Chapitre III. Une enquête homilétique
p. 107-127
Texte intégral
1Ce chapitre, plus méthodologie, présente les fondements archivistiques de l’enquête menée et précise, notamment, que l’objectif n’est pas d’analyser l’ensemble de la prédication protestante mais plus particulièrement de comprendre comment la parole en chaire croise la question de la res publica.
Un corpus resserré autour de la « chose publique »
2Quel sujet le pasteur aborde-t-il en chaire ? Peut-il prêcher sur tout ? La citation du sermon de Rabaut-Pomier en exergue de cet ouvrage indique l’existence de sujets à ne pas traiter. En effet, la plupart des manuels protestants cités comporte des conseils sur l’objet qui doit occuper les sermons.
De quoi parler en chaire protestante ?
3La première des règles à observer pour le prédicateur est l’unité du sujet traité. Il est mieux, en particulier pour ne pas perdre l’auditoire, de ne parler que d’un seul sujet plutôt qu’une « suite de sujets liés ensemble par des transitions1 ». Pour cela il ne faut pas hésiter à prendre un point particulier et à le traiter de manière très détaillée. B. S. Frossard explique ainsi qu’on peut « recommander une vertu, ou s’élever contre un vice, [que] c’est choisir un sujet qui ne manque ni d’unité, ni de précision ». Cependant, il ne faut pas le faire de manière trop générale « mais considérer cette vertu ou ce vice sous un aspect très-particulier » et donc « indiquer avec énergie comment ils modifient certains caractères, comment ils amènent telles situations de la vie, c’est mériter d’être écouté avec autant d’intérêt que de fruit2 ». Avec l’unité du sujet traité, le plus précisément possible, un second point paraît fondamental quant au choix de la thématique homilétique, celui de la circonstance3. Enfin, le sermon peut être « de toute espèce, pourvu qu’ils soient propres à instruire et édifier4 ». Ce que Vinet résume en une phrase de sa Théologie Pastorale : « Il faut, dans chaque sermon, partir de Jésus-Christ ou arriver à lui5. » Dans son Homilétique, le théologien fait un inventaire des « sujets du discours de chaire6 ». Il précède sa typologie de réflexions qui ouvre largement la possibilité de choix. En effet, il se pose la question de savoir si « les seuls sujets propres à la chaire sont ceux qui énoncent un dogme ou un devoir du christianisme ? ». Il y répond par la négative car « le christianisme embrasse tout ». Donc « ce qui a décrié certains sujets, ce n’est pas leur nature même : c’est qu’ils n’étaient pas traités chrétiennement ». Cependant, tout ne peut pas « devenir sujet de sermon » comme un « sujet qui a directement pour objet quelque intérêt de ce monde ». Agir ainsi serait revenir au xvie siècle, et provoquerait la même dégénérescence que celle qu’a connue l’Église. Il cite d’ailleurs un exemple de limite de prédication, tiré d’un écrit de 1812 du théologien allemand Christoph Friedrich von Ammon (1766-1850) :
« Schlez a tenté, dans ses sermons sur l’économie rurale (Nuremberg, 1788), de parler des jachères ; avant lui, on avait donné, dans la forme homilétique, des instructions sur les vers à soie ; et un autre prédicateur avait tracé, d’une manière touchante, les devoirs des chrétiens à l’approche d’une épizootie : ce prédicateur fut hautement loué du choix même de son sujet. De là jusqu’aux moyens de remplacer le sucre et le café dans les temps de cherté de ces denrées, de là jusqu’à la culture chrétienne des betteraves et au perfectionnement véritablement pieux du tabac, il n’y a certes pas loin. Luther n’avait-il pas annoncé qu’on ne tarderait pas à prêcher sur les canards bleus ? Cela viendra bientôt. »
4L’ironie face à la prédication de Johann Ferdinand Schlez (1759-1839) et d’autres montre les limites d’un tel sujet trop ancré dans l’intérêt matériel du monde. Il fait toutefois une exception, fondamentale pour le cœur de cette recherche, en se demandant si les sujets qui regardent le « bien social » sont exclus. La réponse est immédiate : « nous dirons que Non ; mais nous dirons que tout ce qui prétend aller au bien social sans passer par l’individu (par le perfectionnement chrétien de l’individu), est hors de l’objet de la prédication ». Il annonce donc « cinq classes de sujets : 1. Les sujets dogmatiques proprement dits. 2. Les sujets de morale proprement dite. 3. Les sujets historiques. 4. Les sujets tirés de la contemplation ou de l’étude de la nature. 5. Les sujets psychologiques ». Dans la première catégorie, se retrouvent des sujets théologiques, apologétiques. Concernant le deuxième groupe, Vinet convient que la morale est un sujet alors plutôt décrié essentiellement car elle a trop souvent été, par le passé, coupée du dogme. Elle est pourtant « la doctrine des mœurs ou de la vie pratique considérée dans ses rapports avec la loi et la grâce » et, en ce sens, elle fournit d’importants sujets de prédication. Elle est indispensable en chaire parce qu’elle est un moyen pédagogique pour « conduire à Jésus-Christ », elle permet de mieux comprendre le dogme et enfin parce qu’« elle a des rapports intimes avec le bonheur des individus et de la société ». Les sujets historiques sont importants également ils sont du goût des auditeurs et car c’est « par des histoires essentiellement que Dieu s’empare de notre cœur ». Ils sont donc pédagogiquement pertinents même si « l’orateur ne raconte pas comme l’historien ». Pour ce qui concerne les « sujets tirés de contemplation de la nature », il compare leur usage, trop fréquent par le passé, à celui des sermons de morale et souhaiterait que leur discrédit cesse dans l’opinion des auditeurs. La nature est pour lui une « immense parabole » et le Réveil nécessite de penser les rapports entre le Dieu de la nature et celui de l’Évangile. Il prend pour exemple le pasteur vaudois Louis Manuel (1790-1838) qui réalisa un sermon sur l’Hiver, sorte de longue méditation sur cette saison7. La dernière catégorie annoncée est celle des « sermons psychologiques8 ». Ils sont importants car ils touchent l’homme, et Vinet évoque les livres de Job et de l’Ecclésiaste comme fondamentaux pour pénétrer « les mystères de l’âme humaine ». Le prédicateur doit connaître l’homme pour lui parler, même si la psychologie fournit au final plus de substance aux sermons que des sujets. Outre la psychologie individuelle, celle de l’homme social, de la société est à intégrer dans les discours de chaire. D’où l’idée que
« rien de plus naturel et de plus facile que de rattacher à l’idée de Dieu celle de toutes les institutions providentielles ; de montrer, par exemple, dès le début de la Bible et du monde, Dieu fondateur de la société et de la civilisation par l’institution presque simultanée de la famille, de la parole, de la loi et du travail9 ».
5Ces sujets psychologiques sont donc un moyen de comprendre la « philosophie de la religion » qui est son « rapport avec le monde et la vie ». Rien n’est ainsi étranger à la religion. Vinet le répète, ne rien exclure véritablement de la prédication est une possibilité tentante même si l’essentiel de la prédication est l’instruction du fidèle. Se renouveler dans la parole de chaire est un moyen sûr pour l’intéresser et l’édifier.
