Charles-Guillaume-Marie-Appoline-Antoine Cousin de Montauban, comte de Palikao
Ministre de la Guerre, 10 août 1870-4 septembre 1870
p. 457-464
Texte intégral
Origines, formation et carrière avant 1870
1Né à Paris, paroisse de Saint-Roch, le 24 juin 1796, il était le fils de Jean-Antoine Cousin, officier d’artillerie qui termina sa carrière comme directeur des hôpitaux militaires et mourut le 19 janvier 1819, et d’Hortense-Adélaïde-Appoline Delaunay, elle-même fille du général Charles-René Delaunay. Par jugement du tribunal civil de la Seine du 29 février 1844, il fut autorisé à ajouter à son patronyme le nom de Montauban, anciennement porté dans sa famille.
2Engagé volontaire et admis dans les gardes du corps de Monsieur, le 16 juillet 1814, alors qu’il venait tout juste d’avoir 18 ans, il fut titularisé sous-lieutenant au 3e régiment de cuirassiers le 13 décembre 1815. Il fut ensuite détaché à l’École de cavalerie de Saumur de 1816 à 1818, puis élève à l’École d’application d’état-major le 1er mars 1820. Bien noté, même si le commandant de l’école signalait sa passion pour le jeu qui lui avait valu quelques dettes et le début d’une mauvaise réputation qui le poursuivit longtemps, il changea fréquemment d’affectation au cours des années qui suivirent. En février 1822, il fut nommé lieutenant au 16e régiment de chasseurs de l’Orne, puis au 10e régiment de ligne, en mai suivant. En février 1823, il servit comme officier d’ordonnance du général vicomte Toussaint, à l’armée dite des Pyrénées, lors de la campagne d’Espagne. De janvier 1824 à décembre 1826, il se retrouva successivement, toujours comme lieutenant, à l’état-major de deux régiments d’artillerie, à la 18e division militaire, dans un régiment de chasseurs, puis au 1er régiment des grenadiers à cheval de la garde royale, en décembre 1826. La passion du jeu le dévorait toujours ; il contracta des dettes importantes et dupa plusieurs personnes pour s’y soustraire. Il fut mis en réforme en octobre 1828.
3La monarchie de Juillet lui donna l’occasion de reprendre du service et les campagnes d’Algérie, celle de s’illustrer. Sauf durant quelques interruptions pour maladie, il resta en Afrique pendant 26 ans, jusqu’à la pacification de la Kabylie en 1857, servit dans 26 campagnes et obtint dix citations. Lieutenant aux chasseurs d’Afrique en décembre 1831, il conquit le grade de capitaine adjudant-major le 30 septembre 1832 et reçut la croix de chevalier de la Légion d’honneur le 18 avril 1834, pour son intrépidité au combat de Tamazouat où il eut deux chevaux tués sous lui, puis passa aux spahis d’Oran, en qualité de chef d’escadron, le 4 septembre 1836. Entre-temps, l’officier Janus avait montré une nouvelle fois son autre visage ; la conduite de l’homme privé n’égalait pas la bravoure du militaire et lui valait de nombreuses inimitiés. Suspendu pour indiscipline à la suite, semble-t-il, d’une malveillance, il avait été traduit devant un conseil de guerre avant d’être acquitté à l’unanimité. Il participa en novembre 1840 à la razzia contre les Ouled-Galfas, puis en janvier 1841 au combat de Sidi-Ladhar. Il fut grièvement blessé à Souk-el-Miton, dans la plaine du Chélif, le 6 juillet 1841, au cours d’un affrontement de deux jours où il tua de sa propre main plusieurs ennemis avant de recevoir une balle en pleine poitrine. Il fut promu lieutenant-colonel au 1er régiment de chasseurs d’Afrique le 7 mai 1843. Il se signala encore lors de la razzia contre les Ouled-Ali-ben-Hamel en novembre 1844 qui lui valut la croix d’officier de la Légion d’honneur, le 10 décembre suivant. Colonel du 2e régiment de spahis, le 2 août 1845, il passa au 2e régiment de chasseurs d’Afrique le 8 novembre 1847 et conduisit en cette qualité, le 19 du même mois, sa colonne de seize escadrons sur la frontière du Maroc. Après un mois de recherche, il captura Abd el-Kader. Il reçut la cravate de commandeur de la Légion d’honneur le 23 janvier 1848. Nommé général de brigade par le président de la République, le 24 septembre 1851, il retourna combattre en Algérie. Il fut successivement chargé du commandement des subdivisions de Mostaganem en octobre 1851 et de Tlemcen en mars 1852, puis de la province d’Oran en janvier 1855 et passa général de division le 28 décembre de la même année. Souffrant de complications pulmonaires depuis sa grave blessure de 1841 et ayant contracté une hépatite, il dut demander plusieurs congés au cours des années 1853-1855 et revint même en France en août 1854, pour se faire soigner à l’hôpital militaire de Vichy. En novembre 1855, il dut également demander un congé pour raisons de santé. Revenu définitivement en France en novembre 1857, il commanda successivement les divisions de Limoges en janvier 1858, Tours en mai 1859 et Rouen en juin 1859.
