Une université modèle au cœur de la ville nouvelle ?
La Kaiser Wilhems Universität
p. 65-82
Texte intégral
1Tant pour l’histoire urbaine qu’universitaire, la guerre franco-prussienne constitue une rupture pour la ville de Strasbourg. La création du Reichsland Elsass-Lothringen en 1871 confère à la ville le statut de capitale en même temps qu’elle conduit à l’émigration de l’université française de Strasbourg. Ce nouveau contexte incite la chancellerie impériale à approuver, dès l’année suivante, le projet d’extension de la ville et l’inauguration de la Kaiser Wilhelms Universität conçue comme une université modèle. La concomitance de ces deux projets, les moyens financiers et humains exceptionnels qui y sont alloués concourent à leur rapprochement1. Enjeu politique et urbanistique fort, la mise en place de l’université de Strasbourg se fait également à partir d’un projet intellectuel et pédagogique qui témoigne de l’évolution de la pratique scientifique comme de celle du système d’enseignement supérieur allemand en cette fin du xixe siècle. C’est ce projet qui prime dans l’élaboration du campus et permet de bâtir un établissement à la mesure de ses ambitions, dans une architecture véritablement mise au service de la science.
2En présentant le contexte et les choix qui ont prévalu à la conception et la construction de l’université impériale de Strasbourg, seront mis en exergue le caractère exceptionnel de cette fondation mais également les jeux d’interrelations qui l’unissent à l’extension urbaine dans laquelle elle s’insère. Sa mise en perspective avec d’autres projets français et allemands permettra également de l’inscrire plus largement dans l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme universitaire des xixe et xxe siècles.
Ville et université, deux projets concomitants
3Saisir l’étroitesse des liens qui unirent l’université et le projet urbain strasbourgeois durant les dernières décennies du xixe siècle implique de prendre la mesure de la rupture que constitue la conception puis la mise en œuvre de la Neustadt de Strasbourg, extension urbaine qui triple la superficie de la ville. En effet, en tant que place forte, Strasbourg n’a guère vu son espace intra muros s’étendre depuis le xviie siècle. La présence du glacis et les servitudes non aediffcandi qui y sont liées marquent une rupture forte entre l’espace de la ville ceinte et des faubourgs qui se sont fortement développés au cours du xixe siècle2.
4Si plusieurs projets ont été esquissés dans le courant du premier xixe siècle afin de résoudre cette situation perçue comme une contrainte majeure au développement de la ville, aucun ne peut se concrétiser avant 1870 en raison tantôt de l’opposition du conseil municipal, tantôt de celle de l’armée3.
5Le conflit franco-prussien et le traité de Francfort par lequel la France cède l’Alsace et une partie des territoires lorrains à l’Allemagne remettent en question cette situation. En effet, dès le mois de mai 1871, à la suite d’une visite à Strasbourg du général en chef von Moltke, la question de l’extension de la ville est à nouveau mise à l’étude. Dans le nouveau contexte politique, celle-ci répond à plusieurs attentes d’ordre tant symbolique que stratégique. Il s’agit en effet de faire de Strasbourg une grande ville moderne, ce qu’exige son nouveau statut de capitale régionale. S’y ajoute la volonté de faire oublier les importants dégâts et le traumatisme causés par le siège lors de l’été 1870, mais aussi de germaniser la ville en mettant en œuvre une politique incitative d’immigration d’Allemands de souche. La modernisation du système défensif de la ville, enfin, qui fait porter le principal rôle défensif de la place sur un système de forts détachés et non plus sur l’enceinte urbaine, rend possible le déplacement de celle-ci. En 1872, le principe d’une extension de la ville est donc acquis4. Celle-ci se fait en grande partie sur les anciens terrains militaires cédés par l’empire à la ville en 1875 pour un montant de 17 millions de marks. Si cette vente grève fortement les finances municipales, elle fait également de la ville le principal propriétaire foncier de l’extension5.
6Parallèlement à la genèse de progression urbaine, un autre projet, relatif à l’université, fondée en 1621, s’esquisse. Dans ce domaine aussi, la guerre de 1870-1871 change la donne. En effet, à la suite du traité de Francfort et après qu’ait été écarté le mince espoir de voir la création d’une université franco-allemande, l’université de Strasbourg s’installe à Nancy6. Le départ de l’université française, qui laisse ainsi la place libre pour la fondation d’une nouvelle institution, répond par ailleurs aux aspirations d’une partie de l’opinion politique allemande, ce dont témoignent les propos d’un parlementaire de la chambre de Prusse en 1871 :
« Ce qu’il importe surtout à l’Allemagne c’est de faire savoir au monde que ses succès ne tiennent pas seulement à sa supériorité militaire, mais qu’elle le doit surtout au rang prééminent qu’elle occupe dans le domaine de la science. Il ne faut reculer devant aucune dépense pour faire pénétrer cette vérité dans le sentiment public, et l’exemple de l’université de Bonn [fondée en 1818 après le rattachement des provinces de Rhénanie à la Prusse en 1815] pourra tracer la marche qu’il conviendra de suivre pour celle de Strasbourg7. »
7Le baron von Roggenbach, ancien ministre chargé des cultes dans le Grand Duché de Bade, est chargé de la fondation de la nouvelle université. Bénéficiant de moyens conséquents pour cette fondation dont la portée politique et symbolique est évidente, Roggenbach ambitionne de faire de Strasbourg l’une des universités de pointe à l’échelle de l’Empire, voire de l’Europe8. À cette fin, il s’attache à attirer dans la nouvelle capitale les personnalités les plus prometteuses dans les diverses disciplines enseignées à Strasbourg.
8En mai 1872, l’université, qui prend rapidement le nom de Kaiser Wilhelms Universität, est inaugurée. Elle s’installe dans les locaux laissés vacants par l’université française, répartis dans plusieurs édifices : l’ancien palais des cardinaux de Rohan, à proximité de la cathédrale, qui accueille l’administration et les lieux de représentation de l’université, la bibliothèque et la faculté de philosophie, l’hôtel de l’académie, dans le quartier de la Krutenau, où sont installés les sciences de la nature et le droit, la fondation Saint-Thomas, qui abrite la faculté de théologie protestante et, la faculté de médecine, construite en 1864 près de l’hôpital9. Cependant, il apparaît rapidement que cette situation n’est pas à la hauteur des ambitions de la nouvelle institution et, dès 1872, Roggenbach prend la décision de faire construire un nouvel ensemble10.