6Dans la liste donnée, une autre catégorie de sermon s’est glissée, entre les sermons de morale et ceux historiques, ceux qu’il nomme les « sermons de circonstance ». Ils ne sont admissibles en chaire que lorsqu’ils sont l’occasion pour le prédicateur de « rattacher des vérités générales à des faits prochains et connus », mais il faut alors que ce qui est événementiel devienne intemporel. L’instruction que peut en retirer l’auditoire est certaine et, en note, est mentionné un exemple de ces vertus pédagogiques de la circonstance avec le « sermon de Saurin sur les Malheurs de l’Europe ». Ce sermon de Jacques Saurin apparaît dans le second volume des Sermons sur divers textes de l’Écriture, publié à La Haye (chez Ellinckhuysen), en 1713, et a plusieurs fois été réédité aux xviiie et xixe siècles. C’est dans cette catégorie qu’il classe logiquement les « sermons patriotiques et politiques », ajoutant qu’« il faudrait plutôt les écarter, et pourtant on peut être obligé dans de certaines circonstances graves d’aborder de tels sujets en chaire ». Il lie donc la prédication sur ces thèmes à la notion de gravité sans pour autant expliquer ce qu’il entend par « circonstances graves ». On peut recouper avec l’exemple du sermon de Saurin et penser que les contextes de guerres, de violence ou de crise politique en font partie. Sa réticence à utiliser ces sujets résulte du fait qu’ils sont par essence des thèmes qui sont ancrés dans le réel, dans le hic et nunc, rendant donc difficile une réflexion placée sous le sceau de l’éternité. Le danger également est que l’on peut, en traitant par exemple des aspects de la guerre et de la défense patriotique, souffler sur le « brasier des passions de l’homme naturel ». Pour Vinet, la grande difficulté est alors pour le prédicateur de rester neutre car « comment aujourd’hui parler politique sans prendre parti ? ». Enfin, un dernier élément à prendre en compte est celui de l’« utilitarisme » de la parole de chaire sur ces sujets. Il renvoie ici à des discours de Saurin mais plus particulièrement à celui d’Ancillon sur le Jubilé de la Monarchie. Il s’agit en effet du Sermon sur le jubilé séculaire de la Monarchie prussienne prononcé dans le temple de Werder, le 1er janvier 1801, et publié la même année10.
7Mais Vinet convient qu’il est difficile de laisser de côté ce qui préoccupe les gens, il faut donc le faire mais en prenant garde de calmer et de modérer les pensées et les actes et ne pas faire du prédicateur un journaliste, ni un pamphlétaire. La parole de chaire est une parole de modération et si l’orateur souhaite entrer dans ces catégories de parole vindicative ou d’opinion, ce n’est pas en chaire qu’il doit le faire car « on a aujourd’hui tant d’autres moyens ». Prêcher sur de tels sujets nécessite une très grande finesse, des qualités et une habileté qui ne sont pas forcément données à tous. Et, d’ailleurs, si Vinet énumère six domaines généraux de prédication, il insiste sur le fait que pour un jeune prédicateur, il n’y en a que deux, la dogmatique et la morale : « Les trois dernières classes de sujets11 supposent chez le prédicateur un discernement, un tact, qui ne peuvent être que le fruit de l’expérience. » Ce qui ne l’empêche pas de « faire entrer bien des idées et des faits recueillis dans les domaines où il ne prend pas des sujets de prédication ».
8Notre enquête vise donc plus particulièrement les sermons de circonstance, les sermons politiques, les sermons historiques mais aussi les sermons de morale car elle s’attarde plus spécifiquement sur ce qui relève de la res publica.
Res publica et république : histoire de mots
9L’objectif de cette enquête n’est pas l’analyse de l’ensemble de la prédication des années 1740 aux années 1840 mais, plus spécifiquement, il s’agit de voir comment les pasteurs, lorsqu’ils prêchent, sont amenés à parler de ce que l’on peut appeler la res publica.
10Ce terme latin de res publica, singulier collectif, traduit généralement par la « chose publique » ou le « bien public », désigne en fait plusieurs réalités12. Cette expression, opposée à la res privata, a été qualifiée juridiquement par les Romains et demeure difficile à délimiter13 car elle désigne à la fois une chose et un processus. La définition la plus souvent admise est celle du De Republica de Cicéron, transmis à l’occident médiéval par Saint-Augustin : « est […] res publica res populi, populus autem non omnis hominum coetus quoquo modo congregatus, sed coetus multitudinis iuris consensu et utilitatis communione societus14 ». Le peuple est donc au centre de cette définition, suivant l’idée qu’il est agrégé dans une forme de communauté d’intérêts communs. Res publica, chez les Romains devient synonyme de utilitas publica, salus publica, une forme de bien-être, de prospérité commune qui peut augmenter ou diminuer, d’où l’importance de préserver la res publica et de travailler à son maintien, raison d’être du droit public. Avec la chute de l’Empire romain, ce terme est moins utilisé, au moins jusqu’à la réorganisation par Charlemagne15. Mais avec le Moyen Âge, sa définition évolue. La pensée médiévale de Cicéron ainsi que les écrits de Platon (La république) et Aristote (Le politique) et surtout leur utilisation par des penseurs comme Engelbert d’Admont ou Jean de Salisbury ont contribué à faire de la res publica une communauté politique souvent présentée de manière organiciste, où la coopération des membres du corps assure le salut d’un tout (théorie qui recoupe l’idée chrétienne d’Église comme corpus christi). À la fin du Moyen Âge, res publica désigne donc « l’unité transpersonnelle d’une organisation politique, douée d’une permanence vitale par-delà les individus de chair et d’os de ses membres16 ».
11Deux autres utilisations du terme ont, durant cette période, débouché sur une complexification de cette notion. La première émane des juristes qui, à partir du xiiie siècle, ont qualifié certaines communautés – civiles comme ecclésiastiques – de res publica. La seconde est issue de l’aristotélisme politique, qui a tout d’abord rejeté le terme res publica avec la traduction, par Guillaume de Moerbeke, reprise par Thomas d’Aquin, de politeia par politia ; pour ensuite, et à partir de la fin du xve siècle, l’adopter avec le remaniement du texte de Thomas d’Aquin par Ludovicus de Valentia, en 1492, et l’assimilation de politia et res publica.
12Ces différents usages ont donné au terme res publica une polysémie importante. D’une part, « la conception organique du corps politique visait à accentuer la complémentarité des fonctions et, par conséquent, la réciprocité des devoirs des membres d’une communauté17 ». La dimension est ici éthique et morale. D’autre part, « la doctrine des collectivités, elle, fut forgée pour établir l’unité institutionnelle d’une communauté en tant que personnalité juridique et pour saisir la manière d’opérer de ses institutions18 ». Dans ce second usage c’est une doctrine juridique qui est fondée. Enfin, « il appert que l’usage synonyme de politia et de res publica déboucha sur la notion de l’État moderne » en tant qu’effort du prince pour centraliser le pouvoir et « Bodin l’a bien vu, alors qu’il affirma […] “la République a cela d’avantage, que c’est une communauté gouvernée par puissance souveraine”19 ». Le titre de l’ouvrage de Bodin, Les Six livres de la République (1576), ainsi que l’article I de la Constitution de l’an XII20 montrent que cette dernière notion de res publica, à l’époque moderne, ne peut être reliée à une forme de gouvernement : elle intéresse à la fois la monarchie et l’Empire ; la république également, à partir de septembre 1792. Éric Gojosso note que l’historiographie a trop souvent négligé l’intérêt de cette notion de république sous l’Ancien Régime. Pourtant, c’est à cette époque que « deux acceptions semblent s’imposer. Pour l’une la république – ou chose publique – correspond au corps politique. Pour l’autre, elle désigne déjà, dès le xvie siècle, un régime politique21 ». Le bien de la communauté comme fondement de l’activité royale apparaît dans de nombreux textes monarchiques22, la res publica, la « chose publique », n’est pas simplement de l’ordre de la rhétorique utile pour affirmer le pouvoir du monarque, elle est aussi action en faveur des gouvernés. Elle s’exerce dans de nombreux domaines, économiques, judiciaires… et retrouve ses caractéristiques romaines : elle est chose du peuple et en même temps une organisation communautaire où l’intérêt public domine. Le roi – simple usufruitier à l’égard du domaine – œuvre pour le bien de la chose publique, régit, gouverne la chose publique dans l’intérêt de tous. Claude de Seyssel (1450-1520) ne postule pas autre chose dans son Poème en la translation de l’Histoire d’Appian ou sa Grant monarchie de France. De même Guillaume Budé (1467-1540) dans son Institution du prince, demande au monarque de « faire et ordonner choses prouffitables et salutaires au peuple et à la chose publique23 ». Les réformateurs, tels Calvin, se situent notamment dans cette position. Celui-ci assimile la république à la communauté politique alors qu’il exprime que « toutes les républiques consistent en deux choses : c’est à savoir en la rémunération des bons, et en la punition des mauvais ». Elle est composée de trois éléments : le magistrat, « gardien et conservateur des lois », la loi elle-même, « selon laquelle domine le magistrat » et enfin le peuple « qui doit être gouverné par les lois et obéir au magistrat24 ». Cet État de droit impose de se soumettre suivant l’Épître aux Romains XIII, sur lequel nous reviendrons.
