Chapitre IV. Les officiers de couleur : mobilité sociale, mobilité spatiale
p. 111-132
Texte intégral
1L’étude des officiers de couleur témoigne dès le xviie siècle d’importantes mobilités sociales intra- et intergénérationnelles dans tous les Empires américains. Certains d’entre eux obtinrent des titres civils ou militaires exceptionnels comme ceux de mestre de camp (Juan de Valladolid Mogollón à Lima, Henrique Dias à Recife), de major ou de colonel d’un régiment (Felipe de Fuentes à Guatemala, Domingos Rodrigues Carneiro à Recife, Juan de Bolas à la Jamaïque), de gouverneur des Indiens (Vicente Méndez au Panama) ou encore de capitaine de cavalerie (Lucas de Molleda à Lima)1. De tels titres ont aussi concerné des Indiens, qui participaient également à la défense militaire des empires, comme don Anton Arambaré, cacique des Indiens de la réduction d’Itapuá (Paraguay) nommé mestre de camp en 1639 ou don Andrés de la Cruz, cacique des Indiens Pampanga (Philippines) nommé major en 16862.
2En s’appuyant sur ces trajectoires exceptionnelles, l’historiographie sur les milices de couleur a mis en avant l’ascension sociale collective permise par les milices, surtout dans la seconde moitié du xviiie siècle. Mais si tel fut le cas, pourquoi les libres de couleur ne se sont-ils pas tous précipités et investis dans les milices3 ? Il faut bien sûr prendre en compte l’extrême visibilité que conférait l’appartenance à une milice de couleur lorsqu’il existait des chemins plus discrets pour parvenir à une relative mobilité sociale, parfois même à un « blanchiment ». Mais une autre explication est possible, selon laquelle les milices de couleur ne furent pas, pour les gens de couleur, ce lieu ou cet instrument de mobilité sociale ascendante. En effet, les exemples mobilisés dans ce chapitre tendent à montrer que les milices constituèrent un moyen privilégié pour la monarchie, les gouverneurs ou les élites locales de récompenser des individus dont la reconnaissance sociale avait été acquise en amont de l’entrée dans la milice.
Les capitaines de couleur
Des entrepreneurs privés
3Dans les sources américaines, la figure du capitaine de milice est décrite comme celle d’un entrepreneur privé4. Certes, les officiers pouvaient être soldés par le roi, comme dans les Empires espagnol et portugais, ou bien exemptés de la capitation pour une quantité d’esclaves, comme dans les colonies françaises. Mais ces avantages paraissent bien dérisoires au regard de l’investissement financier colossal que supposait le commandement d’une compagnie5. Le capitaine devait en effet organiser, habiller, armer et entraîner sa compagnie à ses dépens, ce qui a pu expliquer les effets de contraste entre compagnies (effectifs, équipement). En 1614, le gouverneur de Carthagène des Indes écrit ainsi au roi d’Espagne : « Les capitaines servent Votre Majesté […] en dépensant chaque année une partie de leurs richesses afin de pourvoir leurs hommes en armes et en munitions […] et en occupant trois à quatre de leurs esclaves comme tambour, fifre, trompette et page qu’ils pourraient occuper aux travaux ordinaires de la terre […] ils dépensent 1 500 à 2 000 pesos dans l’exercice de leur office6. » Cette réalité était observable dans les autres empires, comme dans la partie française de Saint-Domingue, où une ordonnance royale de 1705 préconisait de choisir les colonels parmi les capitaines de milice les plus aisés7.
4C’est pourquoi les capitaines de milice apparaissent fréquemment dans les actes notariés comme des créanciers. Ils ne cessent de prêter de l’argent à une foule de petites gens qui servent dans leur compagnie. Ce sont également eux qui paient les cautions pour faire sortir de prison leurs soldats endettés, à l’instar de Pedro Vasquez de Rosada, un capitaine mulâtre de Santiago de Guatemala qui fit libérer le milicien Pascual de la Cruz en 16758. En tant qu’entrepreneurs privés, ils attendent un retour sur investissement, et se font grassement payer par l’élite locale en devenant des maillons essentiels dans le recouvrement du tribut, des capitations ou des dettes privées9. Le mulâtre Felipe de Fuentes, major du régiment de couleur de Guatemala, fut ainsi mandaté en 1676 par Maria Pereira Dovidos pour recouvrer le tribut que lui devaient les Indiens de son encomienda de Santiago Sacatepéquez10.
5Cette figure de l’entrepreneur privé était renforcée par le statut juridique des compagnies de milice. Au xviie siècle, il n’y avait jamais création d’une compagnie en tant que telle mais nomination d’un capitaine de milice chargé de rassembler à ses dépens une compagnie. Ainsi, lors des revues générales, les compagnies étaient souvent identifiées à leur capitaine : « Liste de la compagnie du capitaine Francisco Rodriguez, homme de couleur11. » En théorie, pour les Indes de Castille, seul le roi pouvait nommer (avec une patente) un capitaine sur une liste de trois noms proposés par le gouverneur. Seule cette confirmation royale permettait à un capitaine de recevoir un traitement du Trésor12. Au xviiie siècle, les Empires français et britannique mirent en place un système équivalent dans leurs colonies, où les capitaines recevaient une lettre de service des gouverneurs annulée au terme d’un an lorsqu’elle n’était pas confirmée par le roi13. Ces règles furent à peu près observée dans les villes bien connectées aux métropoles, comme dans les ports caribéens. Mais dans les contrées plus éloignées, les capitaine recevaient rarement les confirmations royales de leurs titres14.
6Le rôle des capitaines de milice était pourtant tout à fait singulier dans l’Empire français, où ils furent longtemps considérés comme les meilleurs agents de la monarchie à l’échelle des quartiers. Dans chaque quartier, l’un des capitaines était nommé capitaine commandant. Aidé des autres capitaines, ce dernier remplissait des fonctions ailleurs remplies par les municipalités ou par des institutions monarchiques spécifiques :
« Pour les travaux publics, pour la perception et recouvrement des droits dus au Roy, pour la police des habitants en cas de rixes et de différents entre eux, pour la discipline des esclaves, pour le service militaire en temps de paix comme en temps de guerre. Ces petites puissances […] ne s’immiscent point dans les affaires civiles […] mais il n’en est pas de même des rixes et voies de fait. Ils les arrêtent et il est aisé de juger combien leur entremise est utile dans un pays où tout blanc est armé et doit l’être, où l’on parcourt trente lieues sans trouver ni siège de juridiction ni juge pour veiller à quelque police que ce puisse être15. »
7En plus de ces fonctions, les capitaines étaient préposés dans chaque quartier pour empêcher le commerce étranger et arrêter les fraudeurs, visiter les vivres et les chemins, commander les nègres pour les travaux publics (chemins royaux, fortifications) et prendre les dénombrements16. Ainsi, lorsque la monarchie ne parvenait pas à être représentée par ses propres agents ou institutions, elle se greffait sur l’organisation sociale des quartiers en encourageant et en s’appuyant sur le patronage et le clientélisme des capitaines de milices – y compris des capitaines de couleur.
Des notables de couleur
8L’investissement financier et social des capitaines de couleur explique que ces derniers aient presque toujours été choisis parmi les notables de couleur. Ainsi, nous avons montré que les milices ont moins constitué un espace d’ascension sociale que celui d’une reconnaissance politique des dynamiques sociales à l’œuvre dans chaque ville. Cette reconnaissance politique se traduisait par l’acquisition de privilèges associés à l’office. Les officiers de couleur dont la commission avait été confirmée par le roi étaient supposés jouir des mêmes privilèges que les autres officiers de milice, à l’instar du fuero militar dont bénéficiaient les soldats des troupes réglées17. Hugo Contreras a montré que les officiers de couleur de Santiago du Chili disposaient déjà du fuero militar au cours de la seconde moitié du xviie siècle. C’est ainsi que Nicolas de la Torre, sergent d’une compagnie de couleur de Santiago du Chili, échappa à la justice civile lorsqu’on l’accusa d’avoir enlevé une jeune fille espagnole18. Hugo Contreras met ainsi à mal tout un pan de l’historiographie anglophone sur les milices de couleur de la monarchie espagnole qui, depuis l’ouvrage pionnier de Lyle McAlister, prétendait que le fuero n’avait été étendu aux milices de couleur qu’après la guerre de Sept Ans19. Par ailleurs, les officiers de couleur étaient entendus aux conseils de guerre lorsque la ville était attaquée et leur rang leur accordait une place particulière à l’église ou lors des fêtes publiques. En 1690, par exemple, le Tribunal royal de Santa Fé autorisa le capitaine de la compagnie des mulâtres de Mariquita à avoir un siège attribué dans la cathédrale, en vertu d’une provision royale qui ordonnait que tous les officiers de milice y aient leur siège20.
