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Chapitre 9 : La maison, de la mitoyenneté au privé

p. 159-176


Texte intégral

1Le but de l’enquête menée au sein du recueil d’Ibn Sahl réside, rappelons-le, dans une tentative pour percevoir, au fil des relations de voisinage, les mécanismes qui permettent le fonctionnement de la ville ; pour essayer de saisir comment les citadins sécrètent leur cadre de vie, le bien commun à l’ensemble des citadins et les espaces communautaires des riverains ont été examinés. Il reste dorénavant à se pencher sur les espaces partagés avec le voisin, qu’il s’agisse du mur séparant les deux fonds ou de l’espace aérien commun aux maisons voisines : il existe sur le sujet une abondante bibliographie, d’une part car le sujet a été abordé par ceux-là mêmes que la problématique des rues et des afniya préoccupe1, d’autre part car les maisons d’al-Andalus ont fait l’objet de nombreuses enquêtes, tant archéologiques 2 que juridiques3.

2De cette maison du monde urbain andalusí, il faut rappeler ici les grands traits, indispensables à l’intelligence de bien des situations évoquées par Ibn Sahl. S’il est bien entendu, comme le rappelle A. Bazzana, qu’il n’existe pas de « normes valables d’une extrémité à l’autre du domaine islamique » pour décrire la maison de la dār al-islām4, il n’existe pas non plus une maison urbaine d’al-Andalus, figée et atemporelle ; nous nous bornerons donc à signaler les traits les plus caractéristiques de cette maison, dans l’unique but de situer les Aḥkām dans un cadre matériel. Dans le monde urbain d’al-Andalus, la maison est une demeure introvertie, dont les murs donnant sur la rue sont aveugles, la porte constituant la seule ouverture pratiquée sur la façade, long mur disponible pour y installer des banquettes, par exemple5. L’élément essentiel de cette maison à patio est donc sa cour intérieure, à ciel ouvert (wasṭ al-dār, ṣaḥn), souvent de forme allongée et disposée dans le sens nord-sud (fig. 14) : c’est sur cette cour que donnent toutes les pièces et l’entrée coudée, située dans un angle du patio, qui met en relation avec la rue. La ou les pièces d’habitation (qā ‘a) se présentent sous la forme d’un espace rectangulaire divisé en une chambre principale, au centre, et deux alcôves, aux extrémités ; toujours situées sur les petits côtés de la cour dans les maisons nasrides de Grenade, elles sont plus élevées que les pièces placées sur les côtés les plus longs de la cour, où se trouvent les dépendances, cuisine, réserves et latrines. Lorsque la maison dispose d’un étage, il ne se développe qu’au-dessus des dépendances, de telle sorte que le toit de l’étage offre une continuité avec la couverture des pièces nobles. L’aménagement du patio, dallage, puits ou citerne, se complète d’un ou de plusieurs portiques couverts. Quant aux dimensions des maisons en milieu urbain, elles offrent une grande diversité non seulement d’un site à l’autre, mais aussi pour les maisons d’un même site, comme les situations de Vascos et de Cieza le montrent bien6 ; pour en revenir à Cordoue, signalons que les dimensions des maisons fouillées dans la zone d’expansion occidentale varient entre 90 m2 et 160 m27.

3Il ne faut bien sûr pas s’attendre à découvrir dans les affaires compilées par Ibn Sahl des données très différentes de celles qui ont été récemment exposées sur les maisons urbaines d’al-Andalus ; en revanche, les Aḥkām peuvent permettre de compléter un dossier déjà très étoffé par une analyse plus resserrée, ne concernant que la Cordoue des xe-xie siècles : en effet, les études menées sur la documentation juridique puisent très largement chez al-Wanšarīsī, compilateur tardif, qui rassemble sur al-Andalus des documents qui courent sur sept siècles, du ixe au xve siècle8. Les relations de voisinage qui construisent le tissu urbain s’exercent autour des trois espaces à partager avec le voisin, à savoir le mur qui sépare les deux fonds mitoyens, le sous-sol et le système d’évacuation des eaux qui y court et, enfin, le ciel, l’air et la lumière qui enveloppent les maisons : ce sont ces trois espaces qui seront successivement examinés.

Les murs des maisons

4Il convient, au préalable, de faire deux remarques, l’une à propos de la terminologie relative à la maison, l’autre concernant le statut du mur. Dār est le terme couramment traduit par maison ; or, il peut recouvrir d’autres signifiés et il entretient des relations qu’il faut préciser avec bayt autre terme employé pour désigner une habitation9. Dār vient de dāra, qui signifie entourer, et désigne un espace ceint de murs, de constructions ou bien encore délimité par des tentes de nomades, d’où ce signifié de maison, le plus habituel sans doute pour ce signifiant. Du signifié ‘maison’, en allant vers l’amont, c’est-à-dire vers cette notion d’un espace délimité par des bornes, dār prend le sens de terrain : à propos du Caire, S. Denoix fait ainsi remarquer que dār peut désigner un fonds de terre, une concession foncière et non un édifice, et ceci chez des auteurs d’époques différentes, aussi bien du ixe siècle que du xive siècle ; il s’agit à chaque fois de terrains propices à l’urbanisation, que le prince distribue en lots pour transformer en zone urbanisée un espace qui vient d’entrer dans le patrimoine des musulmans, par la conquête ou à la suite d’un phénomène naturel, le retrait du Nil10. A l’inverse, du signifié ‘maison’, en allant vers l’aval, c’est-à-dire vers le concept d’un bâtiment d’habitation, dār prend le signifié de famille : P. Guichard et J.-P. Yan Staëvel rappellent que dār désigne le groupe élargi qui vit dans la même maison, à savoir des individus appartenant à des générations différentes, ascendants et descendants, ainsi que des collatéraux ; dār renvoie ainsi à un groupe comprenant le couple, les enfants non mariés, les fils mariés avec leurs propres enfants11. Quant à bayt, le terme vient de bāta, qui veut dire passer la nuit, et désigne l’abri couvert où l’on peut dormir jusqu’au lendemain matin, la tente chez les nomades, la maison chez les sédentaires ; de là, bayt conserve ce signifié de chambre et de maison. De sa racine, bayt garde le sens d’une habitation de dimension moyenne, comme peut être celle qui abrite une famille ; comme dans le cas de dār, du signifié de maison, on glisse pour bayt vers le signifié de famille.

5Les deux termes, dār et bayt, figurent dans les Aḥkām pour désigner la maison, le premier étant de loin le plus fréquemment usité ; ils entretiennent presque toujours cette relation unissant le tout à la partie, le bayt apparaissant en général comme une partie de la dār. Dans un texte du xe siècle, relatif à l’inspection d’une canalisation en partie souterraine et en partie à l’air libre, on voit celle-ci venir en surface auprès du bayt d’un certain Aṣbaġ, puis traverser l’ensemble de la dār de ce même Aṣbaġ, avant de se jeter dans le fossé12. A propos d’al- Ṭubnī :, assassiné dans sa maison cordouane en mars 1065/rabī ou I ou II 457, dār est employé lorsqu’il s’agit de désigner la demeure en son ensemble, c’est-à-dire la maison comme le lieu où vivent al- Ṭubnī :, ses femmes et ses deux fils, puis la maison comme l’endroit où sont retrouvés le corps d’al- Ṭubnī : et l’arme du crime13. En revanche, bayt renvoie à une localisation plus précise : l’un des témoins interrogés sur les circonstances du meurtre stipule que l’aîné des fils se trouvait alors debout derrière la porte du bayt, sans doute ici la chambre. A Cordoue, en 1072/464, dans l’affaire du bayt en ruine situé entre la dār de Ḥassān b. ‘Abd Allāh et la dār de la synagogue, la propriété d’un édifice éboulé est disputée entre deux hommes14 : la structure en ruine, qui sépare la dār de Ḥassān de celle de la synagogue, est dite bayt, mais aussi bahw ; ce dernier terme est, dans l’architecture domestique, synonyme de iwān et désigne le renfoncement, le retrait profond qui défonce le mur postérieur d’une large salle15. On peut voir dans l’édifice en ruine une pièce (bayt) de la maison (dār). Si, la plupart du temps, il convient de rendre chez Ibn Sahl dār par maison et bayt par pièce d’habitation, il existe toutefois une exception à la règle : il est question, dans une fatwā des Aḥkām, de quelqu’un qui fait l’acquisition d’une habitation dans laquelle se trouvent de grandes jarres (ḫawābī, sing. ḫābiya) pour stocker l’eau, que l’ancien propriétaire ne peut faire sortir de la maison sans occasionner de dommage au bâti16. Or, l’acquisition concerne cette fois une dār sise dans un bayt (dār fī bayt) et le déplacement des jarres obligerait à démolir (hadama) le bayt et la porte de la dār ; il n’est pas inutile de rappeler ici que cette occurrence qui vient rompre la cohérence de l’emploi de dār et de bayt par Ibn Sahl se trouve précisément au sein de l’affaire qui débute à Séville en 1083/476 et qu’on suppose ajoutée aux Aḥkām par un disciple d’Ibn Sahl, après la fin de la rédaction du recueil par son auteur, en juillet 1080.

