Du nuisible au sauvage, les friches comme espaces de pensée environnementale
p. 89-104
Texte intégral
1Qu’elle qualifie les animaux ou les plantes, la catégorie de « nuisible » est inséparable de celle de l’« utile », les deux termes définissant une bipartition par laquelle les hommes, au moins depuis le milieu du xixe siècle dans les sociétés occidentales, ont cherché à ordonner les espèces naturelles avec lesquelles ils cohabitent. La dénomination de nuisible renvoie à une conception que nous pouvons dire à la fois anthropocentrique, puisque les êtres naturels ne valent que pour les usages que peuvent en faire les hommes, et étroitement utilitariste, au sens où ce classement repose principalement sur la propension des espèces à favoriser ou à contrarier les activités humaines. De ce point de vue, elle incarne de façon emblématique ce que les éthiques environnementales, développées à partir des années 1970, ont dénoncé comme le rapport instrumental à la nature des sociétés occidentales modernes. Affirmer qu’une espèce est par nature « nuisible » implique un certain nombre de présupposés théoriques, à commencer par celui qui introduit une rupture entre les êtres humains et le reste des êtres naturels. Ce dualisme permet, en effet, de soutenir que seuls les premiers ont une valeur intrinsèque, tandis que les seconds ne valent que de façon instrumentale, c’est-à-dire par leur capacité à servir des fins humaines. Après en avoir souligné les origines européennes, de Bacon à Kant en passant par Descartes, la philosophie environnementale s’est appliquée à déconstruire ce cadre conceptuel légitimant, selon eux, la domination de la nature1. Contre l’anthropocentrisme ou le « chauvinisme humain2 », les représentants de ce sous-courant philosophique, principalement établi aux États-Unis, ont défendu l’idée que la nature avait elle aussi une valeur intrinsèque, qui nous obligeait moralement à la préserver. Ce travail les a conduits à accorder une attention toute particulière à une notion centrale dans l’histoire de l’environnementalisme américain, celle de la wilderness. Remontant, en effet, aux origines de la conservation de la nature aux États-Unis, ils ont repéré dans l’inversion du regard porté sur les espaces non peuplés du territoire américain, qui les fit passer du statut de lieux d’errance habités par les bêtes sauvages3 à celui de sanctuaires abritant une nature édénique, une contestation profonde de l’utilitarisme moderne. Ce « mythe heureux de la wilderness4 » marquait l’apparition d’une conception positive de la nature sauvage, qui permettait d’affirmer que ces espaces naturels avaient une valeur pour eux-mêmes et non pas simplement en raison des usages que pouvaient en faire les hommes. L’éthique environnementale a ainsi voulu théoriser un rapport de respect de la nature qui s’opposait diamétralement à la domination moderne : d’un côté, l’appel à « étendre l’empire et la puissance du genre humain tout entier sur l’immensité des choses5 » qui justifie la destruction de ce qui s’y oppose, autrement dit du nuisible ; de l’autre, un plaidoyer en faveur de la nature sauvage qui invite à limiter l’anthropisation, au moins dans certains espaces préservés.
2Nous voudrions ici évaluer la dimension heuristique de cette grille d’analyse binaire lorsque nous l’appliquons à l’histoire de la transformation des représentations sociales en France d’une catégorie spatiale aux contours incertains : la friche, que l’on peut définir initialement de façon très générale comme un espace laissé à l’abandon de façon temporaire ou non et qui a la caractéristique d’être en transition entre milieux naturels et anthropisés. Ce statut de terres intermédiaires, qui peuvent basculer soit vers un nouvel état plus avancé d’exploitation par les hommes, soit vers la libre évolution, nous semble en faire des témoins privilégiés de la transformation plus globale de certains rapports collectifs à la nature. Plus précisément, nous proposons de suivre le parcours sinueux des friches parmi quelques-unes de nos catégories de pensée, celles de l’inutile, du nuisible, du sauvage ou encore du naturel, en même temps que l’évolution de ces catégories elles-mêmes. Décrivant ces transformations des représentations sociales de la friche, entre la fin du xviiie siècle et la période actuelle, qui conduit schématiquement de la critique des terres inutiles à la valorisation du retour du sauvage, nous essayerons de montrer comment cette évolution permet de penser un rapport collectif à la nature qui dépasse l’opposition entre domination et respect.
