De la théorie du droit à l’action diplomatique
Martin Hübner et la défense de la navigation danoise pendant la guerre de Sept Ans
p. 175-190
Texte intégral
1L’intensification des relations internationales au cours de l’époque moderne génère une complexité constante du droit et des niveaux juridiques régissant les rapports entre États. Les pratiques, tacitement ou formellement admises, forment un droit coutumier dont la légitimité repose sur l’ancienneté et la répétition des habitudes. Les accords conclus entre États constituent le droit positif fondé sur la parole donnée par les signataires de manière plus ou moins explicite. Enfin, il y a le droit naturel réputé s’imposer de lui-même. Ces trois niveaux de droits encadrent les relations internationales et sont mobilisés pour revendiquer, refuser ou négocier. La maîtrise de cette imposante matière juridique convoque différents types d’acteurs en amont et autour de l’activité diplomatique proprement dite. Ce sont les juristes qui accompagnent les plénipotentiaires lors des grands congrès de paix. À ce titre, le congrès de Westphalie est un tournant important puisque les juristes y sont plus nombreux que les théologiens, marquant par leur présence et leur action l’importance croissante du droit dans les négociations de paix et les relations internationales1. Dès le milieu du xviie siècle, les États se dotent d’équipes de juristes et de conseillers juridiques destinés à asseoir leurs revendications et à renforcer leurs prétentions2.
2Tous ces experts forment une société transnationale d’érudits et d’hommes de lettres qui se connaissent et se rencontrent dans les négociations diplomatiques. Ils sont choisis pour leurs compétences, mais demeurent souvent dans l’ombre, alors même qu’ils sont les chevilles ouvrières des négociations, en mobilisant des arguments et des contre-arguments, et les « petites mains » qui rédigent les traités3. La masse des dispositions internationales et l’imbrication des engagements motivent la publication de recueils et de compilations de traités dans la seconde moitié du xviie siècle. L’ensemble constitué par ces volumes fait office de littérature professionnelle pour tous ceux qui sont impliqués dans la réflexion et la pratique des rapports entre les États4. On trouve également une littérature doctrinale et théorique qui fournit le cadre juridique conceptuel pour penser les conditions de la coexistence des souverainetés. Les auteurs de ces textes ne sont pas seulement des théoriciens et peuvent être impliqués concrètement dans l’action diplomatique.
3C’est le cas, notamment, du juriste danois Martin Hübner, dont le nom est souvent mentionné dans les ouvrages d’histoire du droit aussi bien anciens que modernes5. Il est en effet un précurseur à un double titre. C’est le premier à rédiger une histoire du droit naturel et le premier à consacrer un livre exclusivement à l’étude des prérogatives du commerce neutre. Cependant, Hübner reste méconnu car ni l’auteur, ni son œuvre n’ont été l’objet d’études approfondies. Au début du siècle, l’historien danois Fredrik Bajer rédige trois articles portant sur les séjours de Hübner à l’étranger au cours des premières années de sa vie6. Lors de la dernière décennie, trois publications ont été consacrées à l’apport de Martin Hübner au droit de la neutralité à travers l’étude de son ouvrage majeur de 1759 : De la saisie des batimens neutres, ou du droit qu’ont les nations belligérantes d’arrêter les navires des peuples amis7. Ces différentes études permettent de mieux connaître dorénavant la pensée de Hübner, mais ne doivent pas faire oublier que ce juriste ne s’est pas contenté d’être un théoricien. Il est, en effet, envoyé à Londres lors de la guerre de Sept Ans (1756-1763) pour y assister l’ambassadeur danois dans ses négociations portant sur les arrestations des bâtiments de commerce de ses compatriotes par la Royal Navy.
4À travers ce cas, je souhaiterais placer une partie de mon propos en amont de l’étude de l’expertise opératoire, pour replacer la question de la mobilisation des compétences dans une perspective plus large, en procédant en trois temps. Il s’agira, tout d’abord, de se demander dans quelle mesure Hübner peut être qualifié d’expert, car il faut avant tout reconnaître les compétences d’un individu pour faire appel à lui. Je verrai, ensuite, qu’en matière diplomatique les qualités intellectuelles et la maîtrise d’une matière ne suffisent pas à faire un expert. Enfin, concrètement, j’envisagerai l’implication de Hübner dans l’action diplomatique à travers une interrogation sur la manière dont ses idées et ses principes ont été confrontés à la réalité du rapport d’État à État.
Martin Hübner, « the great champion of neutral privileges »
5Le recours des gouvernements à des juristes pour renforcer leurs positions ou les aider à trancher des affaires délicates est une pratique commune à l’époque moderne. L’exemple le plus fameux à cet égard est, sans doute, celui de Hugo Grotius dont le Mare Liberum (De la liberté de la mer) de 1609 vise à fonder en droit la liberté des mers orientales dont les Portugais revendiquent l’exclusivité8. On peut également évoquer les cas d’Alberico Gentili et de Richard Zouche dont le gouvernement anglais sollicite l’opinion au sujet des immunités diplomatiques dans les années 1580 et 16509. Lors des périodes de guerre, les belligérants produisent des discours de droit pour légitimer leurs revendications vis-à-vis de leur ennemi mais aussi des États avec lesquels ils demeurent en paix. De ce dernier point de vue, l’existence de contentieux entre belligérants et neutres montre les insuffisances du droit régissant les relations entre les pays engagés dans un conflit et ceux qui n’y sont pas impliqués. Il arrive par conséquent que certains juristes aient à traiter des questions relatives à la neutralité, comme Alberico Gentili qui défend, en 1605, l’immunité des navires belligérants dans les eaux territoriales des États neutres10. Il ne semble guère qu’il y ait d’autres exemples marquants d’interventions directes de juristes dans la diplomatie de la neutralité avant la guerre de Sept Ans, au cours de laquelle deux véritables spécialistes entrent en lice. Le premier est Felix Joseph de Abreu y Bertodano, auteur en 1746 du Tratado juridico-politico sobre pressas de mar, traduit en français dix ans plus tard. Il est envoyé d’Espagne à Londres entre 1755 et 1762. Il y passe le plus clair de son temps à travailler à la libération des navires espagnols arrêtés par les corsaires anglais, et à convaincre le gouvernement de Londres de respecter les droits de ses compatriotes11. Le second cas significatif est celui de Martin Hübner.