4La chance de sa carrière intervint en 1859. En juin, après avoir accordé aux Français et aux Britanniques, par le traité de Tientsin, la résidence à Pékin, l’ouverture du Yangzi et de nouveaux ports, et la confirmation de la tolérance à l’égard des chrétiens, la Chine montra aussitôt qu’elle n’entendait pas honorer sa signature. Napoléon III décida d’envoyer un corps expéditionnaire de 8 000 hommes dont il confia le commandement à Cousin-Montauban le 13 novembre 1859, qu’il fit grand-officier de la Légion d’honneur le 28 décembre suivant. Le débarquement eut lieu le 1er août 1860 à Peh-Tang et Cousin-Montauban prit, sans coup férir, le camp de Sing-Ho le 12 août et le camp retranché de Ta-Kou le 14. Une semaine plus tard, il se rendit maître des forts situés à l’embouchure du Peï-Ho, où il s’empara de 67 canons de gros calibres et de 500 pièces de moindre importance. Il fit son entrée à Tientsin le 26. Le rapport qu’il rédigea sur ses premières victoires eut les honneurs du Moniteur universel. Alors que les Chinois avaient entamé des négociations pour gagner du temps, puis massacré les plénipotentiaires, Cousin-Montauban reprit les armes et se dirigea vers la capitale, Pékin. Le 18, il remporta le combat de Chang-Kia-Wan puis, le 21, intervint le principal fait d’armes de la campagne : l’enlèvement au pas de course du pont de Pa-li-Kao situé à une douzaine de kilomètres à l’est de Pékin et qui commandait l’accès à la ville. Les Franco-Britanniques combattirent à un contre cinq, mais face à un ennemi qui ne disposait pas de réelle puissance de feu. Ce fut ensuite la prise du palais d’été des empereurs chinois, le 6 octobre puis, au cours des deux jours suivants, le terrible épisode du sac et de l’incendie du palais. En la circonstance, le général permit à chacun de ses soldats d’emporter un « souvenir » et prit lui-même un collier qu’il destinait à l’impératrice. Mais bientôt, la masse de l’armée déborda totalement le général. Hostile à l’incendie du palais voulu par Lord Elgin, le plénipotentiaire anglais, pour venger ses collègues massacrés et marquer l’esprit des Chinois, il ne parvint pas non plus à s’y opposer, mais refusa par écrit de s’y associer. Il n’en fut pas moins ensuite injustement accusé. La prise de Pékin ne fut plus ensuite qu’une formalité.
5Dans un premier temps, les honneurs s’accumulèrent sur le vainqueur, avant même son retour en France en juillet 1861. Napoléon III lui décerna la grand-croix de la Légion d’honneur le 26 décembre 1860, le fit sénateur le 6 mars 1861 et lui décerna la médaille militaire le 26 novembre suivant. Il lui conféra également le titre de comte de Palikao, par décret du 22 janvier 1862, et lui accorda l’hérédité par un nouveau décret du 16 mai 1863 qui fixa définitivement son état civil sous la forme suivante : Cousin de Montauban, comte de Palikao. Cependant, il ne parvint pas à faire voter par le Corps législatif une dotation annuelle de 50 000 francs en sa faveur. L’événement eut un immense retentissement car il s’agissait de l’un des tout premiers actes de résistance parlementaire depuis le coup d’État du 2 décembre 1851. Malgré son mécontentement qui lui fit insérer une note vengeresse au Moniteur : « Les nations dégénérées marchandent seules la reconnaissance publique », l’empereur recula. Le sac du palais d’été empêcha aussi Cousin-Montauban de recevoir le bâton du maréchal qui était le rêve de sa vie. En revanche, il obtint secrètement 589500 francs sur l’indemnité versée par la Chine, fait qui ne fut connu qu’après la chute de l’Empire.
