, s’est poursuivie dans la Résistance française, et s’est intensifiée et prolongée à Ravensbrück et dans ses sous-camps. Il faut savoir, affirme Neus Català, que le pire, c’est-à-dire le meurtre lent et sadique par les nazis, est arrivé aux Espagnoles aussi42. Nous faisons partie des martyrs et des héros, affirme son témoignage. Mercedes et Neus font le récit des actes de sabotage espagnols pour contrer l’hégémonie de l’ascendance française dans le discours d’après-guerre en même temps que leurs récits de résistance en captivité nazie étendent leur réputation de combattantes antifascistes.
Conclusion
37Dans son livre sur les dimensions sociales cachées des sociétés de prisonnières dans les camps de concentration, la sociologue Maja Suderland écrit que même dans le monde chaotique des camps, les prisonnières « utilisaient tous les moyens à leur portée dans leur tentative inébranlable de restaurer un certain degré de “justice”43. » Les possibilités d’exprimer leur solidarité étaient violemment restreintes. Et pourtant, soutient Suderland, les activités culturelles dont se souviennent la plupart des prisonnières politiques de Ravensbrück dans leurs mémoires – telles que les chants, les représentations théâtrales, le partage de recettes et le respect des fêtes et des rituels nationaux – pouvaient aider les prisonnières à revendiquer brièvement leur sentiment de dignité humaine et à supprimer les « relents de mort44 ». Les témoignages espagnols et catalans regorgent de souvenirs de ces petits actes d’expression culturelle que se permettaient les prisonnières comme des rappels individuels et collectifs de leur humanité et de l’énergie émanant de leurs réseaux sociaux. Neus Català et ses « sœurs » de camps utilisaient des petites quantités de peinture réchauffée pour fabriquer des figurines, tandis que Mercedes Núñez Targa et ses codétenues épinglaient à leurs uniformes de tout petits drapeaux républicains espagnols cousus clandestinement. Si Suderland n’évoque pas la société carcérale dans le contexte du travail forcé, il est néanmoins facile de voir que l’expression d’unité soutenue par les Espagnoles, comprenant le sabotage de la production de munitions, les grèves de la faim, et les refus de paiement pour leur travail forcé, constitue une action qui valide leur identité et leur raison d’être, enracinées dans la résistance antifasciste.
38De nombreux sous-camps de Ravensbrück étaient des espaces strictement féminins où les possibilités d’opposition à l’avilissement, à la privation de nourriture et à la torture étaient limitées mais significatives et dont on peut faire plusieurs récits de résistance différents. Dans ces espaces, les Espagnoles se positionnent comme des protagonistes à part entière dont la légitimité en tant qu’antifascistes espagnoles réside dans leur tentative de briser les hiérarchies nationales et de genre. C’est cette mémoire de la résistance à une mort probable que les Espagnoles finissent par mettre en avant comme symbole idéologique et historique de leur expérience dans les Lager. En mettant en avant le caractère manuel et ouvrier de leurs actions de résistance antifascistes, tant dans leurs conceptions que dans leurs manifestations, les femmes font un autoportrait de courage et d’initiative en accord avec la tradition communiste du travail comme source de fierté, et lieu de lutte et de contestation, corps et âme. Il reste encore des réflexions et des recherches objectives et évaluatives à mener concernant la résistance des femmes dans les camps de concentration – un travail qui chercherait à contextualiser plutôt qu’à héroïser, à argumenter plutôt qu’à simplement commémorer. Mon exploration des mémoires espagnoles d’actions de résistance dans le contexte du travail forcé constitue, je l’espère, un pas dans cette direction.
Notes de bas de page
1 Hugo-Schneider-Aktiengesellschaft (HASAG) était une énorme usine d’armes antitanks Panzerfaust ; concernant sa structure et son utilité pour le régime nazi, voir Felicja Karay, Hasag-Leipzig Slave Labour Camp for Women : The Struggle for Survival told by the Women and their Poetry, Portland, Oregon, Vallentine Mitchell, 2002. Voir également Felicja Karay, « Women in Forced-Labor Camps », in Dalia Ofer et Leonore J. Weitzman, Women in the Holocaust, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 289-305.
2 Des documents de l’International Tracing Service (Service international de recherches) l’ont enregistrée sous son pseudonyme de Francisca (Paquita) Puis, née Colomer, arrivée à Ravensbrück le 23 juin 1944 et transférée au « commando de Leipzig-Schönefeld au camp de concentration Buchenwald » le 21 juillet 1944.