La critique des friches à la fin du xviiie siècle
3Si nous trouvons, bien sûr, des arguments plus anciens valorisant les bénéfices pour un État de défricher ses terres non encore exploitées, la question des friches nous semble apparaître comme une question centrale, tant d’un point de vue social et politique que moral, à la fin du xviiie siècle. À cette période, nous voyons émerger une critique extrêmement forte de ces espaces, exprimée principalement par les théoriciens de la modernisation de l’agriculture que sont les physiocrates et les agronomes. La conquête des terres non exploitées est présentée par ces derniers comme un enjeu majeur pour la prospérité de la nation française qui passe, selon ces auteurs, par l’amélioration et l’expansion de son agriculture. Focalisés sur la question de la productivité des terres agricoles, les physiocrates développent une critique quasi obsessionnelle de la friche6, terme par lequel ils désignent toute terre qui pourrait être cultivée et qui, ne l’étant pas, représente un manque à produire7. Ce faisant, ils contribuèrent à imposer une signification associant la friche à l’abandon, qui est aujourd’hui courante, mais qui n’allait pas de soi avant la fin du xviiie siècle. Si, en effet, cette acception était déjà présente avant cette époque, elle coexistait néanmoins avec un sens très différent qui incluait dans les friches l’ensemble des prairies naturelles ou semées qui étaient pâturées et alternaient avec des cultures8. Sur ce point, l’article « agriculture » de l’Encyclopédie, rédigé par Diderot, est éclairant, celui-ci y écrit en effet :
« Quant aux terres en friche, ce qui comprend les sainfoins, les lusernes, les trefles, & généralement tous les prés, avec quelques terres qu’on ne laboure que tous les huit ou dix ans, il ne faut pas se contenter d’un labour pour les prés, il faut avec une forte charrue à versoir commencer par en mettre la terre en grosses mottes, attendre que les pluies d’automne ayent brisé ces mottes, que l’hyver ait achevé de les détruire, & donner un second labour, un troisieme, & c. en un mot ne confier du froment à cette terre que quand les labours l’auront assez affinée9. »
4Ainsi, quand le premier sens définissait la friche par un manque, le second renvoyait à des terres intégrées à l’économie des campagnes, qui ne se distinguaient de la jachère que parce que le sol n’y était pas précisément travaillé. Les dictionnaires de la fin du xviie et du xviiie siècle témoignent de la progression de l’acception négative du terme, derrière laquelle se devine la critique de l’indolence des paysans. Ainsi peut-on lire dans le dictionnaire universel d’Antoine Furetière de 1690 la définition suivante de la friche : « une friche est un champ inculte et négligé10 ». À l’entrée significativement nommée « non-valeur », nous trouvons par ailleurs dans l’édition de 1762 du dictionnaire de l’Académie française la description suivante :
« Non-valeur : manque de valeur en une terre, en une ferme qui ne rapporte pas ce qu’elle devrait rapporter. Cette terre n’est pas bien cultivée, elle est en friche en bien des endroits, elle est en non-valeur11. »
5Enfin, le même dictionnaire définit l’action de « défricher » de la façon suivante :
« Il se dit d’une terre qui était en friche et dont on ôte les méchantes herbes, les broussailles et les épines, pour la cultiver ensuite12. »
6Selon les canons théoriques de la nouvelle agriculture, les friches apparaissent ainsi associées à de mauvaises pratiques culturales qui facilitent le développement des « méchantes herbes ». En 1823, l’agronome André Thouin souligne la façon dont elles jetteraient dans les champs qu’elles jouxtent une « surabondance de semences de plantes nuisibles aux moissons13 ». Sans que l’expression elle-même soit employée en ce sens, les friches sont au fond dépeintes dans ces textes sur l’agriculture comme des espaces nuisibles.
7Les critiques de la friche rejoignent par ailleurs celles de la jachère. Les manuels d’agronomie de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle expriment, en effet, pour la plupart, une critique extrêmement forte de l’idée du repos de la terre et, par conséquent, de la jachère. Les agronomes affirment de façon quasi unanime l’inutilité de la jachère et font de sa suppression un enjeu majeur de modernisation, voire tout simplement comme Victor Yvart la question la plus importante de l’économie rurale14. Perte de temps, perte d’efficacité, une terre en jachère serait la marque de l’archaïsme du mauvais paysan, dont l’indolence le conduit à laisser ses terres aller à la friche. Le renversement théorique est complet : alors qu’elle constituait une période de préparation du sol qui prenait place en tête de l’assolement dans les rotations biennales ou triennales et qui permettait de nettoyer les sols, la jachère devient dans ces écrits une concession inutile faite à la friche sur des terres cultivables, et susceptible, qui plus est, de favoriser le développement des plantes nuisibles.