6Après avoir été placé dans la première section du cadre de l’état-major général de l’armée le 26 juin 1861, il fut mis en disponibilité le 24 juillet suivant. Il reprit du service trois ans plus tard. Le 19 septembre 1864, il fut ainsi nommé commandant du 2e corps d’armée à Lille puis, le 22 juin 1865, commandant du 4e corps et de la 8e division militaire à Lyon, en remplacement du maréchal Canrobert. Il participa aussi, à l’hiver 1866, à la commission présidée par l’empereur pour la réorganisation de l’armée, dont les résultats ne furent que partiellement repris dans la loi Niel.
7Au commencement de la guerre contre l’Allemagne, en juillet 1870, il demanda à plusieurs reprises un commandement devant l’ennemi. Cependant Napoléon III et son ministre de la Guerre, Le Bœuf, préférèrent le maintenir à Lyon, jugeant sa présence utile dans une ville qui avait prouvé, dans le passé, son hostilité à l’Empire.
Action au ministère de la Guerre (1870)
8Après les premières grandes défaites de Frœschwiller-Wœrth et de Forbach-Spicheren le 6 août, une importante délégation de députés vint demander deux jours plus tard à l’impératrice régente un nouveau gouvernement dirigé par le général Trochu qui prendrait le ministère de la Guerre, pendant que Palikao recevrait la direction des forces rassemblées sous Paris. Le nom de celui-ci avait été avancé par la gauche car elle croyait le général en semi-disgrâce, puisqu’il n’avait reçu ni le bâton de maréchal, ni le commandement à l’armée du Rhin auxquels il aspirait. Après avoir hésité, l’impératrice expliqua que Trochu s’était rendu impossible par ses exigences, mais retint l’idée de Palikao. Ollivier et le gouvernement parlementaire acceptèrent. Il fut donc télégraphié au général de venir immédiatement à Paris. Le 9 au matin, il fut introduit au Conseil et accepta le poste de gouverneur militaire de Paris. Il fut décidé qu’il partirait rapidement pour Metz de façon à régler les détails de son entrée en fonction avec l’empereur. Comme Ollivier envisageait le retour du souverain, devenu inutile au front, l’impératrice songeait sans doute déjà, à ce moment-là, à remplacer son gouvernement par un autre au sein duquel Palikao prendrait le portefeuille de la Guerre et laissa cependant au Corps législatif le soin de renverser le cabinet. Ce fut chose faite dans l’après-midi et Palikao fut aussitôt chargé par Eugénie de composer un nouveau gouvernement. Son nom fut accueilli par des applaudissements à droite et au centre et par des murmures à gauche. Napoléon III n’avait eu aucune part aux événements ; cette journée marqua d’ailleurs son dessaisissement des affaires. Éloigné de Paris, il n’avait plus prise sur une histoire qui s’était brutalement accélérée et sur des faits qu’il désapprouvait.
9Contrairement à Ollivier, Palikao ne bénéficia pas seulement d’une prééminence de fait sur ses collègues, mais était un chef de gouvernement à part entière et d’aucuns y virent un nouveau pas vers le parlementarisme. Dès le soir, il s’efforça de composer son équipe. Il chercha prioritairement des conservateurs-libéraux de la majorité, seul moyen à ses yeux de sauver le pays, mais il ne parvint pas à réunir de grandes personnalités du courant majoritaire. Le nouveau gouvernement fut donc beaucoup plus à droite que le précédent et même que le centre de gravité du Corps législatif. Lorsque Palikao se présenta devant les députés le lendemain, il ne fit pas de déclaration de politique générale, tint à prévenir tout tumulte en invoquant le fait qu’une balle lui avait traversé la poitrine 25 ans plus tôt et s’y trouvait encore, contradiction que personne ne releva, et se contenta de lire la liste de ses collègues. Lors de ses premiers jours, le gouvernement bénéficia d’un bref répit de la part de la rue, des chambres et de la presse. Il faut dire que les députés qui étaient sceptiques à son égard n’eurent d’abord pas à se plaindre de lui. Il donna satisfaction à la gauche qui avait demandé que le major général Le Bœuf fût remplacé par le « glorieux Bazaine », qu’elle croyait bien à tort victime, lui aussi, d’une disgrâce. Selon Palikao, Le Bœuf avait reçu le bâton de maréchal qui lui revenait et s’était opposé à sa nomination à l’armée du Rhin ; il n’eut donc aucun scrupule à le sacrifier. Avec l’impératrice, il obtint aussi que l’empereur restât aux armées. Parallèlement, il fit preuve d’une grande énergie. Il se préoccupa personnellement de la constitution de nouveaux corps