Avant les nickelodeons : images mouvantes cherchent spectateurs fixes
p. 21-28
Texte intégral
1« Votre vie n’est pas complète sans lui », proclame avec emphase un pavé publicitaire publié en juin 1896 dans une feuille de Providence1 : il « intrigue les savants », « déjoue toute analyse », « fait ouvrir des yeux ronds d’émerveillement », suscite « un profond délice » et « fait frissonner les nerfs ». Entre curiosité scientifique et divertissement, rire, étonnement et frayeur, le cinéma, nouveau venu, tente à grand renfort de superlatifs de se frayer une place dans le paysage pour le moins encombré des loisirs de masse américains.
2Qui sont les spectateurs du cinéma « primitif » (ou plutôt, pour reprendre une expression lancée par André Gaudreault et Tom Gunning et plus prisée par les historiens, les « néospectateurs » du « cinéma d’attractions », distinct du « cinéma narratif » à venir, termes qui ont le mérite de ne plus indexer les études filmiques sur l’histoire de l’art traditionnelle et de retirer à cette première expérience toute connotation « rupestre ») ? Dans quelles conditions un New-Yorkais de 1894, un fermier du Maine, en 1896, ou un Californien de 1900 peuvent-ils avoir l’occasion de consommer des films ? Où ? Comment ? A quel prix et à quel public le cinéma est-il proposé ? Et comment une relation, stable ou plus précaire, peut-elle s’instaurer entre le nouveau média et ses premiers spectateurs, au point de faire en quelques années du cinéma une habitude et le lieu d’apprentissage d’un nouveau langage ? Les historiens américains du film se posent la question depuis une vingtaine d’années : des interrogations, formulées dans les années soixante-dix, d’un Robert Sklar mettant l’accent sur la nécessité d’une étude sociale des pratiques du public2 à la constitution d’une « histoire du cinéma » autonome et s’appuyant sur des bases méthodologiques fermement assurées3, le mouvement a été rapide, et l’intérêt des chercheurs s’est naturellement tourné en priorité vers le moment encore flou des origines (suivant en cela la direction prise par le désormais légendaire congrès de la Fédération Internationale des Archives du Film, réuni en 1978 à Brighton). Résistant aux tentations téléologiques, qui ne liraient l’histoire qu’en fonction du cinéma à venir (comme un Sadoul découvrant chez les Lumière de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat les bases de l’échelle des plans et du montage futurs4, se gardant même de toute glorification du « mythe des origines » pour inscrire l’histoire du cinéma dans une histoire des images animées et des pratiques cuturelles plus large, ces travaux permettent d’ores et déjà de dresser un tableau synthétique des débuts de l’exploitation américaine – sans qu’on puisse encore réellement parler de moviegoing, terme qui supposerait une habitude alors qu’en ces premières années c’est plutôt le cinéma qui, non sans revers, tâtonnements et repentirs, volteface et erreurs technologiques, part aventureusement à la recherche d’un public.
3On le sait, même si en ces temps de « premier siècle » hexagonal on ne l’entend que trop peu : le cinéma a été à tous égards une invention (involontairement) collective, menée par une série de chercheurs de tous pays appliqués à la synthèse de deux technologies : la vieille lanterne magique (singulièrement perfectionnée durant le xixe siècle) et la photographie5. L’aventure des Muybridge, des Marey, Leprince, Edison, Lumière et autres moins connus, fut une sorte de derby enfiévré. Deux concurrents, pour reprendre le dispositif de l’auteur d’Animal Locomotion, auront pour la postérité l’honneur d’avoir les premiers coupé le fil de la ligne d’arrivée : l’Américain Edison et les Français Lumière6. Avec, pour la commodité des formules tranchées, cette équation simple : si les Lumière ont inventé (en 1895) le cinéma, Edison, lui, a inventé, trois ans plus tôt, le film7.