13La plupart des penseurs politiques du xvie siècle évoquent dans leurs écrits la « république », Charles Dumoulin, Guillaume de La Perrière, François Hotman… et permettent de comprendre qu’elle signifie une organisation de pouvoir désignée par la royauté ou par un autre régime politique acceptable (l’aristocratie par exemple). La préférence va cependant toujours vers la première, à l’exemple du Charles de Figon dans son Discours des états et des offices (1579) : « Entre toutes les sortes de républiques du monde, la monarchie est tenue et réputée la plus sûre et la plus excellente25. » Avec les guerres de religion, le rejet de la violence caractérise la république qui impose un espace public ordonné par la loi, elle-même respectée inconditionnellement par tous. L’ordre civil doit dominer, y compris les problèmes religieux. Étienne de la Boétie et le chancelier de l’Hospital s’opposent pour savoir si la république peut admettre plusieurs religions alors qu’Étienne Pasquier prône une acceptation des différences : « Pour pacifier ces troubles […], il n’y a point de moyen plus prompt et expéditif que de permettre en votre république deux Eglises : l’uns des romains et l’autres des protestants26. » Avec les monarchomaques, protestants comme catholiques, l’idée de sanction pour le monarque qui ne respecte pas les principes supérieurs est avancée, tout comme émerge chez certains, l’idée de monarchie élective (Théodore de Bèze ou Eusèbe Philadelphe) en s’appuyant sur le cas du royaume d’Israël dont le roi était de lignée héréditaire mais électivement choisi quant à sa personne. Cependant, avec la fin du xvie siècle, la res publica populi s’éclipse au profit de la figure du souverain qui prend toute sa pleine puissance ; ainsi, la définition de la république par Bodin est morale et juridique, et le peuple en est absent27. La loi et son élaboration en sont la charpente et le monarque détient, seul, la souveraineté. Les juristes qui écrivent après lui se placent, pour beaucoup, dans cette perspective et la plupart des théoriciens préfèrent l’emploi du mot État à celui de république, même s’il est pensé encore en termes synonymes28. La res populi est d’autant plus amoindrie que l’autorité du prince vient de Dieu, que la res publica est un ordre politique qui tire son pouvoir d’une instance transcendante : l’absolutisme de droit divin écrase tout autre prérogative comme le rappelle également Antoine Le Clerc29.
14Si les auteurs confondent république et État, refusent la res publica populi au profit de la souveraineté d’un monarque absolu de droit divin, d’autres, dès les xvie et xviie siècles, utilisent le mot « république » pour désigner une forme de gouvernement différente de la monarchie. Tel est notamment le cas de Louis Le Roy qui publie en 1576 De l’excellence du gouvernement royal dans lequel la république apparaît soit avec une souveraineté confiée au peuple soit à une minorité. Cette république est cependant fortement critiquée et critiquable : les républicains sont souvent présentés comme ambitieux et égoïstes, l’instabilité politique est importante, l’intérêt général peu respecté. Athènes, Rome ou Florence en sont, pour l’auteur, des exemples. Le mot sert aussi à désigner des entités politiques du moment qui ont un régime non-monarchique : dans la péninsule italienne, certaines villes de l’empire germanique, plus tardivement les Provinces-Unies, parfois également la Pologne. Ce qui caractérise la république est alors « l’élection du (ou des) gouvernant(s) et la participation des gouvernés par l’intermédiaire d’un conseil30 ». Avec la seconde moitié du xviie siècle, la république devient cependant un régime qui n’est plus négativement pensé : « Un État gouverné par plusieurs », telle est la définition lapidaire donnée par le Dictionnaire de l’Académie française en 1694, puis en 1718, « le terme de république comprend également l’état populaire et l’état aristocratique ». Bossuet a synthétisé les différents types de république : « Les unes se gouvernaient par tout le peuple, ce qui s’appelait démocratie ; les autres par les grands, ce qui s’appelait aristocratie31. » C’est un régime qui reste difficilement admissible dans la mesure où beaucoup de penseurs prônent le maintien de la tradition.
15Au seuil du xviiie siècle, le mot est donc riche de sens, hérités de périodes anciennes. La plus récente a vu véritablement le mot république être généralement employé pour désigner non plus l’État mais un régime politique. Et cette utilisation va s’amplifier au siècle des Lumières même si la polysémie demeure32. Un moment important est cependant la publication de l’Esprit des lois de Montesquieu (1748) et la plupart des penseurs, qu’ils soient partisans de l’absolutisme ou d’un gouvernement modéré, se rallient aux vues du philosophe : « Il y a trois espèces de gouvernements : le républicain, le monarchique et le despotique33. » La soumission à la loi est gage de liberté et le propre des gouvernements modérés, monarchies comme républiques. Les libertés ne sont pas simplement civiles mais aussi politiques et couplées, pour les auteurs les plus audacieux, à « la participation à la police ou au gouvernement » et à être ainsi contraint par la volonté générale en vue du bien commun34. Mably, dans Des droits et des devoirs du citoyen explique ainsi qu’être libre c’est « être son propre législateur35 ». Pour l’avocat Simon Linguet (1736-1794), la république « est l’administration où tous les citoyens sont souverains en commun36 ». De fait, il est, avec son confrère Pierre Bouquet, « Rousseau et peut-être l’abbé Reynal ou Morizot, [les seuls] à soutenir l’exclusivisme de l’équation république-démocratie avant le développement de l’œuvre politique de Condorcet37 ».
16Avec la liberté, d’autres caractéristiques sont données au régime républicain : la vertu comme sens moral, l’amour de la patrie, l’attachement au bien public, l’égalité, la représentation du souverain, l’élection des gouvernants… Elle apparaît comme un possible moyen d’éviter l’arbitraire de l’autorité, un rempart contre le despotisme, de plus en plus décrié par les penseurs du xviiie siècle. Montesquieu défend particulièrement l’idée que les ressorts du régime républicain sont positifs car il est fondé sur la vertu : « Comme il faut de la vertu dans une république, & dans une monarchie de l’honneur, il faut de la crainte dans un gouvernement despotique38. » Cette vertu est « l’amour de la république39 » et c’est par l’éducation particulièrement qu’elle se déploie. Mais pour lui – comme pour d’autres – ce régime est plutôt du passé et dominent alors les royaumes et les empires ; sa préférence va au régime modéré anglais et la France n’est certainement pas le pays où une république doit s’installer.