9Une analyse prosopographique des capitaines de couleur de Santiago de Guatemala dans la seconde moitié du xviie siècle nous offre un bel exemple de leur prospérité économique. Un sondage dans les registres des notaires permet de documenter leur patrimoine et leurs pratiques économiques et fiscales. Tous étaient des marchands et/ou des maîtres artisans. Certains étaient aussi propriétaires de troupeaux de mules ou administraient des encomiendas (tableau 8). Tous possédaient plusieurs maisons dont certaines dans le centre-ville (la traza), ainsi que plusieurs esclaves. Tous avaient fondé une ou plusieurs chapellenies.
Tableau 8. – Les capitaines de couleur à Santiago de Guatemala (années 1670).
Nom | Grade | Qualité | Métier |
Felipe de Fuentes | Major | Mulâtre | Maître sellier, commerçant et administrateur d’encomiendas |
Pedro Vasquez de Rosada | Aide-major | Mulâtre | Maître orfèvre |
Juan de Ureña | Capitaine | Mulâtre | Maître marqueteur |
Bartolomé Gutiérrez | Capitaine | Mulâtre | |
Marcos de Velásquez | Capitaine | Mulâtre | Commerçant |
José de Dueñas | Capitaine | Mulâtre | Commerçant et propriétaire de mules |
Cristobal de Melo | Capitaine | Mulâtre | Maître marqueteur et administrateur d’encomiendas |
Mateo de la Garza | Capitaine | Mulâtre | Commerçant et propriétaire de mules |
Bernabé Carlos | Capitaine | Mulâtre | Maître d’œuvre, puis architecte municipal |
10Bien que le Guatemala fût une des régions pauvres des Indes de Castille, la ville de Santiago était devenue au cours du xviie siècle le centre d’une importante élite marchande, une classe urbaine dominante qui contrôlait le crédit, le transport et l’exportation des deux principales productions agricoles de la région, le cacao et l’indigo21. Le capitaine mulâtre José de Dueñas faisait partie de ces commerçants. Entre 1674 et 1681, il apparaît comme créancier dans au moins 37 reconnaissances de dette, représentant une somme totale de près de 30 000 pesos22. Une partie de ces prêts (21 actes, près de 14 000 pesos) était liée aux activités commerciales de José de Dueñas, qui s’occupait notamment de ravitailler Santiago en poisson, et destinée à des pêcheurs et des petits propriétaires de mules des alentours. Les autres actes concernaient soit de petits prêts accordés sans garants ni garanties à des miliciens mulâtres de Santiago (dix actes, près de 3 000 pesos), comme le charpentier Manuel de Bobadilla, le maître orfèvre Cristobal Contreras ou le tailleur José Monzón, soit d’importants prêts accordés à de riches Espagnols (sept actes, près de 16 000 pesos), comme les échevins Felipe de Maíz ou Juan Ignacio de Uria. En 1682, José de Dueñas dictait dans son testament qu’il ne devait rien à personne mais que différentes personnes lui devaient 14 200 pesos23. En outre, il déclarait posséder trois esclaves, 40 mules, 34 marc d’argent et deux maisons couvertes en tuiles. La première, d’une valeur de 3 500 pesos, située dans le quartier du Tortuguero, constituait le douaire de son épouse Teresa de Valenzuela24. Mais tous deux résidaient dans la seconde, une grande maison à étage située en plein centre-ville, à un îlot de la plaza mayor, desservie par l’eau courante et évaluée à 6 000 pesos25. Ces biens immobiliers leur avaient permis de fonder trois chapellenies :
La première en 1675, dotée de 500 pesos. Leur fils unique était patron et chapelain, mais en attendant son ordination (il n’avait alors que cinq ans), les messes étaient dites par le demi-frère blanc de Teresa, Francisco Davila Valenzuela, recteur du Collège-Séminaire de Santiago.
La seconde en 1675, également dotée de 500 pesos. Il s’agissait cette fois d’une œuvre pieuse, dont le chapelain devait être un religieux du couvent de Saint-François.
La troisième en 1682, dotée de 3 000 pesos. Leur fils fut nommé patron et chapelain, à condition qu’il devint prêtre avant ses 25 ans26.
11Ensemble, il est possible d’évaluer le patrimoine du couple à près de 30 000 pesos, ce qui était considérable pour des libres de couleur à Santiago de Guatemala.
12Dans toutes les villes américaines où il a existé des compagnies commandées par des capitaines de couleur, ces derniers faisaient partie d’une certaine élite économique et/ou sociale. Les fondements de leur richesse ou de leur notabilité pouvaient varier d’une ville à l’autre selon les structures démographiques et économiques locales. Ainsi, les officiers de couleur pouvaient être des maîtres artisans à Santiago du Chili, Carthagène ou Maracaibo, des planteurs à Léogane ou Curaçao, de riches propriétaires de mules à Panama, Oaxaca ou Veracruz, des commerçants à Santiago de Guatemala. Dans les villes qui tiraient leurs richesses du sol, les officiers étaient propriétaires ou administrateurs de mines. C’était le cas des frères mulâtres Acevedo y Redes, à Medellín : Antonio (1609), Cristobal (1613-1693) et Luis (1615-1694). Fils de l’Espagnol Juan de Acevedo et de la noire libre Inés Venero, ils étaient nés dans la vallée d’Aburrá, où la ville de Medellín n’existait pas encore. Grands propriétaires d’esclaves et de terres, responsables puis propriétaires de mines d’or, ils monopolisèrent naturellement les titres d’officiers dans la compagnie des mulâtres de San Lorenzo de Aburrá, puis de Medellin (fondée en 1674 sur des terrains qui leur appartenaient), pour eux puis pour leurs enfants27. Luis de Acevedo puis son fils Santiago en sont successivement les capitaines. Là encore, la famille est surreprésentée dans les archives notariées, témoignant d’une activité économique bouillonnante : achat et vente de terrains et d’esclaves, procurations, cautions, création de chapellenies dont bénéficiaient leurs descendants, etc.28. Enfin, la famille sécurisa son patrimoine par des redoublements d’alliance et des bouclages consanguins, comme en 1676 lorsque l’ainée des filles de Cristobal épousa son cousin Dionisio, fils d’Antonio et sergent dans la compagnie des mulâtres29.
13En effet, les notables de couleur se comportaient exactement comme les élites blanches pour lesquelles l’accès à des titres d’officiers de milice n’était que la partie visible de l’iceberg. Elles devaient tenir leur rang dans la société, ce qui impliquait de multiplier les stratégies de distinction : réseaux de clientèle, alliances matrimoniales, dispenses de consanguinité, création de chapellenies, spéculation financière et foncière, etc.
Entre mérite et naissance
14La nomination en 1628 du mulâtre José Cano Pinzón au poste de capitaine dans les milices de Panama, analysée plus tôt, revêtait une double logique. Elle était la confirmation politique par l’autorité royale de la trajectoire sociale ascendante de son père, le mulâtre Pedro Cano Pinzón. En même temps, elle exprimait une stratégie de reproduction sociale, au sens où José Cano Pinzón devenait capitaine en vertu de sa naissance. Dans les villes américaines, cette tension entre mérite et naissance accompagna toutes les luttes pour l’accès aux honneurs, aux privilèges et aux espaces de pouvoir au sein des milices. D’un côté, les gouverneurs continuaient d’utiliser les commissions de capitaine de milice pour récompenser les mérites individuels. D’un autre, ces titres de capitaine étaient supposés revenir aux officiers subalternes : le lieutenant ou l’enseigne selon les contextes. Comme ces derniers étaient choisis par les capitaines, les titres d’officier étaient habituellement conservés entre les mains de quelques familles influentes, qui tentaient d’en verrouiller l’accès.