Le projet architectural, la Neustadt comme opportunité pour l’université
9Héritière d’une pensée qui remontait au début du siècle et qui prônait le rapprochement des différentes disciplines universitaires11, la nouvelle institution se conçoit comme un ensemble cohérent et unitaire dont le projet scientifique et pédagogique devait trouver sa traduction dans le projet architectural. Ainsi, si le mépris affiché par les universitaires allemands vis-à-vis des établissements strasbourgeois qu’ils jugent impropres à leur usage en raison de leur aménagement et de leur éparpillement témoigne d’une certaine francophobie12, il traduit également les aspirations de la nouvelle communauté universitaire et l’ambition d’inscrire le projet strasbourgeois dans une dynamique amorcée dès le début du xixe siècle, par les universités de Halle, Göttingen puis Berlin.
10Pour des raisons pratiques évidentes, la faculté de médecine souhaite pouvoir s’implanter à proximité de l’hôpital, situé en bordure sud-ouest de l’espace intra-muros ; or ce projet se heurte à l’opposition farouche de l’armée qui ne veut pas que la ville, dont le tracé d’extension se dessine alors, s’étende dans cette direction. De plus, l’installation de l’université dans ce secteur et sans repousser l’enceinte, ne peut se faire sans procéder à l’expropriation des propriétaires des terrains voisins, ce qui rend le projet beaucoup trop onéreux.
11Un bras de fer s’engage alors entre l’université et l’armée qui aboutit, en 1874, à la décision de la chancellerie impériale de faire construire l’institut d’anatomie, à proximité de l’hôpital, dans un ancien bastion de l’enceinte. Ce choix entérine de fait la partition de l’université. Désormais, il apparaît évident que la faculté de médecine s’installera à proximité de l’hôpital, dans la vieille ville, tandis que les autres instituts universitaires s’érigeront ailleurs. Pour ceux-ci, l’extension urbaine offre des possibilités particulièrement intéressantes.
12Otto Back, maire de Strasbourg qui mène alors les négociations avec l’empire concernant le rachat des anciens terrains militaires, propose de céder une partie de ceux-ci au profit de l’université. Un tel arrangement présente pour la ville le double intérêt d’espérer pouvoir réduire le coût de rachat des terrains tout en installant au cœur des nouveaux quartiers une institution capable de rayonner et de jouer un rôle attractif pour le développement de l’extension13.
13Deux sites sont proposés. Le premier, à l’ouest de la « porte des Juifs » est situé à proximité immédiate de la place Broglie, cœur administratif de la cité. Le second, « à l’est de la porte des Pêcheurs » est sensiblement plus éloigné, mais plus proche de l’hôpital et de certains locaux de l’université. Le choix semble s’être fondé sur les arguments avancés par Hermann Eggert, jeune architecte berlinois fraîchement chargé de la conception du chantier14. Pour lui, le site de la porte des Pêcheurs, bien que plus éloigné du cœur de la ville, offre l’avantage d’être moins onéreux et de présenter une configuration plus adaptée à l’accueil du futur ensemble universitaire, dont la superficie nécessaire était estimée à un peu plus de 13 ha15.
14La surface du terrain, son insertion dans le glacis, l’absence de toute contrainte bâtie, offrent une grande liberté dans l’aménagement du site16. Eggert propose en 1877 un plan général conçu comme un espace de jardins au sein duquel s’élèvent les instituts universitaires, dominés par un bâtiment collégial (Allgemeines Collegien Gebaüde) destiné à accueillir les espaces d’administration et de représentation de l’université ainsi que les facultés qui ne nécessitent pas d’aménagements spécifiques tels que les mathématiques, la théologie, la philosophie ou le droit. Les façades principales de tous les bâtiments ouvrent sur les jardins, parti qui conforte l’idée de l’université comme un ensemble cohérent et autonome tournant le dos au nouveau quartier au sein duquel elle s’élève et dont elle constitue le premier ensemble monumental (voir fig. 3 du cahier couleur).
15Bien que l’importance accordée aux jardins procédait, pour partie au moins, de la volonté de préserver les instituts des nuisances de la ville17, le parti d’une université conçue comme un ensemble pavillonnaire dans un cadre paysager inscrit la Kaiser Wilhelms Universität dans la lignée des expériences menées pour les campus américains dans le courant du xixe siècle18. Sans doute cette influence s’est-elle exercée par l’intermédiaire d’autres réalisations européennes telle que l’université de Tübingen. Engagé en 1837, le déménagement de celle-ci depuis des bâtiments épars au cœur de la ville vers un site unitaire apparaît comme le précédent le plus proche du projet strasbourgeois19. Néanmoins, à la différence de son aînée, l’université de Strasbourg est construite dans un délai plus court et d’après un plan général préétabli qui ne souffre que de modifications relativement limitées.
16En effet, le projet, accueilli favorablement, est validé en 1877. Une modification majeure est néanmoins apportée au bâtiment collégial. En effet, la proposition d’Eggert pour ce bâtiment n’a pas été jugée convaincante et il est décidé de lancer un concours en 1878. Parmi les 101 projets proposés, celui d’un jeune architecte de Karlsruhe, Otto Warth, remporte l’adhésion du jury. Outre les différences stylistiques observables entre le projet d’Eggert et celui de Warth, le second projet se distingue du premier par son orientation. Alors qu’Eggert prévoit que le bâtiment collégial soit tourné vers l’est, vers les jardins de l’université, Warth propose de le retourner vers l’ouest en direction de la vieille ville et d’une future place monumentale dont l’orientation vient alors d’être décidée. Désormais et comme il est encore possible de l’apprécier aujourd’hui, le bâtiment collégial ouvre l’université vers l’extérieur rompant avec l’unité initiale du projet20 au profit d’une intégration plus marquée de l’institution dans l’espace urbain et, en premier lieu, dans la nouvelle ville.