17La Révolution française instaure pourtant une première république, en tant que régime politique. Cela ne signifie pas que pour les contemporains la polysémie du mot ait disparu. Ainsi Mirabeau « utilise le terme dans le sens de régime politique, mais le prend aussi comme synonyme de chose publique, d’ensemble des intérêts publics […]. On note également l’utilisation massive, par tous les acteurs de 1789, de l’expression “chose publique”40 ». Le mot en lui-même est parfois peu opérant à l’instar de Camille Desmoulins qui explique dans son journal que république est « un mot insignifiant dont se servait François Ier, qui disait la république de France dans ses ordonnances […], mot auquel personne de nous tient41 ». Mais la république devient une réalité institutionnelle et non seulement des principes, des valeurs, fondée sur la souveraineté de la nation, la liberté civique et l’égalité politique, avec la proclamation de la Ire République, le 22 septembre 179242. Elle est alors et avant tout, l’opposé de la monarchie, de l’ordre ancien et se construit comme un modèle d’État du peuple souverain.
18C’est donc dans toute la complexité et la plasticité de ces mots res publica/ république et des valeurs qu’ils portent – bien commun, interdépendance des membres d’une communauté, forme étatique, régime politique, pouvoir dé/centralisateur, participation à la vie politique… – et en prenant en compte l’héritage des théoriciens passés qu’il convient d’étudier comment, dans la source homilétique, ils sont présentés. De fait, tous les sermons prêchés durant la période sélectionnée n’ont pas été retenus pour un tel travail. Cela serait matériellement infaisable dans le temps, et sans doute aussi dans l’absolu car certaines sources ont disparu. Nous nous sommes donc limités aux sermons traitant de la thématique politico-théologique au sens large. Pour cela, une première étape a été de sélectionner les sermons en fonction de leur titre ou, s’il n’y en a pas, en particulier pour les sermons manuscrits, sur la péricope d’accroche43. Ont ainsi été retenus les discours développant le respect dû aux autorités, les sermons de circonstances ou politiques du type couronnement, funérailles, communément appelés discours d’apparat ou bien encore des éloges funèbres, ainsi que les sermons de « morale sociale ». Les sermons d’inauguration de temple sont également à retenir car ils sont souvent l’occasion d’évoquer les conditions politiques de l’exercice du culte protestant et donc abordent une thématique qui intéresse la « chose publique ». À côté de ces discours thématiquement, ont également été sélectionnés des fonds entiers des discours manuscrits comme ceux des pasteurs Rabaut, le père, Paul et les fils Jean-Paul et Jacques-Antoine, discours conservés à la Bibliothèque de la société du protestantisme français à Paris. La raison de ce choix est double : d’une part, car nous avons vu que, si le sermon a généralement un sujet principal, il peut y avoir des idées émanant d’autres thématiques qui s’y trouvent. Et en particulier pour ce qui relève de la « chose publique ». Ainsi, les sermons sur la richesse et la pauvreté, sur l’éducation sont susceptibles de fournir des informations sur la prédication sur la « chose publique ». D’autre part, il s’agit avec cette famille de trois pasteurs ayant une place importante dans la communauté protestante – et nationale pour les fils – du milieu du xviiie siècle au début des années 181044. Voyons plus en détail, le corpus ainsi sélectionné, sa répartition géographique et les pasteurs auteurs de ces textes.
Des textes, des lieux et des hommes
19L’enquête repose sur une sélection de sermons, manuscrits et imprimés qui s’échelonnent de 1744 à 1848. Les bornes chronologiques ont été explicitées en introduction, ainsi que la variable de sélection dans la section précédente. Il reste à présenter le corpus obtenu plus en détail.
Les textes pastoraux
20Le dépouillement exhaustif des titres des sermons conservés à la Bibliothèque de la société de l’histoire du protestantisme français, ainsi que ceux du musée du Désert à Mialet, la consultation du catalogue de la Bibliothèque nationale de France pour les sermons imprimés, ainsi que de certains fonds d’archives départementales45 ont permis de constituer un corpus documentaire qui comporte 154 sermons prononcés dans les Églises françaises46, 27 sermons dans les Églises françaises du Refuge ou des territoires annexés à la France sur cette même thématique (Allemagne, Suisse, Belgique, Angleterre) ; à cela s’ajoutent 29 sermons dont la thématique n’est pas spécifiquement politico-religieuse mais qui permettent de toucher ce qui relève de la « chose publique » et, enfin, 5 oratorios et hymnes chantés à l’occasion de fêtes nationales. À ces 215 documents, il faut ajouter 16 sermons évoqués dans les sources anciennes mais qui n’ont pas été retrouvés et restent donc inexploitables. Vient ensuite le fonds Rabaut qui est composé de près de 340 textes47.
21C’est essentiellement à l’occasion de circonstances particulières, dynastiques ou militaires, que la parole de chaire protestante aborde la question de la res publica entendu au sens de rapport au pouvoir politique. Les sermons d’apparat sont particulièrement propices à ce moment, comme celui attribué à Armand Daniel ou à Lombard Lachaux, Discours prononcé sur la mort de Louis XV et sur le règne de Louis xvi prononcé dans le Bas-Dauphiné par un ministre du Désert48. Les éloges funèbres, les discours autour de la fête d’un monarque – à l’exemple du Sermon prêché le 25 aout jour de la fête du roi Louis XVIII, par deux pasteurs, Théodore Vier et Thalès Geminard, à dix ans d’intervalle en 1815 et 1825 – sont autant de textes où les éléments relevant du registre de la chose publique se retrouvent. Pour ce qui regarde le sens plus ancien de res publica, celui d’intérêt général ou de bien public, le propos peut-être plus diffus et se retrouve logiquement dans des sermons que l’on pourrait qualifier de moraux. Certains sont à forte tonalité politique – comme celui énoncé par Pierre Bourrit, à Lyon en 1805, Sur les devoirs du citoyen49 – ou bien plus généraux comme le Sermon sur la plainte d’un peuple affligé, prononcé par Pierre Mordant (1754-1813) à cinq reprises en 1790, 1793, 1800, 1806 et 1808 dans l’Église de Rouen50.
22Les sermons du fonds Rabaut sont logiquement plus variés dans leur thématique et ceux qui ont pu être utiles à cette étude, en dehors de ceux spécifiquement d’ordre théologico-politique sont essentiellement des sermons de morale qui représentent une part non négligeable de l’homilétique des pasteurs, de manière croissante en fonction suivant les générations puisqu’il représente (16 % des discours chez le père et 51 % chez son fils aîné Rabaut Saint-Étienne51).
France et étranger
23Si l’on se penche maintenant sur la répartition géographique des sermons, plusieurs variables peuvent être repérées. Tout d’abord, en reconstituant de manière « anachronique » les provinces synodales protestantes – anachronique car fondée sur la carte du découpage du xviie siècle établie par Samuel Mours52 – on obtient la ventilation hexagonale suivante à partir des 134 discours dont on peut connaître l’origine de prononciation (voir carte 1).
24Quatre provinces, le Béarn, l’Aunis-Saintonge, le Maine-Anjou-Touraine et l’Orléanais-Berry, ne livrent aucun sermon. Les treize autres en revanche fournissent entre 1 et 28 discours. Cette amplitude s’explique par la qualité de la conservation des sermons d’un pasteur. Ainsi, les sermons du ministre parisien Marron sont particulièrement bien conservés car imprimés. En Bretagne, alors que la province n’est pas un fief protestant53, les sermons de Pierre de Joux ont connu le même sort et offrent une surreprésentation, par rapport à la démographie protestante, de cette portion de territoire. L’essentiel toutefois du pays est concerné par cette étude et, si l’on recense les localités où les prédications ont été prononcées, les Églises numériquement importantes sont représentées parmi les vingt-neuf communes identifiées54 : Nîmes, Paris, Montauban, La Rochelle… Même si, en pourcentage, le nombre de sermons prononcés dans une Église urbaine est considérable (90 %) et s’explique sans doute par la meilleure diffusion des sermons des pasteurs exerçant leur fonction dans des villes, alors qu’en valeur absolue, la répartition entre communautés urbaine et rurale est à peu près équivalente (respectivement 55 % et 45 %).