6Martin Emanuel Hübner naît en 1723 dans une famille de fonctionnaires hanovriens qui s’installe au Danemark alors qu’il n’a que cinq ans12. En 1751, il devient professeur de philosophie à l’université de Copenhague. Cette fonction ne doit pas cacher la précarité de sa situation, car il ne perçoit aucun gage et n’a espoir d’en toucher qu’à mesure de son ancienneté. Hübner cherche alors une autre voie, et convoite la chaire de droit naturel et public laissée vacante par le départ de son titulaire en 1748. Conscient qu’il doit encore se perfectionner pour être un candidat sérieux, il demande, et obtient, la permission de voyager à l’étranger pour se former, et se voit octroyer à cet effet une pension de 300 écus annuels13. Il prend la route en juin 1752, pour effectuer un séjour à l’étranger de sept années, au cours desquelles il visite l’Allemagne, la Suisse, la Hollande, l’Angleterre et la France. Les premiers temps de son périple sont ponctués d’étapes pouvant durer plusieurs mois dans les hauts lieux de l’érudition universitaire européenne, que ce soit à Göttingen auprès de Jean Daniel Schoepflin, à Strasbourg, ou encore en Hollande14. Après un séjour en Angleterre à l’issue duquel il est élu fellow de la Royal Society de Londres15, Hübner arrive à Paris à la fin du mois de décembre 1754.
7Hübner a profité de ses voyages pour se constituer un important réseau de relations. La protection du ministre des Affaires étrangères danois, Johan Hartvig Ernst von Bernstorff, lui permet de disposer de lettres de recommandation grâce auxquelles il est reçu chez les diplomates danois en poste à l’étranger. Il intègre les cercles érudits, notamment à Paris où il rencontre Fontenelle, Buffon, ou encore d’Alembert, et devient membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Il fréquente également la cour de Louis XV, ce qui lui permet de connaître le Contrôleur général des finances Étienne de Silhouette ou le ministre Étienne François de Choiseul16. Hübner met à profit son long séjour à l’étranger pour se livrer à une série d’observations sur les questions commerciales et sur l’économie politique17.
8C’est dans ce cadre général qu’il formule ses premières observations sur la neutralité dans une lettre adressée à Bernstorff au début de l’année 1757. Il évoque une convention qui aurait été signée entre l’Espagne, neutre, et les belligérants que sont la France et l’Angleterre. Ils auraient autorisé les Espagnols à transporter les marchandises de leur ennemi, hormis la contrebande. Hübner observe que cet accord « ne contient rien au fond, qui ne soit déjà assez clairement stipulé par le droit des gens universel à l’égard d’une nation amie et neutre18 ». Les questions soulevées par le commerce neutre sont un des thèmes de discussion des cercles que Hübner fréquente à Paris puisqu’il y est invité à rédiger ses premiers écrits sur ce sujet. Par prudence, il préfère envoyer le résultat de ses réflexions à Bernstorff avant de les diffuser. Il cherche à convaincre le ministre que la publication d’un texte sur les droits du commerce neutre est nécessaire car « les gouvernements prennent rarement pour régler leur conduite les arrêts de l’équité, ils consultent plutôt la convenance et l’intérêt particulier de leurs États respectifs que les loix de la justice universelle19 », ajoutant qu’à l’image de la controverse mare liberum/mare clausum entre Grotius et Selden au siècle passé, l’argument juridique ne manquerait pas de « produire son effet ».
9La première réflexion publiée de Hübner sur la neutralité se trouve dans son Essai sur l’histoire du droit naturel édité en deux volumes à Londres en 1757 et 1758. Dans le second tome, il insère une digression d’une quinzaine de pages sur la neutralité20. Il commence par déplorer l’opacité qui entoure les droits de la navigation neutre et les abus qui en résultent. Pour lui, cette question touche au cœur de la sociabilité des États européens dont la finalité est la paix. C’est pourquoi le neutre ne doit rien faire qui puisse favoriser le prolongement des hostilités. À cette réserve près, l’État non-belligérant et ses sujets doivent jouir des mêmes libertés qu’en temps de paix, conformément au droit des gens universel. Les quelques pages que Hübner consacre à la neutralité ont un certain écho. D’une part, elles sont reprises de manière anonyme dans le numéro de novembre 1759 du Journal de commerce (pages 39 à 66) sous le titre « Reflexions impartiales sur le droit des nations belligérantes de saisir les batimens neutres ». D’autre part, Hübner dit avoir reçu des compliments pour ces réflexions de la part de « personnes fort intelligentes & fort instruites » qui l’ont incité à entreprendre la rédaction d’un ouvrage spécifiquement consacré aux droits du commerce neutre auquel il affirme travailler pendant deux années21. Il touche au but en 1759, avec la publication de De la saisie des batimens neutres, ou du droit qu’ont les nations belligérantes d’arrêter les navires des peuples amis.
10Dès les premières pages, Hübner présente le cadre dans lequel s’inscrit sa réflexion : l’ignorance du droit des gens sur les prérogatives des belligérants et des bâtiments neutres. L’auteur veut éviter une lourde érudition et ambitionne de rédiger un ouvrage pratique et utilisable pour « ceux qui sont déjà employés dans les Affaires » et plus particulièrement ceux qui doivent agir auprès des conseils des prises ou des cours d’amirauté22. Il illustre ainsi une tendance que Paul Hazard a mise en évidence chez les juristes du milieu du xviiie siècle à « transformer en science des acquisitions encore confuses, pour passer de la théorie à la pratique, s’il est possible23 ». C’est une évolution particulièrement remarquable au sein d’États de second rang pour lesquels le droit, à défaut de la force, est le meilleur moyen de faire respecter leurs prérogatives sur la scène internationale24. Pour Hübner, la raison, le droit naturel et le droit des gens universel constituent le socle sur lequel la société des nations européennes fonde son existence25. Il en déduit le principe selon lequel le neutre ne saurait subir quelque préjudice que ce soit d’une guerre à laquelle il est étranger. Il dénombre quatre devoirs que les neutres doivent impérativement observer : ne fournir aucune assistance militaire aux puissances en guerre ; renoncer à fréquenter les places bloquées et assiégées ; adopter une attitude équilibrée entre les camps ennemis ; employer ses offices pour favoriser un prompt retour de la paix26. En contrepartie, les neutres doivent jouir de la liberté du commerce, à l’exception de la contrebande27. Il range dans cette catégorie le matériel militaire, mais aussi les fournitures navales et les vivres si elles sont envoyées directement à une place bloquée ou aux armées ennemies.