8Les critiques de l’inculte, associant conjointement friches et jachère et mêlant étroitement les jugements techniques aux condamnations morales, s’expriment dans des termes souvent violents. En 1806, François de Neufchâteau dénonce, par exemple, l’« opprobre des jachères15 ». Les agronomes étrangers qui parcourent certaines campagnes françaises, au premier rang desquels le Britannique Arthur Young, multiplient les critiques de ce qu’ils considèrent comme les insuffisances d’une agriculture laissant à la friche quantité de terres. Ce dernier, convaincu de la supériorité du modèle de la grande culture anglaise, s’horrifie, par exemple, de ne voir durant sa traversée de la Bretagne qu’une multitude de terres à l’abandon, ou tout du moins, ce qui lui semble être le cas16. « Sur trente-neuf parties de la Bretagne, il y en a vingt-quatre d’incultes », s’indigne-t-il, ajoutant qu’« il n’y a pas de circonstance plus frappante, et qui prouve davantage le manque d’agriculture, que celle de voir la moitié d’une province en friche17 ». Quant à la partie cultivée, l’agriculture en est si « barbare » et les « moissons si abominables », que la Bretagne paraîtrait, en définitive, « absolument en friche18 » et l’agronome de conclure : « Ce fut pour moi un spectacle étonnant, de voir une si misérable agriculture dans une province telle que la Bretagne, qui jouissait de quelques-uns des plus beaux privilèges du royaume19. » Dans le département du Bas-Rhin, après avoir pourtant souligné la bonne santé d’une agriculture alsacienne capable de nourrir les habitants de l’un des départements les plus peuplés de France – l’auteur estime la population du département en 1807 à 514096 âmes –, l’agronome allemand Johann Nepomuk von Schwerz s’exclame à la vue de l’importante superficie occupée par des communaux non labourés :
« Quelle fut ma surprise, en voyant, dans la plus belle des plaines et parmi cette population laborieuse, des contrées entières ne former que de vastes solitudes, et condamnées à n’être habitées que par des vaches et des chevaux en pleine liberté ! […] On compte dans le département du Bas-Rhin 119000 arpents de 20 ares de déserts, car je ne saurais nommer autrement les communaux, pâtures vagues ou autres d’une contrée où, comme dans les arrondissements de Strasbourg et de Schelestadt, il n’y a guère plus de 400000 arpents soumis à la charrue ; c’est là un crime contre nature, c’est une perte pour l’État, et pour tout dire, en un mot, c’est une honte pour l’agriculture d’un pays civilisé20. »
9Quelques lignes plus loin, l’auteur exprime avec clarté la façon dont cette critique des friches rejoint celle des propriétés ou des droits d’usage collectifs, menée au nom de la croyance dans les vertus modernisatrices de la propriété privée individuelle :
« Il est difficile de croire, au premier coup d’œil, que ce qui présente une véritable ressource pour l’agriculture, dans beaucoup de pays où l’on suit l’assolement triennal, puisse être si nuisible aux intérêts de l’agriculture considérés sous un point de vue général ; mais il y a une aussi grande différence entre un bien communal qui, étant la propriété de tous, n’appartient pour ainsi dire à personne, et la propriété d’un simple particulier, qu’il existe de différence entre un arbre fruitier sauvage jeté sur une route éloignée, dont personne ne prend soin, attendu que tout passant s’en approprie les fruits et un arbre planté et greffé avec soin, qui paye par des fruits abondants la peine qu’on prend de le cultiver21. »
10Associant à la friche les communaux et l’ensemble des terres vaines et vagues (gastes, landes, biens hermes ou vacans, garrigues, frost, galois, etc.)22, physiocrates et agronomes y voient un véritable anti-modèle de la bonne gestion des terres agricoles dans lequel le désordre juridique issu de la superposition des droits d’usage collectifs ferait écho au désordre des « méchantes herbes » et autres plantes nuisibles. Dans ce sens, dès 1767, nous trouvions sous la plume de l’auteur de L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, le physiocrate Mercier de la Rivière, à l’occasion de sa critique du mercantilisme, l’idée que nature et société désordonnées se répondent l’une, l’autre : « Voilà donc le désordre dans la classe qui chez vous reproduit les valeurs disponibles ; voilà qu’une portion de vos terres va rester en friche23. » De manière similaire, dans la modélisation d’un système idéal de grande culture que propose François Quesnay dans l’article « Fermiers » de l’Encyclopédie, le désordre improductif des terres non cultivées apparaît comme une perte qui grève la création de richesse et le fonctionnement optimal de la société24.
11Par ailleurs, la seconde partie de la citation de l’agronome allemand permet de prendre la mesure d’une autre catégorisation de la friche ou du désert, servant sa dépréciation. La friche est du côté du « sauvage » dans le couple qui oppose ce dernier terme au « cultivé ». Or, le sauvage est alors essentiellement défini de manière négative comme une matière brute, non raffinée. Et, n’en déplaise à Jean-Jacques Rousseau, les extensions sémantiques des termes forgés pour décrire l’état d’inculture agricole sont assez significatives. La définition de l’inculte que nous citions un peu plus haut se poursuit, par exemple de la façon suivante : « se dit figurément de l’esprit. Les Sauvages peuvent avoir de l’esprit, mais ils sont incultes, et ne produisent rien25 ».
12Ces critiques des friches et les incitations à exploiter les terres non cultivées, menées par les physiocrates et les agronomes, eurent une portée pratique variable selon les régions et les catégories d’exploitants26, mais elles ont quoi qu’il en soit contribué à la formation d’un regard utilitariste sur les campagnes dévalorisant le sauvage en même temps que l’inculte.