L’université, élément structurant de la Neustadt
17En dépit de la rupture qu’elle instaure avec le projet originel, la proposition de Warth prolonge d’une certaine manière la démarche d’Eggert. En effet, lors du choix de l’emplacement de l’université en 1876, Eggert avait insisté sur l’éloignement du site de la porte des Pêcheurs21. Pour pallier cette difficulté, il avait proposé de concevoir une promenade urbaine courant depuis l’université en direction de la vieille ville à l’ouest. L’axe de cette promenade, dont le tracé prolonge celui des jardins de l’université, voit son orientation fixée perpendiculairement à l’axe formé par une voie de l’esplanade militaire qu’Eggert propose de prolonger vers le nord, au-delà de l’université, et sur laquelle il place l’observatoire astronomique de l’université. Ainsi le site universitaire se voit-il littéralement ancré au sein de la ville (voir ill. 1).
18La proposition de Warth, qui constitue une étape supplémentaire dans l’inscription du site dans l’espace urbain s’explique par l’avancée de la réflexion sur l’extension de la ville, la Neustadt, dont le projet est mené concomitamment à celui de l’université. Durant les deux ans qui séparent la proposition d’Eggert (1876) et le projet de Warth (1878), s’est esquissé le projet d’une place monumentale érigée au débouché de la promenade envisagée par Eggert, à proximité de la place Broglie et appelée à devenir le cœur de la ville nouvelle. Son orientation face à la place aménagée au devant de l’université, est arrêtée quelques jours à peine avant la clôture du concours pour le bâtiment collégial fixée au 1er octobre 1878. À cette date, le choix de l’édifice qui fera face au bâtiment collégial n’était pas encore arrêté mais tout porte à penser qu’il était réservé pour un bâtiment important. Cette donnée a sans doute été un facteur déterminant pour le jury dans le choix du projet du bâtiment collégial22. On assiste donc à un jeu d’interactions particulièrement fécond entre l’université et la Neustadt, chaque projet participant de la maturation de l’autre.
19En tant qu’architecte chargé de la conception de l’université, Hermann Eggert participe aux discussions relatives au plan d’extension de la ville en septembre 187823. Au cours de celles-ci, l’architecte, soucieux de préserver la quiétude des abords de l’université, propose d’appliquer certaines servitudes sur les bâtiments environnants. Il s’agit d’y bannir toute activité susceptible de produire des nuisances et d’imposer un retrait d’alignement de 4 m. afin d’aménager des jardins de devant (Vorgarten) en bordure des immeubles24. Le maire, Otto Back, séduit par cette proposition tente de les appliquer en partie dans d’autres secteurs de la Neustadt lors de l’élaboration d’une loi tendant à contrôler la production du bâti dans la nouvelle ville25. Toutefois, il se heurta à l’opposition farouche des instances décisionnaires elles-mêmes échaudées par les réactions locales qui voyaient dans ces dispositions de graves atteintes au droit de la propriété26. Ainsi, les préceptes édictés par Eggert ne sont pas intégrés dans la loi de 1879. Néanmoins, ils trouvent à s’appliquer par d’autres voies. En effet, la ville, principale propriétaire foncier de l’extension depuis le rachat de 1875, tire parti de cette situation pour imposer les servitudes proposées par Eggert lors de la revente des terrains. L’ensemble des actes de vente des terrains des abords de l’université mentionne explicitement ces servitudes27. De surcroît, cette disposition est également appliquée dans d’autres secteurs majeurs de la Neustadt, où la Ville est également propriétaire des terrains, et tout particulièrement aux abords de la place monumentale, qui prendra le nom de place Impériale (Kaiserplatz, aujourd’hui place de la République) et le long de la promenade urbaine pensée par Eggert, aujourd’hui avenue de la Liberté28. Ainsi, l’impact du projet d’Eggert s’étend bien au-delà de l’université pour participer de l’élaboration du projet urbain dans son ensemble.
Ill. 1. – Plan général de l’université et de ses abords, Hermann Eggert, 1876 Archives départementales du Bas-Rhin, 537D133.

La mise en place d’une université moderne au service d’un projet intellectuel et pédagogique
20Objet d’enjeux à la fois politiques et urbanistiques, l’établissement de l’université de Strasbourg est également le reflet de l’évolution majeure de la pratique scientifique comme de celle du système d’enseignement supérieur allemand en cette fin du xixe siècle, tant dans ses pratiques que sa gouvernance, aboutissant à un modèle qui va se développer dans toute l’Europe.
21Comme dans les autres universités européennes, les cours de la Kaiser Wilhelms Universität sont prévus pour s’ouvrir aux sciences dites expérimentales qui s’établissent progressivement dans la seconde moitié du xixe siècle29. La métrologie se développe également : les scientifiques concentrent leurs travaux sur la détermination des constantes de la nature, ce qui favorise le progrès de l’instrumentation de mesure de précision et des sciences appliquées en général. Cet essor va de pair avec le développement, à la même époque, de nouvelles industries liées à la science et aux technologies de pointe, telles l’optique, la mécanique de précision ou l’industrie métallurgique. Autre phénomène nouveau, les chercheurs échangent les données issues des observations rendues possibles par ces nouveaux appareils, constituant ainsi, au gré de colloques, conférences et congrès, des véritables communautés internationales. La mise au point de la télégraphie sans fil à l’orée du xxe siècle va permettre de renforcer cette mise en réseau de l’information scientifique. Ainsi, au cours du dernier quart du xixe siècle, les universités s’équipent progressivement de laboratoires et d’instruments, aussi bien en sciences physiques que pour les sciences de la nature et de l’ingénierie30.
