Chapitre X. Consécration
p. 249-272
Texte intégral
1En quelques années, le ciel s’éclaircit de façon inespérée au-dessus des Éditions du Cerf. Elles bénéficient d’abord, fin 1957, de la levée du régime d’exception dans lequel vivait la province dominicaine de France depuis 1954. Sous la houlette d’un nouveau provincial, le père Joseph Kopf, l’équipe de La Tour-Maubourg se reconstitue et recouvre sa liberté de manœuvre. En dépit d’incidents récurrents qui prouvent que la défiance dont elle pâtissait n’a pas disparu, elle peut reprendre les projets de publication suspendus par la crise. Les Éditions du Cerf bénéficient, ensuite et surtout, du changement de climat au sein de l’Église catholique que marquent la mort de Pie XII et l’élection à sa succession de Jean XXIII, en octobre 1958. L’annonce par le nouveau pape de la convocation d’un concile présenté comme œcuménique, en janvier 1959, suscite bien des conjectures et aussi quelques espoirs. Sans se faire trop d’illusions sur son issue, plusieurs des théologiens du Cerf, le père Congar en tête, y voient une occasion de réforme à ne pas manquer. La maison d’édition met à leur disposition ses revues et ses collections qui fournissent ainsi une contribution reconnue à la préparation du concile. Plusieurs dominicains français en deviennent d’ailleurs des experts influents. Risqué à l’origine, le pari est gagné : après de nombreuses péripéties, le concile Vatican II épouse la ligne réformatrice qui est celle de la maison du boulevard La Tour-Maubourg depuis ses origines. Lieu d’incubation puis de diffusion de la théologie conciliaire, elle connaît au mitan des années 1960 une manière d’apogée, tant par le volume de ses publications que par leur influence intellectuelle et spirituelle. Pour la première fois depuis le début des années 1930, elle se trouve en symbiose avec la ligne adoptée à Rome et non plus en décalage par rapport à celle-ci, avec le cortège de soupçons et de sanctions qu’un tel décalage a pu entraîner. Rien ne manifeste mieux cet accord que la sortie, dans la collection « Unam Sanctam », de la série de commentaires des textes du corpus conciliaire par nombre de ceux qui ont contribué à les rédiger. Faute d’une histoire de l’événement Vatican II, encore dans les limbes, cette collection fait autorité dans le monde francophone et bien au-delà. Les Éditions du Cerf bénéficient amplement de l’euphorie conciliaire qui bat alors son plein : non contentes d’engranger quatre décennies de travaux au service d’une réforme sans schisme, elles multiplient les projets et les initiatives au service de l’élan né à Vatican II.
L’apaisement
2Dès sa prise de fonction en juin 1957, le père Tunmer s’efforce d’aider ses subordonnés « à retrouver l’atmosphère de paix, de confiance en l’œuvre de la maison et en l’avenir de cette œuvre, un moment gravement compromis, atmosphère sans laquelle il leur était difficile de poursuivre leur travail dans de bonnes conditions » ; mais aussi « de raffermir la confiance dans la province des membres du conseil d’administration des Éditions du Cerf, confiance quelque peu ébranlée par les difficultés rencontrées depuis trois ans et par les graves amputations récemment subies par la maison1 ». Il n’a pourtant pas le loisir de poursuivre longtemps ces tâches, car le père Kopf lui impose par précepte formel, le 3 novembre 1957, d’accepter sa nomination comme prieur du couvent d’Alger, en proie à de vives dissensions liées au conflit en cours2.
3La province de France ayant récupéré ses pouvoirs au lendemain de la mort inattendue du père Ducattillon, le chapitre réuni au couvent Saint-Jacques a en effet élu provincial le père Joseph Kopf, le 5 octobre 1957. Né en 1912 dans les Vosges, il est entré chez les dominicains en 1933 et a fait ses études au Saulchoir ; prêtre en 1939, il est titulaire du lectorat et d’un doctorat en théologie. C’est un homme de gouvernement, qui s’est fait une réputation comme prieur de Saint-Jacques depuis 1951 et comme définiteur au chapitre de 1955. Son accompagnement du mouvement de laïcs chrétiens « La Vie Nouvelle » en a fait un homme d’ouverture, familier de tous les problèmes de son temps. Lui aussi souhaite que la maison du boulevard La Tour-Maubourg, où il compte plusieurs amis rencontrés lors de ses études au Saulchoir, retrouve une vie normale. Les pères Chartier et Henry sont autorisés à y revenir dès l’automne 1957. Pour le père Duployé, Kopf s’en remet à l’avis de ses coéquipiers… qui l’estiment trop fantasque pour souhaiter son retour3. L’intéressé conteste en vain leur décision dans une véhémente lettre ouverte au père Chifflot : il ne reviendra pas au Cerf4. Le 5 novembre, Kopf nomme le père Carré supérieur de la Maison Saint-Dominique, de préférence au père Roguet, vicaire du père Tunmer, pour éviter toute interférence avec le Centre de pastorale liturgique, que Roguet continue de piloter avec l’abbé Martimort5. Cette nomination marque la séparation, décisive, entre la fonction de supérieur religieux et celle de directeur des éditions, que conserve Boisselot. Le père Carré réside depuis longtemps boulevard La Tour-Maubourg sans être pour autant intégré à l’équipe du Cerf auprès de laquelle il a toujours été un outsider. Aumônier des artistes et prédicateur de renom, à Notre-Dame de Paris bientôt, pour le Carême 1959, ses tâches principales sont ailleurs. Cet homme de paix et d’influence va se révéler un excellent supérieur, reconduit mandat après mandat et finalement élu prieur en 1967, quand la maison devient un couvent de plein exercice.
4Le père Boisselot obtient du père Kopf d’être relevé de sa tâche de prieur de Dijon en décembre 19576. Il est remplacé par le père Féret qui sort ainsi de son statut d’exception. De nouveau affecté à La Tour-Maubourg en janvier 1958, Boisselot se résigne à « la dichotomie établie entre supérieur et directeur qui affaiblit, quelle que soit leur bonne entente, l’autorité, avec d’ailleurs, en contre-partie, de réels avantages », reconnaît-il. Proche de la soixantaine, il songe à sa succession et suggère qu’elle incombe au père Liégé, dont le renom intellectuel va croissant et qui pourrait se décharger des questions matérielles sur le père Chartier ou sur le directeur commercial Gabriel Ferrier7. Hypothèse impraticable : Liégé est suspect depuis des années à Rome et dans certains évêchés, il est attaqué par la presse de droite pour son rôle dans la crise algérienne de la Route des Scouts de France et il ne peut abandonner son poste de professeur à l’Institut supérieur de pastorale catéchétique de la Catho de Paris, victime collatérale de l’affaire du « catéchisme progressif ». Après hésitation entre le père Dupuy et lui, le successeur sera donc Bernard Bro. Assigné à La Tour-Maubourg en 1958, celui-ci partage son temps entre ses cours au Saulchoir et le remplacement du père Plé à La Vie Spirituelle, avant de devenir l’adjoint du père Boisselot en 1960, puis le directeur littéraire des Éditions du Cerf en 19628.
5Privée seulement de Duployé, mais renforcée chemin faisant par de jeunes religieux dont plusieurs ne resteront pas très longtemps9, l’équipe est donc de nouveau à pied d’œuvre. La seule question qui n’a pas été réglée est celle des rapports entre l’Ordre et les Éditions. La curie généralice désire toujours que celles-ci passent sous l’autorité du provincial, solution que le conseil d’administration ne saurait accepter. Il paraît même difficile que le provincial y soit représenté, l’Ordre n’ayant aucune part au capital de la société10, sauf peut-être par le supérieur de la Maison Saint-Dominique désormais distinct du directeur général, suggère le père Carré11.
Reprises
6« En 1957, nous héritâmes d’un nouveau provincial. L’horizon changea de couleur », témoigne le père Henry12, qui profite de l’embellie pour reprendre le projet avorté de Bible et Mission, dont Chifflot fait l’historique pour le père Kopf début février 195813. L’idée de réunir sous un seul titre « les deux plus forts mouvements de notre époque » n’a pas changé, mais l’expérience malheureuse récente et le risque de connotation protestante conduisent à troquer Bible pour Parole, solution dont Henry crédite le père Thomas. L’emploi du terme dans le sens de Parole de Dieu est alors peu fréquent en milieu catholique et fait sourciller le maître général Browne qui préférerait, de façon logique pour un thomiste, « Doctrine et Mission », dont ne veulent pas les promoteurs du projet14. La cible de celui-ci est définie dans deux notes de février 1958 comme « tout ce qui concerne l’action missionnaire de l’Église, action qui a pour fin la conversion chrétienne dans l’Église de Jésus-Christ et pour sujet toute humanité étrangère à l’Évangile de Jésus-Christ15 ». Plutôt que de planter l’Église, selon l’acception communément admise, la mission a pour but une adhésion personnelle au Christ, après annonce de la Parole. Son extension à tous les secteurs « géographiques, sociologiques, psychologiques ou autres » étrangers à la foi chrétienne doit l’empêcher de se cantonner dans des territoires, et des territoires lointains : pour la nouvelle revue, mission extérieure et mission intérieure ne font qu’un16. Ainsi conçue, la mission ne saurait donc être affaire de spécialistes, mais de l’Église toute entière : une « Église en état de mission », ainsi que la définit le père Chenu, sous le pseudonyme de Testis, dans le numéro du 15 octobre 195817. Le théologien proscrit est bien le mentor de Parole et Mission, même si « une élémentaire prudence » fait que « son nom ne doit paraître nulle part18 ». Sous son patronage, le père Dunas et le père Liégé, théologiens de référence d’une revue au comité de direction de laquelle ils rejoignent Henry et Thomas19, développent une conception kérygmatique de la mission assez éloignée de celle des instituts spécialisés20.