Le retour des friches dans les campagnes françaises à la fin du xxe siècle : du nuisible au sauvage
13Si cette représentation négative de la friche a prévalu durablement, l’intensité de la critique a, quant à elle, évolué. Question centrale à la fin du xviiie siècle, et pendant l’essentiel du xixe siècle, le problème des friches quitte progressivement le cœur de la réflexion sur les campagnes, notamment à mesure que la production agricole augmente et que les échanges mondiaux se développent. Il va, toutefois, resurgir au premier plan dans la seconde moitié du xxe siècle pour des raisons différentes. À la fin des années 1980, un certain nombre d’observateurs s’alarment, en effet, de voir la friche progresser dans les campagnes. La cause principale de cet enfrichement serait désormais la hausse très forte de la productivité à l’hectare, permise par la motorisation, l’amélioration des semences et l’introduction massive d’engrais et de pesticides chimiques. D’une part, la mécanisation des pratiques conduit à délaisser un nombre croissant de terrains difficiles d’accès ou inadaptés aux machines agricoles. D’autre part, cette modernisation soutenue par des fonds publics provoque après quelques années un problème inédit pour l’agriculture française, et plus largement européenne, celui de la surproduction. L’élévation des rendements est telle que les objectifs de production sont rapidement atteints et même dépassés. À la fin des années 1980, les subventions indexées sur les volumes produits représentent un budget jugé trop lourd. Des quotas laitiers, puis céréaliers sont par conséquent introduits dans la politique agricole commune et conduisent au développement de la surface non cultivée. En 1992, le terme de jachère est réintroduit au sein d’une nouvelle réforme de la PAC incitant les agriculteurs à ne pas cultiver certaines de leurs terres. Enfin, l’exode rural massif favorisé par une modernisation qui distribue ses bienfaits de façon très inégale, contribue également à ce qui est décrit comme un phénomène inquiétant de déprise agricole, permettant le retour de la friche.
14L’image négative de la friche persiste donc, mais elle incarne cette fois le symptôme d’un mal-être dans les campagnes qui se désertifient. L’enfrichement ne serait plus le fait du « mauvais paysan », mais une conséquence de la seconde révolution agricole que connaît la France de l’après-guerre. Et, de nouveau, la critique est hyperbolique : « La France se désertifie autant qu’elle se défigure, écrit par exemple Éric Fottorino. […] Il faut arpenter ces landes du centre breton, le sud des Côtes-du-Nord, le nord du Morbihan, où les quelques âmes survivantes semblent s’excuser, tant la présence de l’homme y paraît incongrue27. » Les paysages de friche seraient le symbole de pays qui se meurent. Cette idée est au cœur du thème qui devient central à la fin des années 1970 dans la réflexion sur l’aménagement du territoire, celui de la « fermeture des paysages28 ». Reprenant l’idée, née dans le contexte de l’exode rural, qu’en dessous d’un certain seuil de population, les villages seraient condamnés à disparaître, l’expression entend attirer l’attention sur un risque de fermeture définitive des paysages, passé un certain stade de développement de la friche sur les terrains abandonnés. Et, l’emphase est, en effet, à nouveau de rigueur. En 1972, le ministre de l’agriculture Michel Cointat s’exprime devant le Sénat dans les termes suivants :
« La terre n’est pas un élément neutre : abandonnée à elle-même, elle réagit, elle constitue une maladie qui peu à peu étrangle les champs. La friche est une lèpre qui ronge les paysages. […]
C’est pourquoi, les citadins doivent comprendre que des transferts budgétaires seront toujours nécessaires en faveur du monde rural. Sinon il faudrait qu’ils se satisfassent des broussailles et des vipères29. »
15Les friches effacent les contours, dissolvent la hiérarchie des espaces, et provoquent des impressions d’abandon, d’isolement, d’étouffement30. Plusieurs risques sont par ailleurs soulignés par des habitants ou des administrateurs des territoires concernés. Un premier concerne les incendies que l’embroussaillement favorise dans les zones les plus sèches, en particulier dans les régions méditerranéennes31. Un deuxième renvoie à la question de la disparition de milieux ouverts entretenus par les hommes et de la flore qui leur était associée32. Un troisième, enfin, plus social est associé au développement potentiel d’activités illégales dans ces espaces abandonnés33. Nous retrouvons là l’idée de cette affinité entre le désordre de la nature et le désordre social. La déprise agricole de la fin du xxe siècle donne ainsi lieu au renouvellement des représentations sociales négatives de la friche. Mais elle contient aussi les germes d’une inversion de la polarité des jugements portés sur ces espaces.