4Au commencement était le peep show. L’exploitation du film, par Edison, s’ouvre sur une voie spécifique, celle de la consommation individuelle : le kinetoscope de Dickson, diffusé et commercialisé à partir de 1894, permet à un spectateur debout de visionner, à travers une optique de taille réduite, une très brève bande (moins de trente secondes) tournant en boucle. Les Kinetoscope Parlors ne tardent guère, entre 1894 et 1895, à se répandre dans le pays. C’est sur Broadway qu’ouvre le 6 avril 1894 la première de ces installations8. Deux rangées de cinq machines permettent au badaud de voir cinq ou dix scènes, respectivement pour 25 et 50 cents. Etablis dans des boutiques aménagées à cet effet ou dans les parcs d’attractions et autres fêtes foraines, ces appareils sont vendus 250 dollars pièce aux exploitants, tarif qui doit être amputé de presque 50 % dès 1895, le marché se tarissant vite et le prix des tickets devant être lui aussi revu à la baisse (de 25 cents à un nickel)9.
5Les sujets présentés, tournés dans la Black Maria, le studio d’Edison, sont la reconstitution de scènes quotidiennes (la Blacksmith Scene montre deux forgerons au travail), des numéros musicaux muets (Annabelle Serpentine Dance), des scènes animalières (le combat de The Boxing Cats), des gags minimalistes. D’emblée, Edison se positionne du coté du musichall et des formes de spectacles préexistants (en louant par exemple les services de Buffalo Bill), loin du « naturalisme » des Lumière. Matchs de boxe reconstitués en studio, danseuses plus ou moins légères : il n’est pas rare que cette forme de voyeurisme neuf s’attire, déjà, les reproches de la censure.
6Si Edison a choisi cette voie, ce n’est pas comme il sera facile de l’écrire a posteriori par aveuglement, mais au contraire par logique commerciale bien pensée : ce mode d’exploitation pouvait lui permettre de renouveler le succès qu’il avait connu précédemment grâce au phonographe, première incursion réussie du « Wizard » dans le divertissement collectif. Inventeur en 1877 du procédé d’enregistrement qui a fait sa gloire, Edison commercialise durant les décennies 18801890 sa découverte sous deux formes distinctes : démonstrations individuelles (les arcades de « phonographes à sous », modèle des futurs « Kinetoscope Parlors », prolifèrent) et exécution publique. En 1891 déjà, les Etats-Unis comptaient 3 200 phonographes, dont un tiers en service dans les Parlors10. L’exploitation du kinétoscope suit pas à pas cette logique, des sujets choisis au mode d’enregistrement et de diffusion. Edison d’ailleurs travaille prioritairement sur le moyen de coupler les deux inventions : le kinétophone, première association des images mouvantes et du son, est officiellement lancé au printemps 1895, sans parvenir d’ailleurs à enrayer le déclin tout provisoire des activités filmiques de la maison Edison.
7Si elle se clôt sur un relatif échec, cette préhistoire des movies a cependant dessiné les premiers traits d’une forme d’exploitation. La Edison Manufacturing Company, centre du dispositif et unique pourvoyeur de matériel et, au tout début du moins, de films, a su développer un réseau de sociétés exploitant son invention à plein risque (puisque le matériel est vendu et non loué) : la Kinetoscope Company, qui fut la première à diffuser l’appareil, puis la Kinetoscope Exhibition Company de Latham, qui promut l’enregistrement de matchs de boxe. Un troisième groupe enfin entreprit de commercialiser l’invention à l’étranger, où elle n’était pas sans écho : les frères Lumière, spectateurs peu ordinaires, avaient pu fort utilement étudier l’appareil, sans doute à l’automne 189411.
8La décennie qui s’écoule entre les premières projections publiques (Koster and Bial’s : avril 1896) et l’établissement et la généralisation des premières salles permanentes (1905) voit la nature du spectacle cinématographique changer, du « cinéma d’attraction » au cinéma narratif : décennie capitale, au cours de laquelle l’exploitation semble parcourir le champ des possibles pour se fixer une direction dominante. On ne va pas encore au cinéma : en forçant volontairement le trait, c’est plutôt le cinéma, et surtout ceux qui tentent de lui trouver une destination commerciale, qui vient à son public putatif, où qu’il soit. Passée la stupeur initiale, il s’agit bien ici pour le média naissant de capter et de fixer le regard de son spectateur. Le cinéma n’a pas encore un auditoire (le « grand public » traditionnel de l’entertainment américain, au sens où l’analyse Noël Burch12, mais des groupements de spectateurs géographiquement et socialement éparpillés, qui rencontrent les movies sous diverses espèces et en divers lieux, baraque de foire ou église méthodiste, hall d’exposition commerciale ou Grand Opera House.