11L’un des principaux points de la démonstration de Hübner concerne la couverture du pavillon neutre pour les propriétés ennemies réputées innocentes. Lors de son séjour à Londres en 1757, il a pu constater l’importance des saisies de navires neutres par les Anglais sous les prétextes les plus futiles. Il place le sort de la marchandise transportée sous l’autorité du prince dont le navire porte le pavillon. Dans ces conditions, la saisie des cargaisons est assimilée à un viol de territoire souverain28. Globalement, le juriste danois a une conception étendue des droits des neutres, considérant qu’ils définissent les prérogatives des belligérants29. C’est ce qui lui vaut d’être qualifié de « great champion of neutral privileges » par le juge de l’amirauté britannique William Scott en 179930. L’importance de sa contribution repose avant tout sur la manière dont il agence ses arguments, pour établir un système cohérent fondé sur les principes du droit des gens universel et envisager la globalité des aspects du commerce neutre.
Le choix d’un expert
12Le déclenchement de la guerre donne le coup d’envoi de la course maritime. Dès lors, les bâtiments danois, comme ceux des autres puissances neutres, subissent des arraisonnements par les marines de guerre et les corsaires des belligérants. La course est une activité réglementée par les dispositions législatives propres à chaque pays et par celles figurant dans les traités internationaux. Les bâtiments neutres arraisonnés sont jugés à l’aune de ce cadre juridique dont l’interprétation nourrit bien des litiges, pour lesquels des experts en droit maritime, tel Hübner, sont requis. La Royal Navy et les corsaires anglais sont de loin les plus actifs puisque, lors des trois premières années de la guerre, ils saisissent cent douze navires danois, alors que les Français n’en prennent que vingt-quatre31. Les bâtiments danois sont immobilisés pendant de longs mois en attendant le verdict de l’Amirauté britannique, pour être finalement relâchés ou définitivement confisqués. Le principal problème pour les négociants danois n’est pas tant la décision de bonne prise qui peut être prononcée, que la durée et le coût des procédures qui occasionnent de lourdes pertes pour les armateurs et les négociants. C’est pourquoi Bernstorff veut faire accélérer les procédures et obtenir la libération d’un plus grand nombre de bâtiments condamnés, selon lui, pour des motifs fallacieux. Mais les succès anglais au cours de l’année 1759 rendent de plus en plus difficiles les démarches entreprises à Londres par les diplomates des puissances neutres pour se voir reconnaître le droit de pratiquer librement le commerce de France32. C’est dans ce contexte de tensions croissantes entre l’Angleterre et le Danemark que Bernstorff décide d’envoyer à Londres un expert en droit maritime33. Il désigne d’abord pour cette mission son secrétaire particulier, André Roger, choisi, selon l’ambassadeur de France à Copenhague Ogier, pour ses bonnes dispositions envers les Anglais34. Mais Roger meurt avant d’avoir pu partir, ce qui contraint Bernstorff à désigner Hübner pour le remplacer35. Il reçoit sa commission en novembre 1759, alors qu’il se trouve à Paris. Il lui est demandé de partir à Londres pour assister l’ambassadeur Hans Caspar von Bothmer dans les négociations sur les saisies de bâtiments danois par la marine anglaise36. Hübner reçoit ordre de rester discret sur sa mission et de quitter Paris au plus vite37. Le secret de cette nomination est cependant rapidement ébruité. Ogier évoque les nouvelles fonctions de Hübner et rapporte qu’il a la réputation d’être un homme d’esprit, mais qu’il est « très peu connu » de Bernstorff38. Cette affirmation est erronée, car Hübner lui adresse des lettres depuis 1753 et lui a dédié son ouvrage sur le commerce neutre. D’ailleurs, Bernstorff l’a averti que sa commission « n’est pas étrangère au sujet d’étude dont vous vous êtes occupé depuis quelque temps39 ».
13Avant de quitter la France, Hübner a plusieurs entretiens avec le duc de Choiseul. Selon lui, le ministre français, ayant appris qu’il devait se rendre à Londres, l’aurait chargé de sonder William Pitt sur ses intentions par rapport à la paix40. Sur l’itinéraire qu’il emprunte pour rentrer au Danemark, Hübner passe par les Provinces-Unies et y rencontre l’ambassadeur français Charles-Philippe d’Affry. La correspondance de ce diplomate avec Choiseul donne une autre impression du comportement de Hübner. Le juriste danois fait des offres de service à la France pour agir auprès du ministère hanovrien du roi d’Angleterre afin de pousser le gouvernement de Londres vers l’ouverture de négociations de paix. Choiseul demeure fort sceptique, soupçonnant Hübner de lui tendre un « piège » pour obtenir de l’argent, étant persuadé qu’il est « passionné pour les Anglais41 ». Affry, qui le rencontre à plusieurs reprises à La Haye, n’est pas plus convaincu par Hübner, qu’il qualifie de « fripon » cherchant moins à servir la France qu’à la tromper en lui offrant d’espionner à son service. Il lui semble être un homme uniquement motivé par l’appât du gain42.
14Hübner rejoint le Danemark au début de l’année 1760 et y séjourne encore plus d’une année avant de rejoindre Londres. Son départ est retardé par la paternité qu’on lui attribue d’un livre anonyme intitulé Le politique danois ou l’ambition des Anglais démasquée par leurs pirateries, édité, puis réédité, à Copenhague en 1756 et en 175943. L’ouvrage est une violente charge contre l’Angleterre, accusée d’aspirer à la monarchie universelle sur mer pour servir les desseins de sa double hégémonie politique et commerciale, alors que son auteur loue la modération et les aspirations pacifiques de Louis XV. Pour Bernstorff, la mission de Hübner à Londres sera nécessairement annulée s’il est établi qu’il est bien l’auteur du Politique danois44. De son côté, Hübner prend grand soin de se disculper, dénonçant un ouvrage qui est « un tissu d’insinuations injurieuses, de répétitions continuelles et odieuses et d’imputations atroces qui ne souilleront jamais ma plume45 ». Il met beaucoup d’ardeur à essayer de convaincre les Anglais de son innocence, que ce soit lors de son passage à La Haye en 1759, à l’occasion duquel il rencontre l’ambassadeur Joseph Yorke, ou à Copenhague auprès de l’envoyé anglais Walter Titley46.