d’armée et, avec ses collègues du financement de la guerre, de l’organisation et de l’équipement des mobiles et des mobilisés, de la préparation et de l’armement des fortifications de la capitale, de son approvisionnement avec l’emmagasinement des blés et la création d’un immense parc à bestiaux dans le bois de Boulogne, pour soutenir un siège de la capitale qui devenait probable. Après la loi du 10 août, qui rappelait sous les drapeaux d’anciens soldats de 25 à 35 ans non mariés ou veufs sans enfants, qui appelait la totalité du contingent de 1870, qui autorisait les anciens militaires de moins de 45 ans à contracter des engagements volontaires pendant la durée de la guerre et qui secourait les familles nécessiteuses des soldats, d’autres permirent de porter l’emprunt de guerre à un milliard, de suspendre les paiements en espèces par la banque, d’établir le cours légal et forcé des billets, en diffusant des petites coupures pour ne pas entraver les transactions ordinaires, de proroger d’un mois l’échéance des effets de commerce ou encore d’incorporer dans la mobile les exonérés des classes 1865 et 1866. Deux mesures destinées à séduire la gauche qui en avait fait la demande dépassaient les dispositions antérieures : l’acceptation de tous les engagements volontaires sans limite d’âge, sauf cas d’infirmité ou de maladie, et le rétablissement de la garde nationale sédentaire dans tous les départements, avec l’élection de ses officiers parmi les anciens militaires, mais une distribution des armes qui demeurait prudemment sélective.
10Palikao ne tint aucun compte du conseil que lui avait donné Ollivier lors de la passation des pouvoirs d’ajourner les chambres sitôt les mesures indispensables votées. L’espoir de l’union nationale et le désir de se rendre populaire amenèrent le cabinet à se qualifier de gouvernement de Défense nationale et à bannir toute référence à Napoléon III, avec la bénédiction de l’impératrice. Une part des critiques venait du manque de nouvelles dont souffrait le pays. À la pénurie d’informations et aux difficultés pour les transmettre, qui étaient réelles, s’ajoutait la communication sélective de Palikao. Celui-ci parlait transparence, mais taisait les quelques scènes d’insubordination et les cris hostiles à la guerre et au régime qui se faisaient entendre à travers le pays, tout en accordant une grande publicité aux scènes de surexcitation patriotique, aux demandes d’engagements volontaires et de constitution de corps de francs-tireurs. Il ne put cacher en revanche la tentative faite, le 14 août, par 200 à 300 blanquistes pour prendre d’assaut la caserne des pompiers du boulevard de La Villette, à Paris.
11Palikao voulut conduire lui-même les opérations depuis Paris. Sa grande idée, inspirée rien moins que de l’audacieuse manœuvre de Napoléon lors de la campagne de France de 1814, mais condamnée par la suite par l’immense majorité des historiens militaires au vu de la situation, était que l’armée de Mac-Mahon, pourtant peu aguerrie, déjà vaincue, démoralisée et repliée au camp de Châlons, laissât libre la route de la capitale au Kronprinz, rejoignît rapidement celle de Bazaine et contre-attaquât massivement avec elle en écrasant les autres armées allemandes, puis en prenant à revers celle du Kronprinz. Les considérations politiques l’emportaient sur la stratégie. Ni l’impératrice, ni le ministre de la Guerre ne voulaient d’un retour de Napoléon III et de Mac-Mahon à Paris car ils pensaient à l’effet déplorable d’une telle reculade sur la population. La gauche préférait aussi que Mac-Mahon secourût Bazaine plutôt qu’il ne vînt protéger la capitale et, le cas échéant, ne se retournât contre les Parisiens. De fait, sans secours, le nouveau commandant en chef était quasiment perdu, tant il se mit lui-même dans une situation périlleuse en se laissant enfermer dans Metz. Palikao qui avait assuré aux députés, pendant plusieurs jours, que les nouvelles étaient bonnes, en se retranchant dans un silence pseudo-stratégique pour ne pas en dire plus, ou en évoquant la possible destruction des cuirassés blancs de Bismarck, démentit l’encerclement dont parlait déjà la presse étrangère, en affirmant, contre toute logique, que Bazaine avait repoussé les Prussiens dans les carrières de Jaumont. Il demanda à Napoléon III et à Mac-Mahon de se porter au secours de Bazaine, en leur laissant entendre que s’ils se repliaient sur Paris comme ils le souhaitaient, la révolution serait inévitable.