9Alors que les succès de la maison Lumière sont confirmés en France, les chercheurs américains avancent de leur côté en parallèle. Le phantascope, mis au point par Jenkins et Armat, est présenté à Atlanta dès l’automne : repris par Edison, qui se présente comme son inventeur en y apposant sa marque, il est exploité à partir d’avril 1896 à New York, sous le nom de Vitascope. Fin juin, le cinématographe Lumière débarque à son tour à Union Square, mais ne tiendra guère sur le marché américain. Le même été, la Compagnie Biograph (American Mutoscope Company), aux reins plus solides, commence à faire tourner son matériel et ses films d’un vaudeville à l’autre : sans parler des procédés et des firmes plus éphémères qui se multiplient à l’envi (vériscope, biopticon, magniscope, mimiscope ou musculariscope : les inventions sont autant un défi à la linguistique qu’à la technologie13dans un climat de guerre commerciale généralisée14. Rivalité entre firmes, copies et plagiats, guerre des brevets et course au perfectionnement dessinent durablement le paysage de l’exploitation.
10On voit alors les motion pictures dans des lieux qui leur sont pour un temps spécifiquement consacrés (les « Vitascope halls ») et, surtout, dans le réseau des vaudevilles, ces salles de musichall très répandues (c’est l’important circuit des salles Keith Orpheum qui s’est assuré dans un premier temps les droits des projections Lumière). Le cinéma n’y est qu’un spectacle parmi d’autres, et les projections y alternent avec des numéros sur scène. Les exploitants de vaudeville, qui ont un grand intérêt à donner à leurs clients la primeur de la nouvelle attraction, bénéficient d’un spectacle clés en main :
Quand les salles de vaudeville (les principaux lieux d’exploitation durant cette période) présentaient « le Biograph », elles louaient un service complet à la Compagnie, comprenant les films, le projecteur Biograph et un « opérateur » qui actionnait la machine. Le Biograph était une attraction autonome, comme les autres numéros qui étaient à l’affiche du vaudeville. Sa nouveauté et son pouvoir de séduction étaient l’illusion de vie que créait le dispositif ; le fait de raconter une histoire restait secondaire15.
11Installé durablement dans les salles de vaudeville, le cinéma est une étape obligée d’un spectacle total,
dont il constituait ordinairement le numéro de fin. Lorsque la salle était complète et que les spectateurs faisaient la queue dehors en attendant d’entrer, les directeurs des salles passaient parfois des films par surprise, avant leur place usuelle, pour faire croire au public que le spectacle était terminé16.
12D’où le nom de « chasers » donné alors aux films. Sans la connotation péjorative qu’on prête parfois au mot.
13Parallèlement à ce mode d’exploitation dominant, une nouvelle profession se développe : celle d’exploitant cinématographique itinérant. Ce sont ces forains qui diffusent progressivement le cinéma auprès d’un public socialement et culturellement diversifié. Charles Musser a pu retracer le parcours de l’un d’entre eux, Lyman H. Howe. Jusque là exploitant de spectacles à base de phonographe, il mêle à ses performances mécaniques, à compter de décembre 1896, des projections, et rayonne à partir de sa ville d’origine, Wilkes-Barre, en Pensylvannie. Avec un premier fonds de quinze films Edison, on le voit tour à tour dans des grandes salles, dans des églises ou au siège d’organisations religieuses : « sponsorisé »par ces bonnes œuvres qui y gagnent une part substantielle de la recette, Howe mène une carrière prospère, qui le conduit à tourner lui-même des sujets pris sur le vif et à monter deux troupes supplémentaires en 1903-1904. N’hésitant pas à aller s’approvisionner en Europe (il file à Paris pour rapporter des vues de l’Expo universelle), il offre un spectacle total, incluant effets sonores (jusqu’à trois personnes y sont affectées), films et musique17. L’expérience de Howe est loin d’être unique : des « tourneurs » plus ou moins prestigieux sillonnent les zones les plus fréquentées ou les plus reculées, avec un matériel et un catalogue plus ou moins rudimentaires. Osons une hypothèse : si c’est au vaudeville que le public prend l’habitude de voir des films isolés, c’est grâce aux forains que se diffuse l’idée de spectacles exclusivement cinématographiques, d’une durée qui peut vite atteindre une à deux heures.