3 Robert Gildea, Fighters in the Shadows : A New History of the French Resistance, Londres, Faber & Faber, 2015, p. 5.
4 Les études les plus sérieuses parues sur Ravensbrück sont toujours : Germaine Tillion, Ravensbrück, Paris, Seuil, 1988 (1re édition, 1946) ; et Bernhard Strebel, Das KZ Ravensbrück. Geschichte eines Lagerkomplexes, Paderborn, 2003. Voir aussi Sarah Helm, Ravensbrück : life and death in Hitler’s concentration camp for women, New York, Doubleday, 2014. Sur le travail forcé, voir Jens-Christian Wagner, « Work and Extermination in the concentration camps », in Jane Caplan et Nikolas Wachmann (éd.), Concentration Camps in Nazi Germany : The New Histories, New York, Routledge, 2010 ; Marc Buggeln, Slave labor in Nazi concentration camps, Oxford, Oxford University Press, 2015 ; et T. Allen, The Business of Genocide. The SS, Slave Labor, and the Concentration Camps, Chapel Hill, NC, 2002. L’encyclopédie du United States Holocaust Memorial Museum, Encyclopedia of Camps and Ghettos (vol. 1), contient des entrées sur le travail forcé dans les camps où des Espagnoles ont été déportées.
5 Marc Buggeln, op. cit., p. 118.
6 Claire Andrieu, « Réflexions sur la Résistance à travers l’exemple des Françaises à Ravensbrück », Histoire@Politique, 2009, 05 (005), p. 3 ; Marie-France Reboul, « La Résistance dans les camps de concentration nationaux-socialistes » [http://ww2.ac-poitiers.fr/civique/IMG/pdf/] [La_Resistance_ dans_les_camps_de_concentration_nationaux-socialistes.pdf].
7 [http://www.amicalravensbruck.org/censo.asp?id_rep=214] ; [http://www.amical-mauthausen.org], site consulté le 17-05-2018.
8 « Felisa, La Gitane, disparue à Ravensbrück » (N.D.T.).
9 Gildea parle de « résistance en France » par opposition à la « résistance française » pour essayer de magnifier les profils de ces groupes (dont les femmes et les Espagnols) dont la participation à la lutte a été essentielle. Voir Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance, 1940-1945, Paris, Perrin, 2013.
10 Si les études récentes (Gildea, Dreyfus-Armand) ont corrigé cet oubli, il reste des recherches à accomplir et des morceaux de puzzle à reconstituer à propos de la lutte espagnole et de sa dimension internationale ainsi qu’à propos du rôle central des femmes. Geneviève Dreyfus-Armand, L’exil des républicains espagnols en France : de la guerre civile à la mort de Franco, Paris, Michel, 2000. Les recherches de Dreyfus-Armand font autorité sur les travaux concernant les républicains espagnols en France et la forte contribution espagnole à la Résistance. Sur la Résistance en Espagne, voir Mercedès Yusta Rodrigo, « Rebeldía individual, compromiso familiar, acción colectiva. Las mujeres en la resistencia al franquismo durante los años cuarenta », Historia del Presente, n° 4, 2004.
11 « Comprises dans l’organisation clandestine française » (N.D.T.).
12 Teresa de Hoyo (dir.), Memorial de las españolas deportadas a Ravensbrück, Barcelone, Amics de Ravensbrück, 2012, p. 77.
13 Montserrat Roig, Els catalans als camps Nazis, Barcelone, Ediciones 62, 1977. Dans une partie de son livre sur les femmes déportées, Roig décrit ainsi la réticence à témoigner : « Il a été difficile de parvenir à ce que les déportées témoignent pour ce livre de la participation des femmes de toutes les classes à la résistance au combat pour la libération et en même temps, il y avait une pudeur étrange qui les forçait au silence en temps de paix », p. 65.
14 Jane Caplan, « Gender and the concentration camps », in Jane Caplan et Nikolas Wachmann (éd.), Concentration Camps in Nazi Germany : The New Histories, op. cit., p. 94.
15 Première édition : Neus Català, De la resistencia y la deportación, Barcelone, Adgena, 1984. Je parle ici de Neus Català, De La Resistencia Y La Deportación : 50 Testimonios De Mujeres Españolas, Barcelone, Península, 2000. Mercedes Núñez Targa, El carretó dels gossos : una catalana a Ravensbrück, Barcelone, Edicions 62, 1982. Les biographies de Català : Elisenda Belenguer Mercadé, Neus Català : memòria i lluita, Barcelone, Fundació Pere Ardiaca, 2006. Autobiographie romancée de Martí Carme et Neus Català, Un cel de plom, Badalone, Amsterdam Llibres, 2012 ; et Mar Trallero, Neus Català : la dona antifeixista a Europa, Barcelone, Mina, 2008.
16 Bien qu’il ne compte que 18 récits autobiographiques, le Memorial de las españolas deportadas a Ravensbrück, op. cit., contient une esquisse bien plus biographique des déportées espagnoles accompagnée d’autres sources, parmi lesquelles le recensement le plus complet des déportées espagnoles dont nous disposons à ce jour : Benito Bermejo et Sandra Checa, Libro memorial : españoles deportados a los campos nazis (1940-1945), Madrid, Ministerio de Cultura, 2006. Une autre ressource importante a été celle de la Fondation pour la mémoire de la déportation (France) : Le Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution : 1940-1945, Paris, Éd. Tirésias, 2004.