6La seconde remarque préliminaire concerne le statut du mur : R. Brunschvig signalait que le mur séparant deux héritages voisins est, en droit musulman, ou privatif ou mitoyen, la mitoyenneté étant une copropriété pure et simple dans laquelle toute décision doit être prise en commun17. Il y a là, pour reprendre la séduisante formule de M. Mhalla18, un véritable « don du mur », qui assure tout à la fois la cohésion du bâti et la solidarité entre voisins. Lorsque la mitoyenneté est source de difficultés, les juristes n’hésitent pas à lever l’indivision et s’efforcent de rechercher les éléments permettant l’attribution privative d’un mur contesté entre voisins. Si l’on n’oublie pas que parmi les traits morphologiques remarquables de la ville du monde arabo-musulman médiéval figure celui de la contiguïté du bâti19, on ne sera guère surpris de découvrir qu’Ibn Sahl rapporte plusieurs affaires relatives à des problèmes concernant les limites de propriétés voisines. Ils ont trait, dans la majorité des cas, aux murs qui séparent les maisons et qui sont désignés par Ḥā’iṭ ou, plus rarement, par ğidār20. Les deux termes, hā’iṭ et ğidār, ont pour signifiés ‘mur’, mais aussi ‘muraille’, c’est-à-dire qu’ils renvoient à l’idée d’une paroi solide, bien éloignée de la terminologie relative aux cloisons plus légères, comme ḥāğiz ou šarğab, terminologie sur laquelle on reviendra.

7Si, en général, c’est le mur séparant des demeures voisines qui est source de conflit, en revanche, dans l’une des affaires compilées par Ibn Sahl21 la structure servant à séparer deux maisons et se trouvant à l’origine du litige est dite al-fars, terme qui soulève des difficultés de lecture : l’absence de ce vocable dans la littérature consacrée à la maison le prive de points de comparaison et la description reproduite par Ibn Sahl ne permet qu’imparfaitement de saisir de quoi il s’agit. R. Dozy donne pour tars le signifié de ‘barre d’une porte’ ; M. Ḫallāf commente l’affaire en faisant d’al-tars le terrain (al-arḍ) qui se trouve entre les deux maisons22, avant de rappeler que le mot dérive du latin terra et que de terrac ou terras viennent tars, ainsi que terrado et terraza en espagnol. Le terme désignerait ainsi un grand balcon découvert et serait l’équivalent d’al-faranda (la terrasse)23. Remettre le terme dans son contexte revient à essayer de suivre, dans la Cordoue du xe siècle, le cadi et les fuqahā’ se déplaçant pour expertiser le mur (ḥā’iṭ) objet de litige : ils s’arrêtent devant deux maisons, celle de ‘ Īsā b. Dīnār et celle d’Umniyya et d ‘ Ḥawā’, filles d’Ibrāhīm b. ‘Īsā. Ces propriétaires sont en conflit à propos du tars qui sépare leurs deux maisons (al-tars al->ḥāğiz bayna dāray-himā) : celui-ci se trouve auprès (bi-qurb) de la maison des deux femmes et à l’est (bi-šarqī) de la maison d’Ibn Dīnār. Le cadi et les fuqahā’ signalent la présence, à l’avant du tars, c’est-à-dire dans la partie qui donne sur la rue, de vestiges de ce qui fut sans doute un escalier, ou bien une porte : ils voient en effet une ‘iḍāḍa (jambage de porte, pilier) 24au-dessus de laquelle ou contre laquelle ( ‘alā) se trouve une ‘ataba (marche, seuil, linteau) 25vétuste. Cette dernière est surmontée d’une autre ‘ataba, liée à une partie de la première, ce qui peut donner l’image de la première volée d’un escalier. La présence, en-dessous (taḥta) du tars, d’une pièce métallique 26 appartenant aux structures délabrées qu’observent le cadi et les fuqahā’ indique la localisation de celles-ci et peut conforter l’équivalence entre tars et terrasse ; retenons en tout cas de cette affaire que la mitoyenneté entre deux fonds peut s’exprimer par une structure plus complexe qu’un simple mur.

8Quels sont, à propos des murs séparant deux maisons, les problèmes évoqués par Ibn Sahl ? Ils abordent les trois questions classiquement traitées par les juristes27, celle de la poutre à enfoncer dans le mur du voisin, celle de l’exhaussement du mur et celle de la protection contre l’indiscrétion visuelle. Le problème de la poutre à enfoncer dans le mur du voisin se pose dans le cas d’un mur privatif et la solution apportée par le droit malékite est la suivante : un individu ne peut appuyer une poutre dans le mur de son voisin que si celui-ci l ‘y autorise, le juge ne pouvant contraindre un récalcitrant. Le ḥadīṯ qui stipule « que personne d’entre vous n’empêche son voisin d’enfoncer une poutre dans son mur » est donc invoqué comme recommandation religieuse, sans permettre au juge de contraindre. Ibn Sahl compile, mais très succinctement à ce sujet, un cas du siècle dans lequel un homme dénonce qu’un autre a construit contre son mur (ḥā’iṯ), outrepassant son droit28. Il fournit des données moins indigentes à propos d’une affaire qui se trouve aux mains du juge du marché cordouan, dans les années 106029 : les deux plaignants, Yaḥyā b. Ǧa’far b. Muḍimm et sa femme Hind, dénoncent les transformations qu’Išrāq, l’accusée, a faites dans sa maison. Pour accéder à une chambre haute (ġurfa), elle aurait ajouté à sa demeure un escalier, appuyé contre le mur nord de la maison des demandeurs : les extrémités de deux marches (aṭrāf ‘atabatayn), ainsi que les bases des fondations de la pièce nouvellement construite, ont été introduites dans la maison des plaignants, plus précisément dans le plafond voûté (ġārib) de leur salle (maǧlis)30. La localisation au-dessus du maǧlis de la chambre haute du voisin n’est pas sans intérêt, l’archéologie insistant sur l’absence d’étage au-dessus de la pièce d’habitation principale, celle qui est destinée aux réceptions, car son élévation double la hauteur des autres pièces d’habitation31 : la construction de la chambre haute abîme, justement, la voûte du maǧlis. L’enjeu du procès concerne, bien entendu, le caractère ancien ou récent des modifications : les demandeurs présentent deux témoins qui attestent que les poutres et le plancher sont nouveaux, l’accusée fournit un document ( ‘aqd) stipulant que l’escalier existe depuis une trentaine d’années. Les juristes consultés donnent raison aux demandeurs32, suivant en cela l’opinion communément admise selon laquelle on ne peut appuyer une poutre dans le mur de son voisin que si celui-ci est d’accord.