15Cette affaire embarrasse Bernstorff qui se dit « très fâché47 » des difficultés que l’on fait à admettre son commissaire en Angleterre. Le ministre danois est alors partagé entre, d’une part, sa crainte d’indisposer la cour de Londres en nommant un expert indésirable et, d’autre part, la manière dont les bâtiments danois sont traités par les Anglais48. En attendant son départ, Hübner rédige un « Mémoire préliminaire » dans lequel il expose la manière dont il envisage le règlement des différends sur les saisies de bâtiments danois. Ses propositions sont tout à fait conformes à ce qu’il écrivait dans ses ouvrages. Il préconise de régler ces affaires « de cour à cour » pour contourner l’amirauté anglaise en nommant des commissaires. Bien qu’il soit souhaitable que les discussions se fondent sur le droit des gens universel, il concède qu’il faudra s’appuyer sur les traités et les conventions conclus entre l’Angleterre et le Danemark qui sont les seules références que le gouvernement de Londres est disposé à accepter49.
16Hübner reçoit finalement ses instructions dans les derniers jours de l’année 1760. Ce sont celles initialement destinées à son prédécesseur, datées du 27 septembre 1759, qui gardent toute leur validité. Sa mission comporte trois volets. Le premier consiste à éclaircir les différends opposant l’Angleterre et le Danemark au sujet de la navigation neutre en dressant un état de la question qui traitera aussi bien des dispositions du droit conventionnel que du fonctionnement et de l’argumentaire des tribunaux. Le second point est l’assistance juridique que le commissaire devra fournir puisqu’on lui précise que « tout navire danois devenu la capture d’un anglois, aura droit à sa sollicitude et animera également sa vigilance ». Il aura alors à intervenir pour aider le capitaine à obtenir la libération de son bâtiment. Enfin, il lui faudra se mettre en rapport avec les principaux négociants de Copenhague, qu’il devra informer des précautions à prendre pour qu’ils puissent se conformer aux conditions auxquelles les Anglais autorisent le commerce neutre50. Hübner reçoit des précisions sur le cadre de sa mission. Il lui est rappelé qu’il reste, en tout état de cause, subordonné à l’autorité de l’ambassadeur Bothmer51. Bernstorff lui demande de renoncer à l’idée avancée dans son « Mémoire préliminaire » de faire nommer des commissaires pour régler la question des prises danoises. Le ministre lui délimite très précisément le cadre de son activité à Londres. Il devra absolument éviter « tout ce qui pourroit donner un air de politique à son voyage et à sa mission » pour ne pas faire renaître les soupçons des Anglais à son endroit. C’est pourquoi, il lui faudra s’abstenir d’entretenir des relations avec les ministres ou leurs commis, tout comme avec les ambassadeurs étrangers. Hübner est enfin prévenu que sa tâche « se terminera au moment qu’il occasionnera des discours et des ombrages et que dans ce cas Sa Majesté jugera sur-le-champ sa commission manquée et finie52 ».
17L’ambassadeur français à Copenhague, Ogier, affirme que Bernstorff n’a qu’une « médiocre affection » pour Hübner qui n’a été envoyé à Londres qu’en second choix53. Là encore, il faut prendre cette affirmation avec prudence, car le ministre a écrit à propos de son envoyé qu’il est « très habile et très versé dans cette partie du droit naturel et de celui des nations54 ». La reconnaissance de l’expertise de Hübner n’empêche pas Bernstorff d’être prudent sur la manière dont son commissaire remplira sa tâche. En fait, les deux hommes ne considèrent pas la question de la saisie des navires danois dans la même perspective. Pour le premier, c’est un problème politique qu’il faut régler de manière pragmatique en négociant avec les Anglais, quitte à faire des concessions sur les prérogatives du pavillon neutre. Au fond, Bernstorff est disposé à faire la part du feu en acceptant des concessions sur le commerce de France pour pouvoir développer la navigation méditerranéenne que le pavillon danois assure pour les deux belligérants55. Pour Hübner, comme l’a montré son « Mémoire préliminaire » il s’agit d’une question de droit et de principes. Les mises en garde de Bernstorff sont une manière de rappeler que l’argument strictement juridique, pour légitime et fondé qu’il soit, doit céder face aux impératifs diplomatiques. Autrement dit, l’expertise reste soumise aux impératifs de politique étrangère. Une fois ce cadre posé, la mission de Hübner peut commencer. Son départ de Copenhague pour l’Angleterre est annoncé imminent par Ogier en février 1761, mais il ne quitte réellement le Danemark que le mois suivant et arrive à Londres à la fin du mois de juin56.
La mission de Martin Hübner à Londres, 1761-1763
18Les questions relatives aux navires danois arraisonnés n’occupent qu’une part limitée de la correspondance de Hübner lors de son séjour à Londres. Les cas de saisies ordinaires ne sont pas évoqués dans sa correspondance avec Bernstorff, en revanche il revient à plusieurs reprises sur l’affaire de L’Ange volant, saisi en Méditerranée par un bâtiment anglais au motif qu’il y avait à son bord des marchandises françaises57. L’affaire suscite la colère de Bernstorff car le bâtiment faisait partie d’un convoi escorté par un bâtiment de guerre. Le ministre évoque « une insulte hostile, si atroce qu’il suffit de l’indiquer pour en faire connaître l’iniquité » car elle « blesse directement les droits de tout pavillon indépendant et souverain ». Bothmer reçoit ordre d’obtenir des réparations et de confier à Martin Hübner le soin de rédiger des mémoires à ce sujet58. Sur le plan juridique, les choses ne sont pas simples, car le respect des convois ne figure pas dans le traité anglo-danois de 1670, et n’est pas non plus un principe reconnu du droit des gens. Hübner en convient à demi-mot lorsqu’il informe son ministre que seul le droit coutumier peut fonder les réclamations danoises59. Pourtant, il rassemble une série d’éléments que Bothmer présente sous forme de mémoire au secrétaire d’État britannique au département du Nord, lord George Grenville60. Sans entrer dans les détails de l’argumentation, on peut constater que, sans surprise, la structure du raisonnement est celle que l’on trouvait déjà dans De la saisie des batimens neutres. Au nom du droit des gens universel fondé « sur l’équité et la raison », le mémoire dénie aux belligérants le droit de contrôler les navires de commerce sous convoi, considérant que l’organisation d’une escorte par un souverain doit être un gage de la licéité des cargaisons transportées. Mais les Danois n’obtiennent pas satisfaction car, Bernstorff, soucieux de ménager l’Angleterre et de ne pas exposer le lucratif commerce de la Méditerranée, finit par abandonner ses exigences sur les droits des convois sans renoncer pour autant à obtenir la mainlevée de L’Ange volant61.