25Concernant les 28 sermons prononcés en dehors des provinces protestantes, au Refuge ou dans des territoires qui ont été, pour un temps, annexés à la France55, on en retrouve 18 en Allemagne (Berlin, Hanau, Potsdam), 13 en Suisse (Genève, Saint-Gall et Neuchâtel), 2 à Bruxelles et 1 à Londres. Nous avons ici les principaux foyers traditionnels du Refuge huguenot avec une prépondérance pour l’Allemagne et la Suisse, là aussi sans doute due aux effets d’une meilleure conservation et diffusion.
Des destins variables
26Un autre point important concernant ces textes touche les pasteurs qui les ont rédigés et prononcés. Tous les sermons ne sont pas attribués, et certains demeurent anonymes : c’est le cas de 19 des 154 sermons français et 2 des 28 discours prononcés à l’étranger. L’anonymat peut s’expliquer, en particulier en France, avant 1791, par l’interdiction du culte qui obligeait les pasteurs à rester discrets sur leur identité, en particulier dans le cas des rares sermons imprimés de cette période. Ce faible taux d’anonymat permet ainsi d’identifier 71 ministres ayant prononcés au moins un sermon spécifiquement sur la chose publique, orateurs dont les noms apparaissent dans les tableaux suivants.
Tableau 1. – Liste des pasteurs – France.
Daniel Armand (1745-1831) | François Martin (1757-1838) |
Jacques-François Armand (1736-apr. 1799) | Paul-Henri Marron (1754-1832) |
Paul Louis Marie Armand-Delille (1784-1815) | Jacques Matter (1791-1864) |
Jean-Pierre Astier (1757-1839) | Honoré Michel (1766-1861) |
Carl-Friedrich Baër (1715-1797) | Jacques Molines (1749-1827) |
Jean-Antoine Blachon dit Silva (1753-1821) | Jean Monod (1765-1836) |
Jean-Paul Blachon | Frédéric Monod (1794-1863) |
Georges David Frédéric Boissard (1783-1836) | Pierre Mordant (1754-1813) |
Pierre Bourrit (1762-1841) | Jacques Olivier-Desmont (1744-1825) |
Marc-Antoine Castelviel (1777-1837) | « Gustave » Pache (av. 1799-18..) |
François Cheyssière (1778-1834) | Jean P. Pascal (17..-18..) |
Combe (v. 1720) | Pierre Petersen (av. 1775-1830) |
Éliacin Scipion Combet (1799-1871) | Jacques Peyran (1786-1753) |
Athanase Coquerel (1795-1868) | Pierre Pierredon dit Martin (1720-1806) |
Pierre Devèze (av. 1790-1821) | Paul Rabaut (1718-1794) |
Pierre-Louis Dugas (av. 1775) | Jacques Antoine Rabaut dit Rabaut-Pomier (1744-1820) |
F. C. de Felice (1775-1809) | Jean-Paul Rabaut dit Rabaut Saint-Étienne (1743-1793) |
Benjamin-Sigismond Frossard (1754-1830) | Jean-Alexandre Rang (1756-1824) |
Pierre Gaitte (1790-1877) | Jean-François Matthieu Roux (1777-1848) |
Simon-Guillaume Gibert (1780-18..) | Antoine Sabatier-Plantier (1737-1819) |
Jean-Jacques Goepp (1771-1835) | Olivier-J. de Sardan (1772-1834) |
Jean Jay dit Ruivert (1743-1807) | Paul-Frédéric Schlick (1757-1822) |
André Jeanbon Saint-André (1749-1813) | « Auguste » Daniel Emmanuel Touchon (1785-1850) |
Pierre de Joux (1752-1825) | Adrien Vincent (1754-1836) |
Charles Juillerat-Chasseur (1781-1867) | Jacques Louis-Samuel Vincent (1787-1837) |
Charles Théodore Kuntz (1798-1861) | Jean-François Vouland (17..-18..) |
Simon Lombard (1739-1818) |
Tableau 2. – Liste des pasteurs – Églises de l’étranger.
Antoine Achard (1696-1772) | Louis Mercier (17..-18..) |
Jean-Frédéric Ancillon (1767-1837) | Adam Moëder (1726-1796) |
Louis-Frédéric Ancillon (1740-1818) | Pierre Mouchon (1733-1797) |
Jacques-François Armand (1736-apr. 1799) | Charles Moulinié (1757-1836) |
J. Ant. Bocquet | Louis Élie Pajon (v. 1730-1…) |
Charles Bourrit (1772-1840) | Pierre Picot (1746-1822) |
Jacques Abel Brunier (1708-1798) | Pierre Christian Frédéric Reclam (1741-1789) |
J.-P. Charlier (17..-18..) | Pierre Stehelin (1745-apr. 1786) |
Jean Pierre Erman (1735-1814) | Théremin de Gramzore (17..-18..) |
27Le Dictionnaire des pasteurs dirigé par Yves Krumenacker ainsi que les travaux de Daniel Robert sur la période 1800-1830 permettent de comprendre que nous avons qu’un échantillon réduit de la population pastorale56. Mais elle n’en est pas pour autant peu représentative. En effet, parmi ces pasteurs nous retrouvons les grandes « voix » du protestantisme français avec, pour la période du Désert, Paul Rabaut et son fils aîné, Rabaut Saint-Étienne, pour la période révolutionnaire, André Jeanbon Saint-André ou Paul-Henri Marron, pour l’ère napoléonienne le même Marron, Rabaut-Pomier ; plus tardivement, le nom de Athanase Coquerel. À côté de ces personnages que la postérité protestante a retenu, il en est d’autres moins connus. Cela permet donc une variable importante dans cette approche de la prédication sur la république : ce ne sont pas que des pasteurs renommés, exerçant dans de grandes Églises qui s’expriment mais aussi de simples ministres dans des communautés parfois très réduites.
Un siècle de prédication francophone
Une source aléatoire
28De ces quelques résultats chiffrés, et pour ce qui regarde la réforme française, force est de constater que la source homilétique subit les contres-coups d’une religion minoritaire plus ou moins acceptée dans la période choisie pour cette étude. C’est le cas de toute archive protestante comme l’a souligné Claude France Hollard57.
29En effet, comment les sermons arrivent-ils dans les dépôts d’archives ? La question se pose surtout pour l’Ancien Régime et les sermons manuscrits. Conserver de tels documents représentait alors un danger réel car ils permettaient l’identification d’une fonction interdite et risquait de mener au bûcher58. Ils étaient donc conservés dans les familles et beaucoup ont été restitués à la Société de l’histoire du protestantisme français fondée en 1852. Ainsi, l’archiviste Teissier note, en 1900, sur un sermon prêché en 1766 par François Noguier : « Ce sermon a été trouvé à Aumessas (Gard) avec d’autres papiers de feu Mr François Noguier dit Ranvadel. […] C’est sa petite-fille, Zélia Noguier, […] qui me les céda pour la Société de l’histoire du protestantisme59. » Pour un sermon conservé, combien ont dû être perdus ? Impossible de le savoir mais, à n’en pas douter, un certain nombre. Cela produit donc une chronologie qui n’est pas régulière, et fait du sermon protestant un document relativement fragile à appréhender.