14Parallèlement à cette exploitation nomade, le cinéma devient un instrument indispensable pour les conférenciers qui jusque-là appuyaient leurs causeries sur des vues de lanterne magique. Il en est ainsi du voyageur E. Burton Holmes, qui dès la fin 1897 a recours au chronomatographe Gaumont pour étayer ses descriptions géographiques. La même année, la Passion du Christ devient à New York sujet de cinéma : sa présentation, alternant lectures, hymnes, vues de lanterne magique et film, est prétexte à de multiples soirées et matinées édifiantes. Le cinéma, de ligues de vertu en églises, est, dans la continuité de la lanterne magique, le vecteur de mainte campagne moraliste ou antialcoolique.
15On trouve le cinéma en d’autres lieux encore, à commencer par le cirque, les foires et expositions, les parcs d’attraction : en 1904, juste avant le règne des nickelodeons, l’ancien pompier Robert Hale, inspiré peut-être par le principe avorté du « Cineorama » parisien de l’Expo de 1900, crée un dispositif qui est sans doute la plus belle métaphore du cinéma comme « voyage immobile » : dans un wagon fixe, animé de légers mouvements latéraux, les spectateurs ont l’illusion de circuler dans un paysage réel, Montagnes rocheuses ou pont de Brooklyn18. C’est l’aboutissement du « cinéma d’attraction », né peu ou prou une décennie plus tôt à la vue de l’entrée d’un train en gare de La Ciotat ou au passage tonitruant (chez Howe, un enregistrement sur phonographe en donnait l’illusion) du Black Diamond Express, fleuron de l’industrie ferroviaire américaine.
16Cette diversification des lieux de cinéma, Charles Musser le souligne, remet en cause la vision classique d’un média conçu en priorité pour les classes moyennes (catégorie bien trop large à ses yeux dans le cas des U.S.A.), voire de la classe ouvrière, prolétaires et immigrés récents (débat récurrent chez les historiens américains) :
Notre propos n’est pas seulement d’explorer la façon dont les spectateurs comprenaient les films, mais aussi de casser l’hypothèse selon laquelle le cinéma ne s’adressait qu’aux amateurs d’une culture populaire et commerciale, et était ignoré ou rejeté par les autres groupes sociaux. La situation était en réalité plus complexe, les films étant appréciés également par les membres de groupes religieux conservateurs et des tenants de la culture d’élite. C’est seulement avec le développement du film narratif et des nickelodeons que le cinéma est devenu une forme d’expression massivement tournée vers le divertissement19.
17Une fois évanoui le premier engouement pour la nouveauté du cinéma, celui-ci doit, comme toute autre industrie, évoluer. En une décennie, les films et les programmes eux-mêmes se diversifient de manière considérable, offrant une palette plus complète de plaisirs et d’informations.
18Que peut voir le spectateur des premiers temps du cinéma, passés les numéros forcément répétitifs (car projetés en boucle) des films Edison primitifs ? A mesure que se multiplient les maisons de production, l’offre devient plus variée. La longueur des films, au fil des ans, tend à augmenter. Deux genres pourtant diamétralement opposés, le film de boxe (car il faut tenir le temps d’un mini-round) et les sujets religieux (chaque station est à la passion du Christ ce que chaque round est à un match), contribuent à cette évolution : les 23 tableaux de The Passion Play of Oberammergrau, tournés début 1897 sur le toit du Grand Central Palace, offrent 19 minutes de projection (et deux heures de spectacle lorsqu’au film sont associées lectures et vues de lanterne magique)20.