19En dehors de cette affaire importante, le travail de Hübner à Londres se compose de deux tâches principales. La première consiste à informer les négociants des libertés que les Anglais accordent aux bâtiments neutres et à plaider la cause des navires saisis. Il connaît quelques succès, comme dans le cas du Lion rouge d’Altona qu’il affirme avoir fait libérer en cinq semaines. Le juriste déplore toutefois que les capitaines fassent le plus souvent appel à lui trop tardivement pour qu’il puisse intervenir de manière efficace62. La seconde grande préoccupation de Hübner consiste à travailler, sur ordre de Bernstorff, à la conclusion d’une convention secrète avec l’Angleterre sur la liberté de la navigation danoise. Le ministre souhaiterait formaliser l’abandon du transport des marchandises françaises en échange de la clémence des tribunaux de prises et de l’accélération de leurs procédures63. Hübner rédige un mémorandum devant servir de base de discussion avec les Anglais et le soumet avec succès à son gouvernement64. En avril 1762, il adresse à Bernstorff un projet de convention en quinze points65.
20Les premières dispositions portent sur la nécessité de définir précisément la nature des marchandises de contrebande dont le transport pourrait justifier une saisie. Il ne donne pas d’indications sur celles dont le transport pourrait être interdit aux neutres. La seule exception concerne les denrées alimentaires qui entrent dans cette catégorie, seulement si elles sont destinées à une place assiégée, aux colonies et aux ports de guerre de l’ennemi66. Cette dernière distinction rappelle ce que Hübner avait défini comme contrebande au second chef dans De la saisie de batimens neutres qui était caractérisée par sa destination. En revanche, il passe sous silence le sort des fournitures navales, ce qui laisse entendre qu’elles sont incluses dans la contrebande. Il abandonne également le principe « bateau libre/biens libres », en précisant que les Danois devront renoncer à couvrir le commerce des ennemis de l’Angleterre, mais qu’ils seront autorisés à transporter pour leur propre compte les marchandises françaises et espagnoles (art. IV et V). Cette distinction subtile répond à celle que les Anglais opèrent entre faire le commerce « avec » et « pour » l’ennemi. Mais, en réalité, la différence entre les deux est ténue, tant la production de faux connaissements attestant la propriété neutre d’un chargement est une pratique répandue. Enfin, le reste du projet de Hübner prévoit les conditions de visite de bâtiments danois en pleine mer, les modalités de leur présentation devant les tribunaux anglais et les conditions dans lesquelles seront octroyés les dédommagements pour les navires qui bénéficieraient finalement d’une mainlevée. La « convention projettée » n’est prévue que pour la durée de la guerre, en attendant qu’un nouveau traité de commerce et de navigation soit signé entre l’Angleterre et le Danemark.
21La comparaison du livre de Hübner sur la saisie des bâtiments neutres avec son projet de convention anglo-danoise révèle de sérieuses différences. C’est la raison pour laquelle il ne semble pas possible d’affirmer que l’auteur a délibérément ignoré les ordres de Bernstorff pour suivre ses propres idées67. Hübner a en effet abandonné certains de ses principes fondamentaux. Il concède l’élargissement de la catégorie des marchandises considérées comme étant de la contrebande, restreint la liberté du commerce sous pavillon danois et reconnaît la validité des tribunaux de prises anglais. Ces différences sont autant de concessions que la réflexion théorique sur la neutralité doit faire à la réalité politique et diplomatique qui n’est pas organisée selon les principes du droit, mais en fonction des rapports de force.
22Le projet de convention de Hübner n’a aucune application concrète en raison de la proximité de la fin de la guerre. Le juriste demeure à Londres encore plusieurs mois après la conclusion du traité de Paris (10 février 1763) afin de suivre les cas de bâtiments danois qui demeurent en suspens. Il reçoit sa lettre de rappel en mars 1764, mais ne quitte la capitale anglaise qu’en août. Par la suite, il ne joue plus aucun rôle direct dans la défense de la neutralité de son pays lors de la guerre d’Indépendance américaine. Mais ses idées ont un écho important lors de ce conflit. Son maître-ouvrage est réédité à Londres en 1778, alors que l’autorité de sa pensée est convoquée dans des procès de prises, comme pour le navire hollandais Onzidigheid jugé en France en 177968. Les principes énoncés par Hübner une vingtaine d’années auparavant sont au fondement de la politique de neutralité danoise qui sert de base à la formation de la ligue de la neutralité armée de 178069. De retour au Danemark, Hübner occupe ensuite différentes fonctions administratives, s’intéresse à l’économie politique et meurt à Copenhague le 7 avril 1795.
23Par son œuvre et par sa vie, Martin Hübner tout à la fois philosophe, juriste et diplomate se trouve être au carrefour de la théorie et de la pratique de la neutralité. Son passage au service de la diplomatie danoise permet de mettre en avant plusieurs éléments de la mobilisation des compétences dans les négociations internationales. Le premier est la qualification de l’expert, à savoir le choix de la personne idoine pour intégrer une délégation diplomatique et participer, d’une manière ou d’une autre, au dialogue international. Dans le cas présent, Hübner semble tout désigné pour assister l’ambassadeur danois à Londres qui doit négocier la libération de navires arrêtés par la marine anglaise. Mais l’on peut se demander si, paradoxalement, ce n’est pas la nature même de son expertise qui lui a été préjudiciable. Deux comptes rendus de De la saisie des batimens neutres parus en 1760 dans le Journal de Trévoux et dans le Journal de Commerce soulignent la qualité du travail de Hübner et la justesse de ses vues70. Le second recenseur estime même que cet « ouvrage devroit être regardé sur cette matière intéressante, comme la raison écrite71 ». Ces louanges sont d’autant plus remarquables que l’année précédente, dans le même Journal de commerce, le Droit des gens de Vattel se voyait reprocher d’accorder trop de prérogatives aux belligérants en négligeant les principes de la loi naturelle qui doivent permettre aux neutres de poursuivre leur commerce comme en temps de paix72.
24Le mérite de Hübner est d’être parvenu à dépasser la réflexion sur le droit des neutres pour penser véritablement l’état de neutralité. C’est pourquoi l’ambition de son propos le distingue des auteurs qui avaient jusqu’alors travaillé sur ce sujet. Mais le système de Hübner, s’il devait être suivi, remettrait profondément en question les comportements des belligérants en général vis-à-vis des neutres, et des Anglais tout particulièrement. Si on y ajoute les soupçons pesant sur la rédaction d’un ouvrage profondément anti-anglais, on comprend que Bernstorff ait hésité à nommer Hübner à Londres. Le problème ne porte pas sur les compétences du juriste, mais sur la nature même du discours qui le fait reconnaître comme expert. En fait, la question est de savoir ce que la diplomatie peut faire d’une expertise. Pour qu’elle soit mobilisée, elle doit paraître efficace, autrement dit susceptible de faciliter une négociation. Il faut donc que les experts concernés soient reconnus et acceptés par les parties en présence, et qu’ils bénéficient de leur confiance. C’est bien pourquoi Hübner est clairement prévenu qu’au moindre problème il sera rappelé, et qu’il devra toujours rester sous l’autorité de Bothmer. Et effectivement, Hübner conseille, rassemble des arguments mais, semble-t-il, demeure en dehors des négociations.
