Chapitre I. L’exercice du pouvoir controversé d’Alfred Naquet et de ses amis politiques pendant le Gouvernement de Défense nationale
p. 21-38
Texte intégral
1L’exercice du pouvoir par un réseau républicain autour d’Alfred Naquet lors de la Défense nationale est marqué par des pratiques de favoritisme pour nommer des républicains à la place de fonctionnaires du Second Empire révoqués. On montrera comment ces pratiques de favoritisme et de patronage sont stigmatisées et instrumentalisées par les royalistes et les bonapartistes désormais exclus des distributions de ressources publiques, prenant le rôle d’acteurs critiques de la corruption que tenaient les républicains sous l’Empire. Cela s’accompagne de la nomination de commissions d’enquête parlementaire dirigées par des conservateurs mettant en question l’honnêteté de la gestion du pays par les républicains, par exemple celle de Naquet lors de la signature de marchés d’armement.
Alfred Naquet lors du 4 Septembre et ses suites
2Un gouvernement de « Défense nationale » se forme le 4 septembre 1870 à Paris après la chute de l’Empire proclamée au Corps législatif, suite à son envahissement par une foule composée notamment de militants républicains comme Gambetta, Crémieux, mais aussi Alfred Naquet ou Édouard Lockroy1.
3Alfred Naquet intègre dès le 5 septembre le ministère de l’Intérieur. Dans une correspondance à son père datant de la même période, Alfred Naquet explique qu’il travaille avec Gambetta auprès du « chef du cabinet du personnel (cabinet de nomination des préfets) », et indique sa joie et son enthousiasme de se trouver dans une telle position2. Il précise toutefois à son père qu’il n’est pas appointé dans un premier temps pour ce poste3. Il est possible qu’Alfred Naquet ait été nommé à ce poste grâce à des relations au sein des journaux Le Rappel ou Le Réveil, auxquels il collaborait, ou alors grâce à Crémieux, qui a été son avocat en 1868. Clément Laurier, directeur général du personnel et du cabinet au ministère de l’Intérieur, aurait introduit Alfred Naquet auprès de Gambetta le 5 septembre 1870, ce dernier affirmant d’ailleurs quelques années plus tard qu’il ne connaissait pas Alfred Naquet avant cette date4.
4Le 6 septembre, Cyprien Poujade, un proche ami d’Alfred Naquet, est nommé par Gambetta préfet du Vaucluse5. Alfred Naquet l’a très probablement recommandé auprès du chef des républicains, alors que les républicains avignonnais auraient préféré la nomination de l’ancien député Alphonse Gent ou de l’un des leurs à la préfecture. L’objectif de Cyprien Poujade est de hâter la transition entre l’Empire et la République nouvellement proclamée, en s’appuyant sur les militants républicains du Vaucluse, mais aussi sur des Vauclusiens travaillant auprès de Gambetta, au premier chef Alfred Naquet. Cela passe par des nominations de républicains aux postes de commande, qui sont marquées par des pratiques de favoritisme.
Recommander des amis politiques pour des postes préfectoraux
5Présenter les différentes nominations à des postes de responsabilité, en commençant par la préfecture du Vaucluse et ses sous-préfectures, permet de comprendre la constitution ou l’activation des réseaux tant au niveau local que national autour de figures du parti républicain comme Alfred Naquet ou Cyprien Poujade dans le cas du Vaucluse. Ces derniers cherchent à favoriser leurs amis politiques et à se créer de nouvelles fidélités grâce aux demandes qu’ils recommandent, à leurs décisions de nomination à certains postes ainsi qu’aux services qu’ils rendent.
6Les demandes pour les préfectures et sous-préfectures émanent parfois des comités républicains locaux, même si les nominations sont décidées par Gambetta au ministère, où travaille Naquet. Selon Georges Wormser les « sollicitations [étaient] multiples et ardentes » pour obtenir des postes6. Georges Cavalier, écrivain haut en couleur et ayant travaillé dès le 4 septembre auprès de Gambetta, a décrit de façon à la fois critique et humoristique les nombreux demandeurs et quémandeurs venus demander un emploi dans « l’officine à sous-préfet7 » qu’était devenu le ministère. Cavalier écrit :
« À la porte, à peine contenue par deux gardes nationaux de bonne volonté, se pressait une foule sans cesse renouvelée : solliciteurs, vieux transportés, républicains du jour, les dévoués, les indifférents, les ambitieux, les mécontents, les protégés, les protecteurs. Tout cela grouillait, se disputait, parlait, criait, gesticulait, discutait, se plaignait, faisait passer sa carte avec recommandation de tel ou tel8. »
7Il présente aussi, toujours dans un style incisif, les difficultés que faisaient certains candidats à propos des postes de sous-préfets qui leur étaient proposés :
« Quels jolis types j’ai vu passer devant moi ! L’un demande le Midi pour soigner ces rhumatismes, Libourne est encore trop froid pour sa chère santé, il lui faut Grasse ou Toulon, pour le moins9. »
8Il souligne par ailleurs que certains républicains avaient « la recommandation facile ». Au-delà de sa volonté humoristique, la description par Georges Cavalier d’un nombre immense de solliciteurs présents au ministère de l’Intérieur a très probablement une grande part de vérité. Même chose au ministère de la Justice où Crémieux, le ministre, aurait été assailli par un « nombre de solliciteurs […] énorme […] une foule gourmande de places, d’honneurs, de richesses [… ]10 ».
9Dans le Vaucluse, de nouveaux sous-préfets sont nommés au mois de septembre 1870. Charles Teyssier, ami de Cyprien Poujade et du père d’Alfred Naquet, est nommé sous-préfet de leur ville natale de Carpentras, par décision du nouveau préfet, qui fait entériner cette décision a posteriori par le pouvoir central11. Le secrétaire de la préfecture nommé par les républicains est Jean Saint-Martin, appartenant au comité de défense nationale d’Apt, probablement sur recommandation d’Elzéar Pin. Quelque temps plus tard, Eugène Raveau, quarante-huitard et figure du républicanisme avignonnais, qui travaille à la préfecture et assure l’intérim lorsque Poujade est absent, demande pour Jean Saint-Martin « une sous-préfecture de première classe non loin du département de Vaucluse », estimant que celui-ci a « bien mérité de la République12 ». Cette démarche demeure toutefois infructueuse.
