Introduction à la troisième partie
p. 195-196
Texte intégral
1Il est clair que sur le temps long observé dans cette partie, de la fondation de la Sorbonne au développement des universités au cours du second xxe siècle, la dissémination des établissements universitaires recouvre des réalités bien différentes. Pour Robert de Sorbon, il s’agit d’abord de matérialiser l’universitas, cet ensemble de maîtres et d’élèves qui forment une fédération de scholae, et en acquérant des maisons, de se conformer aux pratiques canoniales qui n’identifient pas la domus à la congregatio et admettent la dispersion dans la ville ; pour les universités lisboéte et madrilène de confirmer leurs positions de capitales – l’installation de la première université à Madrid, la Complutense ne date que de 1836 – et de suivre le développement des métropoles dans lesquelles elles s’insèrent. Pour autant, il s’agit bien d’évaluer, à travers cette dispersion, les divers aspects de la territorialisation du savoir ainsi que les modes d’élaboration et de hiérarchisation à l’œuvre. Autrement dit de revenir sur la « série de séquences contrastées » (André Lespagnol, Matthieu Leprince) voire quelque peu contradictoires qui ont présidé aux choix des implantations universitaires.
2Les « quartiers Latins » regroupant les institutions universitaires en centre-ville sont autant issus de situations héritées comme à Rennes depuis la reconnaissance en 1896 du « pôle universitaire de plein exercice rayonnant sur la Bretagne et l’Ouest armoricain » que d’élaborations en urgence. À Amiens, tout part de la destruction en 1940 de l’Hôtel-Dieu et de l’école de médecine qu’il abritait. Les difficultés de liaison avec Lille, en zone interdite, font le reste et poussent au rétablissement de l’école de médecine et à la création de l’école de droit. L’urgence conduit alors les établissements à occuper des bâtiments historiques, à peine réaménagés à cette occasion, palais épiscopal, ancien lycée en ville, etc. Cette situation perdure cependant jusqu’aux années 1960 alors même que les situations transitoires de constructions nouvelles, de réaffectations de bâtiments ou d’extensions ne suffisent pas à faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants et à la nécessité de développer les sites affectés à la recherche. Michel Casta et Bruno Poucet y voient les prémices de la constitution de « l’archipel amiénois ».
3 La reconfiguration des implantations universitaires n’intervient réellement qu’à partir de la prise de conscience du changement d’échelle que représentent les grands projets d’aménagement de la Ve République. La résistance à Rennes de certaines facultés qui s’accommodent d’aménagements ponctuels en centre-ville, compromet « l’utopie initiale d’un campus unique » situé en périphérie de la ville. Dès 1959, cependant, le schéma général de développement de l’université en deux nouveaux campus en périphérie de la ville – à l’est Beaulieu, au nord-ouest Pontchaillou-Villejean – s’intègre au plan d’urbanisme de la ville étendue et ne sera acquis véritablement qu’à partir de 1961. L’ensemble des bâtiments et des équipements universitaires sont néanmoins achevés à la veille de 1968… La disposition multi-sites s’appuie donc sur la combinaison d’une forte présence en centre-ville et deux campus en périphérie. Plus largement, la recomposition universitaire accompagne le développement régional. Le campus au sud de la ville d’Amiens entre ainsi dans le cadre du Ve plan qui prévoit le développement des villes de la Grande couronne. En région Nord-Pas-de-Calais, le développement de l’enseignement supérieur est l’un des leviers de la politique de reconversion régionale au-delà même de la métropole lilloise, rattrapant ainsi le « retard historique en matière universitaire » et donnant toutes leurs places aux villes moyennes.
4La troisième séquence intervient plus récemment depuis la fin des années 1990 avec la reprise de la démographie estudiantine, les deux plans Université 2000 et U3M et l’implication croissante des collectivités territoriales. La centralité retrouvée, facilitée par l’aide des municipalités, n’apparaît pas en contradiction avec la dissémination réelle des établissements d’une même université. Une génération d’étudiants amiénois a été, pour les deux auteurs, « reléguée hors de la ville » dans un campus inachevé, « au milieu des champs ». Le changement, vingt ans plus tard, tient à la réimplantation en ville de composantes de l’université, à commencer par le droit et les sciences économiques, au pied de la cathédrale. L’éclatement du campus aux « quatre coins de la ville » entre ainsi en résonance avec la politique de revitalisation des friches industrielles et de réhabilitation de quartiers dégradés. À l’université Paris 12-Val-de-Marne, devenue UPEC, le soutien de la municipalité a permis le développement de part et d’autre de la ligne de métro d’un « campus en ville » qui s’accommode fort bien de sa réputation « d’université multi-sites »… jusqu’en Seine-et-Marne sud.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008