17 Pour la description des sous-camps où travaillaient les Espagnoles, la meilleure ressource est l’encyclopédie de l’USHMM sur les camps et les ghettos, vol. 1. Entrée concernant Holleischen-Holýšov : p. 614-616 ; concernant Buchenwald, Leipzig-Schönefeld (HASAG) (femmes) : p. 378 ; et sur Ravensbrück, le camp principal et ses sous-camps : p. 1187-1192.
18 Selon le recensement de Memorial de las españolas deportadas a Ravensbrück, op. cit., seules quatre Espagnoles furent transférées à Holleischen : Català, Adriaine Calderón, Dolors Casadellà et Blanca Ferón. La résistante communiste française Catherine Roux a publié ses mémoires de Ravensbrück et d’Holleischen dans son livre de 1968 Triangle rouge, avant-propos de Geneviève Anthonioz de Gaulle, dessins originaux de Jeannette L’Herminier, Paris, Éditions France-Empire, où les épisodes correspondent aux récits des Espagnoles. Le mémorial compte au moins huit Espagnoles ayant été envoyées au site HASAG près de Leizig, dont Núñez Targa.
19 Description des usines métallurgiques et des conditions de travail ici [http://www.warrelics.eu/ forum/konzentrationslagers/kz-aussenlager-holleischen-flossenbuerg-sub-camp-199265/].
20 Neus Català est également évoquée dans la contribution de Tiphaine Catalan.
21 Maureen Tobin Stanley, « Mujeres silenciosas, mujeres silenciadas : reality and representation of the female republican struggle against Francoist and Hilterian Nationalism », Vanderbilt e-Journal of Luso-Hispanic Studies, n° 6, 2010, p. 136.
22 À propos de la création de groupes familiaux non-biologiques, voir Sybil Milton, « Women and the Holocaust : The Case of German and German-Jewish Women », in Renate Bridenthal, Atina Grossmann et Marion Kaplan (dir.), When Biology Became Destiny : Women in Weimar and Nazi Germany, New York, Monthly Rewiew Press, 1984, p. 297-333. Voir aussi Insa Eschebach (dir.), Homophobie und Devianz : Weibliche und männliche Homosexualität im Nationalsozialismus, Berlin, Metropol, 2012.
23 Les prisonnières politiques de nombreux pays racontent les mêmes anecdotes, avec la même structure narrative et les mêmes dispositions affectives. Voir The Ravensbrück Women’s Concentration Camp : History and Memory, Berlin, Metropol Verlag, 2013.
24 Robert Sommer, Das KZ-Bordell : Sexuelle Zwangsarbeit in nationalsozialistischen Konzentrationslagern, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2009.
25 Traduit de l’espagnol. Núñez Targa, Destinada al crematorio, op. cit., p. 77.
26 Traduit de l’espagnol. C’est nous qui soulignons. Neus Català, De la Resistencia, op. cit., p. 77.
27 L’un des mérites de la biographie romancée de Català écrite par Carme Martí – et fondée sur de longs entretiens avec Neus et des années de recherche – est l’attention fixée sur la variété des expériences dans les camps et les niveaux de réponses émotionnelles qui leur sont accordés. Le témoignage de Català ne contient ni la même profondeur ni la même variété d’expression.
28 Carme Martí, Cenizas en el cielo, op. cit., p. 202.
29 Traduit de l’espagnol. Cité dans [http://www.amicalravensbruck.org/censo.asp?id_rep=214].
30 Traduit de l’espagnol. Neus Català, De la Resistencia, op. cit., p. 61.
31 Ibid., p. 67.
32 Felicja Karay, op. cit., p. 287.
33 Mercedes Núñez Targa, op. cit., p. 96.
34 Traduit de l’espagnol. Núñez Targa, lettre reproduite dans un journal galicien [http://www. buscameenelciclodelavida.com/2016/05/una-carta-de-mercedes-nunez-targa.html].
35 Núñez Targa, Destinada al crematorio, op. cit., p. 99.
36 Sur la Pasionaria comme incarnation de « la noblesse et du pathos du peuple espagnol et de leur cause », voir Lisa Kirschenbaum, « Exile, Gender, and Communist Self-Fashioning : Dolores Ibárruri (La Pasionaria) in the Soviet Union », Slavic Review, 71, n° 3 (automne 2012), p. 568, 575.
37 Sur le travail, voir les témoignages de Soledad Alcón, Carmen Buatell, Mónica Jené, Constanza Martínez Prieto, Mercedes Bernal, Lola Casadellà dans Neus Català, op. cit.
38 Traduit de l’espagnol.
39 Traduit de l’espagnol. Carme Martí, Cenizas en el cielo, op. cit., p. 171.
40 Carme Martí, Cenizas en el cielo, op. cit., p. 169.
41 Neus Català, De la Resistencia, op. cit., p. 67.
42 L’histoire de Mimí apparaît dans les témoignages d’autres Espagnoles et est racontée en détail dans le roman de Carme Martí-Neus Català, op. cit., p. 205.
43 Maja Suderland, Inside concentration camps : social life at the extremes, Cambridge, Polity Press, 2013, p. 5.
44 Ibid., p. 110.
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