30Si l’on reprend la répartition chronologique de nos documents prononcés dans les Églises françaises, on obtient la ventilation suivante60 :
3196 % des sermons théologico-politiques prononcés en France ont pu être datés et plusieurs remarques sur la chronologie s’imposent. Tout d’abord, la période « napoléonienne » du siècle choisi pour cette étude représente près de 41 % des sermons, ce qui est considérable rapporté au nombre d’années. Cela s’explique par des facteurs interne et externe aux Églises. En effet, il s’agit du moment où les protestants retrouvent la possibilité de prêcher légalement après la période révolutionnaire qui a fait taire les pasteurs. De fait, les sermons peuvent non seulement être écoutés en chaire (ou en extérieur) mais ils peuvent aussi être imprimés légalement. Certains pasteurs, on l’a vu, n’hésitent pas à publier eux-mêmes leurs sermons dans des recueils de compilation de textes. Il y a donc une multiplication des sermons imprimés, ce qui facilite en outre leur conservation. D’un point de vue externe aux Églises, les pasteurs sont invités, comme les prêtres, à participer à la propagande napoléonienne et cela produit une inflation des discours de chaire sur la question de la « chose publique », nous y reviendrons.
32Deux « pics » dans la chronologie s’observent ainsi : durant les années 1806-1807, 28 discours théologico-politiques sont prononcés portant, pour certains, sur l’anniversaire de l’Empereur conformément au décret du 19 février 1806, qui institue la « Saint Napoléon », le 15 août. Si l’esprit du texte et l’article 1er lient profondément cette fête à la religion catholique61, l’article 3 devient plus neutre et impose finalement à tout homme de culte le même geste. L’article 5, quant à lui, mentionne directement les protestants : « Le même jour, il sera célébré, dans tous les temples du culte réformé un Te Deum solennel, en actions de grâces pour l’anniversaire de la naissance de l’Empereur ». Si l’Église catholique a émis quelques réserves sur cette fête qui interférait avec l’Assomption, les pasteurs protestants n’y trouvèrent rien à redire, ou parfois pour certains y virent un moyen de contrecarrer la fête de Marie. Une seconde explication à l’inflation des sermons sur ces deux années – auxquelles on pourrait dans ce cas ajouter 1805 où 9 sermons entrent dans cette catégorie – est l’effort de guerre qui est demandé à la population française. La levée des troupes, les actions de grâce pour les victoires, les batailles de l’armée napoléoniennes sont autant de circonstances qui font que les pasteurs sont amenés à s’exprimer sur l’intérêt général et le bien commun, nous le verrons. Le second pic est l’année 1814 et s’explique ici par la chute de Napoléon et le retour des Bourbons avec Louis XVIII. Dans tous les cas, acceptation comme rejet, la personne de Napoléon, et ses actions politiques, ont été sujets à faire parler les pasteurs et, par une simple analyse chronologique, la parole de chaire protestante semble avoir participé aux grandes fêtes napoléoniennes.
33La décennie révolutionnaire pourtant particulièrement riche en événements politiques semble moins prolixe avec seulement 20 sermons. Pourtant, cela est finalement assez conséquent quand on la compare au 38 de la période 1744-1789 (2 sermons/an contre 0,85). Cela est d’autant plus important que les pasteurs ont cessé toute prédication ou presque, on l’a vu, durant les années 1794-1796 et que les Églises peinent à se reconstituer. Le moment 1789-1790-1791 est même relativement propice à des sermons théologico-politiques puisqu’on en comptabilise 16. Certes, cela est autant que la seule année 1806 mais, si l’édit de 1787 a permis l’existence de l’état civil protestant, ce n’est qu’en septembre 1791 que la possibilité de prêcher légalement est accordée. Donc les pasteurs s’expriment sur les événements politiques en cours dans un contexte radicalement différent de la période napoléonienne, ce qui rend cette parole de chaire en période révolutionnaire au final beaucoup plus riche qu’elle ne semble l’être par la quantité des textes.
34Enfin, les deux périodes d’ouverture et de clôture de cette étude sont relativement identiques en termes quantitatifs (0,85 sermon/an en moyenne également), la seconde étant plus productrice de sermons imprimés, sans doute à cause de la légitimité établie et continue de la parole de chaire protestante.
35Ce moment de la prédication a donc laissé des traces écrites que sont les sermons, il a également été propice à développer des images qui représentent les prises de paroles des pasteurs.
Arrêt sur images
36Le message a été maintes fois répété, la prédication constitue un acte important du culte protestant. Et même si le pasteur Bonifas-Laroque commence son manuel par l’idée inverse – car la prédication n’est « que l’ouvrage de l’homme » et non de Dieu – il concède qu’on lui « donne le premier rang. Chacun aime d’entendre le sermon ; et plusieurs croyent d’avoir rempli, par là, tout l’essentiel du culte62 ». Les représentations iconographiques du pasteur en chaire, pieusement écouté par son auditoire, ne manquent pas dès l’origine de la Réformation. Philippe Martin souligne ainsi que « les grands réformateurs [étaient] souvent représentés en chaire63 ». On pense notamment aux gravures du xvie siècle comme celles des Cranach : l’Ancien choisit d’illustrer, entre 1527 et 1529, le troisième commandement dans le Catéchisme de Luther par un prêche (on remarquera la posture du prédicateur avec la main droite levée comme l’indique Bonifas-Laroque dans son manuel manuscrit du début du xixe siècle), devenu symbole de la communio in ecclesia64. Le Jeune réalise La vraie et la fausse Eglise, gravure exécutée entre 1546 et 1547, où la prédication de Luther, mise en parallèle de celle d’un moine, relève directement d’un lien avec Dieu, via le Fils et le Saint-Esprit, la main droite une nouvelle fois levée vers le ciel. La fameuse représentation de l’intérieur du Temple de Paradis de Lyon, en 1564, rend compte également de la présence en chaire du pasteur avec une disposition centrale favorisant l’écoute65.
37Au xviiie siècle, les assemblées au Désert sont rarement représentées mais l’iconographie du temps a en commun de mettre en scène la foule entourant le pasteur en chaire, telle la gravure de l’Assemblée de Lecques près de Nîmes, d’après un dessin de Joseph Boze (1780)66 (illustration 14 et couverture de l’ouvrage).
38La foule qui se presse autour de la chaire alors que l’interdit de se rassembler demeure est le signe de la vitalité de la foi protestante que rien ne parvient à éteindre. Deux autres exemples contemporains sont une gravure de L. Bellotti (illustration 15) d’après le dessin de J.-J. Storni, dont deux détails ont déjà été présentés (l’assemblée a lieu cette fois-ci dans la clairière d’un bois), et une gravure anonyme du xviiie siècle (illustration 16). La première reprend le motif important de la foule alors que la seconde, plus intime, représente une scène de plein air : les participants sont rassemblés autour d’un pupitre qui contient des livres, sans doute des bibles. Le culte va commencer ou vient de se terminer, la chaire pastorale étant vide.
39Sur la gravure de Bellotti, on remarque que les hommes et les femmes, bien que fort nombreux, sont séparés lors du culte. Dans le règlement du Bas-Languedoc de 1739, il est en effet prévu que les anciens veillent « de faire en sorte que, dans toutes les assemblées, les femmes soient séparées des homes [sic] et qu’elles soient placées dans le centre de l’assemblée67 ». Durant la reprise du culte dans l’église Saint-Louis-du-Louvre à Paris, les témoins rendaient compte de la présence mélangée des fidèles, quel que soit leur sexe, tout comme sur la gravure de Boze.
40Au xixe siècle, le motif du pasteur en train de prêcher dans le Désert huguenot rejoint celui de la peinture d’histoire avec par exemple l’œuvre de Karl Girardet (1813- 1871), Assemblée de Protestants surprise par des troupes catholiques, qui reprend le même motif, ajoutant à la scène, la dangerosité pour les pasteurs d’officier dans ces temps de persécution.