7Parole et Mission, Revue de Théologie missionnaire trimestrielle, sort le 15 avril 1958 sur 160 pages au format « carré » (19,5 × 13,5), avec des photographies sur les quatre pages de couverture qui renvoient au contenu des articles. Sa structure traduit son parti pris théologique : une première section, « Bible et mission », laisse rapidement place à la seconde « Principes de théologie », qui fournit les éléments de doctrines essentiels, complétés en fin de volume par une bibliographie de théologie missionnaire. Ensuite seulement viennent des sections géographiques ou thématiques à géométrie variable : Asie, Afrique noire, Amérique latine, Islam ou mission intérieure. Un large appel est fait pour celles-ci à la collaboration de membres des différents instituts missionnaires et du clergé séculier. Pas de patriotisme de clocher donc, bien que Parole et Mission permette aux dominicains parisiens de prendre pied sur un chantier qu’ils ne fréquentaient guère, malgré leur implantation de longue date en Irak et leur implantation plus récente en Scandinavie.
8Le contrat de départ est rempli. Au terme d’échanges difficiles, le feu vert finit par arriver de Rome, alors que le second numéro de la revue va paraître21. Celle-ci n’est d’ailleurs qu’un des trois volets de l’entreprise. Du 26 au 28 février 1959 se tient à Paris le premier colloque de Parole et Mission, qui est un succès et dont les actes sont publiés l’année suivante dans une section « Parole et Mission » de la collection « Foi Vivante », sous le titre emblématique Mission sans frontières. D’autres colloques suivront, sur la pastorale des non sacramentalisables (les divorcés remariés déjà…), les responsables de l’évangélisation, l’annonce de l’Évangile aujourd’hui, la mission auprès des ruraux ou la sacramentalisation des incroyants, qui font l’objet de numéros spéciaux de la revue ou de volumes d’une section vite devenue collection à part entière22. Le succès d’estime est réel. Parole et Mission éprouve toutefois des difficultés à trouver son public. Lancée dans une conjoncture peu favorable (crise de régime en France et soubresauts de la décolonisation outre-mer), la nouvelle revue ne séduit qu’un nombre limité d’abonnés : un millier en 1958, 1500 quatre ans plus tard23. Il faut dire que le marché est encombré : Rythmes du Monde, Église vivante ou le Bulletin du Cercle Saint-Jean-Baptiste occupent peu ou prou le même créneau. Parole et Mission se heurte en outre à la concurrence de Spiritus, revue des Pères du Saint-Esprit fondée en 1959, qui s’élargit en 1964 à d’autres congrégations en désaccord avec la conception extensive de la mission développée par le père Henry et ses confrères. D’où une tentative de concertation sans issue sur la délimitation des compétences, dans le contexte de la rédaction du décret conciliaire sur les missions24. Structurellement déficitaire, Parole et Mission peine à transformer en succès éditorial son succès d’estime, bien qu’elle soit, pour le père Henry, « la plus belle revue qu’on ait jamais publiée25 ».
9La disparition de La Vie Intellectuelle a creusé un vide que les héritiers du père Maydieu souhaitent combler rapidement. Interrogé par le provincial en mars 1958, le père Chartier lui déconseille de parler au maître général d’un projet en gestation. « Je ne pense pas, en effet, que de Rome on puisse avoir une optique suffisante pour déterminer le sens d’une revue française s’exprimant au niveau de l’actualité26. » Le mois suivant, Boisselot évoque incidemment « la future Vie Intellectuelle », dans sa « Note sur l’avenir des Éditions du Cerf ». Le 28 juillet 1958, Carré envoie à Kopf « le petit manifeste » des pères Chartier, Serrand et Thomas, qu’il faut malgré tout soumettre au père Browne. Après avoir constaté que rien ne remplace La Vie Intellectuelle pour « la présence de la pensée chrétienne au monde qui se transforme tous les jours », les signataires s’appuient sur de récents discours de Pie XII pour justifier leur projet qui couvrirait, comme la défunte Vie Intellectuelle, la vie de l’Église et ses contacts avec le monde profane, le mouvement des connaissances scientifiques dans son rapport avec la foi, la culture et les nouvelles techniques audiovisuelles ou les problèmes économiques, sociaux et politiques27. Vaste programme ! Soumis au maître général début octobre 1958, et accepté par lui, le projet peut voir le jour en janvier 1959.
10Il prend la forme d’un mensuel intitulé Signes du Temps, bien différent de La Vie Intellectuelle. Par la modestie de sa maquette tout d’abord : 40 pages seulement mais de grand format (32 × 21,5), qui lui donne plus l’allure d’un bulletin que d’une véritable revue. Par sa structure ensuite : un « Tour du monde en 80 lignes » sur la couverture et un texte plus engagé en quatrième de couverture, non signés ou signés d’initiales, tiennent lieu d’éditoriaux ; entre les deux, des articles plus brefs et plus descriptifs que ceux de La Vie Intellectuelle28. Par son contenu enfin : reprenant le titre d’une seule des sections de la revue à laquelle il entend succéder, Signes du Temps semble avoir choisi de s’y cantonner. S’il s’agit toujours de confronter « la foi et les événements », la référence chrétienne n’apparaît le plus souvent que de manière implicite dans le traitement de l’information. Certes, le père Serrand reprend la série des « Azimuts », qui se font l’écho de publications étrangères, mais sans suivre de près l’actualité religieuse pour laquelle Signes du Temps ne saurait rivaliser avec les Informations Catholiques Internationales. Il faudra l’intérêt suscité par le concile, et la présence à Rome de Georges Hourdin, pour que la rubrique religieuse de la revue s’étoffe29. Signes du Temps ne reprend que la partie « chroniques » de La Vie Intellectuelle, avec la même pléiade de collaborateurs laïcs. Certes Étienne Borne y est moins présent et quelques signatures nouvelles apparaissent, comme celle d’Alain Jacob sur la question algérienne, mais l’équipe n’en est pas bouleversée pour autant30. Sa direction non plus, qui repose sur les pères Chartier, Serrand et Thomas, avec le concours à mi-temps du père Gardey, ancien prêtre-ouvrier et animateur d’une communauté populaire à Chaville. Sous son nom, ou sous le pseudonyme de Louis Guinchard, pour le suivi de l’actualité politique et sociale française, il occupe une place importante dans le nouveau périodique31. Le comité de rédaction initial, qui n’y apparaît pas, comprend en outre Boisselot, Carré et Dunas, ainsi que Dubarle et Léger, ajoutés par le père Kopf.
11En 1959, les raisons qui empêchaient d’évoquer la guerre d’Algérie semblent obsolètes. Signes du Temps adopte en effet sur le sujet une posture engagée qui surprend. Son premier numéro comporte, outre deux textes dubitatifs sur l’utilisation de l’action psychologique dans le conflit, une chronique percutante de Gardey sur l’affaire dite du Prado de Lyon, dans laquelle sont impliqués des prêtres accusés d’avoir aidé les nationalistes algériens32. Il est difficile d’être moins prudent ! Mais autant que le traitement suivi de la guerre d’Algérie, des espoirs de pacification de 1959 jusqu’à la joie du cessez-le-feu de 1962 en passant par la ferme condamnation de l’OAS et des tentatives d’attentat contre le général de Gaulle, c’est la constance avec laquelle Signes du Temps dénonce les risques d’une insuffisante maîtrise de l’atome qui frappe. Le père Dubarle mène dans la revue une véritable campagne pour montrer les avantages, et surtout les inconvénients, de cette énergie nouvelle : pas moins de trente-deux articles entre janvier 1959 et décembre 1962, qui ne passent pas inaperçus33. Quant au père Régamey, qui a transféré sa fougue de l’art sacré à la non-violence, il condamne la force de frappe française et plaide pour un statut de l’objection de conscience34. La répétition de ces prises de position éminemment politiques, sans intervention visible des supérieurs, montre que les temps ont décidément bien changé.
12Un tel engagement peut séduire, mais il peut tout autant irriter. Des lecteurs prennent la plume pour demander « un peu plus de sérénité », car ils ont « parfois l’impression pénible du parti pris et pris en partisan35 ». Sans retrouver l’influence qui fut celle de La Vie Intellectuelle, Signes du Temps ne trouve pas mieux son public : moins de 3 000 abonnés en 1959, moins de 2500 en 196136. Aussi sa courte histoire est-elle heurtée. La revue, qui perd régulièrement de l’argent, doit jeter l’éponge une première fois à l’été 1963. Elle reparaît en octobre sous la double houlette du père Chartier, pour les Éditions du Cerf, et de Georges Hourdin, pour les Publications de La Vie Catholique illustrée, qui veut en faire le périodique d’intérêt général dont il rêve. Mais la formule bâtarde adoptée, entre véritable revue et magazine illustré, n’obtient pas le succès escompté. D’autant qu’elle n’a pas d’orientation nette, prise qu’elle est entre deux tendances : « celle des Pères et de Grall37, d’une part, qui ont des réflexes de droite (je simplifie les choses), celle de Hourdin et de moi-même qui souhaiterions un souffle chrétien plus vif et moins de soumission au “réalisme” politique et technocratique », peut-on lire dans une note de juin 196438. Alors que la revue demeure déficitaire, malgré les 5 300 exemplaires écoulés, Hourdin et Chartier décident d’arrêter les frais en juin 196539. Un ultime remake de Signes du Temps voit le jour en janvier 1966 et disparaît en juillet 1969 sur décision, non de la rédaction, mais de la direction des Éditions du Cerf. « Les raisons invoquées, particulièrement d’ordre financier, nous ont paru, à nous, peu convaincantes », précise l’adieu aux lecteurs. « Notre orthodoxie n’est pas en cause. On nous a affirmé que notre orientation ne l’était pas non plus. » Alors quoi ? Une incompatibilité de vues et d’humeur entre les pères Bro et Chartier40 ? Quoi qu’il en soit, les dominicains de La Tour-Maubourg et leurs amis n’ont pas réussi à faire revivre de façon durable La Vie Intellectuelle.