16Cette analyse négative n’est, en effet, pas la seule lecture que l’on peut rencontrer des transformations récentes des campagnes françaises. Parallèlement au discours alarmiste sur l’abandon des terres et le devenir sombre des « paysages sans paysans », des voix se font entendre pour contester, non pas le phénomène de déprise lui-même, mais son caractère néfaste. Face au développement des friches, il ne faudrait pas déplorer la réapparition d’une nature hostile, mais célébrer au contraire le retour du sauvage. Ce discours est porté par un courant écologiste qui se développe depuis les années 1970 et vient déstabiliser l’ordre axiologique dans lequel prenaient place les catégories traditionnelles forgées pour penser les rapports collectifs à la nature. Plus qu’au renouveau des catégories, l’écologisme travaille, en effet, à l’inversion des valeurs communément associées à chacun des termes qu’opposent les dualismes du domestique et du sauvage, de l’artificiel et du naturel. Tant que le sens du progrès pointait vers l’expansion de l’emprise humaine sur le territoire, le retour des friches ne pouvait être considéré que comme un échec, une perte de contrôle sur la nature. Mais, en écartant cet anthropocentrisme, la pensée écologiste entend poser un regard différent sur les campagnes qui se dépeuplent d’humains, mais pourraient bien constituer de nouveaux habitats pour une diversité d’espèces sauvages. « Vive la friche ! », s’exclame en ce sens le naturaliste François Terrasson en 1988. Il n’y aurait aucune raison, selon lui, de craindre les « déserts verts », car, ajoute-t-il, « la nature ne disparaîtra pas si les paysans s’en vont34 ». « Osez le désert ! » lance avec enthousiasme le géographe Jacques Lévy, qui explique son appel de la façon suivante :
« L’ancienne campagne est morte, un chantier de société s’ouvre. La civilisation urbaine engendre des espaces vides, qu’il convient d’aménager pour répondre à une demande nouvelle de « nature protégée », plutôt que de voir l’espace peuplé de pavillons péri-urbains. Il faut savoir oser le désert35. »
17De ce point de vue, non seulement il ne faudrait pas s’opposer au retour des friches, mais il s’agirait d’accompagner leur progression dans un souci de préservation de la nature. Comme le notent André Micoud et Valentin Pelosse :
« Longtemps honni, le sauvage est devenu désirable, au point qu’il n’est plus seulement question de le protéger de la disparition, mais de le “cultiver”, de le réintroduire, de le gérer, afin de lui permettre de retrouver çà et là son emprise bienfaitrice36. »
18Dans ce nouveau paysage conceptuel, la catégorie de « nuisible » n’a plus sa place, car la représentation globale de la nature dans laquelle elle faisait sens s’efface37. Le sauvage se détache du nuisible pour s’associer avec le « véritablement naturel ». Et ce déplacement du nuisible vers le sauvage emporte également par extension les friches qui sont décrites sous cet angle comme des terres sauvages en devenir.
19Il y aurait là schématiquement deux grands types de regards qui s’affrontent. D’un côté, le regard de « ceux qui sont restés » dans ces espaces38 et qui vivent la déprise comme la destruction de paysages que les hommes avaient construits de leur labeur et comme une perte de maîtrise laissant place au retour incontrôlé de la nature, doublé d’une dépossession au profit de nouveaux usagers des campagnes. De l’autre, le regard des protecteurs de la nature qui voient là une opportunité inédite de « ré-ensauvager » les campagnes et peut-être même, la promesse d’une wilderness européenne retrouvée39. Les friches oscilleraient entre le nuisible et le sauvage, entre la perte de la maîtrise et une volonté de préservation.
Entre préservation et domination, une éthique du partenariat avec la nature pour le xxie siècle
20Mais, s’agit-il simplement d’opposer le respect de la nature sauvage à un rapport de domination qui aurait guidé le développement de l’agriculture moderne ? Si essayer de soustraire des espaces à l’emprise humaine apparaît comme une entreprise sans aucun doute légitime au regard des enjeux de protection de la biodiversité, en particulier lorsqu’il s’agit de les tenir à l’écart des activités industrielles, le regard que nous avons porté sur la question des friches ne nous semble pas pourtant inviter à penser le monde sauvage comme un anti-monde, le lieu par excellence de la nature, qu’il faudrait protéger des hommes. La pensée environnementale ne peut se contenter, en réalité, d’une inversion de valeurs qui maintient l’opposition radicale entre les hommes et la nature. Elle resterait la proie des différentes critiques qui, de part et d’autre de l’Atlantique, ont souligné ce qu’il y avait de culturellement construit dans l’idée classique de wilderness40 ou dans certaines représentations contemporaines du sauvage41. En outre, s’en tenir à cette pureté des catégories modernes a trop souvent incliné les critiques de l’anthropisation à effacer certains habitants des terres qu’ils voulaient penser comme sauvages : la pensée classique de la wilderness a exalté le pionnier, mais occulté l’Indien42 ; l’éloge des friches ne court-il pas le même risque d’exalter le touriste, mais d’occulter le paysan43 ? Si ce sont là incontestablement des problèmes sérieux, plutôt que l’impossibilité de plaider aujourd’hui en faveur d’une revalorisation du sauvage, ils indiquent la nécessité de repenser cette catégorie, afin de lui donner une prise sur la réalité des processus en cours. Le retour contemporain du sauvage déstabilise, en effet, les catégories par lesquelles sont pensés les rapports à la nature, ce dont témoigne le trouble théorique qui grève la proposition de protéger le sauvage et que le sociologue André Micoud résume de la façon suivante :