41Le lieu de prédication est cette fois-ci une grotte, le public plus restreint. La toile a été présentée au Salon de 1842, après une commande de la ville de Neuchâtel. La composition du tableau est simultanément reproduite par la gravure, et contribue au succès de Girardet qui devient ainsi un des peintres favoris de Louis-Philippe. D’autres peintres, plus tardifs, perpétuent le genre à l’exemple de Jeanne Lombard (1865-1945), fille de pasteur, née à Genève mais venue dans le sud de la France dès son enfance, ou bien le montpelliérain Michel Maximilien Leenhardt (1853-1941).
Notes de bas de page
1 B. S. Frossard, Sermons de M. Hugh Blair, op. cit., p. 13.
2 Ibid., p. 17.
3 Ibid., p. 13. Bonifas-Laroque évoque également les « besoins de l’auditoire » comme ligne directrice de choix des sujets de prédication (L. Bonifas-Laroque, Plan d’un traité de la prédication, op. cit., p. 54).
4 L. Bonifas-Laroque, Plan d’un traité de la prédication, op. cit., p. 56. Plus loin, il explique « la seule chose qui différencie [les orateurs chrétiens des orateurs du siècle], c’est la matière qu’ils traitent, l’un s’occupe d’un sujet académique ; & l’autre d’un sujet purement religieux », p. 63.
5 A. Vinet, Théologie pastorale, op. cit., p. 245.
6 A. Vinet, Homilétique, op. cit., p. 46 et suivantes.
7 Il a été édité dans le recueil Sermons de L. Manuel, Lausanne, M. Ducloux, 1842, t. 1, p. 289-304.
8 Vinet définit la psychologie comme « la connaissance des éléments, des ressorts et des mobiles de l’homme psychique » (A. Vinet, Homilétique, op. cit., p. 95).
9 Ibid., p. 96.
10 Berlin, Frölich, 1801. On le retrouve dans l’édition des sermons de 1818 : F. Ancillon, Sermons prononcé par Frédéric Ancillon dans l’église réfugiée de Berlin, Berlin, Duncker et Humblot, 1818, p. 342-344.
11 Sujets historiques, sur la contemplation de la nature, et sujets psychologiques, auxquels il faudrait ajouter les sermons de circonstance.
12 Parmi les travaux anciens les plus détaillés sur ce terme voir R. Stark, Res publica, Oppermann, Hans (Hg.), Römische Wertbegriffe, Wege der Forschung, Bd. XXXIV, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt 1967, S. 42-110 (traduction anglaise : Res Publica : History of the Concept, A Collection of Articles, Translated from German ; edited by O. V. Kharkhordin, St. Petersburg, European University at St. Petersburg Press, 2009). Voir également W. Mager, « Res publica chez les juristes, théologiens et philosophes à la fin du Moyen Âge : sur l’élaboration d’une notion-clé de la théorie politique moderne », Théologie et droit dans la science politique de l’État moderne. Actes de la table ronde de Rome (12-14 novembre 1987), Rome, École française de Rome, 1991, p. 229-239 ; É. Gojosso, Le concept de république en France (xvie-xviiie siècle), Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-en-Provence, 1998. On peut se rapporter pour une bibliographie plus complète – trop vaste pour être abordée ici – sur le sujet à cet ouvrage.
13 Burt Kasparian a montré que si le terme est romain, la réalité que désigne la res publica existe déjà en Égypte ancienne : B. Kasparian, « Personne et res publica : l’exemple de l’Égypte ancienne », in J. Bouineau (dir.), Personne et res publica, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 11-34.
14 « La république, c’est la chose du peuple ; mais un peuple n’est pas un rassemblement quelconque de gens réunis n’importe comment ; c’est le rassemblement d’une multitude d’individus, qui se sont associés en vertu d’un accord sur le droit et d’une communauté d’intérêt », Ciceron, De republica, éd. E. Breguet, Paris, Les Belles Lettres, 1980, i.25, p. 222.
15 Voir É. Gojosso, Le concept de république, op. cit., p. 29.
16 W. Mager, « Res publica chez les juristes, théologiens et philosophes à la fin du Moyen Âge : sur l’élaboration d’une notion-clé de la théorie politique moderne », op. cit., p. 230.
17 Ibid., p. 237.
18 Ibid., p. 237.
19 Ibid., p. 239.
20 « Le gouvernement de la République est confié à l’Empereur. »
21 É. Gojosso, Le concept de république, op. cit., p. 39-40.
22 Voir les nombreuses notes de bas de page de É. Gojosso, Le concept de république, op. cit., p. 46-69.
23 Ibid., p. 76.
24 J. Calvin, Institution de la religion chrétienne, cité par É. Gojosso, ibid., p. 89.
25 Cité par É. Gojosso, ibid., p. 96.
26 Exhortation aux princes et seigneurs du conseil privé du roi pour obvier aux séditions qui semblent nous menacer pour le fait de la religion, cité par É. Gojosso, ibid., p. 108.
27 « La république est un droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine », J. Bodin, Les Six livres de la République, 1593, p. 27.
28 « Des personnalités aussi différentes qu’André Duchesne (1584-1640), Richelieu, Mathieu Molé, Jean de Silhon, Guez de Balzac (1594-1654), Gabriel Naudé (1600-1653), Blaise Pascal (1623-1662) ou La Bruyère (1645- 1696) les tiennent pour synonymes, bien que « république » se pare volontiers d’une connotation antiquisante », É. Gojosso, Le concept de république, op. cit., p. 151-152.
29 « Les particuliers ne sont pas l’Etat, ains sujets à l’Etat, mais le prince est lui seul l’Etat », A. Le Clerc, La défense des puissances de la terre contre Mariana (1610), cité par É. Gojosso, ibid., p. 164.
30 Ibid., p. 193.
31 Bossuet, Politique tirée de l’Ecriture sainte, cité par É. Gojosso, ibid., p. 195.
32 Éric Gojosso donne l’exemple de l’abbé Duguet « qui emploie tour à tour le mot « république » dans le sens d’Etat, de communauté, de nation, ou de régime politique », É. Gojosso, op. cit., p. 251. Jacques Guilhaumou note l’ambiguïté du mot, à la veille de la Révolution française, terme « qui pouvait désigner soit toute sorte d’État, y compris les monarchies, soit, par opposition à un “royaume”, un État monarchique. Retenons que dans la perspective rousseauiste “tout gouvernement légitime est républicain” (Du contrat social) », J. Guilhaumou, L’avènement des porte-parole de la république (1789-1792), op. cit., p. 33.
33 Montesquieu, L’Esprit des lois, t. 2, p. 239.
34 Comte Du Buat, Les maximes du gouvernement monarchique, Londres, 1778, cité par É. Gojosso, Le concept de république en France, op. cit., p. 279 et p. 292.
35 Mably, Des droits et des devoirs du citoyen, Paris, Lecercle, 1758, ibid., p. 279.
36 S. Linguet, Théorie des lois civiles, 1767, ibid., p. 282.
37 É. Gojosso, op. cit., p. 283.
38 Montesquieu, L’Esprit des lois, liv. III, chap. ix, « Du principe du gouvernement despotique », Œuvres complètes de Montesquieu, avec note des notes de Dupin, Voltaire, Mably…, Paris, Firmin Didot, 1870, p. 202.
39 Ibid., liv. V, chap. ii, « Ce que c’est que la vertu dans l’état politique », ibid., p. 210.
40 É. Gojosso, Le concept de république en France, op. cit., p. 409, note 2.
