Chapitre 2 : À la redécouverte d'un juriste
p. 41-64
Texte intégral
Ibn Sahl, juriste andalusí du XIe siècle
1Abū l-Aṣbaġ `Īsāb. Sahl b. `Abd Allāh al-Asadī al-Ǧāyyānī al-Qurṭubī1 naît en 1022/413 non loin de Jaén, dans le district du Wādī `Abd Allāh ou Guadalbullόn, étendu sur la rive droite de cette rivière2. Le personnage voit le jour dans une période troublée, mais aussi dans une région de confins, tiraillée entre plusieurs de ces souverains de taifas qui caractérisent le XIe siècle andalusī ; le fait mérite d'être signalé : il montre la grande perméabilité des frontières entre taifas, du moins pour le monde des juristes de cette période, et il met en valeur à quel point Ibn Sahl est un homme de son temps, celui des taifas du XIe siècle.
2En 1022/413, et comme bien d'autres territoires d'al-Andalus depuis la Révolution de Cordoue (1009/399), la région natale d'Ibn Sahl connaît une histoire mouvementée : le territoire de Jaén est d'abord confié aux Banū Birzāl et aux Banū Ifrān par Sulaymān b. al-Ḥakam al-Musta`īn au moment où celui-ci se réinstalle au pouvoir à Cordoue, en 1013/4033. Les Banū Birzāl, pas plus que les Banū Ifrān, ne semblent avoir eu le temps de se forger là une principauté indépendante, comme ils le feront à Carmona, pour les premiers, et à Ronda, pour les seconds. Jaén paraît en effet avoir été rapidement incorporée à la taifa zīride de Grenade, sans qu'on puisse préciser à quelle date4 : lorsque Sulaymān al-Musta `īn installe les Zīrides à Elvira, à quelques kilomètres de Grenade, sans doute vers 1013, ceux-ci partagent en deux le territoire qui leur est confié ; Zāwī b. Zīrī reste à Elvira, tandis que son neveu Ḥabūs b. Māksan s'installe à Jaén, avant de devenir le maître de l'ensemble de la taifa de Grenade, à partir de 1019/4095. Mais le district du Wādī `Abd Allāh, à l'est de la ville de Jaén, fait partie du territoire que se disputent le souverain de Grenade et celui d'Almería : ce dernier étend son autorité sur le territoire situé à l'est de Jaén, tandis que les Zīrides de Grenade dominent le sud de ce même territoire. Au XIe siècle, la taifa de Grenade va peu à peu s'étendre aux dépens de celle d'Almería et absorber l'ensemble de la région de Jaén : c'est au cours de l'été 1038/419 que l'émir d'Almería, le slave Zuhayr (1028-1038/419-429), en guerre contre Grenade, trouve la mort à la bataille d'al-Funt6. Le Zīride Bādīs b. Ḥabūs (1038-1073/429-465) reprend alors Jaén ; Ibn Sahl a alors seize ans, c'est-à-dire l'âge où il a sans doute déjà entamé des études spécialisées7. Les rapports entre Almería et Grenade se normalisent alors, du moins pour un temps, et on verra que l'alternance de tensions et de relations pacifiées entre Grenade et Almería n'est pas sans influence sur les étapes de la formation et de la carrière d'Ibn Sahl.
3Le personnage se rattache à une illustre famille arabe originaire d'Arabie du nord, les Banū Asad, qui interviennent en Ifrīqiya dès 650/30 et qui s'installent dans la kūrā d'Elvira8. La filiation d'Ibn Sahl s'arrête à son grand-père, ce qui est atypique pour un savant musulman, comme le fait remarquer C. Müller9 : le père, Sahl b. `Abd Allāh, uléma réputé pour sa science, est ṣāḥib al-ḥuṭba au chef-lieu du district, Ḥiṣn al-Qal`a, qu'il faut situer à l'est de La Guardia10. C'est vraisemblablement avec son père qu'Ibn Sahl entame sa formation intellectuelle ; bien des ulémas commencent en effet leur apprentissage dans le cercle familial et le père est souvent le premier maître de son fils11 : des multiples exemples de ces liens qui unissent le fils au père, on peut rappeler celui du grand savant de Denia, Abū `Amr al-Dānī (m, 1053/ 444) qui reçoit de son père sa première formation en ḥadīṯ 12 ou celui de Muḥammad b, `Iyāḍ (m. 1179/575), dont l'un des maîtres est son père, le cadi `Iyāḍ (m. 1144/549)13. Ibn Sahl quitte la petite localité de Ḥiṣn al-Qal`a pour aller suivre l'enseignement de maîtres célèbres dans les grands centres culturels d'al-Andalus, ceux des environs d'abord et ceux de régions plus lointaines ensuite. N'oublions pas en effet que, si jusqu'à la fin du califat Cordoue reste le principal foyer d'attraction pour des ulémas en quête de formation, le XIe siècle se caractérise par la multiplication des centres du savoir en al-Andalus14. A cet égard, Jaén apparaît comme une ville où la vie culturelle est animée, au même titre semble-t-il que Grenade15 ; Ibn Sahl va étudier à Jaén auprès d'Hišām b. `Umar b. Siwār, à Grenade auprès de Yaḥyā al-Qulay`ī (m. 1050/442), à Tolède auprès d'Abū Ǧa`far Aḥmad Ibn Arfa` Ra'suhū (m. 1051/443)16. A Cordoue, où il apprend aux côtés d'Abū Muḥammad Makkī b. Abī Ṭālib (m. 1045/437), d'Abū l-Qāsim Ḥātim al-Ṭarāblusī (m. 1076/469), d'Ibn al-Qaṭṭān (m. 1068/460) et d'Ibn Mālik (m. 1068/460), il devient surtout le disciple de l'un des plus éminents juristes de son temps, Ibn `Attāb (994-1069/383-462), chef de la šūrā. Ibn Sahl, réputé comme grand spécialiste du fiqh malékite, s'est totalement formé en al- ndalus ; la plupart de ses maîtres sont andalusíes et n'ont pas voyagé en Orient.
4Rappeler qu'Ibn Sahl s'inscrit dans le maḏhab malékite peut apparaître comme une précision superfétatoire, car on sait bien que `Abd al-Raḥmān III (912-961/300-350) fait du malékisme l'école juridique officielle d'al-Andalus, c'est-à-dire que les charges juridico-religieuses sont dès lors exclusivement confiées à des ulémas malékites ou bien à des ulémas qui appartiennent à d'autres écoles mais qui appliquent la doctrine malékite17. Au XIe siècle, comme le fait remarquer avec justesse M. Fierro, la fragmentation politique ne s'est pas accompagnée d'une fragmentation sur le plan juridique, c'est-à-dire que les émirs des taifas n'ont pas cherché à se différencier les uns des autres en adoptant des écoles juridiques différentes18. Il faut présenter, schématiquement, la place et la forme acquises par le malékisme en al-Andalus au XIe siècle, d'une part car notre juriste fréquente Ibn `Abd al-Barr, qui lui accorde une iǧāza19, d'autre part car il n'est pas sans intérêt de rappeler la position d'Ibn Sahl par rapport aux courants intellectuels de son temps. En al-Andalus, comme l'a montré M. Fierro20, il faut distinguer deux temps dans 1 'histoire du malékisme : le VIIe siècle et la première moitié du IXe siècle forment la période où est reçu, dans la Péninsule, le corpus de la doctrine de Mālik b. Anas (Médine, m. 796/179) ; à partir de la seconde moitié du IXe siècle, s'ouvre une étape qui dure jusqu'au XIe siècle, celle des efforts faits pour incorporer au malékisme la doctrine des fondements du droit (uṣūl al-fiqh), à savoir le Coran, la Sunna, le consensus (iǧmā’) et le raisonnement par analogie (qiyās), doctrine élaborée par al-Šāfi`ī (m. 8201204). Au XIe siècle, deux courants coexistent ainsi : l'un s'efforce, sous l'influence du šāfi`īsme, de développer la doctrine des fondements du droit et Ibn `Abd al-Barr en est l'un de ses grands représentants21 ; l'autre s'en tient à l'imitation (taqlīd) des opinions émises par les disciples de Mālik. Ibn `Abd al-Barr (978-1070/368-463), brillant savant cordouan, cadi de Lisbonne et de Santarém à l'époque d'al-Muẓāffar b. al-Afṭas (1045-1068/437-460), est considéré comme le meilleur traditionniste de son temps et comme un grand connaisseur du fiqh22. D'abord proche de son ami Ibn Ḥazm et, comme lui, ẓāhirite, il devient malékite et son effort pour ajuster le malékisme aux uṣūl a1-fiqh le fait considérer comme proche du šāfi`isme23. Ibn Sahl en revanche, et malgré sa fréquentation d'Ibn `Abd al-Barr, appartient très nettement au second courant ; ce 'technicien du droit', comme on serait tenté de l'appeler, reste à l'écart de ces Pensers d'a1-Anda1us : le socle sur lequel, en strict malékite, il fonde ses Aḥkām, est bel et bien Mālik et ses disciples dont les noms reviennent en leitmotiv tout au long de l'œuvre, et non les fondements du droit24.
5Ibn Sahl commence sa carrière comme juge (ḥākim) de Baeza, Somontín et Tíscar, domaine montagneux situé à l'est de sa région natale et rattaché à la taifa d'Almería. Qu'Ibn Sahl fasse ses premiers pas dans la magistrature au service du souverain d'Almería apparaît comme la suite logique de ses jeunes années : on a rappelé que c'est en 1038/429 que le Zīride de Grenade reprend Jaén à Zuhayr ; la formation initiale d'Ibn Sahl dans une Jaén liée à Almería a pu lui permettre d'établir des contacts avec l'appareil judiciaire de l'émir esclavon. Ce poste de juge lui est confié par Ma’n b. Ṣumādiḥ(1041-1052/433-443), maître de la taifa d'Almería après l'intermède valencien qui suit la mort du slave Zuhayr25, sans qu'on puisse préciser à quel moment il entre en fonction ; on sait simplement qu'il se trouve en place avant l'année 1052/444, puisqu'on le voit alors poser, depuis Baeza, des questions de droit aux juristes de Cordoue, d'Almería et de Tolède26. Par cette formulation curieuse, « j'écrivis avant (qabla) l'année 444 (3/5/1052-22/4/1053) », Ibn Sahl signifie à son lecteur que cette année marque le début d'une nouvelle période de son existence ; elle a été interprétée comme le moment de sa venue à Cordoue, ce qui est confirmé par le fait qu'en novembre 1056/ ramaḍān448, Ibn Sahl étudie auprès d'Ibn 'Attāb27. En revanche, on ne s'est jamais interrogé sur cette année où Ibn Sahl quitte Baeza pour Cordoue ; or, 444 correspond à un renouveau des tensions entre Grenade et Almería : en effet, tandis que Ma'n b. Ṣumādiḥ (1041-1052/433-443) maintient des relations pacifiques avec le zīride Bādīs b. Ḥabūs (1038-1073/429-465), son fils, Muḥammad al-Mu`taṣim (1052-1091/443-484), ne tarde pas à rompre les liens tissés avec Grenade28.