15De temps à autre, les gouverneurs s’affranchissaient de cette coutume en nommant aux postes de capitaine des individus nés en dehors de ces dynasties d’officiers mais dont les mérites personnels ne pouvaient être ignorés. Ce fut le cas du Noir libre Manuel Pereira, nommé capitaine à Caracas en 1680 pour avoir provoqué une mutinerie sur un bateau de pirates anglais où il était prisonnier30. Ce fut aussi le cas de don Felipe de Zúñiga. Originaire du royaume d’Ardra (actuels Togo et Bénin), il fut le guide et l’interprète de don Felipe Zapata Bani, ambassadeur du roi d’Ardra, lors du voyage que ce dernier fit en 1657 en Nouvelle-Grenade. L’année suivante, le roi le récompensa en lui octroyant une commission de capitaine au sein de la compagnie des Noirs libres de Carthagène31. Localement, ces récompenses provoquaient des conflits qui opposaient les logiques de la naissance et du mérite. À la mort du capitaine des Noirs libres de Carthagène en 1661, Don Felipe de Zúñiga revendiqua sa place en vertu de la commission de capitaine que le roi lui avait octroyé trois ans plus tôt. Mais Juan Bautista de Lara – fils d’un ancien capitaine et enseigne de la compagnie – se dressa au nom de la coutume contre les prétentions du nouveau venu. Un conflit durable opposa les deux hommes, conflit que le gouverneur ne parvint à apaiser que lorsqu’il décida, dix ans plus tard, de créer une seconde compagnie de Noirs libres afin que chaque prétendant puisse commander la sienne32.
16La plupart du temps, une poignée de familles faisait main basse sur les places d’officiers dans les compagnies de couleur, comme la famille Lara à Carthagène, qui monopolisa pendant quatre générations (de 1660 à 1715) celle de capitaine de l’une des compagnies de Noirs libres33. On observe les mêmes mécanismes dans la partie française de Saint-Domingue, où quelques familles de couleur parmi les plus riches accaparèrent les postes d’officiers dans les milices, comme à Léogane (graphique 3) ou Fort-Dauphin (graphique 4). Du reste, ces familles étaient liées les unes aux autres, soit par des alliances matrimoniales, soit par la parenté spirituelle. À Curaçao, la trajectoire d’Anthonij Beltran montre comment ces alliances matrimoniales étaient la meilleure façon pour des individus qui bénéficiait d’une mobilité sociale intergénérationnelle d’accéder aux postes honorifiques dans les milices. Son père, né esclave, était devenu économe d’une plantation de Hato appartenant au gouverneur. En 1731, celui-ci racheta la plantation à son employeur. Le fils fit fructifier les propriétés du père puis épousa la fille du capitaine des Noirs libres de l’île, ce qui lui permit de devenir à son tour capitaine des Noirs libres34.
Graphique 3. – Généalogie de plusieurs officiers de couleur de Léogane.

Source : Registres paroissiaux de Léogane.
Graphique 4. – Généalogie de plusieurs officiers de couleur de Fort-Dauphin.

Sources : Registres paroissiaux de Fort-Dauphin.
17L’aisance matérielle des officiers de couleur pouvait cacher des trajectoires différentes. Certains étaient les enfants légitimes de riches Espagnols, élevés dans la maison de leur père et héritiers d’un capital économique et social qu’ils surent préserver et faire fructifier. Le mulâtre Felipe de Fuentes, major des milices de couleur de Santiago de Guatemala, était le fils illégitime du capitaine espagnol Francisco de Fuentes y Guzmán, un des notables les plus influents de la ville, et le demi-frère du célèbre historien Francisco Antonio de Fuentes y Guzmán. Felipe était tellement conscient de la dignité que lui conférait sa naissance qu’il demanda l’inscription de son fils à l’université San Carlos de Guatemala35. À l’âge de 18 ans, quand il se maria, il possédait au moins 2 000 pesos de patrimoine propre, son père lui ayant offert un atelier pour qu’il exerçât comme maître sellier36. Quoique peu nombreux, certains officiers de couleur de Santiago de Guatemala n’étaient pas des héritiers mais avaient connu une importante mobilité sociale, comme le maître charpentier Cristobal de Melo, connu des historiens de l’art pour ses retables. Il déclarait dans son testament : « lorsque je me suis marié, mon épouse ne m’a apporté aucune dot et je n’avais moi non plus aucune richesse. Ce que nous avons aujourd’hui fut acquis par notre travail personnel37 ». Il restait pourtant le moins riche parmi les capitaines de couleur de la ville, ce qui donne un aperçu de l’ampleur de la reproduction sociale parmi les gens de couleur à Santiago de Guatemala.
Couleur et hiérarchies miliciennes
18Dans les sociétés chrétiennes d’Ancien Régime, y compris dans les sociétés coloniales, les légistes conçoivent le corps politique comme une métaphore dont les effets sont à la fois fictifs et pratiques : ils évoquent les deux corps du roi dans la monarchie anglaise, le mariage politique du roi et de la république dans la monarchie française, ou le corps mystique de la république (corpus reipublicae mysticum) dans les monarchies espagnole et portugaise, etc.38. Toutes ces métaphores justifient l’organisation des sociétés et des pouvoirs politiques selon une logique d’unanimité et de solidarité symbolique qui agit autant à l’échelle d’une monarchie que d’une juridiction urbaine.
19Dès lors, la division sociale d’une ville en différentes compagnies de milice constitue – dans les sociétés d’Ancien Régime – une institution sociale stable qui repose sur une légitimité mystique. Les analogies structurelles avec le corps humain jouent un rôle central dans la genèse des institutions sociales, au sens où c’est la naturalisation des classifications sociales qui permet de stabiliser et d’institutionnaliser des conventions sociales initialement fondées sur un intérêt commun éphémère et traduisant des solutions collectives précaires, sans cesse renégociées39. À l’époque moderne, toutes les compagnies de couleur américaines fondent leur légitimité sur le caractère naturel et transcendant de leur origine. C’est ainsi qu’en 1720, le capitaine des métis et des quarterons de Mompox justifiait les prérogatives et les privilèges de sa compagnie en clamant « son origine noble, en ce qu’elle constitue un corps mystique40 ». À cette date, la compagnie n’avait pourtant que 23 ans d’existence.
20Si le roi constituait la tête du corps mystique de la république, les milices en étaient les bras armés. Dès lors, des cérémonies politico-religieuses étaient régulièrement organisées dans les villes coloniales afin de mettre en scène ce corps politique. Ces cérémonies consistaient en un défilé de différents groupes d’individus qui représentaient un principe unanime de hiérarchie facteur d’incorporation dans la ville et la monarchie41. Si la qualification des statuts révèle une certaine fluidité, il n’en demeure pas moins que les liens hiérarchiques entre libres et esclaves, entre sujets naturels et étrangers ou entre colons et colonisés (et leurs descendants) étaient bien incorporisées dans les sociétés coloniales d’Ancien Régime. Il est moins évident de hiérarchiser les Blancs entre eux (en raison de l’absence de roture au nouveau monde) ou même les gens de couleur libres. Cette égalité supposée rendait problématique la hiérarchisation opérée dans les milices entre les différentes compagnies de couleur. Qui avait la préférence dans le défilé : les mulâtres ? les Noirs ? les Indiens ?
21L’absence de principes hiérarchiques unanimes explique la surreprésentation, dans les sources coloniales, de discours et de conflits entre des officiers de couleur où il est question de préférence et de prééminence. À Carthagène, en 1679, la préférence demandée par le capitaine des quarterons sur les compagnies de mulâtres et de Noirs, prétextant une plus grande proximité généalogique avec les Espagnols, fut refusée par le gouverneur, pour qui « cela donnerait du ressentiment aux Noirs et aux mulâtres42 ». À Mompox, en 1718, ce fut cette fois le capitaine des mulâtres qui prétendit marcher avec sa compagnie à la suite des compagnies d’Espagnols, à l’avant-garde du défilé prévu pour fêter la création de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade. Le capitaine des mulâtres mit en avant l’ancienneté de sa compagnie mais le gouverneur décida que parmi les compagnies de couleur, il n’y avait « ni premiers ni derniers ». Redoutant que les mulâtres ne réitèrent leur requête lors des prochains défilés, le capitaine des métis et quarterons, Roque de Ardila, demanda au gouverneur de confirmer ce principe, eu égard à la noble origine de sa compagnie et en ce qu’elle participe du corps mystique, car « les métis sont originaires et héritiers de ces Royaumes des Indes où le droit fait prescription (sauf pour les Espagnols) de tout privilège ou ancienneté43 ».
22En 1752, le capitaine des quarterons de Carthagène Andrés Rodriguez de Léon demanda à son tour au vice-roi d’être préféré aux capitaines des Noirs et mulâtres. Il déclarait « qu’après les quatre compagnies de Blancs, celle des quarterons devait suivre puis celles des mulâtres et en dernier celles des Noirs ». Il donnait deux raisons d’être préféré. La première était la couleur : « les quarterons sont plus estimés que les mulâtres et les Noirs par leur plus grande proximité aux Blancs ». Leur compagnie avait certes été créée en dernier, mais cela signifiait qu’elle avait été séparée plus tard de celles des Blancs. D’ailleurs la couleur primait sur l’ancienneté, et il serait « absurde de voir des officiers noirs préférés à des officiers blancs étant plus jeunes ». La deuxième raison était la tradition. Rodriguez de Léon fit donc témoigner une dizaine d’officiers blancs qui confirmèrent que lors des revues, des exercices et des marches du passé, toujours les quarterons avaient été à l’avant-garde, précédant les mulâtres.