25Dans le cadre de ses fonctions, Hübner doit s’adapter à la réalité des exigences de la négociation diplomatique. On distingue clairement dans les archives, d’une part, les écrits théoriques dans lesquels il exprime sa pensée, forte d’un raisonnement juridique appuyé, selon lui, sur la raison, le droit naturel et le droit des gens universel ; d’autre part, les textes rédigés dans le cadre de sa mission londonienne, moins radicaux, moins affirmatifs et qui laissent une place au compromis. Ces écrits montrent que les modèles juridiques peuvent fixer un horizon et un schéma de réflexion, mais qu’ils ne sont pas toujours applicables directement. On peut donc s’interroger sur ce que signifie avoir recours à une expertise en diplomatie, sur la manière dont cette activité consomme et recycle une compétence théorique, pour la rendre opératoire dans le cours des négociations. Le cas de Martin Hübner illustre bien ce dialogue avec le réel qui naît de la rencontre des principes juridiques avec la réalité diplomatique, mettant face à face le cadre du droit qui délimite un horizon d’ordre et le tourbillon des affaires politiques internationales soumises à toutes sortes de contingences et d’accommodements.
Notes de bas de page
1 Gantet Claire, « L’institutionnalisation d’une négociation. La ritualisation de la paix de Westphalie (1648) », Hypothèses, vol. 1, n° 4, 2001, p. 184-185.
2 Voir à ce sujet l’étude consacrée aux cours allemandes : Toyoda Tetsuya, Theory and politics of the Law of Nations : political bias in international law discourse of seven German court councilors in the seventeenth and eighteenth centuries, Leyde, Brill, 2011.
3 Braun Guido, La connaissance du Saint-Empire en France du baroque aux Lumières (1643-1756), Munich, R. Oldenbourg, 2010, p. 139-140.
4 La première publication majeure est le Codex Juris gentium diplomaticus de Leibniz en 1693, et la plus renommée est le Corps universel diplomatique du droit des gens de Jean Dumont publié en huit volumes entre 1726 et 1731.
5 Sans prétention à l’exhaustivité et pour en rester aux principaux ouvrages qui ont servi à cette étude : Wheaton Henry, Histoire des progrès du droit des gens en Europe et en Amérique, vol. 1, Leipzig, Brockhaus, 1853 ; Hautefeuille Laurent-Basile, Des droits et des devoirs des nations neutres en temps de guerre maritime, 3 t., Paris, Guillaumin, 1858 ; Cauchy Eugène, Le droit maritime international considéré dans ses origines, dans ses rapports avec les progrès de la civilisation, 2 vol., Paris, Guillaumin, 1862 ; Gessner Louis, Le droit des neutres sur mer, Berlin, Charles Heymann, 1876 ; Kleen Richard, Lois et usages de la neutralité, 2 vol., Paris, A. Chevalier-Marescq, 1898-1900 ; Nys Ernest, Droit international : les principes, les théories, les faits, vol. 1, Bruxelles, Alfred Castaigne, 1904 ; Mattéi Jean-Mathieu, Histoire du droit de la guerre (1700-1819). Introduction à l’histoire du droit international, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2006 ; Gaurier Dominique, Histoire du droit international. De l’Antiquité à la création de l’ONU, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
6 Bajer Fredrik, « Af Martin Hübners breve i den ledreborgske håndskriftsamling », Personalhistorisk Tidsskrift, vol. 4, n° 6, 1903, p. 52-71 ; Id., « Les entrevues de Martin Hübner avec le duc de Choiseul en 1759 », Revue d’histoire diplomatique, vol. 18, 1904, p. 408-424 ; Id., « Fra Martin Hübners rejseår 1752-1765 », Historisk Tidsskrift, vol. 7, n° 5, 1904-1905, p. 100-110.
7 Koen Stapelbroek intègre Hübner à une étude de la réflexion cosmopolite portant sur les moyens de dépasser la rivalité entre les États pour parvenir à la prospérité générale, « Universal Society, Commerce and the Rights of Neutral Trade : Martin Hübner, Emer de Vattel and Ferdinando Galiani », COLLeGIUM : Studies Across Disciplines in the Humanities and Social Sciences, 2008, 2 (3), p. 63-89. Il y a aussi une étude juridique du texte proprement dit : Leerberg Nora Naguib, The legal politics of neutrality in the age of privateering. Martin Hübner’s law of neutrality and prize, Oslo, Dreyer Forlag, 2015 ; enfin, une approche qui replace la pensée de Hübner dans le contexte général de la réflexion sur le droit : Schnakenbourg Éric, « From a right of war to a right of peace : Martin Hübner’s contribution to the reflection on neutrality in the eighteenth century », in Antonella Alimento (dir.), War, Trade and Neutrality. Europe and the Mediterranean in the seventeenth and the eighteenth centuries, Milan, Franco Angeli, 2011, p. 203-216.
8 Grotius Hugo, La liberté des mers, Paris, Éd. Panthéon-Assas, 2013.
9 Gaurier Dominique, « Le droit et le fait : deux juristes (Gentili et Zouche) consultés au sujet d’ambassadeurs accusés d’infraction, fin xvie-xviie siècle », in Nicolas Drocourt et Éric Schnakenbourg (dir.), Thémis en diplomatie : droit et arguments juridiques dans les relations internationales de l’antiquité tardive à la fin du xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 261-269.
10 Nézard Henry, « Albericus Gentilis », in Antoine Pillet (dir.), Les fondateurs du droit international, Paris, V. Giard et E. Brière, 1904, p. 74-76. Sa plaidoirie est publiée de façon posthume en 1613 sous le titre Hispanicae advocationis libri duo.
11 Mclachlan Jean O., « The Uneasy Neutrality. A Study of Anglo-Spanish Disputes over Spanish Ships Prized 1756-1759 », Cambridge Historical Journal, vol. 6, n° 1, 1938, p. 55-77.