6Ibn Sahl a donc trente ans lorsqu'il vient s'installer dans la capitale des Banū Ǧahwar, gouvernée depuis 1043/435 par le deuxième souverain de la dynastie, Abū l-Walīd Muḥammad al-Rašīd, réputé pour ses talents d'administrateur29. Cordoue, qui a certes pâti de la fitna, demeure au milieu du XIe siècle une capitale intellectuelle. Même si en l'espace de deux générations, schématiquement entre la fin du califat et l'annexion sévillane (1069/461), le nombre de savants qui la fréquente est divisé par trois, Cordoue reste la ville d'al-Andalus qui accueille le plus grand nombre d'ulémas30. Ibn Sahl se dirige donc tout naturellement vers ce grand centre de l'enseignement où il fréquente le chef de la šūrā, sans pour autant devenir alors mušawār31. Quelques années plus tard, il se rend dans la Tolède des Banū Ḏī l-Nūn où, en 1063/455, il exerce les fonctions de secrétaire du cadi Ibn al-Ḥaššā’ (1058-1067/450-460) ; en ša `bān 456 (à partir du 19/7/1064), il est encore à Tolède. Il quitte la ville peu après, fâché avec Ibn al-Ḥaššā’, et regagne Cordoue où, entre 1065/457 et 1067/459, on le retrouve exerçant les fonctions de secrétaire (kātib) du ṣāḥib al-šurṭa wa-l-sūq Muḥammad b. al-Layṯ Ibn Ḥarīš : il rédige les questions sur lesquelles le juge du marché interroge les mušāwarūn et se trouve en contact avec les plus importants juristes de Cordoue, Ibn `Attāb32 bien sûr, mais aussi Ibn Mālik (1009-1068/400-460) et Ibn al-Qaṭṭān (1000-1068/390-460)33. En 1069/462, ces trois juristes sont morts et la šūrā se renouvelle : Ibn Sahl peut alors y sièger, aux côtés d'Ibn al-Faraǧ al-Ṭa1lā`ī (m. 1104/497) et d'Ibn Ḥamdīn (m. 1089/482), peut-être dès 1068/460 et jusqu'en 1072/46434. C'est à presque cinquante ans finalement qu'Ibn Sahl obtient la première haute dignité de sa carrière, celle de conseiller du juge ; le moment est tardif, surtout par rapport aux mušāwarūn qu'il a fréquentés : Ibn `Attāb est nommé mušāwar trente-et-un ans, Ibn al-Qaṭṭān à vingt-quatre35.
7Ibn Sahl quitte ensuite Cordoue, répondant à l'invitation du potentat de Ceuta, Suqūt al-Barġawāṭī (1061-1083/453-475)36, de venir enseigner dans cette ville, où il reste quelque temps, regroupant autour de lui des disciples. Dans les quinze années qui suivent, jusqu'à sa nomination comme juge de Grenade, peu d'événements de sa vie sont connus avec certitude : on le voit à Tanger et à Meknés, on sait que c'est au Maghreb qu'il exerce pour la première fois la judicature. Au cours de l'été 1083/476, il semble agir comme mufti pour le juge de Tanger, dans une affaire née à Séville37. Il revient en Andalus avant sa nomination comme cadi de Grenade, poste que lui offre le dernier Zīride, `Abd A1lāh b. Buluggīn b. Bādīs (1073-1090/465-483), après le siège d'Aledo, qu'on place à l'automne 1088/481 ou après l'été 1089/48238. `Abd Allāh, dans ses Mémoires, a conservé les conditions de cette nomination, dans laquelle le faqīh Ibn al-Qulay`ī, l'un de ses proches conseillers, joue un rôle essentiel : lorsque `Abd Allāh devient, en 1073/465, maître de la taifa de Grenade, son frère Tamīm al-Mu`izz ne tarde pas à prendre son indépendance à Málaga et la nomination d'Ibn Sahl est un épisode du conflit qui oppose les deux frères ; il prend, entre autres, l'aspect d'une lutte d'influence visant à se concilier des savants qui donnent une base légale à leur autorité et du brillant à leur cour39. Tamīm envoie en effet à Ibn Sahl cinquante miṯqāl afin d'obtenir ses bonnes grâces et d'en faire un opposant à `Abd Allāh ; Ibn Sahl, offusqué, refuse. Ibn al-Qulay`ī dit alors au roi de Grenade40 :
« c'est le moment de montrer à [Ibn Sahl] que tu l'estimes. Ecris-lui en lui promettant qu'à ton retour tu le nommeras cadi, de telle sorte qu'il passe outre aux propositions de ton frère. Tu devras, toutefois, nous associer sur ce poste ; si tu agis ainsi, tu verras à quel point tout ira comme tu le souhaites, aussi bien avec les Almoravides que dans ton propre royaume. En effet, si tu veux soutirer à quiconque ne serait-ce qu'un dirham contre la loi, les gens te haïront ; en revanche, si tu les taxes légalement de mille dirhams, personne ne s'y opposera. Je ne connais personne d'autre qui puisse te servir comme cet homme ».
8Ibn al-Qulay`ī revient à la charge jusqu'à ce qu'il obtienne de `Abd Allāh une lettre dans laquelle l'émir zīride assure à Ibn Sahl qu'il lui confie le poste de cadi et dans laquelle il indique précisément le montant des émoluments qu'il lui versera. Nommé cadi de Grenade vers 1089/482, Ibn Sahl ne reste toutefois que fort peu de temps en poste : au début de l'été 1090/483, Yūsuf b. Tāšufīn, soutenu par les ulémas d'al-Andalus et du Maghreb qui veulent en finir avec les souverains de taifas dont ils dénoncent l'illégitimité et les impositions illégales, concentre ses troupes à Ceuta pour franchir le détroit pour la troisième fois. Le roi zīride lui dépêche deux ambassadeurs, un certain Bādīs b. Wāruwī et Ibn Sahl ; les deux hommes sont chargés d'assurer l'Almoravide du soutien et de l'amitié de leur émir41. Or, depuis quelque temps déjà, Ibn Sahl avait rejoint le parti des Almoravides et trahit le Zīride ; il avait informé Yūsuf b. Tāšufīn des sentiments réels de `Abd Allāh à son égard42. A Ceuta, il lui expose la difficile situation dans laquelle se trouve alors le Zīride, comme l'écrit lui-même `Abd Allāh43 :
« lors cette ambassade, Ibn Sahl, au courant du mécontentement qui régnait dans mon armée et connaissant l'état d'esprit des Grenadins, ne manqua pas d'audace et se rapprocha autant qu'il le put de l'émir, comme tant d'autres le faisaient alors. Ainsi, il l'informa du fait que, dans ma capitale, tous étaient prêts à le reconnaître. Pire encore : Ibn Sahl inocula son venin à l'autre ambassadeur, Bādīs, de telle sorte que lorsque les deux hommes revinrent, je sais qu'Ibn Wāruwī a déclaré : 'il nous a envoyés en pensant qu'on agirait en sa faveur ; en réalité, moi, je lui ai lié les mains et le cadi l'a assassiné’ ».
9Le prince de Grenade est déposé le 8 septembre 1090/20 raǧab 483 par les fuqahā’ du Maghreb et par ceux de Grenade, dont Ibn Sahl. Les Almoravides ne maintiennent pas longtemps en place le cadi et le révoquent sous prétexte que ses jugements sont trop sévères : ce motif semble cacher une condamnation plus profonde, celle d'un juriste qui a servi un souverain auquel Yūsuf b. Tāšufīn reproche ses tractations avec les chrétiens et les impôts illégaux qu'il prélève sur les musulmans44. Plus globalement, la destitution d'Ibn Sahl a été interprétée comme une manière, pour le nouveau pouvoir almoravide, de manifester sa différence par rapport aux anciens dirigeants d'al-Andalus45. Ibn Sahl est néanmoins autorisé à rester à Grenade, où il meurt le 5 février 1093/5 muḥarram 48646.
10Que retenir de cette carrière ? Fondamentalement que, sur bien des points, Ibn Sahl est un juriste andalusí du XIe siècle tout à fait caractéristique. Caractéristique, déjà, son milieu d'origine : son père est uléma47 et l'on sait à quel point les connaissances se transmettent de père en fils, de telle sorte que le savoir se trouve entre les mains de véritables familles de savants48. Certes, Ibn Sahl vient d'une modeste localité, alors que le monde des ulémas se confond en général avec la classe moyenne urbaine ; c'est dans les villes que le savoir s'élabore, qu'il s'apprend et se transmet49. Mais d'autres ulémas sont issus de bourgades et d'un milieu sans doute plus rural qu'urbain, comme ces Banū Ḥušayb (IXe-Xe s.), propriétaires terriens originaires du Faḥṣ al-Ballūṭ, et ils conservent parfois dans leur nisba le souvenir de leurs origines, comme ces al-Bayyānī venus s'établir à Cordoue à l'époque omeyyade50. Le grand soufi Abū Isḥaq b. al-Ḥāǧǧ (m. 1219/616) est né dans une bourgade rurale, Velefique51, à laquelle il demeure attaché, même s'il vient faire ses études à Almería52. En quête de savoirs, Ibn Sahl ne tarde d'ailleurs pas à quitter Ḥiṣn al-Qal`a et cette mobilité géographique est aussi un trait caractéristique des ulémas de cette époque53, dont deux aspects doivent être signalés : ses déplacements d'une taifa à l'autre, l'absence de voyage vers l'Orient. Outre qu'il séjourne au Maghreb, Ibn Sahl partage son existence entre les taifas d'Almería, de Tolède, de Cordoue et de Grenade ; la fragmentation politique du XIe siècle ne s'est pas traduite, on l'a signalé, par un isolement des ulémas, qui se déplacent d'un bout à l'autre d'al-Andalus et échangent questions et réponses sur des problèmes juridiques54. En revanche, au XIe siècle, les voyages vers l'Orient se font moins nombreux, indice de l'autonomie intellectuelle acquise par les ulémas andalusíes55. Homme de son temps, Ibn Sahll'est également par son ascension sociale : les étapes de sa carrière le frottent peu à peu avec les charges judiciaires ; juge provincial, secrétaire de magistrats, mufti attaché au juge, Ibn Sahl devient, enfin, cadi56. Ibn Sahl est, sur ce point aussi, typique de ces ulémas qui se sont ‘professionnalisés’, recherchant des charges religieuses comme celle de ṣāḥib al-ḫuṭba que remplit le père d'Ibn Sahl, ou des charges judiciaires57. Obtenir un poste dans l'administration signifie, pour un uléma, recevoir un salaire du prince ; seule une minorité d'entre eux s'y refuse, par grande piété58. Juriste andalusí du XIe siècle tout à fait caractéristique, Ibn Sahl l'est, enfin, par sa fréquentation du prince et par son rôle dans les affaires de l'Etat : l'intervention des fuqahā’ dans le domaine du politique est l'une des facettes bien connues de ce monde des lettrés, dont certaines figures restent exemplaires, comme celle de Yaḥyā b. Yaḥyā (m. 848/234)59. Ce trait de l'uléma a donné lieu à un certain nombre de travaux qui ont bien mis en valeur les liens entre pouvoir souverain et institutions juridico-religieuses, ainsi que l'influence du savant auprès du prince60 ; rappelons pour mémoire que l'alliance étroite entre Omeyyades et fuqahā’ est remplacée, dans la seconde moitié du XIe siècle, par une attitude parfois très critique des ulémas vis-à-vis des souverains de taifas, attitude qui va parfois jusqu'à l'épreuve de force de la part des savants61. L'image de notre Ibn Sahl fréquentant le palais de `Abd Allāh et se rendant en ambassadeur auprès de Yūsuf b. Tāšufīn est, à cet égard, paradigmatique du ‘savant courtisan’ qui n'hésite pas à s'opposer à son prince62.