Restes de défiance
13« Nous n’avons pas été empêchés par des coups de crosse de la part du Vatican ni par des interventions des pouvoirs publics », témoigne le père Thomas à propos de Signes du Temps41. La remarque vaut pour l’ensemble des publications du Cerf dès la fin des années 1950. Un signe ne trompe pas : la sensible diminution du volume de la correspondance entre la maison du boulevard La Tour-Maubourg et la curie provinciale. Considérable sous le bref mandat du père Ducattillon, elle se réduit beaucoup à partir de 1957. Le temps des censures à répétition semble passé, comme le montre l’exemple du traitement de la guerre d’Algérie. En 1956, il a entraîné la disparition de La Vie Intellectuelle. Rien de tel entre 1959 et 1962 alors que plusieurs revues du Cerf prennent des positions claires contre la politique de force, en France métropolitaine comme en Algérie, et pour une solution pacifique du conflit. Signes du Temps n’est pas seul en cause : sur l’affaire du Prado, Parole et Mission publie une brève note d’André Frossard aussi indulgente pour les prêtres compromis que l’article de Gardey42. Quant à La Vie Spirituelle, elle effectue une enquête sur les séminaristes engagés de l’autre côté de la Méditerranée, parmi lesquels nombre de jeunes dominicains43. La revue les a interrogés sur leur vie de prière, pas sur la guerre qu’ils font. Elle signale cependant combien leur « manque trop évident de formation civique et politique » entraîne d’« irréalisme » et d’« étonnement devant les difficultés rencontrées44 ». Au fil de réponses émouvantes sur les aléas d’une foi confrontée à des situations extrêmes transparaît leur trouble face aux exactions dont ils ont été témoins ou acteurs : « tortures que l’on fait subir aux suspects » ; « mauvais traitements vis-à-vis des prisonniers, brutalités envers la population, toutes les manifestations du racisme et ce mépris du musulman » ; ou plus simplement face aux injustices dont sont victimes des populations misérables, « vols et même viols dans une fouille de village » par exemple45. Pour qui sait lire entre les lignes, cette enquête sonne comme un désaveu de la guerre menée par la France en Algérie.
14Sans être à la pointe du combat contre celle-ci, les publications du Cerf ont toutes choisi le camp d’une paix négociée avec les insurgés. On comprend dans ces conditions que les partisans de l’Algérie française les considèrent comme des adversaires : le portail du 29, boulevard La Tour-Maubourg est victime d’un plasticage, lors de la « nuit bleue » du 17 au 18 janvier 1962. Les lecteurs de Signes du Temps qui regrettent l’unilatéralisme de son engagement algérien46 ne manquent pas de sympathisants au sein de la province de France. Mais le père Ducattillon est bien mort : leurs critiques n’entraînent pas de sanctions à l’encontre de la revue. Le père Kopf, en désaccord avec le père Ducattillon sur le conflit algérien quand il était prieur du couvent Saint-Jacques, se contente de la réprimander pour l’article de Gardey concernant l’affaire du Prado, moins sur le fond que sur la manière : il s’agit d’un « papier bâclé » de mauvais journalisme ; et sur les répercussions possibles de l’incident : « Il ne faudrait pas qu’une levée de boucliers trop importante nous entraîne dans une situation semblable à celle de 1955. Nous n’avons pas le droit de compromettre la province47. »
15La défiance n’a pourtant pas disparu, mais elle se manifeste de façon plus feutrée, et sur le terrain religieux plus que sur le terrain politique. Dans La Vie Spirituelle de décembre 1957, le père Chifflot unit dans une même recension Ville marxiste terre de mission de Madeleine Delbrêl, qui s’est ralliée à l’interdiction romaine de 1954, et Le Scandale du xxe siècle et le drame des prêtres-ouvriers d’André Collonge, qui la réprouve avec vigueur48. Tout en refusant de se prononcer sur la thèse de celui-ci49, il glane dans son livre tout ce qui peut nourrir « l’espoir des pauvres ». Or nul n’ignore, dans l’Ordre à tout le moins, qu’André Collonge est Bernard Gardey, prêtre-ouvrier soumis, mais pas résigné. Le père Paul-Dominique Dognin, professeur au Saulchoir, « réprouve formellement le rapprochement » et soumet le livre de Collonge à un long réquisitoire50. Sans effet apparemment, car Signes du Temps publie en 1959 un texte sévère de Gardey sur la dégradation de l’intuition en institution dans la Mission ouvrière récemment créée par les évêques51. Il est cependant difficile de voir en lui un successeur acceptable pour Boisselot, comme semble le suggérer Carré52.
16Les doléances se concentrent ensuite sur « Vocations », chronique tranchante du père Féret publiée dans La Vie Spirituelle de janvier 1959. Le déclin du recrutement sacerdotal que constatent plusieurs enquêtes est dû selon lui à une « très grave crise de la théologie de la vocation ». Féret conteste vigoureusement une conception mythique de celle-ci, sorte de « mystérieux influx intérieur », doublée d’une conception infantile qui privilégie l’appel aux enfants, alors que le Christ, ses disciples et la primitive Église n’ont appelé aux ministères que des « vocations tardives ». Tout en reconnaissant « le caractère quelque peu incisif de ces critiques », le théologien démolit la définition alors dominante de la vocation, au nom de « la vérité originale de la Révélation » ou de « la fidélité à la pure et libératrice Parole de Dieu », selon une démarche qui lui est familière53. Les réactions ne se font pas attendre. Le père Gobert, socius du maître général, ne mâche pas ses mots : « Un article d’une telle arrogance, d’une telle sûreté de soi-même, si incomplet, si tendancieux, ne peut faire du tort qu’à son auteur et qu’aux lecteurs sans jugement54. » Tout en se disant personnellement plus nuancé, Mgr Garrone, archevêque de Toulouse, est chargé de transmettre que l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques, réunie du 4 au 6 mars 1959, « s’oppose absolument à ce que de telles vues soient maintenues à l’avenir de quelque manière que ce soit dans La Vie Spirituelle55 ». Le père Féret fait acte de soumission, mais l’affaire donne lieu ensuite à une réunion tendue entre le prélat et les pères Bro et Plé56.
17Par-delà ces alertes récurrentes, qui n’épargnent pas La Vie Spirituelle après avoir eu raison de La Vie Intellectuelle, les « Réflexions du P. Gobert sur les publications de nos Pères en France », à l’occasion d’« articles des derniers mois dans La Vie Spirituelle, Signes du Temps, Esprit, Parole et Mission, Témoignage Chrétien, etc., de la part des Pères Féret, Chenu, Congar, Henry57 et d’autres », fournissent un bon observatoire sur ce que les autorités romaines pensent des théologiens du Cerf à la veille du changement décisif d’ambiance que produit l’évolution inattendue du pontificat de Jean XXIII et du concile Vatican II. « Les auteurs cités plus haut sont manifestement d’une tendance bien déterminée. Au lieu de l’appeler progressiste, je la dirais plutôt libérale. Ils sont presque toujours en réaction, et du fait même ils tombent dans un autre extrême », car ils défendent un « point de vue unilatéral ». « Cette mentalité de débatteurs, de défenseurs d’un aspect des choses et de la vérité, les rend partiels et passionnés » contre « ce qu’ils appellent le danger de l’autoritarisme », au nom des droits de la conscience et d’une pensée personnelle ; contre l’Église institution au nom de l’Église « communauté de fidèles, communauté eucharistique, etc. ». Et d’évoquer les travaux de Congar ou de Chenu. « N’est-on pas sous une influence protestante », s’interroge Gobert ? Et cette tendance n’est-elle pas générale ? » Les auteurs incriminés n’accepteraient sans doute pas les termes dans lesquels ils sont décrits, mais ils pourraient se reconnaître dans le portrait de groupe qui est fait d’eux : une sorte d’« opposition de Sa Sainteté », opposition à la ligne doctrinale romaine, au nom d’une autre ligne, plus attentive aux requêtes du temps. On songe notamment aux réflexions du père Congar dans son Journal d’un théologien. La conclusion de Gobert est modérée : « Je crois qu’il est difficile d’obtenir que ces publicistes changent leur tournure d’esprit et leur complexe de réaction. Je suis d’ailleurs favorable à une certaine liberté d’expression. Mais qu’ils comprennent leur responsabilité et qu’ils pratiquent davantage l’humilité comme aussi la docilité à l’égard de l’Église. Le peuvent-ils ? J’en doute fort. » Il faut donc continuer de les soumettre à censure, mais en France : le maître général ne peut pas tout suivre58.
Le concile du Cerf
18Moins de cinq ans plus tard, les théologiens qui inquiétaient le père Gobert sont devenus des experts écoutés de Vatican II avant de devenir des interprètes autorisés de son œuvre, à laquelle certains ont fourni une contribution appréciable : l’opposition est devenue majorité. Évaluer de façon précise ce que le corpus conciliaire doit aux Éditions du Cerf tient de la gageure, tant ce corpus est tissé d’influences et d’apports multiples. La convergence de fond entre les résultats de l’assemblée et le travail de la maison saute pourtant aux yeux. Les pères Boisselot et Chifflot soulignent au début des années 1960 combien « l’effort de nos Éditions a marqué l’Église de France depuis vingt ans, dans les domaines biblique, patristique, liturgique, ecclésiastique, catéchétique, pastoral, aussi bien que dans la prise de conscience des problèmes missionnaires59 ». Or tous ces mouvements ont effectué à Vatican II des percées remarquées, bien que d’ampleur inégale. Les Éditions du Cerf ne sont pas les seules à avoir continué de les promouvoir en France quand ils étaient suspects à Rome. Il n’empêche. Le style de Vatican II, imprégné de retour aux sources, et quelques passages plus ciblés du corpus conciliaire ne peuvent que sonner agréablement aux oreilles des pères du boulevard La Tour-Maubourg : comme la justification de plusieurs décennies de leur engagement au service d’une réforme de l’Église.