22Les principes établis pour le projet universitaire s’appuient par ailleurs sur le nouveau système d’enseignement supérieur qui se développe en Allemagne, notamment pendant la seconde moitié du xixe siècle : celui de l’université de recherche, au sens moderne du terme31. L’objectif est de concevoir des espaces permettant de mêler étroitement les activités d’enseignement et de recherche, à travers la collaboration entre étudiants et professeurs32. Cette nouvelle approche marque une rupture avec le modèle académique français des facultés et des grandes écoles, centré notamment sur les cours magistraux. Afin de favoriser les passerelles entre celles-ci et permettre l’émergence de relations interdisciplinaires, il s’agit également de rassembler en un même site l’ensemble des disciplines, un tel dispositif encourageant, durant la seconde moitié du xixe siècle, l’essor de sujets de recherche interdisciplinaires tels l’astrophysique, la géophysique ou la biophysique33.
23Fait nouveau à Strasbourg, la traduction dans la pierre de ces préceptes novateurs montre que c’est bien le projet pédagogique et intellectuel qui prime dans l’élaboration du campus – l’activité universitaire n’est pas contrainte par l’espace comme elle l’était dans les locaux de l’université française, exigus et inadaptés aux nouvelles pratiques scientifiques.
24Le site s’organise autour du palais universitaire. Se succèdent ainsi, d’ouest en est, suivant deux lignes parallèles orientées nord-sud : les instituts de chimie, de physique, le jardin et l’institut de botanique, puis l’observatoire astronomique34. Cet ensemble se prolonge vers le sud par les derniers instituts, établis pour la zoologie et la géologie dans les années 1890 dans une seconde phase de travaux, sur une parcelle limitrophe, entre la rue de l’Université et l’actuel boulevard de la Victoire. À l’échelle de l’Europe, cette place faite aux sciences de la nature au sein de l’université est exceptionnelle. Chacune est dotée d’un institut possédant un laboratoire de recherche en plus des salles de travaux pratiques et amphithéâtre pour l’enseignement – un dispositif novateur au sein des universités européennes. Ainsi tant dans les champs disciplinaires développés que dans les pratiques de transmission et de production de la connaissance – enseignement fondé sur les pratiques de recherche – l’université de Strasbourg s’inscrit dans une ligne résolument innovante (voir ill. 2).
25Les moyens mis en œuvre pour acquérir les équipements tant pédagogiques que ceux nécessaires à la recherche permettent à Strasbourg de rivaliser avec les plus grandes universités européennes. Ainsi, sans compter les ressources nécessaires à l’acquisition de l’équipement scientifique, l’instrumentation de précision, les ouvrages et les collections nécessaires à l’enseignement et la pratique scientifique, le budget total assigné pour le projet s’élève à plus de 10 millions de marks dont 7,5 pour le campus de la porte des Pêcheurs35. Il permet, en à peine vingt ans, la construction d’un bâtiment collégial, d’onze instituts médicaux ou dédiés aux sciences naturelles, de quatre cliniques, le tout en bénéficiant de la même somme dont a disposé l’université de Berlin, avec quatre fois plus d’étudiants, durant toute la période impériale.
26L’importance de ces moyens explique pour une bonne part la rapidité de l’ensemble du processus, dans la conception du plan d’ensemble d’abord, puis dans l’exécution (1878-1884) des travaux qui se traduit par la mise en place de chantiers véritablement « titanesques ». La volonté de représentation nationale, combinée à l’application du dogme de l’unité du point de vue académique, a permis des nouvelles constructions qui ont surpassé en nombre, grandeur et coût ce qui avait été possible ailleurs dans l’empire jusqu’à cette date. Elle dispose ainsi de moyens d’autant plus exceptionnels – on parle même dans les premières années de crédits quasi-illimités – que l’établissement à ses débuts est de taille moyenne et qu’il accueille relativement peu d’étudiants (1 000 étudiants seulement au tournant du siècle)36.
Ill. 2. – Plan de situation du site de la Porte des Pêcheurs, 1901 Archives de l’académie de Strasbourg.

La traduction du projet dans la pierre : une architecture au service de la science
27Les édifices imaginés pour le nouveau campus par Hermann Eggert forment un ensemble se caractérisant par une grande homogénéité, que ce soit dans le style général ou dans les matériaux employés qui sont exploités avec un désir évident d’unité entre tous les bâtiments. Mais la valeur architecturale des édifices se situe surtout dans le caractère éminemment fonctionnel de ces derniers, Hermann Eggert ayant conçu les plans en fonction des directives reçues des premiers directeurs des instituts, véritables prescripteurs du projet architectural.
28Si les sources ne mentionnent pas nécessairement de façon explicite la fréquence et le contenu des échanges, l’architecte a de toute évidence consulté ces derniers afin d’intégrer dans sa réflexion les spécificités37 des appareils et des instruments qu’ils envisagent d’installer et de traduire dans la pierre les besoins de chacune des disciplines. Ainsi, on sait que pour préparer les instructions à donner à l’architecte, August Kundt, directeur de l’institut de physique, s’est d’abord renseigné auprès des instituts de physique de Leipzig, de Munich. Mais il va surtout s’inspirer de l’institut de Berlin, construit en 1872 (détruit par la suite).
29Les édifices résultant de ce travail collaboratif diffèrent par leur plan, leur distribution intérieure mais ils n’en manifestent pas moins un certain nombre de caractéristiques communes. Ainsi, les bâtiments des différents instituts ont été conçus pour être en mesure de rassembler en un même édifice les fonctions d’enseignement, de recherche et d’habitation. Leur organisation interne permet le cumul au sein des mêmes bâtiments des espaces dédiés à la pratique scientifique (laboratoires, salles de travail, etc.) ; à la pédagogie (amphithéâtres, salles de travaux pratiques, etc.) ; à l’habitation puisque est inclus de façon quasi systématique dans le plan un logement pour le directeur. Ce dispositif a-t-il ralenti l’intégration du corps professoral dans la société – et la ville – de Strasbourg ? Toujours est-il qu’il n’est plus prévu dans les derniers instituts de zoologie et de géologie (voir ill. 3).
Ill. 3. – Laboratoire de l’institut de chimie. Salle de travaux pratiques de l’institut de botanique Archives de l’université de Strasbourg.