12 Les renseignements biographiques sont tirés de Bricka Carl Frederik, Dansk Biografisk Lexikon, vol. VIII, Copenhague, Gyldendalske Boghandels Forlag, F. Hegel & Søn, 1894, p. 208 ; Bajer Fredrik, « Les entrevues de Martin Hübner avec le duc de Choiseul en 1759 », art. cité, p. 406-407 ; Michaud Louis-Gabriel, Biographie universelle ancienne et moderne, t. 20, Paris, C. Desplaces, 1858, p. 93 ; Mattéi Jean-Mathieu, Histoire du droit de la guerre (1700-1819), op. cit., p. 1089.
13 Rigsarkivet [Copenhague], TKUA [Tyske Kancelli Udenrigske Afdeling], Alm. del, Realia, 3-015, Hübner à Bernstorff, 8 juillet 1756.
14 Ibid., Hübner à Bernstorff, 13 février et 9 juillet 1753.
15 Il y fait une intervention en 1757 : « An Account of Some Observations Relating to the Production of the Terra Tripolitana, or Tripoli », publiée deux ans plus tard Philosophical transactions of the Royal Society, 1759, n° 51, p. 186-194.
16 « Hübner Martin », Dansk biografisk Lexikon, vol. VIII, op. cit., p. 208.
17 Hübner écrit à Bernstorff : « Ces instructions [au sens de ce qui l’a instruit] me firent bientôt regarder le commerce, envisagé comme une partie de la politique moderne, comme une science profonde, utile et très propre pour un homme de lettres qui veut être utile à sa patrie. J’appris premièrement en arrivant en Angleterre en 1754 qu’il y a un païs où des savans respectables font de cette science l’objet de leurs soins et où l’on l’apprend systématiquement. La puissance de ce royaume et le bonheur de ses citoïens en sont des fruits bien doux. » Il propose ensuite de se rendre dans le Sud de la France et en Italie pour s’informer sur le commerce « car ce n’est point au négociant […] mais au Politique qu’il faut se rapporter à l’égard de l’état du commerce. Le premier n’envisage en faisant ses recherches que son intérêt particulier ; le dernier a pour but celui de l’État entier, auquel il importe peu si l’un ou l’autre de ses négociants perd, pourvu que l’État gagne », Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, 3-015, 8 juillet 1756.
18 Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Hübner à Bernstorff, 3 février 1757. Le traité ne porte que sur les différends américains et pas sur le traitement des bâtiments neutres, AMAE, CP, Hollande, vol. 493, f° 26 et 31, Affry à Rouillé, 22 et 25 octobre 1756,
19 Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Hübner à Bernstorff, 1er mai 1757.
20 Hübner Martin, Essai sur le droit naturel, t. 2, Londres, 1758, p. 116-132.
21 Hübner Martin, De la saisie des batimens neutres, ou Du droit qu’ont les nations belligérantes d’arrêter les navires des peuples amis, La Haye, 1759, t. 1, p. iii. Dans une lettre d’avril 1758, Hübner assure que la rédaction d’un ouvrage sur « le droit des peuples qui sont en guerre de saisir les bâtimens neutres » est au premier rang de ses projets : Bajer Fredrik, « Af Martin Hübners breve i den ledreborgske håndskriftsamling », art. cité, p. 67.
22 Hübner Martin, De la saisie des batimens neutres, op. cit., t. 1, p. viii-ix.
23 Hazard Paul, La pensée européenne au xviiie siècle : de Montesquieu à Lessing, Paris, Fayard, 1963, p. 148.
24 Duchhardt Heinz, « From the Peace of Westphalia to the Congress of Vienna », in Bardo Fassbender et Anne Peters (dir.), The Oxford Handbook of the History of International Law, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 648. Les juristes des petites puissances sont particulièrement actifs dans le domaine du droit maritime : Grewe Wilhem G., The Epochs of International Law, Berlin, De Gruyter, p. 410.
25 Hübner Martin, De la saisie des batimens neutres, op. cit., t. 1, p. 7.
26 Ibid., p. 40-49.
27 Ibid., p. 70-71.
28 Hübner Martin, Essai sur le droit naturel, op. cit, p. 128-129 ; De la saisie des batimens neutres, op. cit., t. 1, p. 216-271.
29 « Les droits de la guerre […] sont toujours limités par ceux de la paix, appartenans non seulement aux puissances neutres, mais foncièrement à toute société humaine », ibid., t. 2, p. 132.
30 Jugement de la Maria, 11 juin 1799, Minot George (éd.), Reports of cases argued and determined in the high court of Admiralty, vol. 1, Boston, Little, Brown and Company, 1853, p. 361.
31 Tuxen Ole, « Principles and Priorities : the Danish View of Neutrality during the Colonial War of 1755-1763 », Scandinavian Journal of History, vol. 13, n° 2/3, 1988, p. 216.
32 Kent Heinz, War and Trade in Northern Seas. Anglo-Scandinavian Economic Relations in the mid Eighteenth century, Cambridge, Cambridge University Press, 1973, p. 158.
33 Vedel Poul, Den ældre Grev Bernstroffs ministerium, Copenhague, Jøgensen & Co, 1882, p. 121.
34 AMAE, CP, Danemark, vol. 142, f° 82, Ogier à Choiseul, 3 septembre 1759.
35 Bajer Fredrik, « Af Martin Hübners breve i den ledreborgske håndskriftsamling », art. cité, p. 69.
36 Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Hübner à Bernstorff, 5 novembre 1759.
37 Ibid., Bernstorff à Hübner, 6 novembre 1759.
38 AMAE, CP, Danemark, vol. 142, f° 265, Ogier à Choiseul, 20 novembre 1759.
39 Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Bernstorff à Hübner, 6 novembre 1759.
40 Hübner rédige un mémoire en date du 8 février 1760 dans lequel il résume ses discussions avec Choiseul, conservé dans Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015. Il sert de base à Bajer Fredrik, « Les entrevues de Martin Hübner avec le duc de Choiseul en 1759 », art. cité.
41 AMAE, CP, Hollande, vol. 503, f° 3, Choiseul à Affry, 3 janvier 1760,
42 Ibid., f° 27-28, 43-46 et 74-76, Affry à Choiseul, 10, 15 et 24 janvier 1760, également Choiseul à Affry, 17 janvier 1760, ibid., f° 50.
43 Le titre complet de la première édition est particulièrement explicite sur les intentions de son auteur : Le politique danois, ou, L’ambition des Anglais démasquée par leurs pirateries : ouvrage dans lequel on recherche laquelle des deux nations de la France ou de l’Angleterre, a dérangé par ses hostilités l’harmonie de l’Europe, & où l’on prouve aux Souverains de quelle importance il est pour eux d’abattre l’orgueil de ce peuple. L’ouvrage est à nouveau édité en 1805.