9En ce qui concerne l’exhaussement de la maison, le droit malékite autorise le propriétaire à surélever son mur, même s’il prive alors son voisin d’une partie de sa lumière et de son air : face au tort ainsi causé, les juristes raisonnent en hiérarchisant les dommages et ils considèrent que le tort occasionné par la privation d’une partie de l’air et de la lumière est inférieur au tort qui serait causé par l’interdiction d’élever la construction et, par là, d’agrandir la maison33. On ne peut donc empêcher l’élévation d’une construction qui va priver le voisin du soleil et de l’air dont il disposait jusque-là, à moins que cette construction nouvelle ne soit faite dans l’intention expresse de nuire audit voisin34. La pratique de l’exhaussement des maisons est chose courante, comme l’indique la présence, dans les formulaires notariaux, d’actes-modèles définissant avec soin la construction à venir ; dans le formulaire d’Ibn al-’Anar (m. 1009/399), figure l’acte suivant35 :

« Un Tel cède gracieusement à son voisin l’usage de son mur qui sépare sa maison de celle du bénéficiaire de cette concession. Les maisons sont sises dans telle ville, dans tel quartier de telle mosquée (ḥawmat masǧid kaḏa) ; l’ensemble des deux maisons, avec telle limite au sud, est limité au nord par la voie (ṭariq) ou la ruelle (zuqāq) o la rue (maḥaǧǧa) sur laquelle donnent leurs portes, et il a telle et telle limite à l’est et à l’ouest. Le mur en question se trouve à l’est de la maison de l’auteur de la concession et à l’ouest de celle du bénéficiaire. Cette concession a pour but de permettre à celui qui en bénéficie d’édifier sur le mur en question une construction de telle largeur et de telle hauteur, de briques ou de tapial, et d’installer des corbeaux (aklub) du côté de la maison, pour y faire reposer un auvent de tuiles sèches ou posées sur de l’argile ou bien pour assembler ici des poutres d’une section telle et de telle longueur formant un portique, couvert de planches ou de roseaux, puis de tuiles posées sur de l’argile. Cette concession d’usage à titre gracieux est perpétuelle ; l’auteur de la concession, Un Tel, veut, pour plaire à Dieu, donner l’usage de son mur à son voisin, en lui attribuant le droit légitime qu’il possède en tant que voisin sur son mur, respectant ainsi la volonté de Dieu Tout-Puissant. Le bénéficiaire a accepté. Il a remercié son voisin de sa donation et il a commencé la réalisation des travaux ci-dessus mentionnés. L’auteur de la concession a pris connaissance de l’ampleur de ceux-ci et de leur coût, sans que la concession puisse faire l’objet d’une résiliation. Acte fait en présence de l’auteur de la concession, Un Tel, et du bénéficiaire, Un Tel, qui attestent personnellement de la véracité des faits décrits ci-dessus qui les concernent. Ratification de l’acte et date de celui-ci ».

10Chez al- Ǧazīrī (m. 1189/585), figure également un modèle d’acte pour qui veut faire l’acquisition d’une ‘propriété horizontale’, entendons l’espace qui se trouve au-dessus d’une pièce36 :

« Un Tel achète à Un Tel l’espace qui se trouve au-dessus de la pièce du sud ou de l’est de sa maison située à tel endroit, dont les limites sont telles, pièce dont la porte donne à tel endroit, pour que l’acheteur construise ici un grenier dont les murs seront de brique, de pierre ou de torchis, selon l’accord qu’ils passeront, avec telle hauteur et telle largeur, dont la porte donnera à tel endroit dans la maison d’Un Tel, auprès de tel endroit, ou sur la rue ; tant de poutres de bois de telle largeur, longueur et grosseur serviront d’assise et seront couvertes de planches de telles caractéristiques ». Si l’acheteur ou le vendeur s’engage à fournir l’assise, tu le préciseras et tu diras ensuite : « contrat en bonne et due forme dont les deux parties connaissent la portée et la valeur par une description qui supplée l’examen visuel, sans condition, préemption ni option », et ensuite tu complètes l’acte sans dire « l’acheteur occupe ce qui a été vendu », puisque ce n’est pas le cas, et après la date tu indiqueras « écriture en deux exemplaires ».
Jurisprudence : « celui qui fournit l’assise ou le sol du grenier devra le réparer en cas de détérioration, comme le vendeur devra réparer les murs de la pièce inférieure dans ce même cas. Si le document omet de mentionner qui fournit l’assise, certains disent que l’acheteur la fournira, puisque c’est son plancher, et d’autres que ce sera le vendeur, puisque c’est son toit, et cette formule est la meilleure. L’acheteur ne pourra pas vendre l’espace qui se trouve au-dessus de son grenier, sauf s’il obtient l’autorisation du vendeur, car le poids de la construction pèse sur le mur de ce dernier ».

11Ce problème de l’exhaussement de la maison est au cœur d’un litige à propos duquel, en juillet 1 064/ ša’bān 456 et depuis Tolède, Ibn Sahl consulte les juristes de Cordoue37. L’affaire tient en ceci : entre deux maisons contiguës appartenant à deux individus se trouve un mur privatif. Le propriétaire du mur a installé sur celui-ci une corniche (raff)38, dont les corbeaux (aklub)39font saillie sur la propriété du voisin. Le propriétaire de la corniche veut construire, sur les extrémités des corbeaux, un mur afin de bâtir une pièce (ḥuǧra) ou une chambre haute (ġurfa)40. Son voisin s’y oppose, alléguant que l’air qui surplombe sa maison lui appartient et que le propriétaire de la corniche possède l’ouvrage en saillie mais rien d’autre. Ibn ‘Attāb répond que le propriétaire de la corniche ne peut construire aux extrémités des corbeaux ; Ibn al-Qaṭṭān est d’avis qu’il peut construire ce qu’il veut ; Ibn Mālik écrit que l’exhaussement est interdit, sauf si le voisin l’autorise : on retrouve, entre ces. trois mušāwarūn, des divergences d’opinion auxquelles ils ont habitué leurs lecteurs41. Ibn Sahl se prononce en faveur de la réponse d’Ibn al-Qaṭṭān, attribuant au propriétaire de la corniche la propriété de l’espace qui se trouve au-dessus de cette corniche, même s’il prive ainsi son voisin d’une partie de son air ou de sa lumière ; l’avis exprimé par Ibn Sahl doit retenir l’attention : outre qu’on le voit, une fois encore, prendre le parti d’Ibn al- Qaṭṭān contre Ibn ‘Attāb42, on constate qu’il se rallie à ce qui apparaît comme l’opinion la plus répandue parmi les docteurs malékites43.

12En rapportant ces affaires relatives à la poutre à enfoncer dans le mur du voisin et à l’exhaussement des constructions, Ibn Sahl ajoute quelques précisions aux données dont nous disposons sur la chambre haute (ġurfa) dans les maisons d’al-Andalus44. Ġurfa désigne l’étage de la maison, où il peut y avoir plusieurs pièces d’habitation, mais aussi les pièces installées en ‘immeuble traversier’ au-dessus de la rue45, ou bien encore une pièce située à l’étage de la maison, isolée et indépendante de celle-ci, à laquelle on accède par un escalier extérieur et qui peut aussi être appelée maṣriyya. Dans l’affaire de 1064/456, concernant un propriétaire qui veut ajouter un étage à sa maison, ġurfa désigne l’exhaussement qu’il souhaite réaliser ; le terme générique ḥuǧra (pièce d’habitation, chambre) est également employé dans le document pour désigner la ġurfa. Dans le litige concernant la demeure d’Išrāq, ġurfa désigne aussi une pièce située à l’étage de la maison. Les occurrences du terme ġurfa dans les Aḥkām fournissent un intéressant point de repère pour l’histoire du vocable, puisqu’Ibn Sahl emploie le mot dans des documents qu’on peut précisément dater des années 1060, tandis que les travaux menés jusqu’à présent autour de la ġurfa ne constataient l’apparition du terme qu’à partir du xiie siècle46. Il faut, enfin, évoquer la destination de la ġurfa : dans le cas de l’étage indépendant de la maison, la ġurfa abrite un atelier ou une boutique ; dans le cas de l’étage de la maison, on peut y entreposer des grains, y installer des pièces d’habitation ou un colombier47. Ibn Sahl évoque une destination de la ġurfa dont on ignorait jusque-là l’existence, à savoir son utilisation comme cuisine. Išrāq fait en effet de sa ġurfa une pièce où elle peut préparer et faire cuire les aliments, un maṭbaḥ48, dont les fumées qui s’en échappent nuisent à la maisonnée voisine49 : maṭbaḥ désigne en effet le lieu où les aliments crus, y compris la viande, sont rendus comestibles, ce qu’on peut rendre par cuisine, local du cuisinier, caractérisé par la présence d’une structure à feu, four (tannūr ou furn) et/ou foyer (mustawqad), servant à préparer les aliments50.