Des sentences exemplaires
11Ibn Sahl indique, dans son prologue, qu'il a commencé à rédiger ses Aḥkām le 10 muḥarram 472/12 juillet 1079 et qu'il a terminé neuf nuits avant la fin de muḥarram 473 (lI juillet 1080)63. Il ne précise pas, en revanche, où il rédige : la chronologie pousse vers une rédaction au Maghreb64, mais C. Müller penche plutôt pour une activité cordouane, dans la mesure où Ibn Sahl utilise des cas juridiques anciens de Cordoue qu'il a pu compiler en se trouvant dans cette ville. Ibn Sahl dit écrire inspiré par son maître Ibn `Attāb, qui lui aurait soufflé la nécessité de rédiger des documents juridiques issus de l'expérience de la futya. Il se propose de fournir une aide concrète et pratique à ceux qui ont à rendre des fatwā/s ; il justifie son projet en citant le mufti cordouan Abū Ṣāliḥ Ayyūb b. Sulaymān (m. 914/302) : celui-ci aurait en effet avoué que connaître par cœur le Muwaṭṭa’ de Mālik et la Mudawwana de Saḥnūn ne suffit pas à donner une réponse à une question posée, une bonne expérience pratique s'avérant indispensable pour rendre correctement des fatwā/s65. Les Aḥkām d'Ibn Sahl se retrouvent compilés dans les œuvres d'autres juristes comme al-Ša`bī (m. 1103/497) ou Abū Bakr Yaḥyā b. `Umar al-Qurtubī (v. 1437/862)66. Ibn `Iyāḍ, l utilise l'œuvre d'Ibn Sahl, mais en général de manière si allusive qu'il n'est guère possible de recouper les citations67 ; en revanche, al-Wanšarīsī (m. 1508/914) reprend certaines affaires des Aḥkām parfois presque mot à mot, de telle sorte que la version du XIe siècle et celle du XVIe siècle peuvent être aisément confrontées68.
12On connaît aujourd'hui seize manuscrits des Aḥkām al-kubrā d'Ibn Sahl, dont le plus ancien est une copie de 1127/521 ; ils ont été diversement mis à profit pour l'édition de l'œuvre69. Celle-ci présente aujourd'hui les caractéristiques suivantes : il en existe trois éditions complètes, mais restées inédites, la thèse de N. al-Naǧǧār, celle de R. Nu`aymī et celle d'al-Tuwayǧirī70, ainsi que deux éditions partielles publiées, celle de T. el Azemmouri et celle de M. Ḫallāf71. L'édition de M. Ḫallāf, bien plus complète que celle de T. el Azemmouri, consacrée au seul chapitre sur l'iḥtisāb, a été retenue pour l'étude et donc pour la présentation de l'œuvre72.
13Les Aḥkām se composent d'une vingtaine de chapitres (abwāb) thématiques73 :
- sur les sentences et les décrets. Différences entre cadis et ḥukkām
- sur les dires (maqālāt) et témoignages (šahādāt), ḥiyāza, wakāla, i`ḏār, aǧal, `aqla74
- sur ce qui est attesté, le témoignage sur l'écriture
- sur le fait de jurer, la ḫulṭa, les cas douteux
- jurer avec un témoin unique
- sur l'incapacité juridique
- tutelle des orphelins et des biens
- l'esclavage et les prétentions à la liberté
- le mariage
- tutelle des mineurs ; divergences entre époux sur les effets de la maison
- sur le divorce et ses causes
- jurer par Dieu et le parjure
- sur la vente
- sur les défauts
- sur le jugement des cas par contumace
- sur les sentences et les témoignages
- sur l'aveu (iqrār75)
- sur le droit de rétractation
- sur ce qui est susceptible de division
- sur les aumônes, dons et autres
- sur les biens habous
- sur l'iḥtisāb76
14L'édition de M. Ḫallāf est une édition partielle, en volumes thématiques, qui puisent dans les différents chapitres de l'œuvre d'Ibn Sahl. Ainsi, les documents du chapitre sur l'iḥtisāb se trouvent-ils répartis entre cinq volumes77. Parfois, le volume reprend l'essentiel du contenu d'un chapitre : le volume sur la médecine est, grosso modo, l'édition du chapitre sur les défauts. Parfois, le thème du volume ne correspond à aucun chapitre du recueil : c'est le cas du volume consacré aux ḏimmī, dont les textes qui le composent proviennent non seulement du chapitre sur l'iḥtisāb, mais aussi de celui sur les biens habous, de celui sur l'aveu et de celui sur les sentences78.
15Quelle est la structure interne des documents ? Les Aḥkām se veulent une présentation de problèmes de la pratique : la discussion juridique accompagne toujours un cas concret ; en revanche, peu importe l'issue du litige, puisque c'est au lecteur de se forger une opinion à partir des arguments rapportés par Ibn Sahl. La plupart du temps, le document se présente ainsi : l'exposé des faits, c'est-à-dire la présentation du litige ayant amené la consultation juridique, est suivi de la question posée par le juge aux muftis, puis de la réponse des muftis consultés. Parfois, figure dans le document la sentence émise par le juge sur l'affaire en question ; parfois aussi y figure le commentaire, souvent critique, d'Ibn Sahl sur les réponses des muftis.
16Signalons, par ailleurs, que le juriste a rassemblé dans son œuvre deux types de cas juridiques : d'un côté, des affaires anciennes, qui datent de la fin du IXe siècle ou du début du Xe siècle, qui sont compilées et commentées79 ; de l'autre, des litiges du XIe siècle, pour la plupart de la seconde moitié de ce siècle, auxquels Ibn Sahl a participé comme membre de l'appareil judiciaire, essentiellement comme secrétaire du juge ou comme mušāwar80. Il ne peut être question de négliger la dimension chronologique du document : entre la fin de l'émirat et la venue des Almoravides, Cordoue a connu les heures brillantes du califat, les désordres de la fitna et le gouvernement des Ǧahwarides ; c'est à partir du XIe siècle, par ailleurs, que le waqf soutient le développement urbain81. Or, il faut d'emblée souligner que les troubles du XIe siècle ont une place bien discrète dans le recueil : ils n'apparaissent qu'une seule fois, lorsqu'il est question des dégâts survenus aux jardins habous de Cordoue en 1016/407. Ibn Sahl reproduit un rapport d'experts demandé par le cadi de Cordoue Ibn Bisr, en juillet 1016/muḥarram 407, lorsque le magistrat a été saisi d'une requête des concessionnaires des terres habous de la grande-mosquée de Cordoue82 : ceux-ci se plaignent d'avoir eu à souffrir, au mois de mars, d'une invasion de vermine (ḥašāš), alors qu'au mois d'août de l'année antérieure, ils avaient subi d'autres dommages, leurs jardins situés au nord et à l'ouest de la ville ayant été ravagés par des bandes de lapins, la présence des troupes musulmanes et des mercenaires chrétiens qui campaient à l'est de la ville les ayant empêchés d'irriguer les cultures de la Rambla83. Les experts reconnaissent le bien-fondé des doléances des concessionnaires et concluent à une remise du tiers ou du quart de leurs redevances. Cette affaire des terres habous de la grande-mosquée de Cordoue est la seule du recueil d'Ibn Sahl à comporter des références à des événements précis, historiquement datés : dans le reste de l'œuvre, la longue période qui sépare les deux groupes de textes est comme gommée84. Ibn Sahl commente en effet des affaires qu'il prend dans les Aḥkām d'Ibn Ziyād d'un point de vue juridique, c'est-à-dire qu'il donne son avis sur un cas ancien parce qu'il est en désaccord avec l'opinion exprimée par les muftis au début du Xe siècle ; mais rien dans son commentaire ne permet de savoir si un cas similaire s'est de nouveau présenté de son temps. De telle sorte que, malgré la longue période de presque deux siècles qui sépare les deux groupes de documents, il semble qu'on s'aventurerait à vouloir les examiner isolément pour tenter d'y percevoir des transformations dans les structures sociales entre le début du Xe siècle et la seconde moitié du XIe siècle : même si la solution s'avère moins satisfaisante pour l'esprit, les Aḥkām d'Ibn Sahl ne peuvent renseigner que sur les solidarités citadines des Xe-XIe siècles85.
17Quant aux cas contenus dans les six volumes édités par M. Ḫallāf, ils se présentent comme suit86 :
18Vol. I -Waṯā’iq fī aḥkām al-qaḍā' al-ǧinā'ī fī l-Andalus [Documents sur les sentences de la justice criminelle en al-Andalus], éd. M. Ḫallāf, Le Caire, 1980.
- sur celui qui a dit : celui-ci a tué mon walī87. Deux hommes, que le cadi ne connaît pas, témoignent (p. 43-44) [Xe/IVes.].
- sur celui qui vient voir le cadi avec un homme qu'il tient prisonnier et accuse d'avoir tué son walī et qui prétend avoir le droit du sang (p. 45-47) [Xe/IVes.].
- sur celui qui, jetant une pierre, atteint une femme que personne ne connaît et qui meurt sur le champ (p. 47-52) [Xe/IVes.].
- sur celui qui, accusé d'assassinat, est emprisonné ; on témoigne ensuite en faveur de son innocence (p. 52-54) [Xe/IVes.].
- emprisonnement d'Ibn Burayha pour crime de sang et faute grave à Campanilla (p. 54-55) [Xe/IVes.].
- quelqu'un est emprisonné pour assassinat, sans que l'accusation ne soit prouvée et alors qu'on atteste de son intégrité (p. 55) [Xe/IVes.].
- accusation réciproque de meurtre, du frère de l'un et de l'oncle de l'autre88 (p. 56) [Xe/IVes.].
- Bišr b. `Abdūs est emprisonné pour avoir manqué de respect et désobéi à son père89 et il est aussi accusé du meurtre d'une femme (p. 56-57) [Xe/IVes.].
- trois hommes s'accusent mutuellement d'homicide ; ils sont emprisonnés, se réconcilient, puis se démentent (p. 56-59) [Xe/IVes.].
- 10. deux hommes assassinent leur sœur et on témoigne contre eux. Le cadi découvre que les deux hommes l'ont tuée pour faire justice eux-mêmes et sur un soupçon (p. 59-60) [Xe/IVes.].
- le `arīf90 accuse six hommes d'avoir tué son frère ; l'émir les met en prison puis il met l'affaire entre les mains du cadi (p. 60-63) [Xe/IVe s.].
- question relative à al-Ṭubnī qu'on retrouve mort un matin (p. 63-68) [mars 1065/ rabī` I ou II 457].
- šūrā, que j'ai rédigée91, sur le meurtre perpétré par Ibn Fuṭays sur son épouse Raḥīma b. `Abd al-Raḥmān b. `Abd Allāh b. Ḫālid b. Šuhayd (p. 68-74) [juin 1069/ramaḍān462].