« En devenant l’objet de décisions volontaristes d’ordre socio-économique (programmes, financements, zootechniciens spécialisés, etc.), le sauvage ne se donne plus comme produit spontané de la nature, mais comme (re)production de l’homme, protecteur de la nature. Le suprêmement naturel se confond désormais avec le comble de l’artificialité. Comment ce qui se définissait par sa vertu à toujours échapper à la maîtrise humaine pourra-t-il lui faire la grâce désormais de se déployer là où il est dit qu’il est “naturel” qu’il soit44 ? »
21De ce point de vue, l’étude des friches nous semble particulièrement éclairante, très précisément parce qu’elle conduit à s’intéresser à l’expression spontanée du sauvage, non pas dans les hauts lieux de la protection de la nature, mais dans les marges du territoire, là où on ne l’attendait pas nécessairement. La mise en perspective de ces deux moments particuliers de l’histoire de l’agriculture française que furent la fin du xviiie siècle et celle du xxe siècle nous permet peut-être de mieux comprendre l’inconfort de pensée et les difficultés pratiques causés par ce retour du sauvage. Par des voies distinctes et dans des contextes différents, ces deux révolutions agricoles nous mènent vers les friches : la première en suivant un objectif de conquête des marges du territoire cultivé, la seconde en faisant de l’abandon de ces marges l’une de ses signatures les plus marquantes sur les paysages. Si leurs enjeux sont également différents, dans le premier cas, principalement nourrir une population grandissante, dans le second, faire de la France une puissance agricole mondiale, ce sont bien deux efforts de production qui animent ces transformations. Et, la thèse que nous défendons est qu’un même fil relie ces deux efforts, celui d’une volonté d’autonomisation des activités socio-économiques par rapport à la nature. Sans introduire de jugement de valeur dans cette thèse – s’affranchir de certains aléas naturels était et reste, parfois encore, une nécessité vitale pour les individus qui travaillent la terre –, il nous semble, en effet, que l’on peut repérer dans la fin du xviiie siècle le début d’une trajectoire d’autonomisation progressive dont l’agriculture industrielle de la fin du xxe siècle aurait voulu marquer l’achèvement, en incarnant un modèle de production entièrement artificialisé ou contrôlé par les hommes. Mais, si le conditionnel s’impose, c’est précisément parce que le retour du sauvage dans les friches contredit cette prétention à l’autonomisation de la sphère humaine. La logique socio-économique des discours sur la modernisation agricole au xviiie siècle incitait à l’expansion de la maîtrise humaine dans les marges du territoire et à limiter, par conséquent, dans ces espaces, l’expression spontanée de la nature jusqu’à la rendre progressivement invisible. Elle s’accordait de ce point de vue avec l’idéal d’autonomisation. Mais, à la fin du xxe siècle, quand le contexte invite désormais à la contraction de la surface agricole utile, cette logique qui se veut purement socio-économique entre en contradiction avec elle-même. La poursuite de cet idéal d’autonomisation fait ultimement réapparaître au sein même des sociétés une spontanéité naturelle qui vient perturber l’ordre des activités humaines. Comme l’écrit encore André Micoud :
« [T]outes orientées vers la seule considération du monde socioéconomique, en tant qu’elles considéraient que leur devenir était dépendant des progrès sur la maîtrise de la nature, les sociétés occidentales se sont structurellement empêchées de voir que cet autre qu’était la nature, en tant qu’elle était vivante, avait son ordre propre45. »
22L’ensauvagement des friches fissure cette structure qui invisibilisait la nature sur les territoires anthropisés. Cette nature férale qui réapparaît n’a pas la pureté supposée de la wilderness. Elle rend visible ce qui était, au fond, devenu un point aveugle pour les chantres de l’artificialité comme pour les protecteurs de la nature, la présence du sauvage dans les campagnes ordinaires.
23Cette présence du sauvage attire aujourd’hui l’attention de certains protecteurs et penseurs de la nature, car elle les autorise à « sortir des réserves et autres parcs où ils se contentaient d’officier jusqu’à présent pour leur grande majorité46 ». Elle donne une légitimité au regard qu’ils portent sur les campagnes et aux jugements normatifs qu’ils forment sur les pratiques qui y sont menées. Au fond, en revenant dans les campagnes, les différents porteurs d’étendards du sauvage, que sont les friches, les loups, lynx, ours ou autres vautours, entraînent dans leur sillage les éthiciens de l’environnement qui avaient trop longtemps négligé la nature qui habite les espaces ruraux.