10À Orange, le républicain qu’essaient d’imposer Poujade et les républicains locaux au poste de sous-préfet est le jeune avocat Théodore Nicolas. Le ministère de l’Intérieur propose un autre candidat, Albert Bernard. Une discussion s’engage entre Poujade et le ministère par télégramme, Poujade tentant de défendre la candidature Nicolas en proposant à Gambetta que Théodore Bernard soit plutôt nommé à la sous-préfecture de Die (Drôme), ou qu’il obtienne le poste « d’inspecteur des nationaux du Vaucluse13 ». Poujade cherche à favoriser les candidatures de ses amis et de ses connaissances aux postes importants du département, et propose d’autres « places » aux candidats proposés par Paris, qui doivent être recommandés par d’autres réseaux. Il échoue finalement à imposer son candidat14. Les républicains recommandent aussi des membres de leur famille. Alphonse Gent fait nommer son frère sous-préfet dans les Basses-Alpes. Il semble que cette demande était accompagnée d’une lettre de recommandation, puisque le préfet répond à Alphonse Gent que celle-ci « était inutile, le nom suffisait ».
11Lorsque Gambetta décide d’établir une délégation du gouvernement à Tours, il garde Alfred Naquet avec lui, comme ce dernier l’écrit à son père quelques jours plus tard15 Naquet se voit même proposer, au début de l’année 1871, une préfecture, celle du département de Lot-et-Garonne, qu’il refuse, préférant son poste à la commission des moyens de défense où il est nommé à la fin de l’année 187016.
12Dans les demandes de postes recommandées, il existe une volonté de s’emparer des « places », d’emplois dont les républicains ont été longtemps exclus pour raison politique. Nombre de ces hommes, tenus à l’écart sous l’Empire, attendent de la République une revanche sociale immédiate17. Les recommandations d’hommes comme Poujade ou Naquet ont clairement un grand poids dans les nominations. Celles-ci permettent de récompenser des fidélités politiques et de renforcer le poids de certains réseaux. La magistrature, comme les postes préfectoraux, sont des emplois perçus comme primordiaux par les républicains pour contrôler l’appareil d’État, ce qui explique les révocations de fonctionnaires hostiles à la République, permettant aussi de favoriser la nomination de militants ou d’amis politiques.
Favoriser la carrière de magistrats républicains
13Au mois de septembre 1870, Cyprien Poujade écrit, dans un télégramme adressé au ministère de la Justice à Paris, que le poste de procureur général de Carpentras « conviendrait à Camille Fabre que je recommande18 ». Camille Fabre était un avocat à Carpentras, candidat républicain au conseil général en 1869 et proche de Poujade19. À Avignon, le préfet recommande Michel René pour le poste de procureur. Ces deux demandes sont exaucées deux jours plus tard, avant que le deuxième heureux élu, toujours recommandé par Poujade, ne soit nommé au poste de procureur à Draguignan.
14Le procureur d’Orange, son substitut ainsi que ceux d’Apt et de Carpentras sont révoqués au même moment20. Parmi les personnes qui les remplacent, citons notamment l’avocat carpentrassien Henri Devillario, beau-frère de Cyprien Poujade, qui l’a activement recommandé comme en témoignent les lettres conservées dans le dossier du magistrat21. Devillario est nommé substitut à Orange le 19 septembre 187022. Barrès, fils d’un fonctionnaire de Carpentras qu’Alfred Naquet a pour connaissance, devient quant à lui substitut du procureur d’Apt23. Un autre Vauclusien lié à la famille Naquet, Jules Valabrègue24, âgé de 28 ans, est nommé substitut du procureur à Nîmes, grâce à la recommandation d’Alfred Naquet à l’attention du ministre de la Justice Adolphe Crémieux, son ancien avocat. Il l’avait d’abord recommandé pour un poste de substitut à Grenoble ou à Montpellier. Cette demande était aussi apostillée par le chef de cabinet de Jules Favre, Charles Ferry25. Ces révocations et ces nouvelles nominations s’inscrivent dans un mouvement national, où presque 500 nouveaux magistrats sont nommés en quelques semaines26. Ceux-ci sont choisis parmi les amis des républicains au pouvoir. Ce sont souvent des avocats républicains, les recommandations et relations de clientèle ou d’amitié jouant, comme on le voit, un rôle prépondérant. Au niveau national, 24 avocats généraux, 216 procureurs de la République, 206 substituts sont remplacés en l’espace de quelques semaines27.
15Bien sûr, ces révocations entraînent un certain nombre de critiques, notamment dans la presse conservatrice, qui se déchaîne même après la chute de Gambetta, qu’elle surnomme volontiers le « dictateur ». Edmond de Goncourt dénonce « tous les avocats à deux sous, tous les avocats sans cause, tous les avocats sans talent et sans honorabilité » qui viennent au ministère pour essayer d’obtenir un poste de la part de Crémieux28. Ce dernier est donc particulièrement critiqué pour des cas de favoritisme29. Toutefois, même au sein du gouvernement de la Défense nationale, cette épuration et ces nominations ne font pas l’unanimité30.
16Ces révocations s’inscrivent dans une volonté d’épuration mais aussi dans une « tradition de défiance31 » des républicains vis-à-vis de la magistrature qui s’exprime tout au long du xixe siècle. Le souvenir des commissions mixtes de 1852, dans lesquelles ont été impliqués des magistrats fidèles à l’Empire, est souvent rappelé pour justifier ces mesures. Toutefois cette épuration n’est pas inédite. Chaque changement de régime au xixe siècle est marqué par ces épurations, à cause de la fidélité au régime exigée des juges, mais aussi du fait des liens de dépendance et de patronage des magistrats au milieu politique32.
17Eliacin Naquet, frère d’Alfred, demande au début du mois d’octobre 1870 au ministre de la Justice un poste d’avocat général à Aix-en-Provence, Nîmes ou Montpellier33. Il est d’abord recommandé par Poujade, puis, un peu plus tard, c’est son frère Alfred qui apostille ses demandes. Alfred Naquet commente d’ailleurs, dans une lettre à ses parents : « Je vous avoue que rien n’est détestable comme de s’occuper d’Éliacin. Il est si pressé dans tout ce qu’il désire, si absolu dans ses volontés qu’il paralyse les meilleures intentions. » Il se vante, dans la même lettre, « d’avoir fait nommer Gautier, l’ami d’Éliacin, à Ajaccio : c’est une belle place34 ». Et en effet, on retrouve dans les télégrammes de la Défense nationale une missive d’Éliacin Naquet adressée à son frère lui demandant de recommander Alfred Gautier, avocat et docteur en droit, afin qu’il obtienne un poste de magistrat dans le Midi35.