23Un conflit similaire surgit en 1740 à Curaçao, à l’occasion de la cérémonie en l’honneur du nouveau gouverneur Isaac Faesch. La compagnie des mulâtres et la compagnie des Noirs libres s’opposèrent pour savoir qui marcherait devant lors du défilé. Au dire du gouverneur, les officiers noirs demandaient à être traités comme les mulâtres, et même à leur être préférés, car « ils avaient des rois de leur race et que les mulâtres n’en avaient pas, que s’il n’y avait pas de nègres, il n’y aurait pas de mulâtres et que les nègres étaient sur cette île depuis plus longtemps qu’eux44 ». Dans toutes les villes coloniales américaines, on retrouve ces éléments de discours polémiques et contradictoires qui battent en brèche l’idée de principes classificatoires unanimes fondés sur la généalogie et le phénotype. Officiers quarterons, mulâtres et noirs étaient tous des officiers de couleur, sans qu’une hiérarchie soit clairement et durablement établie entre eux.
Le voyage en Europe
24À l’époque moderne, les circulations au sein des Empires américains s’effectuaient surtout par voie de mer. Si les circulations atlantiques depuis l’Europe et l’Afrique vers les Amériques de populations libres et esclaves ont été très largement étudiées, celles qui sont pratiquées d’un espace américain à un autre ou vers l’Europe ont peu attiré l’attention des historiens, surtout lorsqu’il s’agit de populations libres de couleur45. Prendre la mer impliquait alors beaucoup plus de dangers pour ces-derniers que pour les Blancs. Malgré les papiers attestant leur liberté, ceux qui tombaient entre les mains de l’ennemi étaient régulièrement revendus comme esclaves46. En effet, les gouverneurs de Saint-Domingue et de la Martinique se plaignaient régulièrement du fait que les mulâtres et les Noirs libres pris à la Barbade étaient revendus comme esclaves47. Certes, le droit colonial français et espagnol offrait davantage de garanties formelles que le droit colonial britannique, mais dans la pratique, les libres de couleur avaient tout à craindre d’une captivité en mer.
D’une ville à l’autre
25Les dangers que supposait le voyage en mer, surtout dans l’espace caraïbe où sévissaient pirates et corsaires, laisse penser que les libres de couleur circulaient peu à cette époque. Il n’en était rien. Dès le xviie siècle, nombre d’entre eux servaient comme marins et mousses sur les bateaux du roi ou sur les corsaires. C’était le cas de l’Armadilla de la Guarda, qui surveillait les côtes entre Carthagène et Portobelo48 ou bien des « bateaux du roi » qui protégeaient les côtes françaises de Saint-Domingue des forbans, tel le Chasseur qui mit à la voile en 1720 « armé de dix cannons et quatre-vingt-quinze hommes d’équipage : matelots, soldats, mulâtres et nègres libres49 ». Les miliciens de couleur des grands ports caribéens servaient habituellement sur ces bateaux, comme Juan de Dios de Mirafuentes, quarteron de Carthagène qui « servit Sa Majesté pendant seize ans en différentes places et porta secours en mer du Sud, à Panama et Portobelo, Cuba et Santa Marta50 ». Ces circulations étaient telles qu’à Léogane, au début du xviiie siècle, la plupart des libres de couleur étaient originaires de colonies espagnoles, surtout de Carthagène et de Veracruz, dans une moindre mesure de Santa Marta, Maracaibo, Cuba, Mérida, Campeche ou même Puebla. En témoigne le mariage en 1704 de « Manuel Dias, fils à Barnabé Dias et à Catherine, nègre libre natif de Valence en Espagne et Houanna [Juana] Cops fille de Jean Cops et Andrée native de Port au Prince en Espagne ». Dans ce cas, il s’agit de Valencia (Venezuela), et de Puerto Principe (Cuba). Très peu de libres de couleur étaient créoles de Léogane ou même de Saint-Domingue. Ceux qui ne venaient pas de villes espagnoles étaient souvent nés ailleurs dans la Caraïbe, à Sainte-Croix ou à Saint-Christophe mais aussi à Curaçao ou en Jamaïque51.
26Ces migrations révèlent des liens extrêmement forts entre certains ports, comme entre Callao et Panama, entre Carthagène et Panama, entre Carthagène et La Havane ou encore entre Veracruz et La Havane. Elles expliquent la circulation – d’un port à un autre – d’informations concernant les conditions et les privilèges des miliciens de couleur. C’est ainsi qu’en 1667, les compagnies de couleur de Veracruz demandèrent à être exemptées du tribut en affirmant que celles de La Havane, Carthagène, Santo Domingo et Campeche l’étaient déjà52.
27La mobilité spatiale des libres de couleur était porteuse de nombreux dangers. Toutefois, elle apparaissait aux acteurs comme l’instrument d’une possible mobilité sociale. Les empires avaient besoin d’agents mobiles pour contrôler les colonies américaines et récompensaient ceux qui assumaient les risques de cette mobilité. Lors de leurs voyages entre métropoles et colonies, les gouverneurs s’entouraient souvent d’officiers de couleur comme des hommes de main pour leur sécurité personnelle. Au début du xviiie siècle, le gouverneur de Panama José Antonio de la Rocha y Carranza dut rentrer en Espagne pour laver les soupçons de corruption qui pesaient sur lui. Il demanda alors à Tomas Hidalgo, capitaine provisoire des Noirs libres de la ville, de l’accompagner. Lorsqu’ils revinrent tous deux à Panama en 1715, Tomas Hidalgo avait profité de son séjour en Espagne pour obtenir du roi une commission de capitaine pour une compagnie de Carthagène53. À la même époque, le mulâtre Esteban de Palma adopta une stratégie similaire. Fils d’un capitaine de couleur de Carthagène, il accompagna le militaire Francisco Antonio de la Rocha Ferrer en Espagne puis à Maracaibo où ce dernier fut nommé gouverneur. Entre-temps, Esteban de Palma s’était lui aussi rendu à Madrid où il avait obtenu du roi une commission de capitaine pour une compagnie de mulâtres de Carthagène54. Ce voyage en Europe n’était pas exceptionnel et prouve que ces officiers de couleur pensaient de la même façon que les élites blanches des Indes étudiées par Jean-Paul Zúñiga, c’est-à-dire « en termes continentaux voire intercontinentaux lorsqu’ils demandaient des bénéfices, des charges dans l’administration, des grades militaires ou des rentes pour eux-mêmes ou pour leur progéniture55 ».
28Le voyage en Europe concernait les libres de couleur de tous les empires. En témoigne le séjour au Portugal du Noir libre brésilien Henrique Dias en 1656-165856. En témoigne aussi un acte notarié parisien de 1697 où apparaissent trois miliciens des compagnies de couleur du Cap-Français : Gabriel Foüet, Scipion et François Mine. Après l’expédition de Carthagène, ils avaient accompagné à Paris leur commandant Jean Joseph Dupaty afin de réclamer et d’obtenir à la cour la part du butin qu’on leur avait promis57.
29Une dernière raison permet d’expliquer l’importante mobilité des officiers de couleur. Comme les élites blanches, les notables de couleur pouvaient être confrontés dans certaines villes à une saturation du marché de la grâce royale. À Carthagène et à Léogane, où quelques familles d’officiers influentes monopolisaient les places honorifiques dans la milice, les individus en quête de dignités mais situés en marge de ces familles devaient les obtenir ailleurs. En quelque sorte, ces villes exportaient des officiers de couleur. C’était clairement le cas de Carthagène, malgré les nombreuses compagnies de couleur de la ville. Le capitaine de la compagnie des Noirs libres de Panama en 1662, Lucas Gutiérrez, ou celui de Léogane au début du xviiie siècle, Martin Boyer, avaient en commun d’être nés à Carthagène58. Plus tard, ce fut également le cas de Léogane, d’où étaient issus Nicolas Lacroix, capitaine noir de Saint-Marc en 1749, Samuel Boursiquot, capitaine mulâtre de Jacmel en 1754 ou encore Antoine Mayor, capitaine noir de Mirebalais en 175959. La mobilité de ces officiers était d’autant plus facile que ces villes étaient des ports d’escale sur les principales routes commerciales et des bassins d’emploi pour les flottes impériales. C’est ainsi que l’un des premiers capitaines de couleur de Caracas, dans les années 1660, était né à San Juan de Porto Rico60.