- question relative à Ibn Nīra et son fils, assassinés par les esclaves de la munyat `Aǧab. Réquisition de leurs biens pour décider par décret à leur propos (p. 74-76) [Xe/IVes.].
- Aflaḥ et son gendre sont incarcérés pour avoir fait couler le sang (tadmiya92), sans preuve suffisante (p. 76) [Xe/IVes.].
- šūrā sur un taureau volé auquel les héritiers du propriétaire, assassiné, ont droit (p. 77-88) [été l072/fin 464].
- question sur celui qui attaque la maison d'un autre. Il brise la porte, frappe le propriétaire et saccage ce qui s'y trouve (p. 88-91) [Xe/IVes.].
- question à propos de brigands (p. 91-92) [Xe/IVes.].
- celui qui prétend qu'un tel l'a battu et l'a frappé au ventre avec un bâton et lui a infligé d'autres blessures ayant fait couler son sang (min al-tadmiya) (p. 92-101) [Xe/IVes.].
- sur une femme qui accuse un homme de l'avoir violée (p. 101-105) [Xe/IVes.].
19Vol. II -Waṯā`iq fī aḥkām qaḍā' ahl al-ḍimma fī l-Andalus [Documents sur les sentences de la justice des tributaires en al-Andalus], éd. M. Ḫallāf, Le Caire, 1980.
- un jeune se convertit à l'islam, puis se rétracte et revient au christianisme (p. 45-46) [Xe/IVes.].
- un jeune se convertit à l'islam et veut revenir à sa religion (p. 46-47) [Xe/IVes.].
- un jeune prétend qu'il est libre et qu'on le force au judaïsme, tandis que le juif affirme qu'il est son esclave. Le juif va chez l'amīn93 qui lui dit : il s'est échappé
- un juif affirme qu'un jeune qui le sert est son esclave (p. 51-56) [Xe/IVes.].
- plainte94 et šūrā à propos de faddān95 dont le propriétaire s'empare et il envoie quelqu'un pour en inspecter les limites (p. 56-57) [Xe/IVes.].
- plainte de chrétiens ('aǧam) d'Abṭalīš contre Asmā' bint Ibn Ḥayūn, šūrā sur leur cas et présentation de la requête par le comes qui les représente sans procuration (p. 58-60) [Xe/IVes.].
- šūrā sur une pièce d'habitation en ruine entre la maison de Ḥassān et celle de la synagogue (p. 60-65) [1072/464].
- jardin acheté par un musulman à un ḏimmī ; le fils du frère du vendeur prétend que le jardin lui avait été donné en habou96 avant d'être vendu au musulman (p. 65-69) [Xe/IVes.].
- chrétienne qui prétend que Jésus est Dieu le Très Haut et que Muḥammad ment, qu'il n'est pas Prophète -que la paix soit sur Lui !-. Que l'on croit Allāh et qu'elle soit démentie ! (p. 70-73) [Xe/IVes.].
- sur celui qui prétend qu'a été vendu l'habit appartenant à un homme ; le défendeur, qui est un courtier, rétorque qu'on lui a demandé d'opérer la vente (p. 73-77) [Xe/IVes.].
- interdiction faite aux ḏimmī de construire des kanā'is97 (p. 77-80) [Xe/IVes.].
- faddān donnés à une mosquée et il est prétendu qu'ils appartiennent (māl) à la ǧizy98 (p. 80-81) [Xe/IVes.].
- sur le passage des fardiers et des chrétiens dans les cimetières (p. 81-82) [Xe/IVes.].
- emprisonnement de chrétiens (al-'aǧam) pour un serment fait à la légère dans un cas de vengeance et remise en cause de la longue période de leur emprisonnement (p. 82-83) [Xe/IVes.].
- un homme réclame une servante esclave qui se trouve aux mains (fī milk) d'Ibn Ḥafṣūn (p. 83-86) [Xe/IVes.].
- la grand-mère maternelle, même chrétienne, a le droit de garde
20(p. 86) [Xe/IVes.].
21Vol. III -Waṯā'iq fī muḥārabat al-ahwā' wa-l-bida ' fī l-Andalus [Documents sur ceux qui défendent les fantaisies et les innovations en al-Andalus], éd. M. Ḫallāf, Le Caire, 1981.
- question sur les partisans des bida' : peut-on les considérer comme commettant une grave offense contre Allāh ? (p. 25-38) [Xe/IVes.].
- question sur l'hérétique (zindīq) Abū l-Ḫayr -qu'Allāh le maudisse ! - et description des témoignages contre lui (p. 57-100) [961-976/350-366].
- question sur Ibn Ḥātim al-Ṭulayṭulī accusé d'hérésie (zandaqa) (p. 111-123) [1064-1072/457-464].
22Vol. IV -Waṯā'iq fī l-ṭibb al-islāmī wa-waẓīfati-hi fī mu'āwanat al-qaḏā' fī l-Andalus [Documents sur la médecine arabe médiévale et son rôle au service de la justice en al-Andalus], éd. M. Ḫallāf, Le Caire, 1982.
- défaut sur une esclave qui a été vendue (p. 51-53) [Xe/IVe s.].
- question de même sens (p. 54-59) [Xe/IVe s.].
- question de même sens (p. 60-66) [1072/464].
- question de même sens (p. 67) [Xe/IVe s.].
- fracture du dos d'une esclave, attestée par des médecins (p. 68-70) [Xe/IVe s.].
- vente d'un esclave porteur de vices cachés (p. 71) [Xe/IVes.].
- un patient a rompu le contrat passé avec un médecin pour une cautérisation et interroge sur le caractère licite de celle-ci (p. 72-73) [Xe/IVe s.].
- divergence entre le médecin et le patient sur le tarif (p. 74) [Xe/IVe s.].
- vente d'une esclave qui se révèle enceinte et qui a été cautérisée (p. 75-76)[Xe/IVe s.].
- achat d'une esclave déflorée alors que l'acheteur l'avait négociée vierge (p. 80) [Xe/IVe s.].
- vice chez une jument poulinière (p. 81) [Xe/IVe s.].
- vice chez une mule et divergence entre les témoignages (p. 82-83) [1064/456].
- vente d'un mulet chez lequel il apparaît des vices (p. 84-85) [Xe/IVes.].
- šūrā sur le cheval qui présente des vices et qui est rendu en absence du vendeur (p. 86-95) [1065/457].
23Vol. V -Waṯā'iq fī šu'ūn al-'umrān fī l-Andalus : al-masāǧid wa l-dūr [Documents sur des cas de construction en al-Andalus : les mosquées et les maisons], M. Ḫallāf, Le Caire, 1983.
- plantation d'arbres dans la cour de la mosquée (p. 49-50) [XIe/Ve s.].
- question sur la prière dans les souks (p. 50-53) [XIe/Ve s.].
- question sur l'iḥtisāb contre le muezzin Abū l-Rabī` : il appelle à la prière quand il fait encore nuit noire et s'adonne pendant une heure à l'invocation personnelle (du 'ā’) (p. 53-63) [1034-1039/426-431].
- sur ceux qui s'assoient en cercle pour traiter de questions le vendredi dans les mosquées (p. 63-66) [Xe/IVes.].
- iḥtisāb contre le déchargement du grain et d'autres choses aux alentours des mosquées (p. 66-67) [Xe/IVes.].
- à propos de la salle aux ablutions de la mosquée de 'Aǧab et des enfants qui se faufilent dans la mosquée (p. 67-68) [Xe/IVes.].
- sur l'inspection, par le cadi et les fuqahā', de l'une des portes de la mosquée de l'émir Hišām, qui a été fermée, car les témoignages sont en désaccord à ce sujet (p. 69-70) [Xe/IVes.].
- ouverture d'une porte dans la mosquée du cimetière de Burǧ (p. 71-75) [Xe/IVes.].
- à propos des constructions99 adossées aux murs des mosquées (ǧāmi' et masǧid) (p. 75-77) [1064/456].
- inspection, par le cadi et les fuqahā', d'un mur objet de litige (p. 78-82) [Xe/IVes.].
- à propos de quelqu'un qui a construit un escalier dans sa maison, contre le mur du voisin, en introduisant une poutre dans ce mur, ce à quoi s'ajoutent les nuisances que cause la fumée d'un foyer (p. 82-86) [1065-1068/457-460].
- un homme dénonce qu'un autre avait construit contre son mur, outre-passant son droit (p. 86-88) [Xe/IVes.].
- Sa`īd b. Muǧāhid démolit deux maisons de Muḥammad b. Ḫālid (p. 88-91) [Xe/IVes.].
- à propos de celui qui laisse tomber l'eau de son mur dans le jardin du voisin (p. 91) [Xe/IVes.].
- question sur les corniches (rufūf) (p. 92-94) [1064/456].
- à propos de l'achat d'une maison dans laquelle on avait fait une porte et autre chose : autour du procès qu'on a voulu ouvrir contre celui qui avait fait cela (p. 94-97) [avant 1052/444].
- construction d'un four auprès d'une maison (p. 98-111) [1043-1048/ 435-440].
- plainte des deux fils d'Ibn al-Mīrānī contre l'épouse d'al-'Umarī à cause d'un dommage que la maison de cette dernière cause à leur propre maison (p. 111-115) [vers 1070/462].
- un homme demande au cadi qu'il fasse inspecter la modification qu'il a dénoncée et qui lui nuit. Celui qui a fait cette modification refuse qu'on vienne inspecter chez lui (p. 115-117) [Xe/IVe s.].
- témoignage relatif à un four et à une canalisation installés auprès de la maison d'un homme (p. 117) [Xe/IVe s.].
- à propos d'un vieil arbre qui donne sur une maison (p. 117-132) [Xe/IVe s.].
- plainte contre le wālī de Jaén pour usurpation de la maison d'un homme. L'émir ordonne qu'on s'occupe du cas de cet homme (p. 132-133) [Xe/IVe s.].
- les pigeonniers et le tort que leur causent les abeilles (p. 133-134) [Xe/IVe s.].
- question similaire (p. 134-137) [Xe/IVes.].
24Vol. VI -Waṯā'iq fi šu'ūn a1-ḥisba fī 1-Anda1us [Documents sur des cas de ḥisba en al-Andalus], éd. M. Ḫallāf, Le Caire, 1985.
- un muḥtasib fait remarquer le mauvais travail des cordonniers (p. 51-59) [1065-1068/457-460].
- question sur la sandaraque fabriquée avec de l'étain (p. 60) [1065-1068/457 -460].
- sur celui qui veut monopoliser la rédaction des contrats et des formulaires (p. 61-62) [XIe/Ves.].
- question du sinistre subi par les jardins habous de Cordoue (p. 62-95) [1016-1029/407-419].
- iḥtisāb contre les marins qui travaillent sur les bateaux dans les ports (p. 96-100) [XIe/Ve s.].
- sur les chiens (p. 100-103) ; sur un chien qui a mordu un garçon (p. 103-108) [XIe/Ve s.].
- sur celui auquel on doit appliquer la peine coranique, mais on ne sait pas s'il a atteint sa majorité (p. 108-109) [XIe/Ves.].
- témoignage contre Ibn Ḥamdūn qui fait du vin et le vend (p. 109-110) [XIe/Ve s.].