18Certains Vauclusiens s’adressent directement à Alfred Naquet pour obtenir son appui, comme un certain Horard, magistrat à Carpentras souhaitant obtenir une mutation36. Le professeur Eysséric semble lui aussi avoir fait parvenir à ce dernier des demandes de Vauclusiens, comme en témoigne une lettre de Naquet en réponse à une demande d’emploi d’un Carpentrassien adressée au ministère de la Guerre37.
19Il y eut aussi de nombreuses révocations de juges de paix. Ces derniers étaient l’un des piliers du pouvoir impérial dans les campagnes, ce qui explique que ces révocations aient été « massives38 ». Leurs révocations sont souvent demandées par les préfets nouvellement nommés39. C’était une occasion supplémentaire pour nommer des républicains afin de donner satisfaction aux clientèles de réseaux favorables à la République.
20Dans le Vaucluse, le docteur Appy, militant républicain sous l’Empire, membre de la commission municipale de Gordes, devient juge de paix dans cette commune grâce à l’intervention du préfet, en remplacement d’un fonctionnaire fidèle à l’Empire. À Carpentras, le nouveau juge de paix, « chaleureusement recommandé » par Cyprien Poujade40, remplace un dénommé Mounier, révoqué par décret le 24 septembre 1870. Néanmoins l’intervention des républicains entraînent des plaintes, telle celle d’un juge de paix de Sorgues, près d’Avignon, nommé Jean Chabert qui se plaint peu de temps avant sa révocation dans une lettre au ministre de la Justice « des tracasseries d’un comité se disant républicain qui s’est installé au chef-lieu du département », et des « sollicitations » que ce comité produit pour « désorganiser », selon lui, les justices de paix, en l’occurrence demander sa révocation pour le remplacer par l’un des leurs41.
La fin de la « chasse aux places42 »
21Les postes et emplois dans l’administration ne sont pas les seules demandes des républicains. Par exemple le républicain avignonnais Eugène Raveau recommande, pour un bureau de tabac, un de ses amis nommés Bourrelly43. Les bureaux de tabac étaient accordés par le ministère des Finances en priorité à des vétérans, mais il existait des exceptions, et les recommandations politiques avaient un certain poids pour les nominations. Autre type de demande, les bourses pour des lycéens. Poujade sollicite, pour le fils d’un ami qu’il a en commun avec Naquet, David-Guillabert, éphémère maire de Carpentras, une bourse pour son fils au lycée d’Avignon, comme une « faible récompense pour trente ans luttes [sic] pour la République44 ».
22Néanmoins les républicains n’obtiennent pas toujours satisfaction. Dans un télégramme envoyé à Naquet, Poujade menace de démissionner de son poste « si M. de Lannay est maintenu dans son poste d’intendant ». Il précise à Alfred Naquet qu’il a déjà envoyé cette dépêche à Gambetta, et demande à son ami d’agir pour le convaincre de ne pas nommer cet individu. Poujade écrit à Naquet : « Voici mon dernier mot : lui ou moi. J’en ai marre de ces nominations de bonapartistes, d’anciens sous-préfets de l’Empire, de réactionnaires déclarés et insolents45. » Le 7 janvier 1871, il envoie un télégramme « confidentiel et personnel » à Gambetta, où il écrit : « Devant les nominations qui se font des Vauclusiens les plus réactionnaires, les plus impérialistes, dans la magistrature, dans l’intendance et ailleurs, et cela, sans me consulter jamais, mon poste n’est plus à la préfecture [… ]46. »
23À partir de la perte du pouvoir par Gambetta, de nombreux républicains sont révoqués, et à leur place sont nommés des conservateurs, notamment grâce à des recommandations de royalistes. Les choses s’inversent donc. Jules Valabrègue, recommandé par Alfred Naquet lorsqu’il est nommé substitut du procureur à Nîmes au mois d’octobre 1870, est muté le 18 mai 1871 à Béziers, dans une cour bien moins importante. L’année suivante, il est révoqué, suite à de nombreux rapports défavorables, écrits notamment par le premier président de la Cour d’Appel de Montpellier. Ce magistrat signale de manière répétée l’appartenance de Valabrègue « au parti extrême47 ». Il estime que ce dernier a bénéficié d’une « faveur exceptionnelle48 » en étant nommé substitut aussi jeune. Face à la menace de sa révocation ou de son déplacement, Valabrègue fait appel à ses protecteurs républicains49. Malgré leurs interventions Valabrègue est exclu de la magistrature, il n’est réintégré qu’à la fin des années 1870, avec le retour des républicains au pouvoir et l’appui d’Alfred Naquet et de ses amis politiques. Ce dernier essaye de protester publiquement contre les révocations de ses amis politiques. Ainsi, il demande à Jules Guesde au mois de mai 1871 de reproduire dans Les Droits de l’Homme un document à charge contre le remplaçant à la sous-préfecture d’Orange de son ami Albert Bernard, jugeant qu’il « est juste de donner aux fonctionnaires de Versailles la notoriété qu’ils méritent50 ».
24La Défense nationale est donc une période de récompenses politiques pour un certain nombre de républicains. Des hommes exclus des faveurs politiques sous l’Empire à cause de leur républicanisme sont les bénéficiaires des faveurs distribuées par la République tout juste proclamée, grâce notamment à Alfred Naquet et ses relations, qui peuvent ainsi récompenser et élargir leur réseau dans le Vaucluse en se créant de nouvelles fidélités51. Ils se représentent que leur militantisme leur donne une légitimité pour prétendre à de telles faveurs52. La mémoire de la Défense nationale, et notamment les faveurs politiques qui ont eu lieu, devient un enjeu politique après 1871.
Accusations réciproques sur les patronages et la corruption entre républicains et royalistes
25La Défense nationale devient, a posteriori, un événement interprété et instrumentalisé par les différents camps politiques. Les républicains se servent du mythe de la « patrie en danger » secourue par Gambetta et ses amis républicains, qu’ils opposent à l’incurie et à la corruption de l’Empire. De leur côté, les conservateurs, bonapartistes et légitimistes au premier chef, critiquent l’exercice du pouvoir des républicains lors de ce qu’ils nomment volontiers « la dictature de Gambetta ». La dénonciation de la corruption et des faveurs politiques est donc au centre de ces instrumentalisations politiques.