Juan de Otálora
30En 1676, le capitaine Juan de Otálora « entra en religion » à Carthagène des Indes, après avoir commandé pendant 26 ans la compagnie des mulâtres de la ville61. La dignité de capitaine dont il jouissait n’était pourtant pas le résultat d’une ascension sociale par les milices. Elle récompensait en revanche une vie de marin vouée au service de la monarchie espagnole. Ce Noir libre de Santo Domingo était parti très jeune pour La Havane où il avait servi comme marin sur les bateaux du roi envoyés à la poursuite des pirates. En 1654, il s’embarqua comme mousse lorsque la flotte des Indes quitta La Havane pour retourner en Espagne. Arrivé à Cadix, il y resta pendant trois années pendant lesquelles il servit dans la compagnie des mulâtres libres et participa aux travaux de fortification de la ville. Ce service dans les milices de Cadix montre d’une part que tous les sujets espagnols – même s’ils n’étaient pas vecinos – étaient amenés à servir le roi dans les milices de la ville où ils résidaient, et d’autre part qu’un Noir libre de Santo Domingo pouvait être considéré comme mulâtre à Cadix, où il existait pourtant une compagnie de Noirs libres.
31Juan de Otálora réembarqua sur la flotte des Indes de Diego de Ibarra en 1658, sur la patache San Miguel y San Juan. Après avoir mouillé à Veracruz et La Havane, la patache perdit de vue le reste de la flotte en plein Atlantique et se vit contrainte de jeter l’ancre à La Corogne en avril 165962. Juan de Otálora fit le voyage à pied jusqu’à Madrid où il demanda au roi d’être nommé capitaine d’une compagnie de milice, à La Havane ou à Carthagène. Il repartit en 1659 pour Carthagène avec en poche une recommandation royale destinée au gouverneur de la ville, qui le nomma capitaine des mulâtres63.
32En septembre 1656, Juan de Otálora a sans doute pu observer, depuis les fortifications de Cadix où il travaillait, la bataille navale qui opposa la marine anglaise à la flotte des Indes qui revenait de La Havane. À bord de l’un de ces bateaux, l’ourque Nuestra Señora del Rosario y San Diego, servait le Noir libre Lucas Gutiérrez en qualité de mousse64.
Carte 12. – Les pérégrinations de Juan de Otálora (1654-1659).

Source : Baptiste Bonnefoy.
Lucas Gutiérrez
33Lucas Gutiérrez est né vers 1622 à Carthagène des Indes. Il servit dès l’âge de 16 ans dans la compagnie des Noirs libres du capitaine Agustín Martín à Carthagène puis partit vivre vers 1650 à Santiago de Chepo, en marge de la province de Panama, comme sergent dans la compagnie que le gouverneur Juan Bitrian avait envoyé lutter contre les Indiens du Darien. Puis il s’installa en 1651 à Panama où il servit dans la compagnie des Noirs libres. En 1656, Lucas Gutiérrez s’embarqua à Carthagène comme mousse sur le galion de Juan de Hoyos qui partait pour La Havane avec la flotte des Indes du marquis de Monte Alegre. Le galion ayant dérivé jusqu’à Carthagène après s’être perdu dans le canal des Bahamas, Lucas Gutiérrez réembarqua pour La Havane et Cadix sur un bâtiment de l’escadre de Marcos del Puerto. Lorsque l’escadre arriva en vue de Cadix le 19 septembre 1656, elle fut attaquée par sept frégates anglaises. Lucas Gutiérrez fut fait prisonnier avec le reste de l’équipage et amené à Lagos, au Portugal. Mousses et marins furent peu à peu libérés, car jugés sans valeur d’échange, et Lucas Gutiérrez en profita pour se rendre à Madrid.
34Il se rendit une première fois à la cour « au nom des autres Noirs et mulâtres libres des provinces de Carthagène et de Terre Ferme65 ». Il demanda d’une part que ces derniers fussent payés comme les troupes réglées chaque fois qu’ils serviraient hors-la-ville et réclamait d’autre part d’être nommé mestre de camp des trois compagnies de Noirs libres de Panama, un titre qui selon lui existait déjà à Lima et au Callao. Le roi accéda à sa première demande et refusa la seconde, mais fit envoyer une lettre au gouverneur de Panama pour « que [Lucas Gutiérrez] et les siens fussent récompensés, bien traités et jamais importunés66 ». Deux jours plus tard, Lucas Gutiérrez retourna à la cour pour demander une nouvelle faveur :
« [Lucas Gutiérrez] a déclaré que les chemins qui vont de Panama à Portobelo et à la maison de Cruces et au fleuve Chagres, par où on transporte mon Trésor Royal et celui des particuliers, sont empierrés. Leur entretien est à la charge du Tribunal royal de Panama, qui met en place tous les six ans un marché public, remporté dernièrement par le Noir libre José Cano Pinzón (de Panama à l’auberge de Pequeñi), Leonardo de Andrade (de l’auberge de Pequeñi à Portobelo) et Juan de Chiquillejo (de Panama à la maison de Cruces et au fleuve Chagres), pour un total de 63 000 pesos pour six ans. Or il souhaite en baisser considérablement le coût en promettant le bon entretien desdits chemins pour une quantité de 7 000 pesos par an […], ce qui suppose une diminution de 21 000 pesos en six ans. Il m’a supplié d’accepter cette offre […] pour qu’il puisse compenser les frais engagés pour venir en ces Royaumes et retourner aux Indes […]67. »
35Le roi lui accorda cette faveur. Le Conseil des Indes avait en effet donné un avis favorable à sa requête en se fondant sur des lettres de 1655 dans lesquelles le Tribunal royal de Panama et les trésoriers royaux se plaignaient du gouffre financier que supposait l’entretien des chemins royaux. Il est difficile de penser que la monarchie ait pu confier une mission d’une telle responsabilité avec de tels enjeux sans être absolument certaine que Lucas Gutiérrez possédait déjà à Panama toutes les ressources nécessaires pour son accomplissement, en sachant qu’elle incombait jusqu’alors à trois entreprises différentes.
36Lucas Gutiérrez revint à Madrid où il résida entre juillet et octobre 1662 pour réclamer l’argent que les trésoriers de Panama lui devaient pour l’entretien des chemins. N’ayant pas été payé pour son travail, il ne pouvait rembourser ses garants, qui lui intentaient un procès68. Le gouverneur avait pourtant prévenu le conseil des Indes dès 1660 que l’adjudicataire des chemins était une « personne faillie69 ». Comme en 1658, Lucas Gutiérrez profita de son séjour à Madrid pour défendre la cause des miliciens de couleur de Carthagène et de Panama, que les gouverneurs refusaient de payer lorsqu’ils servaient hors-la-ville malgré la provision royale de 165870. Il fut également mandaté par les miliciens de couleur de La Havane – dont il avait dû rencontrer les officiers (La Havane étant une escale obligée pour ceux qui souhaitaient se rendre en Espagne) – qui se plaignaient au roi qu’on les forçât à nettoyer les rues de la ville71. Enfin, Lucas Gutiérrez demanda que la confrérie dont il était le trésorier à Panama ne participât pas cette année à la procession du lundi de pâques car elle n’en avait pas les moyens financiers72.
37De retour à Panama, la situation financière de Lucas Gutiérrez se dégrada rapidement, à tel point qu’on lui retira le marché public pour la route qui allait de Panama à Portobelo, confié de nouveau à leurs anciens adjudicataires73. Lucas Gutiérrez avait perdu une partie de ses appuis locaux. Par ailleurs, peu après son échec, les chemins royaux de Panama tombèrent directement sous la dépendance du Consulat de Lima, dont les marchands semblaient apporter de meilleures garanties74. Après ces revers, Lucas Gutiérrez fit un troisième séjour à Madrid à l’automne 1664 pour réclamer et obtenir du roi une commission de capitaine des Noirs libres de Panama75. Une fois de plus, il défendit les miliciens de couleur de Carthagène contre le gouverneur qui refusait toujours de les payer quand il servait hors la ville, malgré la provision de 165876.
Carte 13. – Les pérégrinations de Lucas Gutiérrez (1655-1657).

Source : Baptiste Bonnefoy.