- un percepteur de dîme (a1-'aššār) dit : paye ce que tu dois et plains-toi au Prophète. Et il ajoute : si j'ai mendié ou si j'ai été ignorant, le Prophète - qu'Allāh le bénisse et le sauve !-aussi a mendié et a été ignorant. Le percepteur a été maudit (p. 111-116) [XIe/Ve s.].
- on n'emprisonne ni le père ni la mère en cas de désaccord survenu avec leur fils à propos d'une dette qu'il a contractée vis-à-vis de l'un de ses parents, ce dernier apportant les preuves (bayyina) que le fils vit bien chez lui (p. 116-117) [XIe/Ve s.].
- question sur celui qui mélange une chose avec une autre (p. 118-131) [1083/476].
- sentence (ḥukm) sur une canalisation dont on prétend qu'elle est nouvelle tandis que son propriétaire affirme qu'elle est ancienne (p. 132-133) [XIe/Ve s.].
- sur les canalisations du cimetière de 'Āmir et l'inspection du cadi et des fuqahā', sur ordre de l'émir. Information à l'émir sur ceci (p. 133-138) [XIe/Ves.].
- témoignage sur un trou (kuwwa) dans la maison d'un homme (p. 139-140) [XIe/Ves.].
- autorisation d'entrée pour inspecter dans la maison d'un homme une canalisation qui lui appartient (p. 141) [XIe/Ve s.].
- témoignage sur cette canalisation qui a été inspectée, qui traverse la maison et la propriété d'Aṣbaġ vers le fossé (p, 141-142) [XIe/Ves.].
- iḥtisāb contre Ibn al-Salīm qui coupe la chaussée et en annexe une partie à son jardin, qui jouxte la munyat al-Muġīra. Les réponses des fuqahā' à ce sujet (p. 143-183) [XIe/Ves.].
- litige pour un chemin qui prend une vigne dans un vignoble ou un terrain dans un ensemble de terrains (p. 184-191) [avant 1052/444].
Ibn Sahl dans les études islamiques
25L'intérêt de l'œuvre avait été signalé dès le début des années 1930 par E. Lévi-Provençal dans son Espagne au Xe siècle100. Evoquant l'existence des recueils de consultations juridiques, ouvrages constitués en grande partie par des citations de juristes de toutes les époques au sujet des cas à éclaircir à la lumière du fiqh malékite, le savant écrivait : « de ces recueils, le plus important paraît être le Dīwān al-Aḥkām al-kubrā, véritable corpus de fatwā/s dont beaucoup remontent à l'époque du califat ». Il signalait l'existence d'un manuscrit des Aḥkām, donnait quelques exemples de consultations transcrites par Ibn Sahl et concluait : « souvent, ces intitulés de fatwā/s apportent plus d'indications sur la vie sociale que bien des pages des chroniqueurs contemporains, et leur utilisation serait, à bien des points de vue, sans doute très fructueuse ». Vingt ans plus tard, dans son Histoire de l'Espagne musulmane, E. Lévi-Provençal signalait l'existence de deux manuscrits de l'œuvre et indiquait l'intérêt de celle-ci pour connaître les juges secondaires (ḥākim ou ṣāḥib al-aḥkām) qui aident le cadi ; il citait les six charges qui, selon Ibn Sahl, donnent à leur détenteur le droit de rendre des jugements et il soulignait que le classique flottement entre la charge de la šurṭa et celle de la madīna ne figure pas dans la nomenclature des charges de magistrats fournie par Ibn Sahl101. Rappelant que la lecture des fatwā/s d'Ibn Sahl « n'offre pas seulement un grand intérêt pour l'étude de l'évolution de la pratique juridique [mais qu'] on y trouve aussi, particulièrement dans l'énoncé des motifs qui ont déterminé leur rédaction, des renseignements souvent inédits sur la vie sociale à Cordoue et les rapports des diverses classes de la population », E. Lévi-Provençal tirait du recueil quelques données relatives aux esclaves, aux mozarabes, aux juifs, aux prix et à la monnaie, aux contrats de fermage et en particulier à la rescission de certaines de leurs clauses, aux moulins, à la navigation fluviale, à la topographie de Cordoue, à la vie privée, aux crimes de lèse-foi102. Mais si E. Lévi-Provençal a bien montré la richesse des informations contenues dans les Aḥkām al-kubrā, il ne s'est en revanche jamais livré à une exploitation systématique du document.
26L'œuvre d'Ibn Sahl tombe alors dans l'oubli, jusqu'au moment où le regain d'intérêt pour la littérature juridique le remet en honneur : celui-ci s'affirme, on l'a rappelé, dans les années 1980 et il se manifeste essentiellement autour du recueil d'al-Wanšarīsī103. L'intérêt pour les Aḥkām al-kubrā d'Ibn Sahl se traduit alors par des éditions de l'œuvre, mais aussi par des études, partielles ou globales, du recueil. Les travaux d'éditions du texte débutent en 1973 et cinq chercheurs y ont travaillé :
- 1973 : édition partielle de T. Azemmouri, consacrée à la partie relative à l'iḥtisāb.
- 1974 : édition complète de N. al-Naǧǧār, dans le cadre d'une thèse soutenue à Madrid (Universidad Complutense).
- 1978 : édition complète de R Nu'aymī, dans le cadre d'une thèse présentée à Edimbourg (University of St Andrews).
- 1980-1985 : édition partielle de M. Ḫallāf en six volumes thématiques dont les contenus ont été présentés ci-dessus.
- 1990 : édition complète d'al-Tuwayǧirī, dans le cadre d'une thèse présentée à Riyāḍ (Université islamique Muḥammad b. Sa 'ūd)104.
27Une dizaine d'années après les premiers travaux d'édition, débutent les études sur le recueil d'Ibn Sahl. Si l'on met à part les publications consacrées à l'auteur et à son œuvre105, les Aḥkām al-kubrā ont suscité deux types de recherche : d'une part, quelques textes figurant dans le recueil ont été envisagés comme objet d'étude et ont bénéficié d'une analyse ; d'autre part, le recueil d'Ibn Sahl a été exploité comme source pour l'étude d'un aspect de la Cordoue des Xe-XIe siècles, essentiellement sa vie économique et sociale, son organisation judiciaire, son urbanisme.
Analyses de cas des Aḥkām al-kubrā
- M. Marín, « Law and piety : a Cordovan Fatwā », British Society for Middle Eastern Studies, 17 (1990), p. 129-136 [analyse d'une fàtwā relative à un habitant de Cordoue qui lance un appel à la prière au milieu de la nuit depuis le toit de la mosquée et gêne le voisinage]
- L F. Aguirre de Cárcer, « Sobre el ejercicio de la medicina en al-Andalus : una fetua de Ibn Sahl », Anaquel de estudios árabes, 2 (1991), p. 147-162 [analyse d'une fatwā qu'Ibn Sahl extrait des Aḥkām d'Ibn Ziyād : deux femmes sont en désaccord au sujet de la rémunération que l'une d'elles doit recevoir pour avoir soigné deux filles de l'autre].
- D. Wasserstein, « A fatwā on conversion in Islamic Spain », Studies in Muslim-Jewish Relations, 1 (1993), p. 177-188 [analyse d'une fatwā émise à propos d'un jeune converti à l'islam qui veut revenir au christianisme].
- M. Fierro, « El proceso contra Ibn Ḥātim al-Ṭulayṭulī (años 457/1064-464/1072) », Estudios onomásticos-biográficos de al-Andalus, VI, M. Marín éd., Madrid, 1994, p. 187-215 [analyse du procès contre Ibn Ḥātim, accusé d'hérésie].
- M. Marín, « Learning at Mosques in al-Andalus », Islamic Legal Interpretation, Muftis and their fatwas, M. K. Masud éd., Cambridge-London, 1996, p. 47-54 [analyse d'une fatwā qu'Ibn Sahl extrait des Aḥkām d'Ibn Ziyād à propos de l'enseignement dans les mosquées].
- C Mazzoli-Guintard, « De l'étain dans la préparation du vernis : une innovation blâmable à Cordoue au XIe siècle ? », Château et innovation, Actes des Rencontres d'Archéologie et d'Histoire en Périgord, (Périgueux, 24-26 septembre 1999), A.-M. Cocula et A.-M. Dom éds, Bordeaux, 2000, p. 11-22 [analyse de la consultation relative à l'utilisation de l'étain ou de l'argent dans la préparation de la sandaraque].
- C. Guintard et C. Mazzoli-Guintard « Les vices des équidés sous le regard de l'expert-vétérinaire en al-Andalus : un aperçu chez Ibn Sahl (1022-1093) », Anthropozoologica, 32 (2000), p. 11-22 [analyse de quatre fatwā/s relatives à des ventes d'équidés contestées pour vices cachés].
- C. Mazzoli-Guintard, « L'artisan, le muḥtasib et le juge : naissance et solution d'un conflit à Cordoue dans la seconde moitié du XIe siècle », La résolution des conflits au Moyen Age (Congrès de la S.H.M.E.S.P., Angers, mai 2000), Paris, 2001, p. 189-200 [analyse de la consultation relative aux malfaçons des cordonniers et à leur révolte contre le muḥtasib].
- C Mazzoli-Guintard, « Entre une mosquée et une synagogue, la maison de Ḥassān dans la Cordoue du XIe siècle », Interactions économiques et culturelles en Méditerranée occidentale pendant l'Antiquité tardive, le Moyen Age et les Temps Modernes (Paris, 7-9 décembre 2000), à paraître [analyse d'une fatwā relative à un bâtiment en ruine, situé entre la maison de Ḥassān et un bien habou de la synagogue].
28Les fatwā/s d'Ibn Sahl sont parfois indirectement analysées, à travers leur version transmise par al-Wanšarīsī ; c'est le cas de :
- F. Vidal Castro, « Venta de caballerías en el Toledo taifa y cristiano (ss.XI-XII) : dos demandas judiciales desde Valencia y Córdoba », Qurṭuba 2 (1997), p. 215-247 [la fatwā d'Ibn `Attāb relative à l'achat d'une mule à Tolède au milieu du XIe siècle, transmise par al-Wanšarīsī et étudiée par F. Vidal, figure, sans guère de variantes, chez Ibn Sahl].
- D. Serrano Ruano, « La escuela de alfaquíes toledanos a través del Mi'yār de al-Wanšarīsī », Revista del Instituto Egipcio de Estudios Islámicos en Madrid 30 (1998), p. 127-153 [étude d'une série de textes concernant l'activité des juristes de Tolède dans le Mi'yār ; presque toutes les références proviennent d'Ibn Sahl].
Les Aḥkām al-kubrā comme source pour la Cordoue des Xe-XIe s.
- M. Ḫallāf, Qurṭuba al-islāmiyya fī 'l-qarn al-ḥādī 'ašar al-mīlādī al-ḫāmis al-hiǧrī, Tunis, 1984 [CR. d'A.-L. de Prémare, Bull. crit. annales islamologiques, 4 (1987), p. 134-137 : étude sur la vie économique et sociale de Cordoue au XIe s., à partir essentiellement d'Ibn Sahl].
- R. Daga Portillo, Organización jurídica y social en la España musulmana. Traducción y estudio de al-Aḥkām al-kubrā de Ibn Sahl, Granada, 1990, tesis doctoral, Universidad de Granada, microfichas [vol. 1 : traduction des six volumes édités par M. Ḫallāf ; vol. 2 : étude et commentaire, dont le ton dominant est juridique].