12Parallèlement, un grave conflit de compétences l’opposa au général Trochu, nouveau gouverneur militaire de la capitale qui, pour se rendre populaire, n’hésitait pas à communiquer directement avec l’opinion. Lors d’une séance du Conseil, ils menacèrent tous deux de démissionner si l’autre restait en place et il fallut les supplications de l’impératrice et des autres ministres pour les calmer et pour que Trochu promît de respecter l’autorité de Palikao. Après avoir appris, le 2 au soir, le probable désastre de Sedan, Palikao en informa à demi-mot le Corps législatif le lendemain après-midi, en précisant bien qu’il n’était pas encore certain. Alors qu’il en appelait aux « forces vives de la nation », Favre lui répliqua que le gouvernement qui avait conduit la France là où elle était, devait s’effacer devant un général populaire dont il n’échappa à personne qu’il s’agissait de Trochu. Doublement piqué au vif, le ministre de la Guerre donna au député républicain une leçon de parlementarisme en lui demandant si s’en remettre à un hypothétique sauveur et vouloir remplacer le régime constitutionnel par celui de l’arbitraire était une attitude responsable. La confirmation du fait que l’armée avait capitulé et que l’empereur était prisonnier tomba en soirée. Devant un Corps législatif convoqué d’urgence au milieu de la nuit par son président, Schneider, sans l’agrément du gouvernement, Palikao ne put faire autrement que d’avouer la catastrophe. La séance fut ajournée au lendemain. Une réunion de quelques députés de la majorité lui proposa une dictature de salut public qu’il refusa.
13Le conseil des ministres du dimanche 4 septembre au matin retint le principe d’un conseil de régence de cinq membres élus par la Chambre, sous le contreseing duquel seraient nommés les ministres, avec Palikao pour lieutenant général. La proposition serait soumise l’après-midi au Corps législatif en même temps que celle de déchéance souhaitée par la gauche et celle de Thiers, intermédiaire entre les deux autres, et qui semblait devoir rallier le maximum de suffrages : la remise des pleins pouvoirs au Corps législatif dans l’attente d’une élection d’une Constituante. Le Corps législatif n’eut pas le temps de se prononcer. Mal défendu, le Palais-Bourbon fut envahi et les députés républicains partirent proclamer la République à l’Hôtel de ville. Vers 17 heures, Palikao remit sans résistance les clés de son ministère à Trochu que les républicains avaient placé à la tête de leur gouvernement.
Carrière postérieure, fortune et vie privée
14La carrière de Palikao se termina avec la chute de l’Empire et il faillit subir un sort funeste. Il se réfugia en Belgique à Namur, cherchant à obtenir des renseignements sur la mort supposée de son fils qui fut démentie quelques jours plus tard. Le 20 septembre, il écrivit au gouvernement républicain pour lui offrir ses services, mais on ne lui répondit pas. Il renouvela sa demande le 8 octobre sans avoir plus de succès. Au moment de l’armistice, il se rendit à Bordeaux et se mit de nouveau au service de l’exécutif, qui le repoussa encore. Dès lors, il vécut dans une retraite qui ne fut guère interrompue que par son témoignage devant la commission d’enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale, le 20 juillet 1871, et par la rédaction d’un ouvrage pour justifier sa conduite au pouvoir, Un ministère de la Guerre de vingt-quatre jours, qui sortit chez Plon en fin d’année. Il y répondait aux attaques de Trochu et de Wimpffen, défendant son activité en chargeant ses prédécesseurs qu’il accusait bien injustement de ne rien avoir fait. Il y soutenait aussi la justesse de son plan militaire, ainsi que sa conduite au 4 septembre. Par ailleurs, il avait rédigé ses souvenirs sur l’expédition de Chine que son petit-fils publia en 1932. Il décéda le 8 janvier 1878, à Paris, en son domicile du 75 rue du Faubourg Saint-Honoré, dans le 8e arrondissement.