30Les bâtiments sont par ailleurs adaptés à l’accueil d’instruments de précision performants, ces derniers nécessitant une absence de vibrations, d’écart de température et d’humidité pour garantir la plus grande qualité des mesures. Tout est donc mis en œuvre, des fondations à la toiture en passant par la forme et la structure des bâtiments, pour garantir les meilleures conditions d’observation possible et accueillir un équipement et un enseignement de pointe.
Réception, usages et évolutions
31Si tout a été mis en œuvre pour traduire dans la pierre le projet pédagogique et scientifique d’une université à la pointe de la modernité, il est délicat d’en évaluer la réception. Les sources38 révèlent dans les premières années la satisfaction des professeurs, particulièrement ravis de l’équipement, des jardins, ce qui est relayé par les récits de voyages scientifiques (pour le jardin et l’institut botanique, ainsi que l’observatoire astronomique notamment)39. Mais le fait que durant les huit décennies qui suivent, le campus se soit maintenu dans sa disposition d’ensemble, sans modification majeure, du moins en apparence, ne doit pas amener à en déduire le prolongement idéal de cette satisfaction : les moyens disponibles par la suite ne permettent sans doute plus la réalisation de travaux d’envergure et les évolutions qui se jouent se font à l’intérieur des édifices. On assiste en effet à la disparition progressive de l’organisation initiale de l’espace qui est redistribué, ceci afin de répondre aux besoins des activités de recherche, d’enseignement et d’administration qu’abritent les lieux.
32Ces changements se produisent de façon régulière mais on distingue néanmoins deux périodes de rupture au cours desquelles un certain nombre d’éléments sont remis en question.
33Ainsi, au lendemain de la Première Guerre mondiale, les universitaires français de retour à Strasbourg critiquent sévèrement la présence d’appartements pour les directeurs. Ils déplorent le déploiement de ce confort qu’ils jugent inutile et mis en place, selon eux, au détriment des surfaces dédiées à l’enseignement et à la recherche. On revoit donc les aménagements intérieurs des instituts en supprimant les appartements des directeurs pour y aménager à la place des amphithéâtres, des laboratoires, des salles de travail et des bureaux.
34Après 1945, l’administration universitaire est contrainte d’envisager la construction de locaux supplémentaires. Cette dynamique est principalement générée par une croissance des effectifs universitaires : celle-ci s’explique tant par le boom démographique que par la démocratisation des études ainsi que par l’évolution des pratiques scientifiques et la spécialisation des disciplines, facteurs d’augmentation du nombre d’étudiants comme des personnels de recherche et d’enseignement40.
35Ces facteurs, générateurs de manque d’espace dans l’ensemble des universités dans les pays occidentaux, aboutissent à partir des années 1960 à la construction de nouveaux campus, le plus souvent à la périphérie des villes41. Ils se concrétisent à Strasbourg par de toutes autres réalités. Sur le campus impérial, on opte pour la construction d’extension du bâtiment existant, dans le cas de l’institut de physique ou pour la construction d’un nouveau bâtiment pour l’institut de botanique, rendue possible uniquement à la faveur de la destruction des anciennes serres42. Mais l’université profite surtout du déclassement de l’ancienne esplanade militaire, pour acquérir le terrain en 1957 et y établir un nouveau campus en centre-ville, jouxtant le campus historique : le campus dit de l’Esplanade.
Le « modèle strasbourgeois », une expérience urbaine unique
36L’université de Strasbourg, dont le contexte et les principes fondateurs viennent d’être exposés, a été pensée comme un établissement exemplaire. Peut-on pour autant parler, à propos du campus de l’université impériale de Strasbourg, de « modèle strasbourgeois » ayant pu essaimer de façon plus ou moins large ou du moins inspirer de façon plus ou moins explicite et identifiable d’autres institutions d’enseignement et de recherche ? Sans avoir l’ambition d’analyser de façon exhaustive et tel que pourraient le faire les spécialistes d’histoire urbaine, les projets architecturaux appliqués par la suite au domaine universitaire, il est néanmoins possible d’apporter quelques éléments de réponse dans le cadre de cette contribution.
37Du point de vue théorique, Strasbourg a pu apparaître comme un modèle d’université, du moins aux yeux mêmes d’Hermann Eggert. C’est en effet la Kaiser Wilhelms Üniversität que celui-ci choisit pour illustrer l’article « Université » du Handbuch der Architektur qu’il rédige en 188843. Il est vrai que le campus de Strasbourg constitue pour le jeune architecte non seulement son premier chantier important mais aussi son premier projet de bâtiments scientifiques et universitaires. Par la suite, même si son activité s’orientera essentiellement vers la conception d’édifices publics, il aura de nouvelles occasions de tirer parti de cette expérience et de poursuivre sa réflexion dans le domaine de l’enseignement supérieur puisqu’il concevra les plans de l’école technique supérieure de Gdansk ainsi que des projets pour l’observatoire de Bamberg ou pour l’extension de l’université technique de Berlin.
38Si l’on examine plus concrètement les réalisations universitaires ultérieures, en se bornant au territoire européen, Strasbourg, avec la surface de terrain requise pour sa réalisation, pouvait certes constituer une référence pour des localisations urbaines, mais celles-ci sont le plus souvent plus péri-centrales. C’est le cas par exemple de la Cité internationale universitaire de Paris (1923)44 édifiée sur le site des fortifications en face du parc Montsouris et qui de plus ne relevait pas de la même fonction, ses 44 ha étant exclusivement réservés au logement étudiant, totalement absent de l’établissement strasbourgeois45. On peut également penser à la Cité scientifique construite au tournant du xxe siècle à Bruxelles dans le parc Léopold. Les bâtiments des instituts sont édifiés dans le quartier Léopold – alors en plein essor – entre 1892 et 1913 mais à la différence de Strasbourg, les architectes de cet ensemble n’ont pas cherché à achever, lancer ou structurer ce morceau de la ville en devenir en l’articulant au projet universitaire46. Une certaine filiation peut encore être identifiée avec le quartier latin que Lille établit pour son université, car situé au cœur de la ville. Mais le processus se fait sur une durée plus diluée (entre 1880 et 1920), au gré des surfaces laissées disponibles par l’habitat privé, selon une politique de gel de l’espace anticipant la croissance. Plus qu’au déploiement d’un plan d’ensemble cohérent, on assiste davantage à un phénomène de mitage qui n’empêchera pas l’excentralisation progressive des bâtiments universitaires lillois, processus entamé dans sa phase plus récente47.