- R. Pinilla Melguizo, « Aportaciones el estudio de la topografía de Córdoba islάmica : almacabras », Qurṭuba, 2 (1997), p. 175-214 [les mentions figurant dans l'œuvre d'Ibn Sahl sont rapprochées d'autres sources pour une synthèse sur les cimetières de Cordoue].
- C. Müller, Gerichtspraxis im Stadstaat Córdoba, Leiden, 1999 [étude de l'ensemble de l'œuvre d'Ibn Sahl dans une perspective juridique, la mise en valeur de l'exercice de la justice à Cordoue au XIe siècle].
- R. Pinilla Melguizo, « Saneamiento urbano y medio ambiente en la Córdoba islámica (s. VIII-XIII) », Las ordenanzas de limpieza de Córdoba (1498) y su proyección, J. Berbel et al., Cordoue, 1999, p. 39-54 [Ibn Sahl ne constitue qu'une des sources utilisées pour une étude sur les problèmes de salubrité].
- C. Müller, « Administrative tradition and civil jurisdiction of the Cordoban ṣāḥib al-aḥkām », Al-Qanṭara, XXI, p. 57-84 et p. 306-338 [étude, à partir des Aḥkām d'Ibn Sahl, du rôle du ṣāḥib al-aḥkām].
- R. Pinilla Melguizo, « Jurisprudencia y ciudad. Notas sobre toponimia y urbanismo en la Córdoba altomedieval extraídas de al-Aḥkām al-kubrā de Ibn Sahl (siglo XI) », Ier Congreso lntemacional : las ciudades históricas. Patrimonio y sociabilidad, J. C. Martin de la Cruz et al. éds, Córdoba, 2000, p. 559-574 [analyse des indications fournies par Ibn Sahl sur la structuration de Cordoue en quartiers, faubourgs, etc.].
- Arjona Castro, « Médicos y albeytares como auxiliares de la justicia. El ejercicio de la medicina en al-Andalus según unas fetuas de Ibn Sahl. Las demandas judiciales contra los médicos », Abulcasis. Revista del Ilustre Colegio Oficial de Médicos de Córdoba, 145 (2000), p. 34-47 [présentation générale des données relatives à la médecine figurant chez Ibn Sahl].
- Arjona Castro, Córdoba en la historia de al-Andalus. Desarrollo, apogeo y ruina de la Córdoba omeya. I : De la conquista al final del emirato omeya (711-929), Córdoba, 2001 [l'auteur présente, en parallèle, l'histoire politique de Cordoue et celle de son urbanisation].
29Ibn Sahl a donc été en quelque sorte redécouvert depuis une trentaine d'années et les études concernant son œuvre se sont alors multipliées106 ; il reste, entre autres, à interroger le Cordouan sur le fonctionnement de la ville de Cordoue entre le début du Xe siècle et les années 1070. Mais on ne peut séparer les hommes du bâti qu'ils sécrètent : un détour par le cadre de vie des Cordouans aux Xe et XIe siècles s'impose.
Notes de bas de page
1 Fig. 1. La carrière de ce juriste a été reconstituée, à partir des notices que lui consacrent ses biographes (le cadi `Iyāḍ, Ibn Baškuwāl, Ibn Farḥūn, al-Nubāhī, al-Ḍabbī, Ibn al-Ḫaṭīb) et des indications fournies par Ibn Sahl lui-même dans son œuvre, par T. el Azemmouri dans son édition partielle d'Ibn Sahl (1973, p. 9-17), par R. Daga Portillo (1990, II, p. 1-54 et 1991) et par C. Müller (1999, p. 1-18), dont nous suivons les principales conclusions. M. Ḫallāf, dans son introduction au volume Al-qaḍa’ al-ǧinā’ī d'Ibn Sahl, fournit un bref résumé de la vie de ce juriste (p. 10-11). Curieusement, l'EI ne consacre aucune notice à Abū l-Aṣbaġ `Īsā b. Sahl, sans doute éclipsé par un autre Ibn Sahl, Abū Isḥāq Ibrāhīm al-Isrā’ī1ī, le grand poète sévillan du XIIIe siècle.
2 Le wādī `Abd Allāh, le Guadaudalla des sources chrétiennes, est identifié au río de La Guardia ou Guadalbullón par Vallvé Bermejo 1969, p, 71-72. Sur ce district, voir Castillo Armenteros 1998, p. 206.
3 Sur l'attitude de celui-ci qui concède le gouvernement de certaines régions d'Andalousie aux chefs berbères qui l'ont appuyé, cf. Guichard 1995, p. 57. Sur le contenu de ces concessions, cf. Lévi-Provençal 1950, t. 2, p. 322.
4 Wasserstein 1985, p. 89, signale que Jaén est incorporée à la taifà zīride en 1028/419. Un récit détaillé de l'histoire politique de Jaén figure dans Aguirre Sádaba et Jiménez Mata 1979.
5 C'est-à-dire lorsque Zāwī décide de repartir au Maghreb (Viguera Molins 1994, p. 43-44).
6 Jiménez Mata 1990, p. 109-110 ; Viguera Molins 1994, p. 42-50 et p. 66-69.
7 L'âge auquel le futur uléma commence à approfondir ses connaissances élémentaires dépend bien entendu de ses capacités intellectuelles ; certains ulémas ont commencé des études spécialisées (ṭalab al-`ilm, recherche de la science) dès l'âge de treize ou quatorze ans (Marin 1992 a, p. 156-157 ; Wagner 1997).
8 Guichard 1977, p. 139 et p. 230-231 : les Banū Asad s'installent dans les Alpujarras et à Los Bérchules.
9 Müller 1999, p. 1.
10 J. Vallvé Bermejo avait identifié Ḥiṣn al-Qal`a avec La Guardia, ne faisant qu'un iqlīm de Mantīša et de Wādī `Abd Allāh (Vallvé Bermejo 1969, p. 71-72). J. C. Castillo Armenteros, en revanche, distingue deux iqlīmls, celui du Wādī `Abd Allāh en aval et celui de Mantīša (La Guardia) en amont ; il signale que le centre administratif du district du Wādī `Abd Allāh, qui n'a pu être localisé avec précision, devait se trouver sur le piémont, peut-être à l'est de La Guardia (Castillo Armenteros 1998, p. 201-206).
11 Marin 1992 a, p. 156-157.
12 Wagner 1997.
13 Serrano Ruano 1999 et p. 21-25 de sa traduction d'Ibn 'Iyāḍ.
14 Urvoy 1992, p. 860-861.
15 Du corpus de savants par ville fourni par Avila 1985 pour les années 961-1058/350-450, se dégagent les valeurs suivantes : II personnalités pour Jaén, 10 pour Grenade, 138 pour Tolède, 678 pour Cordoue (Mazzoli-Guintard 1996, p. 90 et p. 332-334). On peut s'étonner de l'absence d'Almería (29 savants) dans le parcours d'Ibn Sahl.
16 Müller 1999, p. 1-2. Sur les ulémas tolédans, cf. Marin 1992 b, p. 238-239.
17 Sur le malékisme et les courants minoritaires présents en al-Andalus, cf. Fierro 1994 a, p.410-414.
18 Ibid., p. 410.
19 Iǧāza : licence, autorisation d'enseigner. Le maître réunit ses disciples et leur fait lire les ouvrages qu'il choisit et leur expose ses propres réflexions ; il ne peut cependant commenter l'ouvrage d'un savant que s'il avait reçu de ce personnage l'autorisation de le faire ou iǧāza (SourdeI1996, « Enseignement »).
20 Fierro 1991 et 1994 a, p. 410-412.
21 Sur l'élaboration du droit en al-Andalus et ce courant réformateur du XIe siècle, cf. Urvoy 1990, p. 80-89.
22 C. Pellat, « Ibn `Abd al-Barr », EI2. A cette grande figure du XIe siècle, est attribuée plus d'une centaine de disciples (Marin 1992 a, p. 158).
23 Fierro 1994 a, p. 412 : Ibn `Abd al-Barr est parfois présenté, à tort, comme s'étant rallié au maḏhab d'al-Šāfi`ī.
24 Notons par ailleurs que suivre Mālik et ses disciples signifie également la défense de l'istiṣlāḥ, principe juridique fondé sur l'utilité publique et l'importance accordée à la coutume ; Fierro 1994 a, p. 410, rappelle le caractère souple du malékisme, contrairement à l'idée trop souvent développée de sa rigidité doctrinale.
25 En 1038/429, les habitants d'Almería font appel à `Abd al-`Azīz de Valence pour les gouverner ; celui-ci installe à Almería cet Ibn Ṣumādiḥ qui ne tarde pas à se conduire en souverain indépendant : Guichard 1990, p, 59.
26 Ibn Sahl, `umrān, n°l6 et Ḥisba, n°l8 ; annexe : `umrān, 16 ; Müller 1999, p. 3.
27 Id.
28 Jiménez Mata 1990, p. 110 : les intrigues du vizir Ibn Naġralla jouent un rôle essentiel dans la rupture des relations pacifiques entre Almería et Grenade (pour le détail de celles-ci, qui vont jusqu'à la prise de Guadix par Almería en 1067/459 : Viguera Molins 1994, p. 45).
29 Dont le nom est indissociable de celui de son secrétaire, Ibn Ḥayyān. Il règne officiellement jusqu'à l'annexion de sa taifa par Séville en 1069/461, mais se retire des affaires à partir de 1063/455 (Soufi 1968 ; Viguera Molins 1994, p. 104-108 ; Wasserstein 1985, p. 87).
30 Urvoy 1977, p. 32-34 et p. 39. A partir du recueil biographique d'Ibn Baškuwāl (m. 1178/583), il donne, pour le nombre d'ulémas décédés à Cordoue, les valeurs suivantes : 420-440/1029-1048 : 120 ; 440-460/1048-1067 : 64 ; 460-480/1067-1087 : 46.
31 Müller 1999, p. 3.
32 Ce personnage, grande figure de la transmission du ḥadīṯ dans la Cordoue du XIe siècle (al-Ṣamadī 1995), est un mušāwar très apprécié par le premier souverain de la taifa cordouane qui se rend en personne jusqu'à la mosquée où Ibn `Attāb s'installe pour lui demander son opinion sur différentes questions (Ḫallāf 1994, p. 166). Ibn `Attāb refuse la charge de cadi que lui proposent plusieurs émirs de taifas : à sa mort, on retrouve dans un coffret les lettres de quatre souverains de taifas qui lui demandaient d'accepter la judicature ; à chacun, il avait répondu : « j'ai renoncé à cela pour l'amour de Dieu » (Soravia 1994, p. 298).
33 Ibn al-Qaṭṭān se rattache à une grande famille de savants cordouans, les Banū Hilāl. Brillant second d'Ibn `Attāb, avec lequel il rivalise, Ibn al-Qaṭṭān est réputé pour la sévérité de ses positions et la volonté qu'il manifeste de mettre fin aux choses réprouvables d'un point de vue religieux ; on le décrit notamment en train de briser les instruments de musique. Il meurt d'une hémiplégie au cours d'un voyage qui le mène visiter des parents à Almería (Guardiola 1992, p. 169-170). Sur tous ces personnages, voir les références rassemblées dans Müller 1999.