41 Révolutions de France et de Brabant, n° 78, cité par É. Gojosso, idem, op. cit., p. 413.
42 Article « République », Dictionnaire des usages socio-politiques (1770-1815), Paris, Klincksieck, 1987, t. 2, p. 99-126 ; F. Furet, M. Ozouf (dir.), Le siècle de l’avènement républicain, Paris, Gallimard, 1983 ; M. Vovelle, La chute de la monarchie, 1787-1792, Paris, Le Seuil, 1972 ; même auteur, Révolution et république. L’exception française, Paris, Kimé, 1994.
43 Outre l’ouvrage de Paul de Félice (Sermons protestants prêchés en France de 1685 à 1795 et imprimés alors et depuis en France ou à l’étranger, Orléans, H. Herluison, 1885), il existe plusieurs ouvrages permettant d’effectuer un premier recensement des sermons de cette catégorie.
44 Sur les pasteurs Rabaut voir : Les Rabaut : du Désert à la Révolution, Montpellier, Presses du Languedoc, 1988 ; E. Arnaud, « Jeunesse des trois fils de Paul Rabaut », BSHPF, t. 28, 1879, p. 481-492 et 529-538 ; A. Borrel, Biographie de Paul Rabaut, pasteur au Désert, et de ses trois fils, Nîmes, Librairie protestante, 1854 ; F. Puaux, Paul Rabaut, l’apôtre du Désert, Paris, Fischbacher, 1918 ; C. Rabaud, Paul Rabaut : apôtre du Désert, Paris, Fischbacher, 1920 ; A. Monod, Les sermons du Paul Rabaut. Pasteur du Désert (1738-1785), thèse complémentaire de doctorat de lettres, Mazamet, Carayol, 1911 ; J.-C. Gaussent, Mémoires de Paul Rabaut, ministre de la religion réformée en Languedoc, Paris, Champion, 2000. Voir également mes propres travaux qui permettent de situer l’importance de cette famille notamment, Du Désert au royaume, op. cit. ; « La profession de foi d’une dynastie pastorale du Désert : les Rabaut, des trois tomes du Jeune pommier à fruits précoces à l’exemplarité de saint Étienne », in D. Poton, R. A. Mentzer (dir.), Agir pour l’église. Ministères et charges ecclésiastiques dans les églises réformées, Paris, Les Indes Savantes, 2014, p. 215-229.
45 Je tiens ici à exprimer mes remerciements les plus chaleureux à Amélie Lecoq qui m’a communiqué les photographies des sermons de Pierre Mordant (AD de Seine-Maritime, ADSM) et Jacques Molines (AD de Vaucluse, ADV) qu’elle avait pu réaliser pour son travail de master ou de doctorat.
46 Sur ce total, 49 sont manuscrits soit 32 %. Ont été joints à ces sermons les lettres pastorales et consistoriales qui abordent également cette thématique.
47 217 textes du père Paul Rabaut, 57 sermons de Rabaut Saint-Étienne et 67 discours de Rabaut-Pomier. Pour ce dernier pasteur, le comptage est délicat car les papiers, dans les trois derniers cartons, sont épars et des sermons sont à l’état de brouillon.
48 A. Daniel (attribué à Lombard-Lachaux, par M. Maignien), Discours prononcé sur la mort de Louis xv et sur le règne de Louis XVI prononcé dans le Bas-Dauphiné par un ministre du Désert, J. P. Heubac, 1774.
49 P. Bourrit, Sur les devoirs du citoyen. Discours prononcé dans l’Eglise réformée de Lyon le 27 octobre 1805, s. l. n. d.
50 P. Mordant, Sermon sur la plainte d’un peuple affligé, AD SM 83 1789. Sur le pasteur Pierre Mordant voir J. Gosselin, « Les sermons et écrits du Pasteur Mordant (1754-1813), op. cit. ; A. Lecoq, Du Désert au temple : Itinéraire du pasteur cauchois Pierre Mordant, de l’Ancien Régime à l’Empire, mémoire de master 2 sous la direction d’Hubert Bost, École pratique des hautes études, Paris, 2 volumes, juin 2008.
51 C. Borello, Du Désert au Royaume, op. cit., p. 48.
52 S. Mours, Les Églises réformées en France, Paris, Librairie protestante, 1958.
53 J.-Y. Carluer, Les protestants bretons, la mémoire des hommes et des lieux, Paris, La Cause, 1994.
54 80 % des localisations ont pu être établis, dans deux cas le sermon a été prononcé dans deux communes différentes.
55 Tel est le cas de Genève et de la Belgique.
56 Yves Krumenacker donne pour l’ensemble du xviiie siècle, le chiffre de 608 pasteurs dont 380 pour la période 1760-1789 et 263 pour la période révolutionnaire. Voir Y. Krumenacker, Dictionnaire des pasteurs dans la France du xviiie siècle, op. cit., p. 12 ; Daniel Robert dresse une liste du corps pastoral de 605 noms pour la période 1800-1830, voir D. Robert, Les Églises réformées en France, op. cit., « Annexe IV. Index du corps pastoral », p. 541-575.
57 C.-F. Hollard, « Église interdite, église concordataire, église séparée : l’église réformée en France et ses archives, xvie-xxe siècle », Archivi per la Storia. Rivista dell’asociaciozione nazionale archivistica italiane, n° 1-2, gen-dec. 1996, p. 257-263.
58 Paul de Felice évoque le fur, ou fouille, pour expliquer le nombre de papiers ou livres compromettants brûlés ou cachés (puis oubliés) par les protestants eux-mêmes. P. de Felice, Sermons protestants prêchés en France de 1685 à 1795, op. cit., p. 7.
59 F. Noguier, Sermon sur la nécessité du culte public & sur l’obligation de fréquenter les saintes assemblées, 28 octobre 1766, BPF Ms 783-B4.
60 Dans le cas des sermons prononcés plusieurs fois, c’est la date de la première montée en chaire qui a été retenue.
61 « Art. 1er. La fête de saint Napoléon et celle du rétablissement de la religion catholique en France seront célébrées, dans toute l’étendue de l’empire, le 15 août de chaque année, jour de l’Assomption, et époque de la conclusion du concordat », décret du 19 février 1806.
62 L. Bonifas-Laroque, Plan d’un traité sur la prédication, op. cit., p. 1 et p. 2.
63 P. Martin, « La chaire : instrument et espace de la prédication catholique », op. cit., p. 401.
64 Voir l’analyse détaillée d’Olivier Christin dans O. Christin, « Le temple disputé : les Réformes et l’espace liturgique au xvie siècle », op. cit. ; J. Cottin, « Cranach et le protestantisme », Le Verger – boutures, mai 2011, pdf en ligne sur le site Cornucopia : URL : [http://www.cornucopia16.com/a-le-verger-revue-en-ligne/le-verger-boutures/cottin-cranach-et-le-protestantisme/?logout=1].
65 Voir Y. Krumenacher, « Les temples protestants français, xvie-xviie siècles », op. cit. L’auteur donne plusieurs exemples de temples circulaires, proches des théâtres dans leurs formes, qui permettaient de mieux voir et entendre le prédicateur.
66 Voir C. Borello, Du Désert au Royaume, op. cit., p. 361-362. « C’est l’assemblée d’été dont les rochers escarpés font dans le tableau un effet pittoresque. La planche est gravée par un habile graveur de l’Académie Royale ; il a su rendre par son burin l’ardeur du soleil, le ciel du Languedoc, le costume du pays, enfin le portrait le plus fidèle du lieu à croire qu’on y est. On y voit une grande multitude de personne », F. Boze à M. Gibert, 16 août 1685, « Gravure des assemblées du Désert. Lettres de Joseph Boze, peintre du Roi à M. Gibert négociant à Nîmes, 1785-1789 », N. Weiss, « Noël au Désert près de Nîmes en 1773 », op. cit., p. 554.
67 A. Doumergue, Nos garrigues et les assemblées au Désert, op. cit., p. 124.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008