39Plus tard dans le siècle, l’université de Toulouse Le Mirail48 constitue un autre projet universitaire fortement lié à l’aménagement urbain. La faculté Toulouse Le Mirail est implantée au sein d’une ville nouvelle classée ZUP et s’isole du tissu urbain en disséminant ses différents bâtiments dans un parc. Mais conçue par opposition aux universités de type campus américain, et se rapprochant en cela du dispositif de l’université alsacienne, elle est conçue comme un système urbain destiné à être relié à son environnement extérieur, le quartier, suivant, dans le cas toulousain, le modèle de l’université libre de Berlin.
40Pour autant, au-delà des quelques caractéristiques communes établies, aucun des exemples qui viennent d’être évoqués ne réunit les critères qui se sont trouvés exceptionnellement réunis à Strasbourg. Et l’examen de l’histoire et du contexte de création de l’université impériale de Strasbourg démontre bien le caractère exceptionnel à plus d’un titre de cet ensemble architectural. Conçu d’un seul tenant, de façon concomitante à un plan d’extension urbaine, il bénéficie de conditions (unicité et centralité) qui ne se retrouveront plus réunies par la suite, ce qui limite les possibilités de diffusion du modèle et explique l’absence de postérité du campus tel qu’il a été édifié à Strasbourg49.
41Et c’est finalement à Strasbourg même qu’un autre campus, conçu pour rassembler lui aussi les fonctions d’enseignement, de recherche et d’habitation en articulation avec la vieille ville, pourrait faire figure d’héritier du campus impérial : le campus de l’Esplanade édifié à partir des années 196050. La disposition organisée autour d’une vaste place aménagée à l’arrière d’un bâtiment phare, en l’occurrence la faculté de droit, fait écho à celle, imaginée 140 ans plus tôt, pour l’université impériale. Ce qui était à l’origine une expérimentation est devenu un modèle, revendiqué explicitement dans l’argumentaire qui présente pour l’opération campus, le projet de rénovation du campus de l’Esplanade de Strasbourg :
« Notre objectif est de construire un campus plus vert et plus ouvert s’appuyant sur un héritage historique et patrimonial emblématique. Il s’agit d’abord de révéler l’inscription urbaine de l’université. Réinterpréter avec un regard contemporain le plan de l’université historique dans le campus de l’Esplanade construit dans les années soixante permet d’y retrouver la même cohérence. Des espaces publics et les espaces verts, concernant l’ensemble des usagers, seront dans un premier temps embellis. Et c’est autour d’un nouveau “parc central” en cours de réalisation que les bâtiments existants seront rénovés et les constructions neuves déployées51. »
Notes de bas de page
1 Une différence de taille est néanmoins à souligner. Si les deux projets procèdent tous deux d’une initiative de l’administration impériale, l’extension urbaine est rapidement pilotée par la Ville en dépit de contraintes imposées, notamment par l’armée. En revanche, la Ville ne prend qu’une part fort réduite dans le projet d’université.
2 Kerdilès-Weiler A., Limites urbaines de Strasbourg, évolutions et mutations, Strasbourg, Société Savante d’Alsace, 2005, p. 12.
3 Cf. Strub C., « Assainir et embellir Strasbourg au xixe siècle, étude sur la municipalité de Georges Frédéric Schutzenberger (1837-1848) », Bulletin de la Société académique du Bas-Rhin pour le progrès des sciences, des lettres des arts et de la vie économique, t. CXVII-CXVIII, 1998, p. 30-33 ; Lamarche G., « La grande percée et sa cité ouvrière. Un projet social méconnu à Strasbourg au xixe siècle (1853-1865) », Villes, Histoire et Culture, Les Cahiers du centre de recherche historique sur la ville, n° 1, 1994, p. 71-80.
4 Pour la genèse du plan d’extension, voir Nohlen K., Baupolitik im Reichsland Elsass-Lothringen, 1871-1918, Die repräsentiven Staatsbauten um den ehemaligen Kaiserplatz in Strassburg, Berlin, Gebr. Mann, 1982.
5 Pottecher M., « La Neustadt de Strasbourg », Cohen J. L. et Frank H. (dir.), Interférences : architecture, Allemagne-France, 1800-2000, cat. expo., Strasbourg, musée d’Art moderne et contemporain (30 mars-21 juillet 2013), Strasbourg, musées de la ville de Strasbourg, 2013, p. 175.
6 Bischoff G. et Kleinschmager R., L’Université de Strasbourg : cinq siècles d’enseignement et de recherche, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2010, p. 58. Voir également Olivier-Utard F., « Une université idéale ? Le cas de Strasbourg 1872-1939 », in Bettahar Y. et Choffel-Mailfert M. J. (dir.), Les universités au risque de l’histoire : principes, conffgurations, modèles, PUN, 2014, p. 155-180.
7 Cité par Lavisse E., La Fondation de l’Université de Berlin. À propos de la réforme de l’enseignement supérieur en France avec une note sur l’Université allemande de Strasbourg, extrait de La Revue des deux Mondes, Paris, 1876, p. 44.
8 Bischoff G., Kleinschmager R., L’Université de Strasbourg, op. cit., p. 61 et 70.
9 Denkschrift betreffend die für Universität Strassburg in Aussicht genommenen Neubauten, Drucksachen des Landesausschusses von Elsass-Lothringen, 1877, p. 1-2.