24Cependant, si la prétention de ces derniers à participer à l’élaboration des règles permettant d’organiser la vie commune des humains et des êtres naturels sur ces espaces est légitime, il apparaît également que les approches déontologiques qui commandent le respect strict du sauvage ne sont pas les plus indiquées de ce point de vue. Penser l’autonomie des êtres naturels qui peuplent les espaces habités par les hommes et interagissent à différents degrés avec ces derniers nous semble plutôt conduire à l’élaboration de ce que la philosophe américaine Carolyn Merchant appelle une éthique du partenariat avec la nature47. Sans gommer ce que la cohabitation entre les hommes et la nature peut avoir de conflictuel, cette éthique soutient qu’il y a d’autres façons de régler les conflits que l’élimination pure et simple de l’une des parties qui s’opposent. La catégorie de « nuisible » a pendant longtemps donné un cadre légal à un type de résolution violent et unilatéral des conflits entre les hommes et la nature. Une éthique du partenariat invite à explorer toutes les pistes permettant de mettre en place une coexistence pacifiée ou une cohabitation plus harmonieuse avec la nature, qui fait droit à la diversité des regards portés sur les campagnes. Adoptant une approche conséquentialiste, elle se donne pour tâche d’évaluer les différentes propositions actuelles allant dans ce sens – des mesures agri-environnementales à la gestion en libre évolution en passant par la diversité des modèles agricoles « écologiques » – à l’aune de leur capacité à avoir des conséquences mutuellement avantageuses pour les êtres humains et pour les êtres naturels.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Larrère Catherine, Les philosophies de l’environnement, Paris, PUF, coll. « Philosophies », n° 85, 1997, 124 p ; Afeissa Hicham-Stéphane (dir.), Éthique de l’environnement : nature, valeur, respect, Paris, J. Vrin, coll. « Textes clés », 2007, vol. 1, 380 p. ; Hess Gérald, Éthiques de la nature, Paris, PUF, 2013, 400 p.
2 Routley Richard, « A-t-on besoin d’une nouvelle éthique, d’une éthique environnementale ? », in Afeissa Hicham-Stéphane (dir.), Éthique de l’environnement, op. cit., p. 39.
3 C’est l’étymologie retenue par Roderick Nash, « Wild (volonté, volontaire, incontrôlé) – deor (animal) – ness » : le « lieu des bêtes sauvages », in Nash Roderick, Wilderness and the American Mind, New Haven, Yale University Press, 1967.
4 Larrère Catherine et Larrère Raphaël, Penser et agir avec la nature. Une enquête philosophique, Paris, La Découverte, 2015, p. 25-49.
5 Bacon Francis, Novum Organum, 3e éd., Paris, PUF, coll. « Épiméthée », 2010, vol. 1, 349 p, § 129.
6 Larrère Catherine, « L’arithmétique des physiocrates : la mesure de l’évidence », Histoire & Mesure, 1992, vol. 7, n° 1-2, p. 5-24.
7 Article « Fermiers », in Quesnay François, François Quesnay et la physiocratie, Paris, Institut national d’études démographiques, 1958.
8 Morlon Pierre et Sigaut François, La troublante histoire de la jachère. Pratiques des cultivateurs, concepts de lettrés et enjeux sociaux, Dijon/Versailles, Éducagri Éd./Éd. Quae, coll. « Sciences en partage », 2008, vol. 1, 324 p.
9 « Agriculture », Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, tome premier, Paris, Briasson/David/Le Breton/Durand, 1751.
10 Furetière Antoine, « Friche », in Dictionaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts…, La Haye, chez A. et R. Leers, 1690, p. 119.
11 « Non-valeur », in Dictionnaire de l’Académie française, 4e éd., Paris, chez la veuve de Bernard Brunet, 1762, p. 219.
12 « Défricher », ibid., p. 483.
13 Thouin André, Nouveau cours complet d’agriculture théorique et pratique contenant la grande et la petite culture, l’économie rurale et domestique, la médecine vétérinaire, etc., ou Dictionnaire raisonné et universel d’agriculture, Paris, chez Déterville, 1823, p. 165.
14 Yvart Victor, Considérations générales et particulières sur la jachère et sur les meilleurs moyens d’arriver graduellement à sa suppression, avec de grands avantages, par J.-A.-Victor Yvart…, Paris, impr. de Mme Huzard, 1822, 251 p.
15 Neufchâteau Nicolas François de, Voyages agronomiques dans la sénatorerie de Dijon, contenant l’exposition du moyen employé avec succès depuis un siècle pour corriger l’abus de la désunion des terres, Paris, Mme Huzard, 1806, p. 31.