13Le dernier problème lié aux murs des maisons qui figure dans les Aḥkām concerne le regard indiscret jeté de l’autre côté du mur séparant deux fonds voisins. Il est à peine besoin de rappeler à quel point les juristes malékites sont sévères vis-à-vis des indiscrétions visuelles et proscrivent avec zèle toute vue possible sur la propriété voisine, car elle représente un dommage grave qu’il faut empêcher ou neutraliser, cette sévérité à l’égard de l’indiscrétion visuelle tenant, on le sait, à l’importance accordée à la protection de la vie familiale vis-à-vis du monde extérieur51. La densité de l’habitat conduit parfois à rendre possible l’indiscrétion visuelle ; dans ces situations conflictuelles, c’est au propriétaire de la pièce la plus récemment construite de réaliser les travaux idoines. Le cas dans lequel Ibn Sahl évoque ce problème de l’indiscrétion visuelle survient à Cordoue vers 1070/46252, dans le quartier de la grande-mosquée : Abū Bakr et Muḥammad b. al-Mīrānī se plaignent de ce que leur voisine, Fatima, puisse observer l’intérieur de leur maison à partir d’une terrasse53. Dans la maison de Fatima, il y a une chambre haute (ġurfa) dont la porte donne sur une terrasse (saqf) 54située vis-à-vis d’elle ; en s’asseyant dans cette chambre haute, on peut observer une chambre haute (ġurfa) de la maison des deux hommes. De plus, à partir de la terrasse de Fatima, il est possible de grimper (ṣa ‘ida) sur la terrasse (saqf) des deux frères, qui se trouve à proximité de la corniche (raff) 55de la terrasse de Fātīma ; de là, on peut observer l’intérieur (qā’a) 56de la maison des deux hommes. Consultés sur cette affaire, Muḥammad b. Faraǧ al-Tallā’ī et Ibn Sahl se prononcent pour la mise en place, devant la porte de la chambre haute de Fātīma, d’une structure empêchant cette dernière d’avoir accès à la terrasse à partir de laquelle elle observe la maison des deux fils d’Ibn al-Mīrānī : les juristes proposent de fermer la porte par une clôture à jour, dite šarǧab et ḥāǧiz57. Par ḥāǧiz, il faut entendre une cloison, une balustrade ; le terme désigne en particulier la murette qui est construite en haut des minarets, afin d’empêcher les regards plongeants vers les maisons environnantes58. Quant au terme šarǧab, il désigne un garde-fou composé de balustres, mais aussi une espèce de balcon, en saillie sur la façade d’un bâtiment et entouré d’une haute balustrade, dans lequel se trouvent des fenêtres59 ; par ce dernier signifié, šarǧab se rapproche de mašrabiyya (moucharabieh), fenêtre grillée en bois, saillante au dehors, cet ajimez sur lequel L. Torres Balbás a réuni les données figurant dans la documentation chrétienne60. Dans l’affaire opposant les fils d’Ibn al-Mīrānī à Fāṭima, šarǧab, rapproché de ḥāǧiz, ne désigne sans doute qu’une simple balustrade et non un balcon ; l’occurrence n’en demeure pas moins intéressante, rare témoin d’un mode de fermeture d’une porte donnant sur une terrasse61.

14On s’est quelque peu attardé, au fil de ces affaires relatives aux murs des maisons et opposant des propriétaires de fonds voisins, au règlement juridique des litiges. On a ainsi pu constater que, dans la Cordoue des xe-xie siècles, la construction individuelle repose sur un certain nombre de principes : on ne peut enfoncer une poutre dans le mur de son voisin qu’avec l’accord de celui-ci, on doit modifier un bâti qui rend possible l’indiscrétion visuelle, on peut, en revanche, librement ajouter un étage à sa maison en exhaussant son mur. Loin d’un tissu urbain qui se développe anarchiquement au gré d’un ensemble d’initiatives individuelles, la ville qui transparaît à travers les Aḥkām laisse au contraire deviner un cadre de vie sécrété par des relations de voisinage dont le principe fondamental repose sur l’absence de dommage causé à autrui. C’est également autour de ce principe qu’est organisé le système d’évacuation des eaux.

L’évacuation des eaux

15En matière d’évacuation des eaux, la distinction est bien établie entre eaux de pluie et eaux usées62. Dans la Cordoue du xe siècle, tout comme dans la Grenade našride, les juristes se prononcent contre l’évacuation des eaux résiduelles par des canalisations destinées à recevoir les eaux pluviales63. Les réalités matérielles de ces évacuations diffèrent non seulement d’un site à l’autre, mais aussi parfois sur un même site64 : à Cieza, les maisons éloignées du bord du précipice et ne bénéficiant pas d’une évacuation directe de leurs latrines vers l’extérieur de la ville disposent d’un puits perdu destiné à recevoir exclusivement les résidus des latrines, les eaux pluviales étant évacuées par un autre système de canalisations65. A Murcie, en revanche, un réseau d’égouts permet l’évacuation de l’ensemble des résidus vers le fleuve ou vers le fossé de la muraille et les eaux pluviales servent à évacuer et à nettoyer l’infrastructure sanitaire66. Quant à la Cordoue d’Ibn Sahl, l’archéologie a montré que coexistent plusieurs solutions pour évacuer les eaux usées, un simple système associant latrines et puits perdus et un système plus complexe de canalisations souterraines ; pour M. Acién Almansa, le réseau d’égouts s’est sans doute diffusé avec l’expansion cordouane du xe siècle vers Madīnat al-Zahrā’67 : il rappelle en effet qu’au nord-est de la ville, dans une zone qui correspond peut-être au faubourg d’al-Rušāfa, on observe une association permanente entre latrines et puits perdus, mais pas de réseau d’égouts. En revanche, à l’ouest, là où Cordoue se prolonge vers la cité palatine, il existe un système d’égouts organisé, avec des cloaques et des canalisations d’évacuation placées sous la rue, disposées de manière régulière par rapport aux façades des maisons ; il faut, là aussi, distinguer entre la partie la plus méridionale de la zone fouillée, où un grand nombre de puits perdus pallie l’absence d’un système égout commun aux maisons et la zone centrale qui, en revanche, est dotée d’un réseau d’égouts68. Toutefois, dans le secteur fouillé autour de la mosquée de Fontanar, où est apparu du matériel d’époque califale, les archéologues distinguent deux systèmes d’évacuation des eaux usées : d’une part, le long des rues, ont été localisés de nombreux puits perdus qui recueillaient les eaux résiduelles des maisons, au moyen de canalisations provenant des latrines. En revanche, autour de la mosquée, ce système de puits perdus est absent, remplacé par une canalisation souterraine qui court au milieu de la rue69.

16L’évacuation de l’eau de pluie soulève bien moins de difficultés que l’évacuation des eaux usées, non seulement pour d’élémentaires motifs liés à sa condition d’eau non polluée, mais aussi parce qu’on doit bien souvent s’efforcer de la recueillir et de la stocker. D’un point de vue juridique, l’eau de pluie ruisselant sur le sol passe librement sur le fonds voisin situé en-dessous de lui : le propriétaire du fonds inférieur est obligé de recevoir les eaux pluviales venues en suivant la pente naturelle du sol ou celle d’une terrasse ; il ne lui est pas permis d’empêcher le passage de ces eaux par une construction70. De même, l’eau de pluie se déverse-t-elle sur la voie publique sans poser de problème, sauf si le mur d’en face s’en trouve éclaboussé ; dans le cas de l’impasse, le déversement des eaux pluviales se fait dans le respect du passage auquel les autres ont droit71. Dans les Aḥkām, le problème du ruissellement des eaux de pluie est posé, fort brièvement, à travers un cas sur lequel Ibn Sahl consigne l’opinion d’Ibn Lubaba72. Il y est question d’un individu qui achète une parcelle ( ‘arṣa) située à côté de jardins (ǧinān) ; du mur séparant les deux fonds, l’eau tombe dans les jardins : les propriétaires des jardins se plaignent du mur élevé par l’acheteur du terrain et du ruissellement des eaux qui en découle ; l’acheteur de la parcelle se défend en disant que le terrain était déjà construit et que l’eau tombait déjà du bâti vers les jardins. Ibn Lubaba répond que l’acheteur doit prouver son droit à laisser ainsi tomber l’eau de son mur dans les parcelles mises en culture. Un problème similaire, c’est-à-dire portant sur le caractère ancien ou récent de la construction, mais sans qu’on sache quel type d’eau est évacué, figure dans un autre cas du xe siècle compilé et commenté par Ibn Sahl : il est question d’une canalisation (qanāt) qui ruisselle vers des jardins (ǧinān) et qui font l’objet d’une inspection ; en effet, si la canalisation est récente, elle doit être supprimée73.