Juan de Valladolid
38Lucas Gutiérrez avait réclamé en 1658 le titre de mestre de camp des trois compagnies de Noirs libres de Panama, en prétendant qu’il y en avait un pour les compagnies de Lima et de son port. Il était bien informé. En effet, le Noir libre Juan de Valladolid Mogollón était à cette époque le mestre de camp des compagnies de couleur de Lima et du Callao. Lui aussi avait fait plusieurs fois le voyage d’Espagne. Né à Lima, il prétendait être le fils légitime de don Antonio Mogollón et descendant des Mogollones qui avaient défendu Portobelo contre Francis Drake. Milicien œuvrant dès 1631 pour la Santa Hermandad de Lima, il devint successivement caporal, enseigne puis adjudant des six compagnies de Noirs et mulâtres libres de la capitale vice-royale, avant d’embarquer pour l’Espagne en 165377. Un autre voyage en Espagne lui permit d’obtenir en 1657 le titre de mestre de camp des compagnies de couleur de Lima et Callao78. Berta Ares avait donné ces éléments biographiques mais elle avait perdu la trace de Juan Valladolid après 165779. Nous avons retrouvé un troisième voyage en Espagne, réalisé en 1664, et qui lui permit d’être nommé capitaine de la compagnie des Noirs libres de Portobelo. Tout porte à croire qu’il s’agissait d’un déclassement par rapport à la fonction qu’il occupait à Lima80. Portobelo était alors décrite comme un mouroir, une ville dépeuplée, ne comptant pas plus de 20 vecinos dont à peine cinq ou six étaient Espagnols81. Il est difficile de connaître les motivations de Juan Valladolid qui conservait tout de même sa commission de mestre de camp et bénéficiait du même salaire que celui des mousquetaires du fort de Portobelo.
39Lorsque le voyage en Europe n’était pas possible, les officiers de couleur disposaient des mêmes moyens de représentation que les élites blanches auprès des conseils royaux. Ils pouvaient recourir à des intermédiaires qui représentaient dans les cours royales les intérêts des particuliers américains éloignés de la cour.82 Lorsque les officiers du régiment de couleur de Santiago de Guatemala découvrirent la provision royale du 13 octobre 1677 qui supprimait les titres qu’ils avaient obtenus du gouverneur deux ans plus tôt, ces derniers dépêchèrent l’un des leurs à Veracruz pour remettre une procuration aux représentants de trois agents de Madrid. Ces derniers s’engageaient à introduire à la cour leur requête contre la provision royale, à présenter des mémoires, des plaidoiries et des témoins jusqu’à ce que l’objectif fût atteint83. Cette pratique de représentation très couteuse était surtout utilisée par les institutions ou les élites urbaines84.
Conclusion
40Avant la guerre de Sept Ans, seuls les officiers de milice jouissaient de privilèges en temps de paix. Or on ne devenait pas officier de milice par ce qu’on était un simple soldat et qu’on avait su faire preuve de responsabilité et de courage lors des rondes de police. Les Aubas et les Boursicot à Saint-Domingue, les Lara à Carthagène des Indes, les Acevedo à Medellin, les Cano Pinzón à Panama, aucun n’est devenu capitaine parce qu’il était un bon milicien, puis un bon sergent, puis un bon lieutenant. Au contraire, nous avons vu comment la monopolisation des titres de capitaines, de lieutenants ou d’enseignes faisait pleinement partie des stratégies de reproduction sociale de notables de couleur qui, partout aux Amériques, avaient acquis hors des milices une position économique, sociale ou politique privilégiée à l’échelle d’une ville, d’une colonie ou parfois même d’un empire. Par conséquent, les milices américaines ne constituaient pas un espace privilégié de mobilité sociale pour les gens de couleur. Au contraire, elles étaient un reflet déformé de chaque société urbaine, de ses hiérarchies et de sa relative fluidité, et un espace de reconnaissance politique des mobilités socio-économiques, en particulier celles qui avaient permis, dès la fin du xvie siècle, l’essor d’élites de couleur dans les villes américaines. En résumé, les milices de couleur furent les chambres d’enregistrements des patientes stratégies d’ascension sociale fondée sur l’artisanat, le commerce ou le transport, et sur des arrangements matrimoniaux, parfois sur plusieurs générations. En s’appuyant sur ces élites de couleur pour la défense de leurs provinces américaines, les empires ne prirent jamais le risque de provoquer un quelconque bouleversement dans l’ordre social colonial.
Notes de bas de page
1 Au sujet de Domingos Rodrigues Carneiro, voir Dutra Francis A., « African Heritage and the Portuguese Military Orders in Seventeenth- and Early Eighteenth-Century Brazil: The Case of Mestre de Campo Domingos Rodrigues Carneiro », Colonial Latin American Historical Review, vol. 15, no 2, 2006, p. 113-141.
2 Archivo Nacional de Chile, Jesuitas de América, Argentina, vol. 203, Titre d’Anton Arambaré, 1639, f. 3. AGI, Filipinas, 349, L.6, Provision royale du 31 mars 1686, f. 86v. Sur les milices guaranies, voir Svriz Wucherer Pedro Miguel Omar, « Las movilizaciones de las milicias guaraníes durante los siglos XVII et XVIII », in Susana Frias (dir.), Vecinos y Pasantes. La movilidad en la colonia, Buenos Aires, Academia Nacional de la Historia, 2013, p. 107-127.
3 Cette question est posée par Jean-Paul Zúñiga au sujet des milices de couleur du Chili colonial dans « Africains aux Antipodes. Armée et mobilité sociales dans le Chili colonial », in Carmen Bernand et Alessandro Stella (dir.), D’esclaves à soldats. Miliciens et soldats d’origine servile. xiiie-xxie siècles, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 121.
4 Longtemps les historiens ont analysé ce phénomène comme une spécificité américaine, au moment même où les premières armées modernes étaient constituées en Europe. Ils y voyaient un héritage de la conquête, elle-même menée par des particuliers dans le cadre d’initiatives privées. David Parrot a toutefois démontré que les capitaines de certaines armées européennes continuaient d’être des entrepreneurs privés au xviie siècle, in Parrot David, Richelieu’s Army. War, Government and Society in France, 1624-1642, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 348-349.
5 Avant la guerre de Sept Ans, l’appointement des capitaines de couleur était similaire à celui des capitaines blancs dans l’Empire espagnol, mais moindre dans l’Empire portugais. Dans l’Empire français, l’exemption de capitation concernait aussi les officiers de couleur. Voir : Archivo Histórico Ultramarino, Conselho Ultramarino, 15, Caixa 30, Doc. 2723, Lettre au roi de Domingos Rodrigues Carneiro, 12 mars 1724 ; ANOM COL A27, Ordonnance sur les milices de Saint-Domingue, 16 juillet 1732, f. 30v-33r ; Ordre du roi du 2 août 1743, in Moreau de Saint-Méry Louis-Élie, Loix et constitutions des colonies françoises de l’Amérique sous le Vent, Paris, Moreau de Saint-Méry, Quillau et Mequignon jeune, 1784, t. III (1722-1749), p. 761.
6 AGI, Santa Fe, 38, R.5, N.126, Lettre de Diego de Acuña, gouverneur de Carthagène des Indes, 1er juillet 1614.
7 Moreau de Saint-Méry Louis-Élie, Loix et constitutions…, op. cit., t. II (1704-1721), p. 31-32.
8 AGCA, Protocolos, Notaria de Juan Jerez Serrano, Registre de 1675-1676, Caution payée par Pedro Vasquez de Rosada a Pascual de Leiba, 25 juin 1675, f. 70r-70v.
9 Webre Stephen, « Las compañias de milicia y la defensa del istmo centroamericano en el siglo XVII: el alistamiento general de 1673 », Mesoamérica, no 14, 1987, p. 518.
10 AGCA, Protocolos, Notaria de Miguel de Porres, Registre de 1675-1676, Procuration de Maria Pereira Dovidos au major Felipe de Fuentes pour recouvrer le tribut des indiens de Santiago Sacatepéquez, 29 août 1676, f. 150r-151v.
11 AGI, Mexico, 39, N.9, Revue des milices de Mérida du Yucatan le 13 septembre 1663.
12 AGI, Santa Fe, 938, Pétition de Mathias Felipe de la Sala, Carthagène des Indes, 1734, fnn.
13 ANOM COL A25, Brevet permettant au gouverneur des îles du Vent de donner des commissions, 1er octobre 1727, f. 66r. ; COL A27, Ordonnance sur les milices de Saint-Domingue, 16 juillet 1732, f. 30v-33r.