34 En janvier 1072/rabī` II 464, Ibn Sahl est l'un des mušāwarūn de Cordoue consulté par le cadi à propos d'Ibn Ḥātim al-Ṭulayṭulī, accusé d'hérésie (annexe : Bida', 3 ; Fierro 1994 b, p. 196).
35 Ḫallāf 1994, p. 180. Certains accèdent à la šūrā plus jeunes encore, comme Ibn Abī Ǧamra (m. 1202/599), cadi de Murcie, Valence, Játiva et Orihuela, qui est nommè mušāwar à 21 ans (Carmona 2000, p. 123).
36 D'abord au service des Ḥammūdides, Suqūt (ou Ṣaqqūt) al-Barġawāṭī devient indépendant à Ceuta : sous son règne, la ville est prospère et les activités intellectuelles y sont florissantes (Vallvé Bermejo 1963, Ferhat 1993). Sur les dates de son règne, voir la mise au point de Müller 1999, p. 5 qui retient les années 1061-1078/453-471.
37 Ibn Sahl, Ḥisba, n°11, p. 130-131 : la réponse qu'il donne (aǧabtu) au juge de Tanger est suivie de celle que fournit Ibn Samǧūn, mufti de Tanger.
38 L'Almoravide Yūsuf b. Tāšufīn, reparti au Maghreb après Zallāqa (1086), est de nouveau sollicité par les Andalusíes pour lutter contre les chrétiens qui ont installé un contingent mili· taire à Aledo : une nouvelle campagne militaire est organisée sur laquelle les dates sont discordantes : celle retenue par R. Menéndez Pidal, 1089/482, se retrouve dans des travaux postérieurs, comme Guichard 1990 (p. 65) ; Ma J. Viguera Molins, en revanche, retient celle de 1088/481 (1992, p. 172 et p. 176).
39 Sur ces souverains du XIe siècle en quête de l'appui des intellectuels, cf. Benaboud 1984, p. 33·34.
40 `Abd Allāh, El siglo XI en 1a persona, p. 217·218.
41 Ibid, p. 256-257.
42 Dès le retour de l'Almoravide au Maghreb après Aledo, l'émir de Grenade, et d'autres avec lui, reviennent à des compromis avec Alphonse VI (sur la venue des Almoravides en al-Andalus, cf. Viguera Molins 1997, p. 50-53).
43 `Abd Allāh, El siglo XI en 1a persona, p. 257.
44 T. el Azemmouri (1973) dans son introduction à l'édition d'Ibn Sahl, p. 16. C. Müller (1999, p. 8) voit dans la condamnation d'Ibn Sahl celle d'un juriste ayant trahi le prince qu'il servait. Ibn Sahl, emprisonné dans un premier temps, est ensuite amnistié.
45 C'est l'interprétation de R. El Hour (1997, p. 181).
46 Ibn Sahl s'inscrit parfaitement dans les valeurs que donne D. Urvoy (1978, p. 31) de l'espérance de vie d'un intellectuel andalou du XIe siècle, entre 70 et 75 ans.
47 Et l'on retrouve dans la Grenade du XIIe siècle un uléma qui se rattache aux Banū Sahl : Abū Muḥammad `Abd Allāh b. Muḥammad b. Sahl, al-Darīr (l'Aveugle), né à Grenade en 1097/ 490 et mort à Murcie en 1176/571 (sa biographie figure dans la Takmila d'Ibn al-Abbār et dans la Iḥāṭa d'Ibn al-Ḫaṭīb : Carmona 2000, p. 106-107). De même, on connaît l'existence d'un certain Ḥasan b. `Alī b. Sahl al-Ḫušanī al-Sabtī, dont on sait qu'il laisse Almería après 1147/542 et qu'il est cadi de Ceuta (Serrano Ruano, trad. Ibn `Iyāḍ, p. 541).
48 Sur ces familles d'ulémas, voir en particulier les études rassemblées dans Estudios Onomástico-Biográficos de al-Andalus, t. V (M. Marin et J. Zanón éds.), Familias andalusίes, Madrid, 1992 : il existe certes de grands réseaux familiaux qui traversent les siècles, comme les dix générations des Banū `Amīra de Murcie (812-1257/197-655) (Castilla 1992) ou les Banū Abī Gamra, de Murcie également (741-1312/123-711) (Molina 1992), mais il existe aussi des groupes réduits à un père et son fils. Parmi ces grandes familles de savants, citons celle de Yaḥyā b. Yaḥyā al-Layṯī (m. 848/234) (Fierro 1997), les trois familles de Banū Ziyād à l'époque omeyyade (Fierro 1992), les Banū Hilāl de Cordoue aux IXe-XIe s. (Guardiola 1992), les Banū Fūrtiš et les Banū Ṯābit d'Aragon (Marín 1992 a, p. 155), les al-Bāǧī de Séville du Xe au XIIIe s. (Vizcaíno 1992), les Banū I-Ḥadīdī de Tolède au XIe s. (Toral 1994), les Banū Samaǧūn qui donnent plusieurs cadis à partir de l'époque almoravide (Lucini 1992), les Banū Burṭuluh de Murcie au XIIe s. (Aguilar 1995), etc. Il existe bien d'autres exemples de familles d'ulémas pour des périodes postérieures, qui échappent au champ de notre recherche. Par ailleurs, Molina 1989 fournit des références à des publications plus anciennes sur le sujet.
49 Parmi les nombreux travaux qui insistent sur les liens entre la ville et le savoir, cf. Marin 1995 a, Fierro et Marín 1998
50 AI-Bayyānī : de Baena (Molina 1989, p. 35-36 et p. 40-42).
51 Angelé et Cressier 1990 définissent Velefique comme un ḥiṣn qui structure le territoire rural qui l'environne.
52 De la Puente 1992.
53 Sur l'importance des déplacements pour ces savants en quête de maîtres, cf. Marín 1992 a, p. 157-165. On trouvera dans les travaux publiés dans la série Estudios Onomástico-Biográficos de al-Andalus de nombreux exemples d'ulémas allant de ville en ville écouter les maîtres les plus prestigieux de leur époque, mais aussi de souverains de taifas cherchant à attirer auprès d'eux les plus grands noms du temps (Marin 1995 a, p. 209-210).
54 Ḫallāf 1994, p. 175-176. Le meilleur exemple de ces échanges épistolaires reste celui de l'affaire d'Ibn Ḥātim, sur laquelle les ulémas s'échangent d'une ville à l'autre des informations (annexe : Bida`, 3 ; Fierro 1994 b).
55 Marín 1992 a, p. 158-160.
56 Les dictionnaires biographiques signalent de nombreux cas de ce type d'ascension dans l'administration judiciaire, qui fait passer du poste de secrétaire du juge à juge (Marin 1992 a, p. 152-153). A titre d'exemple, Ibn Yas'ūn (Almería, m. 1147/542), ṣāḥib al-aḥkām puis cadi (Rodriguez Figueroa 2000, p. 32-33) ; Ibn al-Ḥallāl (m. 1188/584), mušāwar puis juge d'Orihuela, cadi de Murcie (Carmona 2000, p. 75-76) ; Abū l-'Abbās al-Tuǧūbī (Murcie, m. 1168/563), ṣāḥib al-aḥkām, mušāwar, cadi de Játiva puis de Murcie (ibid., p. 85-86).
57 M. Marín (1992 a, p. 152-154 et 1995, p. 379-382) estime qu'il n'est pas impossible d'évoquer, quoiqu'avec prudence, une certaine professionnalisation des ulémas qui, accédant peu à peu à des charges religieuses, judiciaires ou administratives (comme copistes), abandonnent leur première activité professionnelle, liée au commerce ou à l'artisanat. L'uléma Yaḥyā b. Yaḥyā (m. 848/234), avant de devenir le proche conseiller de `Abd al-Raḥmān II, travaille d'abord comme commerçant (Fierro 1997, p. 279-282).
58 Cette attitude s'accentue avec les `Āmirides comme le fait remarquer S. Peña (1994). Elle développe le cas d'Ibn al-Makwī (935-1010/324-401) qui refuse par deux fois la charge de cadi que lui offre al-Manṣūr. N'oublions pas le cas d'Ibn 'Attāb (supra, note 32) et d'autres ulémas du XIe siècle (Ḫallāf 1994, p. 182). Cette attitude se retrouve aux époques postérieures : cf. pour l'époque almoravide, Rodriguez Figueroa 2000, p. 34.
59 Fierro 1997 analyse de façon détaillée le rôle de ce personnage auprès de l'émir `Abd al-Raḥmān II.
60 Voir, en particulier, les études rassemblées dans Saber religioso y poder político en el Islam, 1994, ainsi que les deux volumes intitulés El saber en al-Andalus. Textos y estudios, 1997 et 1999.
61 Sur le rôle des ulémas dans la vie politique au XIe siècle, cf. Benaboud 1984 et 1994 ; Soravia 1994.
62 Sur les savants courtisans (`ulamā’ al-salāṭīn), cf. Soravia 1994, p. 293-300.
63 Figure dans le recueil (Ḥisba, n° 11, p. 130) une affaire qui se déroule au cours de l'été 1083, comportant un témoignage de ṣafar 476 (à partir 20/6/1083), ce qu'il faut attribuer à un disciple d'Ibn Sahl qui a pu retoucher l'œuvre de son maître (sur les modalités de rédaction par les ulémas des œuvres de leurs maîtres, Marín 1992 a, p. 167 ; on trouve même, dans certaines œuvres, des allusions à des faits postérieurs à la mort de l'auteur).
64 C'est l'interprétation de R. Daga Portillo. Cette affaire de 1083, aux mains du cadi de Tanger, pousse aussi vers une rédaction au Maghreb, parachevée par des disciples.
65 Müller 1999, p. 10. L'œuvre a donc finalement aussi un caractère normatif, Ibn Sahl ayant rassemblé des fatwāls dans l'intention qu'elles puissent servir comme base de la jurisprudence aux muftis à venir.
66 Ibid., p. 17-18.
67 Ibn `Iyāḍ, trad. D. Serrano, p. 170, 199, 213, 217, 231-232, 306, 315, 338, 345, 395, 470, 473-475. Ibn `Iyāḍ se contente dans la plupart des cas de consigner rapidement l'avis d'Ibn Sahl, ce qui donne des formules lapidaires du genre « le serment pour compléter le témoignage unique dans l'usucapion est effectif, comme le dit Ibn Sahl dans ses Nawāzil » (p. 170). Il s'avère dans la plupart des cas très difficile de vouloir retrouver la source d'Ibn `Iyāḍ dans les Aḥkām.
68 On donnera systématiquement, dans les présentations des textes en annexe, la référence à la version d'al-Wanšarīsī quand elle existe. Sur une étude comparée des deux versions d'un même texte, cf. Guintard et Mazzoli-Guintard 2001.
69 Daga Portillo 1990, II, p. 55-70, présente ces manuscrits et précise leur utilisation par les différentes éditions.
70 María Jesús Viguera Molins a eu l'extrême obligeance de me signaler la présence, dans le volume bibliographique récemment publié par al-Waraglī (2001, p. 240), d'une notice relative à cette dernière thèse, soutenue à Riyāḍ en 1990.