17L’évacuation des eaux usées suscite davantage de difficultés : il est interdit de faire couler ses eaux usées à ciel ouvert chez le voisin et certains juristes étendent l’interdiction au ruissellement des eaux usées à ciel ouvert dans la rue74. Cette dernière interdiction est affirmée aussi bien par le Sévillan Ibn ‘Abdūn au début du xiie siècle, que par le Cordouan Ibn al- Ḥāǧǧ (m. 1135/529) 75ou bien encore par le Tunisois Ibn al-Rāmī au xive siècle76. En revanche, les canalisations fermées peuvent traverser le fonds voisin à condition que le propriétaire dudit fonds en soit d’accord ; la découverte, dans une maison qu’on vient d’acquérir, d’une canalisation drainant les eaux du voisin constitue un vice rédhibitoire77. On trouve, chez Ibn Sahl, une affaire de canalisation traversant la propriété voisine et évacuant les eaux résiduelles d’un fonds : au début du xe siècle, des juristes de Cordoue78 sont interrogés à propos d’une canalisation (qanāt) qui sort d’une propriété pour traverser le fonds voisin79. Dans la propriété d’Amat al-Raḥim80, se trouvent en effet des jardins (ḥušūš) 81dont il sort une canalisation (qanāt) qui traverse la maison (bayt) d’Aṣbaġ, dit Ibn al-Bayqa. D’abord couverte (madfūna)82, cette canalisation sort ensuite à l’air libre auprès de la maison (bayt) d’ Aṣbaġ, puis traverse toute sa propriété (dār) avant d’aller se jeter dans le fossé. Aṣbaġ bouche la canalisation d’Amat et celle-ci porte plainte contre le tort qui lui est causé, le contenu de sa canalisation n’étant plus évacué et refluant chez elle. Deux témoins oculaires sont envoyés pour examiner l’état de la canalisation et mettre fin au dommage subi par Amat. On ne peut, à propos de ce conflit de voisinage, s’empêcher de penser au litige concernant les canalisations qui débouchent dans le cimetière de ‘Amir ; dans cette affaire, qui remonte au début du xe siècle, les canalisations couvertes de plusieurs maisons et d’un bain déversent leurs eaux usées dans une tranchée située dans ledit cimetière. La situation perdure depuis plusieurs dizaines d’années, sans que personne ne vienne s’en plaindre : les cimetières, écrit Ibn Lubāba alors consulté sur cette affaire, n’ont en effet personne pour prendre la parole en leur nom, saufsi un muḥtasib s’érige en demandeur83. On voit ainsi à quel point les relations de voisinage jouent sur la mise en place et le maintien des systèmes d’évacuation des eaux : les relations obligées des voisins autour de leurs canalisations assurent, sur ce point, le fonctionnement de la ville ; là où ces relations n’existent pas, comme dans l’espace du cimetière, il faut la dénonciation d’un quidam pour que soit assurée de manière satisfaisante l’évacuation des eaux84.

Pour la pureté de l’air et de l’eau

18Le ciel, enfin, constitue le troisième et dernier espace à partager avec le voisin : la pureté de l’air doit être maintenue et ne doit pas être troublée par des fumées ; l’eau de pluie doit pouvoir être stockée à l’abri des pollutions du voisinage. A propos des nuisances occasionnées par un four, en l’occurrence les fumées qui s’en dégagent, les juristes malékites sont d’avis qu’il faut ordonner la suppression du four, sauf si celui-ci est ancien ou si le propriétaire pare aux inconvénients du dommage qu’il occasionne85. Dans les cas rapportés par Ibn Sahl, les fumées sont produites soit par un four (furn), soit par l’ensemble des structures à feu d’une cuisine (maṭbaḫ). A propos d’une affaire sur laquelle se prononcent Ibn Lubāba et ses compagnons, c’est un four (furn) qui cause préjudice à la maison d’un certain ‘Umar86 : il s’agit, vraisemblablement, de cette structure fixe, dotée d’un seul espace voûté où l’on fait d’abord la combustion et ensuite la cuisson, mise au jour par exemple sur le site de Madīnat al-Zahrā’87. Ce four doit être démoli s’il n’est pas possible de réparer autrement la nuisance88. En effet, dans une autre affaire, survenue à Cordoue dans les années 1040, on voit une femme. se plaindre des fumées émises par un four installé auprès de sa maison89 : le propriétaire du four remédie à la nuisance qu’il occasionne, sans doute en évacuant les fumées au moyen d’une cheminée, ce qui n’empêche pas la plaignante de continuer à protester. Elle stipule en effet que la présence d’un four auprès de sa maison, par les risques d’incendie qu’elle suppose, dévalue le prix de cette dernière. Quant aux fumées qui se dégagent d’une cuisine, elles sont l’une des causes, on l’a signalé, d’un conflit qui oppose deux voisins dans la Cordoue des années 106090 : il s’agit de cette chambre haute (ġurfa) où une femme installe sa cuisine (maṭbaḥ), mention neuve et insolite de structures à feu à l’étage d’une maison urbaine.

19Quant à l’eau de pluie recueillie et stockée dans la maison, il faut la protéger des pollutions du voisinage. Si le système de stockage de l’eau, qu’elle soit pluviale, provienne d’une source ou puise directement dans la nappe phréatique, est bien connu pour les structures palatines, castrales ou urbaines91, il l’est moins, en revanche, pour l’habitat domestique. J. Navarro Palazón et P. Jiménez Castillo, rappelant les principes généraux de l’approvisionnement et du stockage de l’eau, signalent que l’eau de pluie est recueillie et conservée dans des citernes privées ou publiques92. En revanche, présentant les résultats des travaux de terrain menés tant à Cieza qu’à Murcie, ils évoquent l’eau de pluie recueillie et stockée dans la citerne de la citadelle de Cieza, tandis que l’absence de puits dans les maisons fouillées les amène à suggérer que l’approvisionnement en eau devait se faire par portage, dont les acteurs pouvaient être des particuliers ou des porteurs d’eau93. Le cas de Murcie diffère du précédent en cela que la ville s’approvisionne directement dans le fleuve au moyen de norias et de canaux, mais aussi dans une nappe phréatique peu profonde au moyen de puits, même si l’eau pour la consommation humaine devait également être amenée par des porteurs94 ; mais rien n’indique que l’eau de pluie était recueillie et stockée dans les maisons. Dans le cas de Cordoue, les sources textuelles livrent un certain nombre de données quant aux structures d’approvisionnement de la capitale mises en place par le prince : le chroniqueur ne peut que chanter les louanges d’un ‘Abd al-Raḥmān III qui, en 918/306, fait installer trois vasques dans la fontaine publique située devant l’Alcazar ; y court le surplus d’approvisionnement en eau du palais, une eau amenée depuis la Sierra voisine95. L’archéologie, par la mise au jour de margelles de puits, atteste d’un possible approvisionnement en eau des maisons directement dans la nappe phréatique. Ibn Sahl, quant à lui, fournit une donnée nouvelle par rapport aux précédentes.