26Au début de l’année 1871 les républicains du Vaucluse, au premier chef Jean Saint-Martin, publient une série d’articles intitulée « les papiers secrets de la préfecture ». Il s’agit de documents qu’ils ont découvert lors de la période de la Défense nationale à la préfecture de Vaucluse, par exemple des lettres de maires renseignant à titre confidentiel sous l’Empire les préfets sur les « démagogues » de leur commune. Sont reproduites aussi des lettres de prêtres votant « à bulletin ouvert » lors des élections de l’Empire, influençant les électeurs en faveur du candidat officiel, et demandant ensuite des financements pour la construction d’une nouvelle église en guise de récompense au préfet53. Les républicains cherchent à montrer, au travers de ces articles, « qu’Empire et corruption » sont liés, et que tout régime monarchique ou bonapartiste est gangrené, « par sa substance même », par la corruption, comme l’écrit Jean Saint-Martin54. Celui-ci affirme que l’Empire « est l’héritier de la corruption monarchique de l’Ancien Régime », où les faveurs et la corruption régnaient en maître. Et il oppose à cette situation la République et sa volonté d’égalité entre les citoyens. Jean Saint-Martin publie, dans La Démocratie du Midi, une demande de suppléance de juge de paix écrite par le légitimiste Augustin Barcilon adressée au préfet en 1867, alors que le conservateur s’est toujours publiquement présenté comme un opposant irréconciliable de l’Empire, pour compromettre sa réputation publique. Augustin Barcilon lui répond dans L’Étoile du Vaucluse, niant avoir demandé cette place mais affirmant qu’on est venu le chercher pour l’occuper. Et il critique en retour la « chasse aux places » menée par les républicains depuis la chute de l’Empire, et écrit à Saint-Martin qu’il éprouve « un désintéressement bien autrement républicain que celui de la plupart de vos amis55 ».
27Les conservateurs répliquent aux accusations de Jean Saint-Martin en dénonçant avec force les « mœurs républicaines56 », c’est-à-dire les actes des républicains dénoncés comme du favoritisme ou de la corruption pendant la Défense nationale, qu’ils opposent aux discours publics d’acteurs critiques de la corruption des républicains sous l’Empire. Ce fait est un leitmotiv dans leurs journaux dans le Vaucluse notamment pendant les années 1871 à 1873. Les conservateurs veulent faire la lumière sur la « dictature57 » du 4 Septembre, décrit comme un moment de chasse aux places et de corruption. Ils s’appuient sur ces dénonciations pour prédire aux électeurs le retour de ces agissements si par malheur « les hommes de Gambetta » revenaient au pouvoir. Ces accusations expliquent qu’Alfred Naquet, dans la biographie que publie à son propos Mario Proth dix ans plus tard, est décrit comme « un auxiliaire bénévole », pour réfuter l’accusation d’intéressement et de corruption58. De la même manière, il est précisé que pour son rôle dans la commission des moyens de défense Naquet fut rémunéré « quinze cent francs dont il rendit cinq cent », pour montrer le désintéressement du personnage.
28L’Étoile du Vaucluse est un organe royaliste créé en 1870, dirigé par le légitimiste avignonnais Louis Guérin59, ancien candidat de l’Union libérale en 186960. Ce dernier rédige dès le début de l’année 1871 une série d’articles où il dénonce « la curée des places » des républicains, qui « au lieu de se concentrer sur la défense du territoire », s’occupent d’obtenir « des places, des emplois […] pour se mettre à l’aise et vivre aux dépens du Trésor public61 ». Il qualifie les demandeurs républicains de « quêteurs d’emplois », de « mendiants d’emplois », qui se déchaînent, selon lui, depuis la proclamation de la République. Même chose dans l’autre journal conservateur L’Union du Vaucluse, qui donne comme devise à la République non pas « Liberté-Égalité-Fraternité » mais « ôte-toi de là que je m’y mette62 ».
29Les journalistes conservateurs attaquent aussi l’attitude de certains républicains vauclusiens comme Jean Saint-Martin. L’un d’entre eux écrit que le Pertuisien a préféré « se planquer » dans un poste à la préfecture plutôt « qu’aller combattre les Prussiens », ajoutant perfidement que « les places rapportent plus ». Ce même journaliste écrit que tous « les républicains de la veille » forment « une cohue honteuse » où « toutes les places, même les plus infimes, sont convoitées par d’innombrables concurrents ». Il se moque des « titres de gloire » invoqués par des candidats aux emplois, tels « je reviens de Cayenne » ou « je suis le frère d’un déporté », indiquant que « peu importe qu’ils soient incapables, pourvu qu’ils se disent républicains63 ».
30La dénonciation du favoritisme républicain se conjugue, chez d’autres pamphlétaires conservateurs parisiens comme René Blandeau, avec la réputation de pilier de comptoir de Gambetta. L’origine de cette réputation est sa fréquentation des cafés du Quartier Latin alors qu’il était étudiant. Blandeau écrit, à propos des débuts de Gambetta et de son gouvernement de la Défense nationale :
« Dès le 4 septembre, une pluie de sauterelles s’abattit sur son ministère ; en arrivant au pouvoir, il eut à traîner dix ans de bohème parisienne après ses bottes : tutoyeurs, gêneurs, incapables, s’acharnèrent après lui, dévorant les meilleures places, inspections, directions, préfectures, sans qu’il lui fût possible de s’en débarrasser64. »
31Il poursuit sa diatribe à propos des demandes d’emploi des républicains et le favoritisme de Gambetta en écrivant :
« Le premier imbécile venu qui lui avait payé un bock [sic] un soir de sécheresse, un être dont il n’avait jamais su le nom, exigea et obtint une sous-préfecture. Devenu dictateur, il retrouva à Tours d’autres amis d’estaminet qui le tutoyèrent aussi, le bombardèrent de leur dévouement à la République et de leurs demandes de places65. »
32Ces opuscules, souvent rédigés par des pamphlétaires conservateurs et repris par la presse locale, contribuent à forger une légende noire de la Défense nationale, où les thèmes de la corruption et du clientélisme des républicains occupent une place centrale. Parfois, des malversations associées à de la corruption datant de la Révolution sont évoquées, pour démontrer l’incapacité des républicains à gouverner66. Plus rares, on trouve quelques opuscules renvoyant Empire et République dos à dos pour la question du favoritisme et des patronages dans les nominations à des emplois publics67. Pour enquêter sur les abus présumés des républicains pendant la Défense nationale, des commissions d’enquête parlementaires sont créées en 1871 et 1872.