44 Rigsarkivet, TKUA, Frankrig, vol. 280, Bernstorff à Wedel Friis le 20 novembre 1759.
45 Ibid., Alm. del, Realia, 3-015, Hübner à Bernstorff, 20 décembre 1759, également du même au même 7 janvier 1760. La paternité du Politique danois divise également les journalistes. Élie Fréron dans l’Année littéraire l’attribue à Hübner, L’Année littéraire, mai 1759, vol. III, p. 214-216, alors que le recenseur de De la saisie des batimens neutres dans le Journal de Commerce, n’imagine pas que la véhémence du ton, le caractère décousu du propos et les répétitions incessantes puissent provenir de l’écrivain danois, Journal de commerce, mars 1760, p. 89-92 ; Barbier Antoine Alexandre, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, t. III, Paris, Barrois, 1824, p. 55. Voir également Stapelbroek Koen, « Universal Society, Commerce and the Rights of Neutral Trade : Martin Hübner, Emer de Vattel and Ferdinando Galiani », art. cité, p. 72.
46 AMAE, CP, Hollande, vol. 503, f° 29, Affry à Choiseul, 10 janvier 1760. Yorke, qui a lu l’Essai sur l’histoire du droit naturel, affirme à Hübner qu’il ne le croit pas auteur du Politique danois car « il étoit impossible que ces deux écrits soient sortis de la même plume », Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Hübner à Bernstorff, 15 janvier 1760 et Hübner à Titley, 8 avril 1760.
47 Ibid., Bernstorff à Hübner, 19 février 1760.
48 Pares Richard, Colonial Blockade and Neutral Rights, 1739 – 1763, Philadelphie, Porcupine Press, 1975, p. 283.
49 Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, « Mémoire préliminaire », 6 décembre 1760 et « Supplément au mémoire préliminaire », 20 décembre 1760.
50 Ibid., « Instructions à Roger », 27 septembre 1759.
51 Hübner et Bothmer se sont déjà rencontrés et ont déjà discuté de la saisie des bâtiments danois, Rigsarkivet, TKUA, England, vol. 155, Bothmer à Bernstorff, 23 janvier 1759.
52 Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Bernstorff à Hübner le 30 décembre 1760.
53 AMAE, CP, Danemark, vol. 145, f° 270-271, Ogier à Choiseul, 23 décembre 1760.
54 Bernstorff à Bothmer, 21 novembre 1761, dans Vedel Poul (éd.), Correspondance ministérielle du comte J. H. E. Bernstorff, 1751-1770, t. 1, Copenhague, Jørgensen & Co, 1882, p. 389-391.
55 Kent Heinz, War and Trade in Northern Seas, op. cit., p. 158.
56 AMAE, CP, Danemark, vol. 146, f° 65, Ogier à Choiseul, 3 février 1761 et Bajer Fredrik, « Fra Martin Hübners rejseår 1752-1765 », art. cité, p. 105.
57 En octobre 1761, un convoi danois revenant de Smyrne escorté par le Grønland (50 canons) est arraisonné par un bâtiment de la Royal Navy, le Shrewbury (74 canons). Conformément aux ordres qu’il a reçus de ne pas résister face à une force supérieure à la sienne, le capitaine danois Lorentz Henrik Fisker laisse les Anglais visiter les navires de son convoi. À bord de L’Ange Volant ils découvrent des marchandises françaises et décident de saisir le bâtiment et de l’amener à Gibraltar. Jespersen Knud et Feldbæk Ole, Dansk udenrigspolitik historie 2 : Revanche og neutralitet, Copenhague, Gyldendal, 2006, p. 308 ; Feldbæk Ole, Konvoj, Copenhague, Orlogsmuseet, 2002, p. 15.
58 Bernstorff à Bothmer, 21 novembre 1761, dans Vedel Poul (éd.), Correspondance ministérielle du comte J. H. E. Bernstorff, 1751-1770, t. 1, op. cit., p. 389-391.
59 Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Hübner à Bernstorff, 19 décembre 1761.
60 Mémoire de l’ambassadeur danois à Londres, Hans Casper von Bothmer, 1er avril 1762, Rigsarkivet, TKUA, England, vol. 282.
61 C’est la raison pour laquelle Bernstorff demande au propriétaire du navire, le négociant de Copenhague Fabritius, de ne pas faire appel de la décision de prise prononcée en première instance, il estime que le navire intégré au convoi et transportant des marchandises innocentes doit être simplement libéré. Rigsarkivet, TKUA, Alm. del, Realia, 3-015, Bernstorff à Hübner, 7 mai 1763.
62 Ibid., Hübner à Bernstorff, 29 juillet 1762.
63 Kent Heinz, War and Trade in Northern Seas, op. cit., p. 159, et Tuxen Ole, « Principles and Priorities : the Danish View of Neutrality… », art. cité, p. 229.
64 Rigsarkivet, TKUA, England, vol. 282, Bernstorff à Bothmer, 20 février 1762.
65 Ibid., « Plan d’une convention projettée », par Hübner, 21 avril 1762.
66 Hübner en donne la liste : en France, Brest, Rochefort, Toulon et en Espagne Ferrol, La Corogne, Cadix et Carthagène, idem, art. III.
67 C’est l’opinion de Heinz Kent, pour lequel Hübner a soit mal compris les ordres de son ministre, soit les a volontairement ignorés, War and Trade in Northern Seas, op. cit., p. 159.
68 En 1779, le Onzidigheid est capturé par un corsaire marseillais. Le conseil des prises prononce la mainlevée du bâtiment mais la confiscation du chargement. La compagnie impériale de Trieste et de Fiume, armateur du navire et propriétaire de la marchandise, fait appel de ce jugement en s’appuyant, notamment, sur l’autorité de Hübner. « Mémoire pour les directeurs de la compagnie impériale et royale établie à Trieste & Fiume réclamateurs de marchandises chargées pour leur compte & risque sur le navire hollandois le Onzidigheid, appelant un jugement du conseil des prises, 29 décembre 1779, contre le sieur Fiquet négociant de Marseille, armateur du corsaire La Sardine », Paris, P.-G. Simon, 1780 (BNF), p. 2 et 8.
69 Hornemann Jørgen, Danmarks statsmand A. P. Bernstorff og hans samtid, Copenhague, Borgen, 2001, p. 324.
70 Journal de Trévoux ou Anonyme. Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts, février 1760, p. 393.
71 Journal de Commerce, mars 1760, p. 89-126 ; avril 1760, p. 46-70 ; mai 1760, p. 53-76.
72 Ibid., mai 1759, p. 41-60.
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