16 Antoine Annie, Terre et paysans en France aux xviie et xviiie siècles, Gap, Éditions OPHRYS, 1998, p. 31.
17 Young Arthur, Voyages en France, pendant les annees 1787-88-89 et 90 : entrepris plus particulierement pour s’assurer de l’etat de l’agriculture, des richesses, des ressources et de la prosperite de cette nation, Paris, Buisson, 1793, p. 273.
18 Ibid., p. 359.
19 Ibid.
20 Von Schwerz Johann Nepomuk, Assolement et culture des plantes de l’Alsace, Paris, Veuve Huzard, 1839, p. 25-26, c’est nous qui soulignons.
21 Ibid., p. 27.
22 Ensemble de terres qui bien loin d’être inutiles jouaient un rôle décisif dans l’économie agricole de certaines régions. Elles occupaient de fait spatialement environ 1/6 des fonds du royaume à la fin du xviiie siècle, voir Vivier Nadine, Propriétés collectives et identité communale : les biens communaux en France, 1750-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998.
23 Mercier de la Rivière Pierre François Joachim Henri, L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, Paris, chez Jean Nourse, 1767, p. 346.
24 Article « Fermiers », in Quesnay François, François Quesnay et la physiocratie, op. cit.
25 Furetière Antoine, « Inculte », in Dictionaire universel…, op. cit., p. 335.
26 Moriceau Jean-Marc, Terres mouvantes : les campagnes françaises du féodalisme à la mondialisation, 1150-1850, essai historique, Paris, Fayard, 2002, p. 236-276.
27 Fottorino Éric, La France en friche, Paris, Lieu Commun, 1989, p. 13.
28 Le Floch Sophie, Devanne Anne-Sophie et Deffontaines Jean-Pierre, « La “fermeture du paysage” : au-delà du phénomène, petite chronique d’une construction sociale », L’Espace géographique, 2005, n° 1, p. 49-64.
29 Journal officiel de la République Française – Débats parlementaires au Sénat, jeudi 15 juin 1972.
30 Sgard Jacques, « Le paysage en friche », Metropolis, 1990, vol. 87, p. 12-17.
31 Sur ce point voir Schnitzler-Lenoble Annick et Génot Jean-Claude, La France des friches : de la ruralité à la féralité, Versailles, Éd. Quae, 2012, p. 97.
32 Pays, paysans, paysages dans les Vosges du Sud : les pratiques agricoles et la transformation de l’espace, Paris, Inra, 1977, 192 p.
33 Dupré Lucié, « Des friches : le désordre social de la nature », Terrain, 2005, n° 1, p. 125-136.
34 Terrasson François, « Vive la friche ! La nature ne disparaîtra pas si les paysans s’en vont », Courrier de la cellule environnement, septembre 1988, n° 5.
35 Lévy Jacques, « Oser le désert. Des pays sans paysans », Sciences humaines, hors-série, mars 1994, n° 4, p. 7-9.
36 Pelosse Valentin et Micoud André, « Du domestique au sauvage cultivé. Des catégories pertinentes de la biodiversité ? », Études rurales, n° 129-130, 1993, p. 13.
37 Micoud André, « Comment en finir avec les animaux dits nuisibles », Études rurales, n° 129-130, 1993, p. 83-94.
38 Cornu Pierre, « Une approche historienne de l’érémitisation des hautes terres du Massif central », in Dalla Bernardina Sergio (dir.), Terres incertaines : pour une anthropologie des espaces oubliés, Rennes, PUR, 2014, p. 27-52.
39 Wilderness Momentum in Europe [http://www.wilderness.net/library/documents/IJWAug08_MartinKormos.pdf], consulté le 29 août 2016.
40 Callicott J. Baird et Nelson Michael P., The Great New Wilderness Debate, Athens (Ga), University of Georgia Press, 1998, 712 p. ; Callicott John Baird et Nelson Michael P., The Wilderness Debate Rages On : Continuing the Great New Wilderness Debate, Athens (Ga), University of Georgia Press, 2008, vol. 1, 723 p.
41 Dalla Bernardina Sergio, L’utopie de la nature, Paris, Éditions Imago, 1996, 256 p. ; Cornu Pierre, « Une approche historienne de l’érémitisation des hautes terres du Massif central », op. cit.
42 Larrère Catherine et Larrère Raphaël, Du bon usage de la nature : pour une philosophie de l’environnement, Paris, Aubier, coll. « Collection Alto », 1997, p. 186.
43 Mayaud Jean-Luc, « Dans les marges de la cartographie sociale de la France rurale contemporaine : entre espace de relégation et réservoir de valeurs », in Dalla Bernardina Sergio (dir.), op. cit., p. 53-71.
44 Pelosse Valentin et Micoud André, « Du domestique au sauvage cultivé », op. cit., p. 13.
45 Micoud André, « Éternelles campagnes ? », Écologie & Politique, 1, juillet 2011, n° 26, p. 83.
46 Ibid., p. 79.
47 Merchant Carolyn, Reinventing Eden. The Fate of Nature in Western Culture, Londres, Routledge, 2004.
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