Alfred Naquet face aux commissions d’enquête parlementaires sur la Défense nationale
33Deux commissions d’enquête parlementaires ont lieu en 1871 et 1872, se donnant pour but d’enquêter sur les actions des hommes du 4 Septembre. Elles concernent directement Alfred Naquet et un certain nombre de ses amis politiques, comme Poujade. Ce sont la commission d’enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale68 et celle sur les marchés passés pendant la Défense nationale. Le but inavoué de ces commissions est pour les conservateurs de délégitimer les républicains, en prouvant grâce à la révélation des faveurs politiques et de la corruption ayant eu lieu sous la Défense nationale que ces derniers sont inaptes à exercer de manière honnête le pouvoir. Ces objectifs s’inscrivent dans une perspective de lutte électorale lors de scrutins législatifs complémentaires de 1872 à 1874. Entre-temps Alfred Naquet, Alphonse Gent, Elzéar Pin ont été élus députés au mois de février 1871, puis invalidés suite à des accusations de malversations, de violence et de fraudes électorales, et enfin élus définitivement.
34La commission d’enquête sur les marchés est créée par la loi du 6 avril 1871. Une commission de soixante membres, très majoritairement des conservateurs, est donc réunie, dont la présidence échoit au duc d’Audiffret-Pasquet. Le but officiel de cette commission est d’enquêter sur les marchés publics passés par le gouvernement provisoire de la Défense nationale et ses représentants, afin de solder les comptes et les créances, préparer le remboursement de l’indemnité de guerre à payer à l’Allemagne69, mais aussi avec l’objectif de déceler les éventuelles malversations. De ce fait, cette commission enquête en auditionnant des anciens responsables de la Défense nationale ainsi que des fournisseurs. Comme l’a écrit Hélène Lemesle, nombreux sont « mis en cause pour des achats de chaussures, de vêtements, de viandes ou d’armes. Quatre ministères sont particulièrement concernés, l’Intérieur (via les préfets), la Guerre, la Marine et les Travaux publics70 ».
35La commission des marchés interroge Cyprien Poujade en tant qu’ancien préfet du Vaucluse sur le prix élevé des canons commandés par Alphonse Gent et lui-même à des entrepreneurs locaux. Mêmes accusations pour le prix des chevaux achetés pour équiper les troupes, et on devine, derrière les questions de la commission, les soupçons de corruption et d’achats au prix fort à des amis politiques des républicains. La commission des marchés enquête aussi sur le détournement d’armes au préjudice de l’État en faveur des francs-tireurs du Vaucluse, notoirement républicains71. Poujade se défend, lors de son interrogatoire, rejetant certaines fautes commises lors de conclusions des marchés sur Gent, alors préfet des Bouches-du-Rhône72. Il semble que celui-ci ait fait construire un certain nombre de canons chez un entrepreneur d’Avignon nommé Perre, probablement une connaissance, et ce contre l’avis de Poujade73. Questionné sur les hommes qu’il a nommés au sein d’une commission sur la fourniture de chevaux, Cyprien Poujade affirme qu’il a choisi ses membres seulement pour leur renommée, au-delà des partis. Il précise que « cette commission ne me valut pas l’approbation d’un parti qui comptait sur moi pour obtenir plus de faveurs qu’il ne fallait en restant équitable ». Des pressions pour obtenir des faveurs sont donc reconnues par Cyprien Poujade, même s’il se défend d’y avoir cédé74.
36Alfred Naquet est mis en cause par la commission pour son rôle au sein de la commission d’étude des moyens de défense. Cette commission avait été mise en place à la fin de l’année 1870 afin de trouver de nouveaux moyens militaires pour favoriser la victoire française, à l’initiative notamment de Charles de Freycinet75. Son président était le lieutenant-colonel Deshorties, Alfred Naquet en était le secrétaire. Celui-ci était en contact avec Cyprien Poujade et Alphonse Gent pour les commandes d’armes, comme le prouvent quelques télégrammes76. Parmi les autres membres de cette commission se trouvent des militaires et des ingénieurs, aux rôles secondaires. Une obscure affaire de pot-de-vin impliquant cette commission à propos de marchés passés pour acheter des armes en Angleterre est évoquée par la presse conservatrice, ce qui entraine l’audition de certains membres devant la commission des marchés, sans réelles preuves. Alfred Naquet, devant la commission, justifie les choix de deux entrepreneurs américains installés à Londres, nommés Billing et Saint-Laurent, pour la fourniture de canons rayés ayant déjà servi pendant la guerre de Sécession pour un prix de 75000 francs. Il retrace les négociations qui ont eu lieu, les différents avis qu’il a pris auprès de ses collègues avant de prendre cette décision pour se défendre d’attaques de corruption, ainsi que l’échec relatif de cette commande. Il avoue néanmoins devant la commission : « Je crois que nous les avons achetées à un prix trop élevé », car selon lui les militaires français voulaient très rapidement de nouvelles armes77.
37Ces rumeurs de corruption sont violemment rejetées par l’ancien président de la commission, le lieutenant-colonel Deshorties, qui qualifie de « diffamation » cette « odieuse imputation de pot de vin78 ». Il publie d’ailleurs un opuscule pour se défendre contre ces accusations79. Cela n’empêche pas la publication, quelques années plus tard, de pamphlets où sont évoqués les « ignobles transactions » de l’époque de la Défense nationale, et notamment les « canons Naquet-Gambetta80 ». Pour sa part, Alfred Naquet adresse une lettre au journal royaliste La Gazette de France où il dénonce les accusations dont il fait l’objet. Il se plaint, dans un article paru dans le Démocrate du Midi, des « calomnies » dont il est la victime de la part de ses adversaires. Il exprime, dans un autre article, son désintérêt concernant les honneurs publics, écrivant : « Que d’autres cherchent les faveurs, les places, les sinécures. Moi je ne veux qu’une chose : pouvoir dévouer ma vie à la République et sentir que dans cette lutte de chaque heure je suis fort parce que le peuple est avec moi81. »
38Dix ans plus tard, dans une courte biographie qui lui est consacrée par Mario Proth, ami de Naquet, les accusations de la commission sont présentées ainsi : « Aussi tous ces inutiles, les hobereaux, les parfaits tabellions, ardélions, tatillons et autres ruraux en qui se personnifia la France en 1871, ne manquèrent point d’accuser de concussion, dilapidation, malversation, spéculation, ces savants qui avaient étudié, ces patriotes qui s’étaient exposés82. » En réponse aux accusations de corruption, le biographe républicain de Naquet cherche à délégitimer les « ruraux » de l’Assemblée de 1871 qui l’aurait incriminé injustement83.