19Chez les Lumière ou au Biograph, le cinéma offre une nouvelle et formidable fenêtre sur le monde, d’autant plus que sur le modèle des illustres Lyonnais, les forains prennent vite l’habitude d’enregistrer des images sur les lieux mêmes où ils montrent leurs films : se constitue ainsi une sorte de banque d’images mondiale, tour à tour utilisée pour satisfaire tant le besoin d’exotisme du public que son bonheur de reconnaître le lieu où il vit (et, qui sait, de se voir lui-même à l’écran ?). Un événement bien précis lance définitivement le cinéma comme regard sur l’actualité : la guerre hispano-américaine de Cuba, à partir de 1898. Howe, comme plusieurs de ses collègues, rebaptise son procédé, dans un bel élan de patriotisme, du nom de War Graph, et présente des scènes militaires à la fin desquelles, sur une vue du drapeau US, le public entier chante un vibrant America the Beautiful21. Partout, les spectateurs viennent admirer ces images du jour, réelles ou reconstituées.
20A mesure que le cinéma perd de son effet de surprise, les saynètes proposées prennent l’allure de petites comédies ou de fictions. Média voyeur et volontiers canaille, les moving pictures, souvent nourris de l’imaginaire des comics, offrent le spectacle d’un humour absurde qui a été l’objet de toute l’attention des chercheurs. Films à trucs et à ficelles, souvent pauvres si on les compare à leurs équivalents anglais ou français (Noël Burch est l’un des rares historiens du film à oser un jugement, qualifiant ce cinéma de « primitif au sens péjoratif de fruste, grossier22 », ces productions frappent cependant par leur imagination. Vers 19031904, le cinéma a déjà accompli le tour des sujets possibles : vues exotiques, scènes historiques, tableaux d’actualité, sujets scientifiques, fresques bibliques, comédies burlesques, démonstrations hygiénistes ou moralisatrices, scènes coquines (The May Irwin Kiss, dès 1896, inaugurait l’ère de l’érotisme au cinéma), tableaux vivants ou chromos patriotiques. Le langage des motion pictures se cherche : la notion de montage est encore floue, malgré les théories erronées fondées a posteriori sur des erreurs de lecture23. Il est vrai que l’« auteur » d’un film (j’ose cet anachronisme énorme) peut être tout autant, sinon plus, l’exploitant, qui arrange l’ordre des vues et leur continuité, que le producteur ou l’équipe de tournage24.
21Le temps de la fiction (les « story films ») est venu. Celui des affaires sérieuses aussi, car le public désormais est constitué. Les parcs d’amusement et l’exhibition foraine ne pouvaient guère représenter
une solution de long terme pour l’industrie de l’exploitation. Ils furent importants, car ils initièrent des millions d’Américains au cinéma comme loisir de masse, mais ils ne pouvaient être la base d’un business25.
22Le cinéma a trouvé son public, il cherche encore son lieu. Un média a été inventé, qui cherche encore sa fonction. Le temps des nickelodeons et de la suprématie du « cinéma narratif » s’ouvre à partir de 1904-1905. Hollywood peut attendre.
Notes de bas de page
1 Providence Journal, 4 juin 1896. Reproduit in Charles MUSSER (dir.), The Emergence of Cinema, The American Screen to 1907, History of the American Cinema vol. 1, New York, Charles Scribner’s Sons 1990, p. 126.
2 Robert SKLAR, Movie-made America. A Cultural History of American Movies, New York, Random House 1976. L’édition utilisée et citée ici est la traduction italienne de ce livre, Cinemamerica, una storia sociale del cinema americano, Milan, Feltrinelli, 1982.
3 Voir, pour un bref résumé de cette aventure, la préface de David BORDWELL à Douglas GOMERY, Shared Pleasures, a History of Movie Presentation in the United States, Madison, The University of Wisconsin Press, 1992, p. IXXIV. Le Film History, Theory and Practice de Robert C. ALLEN et Douglas GOMERY, récemment traduit en français (Faire l’histoire du cinéma, les modèles américains, Paris, Nathan, 1993), est sur le plan méthodologique l’un des livres-phares de cette tendance, dont témoigne par ailleurs la monumentale History of the American Cinema, déjà citée, en cours de publication sous la direction d’ensemble de Charles Harpole.