15Palikao avait reçu trois décorations étrangères. Il était commandeur de l’ordre du Bain de la reine d’Angleterre et grand-croix de l’ordre pontifical de Pie IX du 4 novembre 1861, à la suite de l’expédition de Chine, et grand-croix de l’ordre de l’Épée de Suède du 28 novembre 1868.
16Le 26 janvier 1822, il avait épousé Marie-Élisabeth-Victorine Thurot, née à Chambourcy (Seine-et-Oise) le 16 septembre 1802 et fille d’un propriétaire de l’endroit, Pierre-Édouard Thurot, et de son épouse Marie-Barbe Forgeron. Il ne s’agissait là que de la régularisation d’une liaison antérieure. Le couple avait vécu à Meudon (Seine-et-Oise) pendant plusieurs mois et avait eu, le 28 août précédent, une fille, Élisabeth-Claire-Thérèse, reconnue onze jours avant le mariage. Il eut par la suite une autre fille qui épousa Robert Ruinart, baron de Brimont, officier d’infanterie et chevalier de la Légion d’honneur et un fils, Charles, né à Bellevue (Seine-et-Oise) le 9 mars 1830, qui combattit en Algérie, fut officier d’ordonnance de Pélissier pendant la campagne de Crimée, puis de son père lors de l’expédition de Chine. Ce fils devint colonel du 1er régiment de marche des lanciers et fut fait prisonnier à Sedan, le 2 septembre 1870. Il termina sa carrière en 1879 comme général de brigade et commandeur de la Légion d’honneur, puis mourut en Allemagne en juillet 1889. Créé vicomte en février 1867, il recueillit le titre de comte de Palikao à la mort de son père. Marié en premières noces à une Anglaise, Jane Wright Butterfield, il épousa en secondes noces, en 1882, Catherine Théry de Gricourt, fille d’un ancien collègue de son père au Sénat impérial.
Bibliographie
Sources et bibliographie
Sources manuscrites
Service historique de la Défense
Archives collectives et individuelles (série Y)
SHD/GR, 7 Yd 1340 : dossier de Charles Cousin-Montauban.
Sources imprimées
Dréolle Ernest, La journée du 4 septembre au Corps législatif […], souvenirs politiques, Paris, Amyot, 1871, 139 p.
Hérisson Maurice d’Irisson d’ (comte), Journal d’un interprète en Chine, Paris, Ollendorff, 1886-1901, 442 p.
Journal officiel de l’Empire français, 1870.
Pallu de La Barrière Léopold-Constantin (lieutenant de vaisseau), Relation de l’expédition de Chine en 1860, Paris, Imprimerie impériale, 1863, 235 p.
Écrits de Charles Cousin-Montauban :
Expédition de Chine : grandes victoires remportées sur les Chinois par les armées anglo-françaises, les 14 et 20 août 1860, Sainte-Menehould, Duval, 1860, 12 p.
Un ministère de la Guerre de vingt-quatre jours, du 10 août 1870 au 4 septembre 1870, Paris, Plon, 1871, 197 p.
L’expédition de Chine en 1860. Souvenirs du général Cousin de Montauban, comte de Palikao, Paris, Plon, 1932, 451 p.
Bibliographie
Anceau Éric, Napoléon III, un Saint-Simon à cheval, Paris, Tallandier, 2008, 750 p.
Audoin-Rouzeau Stéphane, 1870 : la France dans la guerre, Paris, A. Colin, 1989, 420 p.
Bitard Adolphe, Dictionnaire général de biographie contemporaine, Paris, A. Lévy, 1878, 525 p.
Brizay Bernard, Sac du palais d’été. Troisième guerre de l’Opium, Monaco, Éditions du Rocher, 2003, 577 p.
Girard Louis, Napoléon III, Paris, Fayard, 1986 (Hachette Littératures, 2002), 550 p.
Peltier Marie, Le général Jacques-René Delaunay et le général Charles Cousin de Montauban, comte de Palikao, Paris, l’auteur, 2015, 134 p.
Robert Adolphe et Cougny Gaston, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Bourloton, 1890, t. II, 640 p.
Roman d’Amat Jean-Charles (dir.), Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzey et Ané, t. 9, 1961, 1528 p.
Tulard Jean (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995, 1347 p.
Yvert Benoît (dir.), Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989, Paris, Perrin, 1990, 1028 p.
Auteur
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