19Le concile n’a-t-il pas restauré la Bible au cœur de la foi et de la théologie catholiques ? Une Bible dont le Cerf a été le principal diffuseur en France, grâce à la nouvelle édition produite en collaboration avec l’École de Jérusalem ; et parmi les principaux commentateurs dans plusieurs de ses collections. La maison a largement anticipé et promu une telle restauration dans le monde catholique francophone. En 1965, la constitution conciliaire Dei Verbum sur la Révélation ratifie un tel effort jusque dans ses développements les plus récents. « C’est la consécration de votre travail », écrit le père Congar au père Chifflot, quelques semaines avant sa mort, en lui transmettant le texte qui deviendra le numéro 22 de la future constitution60 :
« L’Église veille […] à ce que des traductions appropriées et exactes soient élaborées dans les différentes langues, de préférence à partir des textes originaux des saints Livres. Si, pour des raisons d’opportunité et avec l’approbation de l’autorité de l’Église, ces traductions sont réalisées en collaboration avec des frères séparés, elles pourront être utilisées par tous les chrétiens. »
20Or l’année précédente, les Éditions du Cerf et un groupe de théologiens protestants ont lancé les travaux de ce qui deviendra la TOB (Traduction Œcuménique de la Bible).
21La collection « Sources Chrétiennes » prouve que les Éditions du Cerf ont également joué un rôle moteur dans le mouvement patristique en France. On a montré combien certains documents de Vatican II étaient marqués par le retour et le recours aux Pères, la constitution sur l’Église Lumen Gentium surtout, mais pas seulement61. Or ces documents citent plusieurs œuvres de théologiens des premiers siècles chrétiens, latins et grecs, dans l’édition fournie par la collection « Sources Chrétiennes » : le tome III du Contre les hérésies d’Irénée de Lyon, la Tradition apostolique et l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée dans le cas de Lumen Gentium62. Le premier de ces volumes est dû au professeur du Saulchoir Marie-Matthieu Sagnard, dont le successeur Thomas Camelot, lui aussi auteur de la collection, est expert officiel au concile. Comment les Éditions du Cerf ne savoureraient-elles pas le plaisir de voir leur travail ainsi reconnu ? Et que dire du mouvement liturgique ? La revue La Maison-Dieu et les collections qui l’accompagnent comptent parmi les sources de la réforme opérée par Vatican II à laquelle ont activement participé, dans la commission préparatoire puis au consilium d’application de la constitution Sacrosanctum Concilium, le père Roguet, codirecteur du CPL et le père Gy, professeur au Saulchoir.
22Il faudrait encore souligner la part des livres du Cerf au tournant ecclésiologique de Vatican II, qui substitue à la définition de saint Robert Bellarmin, en termes d’institution et de hiérarchie, une définition biblique et patristique en termes de mystère, de communion et de vie. Le Catholicisme du père de Lubac et les gros pavés du père Congar ont préparé de longue main un tel tournant, dans lequel le théologien du Saulchoir a joué, comme expert conciliaire, un rôle déterminant. Une série d’ouvrages publiés coup sur coup à la veille du concile dans sa collection « Unam Sanctam » jalonnent la préparation immédiate d’un tel tournant. Actes d’un colloque tenu à la Faculté de théologie catholique de Strasbourg, L’Ecclésiologie au xixe siècle (34, 1960) souligne les impasses de la théologie intransigeante qui culminent dans l’exaltation par Vatican I de la fonction pontificale ; et précisent que d’autres voies étaient praticables, à la suite de Möhler, de Scheeben ou de Newman. En 1960 également, les actes d’un autre colloque, tenu au monastère belge de Chevetogne et publié en partenariat avec lui, Le Concile et les conciles (volume hors série d’« Unam Sanctam »), entendent réhabiliter « la vie conciliaire de l’Église » au fil des siècles, sans tomber pour autant dans l’hérésie conciliariste. En 1961, les traductions de Gregory Baum, L’Unité chrétienne d’après la doctrine des papes, de Léon XIII à Pie XII et de Hans Küng, Concile et retour à l’unité (35 et 36) veulent convaincre que l’œcuménisme ne manque pas de références dans les documents récents du magistère et qu’il doit donc être une des préoccupations majeures du prochain concile. Ensuite viennent trois ouvrages qui prônent la nécessité d’équilibrer l’exaltation de la papauté par une théologie de l’épiscopat : Jean-Pierre Torrell, La Théologie de l’épiscopat au premier concile du Vatican (37, 1961) ; L’Épiscopat et l’Église universelle, sous la direction de Bernard-Dominique Dupuy et d’Yves Congar (39, 1962) ; Jean Colson, L’Épiscopat catholique : collégialité et primauté dans les trois premiers siècles de l’Église (43, 1963). Entre-temps est paru le volume important du dominicain belge Jérôme Hamer, régent du Saulchoir, L’Église est une communion (40, 1962) et le recueil Sainte Église dans lequel Congar rassemble trois décennies de labeur sur le chantier ecclésiologique (41, 1963). Pas moins d’une dizaine de titres en quelques années, alors que se prépare une discussion conciliaire décisive sur les points chauds qu’ils éclairent : synodalité, collégialité ou œcuménicité. L’impression laissée par une telle accumulation est celle d’une campagne orchestrée, avec Congar à la baguette63, pour peser sur les décisions à venir.
23Une fois le concile annoncé, les Éditions du Cerf font leur possible pour qu’il ne soit pas une occasion manquée. Sous le titre Un concile pour notre temps, la collection « Rencontres » publie à la fin de 1961 les actes de la journée d’études organisée les 13 et 14 mai, dans une salle parisienne de l’UNESCO, par les Informations Catholiques Internationales. Tour à tour, José de Broucker, René Voillaume, Mgr François Marty, Olivier Rousseau ou François Houtart expliquent ce qu’ils attendent du concile dans le domaine d’activité qui est le leur. Dans une formule choc vouée à un large écho, Marie-Dominique Chenu souhaite qu’il marque « la fin de l’ère constantinienne », c’est-à-dire d’une chrétienté étroitement liée aux pouvoirs, politiques, sociaux et culturels64. « Il faut forcer l’aurore à naître, en y croyant », conclut pour sa part le père Congar en citant Edmond Rostand, après avoir suggéré que l’Église profite de Vatican II pour honorer vraiment ses notes d’unité, de sainteté, de catholicité et d’apostolicité65. La collaboration entre les Informations Catholiques Internationales et les Éditions du Cerf se poursuit durant le concile par une série de petits volumes de la collection « L’Église aux cent visages », publiée à partir de 1963 sous la direction du père Henri-Noël Bonnet et du journaliste José de Broucker, qui en éclaire quelques-unes des péripéties. C’est dans cette collection militante que le père Congar publie son « bloc-notes » sans langue de buis des ICI, Le Concile au jour le jour66. Y prennent place aussi, outre une édition maniable en deux volumes des actes de Vatican II (numéros 16 et 20), le plaidoyer du théologien dominicain Pour une Église servante et pauvre (numéro 8), dont le retentissement est considérable, et le recueil des interventions, moins heureuses, pour que le concile se convertisse à la pauvreté67. Ou encore le précieux volume de sociologie à chaud du père Caporale sur Les hommes du concile68. En dehors de cette collection, le Cerf publie aussi, les Discours au concile Vatican II jugés les plus remarquables par Yves Congar, Hans Küng et David O’Hanlon69.
24Le Cerf n’est pas la seule maison d’édition pouvant se targuer d’avoir préparé les réformes de Vatican II ni d’en avoir accompagné les aléas au fil des quatre sessions, mais elle est la seule en France à lui avoir dédié ensuite un monument de papier : la collection « Unam Sanctam » bis qui produit à partir de 1966, sous couverture beige et non plus bleue, une série d’éditions et de commentaires des différents documents adoptés par le concile. Son maître d’œuvre reste Congar, infatigable bien que gravement handicapé par sa maladie, pour lequel le père Peuchmaurd demande en vain un assistant du type de ceux dont disposent ses collègues allemands ou néerlandais70. Pour chacun des textes, elle fournit l’original latin, une traduction française et des commentaires plus ou moins développés dans lesquels des théologiens mêlés à la rédaction en suivent de près la genèse et en fournissent une exégèse détaillée. « Unam Sanctam » bis commence par trois volumes consacrés à la constitution sur l’Église qui servent ensuite de modèle : 158 pages pour le texte et pas moins de 1442 pour son explication71. Remarquablement informés du fait de la proximité de leurs auteurs avec les équipes de rédaction, ces volumes ne sont pourtant pas des commentaires officiels, ni même officieux. Leurs auteurs sont des experts de la majorité conciliaire, dans ses composantes francophone et germanophone surtout. Les théologiens romains invités à les rejoindre, de l’Université grégorienne ou du Collège Saint-Anselme, ont tous rallié la majorité : il n’y a pas de représentants de la minorité parmi eux. Et ils s’engagent pour une interprétation libérale des textes. Ainsi le père Congar se justifie-t-il de ne pas publier avec celui de la constitution sur l’Église la « Note préliminaire » imposée par Paul VI comme clé d’interprétation du chapitre iii sur la collégialité : « Elle doit bien être inscrite dans les Actes du Concile ; elle ne fait cependant point partie du texte voté et promulgué le 21 novembre 196472 » ; aussi en réserve-t-il la présentation pour les commentaires… de l’abbé Joseph Ratzinger, qui n’en majore pas la portée, d’où quelques difficultés pour la publication de l’édition italienne73.
