Introduction à la première partie
p. 23-26
Texte intégral
1Les contributions qui constituent cette partie ne sauraient épuiser le domaine, sans cesse plus étendu, de l’historiographie de l’histoire environnementale. On ne retracera pas toutes les formes d’écriture discutées depuis les années 1970, ni toutes les thématiques qui ont contribué à alimenter la dynamique du champ1. L’histoire environnementale des mondes urbains a par exemple suscité, au début du siècle, une remarquable production internationale, essentiellement nord-américaine et européenne. Des enjeux souvent posés par d’autres disciplines, comme la sociologie, la géographie et la science politique en ce qui concerne les inégalités environnementales, ou l’écologie et la chimie pour le « métabolisme urbain », ont été intégrés par des chercheurs, parfois dotés d’une double formation2.
2Sont discutées ici des historiographies nouvelles situées aux frontières – ou plutôt, à l’interface – de l’histoire environnementale. La question des mondes du travail, et du franchissement des cloisons entre l’intérieur et l’extérieur de l’usine et celle des ressources halieutiques et des pratiques de pêche, sont exemplaires des défis qui peuvent se poser à la recherche. Bien d’autres sujets d’études relèvent à la fois d’enjeux contemporains, et de prises de risque pour sortir du confort de sa discipline, avec parfois à la clé des apports problématiques importants. L’impact de l’environnement sur la santé, réinterrogé depuis que cette question est devenue d’intérêt public – autrefois, on étudiait essentiellement l’hygiène publique – et la prise en compte des « non-humains », animaux et végétaux, dans leurs interactions avec les sociétés et dans leurs spécificités, ont suscité des contributions récentes3.
3L’expérience du chercheur en histoire environnementale est également de plus en plus collective. Aux francs-tireurs isolés ou aux historiens qui devaient offrir leurs services à des collectionneurs de dates – ce que, fort heureusement, ne fut pas uniquement l’histoire du climat4 – ont succédé des programmes collectifs. L’interrogation sur la coévolution des hommes et de leur environnement a suscité, en particulier au sein du CNRS depuis la fin des années 1970, des collaborations de sciences de l’univers, de l’écologie, ou des paléoenvironnements, fonctionnant sur des échelles de temps généralement étrangères aux historiens5. Le financement de la recherche en mode projet sous l’égide de l’ANR française et de ses homologues étrangers, mais également de groupes comme le GIS Histoire & Sciences de la mer, la naissance de nouvelles associations scientifiques, voire la création de dispositifs d’échanges et de formation doivent, quoi que l’on en pense, et quelles que soient les fortes différentes entre telle ou telle forme de structuration collective, plus ou moins pérenne, être relevés6. Des dispositifs temporaires ont permis de financer des travaux de jeunes chercheuses et jeunes chercheurs, dans un contexte très concurrentiel, avec des enjeux sans cesse croissants, tel le défi de l’internationalisation des thèmes de recherche et des parcours académiques. On en aura ici un exemple avec l’histoire comparée des espaces fluviaux et un état de l’art sur un cas d’interaction société/environnement, le flottage du bois. Au temps où les chercheurs anglo-saxons défrichaient des sujets d’histoire environnementale de la France7 a succédé un spectaculaire élargissement géographique des terrains de recherche pour les chercheuses et chercheurs francophones, des marges septentrionales et orientales de l’Europe occidentale aux terrains coloniaux8, et même de l’ex-URSS… aux États-Unis9. Nous invitons donc le lecteur à considérer les chapitres qui suivent à l’aune de cette situation.
Notes de bas de page
1 Pour un ouvrage entièrement consacré à ces questions, Quenet Grégory, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Seyssel, Champ Vallon, 2014.
2 Voir notamment Schott Dieter, Luckin Bill et Massard-Guilbaud Geneviève (éd.), Resources of the City. Contributions to an Environmental History of Modern Europe, Aldershot, Ashgate, 2005.
3 Bécot Renaud, Frioux Stéphane et Marchand Anne, « Santé et environnement : pister les traces d’une liaison à haut risque », Écologie & Politique, no 58, 2019/1, p. 11-20 ; Baratay Éric (dir.), Aux sources de l’histoire animale, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019.
4 Voir Le Roy Ladurie Emmanuel, « Histoire et climat », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1959, no 1, p. 3-34 ; « Climat et récoltes aux xviie et xviiie siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1960, no 3, p. 434-465.
5 Un « réseau thématique pluridisciplinaire » Histoire de l’environnement soutenu par l’Institut national des SHS et l’institut national écologie et environnement a fonctionné, peu après la création du Ruche, de 2010 à 2012, pour amener spécialistes de sciences de l’environnement et spécialistes de sciences historiques à dialoguer. Sur les débuts de l’interdisciplinarité autour de l’environnement, voir le dossier « Environnement » de la Revue pour l’histoire du CNRS, 4, 2001.
6 Exemples de publications issues d’un programme ANR : Locher Fabien et Graber Frédéric (dir.), Posséder la nature. Environnement et propriété dans l’histoire, Paris, Éditions Amsterdam, 2018 ; Locher Fabien (dir.), La Nature en communs. Ressources, environnement et communautés (France et Empire français, xviie-xxie siècle), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2020 ; Coumel Laurent et Arndt Melanie, « A Green End for the Red Empire? Ecological debates, regional protests in the Soviet Union and its successor states 1950-2000: a decentralized approach », Ab Imperio, 1, 2019, p. 105-124.
7 Bess Michael, The Light-Green Society. Ecology and Technological Modernity in France, 1960-2000, Chicago, The University of Chicago Press, 2003. Hecht Gabrielle, The Radiance of France. Nuclear Power and National Identity after World War II, Cambridge, The MIT Press, 1998. Pearson Chris, Mobilizing Nature. The Environmental History of War and Militarization in Modern France, Manchester, Manchester University Press, 2012.
8 Daheur Jawad, « Mesures du bois et “jeu de l’échange”. Les transactions forestières dans la Pologne du xixe siècle », Histoire & Mesure xxxii-2, 2017, p. 103-134 ; Pouchepadass Jacques (dir.), « Colonisations et environnement », Revue française d’histoire d’outre-mer, 1993, vol. LXXX, no 298-299 ; Thomas Frédéric, « Protection des forêts et environnementalisme colonial : Indochine, 1860-1945 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 56-4, 2009, p. 104-136.
9 Elie Marc, « Les steppes bouleversées. La grande céréaliculture au nord du Kazakhstan (années 1950-2010) », Études rurales, 2017, p. 80-105 ; Devienne Elsa, La ruée vers le sable. Une histoire environnementale du littoral de Los Angeles au xxe siècle, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020.
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