4 Georges SADOUL, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, 9e édition revue et augmentée, Paris, Flammarion, 1972, p. 21.
5 Pour une vision approfondie et érudite de ce feuilleton complexe, voir Laurent MANNONI, Le Grand art de la lumière et de l’ombre, Archéologie du cinéma, Paris, Nathan Université, 1994, ainsi que la première partie de Charles MUSSER (dir.), The Emergence of Cinema, op. cit. p. 15-105.
6 Encore cette « photographie » (au sens hippique du terme) n’est-elle pas entièrement nette, et déchiretelle encore « lumiéristes » et « anti-lumiéristes ».
7 Mais, là aussi, un découvreur peut en cacher un autre. Génie scientifique et commercial à la fois, le « wizard » Thomas Alva Edison, tel qu’il fut glorifié par l’époque et campé en 1926 par l’un de ses principaux hagiographes, Terry Ramsaye, n’a pas la propriété intellectuelle de l’invention des « movies ». La découverte du Kinetograph est due à son assistant Dickson. De même, le premier projecteur Edison, en 1896, a été créé par Jenkins et Armat, à qui Edison a acheté leur invention, y apposant sa célèbre griffe. Voir Gordon HENDRICKS, The Edison Motion Picture Myth, Berkeley, University of California Press, 1961, cité par Robert C. ALLEN et Douglas GOMERY, Faire l’histoire du cinéma, op. cit., p. 79.
8 Charles MUSSER (dir.), The Emergence of Cinema, op. cit. p. 81.
9 Ibid., p. 86.
10 Charles MUSSER, High Class Moving Pictures, Lyman H. Howes and the Forgotten Era of Traveling Exhibition, Princeton University Press, 1991, p. 38.
11 Sur la diffusion du kinetoscope en France et la connaissance qu’en eurent les Lumière, voir Laurent MANNONI, op. cit. p. 377-83 et p. 391 et Laurent MANNONI, « 1894-1895 : les années parisiennes du Kinetoscope Edison », Cinémathèque n° 3, printemps-été 1993, p. 47-57.
12 La Lucarne de l’infini, naissance du langage cinématographique, Nathan Université, Paris, 1991, p. 107-111.
13 Francis JENKINS (dans Animated Pictures, Washington, 1898, réédité par Arno Press, New York, 1970), dénombre 109 de ces procédés au nom parfois barbare (cité par Laurent Mannoni, op. cit. p. 431).
14 Voir Charles MUSSER (dir.), The Emergence of Cinema, op. cit. p. 133-157.
15 Tom GUNNING, D.W. Griffith and the Origin of American Narrative Film, The First Years at Biograph, Urbana/Chicago, University of Illinois Press, 1991, p. 58.
16 Robert SKLAR, op. cit. p. 32.
17 Charles MUSSER, High Class Moving Pictures, op. cit.
18 Charles MUSSER (dir.), The Emergence of Cinema, op. cit. p. 429-430.
19 Ibid., introduction, p. 10.
20 Charles MUSSER, High Class Moving Pictures, op. cit. p. 73.
21 Ibid., p. 87.
22 Noël BURCH, op. cit. p. 111.
23 Cas d’école : la lecture traditionnelle de Life of an American Fireman (1903) comme film de l’« invention du montage »... car fondée sur un remontage postérieur, tandis que le tirage papier conservé à la bibliothèque du Congrès (les firmes déposaient, pour des questions de droit, des photographies image par image de leurs productions) montrent le contraire. Démonstration minutieuse in Charles Musser, Before the Nickelodeon, op. cit.p. 212-234.
24 Sur ce point, très débattu, voir la récente synthèse de Charles MUSSER, « Le cinéma américain des premiers temps et ses modèles de production », Vingtième Siècle, revue d’histoire, n° 46, avril-juin 1995, p. 45-63.
25 Douglas GOMERY, op. cit. p. 17.
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