39Les conclusions de la commission des marchés sont ensuite discutées à la Chambre. Alfred Naquet, alors député du Vaucluse, intervient lors de ces débats, pour se défendre des accusations évoquées dans le rapport à son encontre. Il présente longuement les activités de la commission des moyens de défense et son rôle en tant de consultant de par sa formation de chimiste, réfutant les accusations de « mauvaises complaisances » vis-à-vis de sa nomination au sein de cette commission84. Il affirme que la commission n’avait qu’un rôle consultatif, qu’elle s’est bornée à rédiger des projets de contrats, soumis au ministère85. Il se contredit toutefois ensuite quand il déclare que la commission a contracté quelques marchés, justifiant longuement les choix et les prix payés pour ces armements. Les fournisseurs ont été choisis, selon lui, non à cause de pots-de-vin ou d’amitiés personnelles, comme le sous-entendent les conservateurs, mais en sélectionnant les meilleures offres disponibles dans l’urgence qu’il y avait alors à trouver des fournitures86. Gambetta intervient aussi à la Chambre pour contester certaines conclusions de la commission des marchés, notamment à propos de marchés passés par son gouvernement87. Il n’y a pas, finalement, de suites judiciaires contre Naquet. Ce dernier et ses amis politiques ne sont pas les seuls parlementaires à être incriminés par cette commission sous des accusations de mauvaise gestion ou de corruption. Dans le département du Nord, l’ancien commissaire de la République Achille Testelin fût accusé de « fraude sur la qualité des produits, fausses factures et détournements de fonds, non-respect des règles de la procédure et favoritisme, corruption de quelques fonctionnaires88 ».
40Cette commission et ces révélations contribuent à la légende noire des hommes du 4 Septembre. François Beslay, lorsqu’il évoque Alfred Naquet en 1874, écrit qu’il est « connu de nous à Paris […] pour l’affaire scandaleuse des canons, si courageusement dévoilée par M. d’Audiffret-Pasquier89 ». Au début de l’année 1873 le rédacteur de l’organe légitimiste L’Union du Vaucluse annonce la publication d’un opuscule ayant pour titre : L’ex-préfet Poujade et nos démocrates vauclusiens jugés par leurs dépêches. En effet, du fait de l’enquête parlementaire sur la Défense nationale, les télégrammes et dépêches de cette période sont publiés, et passent ainsi de la sphère des affaires réservées à la sphère publique90. Il s’agit bien sûr, pour les conservateurs, de discréditer les radicaux qui ont gouverné le pays pendant la Défense nationale, en publiant in extenso des preuves jugées « accablantes » de corruption.
41Dans cet opuscule, les radicaux vauclusiens sont qualifiés de « Brutus indigènes », « ombrageux, autocrates, hautains, avides à l’excès d’omnipotences, d’honneurs et d’emplois lucratifs ». Dans leurs articles les conservateurs affirment que la période de la Défense nationale n’a été qu’un temps « de curée aux places aux seuls profits des frères et amis ». C’est donc une dénonciation du favoritisme des républicains, avec par ailleurs une référence à la franc-maçonnerie comme facteur structurant les réseaux ayant bénéficié de ses transgressions. Les journalistes de L’Union du Vaucluse présentent Poujade comme un homme qui « toute sa vie avait crié contre les gros traitements de l’Empire », mais « qui se réconcilia avec eux dès qu’il eut l’occasion de les toucher91 ». Les républicains tentent de se défendre auprès de leurs électeurs lors de réunions. Au mois de septembre 1872, Alfred Naquet déclare : « Les administrateurs du 4 Septembre sont sortis du pouvoir les mains pures et les poches vides92. » D’autres publications du même type, exploitant les pièces et conclusions réunies par la commission d’enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale, sont diffusées à la même époque dans d’autres régions, énonçant les mêmes griefs93.
42La légende noire de la Défense nationale perdure bien au-delà des années 1870 : dans l’ouvrage Gambetta et la Défense nationale, d’Henri Dutrait-Crozon paru en 1914, réédité en 1934, l’action des républicains en 1870-1871 est présentée sous un jour très négatif. Les auteurs évoquent la corruption et les faveurs politiques qui auraient marqué l’exercice du pouvoir des républicains pendant le gouvernement de la Défense nationale94. Sous le pseudonyme de Dutrait-Crozon se cachent en réalité Frédéric Delebecque et Georges Larpent, deux généraux sympathisants de l’Action française, et auteurs d’articles dans le journal du mouvement95. Il existe donc une perpétuation de cette légende noire du 4 Septembre au sein du mouvement de l’Action française au début du xxe siècle avec pour fin de dénoncer la corruption de la « gueuse ».
43Le favoritisme et la corruption ont donc été des enjeux politiques instrumentalisés par les acteurs politiques au début des années 1870. Les conservateurs ont cherché à dénoncer les transgressions commises pendant la période de gouvernement républicain qui a suivi le 4 septembre 1870, afin de montrer aux Français quels risques ils prenaient s’ils permettaient à ceux-ci de revenir au pouvoir. En réponse à cela, Alfred Naquet et ses amis politiques comme Poujade, mais aussi tous les républicains impliqués comme Gambetta, cherchent à justifier leurs actes en invoquant la situation de la France en guerre, qui exigeait des mesures énergiques, et en mettant en avant leur honnêteté.
44Comme l’a noté Jean-Marie Mayeur dans la préface de l’ouvrage d’Éric Bonhomme : « La Défense nationale n’est pas une parenthèse, mais une manière de laboratoire où se font les premières expériences républicaines96. » C’est un apprentissage collectif, au niveau local, du pouvoir par un réseau républicain. Apprentissage dans toutes les composantes du politique, y compris les recommandations et les faveurs, qui se termine avec la défaite, au niveau national, des républicains lors des élections législatives de février 1871. Le Vaucluse fait ici exception, puisque dans ce département quatre parlementaires républicains sont invalidés au mois de février 1871 avant d’être finalement élus au printemps de la même année.
Notes de bas de page
1 Proth Mario, Célébrités contemporaines. Alfred Naquet, Paris, E. Dentu, 1883.
2 Bibl. Ing, ms. 2496, lettre d’Alfred Naquet à son père, septembre 1870. De la même manière, Spuller, ami de Gambetta, va faire nommer quelques amis à certaines responsabilités. Voir Bayon Nathalie, « Jeunesse et genèse d’un groupe politique : le groupe gambettiste », Revue d’histoire du xixe siècle, no 20-21, 2000, p. 78-79.