25Douze autres titres suivront jusqu’en 1970, pas tous aussi volumineux il est vrai. Seuls trois documents conciliaires manquent à l’appel : le décret sur les moyens de communication sociale et la déclaration sur l’éducation chrétienne, ce qui n’est pas une grosse perte, car ces textes ne sont pas impérissables ; mais aussi le décret sur l’œcuménisme, confié au bénédictin du prieuré de Chevetogne, Emmanuel Lanne, ce qui est autrement gênant. En revanche, la série inclut des volumes extérieurs à l’œuvre conciliaire proprement dite, mais qui en éclairent de façon utile la portée. D’abord une série de Points de vue de théologiens protestants de langue française sur les différents documents adoptés à Rome (64, 1967) ; puis, sous le titre La fin d’une chrétienté, les chroniques du concile publiées par le jésuite Robert Rouquette dans la revue Études (69 a et b, 1968) ; enfin un recueil des premiers documents officiels d’application intitulé Pour construire l’Église nouvelle (en collaboration avec les Éditions Fides de Montréal, 77 a et b, 1969 et 1970). Si l’on ajoute la réédition dans la série de Vraie et fausse réforme dans l’Église, qui en authentifie le rôle pionnier, on dispose d’un ensemble considérable qui n’a de comparable que le supplément Vatican II du Lexikon für Theologie und Kirche, chez Herder à Fribourg-en-Brisgau. Au lendemain du concile, alors que ses archives sont inaccessibles, tant à Rome que dans les fonds privés des évêques et des experts, « Unam Sanctam » bis fournit à chaud une première approche de l’histoire de Vatican II, par la fabrication et l’interprétation du corpus de ses documents.
26Les Éditions du Cerf ont donc bien mérité du concile ; mais elles en ont aussi profité. Le début des années 1960 est une période faste pour une entreprise qui monte en puissance et acquiert une belle taille, avec treize religieux appointés et une centaine d’employés laïcs74, desquels émergent quelques chefs de service : Gabriel Ferrier, inamovible directeur commercial, Henri Juillerat, sous-directeur administratif, Jacques Lonchampt, au service littéraire, Dominique Morin au service fabrication75. La documentation disponible est maigre sur ce personnel que l’affaire Carrouges éclaire d’une lumière polémique. Engagé en 1946 sur la recommandation du père Maydieu, pour s’occuper de Fêtes et Saisons, il en est devenu rédacteur en chef le 1er mars 1956. Sa déficience visuelle s’aggravant, il est placé en arrêt du travail le 5 décembre 1962, avec plein salaire pendant un an, puis en régime de longue maladie, assorti de la reconnaissance d’une invalidité permanente qui débouche sur sa retraite anticipée. Les Éditions du Cerf lui proposent alors une indemnité qu’il refuse sans faire de contre-proposition, mais en élargissant sa critique au fonctionnement de la maison sur deux points principaux : les laïcs, les femmes surtout, y seraient des employés de seconde zone, soumis aux religieux, et dépourvus de certaines garanties de la législation du travail ; ceci du fait d’un accord secret entre les dominicains et leurs bailleurs de fonds, qui ne seraient que des hommes de paille76. Il s’en prend notamment aux « dindes », « grands rassemblements festifs où se manifeste l’unité communielle [sic] des Pères et des laïcs, des employeurs et des employés », pour la fête de Noël mais pas seulement77. Carrouges harcèle en vain les provinciaux Kopf et Rettenbach pour obtenir d’eux l’aveu d’un tel pacte. Ils répondent qu’il n’existe « aucun accord, convention ou lien juridique entre les Éditions du Cerf et la Maison Saint-Dominique prise comme communauté religieuse78 ». Ils ne s’estiment donc comptables que de celle-ci ; pour le reste, Carrouges doit s’adresser aux dirigeants de la société. Faute d’obtenir satisfaction, il persiste et signe dans un livre publié en 1971, Un patronat de droit divin, par lequel il instruit la thèse des « rapports entre la mythologie et la réalité des structures sociales de la maison dominicaine des Éditions du Cerf », décrite comme un ready made à la Duchamp ou un collage à la Max Ernst, né de l’assemblage contre-nature d’une société commerciale et d’une communauté religieuse. Il ne peut se résoudre à admettre leur séparation, qui fait précisément l’originalité d’un montage contesté par les autorités dominicaines, mais pour des raisons diamétralement opposées aux siennes. Il faudrait d’autres documents que ceux actuellement disponibles pour vider la querelle, qui concerne d’ailleurs moins l’activité éditoriale du Cerf que son fonctionnement interne, en termes de sociologie des entreprises.
27Bien qu’on peine à le prouver sur documents, le changement d’atmosphère au sein de l’Église catholique n’est certainement pas pour rien dans la croissance du Cerf : la personnalité de Jean XXIII et la réunion du concile Vatican II ont suscité de la curiosité dans un public plus large que celui des seuls fidèles convaincus. Une maison comme le Cerf, qui militait de longue date pour un l’aggiornamento en cours, n’a pas pu ne pas en bénéficier : elle surfe sur la vague conciliaire. Son chiffre d’affaires ne cesse de progresser : 323 millions de francs en 1958, environ 410 en 1960, 8 millions 800 000 nouveaux francs en 1966, 9 millions 800 000 en 1967. Les revues ne sont plus que pour un quart dans ses résultats, sans qu’on puisse attribuer ce déséquilibre croissant à leur déclin, mais bien plutôt au développement du secteur « livres » qu’il s’agisse des ventes directes ou des cessions de droits79. Les Éditions du Cerf continuent d’ailleurs de créer des périodiques : Parole et Mission en 1958, Signes du Temps en 1959, Amen en 1962, La Bible et son message en 1966. Mais leur santé est inégale. On sait la lenteur du démarrage de Parole et Mission et les difficultés chroniques de Signes du Temps. On peut ajouter au passif le déclin de L’Art Sacré, désormais sous la direction des pères Cocagnac et Capellades : après avoir dépassé les 5 000 abonnés au tournant des années 1960, la revue tombe à moins de 3 000 en décembre 196880. Les tentations iconoclastes en marge de la réforme liturgique ont pu lui être préjudiciables. Fêtes et Saisons reste de loin, avec 15 à 20 % du chiffre d’affaires global, le poids lourd du secteur81. Le magazine perd toutefois, au début des années 1960, l’équipe qui l’a rendu si attrayant : d’abord le père Louvel qui doit reprendre en 1962 La Vie Spirituelle au père Bro, promu directeur littéraire, puis Michel Carrouges en décembre de la même année et enfin, au mois de juin 1963, le père Fleuret, assigné par le provincial au couvent Saint-Jacques. C’est le père Bonnet qui prend la relève, avec le concours du père Capellades, mais surtout d’une forte équipe laïque animée par Jacques Mignon82. Fort de 40 000 abonnés en 1958 et d’un tirage de 120 000 exemplaires83, Fêtes et Saisons continue de gagner de l’argent, mais moins qu’auparavant si l’on en croit le témoignage de Louvel84.
28Les périodiques du Cerf qui se portent le mieux sont ceux que dopent les réformes conciliaires. La Vie Spirituelle, dont le 500e numéro voit le jour en décembre 1963, atteint un maximum de 11240 abonnés en 1967, dont un tiers à l’étranger85. Après celle sur les séminaristes aux armées, ses enquêtes sur « Les instituteurs et la foi » (juillet 1961) et sur les « Témoignages de cloîtrées » (juillet 1962) connaissent un vif succès. Son Supplément, toujours aux mains du père Plé, qui a créé l’Association médico-psychologique d’aide aux religieux (AMAR) en 1961, connaît une croissance ininterrompue et devient la revue de référence en matière de théologie morale : 3300 abonnés en 1956, près de 6 000 en décembre 196886. Les revues liturgiques ne sont pas en reste : La Maison-Dieu gagne plus de 2 000 abonnés entre 1959 et 1965, et Notes de Pastorale Liturgique quelques centaines87. Nouveau venu au CPL, le père Marie-Dominique Bouyer crée en 1962 la toute petite revue Amen pour accompagner un public populaire au long de l’année liturgique : six numéros par an sur 32 pages au format 13,5 × 11 (Carême, Pâques, Pentecôte, Été, Avent, Noël). La maquette est séduisante : articles brefs ponctués de dessins stylisés, couleur distinctive pour chaque livraison88. La transformation du Centre de pastorale liturgique, association privée, en Centre national de pastorale liturgique, sous la responsabilité de la Conférence des évêques de France, distend toutefois ses liens avec le Cerf, bien que le père Gy devienne directeur adjoint du nouvel organisme89.
29Les Éditions du Cerf ne peuvent guère compter sur leurs revues pour gagner de l’argent : même celles dont l’audience s’accroît ne sont que faiblement bénéficiaires ; et le secteur reste globalement déficitaire, ce que ne conteste pas le père Louvel dans un plaidoyer pour ces têtes chercheuses que sont les revues90. L’essor de la maison repose pour l’essentiel sur le secteur « livres ». Celui-ci connaît au début des années 1960 une forte croissance liée à une sensible augmentation de l’offre. Aussi est-on surpris de lire dans les « Confessions » du père Bro qu’« il n’y avait plus que huit manuscrits en route » quand il a pris la direction littéraire de la maison au début de 196291. Les sorties d’ouvrages inédits ont en effet doublé depuis les années 1950 : 58 en 1960, 70 en 1961, 81 en 1963, plus 35 réimpressions et 104 contrats signés avec l’étranger92, dont les pages finales de La Vie Spirituelle et cinq Bulletins annuels des Éditions du Cerf font la publicité. Cette croissance s’accompagne d’une diversification de la gamme des produits mis en vente, du gros livre à caractère scientifique au livre de poche, pour toucher des publics différents.