14 C’était par exemple le cas à Medellin. Voir : AHM, Colonia, Actas, t. 1, Titre de capitaine de la compagnie des mulâtres créoles de Medellin, 10 février 1676, f. 123r-124v.
15 ANOM COL C9A108, Lettre du gouverneur de Saint-Domingue Philippe François Bart, Port-au-Prince, 28 août 1760, fnn.
16 ANOM COL C8A58, Lettre du marquis de Caylus sur les capitaines de milice de la Grenade, 7 décembre 1748, f. 174 ; COL E 336, Mémoire des services du sieur Jean Baptiste Pichery capitaine de milice à la Grenade, 14 octobre 1760, f. 376.
17 Le fuero militar désigne une juridiction militaire pour les affaires civiles et criminelles, et l’ensemble des lois et des règles qui régissent cette juridiction. L’un des privilèges du fuero est de ne plus être passible d’emprisonnement pour dettes.
18 Contreras Cruces Hugo, « Ser leales y parecer “decentes” milicias de castas e inserción social de los afrodescendientes. Chile, 1675-1760 », Revista Tiempo Histórico, vol. 8, no 14, 2017, p. 130.
19 McAlister Lyle, The Fuero Militar in New Spain, 1764-1800, Gainesville, The University of Florida Press, 1957.
20 AGNC, Colonia, Miscelánea, 127, D. 10, Pétition de Francisco Nuñez, Santa Fe, 15 juillet 1690, f. 52r-54v.
21 Webre Stephen, « Política y comercio en la Guatemala del siglo XVII », Revista de Historia, Universidad de Costa Rica, no 15, 1987, p. 28.
22 AGCA, Notarias de Miguel de Porres, Antonio Zavaleta, Ignacio de Agreda, Bernabé Roxel et José de Aguilar.
23 AGCA, Protocolos, Notaria de Antonio de Zavaleta, Registre de 1682, Testament de José de Dueñas enregistré chez le notaire Ignacio de Agreda, 28 octobre 1682, f. 31r-33v.
24 AGCA, Protocolos, Notaria de Miguel de Cuellar, Registre de 1670, Donnation d’une maison par José de Dueñas à Teresa de Valenzuela, 26 janvier 1670, f. 18r-21r. ; AGCA, Protocolos, Notaria de Juan Manuel de Ocampo, Registre de 1669-1676, Lettre de dot et de douaire de Teresa de Valenzuela, 3 mai 1670, fnn.
25 Un système municipal de canalisations d’eau fonctionnait à Santiago de Guatemala depuis 1559. En 1696, des aqueducs transportaient l’eau jusqu’à un réservoir principal en centre-ville d’où une série de canalisations en terre cuite desservait ensuite sept fontaines publiques et les patios de 168 souscripteurs privés. Stephen Webre a montré les inégalités sociales et spatiales qui en découlaient puisque les souscripteurs représentaient à peine 4 % de la population de la ville, in « Water and Society in a Spanish American City: Santiago de Guatemala, 1555-1773 », Hispanic American Historical Review, vol. 70, no 1, 1990, p. 57-84. La maison de José de Dueñas est décrite dans AGCA, Protocolos, Notaria de José Ruiz de Aguilar, Registre de 1678, Vente d’une maison par la mulâtresse JNLuana de Monesterio au capitaine José de Dueñas, 6 décembre 1678, f. 98v-101v.
26 AGCA, Protocolos, Notaria de José de Aguilar, registre de 1675, Fondation d’une chapellenie par José de Dueñas, 7 janvier 1675, f. 1r-4v et 5r-7v ; registre de 1682, Fondation d’une chapellenie par José de Dueñas, 14 novembre 1682, fnn ; Notaria de Antonio de Zavaleta, registre de 1682, Testament de José de Dueñas enregistré chez le notaire Ignacio de Agreda, 28 octobre 1682, f. 31r-33v.
27 AHM, Actas, T.1, Titre de capitaine de Santiago de Acevedo y Redes, 10 février 1676, f. 123r.-124v. Voir aussi Suárez Pinzón Ivonne, « El papel del oro en la formación regional de Antioquia », Revista Universidad de Antioquia, vol. 53, no 205, 1986, p. 33 et Correa Restrepo Juan Santiago, « Poblamiento en la provincia de Antioquia (Nueva Granada) en los siglos XVI y XVII », Letras Históricas, no 4, 2011, p. 34.
28 AGNC, Index de la Richmond Petroleum Company, Registres notariés de Medellín, Notaria 1a, 1682, no 17 ; 1690, no 2 ; 1696, no 6.
29 Sur les liens entre mariage et gestion patrimoniale des familles, voir Segalen Martine, Quinze générations de Bas-Bretons : parenté et société dans le pays bigouden Sud, 1720-1980, Presses universitaires de France, 1985. Pour le cas de l’Empire espagnol, voir l’ouvrage collectif dirigé par Castellano Juan Luis et Dedieu Jean-Pierre (dir.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS Éditions, 1998.
30 AGI, Santo Domingo, 903, L.18, Provision royale du 20 février 1680, f. 26. Jean-Pierre Tardieu a dédié plusieurs chapitres à Manuel Pereira, in Resistencia de los negros en la Venezuela colonial. Representaciones y planteamientos semiológicos, Madrid, Tiempo Emulado, 2013, p. 139-246.
31 AGI, Santa Fe, 989, L.10, Provision royale du 4 novembre 1658, f. 78. Voir également Tardieu Jean-Pierre, « La embajada de Arda en Cartagena de Indias (1657) y la misión de los capuchinos (1658-1661). Del quid pro quo al fracaso », América Negra, no 10, Bogota, 1995, p. 11-27.
32 AGI, Santa Fe, 989, L.10, Provision royale du 19 octobre 1671, f. 322v-324v.
33 AGI, Santa Fe, 989, L.10, Provision royale du 19 octobre 1671, f. 322v-324v. ; Santa Fe, 224, Mémoire de Juan Bautista Lara, Carthagène, juin 1663, fnn ; Santa Fe, 937, Patente de capitaine de Gregorio Acevedo, Carthagène, 30 avril 1721, fnn.
34 Jordaan Henri Romondus, Slavernij en vrijheid op Curaçao: de dynamiek van een achttiende-eeuws Atlantisch handelsknooppunt, thèse de doctorat en histoire, Leyde, Leiden University, 2012, p. 145 et 201.
35 Lutz Christopher H., Santiago de Guatemala, 1541-1773: City, Caste, and the Colonial Experience, Norman, Okla., University of Oklahoma Press, 1997, p. 125.
36 AGCA, Protocolos, Miguel de Cuellar, 1659, Reconnaissance de dot par Felipe de Fuentes, 19 décembre 1659, f. 359r.
37 AGCA, Protocolos, Pedro Somora de Palacios, 1686, Testament de Cristobal de Melo, 26 novembre 1686, f. 97r.
38 Descimon Robert, « Les fonctions de la métaphore du mariage politique du roi et de la république en France, xve-xviiie siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 47e année, no 6, 1992, p. 1127-1147.
39 Douglas Mary, How Institutions Think, Syracuse, NY, Syracuse University Press, 1986, p. 44-55.
40 AGNC, Colonia, Milicias y Marina, 4, Exp. 98, Pétition de Roque de Ardila, 23 décembre 1718, f. 1039-1041.
41 Voir Solange Alberro, « Modèles et modalités : les fêtes vice-royales au Mexique et au Pérou, xvie-xviie siècles », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 62, no 3, 2007, p. 607-635.
42 AGI, Santa Fe, 224, Lettre au roi du gouverneur de Carthagène, 5 décembre 1679, fnn.
43 AGNC, Colonia, Milicias y Marina, 4, Exp. 98, Pétition de Roque de Ardila, 23 décembre 1718, f. 1039-1041.
44 Nationaal Archief, 1.05.01.02, Nieuwe West-Indische Compagnie, inv. nr. 588, Lettre d’Isaac Faesch à la Chambre d’Amsterdam, 6 août 1740, f. 57r-59r. Document cité par Henri Romondus Jordaan in Slavernij en vrijheid op Curaçao: de dynamiek van een achttiende-eeuws Atlantisch handelsknooppunt, thèse de doctorat en histoire, Leyde, Leiden University, 2012, p. 198.
45 Voir Zúñiga Jean-Paul, « Le voyage d’Espagne », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, no 42, 2008, p. 177.
46 Voir Voelz Peter Michael, Slave and Soldier…, op. cit., p. 441-450.
47 ANOM COL B28, Lettre du roi au gouverneur de Saint-Domingue, Versailles, 10 février 1706, f. 13r-v. ; COL C8A15, Lettre de Jean Jacques Mithon de Senneville, commissaire à la Martinique, 24 octobre 1705, f. 426v.