3 Bibl. Ing, ms. 2496, lettre d’Alfred Naquet à son père, septembre 1870.
4 Le Petit Marseillais, 11 février 1876.
5 Voir Lamoussiere Christine (dir.), Le personnel de l’administration préfectorale, 1800-1880, Paris, Archives nationales, 1998, p. 587, et Wright Vincent (texte complété, mis à jour et présenté par Éric Anceau et Sudhir Hazareesingh), Les préfets de Gambetta, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2008, p. 355.
6 Wormser Georges, Gambetta dans les tempêtes, Paris, Sirey, 1924, p. 35.
7 Cavalier Georges, Les mémoires de Pipe-en-Bois. Six mois d’antichambre. Souvenirs du cabinet de Gambetta par un témoin, Paris, Champ Vallon, 1993, p. 151.
8 Ibid., p. 151. Sur la question des pétitionnaires, on se reportera notamment à l’article de Benoit Agnès, « Le solliciteur et le pétitionnaire : infortunes et succès d’une figure sociale et littéraire française (première partie du xixe siècle) », Revue historique, no 661, 2012, p. 27-47.
9 Ibid., p. 156.
10 Posenier Samuel Adolphe Crémieux 1796-1880, Paris, Félix Alcan, 1934, p. 194.
11 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Dépêches télégraphiques officielles, Versailles, Cerf et Fils, t. II, 1875, p. 149.
12 Ibid., p. 153.
13 Ibid., p. 149.
14 Bibl. Ing, ms. 2496, lettre de David Naquet, probablement à Eysséric, 9 janvier 1870.
15 Ibid., lettre d’Alfred Naquet à David Naquet, septembre 1870.
16 Ibid., lettre d’Alfred Naquet à son père, 6 janvier 1871. Notons que ni Alfred Naquet ni Cyprien Poujade n’ont eu de liens avec la Ligue du Midi, dissoute à la fin du mois de décembre 1870 : Hazareesingh Sudhir, « Republicanism, War and Democracy : The Ligue du Midi in France’s War Against Prussia », French History, vol. 17, no 1, mars 2003, p. 48-78.
17 Bonhomme Éric, La République improvisée. L’exercice du pouvoir sous la Défense nationale, 4 septembre 1870-8 février 1871, Paris, Eurédit, 2000, p. 418.
18 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Dépêches télégraphiques officielles, op. cit., p. 149. Voir aussi le dossier de ce magistrat aux Archives nationales sous la cote BB 6 II 498.
19 Avocat républicain à Carpentras, candidat au conseil général en 1869, il fut nommé procureur à Carpentras en 1870, puis a fait une carrière brillante.
20 86 % des procureurs généraux furent révoqués en 1870. Voir : Bergère Marc et Le Bihan Jean, « Épurations administratives et transitions politiques en France à l’époque contemporaine. Bilan et perspectives de recherche », in Bergère Marc et Le Bihan Jean (dir.), Fonctionnaires dans la tourmente. Épurations administratives et transitions politiques à l’époque contemporaine, Chêne-Bourg, Georg Éditeur, 2009, p. 13.
21 Wright Vincent, op. cit., p. 354.
22 AN, BB 6 II 488, dossier d’Henri Devillario, magistrat.
23 La Démocratie du Midi, 3 novembre 1872.
24 AN, BB 6 II 419, dossier de Jules Valabregue.
25 Voir sa notice dans Robert Adolphe et Cougny Gaston, Dictionnaire des Parlementaires français de 1789 à 1889, Paris, Bourloton, t. II, 1891, p. 639.
26 Machelon Jean-Pierre, « L’épuration républicaine », in Association pour l’histoire de la justice, L’épuration de la magistrature de la Révolution à la Libération : 150 ans d’histoire judiciaire, Paris, Éditions Loysel, 1994.
27 Royer Jean-Pierre, Juges et notables au xixe siècle, Paris, PUF, 1982, p. 80.
28 Goncourt Jules et Edmond de, Journal. Mémoires de la vie littéraire, Paris, Robert Laffont, tome II, 1891, rééd. 1989, p. 387.
29 Voir par exemple : Desplagnes Albert, L’œuvre judiciaire de Me Crémieux. Lettre à l’Assemblée Nationale et au Gouvernement sur l’histoire de la justice et de la magistrature française pendant cinq mois et dix jours, Lyon, Girard, 1871.
30 Machelon Jean-Pierre, « L’épuration républicaine », in Association pour l’histoire de la Justice, L’épuration de la magistrature de la Révolution à la Libération : 150 ans d’histoire judiciaire, Paris, Éditions Loysel, 1994, p. 73.
31 Bancaud Alain, La haute magistrature judiciaire entre politique et sacerdoce ou le culte des vertus moyennes, Paris, LGDJ, 1993, p. 123.
32 Voir notamment Rouet Gilles, Justice et justiciables aux xixe et xxe siècles, Paris, Belin, 1999 ; Machelon Jean-Pierre, « L’épuration républicaine », art. cité.
33 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Dépêches télégraphiques officielles, op. cit., p. 153.
34 Bibl. Ing, ms. 2496, lettre d’Alfred Naquet à son père, 6 janvier 1871.
35 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Dépêches télégraphiques officielles, op. cit., p. 42.
36 Bibl. Ing, ms. 28208, lettre d’Alfred Naquet à M. Horard, 15 décembre 1870.
37 Bibl. Ing, ms. 2496, lettre d’Alfred Naquet, destinataire inconnu, 27 octobre 1870.
38 Royer Jean-Pierre, Histoire de la justice en France, Paris, PUF, 1996, p. 546.
39 Audouin-Rouzeau Stéphane, 1870, la France dans la guerre, Paris, Armand Colin, 1989, p. 160.
40 AN, BB 8 1218, dossier de M. Morin, 1870-1871.
41 Ibid., lettre du juge de paix Chabert au ministère de la Justice, 10 septembre 1870. Il est révoqué le 24 septembre 1870.
42 L’expression est d’Augustin Barcilon, avocat royaliste de Carpentras.
43 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Dépêches télégraphiques officielles, op. cit., p. 154.
44 Ibid., p. 156. David-Guillabert avait été un éphémère maire de Carpentras en 1848, avant de le redevenir sous la Troisième République.
45 AN, F/7 12679, copie de télégrammes échangés entre la préfecture du Vaucluse et le ministère de l’Intérieur. Poujade à Naquet, 3 janvier 1871.
46 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Dépêches télégraphiques officielles, op. cit., p. 158.