30Dans le secteur biblique, qui représente plus de 30 % du chiffre d’affaires de la maison en 1968, cette diversification s’est manifestée par une déclinaison de la Bible de Jérusalem en divers formats et dans ses diverses composantes : son Psautier, publié en 1961, s’est écoulé à 67 000 exemplaires trois ans plus tard. Elle passe aussi par la confection de produits dérivés, dont le modèle est le Vocabulaire de théologie biblique dirigé par le jésuite Xavier Léon-Dufour, dont la première édition sort avec succès en 1962 (34 000 exemplaires vendus en décembre 1964)93. Un premier tome de la Synopse des quatre Évangiles en français des pères Benoit et Boismard, de l’École de Jérusalem, paraît en 1965. « Plus importante collection d’études bibliques en France », « Lectio Divina » poursuit sa route avec une moyenne de deux ouvrages par an et plus de 50 au total en 1968. On lui reproche toutefois un manque d’homogénéité qui conduit à créer une autre collection pour reprendre son projet de théologie biblique et lui permettre de se cantonner dans une exégèse technique. « Lire la Bible » est inauguré en 1964 par Dieu et son image du père Dominique Barthélemy, professeur l’université de Fribourg. « Soit synthèse d’un thème biblique, soit initiation à l’exégèse moderne », la collection signale les nouvelles méthodes de celle-ci94. Le magazine La Bible et son message apparaît en 1966 pour « rejoindre le peuple des fidèles de telle façon que ne se créent pas deux religions : celle de ceux qui savent et celle de ceux qui ne savent pas ». Le magazine a pour but de « vulgariser la méthode historique du P. Lagrange, avec quelques aperçus sur les résultats les plus récents de la science biblique ». Il tire à 52 000 exemplaires en 1969 pour 25 000 abonnés95.
31Les Éditions du Cerf sont parties prenantes par ailleurs d’un projet novateur : celui d’une traduction œcuménique de la Bible, qui démarre en 1964 sous la direction du père François Refoulé, côté catholique, et du pasteur Georges Casalis, côté protestant. Il n’était question, dans un premier temps, que d’une révision conjointe de la Bible de Jérusalem. Mais celle-ci s’étant révélée impraticable, il a été décidé, en dépit des vives réticences initiales de l’École biblique, d’entreprendre une édition à nouveaux frais, soumise à l’arbitrage scientifique du père Pierre Benoit et du professeur Oscar Cullmann et à l’expertise littéraire des professeurs Henri-Irénée Marrou et Pierre Chazel. Le premier fascicule, sur l’Épître de Paul aux Romains, texte particulièrement sensible depuis la Réforme, est présenté en Sorbonne le 16 janvier 196796. Le travail ne sera achevé qu’en 1975. En 1967 également, sort une édition du Livre des Morts des anciens Égyptiens, premier volume de la collection « Littératures anciennes du Proche-Orient » voulue par le père Chifflot.
32Le secteur patristique conserve lui aussi son dynamisme. Sous la ferme impulsion du père Claude Mondésert, la collection « Sources Chrétiennes » poursuit son chemin, épaulée par des ouvrages de référence, comme la traduction du manuel de Johannes Quasten, Initiation aux Pères de l’Église97 : elle atteint son centième volume en 1965 avec la publication de la quatrième partie du Contre les hérésies d’Irénée de Lyon. Entre la Bible et les Pères s’insère le projet de publication des œuvres complètes de Philon d’Alexandrie, philosophe juif contemporain de la naissance du christianisme, porté par une équipe lyonnaise comprenant, outre le père Mondésert, les universitaires Roger Arnaldez et Jean Pouilloux. Le premier volume de la série, La Création du monde, paraît au printemps 1961.
33Pas moins d’une demi-douzaine de collections de théologie viennent s’ajouter à ces valeurs sûres pendant les années conciliaires, ce qui est un exploit, faute de directeur attitré pour chacune d’entre elles. En 1961 naît, sous le nom de « Cogitatio Fidei », la collection théologique de référence qui manquait aux Éditions du Cerf. Elle croise deux projets anciens. D’une part celui de procurer aux professeurs du Saulchoir un exutoire pour leurs travaux. Ainsi peut surgir une nouvelle génération de théologiens dominicains, formés à l’école de saint Thomas d’Aquin, mais familiers de la pensée contemporaine dans ce qu’elle peut avoir de plus corrosif pour la foi : Olivier Rabut, Nicolas Dunas, Jacques Pohier, Jean-Pierre Jossua ou Philippe Roqueplo y publient leurs premières œuvres. D’autre part permettre à ceux de leurs maîtres qui se sont éparpillés auparavant en participations multiples, la possibilité de rassembler ces membra disjecta dans des volumes soulignant la cohérence de leur pensée : c’est reprendre l’intuition des « Ossa Humiliata » du père Duployé. Au vu de la liste des premiers titres, la seconde hypothèse prévaut dans les débuts de la collection : trois volumes d’Exégèse et théologie du père Benoit (1, 2 et 30), deux de l’infatigable père Congar (Les voies du Dieu vivant et Sacerdoce et laïcat devant leurs tâches d’évangélisation et de civilisation, 3 et 4, 1962) ; mais surtout les deux recueils qui manifestent, avec dix ans de retard, l’importance de l’œuvre du père Chenu. Doté d’une première approche bibliographique par le père André Duval, La Foi dans l’intelligence rassemble ses travaux d’histoire de la théologie médiévale ; L’Évangile dans le temps réunit ses interventions sur la théologie des réalités terrestres et la théologie de la mission (10 et 11, 1964). Cette double publication ne signifie pas encore pleine réhabilitation pour l’ancien régent du Saulchoir, deux fois sanctionné par Rome, mais devenu un expert conciliaire écouté. Pas un expert officiel toutefois : l’expert privé d’un de ses anciens élèves évêque à Madagascar. Sa complète réhabilitation tarde en effet : le volume d’hommage qui devait lui être remis pour ses 70 ans, en février 1965, est différé et ne verra le jour qu’après sa mort en 1990. « Je voudrais pour le Père Chenu le maximum de discrétion, écrit son provincial en décembre 1964. Ce serait rendre à celui-ci un très mauvais service que d’étaler actuellement sur la place publique ce qu’il a fait depuis vingt ans. Si on voulait détruire son influence pour la 4e session du concile, on ne pourrait pas employer de meilleur moyen98. » Comme l’a fait savoir Mgr Veuillot, le père Chenu demeure suspect dans l’Église de France et sans doute aussi à Rome. Pas de volume d’hommage donc pour son anniversaire, seulement « quelques articles exacts et discrets ». Plus tard, « ce qui est inopportun aujourd’hui sera peut-être hautement souhaitable » et le provincial pourra donner son feu vert à un hommage qui attendra ainsi… quinze ans99. En 1969 toutefois, le père Olivier de la Brosse peut l’utiliser dans son portrait de Chenu pour une autre collection du Cerf née de l’euphorie conciliaire100.
34En contrepoint de « Cogitatio Fidei », vouée à un lectorat restreint de philosophes et de théologiens, trois collections moins ambitieuses, de format plus modeste et de lecture moins technique, veulent diffuser auprès d’un lectorat cultivé, une approche incarnée de la théologie101. La première, « Lumière de la foi » naît en 1957 avec Le Trône de la Sagesse, Essai sur la signification du culte marial de Louis Bouyer ; mais elle n’atteint sa vitesse de croisière qu’au début des années 1960. Se voulant une « somme théologique pour aujourd’hui », elle s’efforce de faciliter la rencontre entre le dogme catholique et le monde du xxe siècle par la publication d’essais lisibles sur des segments circonscrits du donné révélé : Marie ou l’au-delà par exemple. D’où une série d’ouvrages élégants, d’Édouard Schillebeeckx ou de Louis Lochet, dont aucun ne devient toutefois un best-seller. Les deux autres collections nouvelles cultivent une approche plus personnalisée et moins systématique de la foi chrétienne. « L’Évangile au xxe siècle » naît en 1959 avec un volume dans lequel le père Liégé rassemble ses articles pour la revue de la Route des Scouts de France dont il a été l’aumônier national : Jeune homme lève toi ! Elle a pour but de publier des « témoignages et réflexions de chrétiens qui prennent au sérieux leur vocation de vivre et annoncer » la bonne nouvelle dans le monde ambiant. Cette catéchèse par l’exemple rencontre un vif succès : les Lettres aux fraternités du père de Foucauld de René Voillaume (2-3, 1960), Comme s’il voyait l’invisible de Jacques Loew (8, 1964), et surtout le Journal de l’âme de Jean XXIII, paru en octobre 1964 quelques mois après la disparition du pape (n° 12), deviennent rapidement des best-sellers102. En octobre 1963, sort le premier volume d’une troisième collection, au format proche de celui de poche, qui a pour ambition de diffuser les réponses fournies aux problèmes de leur temps par des hérauts de la foi chrétienne au fil des siècles. Inaugurée par le volume de François Louvel et de Claude Mondésert, Écrits des Pères apostoliques, elle prend ainsi la forme d’une galerie de personnalités, canonisées ou pas, que les Éditions du Cerf proposent comme modèles, de saint Augustin au cardinal Suhard, en passant par saint Dominique, saint Thomas d’Aquin, Barthélemy de Las Casas ou le père Lagrange. L’inclusion dans la liste, avant leur mort, du père Congar (Jean-Pierre Jossua, 20, 1966) et du père Chenu (Olivier de la Brosse, 36, 1969) retient donc l’attention103. Elle fait figure de réparation pour des hommes qui, après avoir été surveillés et sanctionnés, sont quasiment devenus des pères de l’Église conciliaire. Sans verser dans l’hagiographie, les ouvrages qui leur sont consacrés n’en ont pas moins valeur de réhabilitation.