20Il se trouve en effet, dans l’une des affaires qu’il consigne, une précieuse indication quant à l’utilisation de l’eau de pluie pour l’approvisionnement des maisons : dans un litige du début du xe siècle96, un certain ‘Umar b. ‘. Āmir se plaint de ce que le four (furn) récemment construit par son voisin Zakariyā’ contamine l’eau de son puits (bi’r)97. Le témoignage du mušāwar qui inspecte les maisons est tout à fait digne d’intérêt : Abū Ṣaliḥ 98 rapporte être entré dans la maison de ‘Umar et y avoir observé le trou (kuwwa) 99servant au ruissellement de l’eau. Puis, dans la maison de Zakariyā’, il a regardé la cavité du four (ḥufra al-furn) récemment installé en regard du trou qu’il a observé dans la maison de ‘Umar ; il lui est alors apparu que, lorsque de l’eau stagne 100 dans la cavité du four, elle fait du tort au puits tout proche de la maison de ‘Umar. La sole de ce four, installé le long du mur séparant les deux fonds, sans doute sur une banquette101, semble bien présenter un défaut de conception : cette eau qui y stagne provient-elle de l’eau de pluie qui s’écoule, par la kuwwa placée de l’autre côté du mur, dans le puits de ‘Umar ? Ce témoignage relatif à de l’eau de pluie recueillie et stockée dans la maison peut d’ailleurs être rapprochée d’une donnée plus tardive concernant le Macrib ; al-Māzarī : (m. 1141/536), juriste de Mahdia, est interrogé à propos de l’eau des citernes dans les maisons louées : à qui revient-elle ? Dans sa réponse, il rappelle qu’il existe des opinions divergentes à ce sujet, certains attribuant l’eau au propriétaire, d’autres au locataire ; mais surtout, il tranche en faveur du locataire, « attendu que ce dernier a la jouissance de toutes les utilités de la maison qu’il loue dont cette eau fait partie puisqu’elle provient de ses terrasses102 ».

21Signalons enfin, pour clore cet aparté sur l’approvisionnement en eau des maisons, qu’on ne trouve pas trace, dans les Aḥkām, de canalisations d’amenée d’eau desservant les quartiers, comme l’existence en est attestée au Maġrib à une période bien plus tardive que celle qui nous intéresse, en l’occurrence dans la Fès marinide. Il nous semble toutefois intéressant de rapporter ce qui figure dans le Mïyār à leur sujet, car on y découvre le rôle que les citadins sont amenés à jouer, en basse époque, dans l’entretien des structures hydrauliques de leur ville. Ab ū Muḥammad ‘Abd Allāh b. Muḥammad al-’Abdūsī : (m. 1446/849) est interrogé au sujet de la citerne d’une mosquée, alimentée par une canalisation qui traverse la ville et qui sert

« à abreuver les habitants quand l’eau manque ce qui est fréquent vu la pénurie de puits, au moyen d’une canalisation dans chaque rue et d’un qādūs 103 par maison. Quand la canalisation a besoin d’être curée, on taxe les habitants des maisons de deux ou quatre dirhams104 ».

22L’avis rendu par le mufti sur la destination de l’eau de la citerne rappelle que

« quiconque utilise l’eau de la mosquée coulant dans la canalisation alimentant la citerne doit contribuer à son entretien proportionnellement au profit qu’il en retire ».

23Le même personnage est également interrogé à propos d’une grosse canalisation (qādūs kabīr) qui alimente en eau une localité et qui réclame d’être réparée en plusieurs endroits105 ; or, ses propres habous ne peuvent faire face à la dépense et on ne peut compter sur le trésor public (bayt al-māl) :

« les habitants sont-ils tenus de la réparer et, en cas de refus, peuvent-ils y être contraints ? Sont-ce les riches qui doivent être mis à contribution ou tous les habitants riches et pauvres sans distinction ou faut-il laisser chacun libre et ne contraindre personne ? ».

24Al-’Abdūsī répond qu’on ne contraindra personne ; certains peuvent en effet refuser de participer à ce qui apparaît comme faire œuvre méritoire, tout simplement car ils n’ont pas besoin de l’eau amenée par la canalisation.

25Nous n’entrerons pas plus avant dans la maison, à l’image du juriste qui éprouve toutes les peines du monde à franchir le seuil de la demeure ; on le voit même contraint de demander au cadi qu’il stipule qu’un juriste peut être autorisé à entrer dans la maison d’un particulier, afin de l’inspecter106. En effet, à entrer ainsi dans la maison, on s’éloigne quelque peu de notre questionnement initial ; nous nous bornerons donc à signaler à quel point les Aḥkām sont riches de données relatives à l ‘habitat urbain : certes, elles ne font bien souvent que confirmer ce qu’on sait déjà des espaces fonctionnels et différenciés de la maison des villes, avec son foyer (furn, maṭbaḫ), son entrée (usṭwān), sa salle (maǧlis), ses pièces à l’étage, ses latrines, etc., ou bien elles confortent ce que l’archéologie révèle des matériaux de construction, comme l’emploi du bois ou de la tuile107 ; mais ces données correspondent, et c’est là toute leur valeur, à la maison cordouane des xe-xie siècles. On y observe, au début du xe siècle, un système d’évacuation d’eaux résiduelles qui traverse le fonds du voisin ; on peut y dater, des années 1060, l’existence d’une ġurfa où est installée une cuisine et, des années 1070, la porte d’une ġurfa fermée d’une balustrade.

26Enfin, pour répondre au questionnement initial, il semble bien qu’à travers les espaces partagés avec le voisin immédiat, le mur séparant les fonds, le système d’évacuation des eaux, l’air qui enveloppe les demeures, l’on puisse observer les modalités de régulation et de croissance du tissu urbain : dans la plupart des cas sans doute, le respect des règles de voisinage permet le fonctionnement de la ville ; parfois, et pour le bonheur de l’historien, le non respect de ces règles transforme des voisins en demandeurs.

Notes de bas de page

1 Dans les travaux ci-dessus évoqués de Brunschvig 1947, Hakim 1979, Khiara 1994, Van Staëvel 1995, est abordé le problème de la mitoyenneté.

2 De la très abondante bibliographie sur le sujet, il faut se limiter à citer quelques travaux essentiels consacrés directement à la maison de milieu urbain ou replaçant la maison urbaine parmi les autres manières d’habiter. La casa hispano-musulmana 1990 est un élément indispensable, cet ouvrage donnant un excellent panorama des variantes temporelles de 1 ‘habitat urbain, car y figurent des sites de l’époque omeyyade jusqu’à l’époque naṣride, à savoir : Pechina (Castillo Galdeano et Martίnez Madrid 1990), Vascos (Izquierdo Benito 1990), MadInat al-Zahrā’ (Vallejo Triano 1990), Cieza (Navarro Palazón 1990), Málaga (Puertas Tricas 1990) et, enfin, Grenade (Bermúdez López 1990). Indispensables également sur l’archéologie de la maison urbaine : Navarro Palazón 1991 a et b (maison San Nicolás de Murcie), 1991 c (Cieza) ; Bazzana 1992 ; Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1996 a (Cieza) et 1997, Maisons et espaces domestiques 2000, La ciudad medieval : de la casa al tejido urbano 2001 (en part. Almagro et Orihuela 2001 (Grenade), Jiménez Castillo et Navarro Palaz6n 2001 (Murcie).

3 Voir l’essentiel des travaux réunis dans L’urbanisme dans l’Occident musulman au Moyen Age, 2001 et Van Staëvel2001 b pour l’œuvre d’Ibn al-Imām.

4 Bazzana 1992, p. 187.

5 Almagro et Orihuela 2001 en donnent une bonne image.

6 Voir la fig. 14. Vascos (xe-xie s.) : de 75 m2 à 320 m2 (Izquierdo Benito 1990). Cieza (2e moitié xiie S.-1ère moitié xiiie s.) : de 36 m2 à plus de 130 m2 (Navarro Palazón 1991 c). Pour mémoire : le seul patio de la maison San Nicolas de Murcie devait couvrir 121 m2 (Navarro Palazón 1991 b) ; la maison de Zafra à Grenade (xive-xve s.) couvre quelque 383 m2 (Almagro et Orihuela 2001).