48 Il existait aussi une armadilla entre La Guaira et Cumaná, où servaient essentiellement des miliciens de couleur. Voir Tardieu Jean-Pierre, Resistencia de los negros en la Venezuela colonial, op. cit., p. 148.
49 ANOM COL C9A19, Extrait du journal du sieur de Courpon capitaine d’infanterie commandant le bateau du Roi le Chasseur, du 1er au 19 décembre 1720, fnn.
50 AGI, Santa Fe, 216, Mémoire de Juan de Dios de Mirafuentes, Carthagène, 11 mai 1695, fnn.
51 Ces données sont tirées des registres paroissiaux de Léogane. Pour l’acte de mariage cité : ANOM, 1DPPC2407, Mariages de Léogane (1666-1753), Acte de mariage de Manuel Dias et Juana Cops, 4 février 1704. Voir également Houdaille Jacques, « Le métissage dans les anciennes colonies françaises », Population, vol. 36, no 2, 1981, p. 277.
52 AGNM, Instituciones Coloniales, Indiferente Virreinal, Caja 5480, Exp. 21, Lettre du noir libre Ignacio Groson Herrera, 11 juin 1682, fnn.
53 AGI, Contratación, 5468, N.2, R.80, Licence pour aller aux Indes de José de la Rocha Carranza, marqués de Villarrocha, 22 octobre 1715 ; Contratación, 5474, N.1, R.1, Licence pour aller aux Indes de Tomas Hidalgo, 10 juin 1723 ; Santa Fe, 990, L.12, Provision royale du 14 août 1713, f. 268.
54 AGI, Contratación, 5466, N.1, R.22, Licence pour aller aux Indes de Esteban de Palma, 27 juillet 1711. Voir aussi Mata Rodriguez Enrique de la, El asalto de Pointis a Cartagena de Indias, Séville, Escuela de Estudios Hispanoamericanos, 1979, p. 46.
55 Zúñiga Jean-Paul, « Le voyage d’Espagne », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, no 42, 2008, p. 178.
56 Barbosa Pereira José Gerardo, Sociedade, elites e poder em Pernambuco no século XVII, thèse de doctorat en histoire, Universidade de Lisboa, Facultade de Letras, 2011, p. 304-309.
57 AN, notaires de Paris, MC/ET/XCIX/346, minutes du notaire Georges II Robillard, Gratifications à trois nègres ayant servi à l’expédition de Carthagène, 1er novembre 1697. Voir aussi Moreau de Saint-Mery Louis-Élie, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle Saint-Domingue, t. II, Paris, T. Morgand, L. Guérin, 1875, p. 155.
58 AGI, Panama, 239, L.18, Provision royale du 4 octobre 1662, f. 296r. ; ANOM, 1DPPC2407, décès de Léogane (1672-1724), Acte de décès de Martin Boyer, 26 décembre 1740.
59 ANOM, 1DPPC2508, Naissances, mariages et décès de Saint-Marc (1746-1759), Acte de baptême de Jean Baptiste Lacroix, 7 avril 1749 ; 1DPPC2389, Naissances, mariages et décès de Jacmel (1749-1778), Acte de décès de Samuel Boursicot, 1er février 1754 ; 1DPPC2428, Naissances, mariages et décès de Mirebalais (1758-1764), Acte de baptême de Gilles Mayor, 25 février 1759.
60 AAC, Caracas, El Sagrario, registre paroissial des castes (1643-1702), Mariage du capitaine Lazaro de Guzmán et Antonia de Navas, 24 décembre 1662.
61 AGI, Santa Fe, 224, Lettre du gouverneur de Carthagène au sujet de la nomination de Francisco Guiral comme capitaine de la compagnie des mulâtres, 31 mai 1676, fnn.
62 San Pío Aladrén Pilar et Zamarrón Moreno Carmen, Catálogo de la colección de documentos de Vargas Ponce que posee el Museo Naval, Madrid, Editorial del CSIC, 1979, p. 154.
63 AGI, Indiferente, 491, L.34, Recommandation royale en faveur de Juan de Otalora, 10 juin 1659, f. 22v-23v.
64 Fernández Martínez Montserrat et Stapells Johnson Victoria, « Escuadra de 1656 : un combate naval en la bahía de Cádiz », Revista internacional de los estudios vascos, vol. 37, no 1, 1992, p. 149.
65 AGI, Panama 238, L.17, Provision royale du 31 mars 1658, f. 379v.-380r.
66 AGI, Indiferente, 491, L.33, Provision royale du 29 mars 1658, f. 245v. ; Panama, 238, L.17, Provision royale du 31 mars 1658, f. 380v.-381r.
67 AGI, Panama, 238, L. 17, Provision royale du 31 mars 1658, 381r-382v.
68 AGI, Panama, 239, L.18, Provision royale du 4 octobre 1662, f. 296r.
69 AGI, Panama, 230, L.5, Provision royale du 23 août 1659, f. 79 v.-80v. AGI Panama, 22, R.5, N.76, Lettre au roi du gouverneur de Panama Fernando de la Riva Agüero, 18 décembre 1660, fnn.
70 AGI, Panama, 239, L.18, Provision royale du 6 septembre 1662, f. 263v.-264v.
71 AGI, Santo Domingo, 872, L.17, Provision royale du 17 septembre 1662, f. 197.
72 AGI, Panama, 239, L.18, Provision royale du 29 juillet 1662, f. 222v.-223v. La fonction de trésorier témoigne de la réputation de Lucas Gutiérrez à Panama. En effet, quand ils n’étaient pas directement désignés par le prélat, les trésoriers des confréries étaient élus par les confrères, chaque année et à bulletin secret.
73 AGI, Panama, 239, L.19, Provision royale du 20 octobre 1663, f. 11v. AGI, Panama, 3, N.17, Mémoire de Lucas Gutiérrez, 16 octobre 1663, fnn ; Panama, 24, R.1, N.11, Dossier de suspension de Bernardo Trigo de Figueroa, 1670-1673, fnn ; AGI, Panama, 230, L.6, Provision royale du 17 juillet 1667, f. 161v.-163r.
74 AGI, Panama, 240, L.20, Provision royale du 2 octobre 1674, f. 149v.-151r.
75 AGI, Panama, 239, L.19, Provision royale du 25 septembre 1664, f. 113v.-114r.
76 AGI, Santa Fe, 989, L.10, Provision royale du 25 octobre 1664, f. 185.
77 AGI, Panama, 239, L.19, Provisions royales des 22 et 25 mai 1664, f.33v.-34r, 112r.-113r. Juan de Valladolid est mentionné in Bowser Frederick Park, The African slave in colonial Peru 1524-1650, op. cit., p. 215.
78 AGI, Indiferente, 491, L.33, Provision royale du 29 décembre 1657, fol. 316.
79 Ares Berta, « Les milices de Noirs et de mulâtres à Lima : les débuts (xvie-xviie siècles) », art. cité, p. 99-101.
80 AGI, Panama, 239, L.19, Provisions royales des 22 et 25 mai 1664, f.33v.-34r, 112r.-113r.
81 AGI, Panama, 32, NO. 49, Mémoire de la municipalité de Portobelo, 23 mai 1678, fnn ; AGI, 29, R.22, N.82, Lettre de Francisco de Castro, gouverneur de Panama, 7 juillet 1695, fnn.
82 Gaudin Guillaume, « Un acercamiento a las figuras de agentes de negocios y procuradores de Indias en la Corte », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, en ligne, 2017.
83 AGI, Guatemala, 397, L.15, Provision royale del 13 de octubre de 1677, f. 287. AGCA, A1.23, leg. 1521, Provision royale del 13 de octubre de 1677, fol. 77 ; AGCA, Protocolos, Notaria de José Ruiz de Aguilar, registre de 1677-1680, Procuration de Felipe de Fuentes pour récupérer à Veracruz une somme que lui doit le capitaine Mateo de la Garza, 2 juin 1678, f. 55v-56r. ; Protocolos, José Ruiz de Aguilar, registre de 1677-1680, Procuration de Felipe de Fuentes à trois agents pour l’Espagne, 2 fév. 1678, f. 53v-55r.
84 Gaudin Guillaume, L’empire de papiers de Juan Diez de la Calle, commis du Conseil des Indes. Espace, administration et représentations du Nouveau Monde au xviie siècle, thèse de doctorat, dir. Thomas Calvo, université de Nanterre, 2010, p. 129-133.
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