35« Contre beaucoup de craintes et d’avis opposés, venant aussi bien de certains Pères que du secteur commercial104 », les Éditions du Cerf participent au lancement d’une entreprise inédite : celle du livre de poche religieux. Alors que les collections bon marché dans ce format se multiplient chez les éditeurs laïcs et que les Éditions du Seuil ont lancé en 1961 avec succès le « Livre de vie », le Cerf s’associe avec Aubier, Desclée de Brouwer, les Éditions ouvrières et l’éditeur protestant Delachaux et Niestlé pour lancer en 1965 la collection de poche « Foi Vivante ». Une collection du Cerf porte ce titre depuis 1952, mais elle n’a pas été très active, sauf dans le domaine missionnaire à l’initiative du père Henry. Inaugurée par un inédit de l’inévitable père Congar, Jésus-Christ, notre Médiateur et notre Seigneur, « Foi Vivante » reprend dans une version bon marché quelques-uns des succès de la maison, qui sont aussi devenus des classiques de la théologie catholique : Le Mystère pascal de Louis Bouyer (6, 1965) ou Catholicisme du père de Lubac (13, 1965). Et la formule leur donne une seconde vie. Les neuf premiers titres du Cerf ainsi passés en poche totalisaient 650 ventes chaque mois, ils en totalisent près de 1600 au format de poche : 63 et 120 pour Le Mystère pascal, 38 et 103 pour Catholicisme, 70 et 160 pour Compagnons d’éternité du père Carré105. L’opération est un succès commercial, mais aussi et avant tout un succès intellectuel : dans le climat favorable de Vatican II, la collection « Foi Vivante » contribue à une plus large diffusion des maîtres livres de la « nouvelle théologie » qui s’y est imposée.
36Tout n’est pourtant pas rose boulevard La Tour-Maubourg quand s’achève le concile. Les Éditions du Cerf sont lourdement endettées et elles demeurent très introverties. Le versant ad extra de l’œuvre conciliaire, celui de la Constitution Gaudium et Spes sur l’Église dans le monde ce temps, n’est guère présent dans leur catalogue : Signes du Temps a suspendu sa publication et la collection « Rencontres » se meurt. Au lendemain du concile, le domaine biblique représente 30,5 % du chiffre d’affaires, la collection « Foi Vivante » 10 %, les « Sources Chrétiennes » et les publications sur Vatican II 8 % chacune106. La première moitié des années 1960 fait cependant figure d’âge d’or pour une maison qui a anticipé nombre des réformes effectuées par Vatican II et qui s’applique à les diffuser dans un public le plus vaste possible. La consécration du père Congar comme artisan majeur de l’œuvre conciliaire est aussi celle d’un éditeur chez lequel il est omniprésent : directeur des deux collections « Unam Sanctam », auteur des collections « Cogitatio Fidei », « L’Église aux cent visages » ou « Foi Vivante », il est aussi le premier théologien du xxe siècle fourni comme modèle dans la collection « Chrétiens de tous les temps ».
37Une publication de large diffusion résume bien ce que fut le concile Vatican II pour les Éditions du Cerf : le numéro spécial de Fêtes et Saisons intitulé « 20 ans de la vie de l’Église » en octobre 1965. Une photographie de l’aula conciliaire en couverture et un éditorial du cardinal Liénart donnent d’emblée le ton : « Vatican II point d’aboutissement107. » Mais de quoi ? Suit la litanie des mouvements qui ont permis une telle apothéose, au service desquels les Éditions du Cerf ont joué le rôle que l’on sait : vingt ans « à aimer la Bible » (texte posthume du père Chifflot), « de recherches théologiques » (Chenu), « de renouveau liturgique » (Roguet), « de cheminement œcuménique » (Congar), et ainsi de suite. Comment ne pas y voir une manière d’autoglorification ? Du concile Vatican II, pas encore achevé, comme consécration du travail des équipes de La Tour-Maubourg et comme revanche pour ceux de leurs membres qui ont souffert afin qu’advienne la réforme en chantier108.
Notes de bas de page
1 « Compte rendu de l’administration du P. Tunmer du 1er mars au 31 octobre 1957 », 14 novembre 1957, 3 p. dactyl. (citations, p. 1).
2 L’obéissance du père Tunmer est ainsi soumise à rude épreuve : deux assignations non désirées en moins d’un an, pour des charges aussi délicates l’une que l’autre !
3 Il perdrait des manuscrits… En fait, son assignation boulevard La Tour-Maubourg a été émaillée de foucades qui la remettaient chaque fois en cause.
4 Lettre du 28 novembre 1957.
5 Lettre du 5 novembre à Roguet, qui reste assigné boulevard La Tour-Maubourg.
6 Version piquante de l’épisode rapportée par Bernard Gardey, La foi hors les murs. Grappillage de la Saint-Martin, Paris, Karthala, 2001, p. 168-170.
7 « Note sur l’avenir des Éditions du Cerf » du 26 avril 1958, 2 p. dactyl.
8 Bernard Bro est né en 1925, il est entré dans l’Ordre en 1944, a été ordonné prêtre en 1951 ; professeur de théologie au Saulchoir depuis la fin de ses études, il est titulaire d’un doctorat obtenu en 1958 (Bro Bernard, La libellule ou… le haricot. Confessions du siècle, Paris, Presses de la Renaissance, 2003).
9 Jean-Dominique Papillon repart en 1957 ; Jean Pelfrène (1958-1960) ; Henri-Dominique (Bernard) Gardey (1959) ; Marie-Dominique Bouyer, pour le CPL (1960) ; Réginald Peuchmaurd (1962).
10 La Maison Saint-Dominique a souscrit 1 500 000 francs d’obligations lors de l’emprunt des Éditions du printemps 1957, « Compte rendu de l’administration du P. Tunmer », document cité, p. 2.
11 Lettre au père Kopf du 1er janvier 1958.
12 « L’aventure de Parole et Mission », Pierre-André Liégé témoin de Jésus-Christ, Paris, Cerf, 1980, p. 101-123 (citation, p. 108) ; deux cartons de ses archives rassemblent la documentation sur l’entreprise.
13 « Historique sommaire des avatars de la collection Bible et Mission à partir du 1er mars 1954 », 5 février 1958, 4 p. dactyl.
14 Lettre du père Henry au père Kopf, 13 mars 1958.
15 « Note sur Parole et Mission », deux exemplaires non datés (février 1958), 5 et 3 p. dactyl. (citation p. 1).
16 « La Parole et la mission », éditorial du premier numéro, 15 avril 1958, p. 3-9 (citation, p. 7).
17 Parole et Mission, 3, octobre 1958, p. 427-430 (paternité reconnue dans L’Évangile dans le temps, Paris, Cerf, 1964, p. 237-240).
18 Lettre du père Kopf au père Carré, 18 avril 1958.
19 Un conseil de rédaction plus étoffé se réunit à partir du 13 mars 1958 (comptes rendus du père Henry, carton Henry, Parole et Mission 1).
20 Henry A.-M., Esquisse d’une théologie de la mission, Paris, Cerf, 1959.
21 Lettre du père Carré au père Kopf du 2 juillet 1958.
22 « Note sur Parole et Mission », 16 février 1964, 3 p. dactyl. C’est dans cette collection que sort en 1965, Nous avons partagé le pain et le sel du père Serge de Beaurecueil.
23 1035 (1958), 1238 (1959) ; 1435 (1960) ; 1527 (1961), tableau fourni par le père Boisselot, en complément d’un projet de réorganisation de la maison, avril 1962. Les 5 000 exemplaires avancés par le père Henry à la réunion du 5 mars 1964 paraissent gonflés pour l’occasion (procès-verbal, p. 3).
24 Procès-verbal de la réunion du 5 mars 1964, 3 p. dactyl. (texte communiqué par Paul Coulon, que nous remercions).
25 Selon le témoignage de son confrère François Louvel, deuxième entretien inédit de mars 1979 pour le cinquantenaire du Cerf, p. 15 (carton Louvel).
26 Lettre du 17 mars.
27 Note annexée à la lettre du père Carré, 2 p. dactyl.
28 Un courrier des lecteurs apparaît toutefois en page 2.
29 Laudouze André, « Le concile Vatican II à travers la revue Signes du Temps, 1959-1969 », novembre 1992, 150 p. (texte inédit).
30 Parmi les signataires de l’adieu au lecteur de juillet 1969 figurent Jean Bécarud, Maurice Chavardès, Robert Delavignette, Gabriel Dessus, Jacques Dumontier, Alfred Frisch, René Parès, Henri Péquignot, Pierre Rondot ou Auguste Viatte, tous collaborateurs de La Vie Intellectuelle.
31 Liste de ses articles établie par Viet-Depaule Nathalie, La foi hors les murs, op. cit., p. 323-328.
32 R. C. C. (René-Charles Chartier), « L’Action psychologique et la Défense de l’Occident », p. 10-11 ; Planchais Jean, chroniqueur militaire du Monde, « Petite histoire de l’action psychologique », p. 12-14 ; Gardey Bernard, « “Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes”. À propos de l’affaire du Prado », p. 15-17.
33 « Continuez donc à travailler courageusement et ne soyez pas trop étonné de ces inévitables remous », lui écrit le père Kopf le 27 avril 1961, après une critique du père Gobert.
34 « L’armement atomique de la France ? Non ! », ST, octobre 1959, p. 3-6 ; « Pour un statut des objecteurs de conscience », ST, octobre 1962, p. 5-7.
35 ST, mars 1962, p. 2.
36 2944 (1959), 2714 (1960), 2413 (1961), tableau fourni par le père Boisselot, en complément d’un projet de réorganisation de la maison, avril 1962.
37 Sans doute les responsables du Cerf, Bro ou Carré, et le rédacteur en chef Xavier Grall, des Publications de La Vie Catholique.
38 « Note sur Signes du Temps » (de Chartier, ou de Peuchmaurd ?), 26 juin 1964, 3 p. dactyl. (citation, p. 2).
39 Lettre conjointe du 8 juin.
40 « Je crois que c’était arrivé à une situation financière telle que ça ne pouvait pas continuer. Seulement comme il y avait tout le bizbiz [sic] entre Chartier et Bro, ça a pris des proportions phénoménales », François Louvel, deuxième entretien inédit de mars 1979 pour le cinquantenaire du Cerf, p. 28 (carton Louvel).
41 Réponse au questionnaire envoyé par André Laudouze en mars 1991, lettre non datée.
42 « César au couvent », 15 janvier 1959, p. 92-93.