7 Acién Almansa et Vallejo Triano 1998, p. 128. Arjona Castro 1997, p. 119, fournit un croquis d’une maison aux dimensions plus modestes, env. 75 m2 (fig. 14-2).

8 Vidal Castro 1993-94 et 1995.

9 Sur les signifiés de ces termes, outre Dozy 1881 et Corriente 1991, voir les articles de l’EI2 : « Bayt », par J. Lecerf et « Dār », par G. Marçais.

10 Denoix 1991.

11 Guichard et Van Staëvel 1995, p. 45. Notons au passage que rares sont les indications figurant dans les Aḥkām à propos des composantes familiales : dans un litige du xe siècle, deux sœurs vivent dans la même maison (·umrān, n°10) ; dans une affaire du xie siècle, un couple vit seul dans sa maison (Al-qaḍā’ al-ǧinā’ī, n°l3) ; dans une autre affaire contemporaine, vivent sous le même toit un homme, ses femmes et ses deux fils (Al-qaḍā’ al-ǧinā’ī, n° 12) ; dans une autre de même époque encore, deux frères demeurent ensemble (·umrān, n° 18).

12 Ḥisba, p. 142 ; annexe : Ḥisba, 16.

13 Al-qaḍā’ al-ǧinā’ī, p. 63-68 ; annexe : Al-qaḍā’ al-ǧinā’ī, 12.

14 Ḏimmī, p. 60-65 ; annexe : Ḏimmī, 7.

15 Voir l’article de l’EI2 que G. Marçais consacre à « Bahw ».

16 Ḥisba, p. 125.

17 Brunschvig 1947, p. 136-137.

18 Mhalla 1998. Cf. la lecture quelque peu différente qu’en fait Van Staëvel2001 b, p. 236-237.

19 Bianquis 2000.

20 Voir leurs occurrences dans les documents de l’annexe : ‘umrān, 10, Il, 12, 14 et 15.

21 Annexe : 'umrān, 10.

22 M. Ḫallāf, éd. ‘umrān, p. 24.

23 Ibid., n. 272.

24 iḍāḍa : en général, pilastre, pilier ; plus particulièrement (Dozy 1881), verguenças de puerta (linteaux, montants antérieurs d’une porte).

25 ‘ataba : en général, seuil, linteau, marche d’un escalier. R. Dozy lui donne aussi pour équivalent feuillure, entaillure dans laquelle la porte s’enfonce et contre laquelle le battant frappe quand on le ferme.

26 Selon R. Dozy (1881), ḥadīda désigne un outil en fer, une baguette de fer, la barre de fer qui sert à fermer une porte. Il est difficile de savoir à quoi correspond cette pièce métallique, les études ne signalant pas le métal parmi les matériaux de construction de la maison (Bazzana 2000, Izquierdo Benito 2001).

27 Ces trois causes de litige sont celles qu’aborde R. Brunschvig à propos des murs (Brunschvig 1947, p. 136-141).

28 ‘umrān, p. 86-88 ; annexe : ‘umrān, 12.

29 ‘umrān, p. 82-86 ; annexe : ‘umrān, 11. Affaire analysée dans Müller 1999, p. 299-302.

30 Par maǧlis, il faut entendre la pièce d’habitation principale de la maison, la pièce de réception, el salón : voir la fig. 14 et les plans de maisons figurant dans les travaux cités note 2.

31 Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1996 b, p. 112.

32 Ibn ‘Attāb et Ibn al-Qaṭṭān sont d’avis que les transformations opérées par Išraq sont à démolir. Ibn Mālik, contestant les témoignages, opine que la charge de la preuve retombe sur l’accusée, alors qu’en droit islamique, la charge de la preuve repose sur le plaignant, la déclaration du défendeur, confirmée par serment, l’emportant et jouant en faveur de ce dernier en cas de présomption en l’absence de preuve (Schacht 1983, p. 158-159).

33 Brunschvig 1947, p. 137-138.

34 Van Staëvel2001 b, p. 229-233.

35 Ibid., p. 237-238 : traduction de l’arabe à l’espagnol.

36 Al- Ǧazīrī : acte n° 80 de l’édition A. Ferreras et p. 42-43 : traduction de l’arabe à l’espagnol.

37 ‘umrān, p. 92-94 ; annexe : ‘umrān, 15. Ibn Sahl consulte alors les juristes de Cordoue au profit du cadi de Guadalajara.

38 Raff : corniche, ornement en saillie au-dessous d’un plafond selon R. Dozy ; F. Corriente donne du terme, entre autres équivalents, console, c’est-à-dire la moulure saillante qui sert de support.

39 Sur kalb (au pluriel dans la forme aklub), corbeau : Calero Secall et Martinez Enamorado 1995, p. 210-211 ; Serrano Ruano (trad. Ibn ‘Iyāḍ, 1998), p. 126 et 2001, p. 28-29. Par corbeau, on désigne la pierre ou la pièce de bois en saillie sur l’aplomb d’un parement et qui est destinée à supporter un linteau, une corniche, un encorbellement.

40 On trouve, à propos des corbeaux et des encorbellements, une question de même nature chez Ibn ‘ Iyāḍ (trad. Serrano Ruano, 1998, p. 128 et p. 229-232) : les voisins ont-ils le droit de lever un étage en prenant appui sur les corbeaux qui soutiennent les corniches des murs des voisins ? Il faut par ailleurs noter que l’affaire de 1064/456, exposée par Ibn Sahl, est compilée par Ibn ‘ Iyāḍ (ibid., p. 232), puis par al-Wanšarīsī selon D. Serrano Ruano (voir sa traduction d’Ibn ‘ Iyāḍ, n. 624).

41 Voir, par exemple, l’affaire des cordonniers ou celle de la sandaraque (Mazzoli-Guintard 2000 a et 2001).

42 Voir son attitude dans l’affaire des cordonniers, où il refuse d’exclure les avis émis par Ibn al-Qaṭṭān comme Ibn ‘Attāb le lui demande (Mazzoli-Guintard 2001).

43 Voir, dans Van Staëvel 2001 b, p. 229, l’opinion de ṣaḥnūn : Ibn al-Qāsim (m. 806/191) est interrogé par ṣaḥnūn (m. 854/240) à propos d’un individu qui procède à l’exhaussement de sa maison, de telle sorte qu ‘il intercepte le soleil et le vent qui entraient dans la maison du voisin avant ces travaux. Le voisin peut-il empêcher une telle construction ? Ibn al- Qāsim répond par la négative, car ce n’est pas selon lui quelque chose qu’on peut interdire.

44 Elles sont exposées dans Torres Balbás 1950 et Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1996 b.

45 Nous utilisons ici le terme en usage dans le Midi de la France pour désigner les passages voûtés situés entre deux maisons qui se font face ; sur ces ‘immeubles traversiers’, dits ‘pontets’ en Arles, cf. Leguay 1984, p. 33-38.

46 Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1996 b, p. 109, citant le Traité des aliments d’Abū Marwān ‘Abd al-Malik b. Zuhr et Le livre de l’agriculture d’ Ibn al-·Awwām. L. Torres Balbas (1950) extrait ses mentions d’ algorfas de la documentation chrétienne.

47 Torres Balbás 1950, p. 183-185 ; Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1996 b, p. 130-132. Voir aussi la mention suivante, qui figure dans une fatwā rendue par le Grenadin Ibn Lubb (m. 1381/782) : « une ġurfa est aménagée en colombier (burǧ li-l->ḥamām) » (fàtwā compilée par al-Wanšarīsī et analysée dans Lagardère 1995, p. 190).

48 Sur ṭabaḫa, cuire, cuisiner, mijoter, sont formés maṭbaḫ, le lieu où l’on fait la cuisine, et miṭbaḫ, le foyer, la marmite qui permettent de faire cuire. Cette racine verbale implique l’idée de ‘faire cuire de la viande’ (D. Waines, « Maṭbakh », EI2).

49 ‘umrān, p. 83 ; annexe : ‘umrān, 11.

50 Sur la cuisine, les données de D. Waines (« Maṭbakh », EI2) sont, dans l’ensemble, tardives pour notre propos. Sur le four, sa structure et la différence entre tannūr-et furn, cf. Bazzana 1996 et Gutiérrez Lloret 1996 b.