47 AN, BB 6 II 419, dossier de Jules Valabrègue, rapport du président de la cour d’appel de Montpellier, mai 1872.
48 Ibid., dossier de Jules Valabrègue, rapport de M. Reybaud, magistrat à Béziers.
49 Ibid., lettres de Taxile Delord et d’Albert Castelnau, 29 mai et 6 juin 1872, à propos de Jules Valabrègue.
50 IISH, Jules Guesde Papers, lettre d’Alfred Naquet à Jules Guesde, 1er mai 1871.
51 Wright Vincent, Les préfets de Gambetta, op. cit., p. 26.
52 Bonhomme Éric, La République improvisée…, op. cit., p. 98.
53 La Démocratie du Midi, 25 février 1871.
54 La Démocratie du Midi, 11 novembre 1871.
55 L’Étoile du Vaucluse, 17 février 1871.
56 L’Union du Vaucluse, 27 janvier 1872.
57 Le terme revient régulièrement dans la presse conservatrice. Voir El Gammal Jean, « La guerre de 1870-1871 », in Sirinelli Jean-François (dir.), Histoire des droites en France, t. II : Cultures, Paris, Gallimard, 1992, p. 471-501.
58 Proth Mario, Alfred Naquet, Paris, A. Quantin, 1883, p. 17-18.
59 Notable légitimiste du Vaucluse, habitant Avignon. Sur les légitimistes vauclusiens, voir la thèse de Gourinard Pierre, Trois théoriciens du légitimisme vauclusien de 1836 à 1893 Armand de Pontmartin, Léopold de Gaillard et Gustave de Bernardi, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Pierre Guiral, université d’Aix-Marseille, 1977.
60 Bibl. Inguimbertine, 11.819, Portrait des candidats conservateurs aux élections législatives de 1869.
61 L’Étoile du Vaucluse, 5 janvier 1871.
62 L’Union du Vaucluse, 15 mars 1871.
63 L’Étoile du Vaucluse, 3 février 1871.
64 Blandeau René, La Dictature de Gambetta, Paris, Amyot, 1871, p. 5-6.
65 Ibid., p. 6.
66 Sur ces questions, voir Blanc Olivier, La corruption sous la terreur (1792-1794), Paris, Armand Colin, 1992 ; Bruguière Michel, Gestionnaires et profiteurs de la Révolution. L’administration des finances françaises de Louis XVIII à Bonaparte, Paris, O. Orban, 1986.
67 Anonyme, Les Fonctionnaires et les députés. Monographie de la faveur et de la recommandation, Paris, Lachaud, 1871.
68 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. [1-2]. Pièces justificatives ; [3-8]. Rapports ; [9-13]. Dépositions des témoins, Versailles, Cerf et Fils, 1872-1873, 13 volumes.
69 Berger Olivier, « Résolution de l’impôt de guerre de 10 millions, une sortie de crise majeure au sein de la guerre franco-allemande de 1870 », in Grevy Jérôme (dir.), Sortir de crise. Les mécanismes de résolution de crises politiques (xvie-xxe siècle), Rennes, PUR, 2010, p. 71-82.
70 Lemesle Hélène, « Apprendre le travail parlementaire et construire la séparation des pouvoirs dans les années 1870 », Revue d’histoire du xixe siècle, no 35, 2007, p. 2.
71 AN, C3055, rapport sur les séances du comité militaire de Vaucluse.
72 AN, C3027, procès-verbaux de la sous-commission de l’armement, 1871-1872.
73 Sur le détail des dépenses dans les départements du Midi, et principalement dans les Bouches-du-Rhône, voir les cotes C3053, C3054 et 3055 aux Archives nationales.
74 Anonyme, L’ex-préfet Poujade et nos démocrates vauclusiens jugés par leurs dépêches, Avignon, Seguin, 1873, p. 114.
75 Bonhomme Éric, La République improvisée…, op. cit., p. 97.
76 AN, F/7 12679, télégrammes de la préfecture du département du Vaucluse adressées au ministère de l’Intérieur, 1870-1871.
77 Déposition d’Alfred Naquet devant la commission d’enquête sur les marchés passés pendant la Défense nationale, séance du 8 août 1871.
78 Deshorties Auguste, La commission d’étude des moyens de défense et la commission des marchés, Nantes, V. Forest et E. Grimaud, 1873, p. 11.
79 Ibid.
80 Anonyme, Les patrons du radicalisme ou l’histoire lamentable de Thiers et Gambetta, à propos des élections par un patriote Lorrain, Paris, 1877.
81 La Démocratie du Midi, 17 juillet 1872.
82 Proth Mario, Alfred Naquet, Paris, A. Quantin, 1883, p. 18.
83 Sur ce terme de « ruraux » utilisé par les républicains à cette période, voir : Gaboriaux Chloé, « Quand rural signifiait réactionnaire. Le détournement politique du vocabulaire rustique autour de 1871 », Mots. Les langages du politique, no 92, 2010.
84 Le Journal de Lyon, 31 juillet 1872.
85 Discours prononcé le 29 juillet 1872 par MM. Naquet et Gambetta en réponse au rapport de la commission des marchés, Paris, Ernest Leroux, 1872, p. 8.
86 Ibid.
87 Discours politiques de M. Gambetta : deux lettres à un conseiller général, Paris, E. Leroux, 1874, p 164.
88 Ménager Bernard, « Quand l’intendance ne suivait pas. Le scandale des marchés de guerre passés dans le département du Nord pendant la guerre de 1870 », Revue du Nord, no 350, 2003/2, p. 347-358.
89 Beslay François, Voyage aux pays rouges, par un conservateur, Paris, Plon, 1873, p. 31.
90 Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Dépêches télégraphiques officielles, op. cit., 1875.
91 L’Union du Vaucluse, 28 octobre 1873.
92 La Démocratie du Midi, 28 septembre 1872.
93 Voir par exemple Raibaud André, Les papiers secrets de la Défense nationale, Paris, Amyot, 1875.
94 Dutrait-Crozon Henri (pseudonyme), Gambetta et la défense nationale, 1870-1871, Paris, Nouvelle Librairie nationale, 1934. De façon plus générale, sur la mémoire de la Défense nationale, voir Le Trocquer Olivier, « Mémoire et interprétation du 4 septembre 1870 : le sens de l’oubli », Temporalités, en ligne, 5, 2006.
95 AD13, Delta 1955, extrait d’articles de Dutrait-Crozon sur le gouvernement d’Alphonse Gent à Marseille dans L’Action française.
96 Mayeur Jean-Marie, « Préface », in Bonhomme Éric, La République improvisée…, op. cit., p. 7.
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