71 Voir, en bibliographie, Ibn Sahl et ci-dessous.
72 Notre analyse ne se veut aucunement étude exhaustive des Aḥkām d'Ibn Sahl, qui reste à mener, de façon par exemple à pouvoir confronter systématiquement les documents compilés par al-Wanšarīsī aux originaux du XIe siècle, et ceci dans le but d'étudier les variantes des textes et peut-être de retrouver dans le Mi`yār d'autres opinions d'Ibn Sahl qui ne figureraient pas dans ses Aḥkām (voir par exemple l'opinion d'Ibn Sahl relative à celui qui loue une maison et souhaite ensuite l'acheter, opinion qui s'appuie sur Ibn Daḥḥūn (m. 1039/431) et sur Ibn al-Šaqqāf, et qui est transmise par al-Wanšarīsī : Lagardère 1995, p. 353). Nous avons au contraire visé la mise en valeur, à travers l'œuvre d'Ibn Sahl, des solidarités citadines dans la Cordoue des Xe-XIe siècles, ce que permet l'édition thématique de M. Ḫallāf, dont deux de ses volumes, celui consacré à la ḥisba et celui consacré aux constructions, nous ont fourni l'essentiel des données.
73 Le nombre de ces chapitres varie d'un manuscrit à l'autre : Daga Portillo 1990, II, p. 91-94 et Müller 1999, p. 10-12 donnent les titres de chapitres qui figurent dans l'édition Nu`aymī.
74 Sur cette terminologie propre au droit, qui échappe au champ de notre recherche, voir le glossaire commode de D. Serrano Ruano dans sa traduction d'Ibn `Iyāḍ ou celui d'A, Ferreras dans son volume consacré à al-Ǧazīrī. Voir aussi, en fin d'ouvrage, le lexique.
75 Iqrār : aveu, reconnaissance ; plus faible que le témoignage, la preuve par excellence, l'iqrār est un type de preuve légale (Brunschvig 1963, p. 176-177 ; D. Serrano Ruano dans sa traduction d'Ibn `Iyāḍ., p. 508).
76 Iḥtisāb : le fait d'agir comme muḥtasib, de contrôler, d'attirer l'attention, d'interpeller quelqu'un à cause d'un problème de ḥisba, de s'efforcer de satisfaire une nécessité de ḥisba (Abdesselem 1935, Corriente 1991).
77 A savoir : Ḥisba, `umrān, AI-qaḍā’ al-ǧinā’ī, Ḏimmī, Bida` (comparer, à cet égard, les documents édités par T. el Azemmouri et ceux édités par M. Ḫallāf). M. Ḫallāf fait par ailleurs remarquer que le responsable du marché intervient dans des documents qui figurent dans d'autres chapitres que celui sur l'iḥtisāb, documents dont il donne la liste dans Ḥisba, p. 10-12.
78 Daga Portillo 1990, II, p. 94.
79 Il s'agit, assez souvent, de documents qu 'Ibn Sahl dit tirer des Aḥkām d'Aḥmad b. Muḥammad b. Ziyād, célèbre cadi de Cordoue : Ibn Ziyād ou al-Ḥabīb (m. 924/312) est connu pour sa décision d'exiger que toute réponse d'un mušāwar à une demande de consultation soit rédigée par écrit. Il est cadi de 903/291 au début de l'année 913/ǧumādā II 300, puis pour la seconde fois de 921/309 à 924/312 (Lévi-Provençal 1953, p. 127 et p. 142 ; Fierro 1992). Les autres cas à inscrire dans le Xe siècle sont des affaires dans lesquelles interviennent des mušāwarūn cordouans de cette période, `Ubayd Allāh b. Yahyā (m. 909/297), Ayyūb b. Sulaymān (m. 914/302), Ibn Mu'āḏ (m. 920/308), Ibn Walīd (m. 921/309), Ibn Lubāba (m. 926/314), etc. (sur ces personnages, cf. Marín 1985).
80 Dans certains documents, seul apparaît le nom d'Ibn `Attāb, dont on sait qu'il appartient à la šūrā pendant 44 ans, de 1025/416 à 1069/462 : certains cas, donc, peuvent remonter à une période antérieure à 1050. Par ailleurs, certains textes peuvent être plus finement datés parce qu'Ibn Sahl signale en quelle année il a interrogé les muftis de Cordoue ou parce qu'il donne la date de signature du contrat objet du litige. Parfois aussi, la présence simultanée dans un document de plusieurs muftis, ou de muftis et d'un juge, permet de situer l'affaire dans le temps.
81 Garcin et al. 2000 a, p. 141-145.
82 Les biens habous sont donnés à bail, moyennant des redevances fixes, à des concessionnaires (mutaqabbil) qui les font fructifier en passant des contrats d'association agricole avec des métayers (Lévi-Provençal 1953, p. 269).
83 Ibn Sahl, Ḥisba, n04, p. 63-64 : Lévi-Provençal 1953, p. 269-270 commente cette affaire. L'épisode militaire auquel il est fait allusion se situe sous le second règne de Sulaymān al-Musta’īn, entré à Cordoue en mai 1013/šawwāl 403 ; `Alī b. Hammūd, qui a des prétentions califales, se rend d'abord indépendant à Ceuta, puis occupe Málaga en 1016/406 avant de marcher sur Cordoue et d'affronter Sulaymān.
84 Il faut souligner l'absence de cette longue période qui sépare, en gros, les Aḥkām d'Ibn Ziyād des nawāzil d'Ibn Sahl ; en effet, on ne trouve pas trace, chez Ibn Sahl, de ces juristes cordouans qui sont autant de jalons dans 1 'histoire des pratiques judiciaires de Cordoue et qui réapparaissent chez al-Wanšarīsī, comme Aḥmad b. `Abd Allāh al-Lu'lu'ī (m. 959/348), Ibn Ḥāriṯ al-Ḫušanī (m. 981/371), Ibn Zarb (m. 991/381), Ibn al-Hindī (m. 998/388), Muḥammad b. Isḥāq b. al-Salīm (nommé cadi en 966/356), Ibn al-Makwī (m. 1010/401), Ibn Kawṯar (m. 1012/403), Ibn al-Faḫḫār (m. 1028/419), Ibn Daḥḥūn (m. 1039/431) ou bien encore Ibn Sirāǧ (m. 1064/456).
85 Rapprocher ainsi l'époque omeyyade et celle des taifas du XIe siècle ne va d'ailleurs pas à l'encontre des récentes tendances d'une historiographie qui s'efforce de voir dans le XIe siècle un prolongement des temps omeyyades (voir, par exemple, Clément 1997 en ce qui concerne le pouvoir ou Acién Almansa 2001 a pour la culture matérielle).
86 La plupart du temps, le texte n'est pas daté ; entre [ ], figure une indication chronologique, souvent simplifiée : ainsi, un document tiré des Aḥkām d'Ibn Ziyād sera indiqué [Xe/IVe s.], la mention [XIe/IVe s.] renvoyant à un cas auquel Ibn Sahl a participé, entre les années 1050 et les années 1070. Par ailleurs, les titres des documents n'ont pas été traduits de manière littérale, mais leur sens a été bien souvent interprété en fonction du contenu de l'affaire. Ces ‘traductions’ ont été révisées par S. Abboud-Haggar : qu'elle trouve ici l'expression de mes vifs remerciements pour l'aide précieuse qu'elle m'a apportée. Bien entendu, j'assume seule les erreurs de lecture qui peuvent subsister dans cette présentation.
87 walī : sur le walī al-dam (litt. vengeur du sang), le plus proche parent selon la loi successorale, qui exécute le talion, cf. Schacht 1983, p. 153-154 et Abboud-Haggar 1999, 1, p. 332. Comme le rappelle M. Ḫallāf (éd. Al-qaḍā’ al-ǧinā'ī, p. 43), walī désigne autant l'héritier du mort que le mort lui-même, car le signifié du terme suppose une relation de réciprocité entre la personne assassinée et le parent qui revendique le prix du sang ; dans ce texte, walī désigne l'individu assassiné.
88 Un individu en accuse un autre d'avoir tué son frère ; l'accusé accuse son accusateur d'avoir tué son oncle.
89 `uqūq : être désobéissant, être rebelle ; de `aqqa : désobéir, manquer à ses devoirs envers son père.
90 'arīf : celui qui est la tête de quelque compagnie, un chef, un inspecteur, celui dont la fonction est de surveiller d'autres personnes ; officier subalteme, chef du quartier (Dozy 1881, Lévi-Provençal 1953, « `arīf », EI2, par Saleh A. El-Ali et C. Cahen).
91 S.e. : moi, Ibn Sahl.
92 Tadmiya désigne, à l'origine, une inculpation pour homicide, puis toute inculpation en cas de blessure ou de violence physique. Sur cette notion, cf. A. Ferreras dans son édition d'al-Ǧazīrī, p. 91 et les formulaires rassemblés par Ibn al-`Aṭṭār (chap. 18, p. 485-526), ainsi que l'analyse de ceux-ci dans Chalmeta Gendrón 1999.
93 Amīn : celui à qui on a confié quelque chose, surveillant, administrateur ; en part. agent de l'administration financière (Lévi-Provençal 1953, « amīn », EI2, par C. Cahen).
94 Da 'wā : plainte, poursuite. Cf. Schacht 1983, p. 157-164 sur la procédure.
95 Faddān : pluriel employé avec la signification de champs (Dozy 1881).
96 Sur le habou familial et privé, cf. Garcia Sanjúan 1998, chap. 7 (les donations privées).
97 Sing. kanīsa : synagogue, église, temple. Sur le signifié de ce terme, cf. Epalza 1997.
98 Ǧizya : en général, impôt de capitation frappant les non-musulmans. Ǧizya et ḫarāǧ ont soit le sens large de tribut global, soit des sens plus étroits mais interchangeables (ḫarāǧ pesant sur la tête et ǧizya sur la terre ou l'inverse : « djizya », EI2, par C. Cahen).
99 Al-bunyān désigne ici les échoppes (ḥawānīt) des marchands
100 Lévi-Provençal 1932, p. 79-81.
101 Lévi-Provençal 1953, p. 116,124-128,143-144,154.
102 Ibid, p. 210, 224, 226, 230, 259, 269, 274, 323, 373, 383, 386, 404, 415, 423, 434, 438, 460-461.
103 Comme le montre la bibliographie rassemblée par M. Méouak en appendice à l'étude du Mi`yār par V. Lagardère (Lagardère 1995, p. 485-494). Voir aussi Vidal Castro 1993/94 et 1995.
104 Ma J. Viguera Molins m'a indiqué que, dans le bilan bibliographique d'al-Waraglī qui distingue les publications scientifiques des publications extra-universitaires, figure dans ce dernier volet une édition des Aḥkām d'Ibn Sahl, parue à Riyāḍ en 1997 et signée al-Muḥāmī ; voir ses références en bibliographie.
105 Daga Portillo 1987, 1991, 1991/92 et 1992 ; Abboud-Haggar, à paraître.
106 M. Fierro, dans sa récente publication consacrée aux fatwā/s relatives aux cimetières en al-Andalus, annonce son intention d'analyser les informations qui figurent dans les Aḥkām d'Ibn Sahl à propos des nécropoles (Fierro 2001, p. 159, note 50).
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