10 Ibid., p. 2.
11 Cette union des savoirs apparaît comme un trait distinctif des universités allemandes du xixe siècle vis-à-vis de leurs homologues françaises. Voir Paletschek S., « Verbreite sich ein “Humboldt’sches Modell” an den deutschen Universitäten im. 19. Jahrhundert ? », in Schwinges R. C. (dir.), Humboldt International. Der Export des deutschen Universitätsmodells im 19. und 20. Jahrhundert, Basel, Schwabe & Co. AG. Verlag, 2001, p. 97.
12 Jonas S., Gérard A., Denis M.-N. et Weidmann F., Strasbourg, capitale du Reichsland Alsace-Lorraine et sa nouvelle université, 1871-1918, Strasbourg, Éditions Oberlin, 1995, p. 95.
13 Die Stadterweiterung von Strassburg. Verhandlungen bezüglich des die Stadterweiterung betreffen zwischen dem Reich und der Stadt abgeschlossen Vertrages, Strassburg, R. Schultz et Co, 1876, p. 8-9.
14 L’université de Strasbourg constitue le premier grand chantier de ce jeune architecte né à Magdebourg en 1844 et formé à l’académie d’architecture de Berlin. Eggert décède en 1920 à Weimar. L’absence de recours à un concours pour un tel chantier ne fut pas sans générer quelque amertume au niveau local, ce dont témoigna la presse alsacienne ; cf. Elsässer Journal du 24 juin 1875, Archives départementales du Bas-Rhin, 12AL17.
15 Archives départementales du Bas-Rhin, 12AL15, Erlauterungsbericht zu dem Projekt für den Neubau eines gemeinschaftlichen Kollegienhauses und der naturwissenschaftlichen Institute der Universität Strassburg. Selon le contrat de vente passé entre l’empire et la ville le 2 décembre 1875, pour la cession des anciens terrains militaires la superficie nécessaire à l’aménagement de l’université était de 15 ha ; voir Die Stadterweiterung von Strassburg, op. cit., p. 30. Néanmoins, les besoins s’avérèrent légèrement inférieurs. Le rapport de 1877 pour la construction de l’université fait en effet état d’un terrain initialement envisagé à proximité de l’hôpital dont la superficie n’était que de 12,5 ha, surface alors jugée suffisante pour accueillir l’université à l’exception de l’observatoire, voir Denkschrift…, op. cit., p. 3.
16 On peut prendre la mesure de cette liberté si l’on compare le plan du site de la porte des Pêcheurs à celui de l’hôpital, également de la main d’Eggert, mais où les contraintes étaient sensiblement plus fortes du fait de l’exiguïté du terrain et de la présence d’éléments bâtis.
17 Archives départementales du Bas-Rhin, 12AL15.
18 Turner P. V., « Quelques réflexions sur l’histoire et l’aménagement des campus américains », Histoire de l’éducation [en ligne], n° 102, 2004, mis en ligne le 27 mai 2009 [https://histoire-education.revues.org/698], (dernière consultation le 3 avril 2017) ; Turner définit en effet les réalisations américaines de la fin du xviiie siècle et du xixe siècle comme « des ensembles de bâtiments indépendants, élevés librement dans un site paysager ».
19 Nagelke H. D., Hochschulbau im Kaiserreich : historische Architektur im Prozess bürgerlicher Konsensbildung, Kiel, Ludwig, 2000, p. 60-61.
20 Cette rupture fut considérée par certains architectes comme dommageable au projet ; voir « Die Konkurrenz für Entwürfe zum Kollegien-Gebäude der Universität Strassburg », Die deutsche Bauzeitung, 1878, n° 96, p. 487, et Jonas et al., op. cit., 1995, p. 104. Dans l’article qu’il consacra quelques années plus tard à l’architecture des universités, Eggert lui-même fit part de sa déception : Eggert H., « Universitäten », Handbuch der Architektur, Darmstadt, 1888, p. 15.
21 Archives départementales du Bas-Rhin, 12AL15.
22 Nohlen K., Baupolitik im Reichsland, op. cit., p. 182 et 241.
23 Protokolle über die Sitzungen der Commission zur Feststellung des Bebauungsplanes für die Stadt Strassburg, Strassburg, Fischbach, 1879.
24 Ibid., p. 35.
25 Cette loi, publiée en 1879, se fondait également sur les recommandations de Reinhardt Baumeister, auteur d’un traité de référence en matière d’urbanisme, Stadterweiterungen in technischer baupolizeilischer und wirtschaftlicher Beziehung, Berlin, Ernest/Korn, 1876, qui avait également été sollicité pour examiner le projet d’extension de Strasbourg. La loi avait pour objet d’encadrer la production du bâti dans le secteur de l’extension et à rendre cette opération financièrement supportable par la Ville.
26 Wittenbrock R., Bauordnungen als Instrumente der Stadtplanung im Reichsland Elsass-Lothringen (1870-1918). Aspekte der Urbanisierung im deutsch-französischen Grenzraum, Saarbrücken, Hochschulschriften, St. Ingbert, Werner J. Röhrig Verlag, 1989, p. 135-145.
27 Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg (AVES), fonds du service du Domaine, 123MW16
28 Ibid., 123MW15.
29 Pour une vue d’ensemble sur le développement des sciences expérimentales à Strasbourg entre 1870 et 1939, voir Crawford E. et Olff-Nathan J. (dir.), La Science sous influence : l’Université de Strasbourg, enjeu des conflits franco-allemands 1872-1945, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005.
30 Soubiran S., Issenmann D., « La Kaiser Wilhelms Universität et la Neustadt : une université modèle au cœur de l’extension urbaine », Strasbourg, de la Grande-Île à la Neustadt, un patrimoine urbain exceptionnel, Lyon, lieux-Dits Éditions, 2013, p. 65-71.
31 Les observateurs étrangers remarquent la cristallisation, durant la seconde moitié du xixe siècle, de cette forme typiquement allemande de l’enseignement supérieur allemand qui s’exportera avec succès durant toute la période impériale dans le reste de l’Europe et en Amérique du Nord : sur la « modern research university » voir Josephson P., Karlsohn T. et Östling J., « Introduction : The Humboldtian Tradition and its Transformations », in Josephson P., Karlsohn T. et Östling J. (dir.), The Humboldtian Tradition, European History and Culture E-Books Online, Collection 2014-II, vol. 12, 2014, p. 10-11.