43 Raison du Cleuziou Yann, « La guerre d’Algérie des frères étudiants dominicains : une étape de la remise en cause des formes de la vie religieuse », Séverine Blenner-Michel et Jacqueline Lalouette (dir.), Servir Dieu en temps de guerre. Guerre et clergé à l’époque contemporaine (xixe-xxie siècles), Paris, Armand Colin, 2013, p. 295-310.
44 « Séminaristes en Algérie. Réponse à une enquête », VS, août-septembre 1960, p. 153-214 (citation, p. 159).
45 Ibid., p. 161, 174, 192.
46 Condamnation des seules violences de l’OAS, négociation avec le seul FLN, injustice envers les Français d’Algérie, lettre de lecteur, ST, avril 1962, p. 14.
47 Lettre au père Carré et au père Chartier du 5 janvier 1959.
48 Paris, Olivier Perrin, mai 1957, 140 p.
49 « L’analyse de certaines fautes ou de certaines erreurs y est conduite non pour fournir des éléments d’une “protestation” sur le passé, mais pour éclairer une recherche sur l’avenir (je ne m’arrêterai d’ailleurs ici qu’à l’enseignement permanent qui peut en être tiré) », « Témoins de l’Évangile dans le monde du travail », VS, décembre 1957, p. 495-513 (citation, p. 496).
50 Lettre au père Kopf du 14 décembre 1957, avec une note de 7 pages.
51 « La Mission ouvrière. De l’intuition à l’institution », ST, décembre 1959, p. 7-9.
52 Lettre au père Kopf du 5 mars 1959.
53 « Vocations », VS, janvier 1959, p. 64-72 (citations, p. 64, 69, 70, 71, 72).
54 « Réflexions du P. Gobert sur les publications de nos Pères de France », s. d., AGOP XIII 30200/1.
55 Lettre au père Kopf du 6 mars 1959.
56 Lettres de Féret du 19 mars et lettre de Bro du 29 mai.
57 « Je dois cependant signaler que depuis des mois je constate chez le P. Henry une bien plus grande prudence qu’avant ».
58 Le document n’est malheureusement pas daté. Il pourrait être du début de 1962, car il critique un texte du père Chenu, « Du bon usage des encycliques », Vers la Vie Nouvelle (bulletin du mouvement du même nom), décembre 1961, p. 2-4.
59 Lettre au père Kopf du 28 février 1961.
60 Lettre du 10 juin 1964 (carton Chifflot) ; le père Chifflot meurt le 23 août.
61 Ressourcement. Les Pères de l’Église et Vatican II, Paris, Cerf, 2013.
62 Gianotti Daniele, « Les Pères de l’Église et Lumen Gentium », ibid., p. 19-40.
63 Il donne une longue étude sur l’ecclésiologie intransigeante au colloque de Strasbourg, une autre sur la primauté des quatre premiers conciles et la conclusion au colloque de Chevetogne, avant d’éditer, avec son disciple Bernard-Dominique Dupuy, le volume sur l’épiscopat.
64 « La fin de l’ère constantinienne », Un concile pour notre temps, Paris, Cerf, 1961, p. 29-57.
65 « Une, sainte, catholique et apostolique », ibid., p. 225-252 (citation, p. 252).
66 Quatre volumes de 1963 à 1966 (3, 9, 15, 22).
67 Gauthier Paul et al., « Consolez mon peuple ». Le concile et l’Église des pauvres, 13, 1965.
68 Étude sociologique sur Vatican II, 19, 1965.
69 Collection « Chrétiens de tous les temps », 6, 1964.
70 « Le père Congar, ce n’est pas un homme, c’est une entreprise – et de grande taille. Mais dans cette entreprise, il est à la fois directeur… et dactylo », lettre au père Kopf du 3 décembre 1965.
71 L’Église de Vatican II. Études autour de la Constitution sur l’Église, sous la direction du franciscain brésilien Guilherme Baraúna, et du père Congar pour l’édition française, 51 a, 1965, 158 p. ; 51 b et c, 1966, 1442 p.
72 « Avertissement », ibid., 51, a, p. 5.
73 Ratzinger Joseph, « La collégialité épiscopale, développement théologique », ibid., 51 c, p. 763-790 ; Congar Yves, Mon Journal du Concile, Paris, Cerf, 2002, t. II, 5 février 1966, p. 518-519.
74 1935 : 5 pères et 12 employés ; 1966 : 15 pères dont 13 salariés par le Cerf à 600 francs mensuels et 103 employés (note dactylographiée, s. d. du père Louvel) ; confirmation dans un organigramme contemporain.
75 Seuls cités dans le Dossier « Les Éditions du Cerf », s. d. [fin 1964 ou début 1965], p. 5.
76 « Note sur les accords entre la Société Anonyme des Éditions du Cerf et la communauté dominicaine des Éditions du Cerf ou la Maison Saint-Dominique », 4 mars 1967, 31 p. dactyl. (dans un dossier conséquent du carton III J 26, 4).
77 Un patronat de droit divin, Paris, Éditions Anthropos, 1971, p. 26-27.
78 Lettre du père Kopf, 16 janvier 1967 ; même réponse du père Rettenbach le 15 janvier 1968.
79 Chiffre d’affaires par secteurs d’activités 1966 et 1967.
80 5652 abonnés au maximum en 1959 ; 2952 en décembre 1968 (tous les chiffres proviennent : d’un projet de réorganisation de la maison de la main du père Boisselot, en avril 1962 ; et des réponses de février 1969 au père Bro des différents responsables des revues).
81 15,34 % en 1966, 18,75 % en 1967.
82 Mignon Jacques, « 10 000 jours-10 000 nuits 1947-1974 », manuscrit autobiographique inédit qui fournit nombre de renseignements sur la vie de la maison aux temps du père Bro (1964-1971) et du père Ringenbach son successeur (1971-1975).
83 Lettre du père Louvel au père Kopf du 23 avril 1958 ; 1579649 exemplaires vendus la même année ; 1 160 000 en 1960, après une augmentation des tarifs.
84 Louvel François, « Quelques remarques sur les revues du Cerf, s. d. [après mai 1968], 4 p. dactyl. (p. 1) ; et son témoignage dans le deuxième entretien inédit de mars 1979 pour le cinquantenaire du Cerf, p. 27 (carton Louvel).
85 Ses abonnés sont pour 2/5 des prêtres, 2/5 des religieuses et 1/5 des laïcs.
86 3318 et 5830 exactement.
87 Respectivement 4608 (1959) et 6903 (1965), dont plus de la moitié à l’étranger : Canada, Italie, Belgique, Espagne ; 5634 (1959) et 6188 (1961).
88 Numéro 0, Noël 1961 ; numéro 1, Carême 1962.
89 Le père Roguet se plaint d’avoir été « éliminé sans beaucoup d’élégance » dans l’opération, lettre au père Kopf du 4 avril 1965. C’est le bénédictin de Saint-Paul de Wisques Philippe Rouillard qui répond à l’enquête de février 1969 pour La Maison-Dieu.
90 « Quelques remarques sur les revues du Cerf », s. d. [après mai 1968], 4 p. dactyl.
91 La libellule ou… le haricot. Confessions sur le siècle, Paris, Presses de la Renaissance, 2003, p. 57.
92 En Italie et en Espagne surtout ; chiffres de la lettre des pères Boisselot et Chifflot au père Kopf du 28 février 1961, et du dossier « Les Éditions du Cerf », s. d. [fin 1964 ou début 1965], p. 6.
93 Dossier « Les Éditions du Cerf », s. d. [fin 1964 ou début 1965], p. 8 ; voir aussi l’« État du secteur biblique au 20 mai 1966 » du père François Refoulé, 6 p. dactyl.
94 Rapport du père Refoulé du 13 février 1969, 18 p. dactyl. (citations, p. 6 et 9).
95 Citations du rapport Refoulé du 13 février 1969, p. 12 ; chiffres donnés par le père Louvel pour la même enquête.
96 L’aventure de la TOB. 50 ans de traduction œcuménique de la Bible, Paris, Cerf/Bibli’O, 2010.
97 Dont les trois premiers volumes sont parus au Cerf en 1955, 1957 et 1963.
98 Lettre au père Peuchmaurd du 10 décembre 1964.
99 Même lettre. L’hommage différé au Père Chenu paraît au Cerf quelques mois après sa mort le 11 février 1990 (achevé d’imprimer le 15 mai) ; des Mélanges offerts à M.-D. Chenu, ont été réunis par 22 de ses pairs en histoire de la pensée médiévale, parmi lesquels Étienne Gilson, Gabriel Le Bras, Henri de Lubac et Paul Vignaux (Paris, Librairie philosophique Vrin, 1967).
100 Le Père Chenu La liberté dans la foi, Paris, Cerf, coll. « Chrétiens de tous les temps », 1969.
101 On pourrait y ajouter l’Encyclopédie de la foi publiée en quatre volumes de 1965 à 1967 dans « Cogitatio Fidei », sous la direction d’H. Fries et avec une préface du père Congar.
102 44 000 exemplaires vendus trois mois après sa publication, dossier « Les Éditions du Cerf », s. d. [fin 1964 ou début 1965], p. 9.
103 On peut ajouter, de Malley François, Le père Lebret. L’économie au service des hommes, 26, 1968 (il est mort en 1966).
104 Rapport sur « Foi Vivante », 20 février 1969, 1 p. dactyl.
105 « État comparatif des ventes mensuelles moyennes de quelques ouvrages du Cerf » (calculées sur 1963-1964 dans le premier cas et sur 1966-1967 dans le second).
106 Tableau récapitulatif début 1969.
107 Titre donné à la contribution du cardinal Liénart, p. 3.
108 Chenu est dit « maître en Sacrée Théologie », titre qui lui est restitué après lui avoir été ôté en 1954 (« 20 ans de recherches théologiques », p. 6-7).
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