51 Brunschvig 1947, p. 138-140 en rappelle les textes fondateurs.

52 Dans cette affaire, Ibn Sahl intervient comme mušāwar ; or, il siège dans la šūrā vraisemblablement entre 1068/460 et 1072/464.

53 ‘umrān, p. 111-115 ; annexe : ‘umrān, 18 ; Müller 1999, p. 302-303.

54 Litt. plancher, partie haute d’un appartement ; plafond (Dozy 1881).

55 Nous suivons la lecture raft ; proposée par C. Müller, au lieu de rabb (chef, propriétaire) qui figure dans l’édition de M. Ḫallāf(p. 111).

56 Qā’a : cour dallée, salle (Corriente 1991). Selon R. Dozy (1881), au pluriel : grande chambre, salle, salon.

57 ‘umrān, p. 113-115.

58 Une fatwā d’Ibn Rušd (m. 1126/520), recueillie par al-Wanšarīsī, concerne précisément ce problème : « si du haut du minaret, la vue du muezzin risque de plonger sur certaines maisons, on y construira une murette (ḥāğiz) les masquant. C’est le cas de nombreux minarets de Cordoue » (Lagardère 1995, p. 360).

59 Sur ces deux termes, cf. Dozy 1881.

60 Torres Balbás 1947.

61 Sur les rares données relatives aux étages, voir la mise au point de Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1996 b.

62 Brunschvig 1947, p. 144-145 ; Khiara 1994, p. 39-40 ; Vidal Castro 2001, p. 105-108.

63 Textes cités dans Vidal Castro 2001, p. 105.

64 Pour un bilan de nos connaissances sur ces systèmes d’évacuation, voir Vidal Castro 2001, en part. p. 11 1-116.

65 Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1995, p. 410-411 et 1996 a (voir en particulier la maison n°7, p. 562).

66 Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1995, p. 407-408 et 1997.

67 Acién Almansa 2001 b, p. 25-26.

68 Acièn Almansa et Vallejo Triano 1998, p. 121 et p. 127-128.

69 Luna Osuna et Zamorano Arenas 1999, p. 147.

70 Brunschvig 1947, p. 144-145 ; Hakim 1979, p. 46-52 ; Khiara 1994, p. 39, Vidal Castro 2001,p. 108-111 etp.117-118.

71 Brunschvig 1947, p. 144-145.

72 ‘umrān, p. 91 ; annexe : ‘umrān, 14.

73 Ḥisba, p. 132-133 ; annexe : Ḥisba, 12.

74 Brunschvig 1947, p. 145 ; Hakim 1979, p. 49.

75 Cités dans Vidal Castro 2001, p. 111-112.

76 Cité dans Brunschvig 1947, p. 145.

77 Id.

78 A savoir : Ibn Lubāba (m. 926/314), Muḥammad b. Walīd (m. 921/309), Ayyūb b. Su1aymān (m. 914/302), ‘Ubayd Allāh b. Yaḥyā (m. 909/297), Muhammad b. Ġālib (m. 907/295).

79 Ḥisba, p. 141-142 ; annexe : Ḥisba, 16.

80 Une Amat b. Raḥīm figure aussi chez Ibn Ziyāḍ, reproduit par Ibn Sah1, comme une orpheline qui réclame la ḥaḍāna (droit de garde) de sa tante paternelle (Marin 2000, p. 520).

81 Le terme signifie verger, jardin, palmeraie, mais aussi latrine (Corriente 1991). Le contexte oblige à exclure ce dernier signifié : la canalisation qui sort de ces ḥušūš traverse, en partie à l’air libre qui plus est, la propriété du voisin. Voir, à cet égard, ce qui est dit des puits perdus et de l’évacuation des latrines dans Hakim 1979, Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1995 et Vidal Castro 2001.

82 Dafana : cacher, enfouir, enterrer.

83 Ḥisba, p. 133-138.

84 On peut certes discuter, comme le fait M. Acién, pour savoir si derrière la mise en place du réseau d’égouts se trouve ou non une intervention de l’Etat ; il conclut d’ailleurs que les indices sont minces et qu’il faut plutôt voir là la trace d’activités collectives des citadins (Acién Almansa 2001 b, p. 28). En revanche, il me semble qu’on ne peut guère discuter de l’intervention des citadins dans l’entretien des structures d’èvacuation des eaux usées.

85 Brunschvig 1947, p. 146 et 148-149.

86 ‘umrān, p. 117 ; annexe : ‘umrān, 20.

87 Sur le four, cf Bazzana 1996, Gutiérrez Uoret 1996 b, en part p. 241.

88 ‘umrān, p. 117.

89 ‘umrān, p. 98-111 ; annexe : ·umrān, 17.

90 ‘umrān, p. 82-86 ; annexe : ‘umrān, 11.

91 Sur les citernes, outre Pavón Maldonado 1990, voir le bilan proposé dans Bazzana 1999. Sur les sources d’approvisionnement des citernes, je me permets de renvoyer aux références rassemblées dans Mazzoli-Guintard 1996, p. 127-131. On ne peut s’empêcher de rappeler ici la situation de Madrid (Maǧrīṭ, approvisionnée par ses qanāt/s (Retuerce Velasco 2000 fait le point de nos connaissances sur ce sujet).

92 Navarro Palazón et Jiménez Castillo 1995, p. 402.

93 Ibid., p. 403-404.

94 Ibid., p. 405-406.

95 Crónica anónima de ‘Abd al-Raḥmān III, p. 126.

96 Sont consultés sur cette affaire : Ibn Lubāba (m. 926/314), ‘Ubayd Allāh b. Yaḥyā (m. 909/ 297), Muḥammad b. Ġālib (m, 907/295) et Muḥammad b, Walīd (m.921/309).

97 Ḥisba, p. 139-140 ; annexe : Ḥisba, 14

98 Il s’agit d’Ayyūb b. Sulaymān, mušāwar mort en 914/302.

99 Kuwwa : selon R. Dozy (1881) trou, ouverture qu’on pratique pour l’arrosage des champs, rigole ; selon M. Ḫalāf (éd. Ḥisba, n, 756), trou fait dans un mur pour faire entrer l’air et la lumière ou l’eau. Il s’agit aussi d’une ouverture pratiquée dans une tour pour en surveiller les environs : kuwwa avec ce signifié figure dans des consultations juridiques compilées par al-Wanšarīsī, rendues à Tunis aux xiiie et xive siècles : « les propriétaires de jardins y élèvent des tours (abrāǧ) percées d’ouvertures (kuwā) permettant de surveiller les parages » (Abū’Abd Allāh b. al-Ġammāz, m, 1293/693, dans Lagardère 1995, p. 320) ; « quelqu’un veut pratiquer des ouvertures (kuwā) dans sa tour (burǧ) par lesquelles il peut voir ce qui se passe dans les jardins de ses voisins » (Ibn ‘Abd al-Rafi’, grand cadi de Tunis au xive siècle, ibid., p,321).

100 Istanqa ‘a : xe forme de naqa ‘a, macérer, tremper.

101 Sur l’emplacement des foyers dans la maison, cf. Bazzana 1996, p, 151-153.

102 Avis consigné par al-Wanšarīsī et analysé dans Lagardère 1995, p. 317.

103 Qādūs : godet d’une roue hydraulique (esp. arcaduz) ; tuyau, conduit, canal (Dozy 1881).

104 Al-Wanšarīsī rapporte cette affaire qui concerne l’eau de ladite citerne : les habitants de ce quartier viennent y puiser pour leurs usages domestiques, ce qui est jugé illicite, car l’eau de la citerne est réservée à la mosquée (Lagardère 1995, p. 245).

105 Ibid, p. 241.

106 Voir, en annexe, les affaires suivantes des Aḥkām : ‘umrān, 19 et Ḥisba, 15.

107 En y apportant parfois des nuances, comme la présence de cette pièce métallique dans la construction, dont on a signalé l’existence. Voir, à ce sujet, le document concernant une maison démolie pour la revente de ses matériaux (annexe : ‘umrān, 13).

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