32 L’organisation des espaces du campus strasbourgeois permettant d’appliquer une union étroite de la recherche et de l’enseignement, à travers la collaboration entre étudiants et professeurs, n’est pas sans évoquer la conception que Wilhelm de Humboldt développe dans le mémoire qu’il consacrera à l’organisation interne et externe des établissements scientifiques supérieurs à Berlin ; voir Von Humboldt W., Über die innere und äussere Organisation der höheren wissenschaftlichen Anstalten in Berlin. Gesammelte Schriften, Berlin, Königlich-Preussische Akademie der Wissenschaften, Politische Denkschriften, 1903, t. X, p. 250-260. Mais ce texte programmatique du fondateur de l’université de Berlin, publié en 1903, n’est selon toute vraisemblance pas connu au moment où la réflexion est menée pour la création de l’université impériale de Strasbourg. L’influence d’un modèle universitaire dit « de humboldt » serait donc à nuancer ; voir Paletschek S. « Verbreite sich ein “Humboldt’sches Modell” an den deutschen Universitäten im. 19. Jahrhundert ? », op. cit.
33 Voir notamment Craig J. E., Scholarship and Nation Building. The University of Strasbourg and Alsactian Society, 1870-1939, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 1984.
34 Pour une description détaillée de chaque édifice, se reporter notamment à Hausmann S., Die Kaiser-Wilhelms-Universität Strassburg, ihre Entwicklung und ihre Bauten, Strassburg i. Eld., 1897 ; Architekten und Ingenieur-Verein für Elsass-Lothringen, Strassburg und seine Bauten, Strassburg, Karl J. Trübner, 1894 ; ou Nagelke H.-D., Hochschulbau im Kaiserreich, op. cit., p. 442-458.
35 Le coût de construction du palais universitaire s’élève ainsi à 2,3 millions de marks tandis que les instituts scientifiques coûtent en moyenne 0,5 million par bâtiment ; voir Denkschrift betreffend für die Universität Strassburg in Aussicht genommenen Neubauten ; AVES, Débats du conseil municipal, 11 janvier 1878.
36 L’effectif étudiant de cette période est évoqué notamment dans Jonas S., Denis M. N., Gerard A. et Weidmann F., « Strasbourg et son université impériale, 1871-1918. L’université au centre de la ville », Les annales de la recherche urbaine, n° 62-63, 1994, Universités et territoires, p. 138-155.
37 Voir le rapport d’Hermann Eggert mentionnant de façon explicite sa collaboration avec les directeurs des instituts, Archives départementales du Bas-Rhin, 12AL15.
38 Voir Jonas et al., Strasbourg, capitale du Reichsland, op. cit., p. 105-106.
39 Voir ainsi le récit élogieux de l’institut de Botanique fait par Ayres H., « The Laboratory of Strassburg », Botanical Gazette, vol. IX-X, 1885-1886, p. 414-416.
40 Sur ces évolutions, voir notamment Delanes S., « L’architecture universitaire en France, des années de croissance aux temps de crise (1960-1980) », Labyrinthe, Actualité de la recherche n° 4, 1999 [http://labyrinthe.revues.org/298] (dernière consultation le 3 avril 2017). Delanes S., « Illusions et désillusions des premiers campus en France », Paysages des campus : urbanisme, architecture et patrimoine, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2009.
41 Pour cette période, voir Compain-Gajac C. (dir.), Les campus universitaires 1945-1975. Architecture et urbanisme, histoire et sociologie, état des lieux et perspectives, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2015 ; voir également Méchine St. et Marantz E. (dir.), Construire l’université. Architectures universitaires à Paris et en Île-de-France (1945-2000), Paris, Publications de la Sorbonne, 2016.
42 Une extension de l’institut de physique est construite dans les années 1960, suivant les plans de B. Bonnet, F. Papillars, J. Brun et C. Kutkiewicz. L’institut de botanique est quant à lui bâti en 1964 selon les plans de l’architecte Roger Hummel, également auteur des plans des bâtiments universitaires édifiés durant cette période sur le campus de l’Esplanade.
43 Eggert H., « Universitäten », op. cit., p. 15.
44 Voir Kévonian D. et Tronchet D. (dir.), La Babel étudiante. La Cité internationale universitaire de Paris (1920-1950), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
45 Jonas et al., Strasbourg, op. cit., p. 106.
46 Construite au sein du parc Léopold, sur un site autrefois occupé par un parc zoologique, à proximité du musée royal des Sciences naturelles, La « Cité des Sciences » de Bruxelles comprend notamment des instituts de sociologie (bibliothèque Solvay), de physiologie, d’anatomie, de dentisterie, l’institut Pasteur et une école de commerce. Les bâtiments ont été réalisés à partir des plans des architectes Jules-Jacques Van Ysendijck, assisté de l’ingénieur Léon Gérard et de Constant Bosmans. Voir Brauman A. et Demanet M., Le parc Léopold 1850-1950 – Le zoo, la cité scientiffque et la ville, Bruxelles, AAM Éditions, 1985.
47 Voir notamment Merlin P., L’urbanisme universitaire à l’étranger et en France, Paris, Presses de l’École nationale des ponts et chaussées, 1995, p. 261-262, voir également la contribution de Jean-François Condette dans ce même ouvrage.
48 Le projet est mis en œuvre au début des années 1970, suivant les plans des architectes Candilis, Josic et Woods ; voir Friquart L.-E., les quartiers de Toulouse. Le Mirail. Le projet Candilis, Toulouse, Accord Édition, coll. « Itinéraires du patrimoine », 2006.
49 Jonas et al., Strasbourg, op. cit.
50 Voir notamment Mosca L., La faculté de droit de Strasbourg, campus de l’Esplanade, Lyon, Éditions Lieux-Dits, coll. « parcours du patrimoine », 2012.
51 Sur l’opération campus, voir le site internet de l’université de Strasbourg [http://www.unistra.fr/index.php?id=19847#c89514] (dernière consultation le 3 avril 2017).
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