Conclusion
p. 197-206
Texte intégral
1Remarquée par Véronique Meyer au milieu de l’amoncellement d’imageries grises qui remplissent les folios des collections iconographiques, une gravure porte jusqu’à l’incandescence la glorification de Louis XIV en donnant à voir tout autant la célébration du Très-Chrétien que celle – profane et toute séculière dans son emprunt au double registre mythologique et astronomique – du roi soleil1.
2Confondues dans une même luminosité, la gloire du Fils aîné de l’Église et celle du moderne Apollon irisent le visage du prince d’une nuée dont le halo – l’aura – donne à imaginer dans cette représentation le scintillement qui sied seul aux justes et légitimes héros chrétiens. Le visage de Louis XIV n’a-t-il jamais été, plus intensément qu’ici, celui apollonien du roi soleil ? N’a-t-il jamais donné à voir, en même temps, la sacralité du Très-Chrétien en étant celui des élus providentiels appelés à témoigner des grâces célestes et qui rayonnent comme des soleils plus réels que l’astre luisant au ciel ? Cette gravure constitue dès lors comme l’acmé indépassable de cette publicité glorieuse du roi, la marque d’une propagande pleinement aboutie, le fruit parfait de la réflexion talentueuse de quelque officine en charge de célébrer la grandeur et les lumières augustes d’un monarque : rappelons nous la scène de Louis XIV, remémorée par Charles Perrault dans ses Mémoires et convoquée à plusieurs reprises dans notre livre, offrant au cénacle – aux origines de la Petite Académie – réuni chez Colbert, sa gloire comme un trésor inépuisable dont ces thuriféraires modernes devaient propager le mérite sur toute la surface de la terre et offrir à la postérité l’héritage exemplaire en milles figures de leur invention ingénieuse :
« Vous pouvez, Messieurs, juger de l’estime que je fais de vous, puisque je vous confie la chose au monde qui m’est la plus précieuse qui est ma gloire. Je suis sûr que vous ferez des merveilles. Je tâcherai de ma part de vous fournir la matière qui mérite d’être mise en œuvre par des gens aussi habiles que vous êtes2. »
3Et pourtant… « Trop, c’est trop ». C’est avec ces mots que Mme de Sévigné évoque, dans une lettre à sa fille du 13 juin 1685, cette ingénieuse image servant à l’illustration d’une thèse dans laquelle le roi est comparé à Dieu « mais – précise-t-elle – d’une manière où l’on voit clairement que Dieu n’est que la copie3 ». L’ingéniosité iconographique de l’image confondant autour de la tête du roi le motif ardent de l’imaginaire solaire du monarque avec le rayonnement de la gloire des saints chrétiens fait se précipiter dans cette confusion visuelle la Majesté divine et le triomphe mondain en nourrissant, chez les protestants comme chez les catholiques, la dénonciation d’une idolâtrie menaçante – ou en acte – d’un roi contre laquelle on mobilise les termes de la controverse de Boniface VIII déjà rangés, par ailleurs, en ordre de bataille depuis l’annonce, en 1679, du projet de la statue pédestre de Louis XIV place des Victoires, et inaugurée dans le contexte des suites de cette image « ratée » du roi. L’image proposée est orthodoxe d’une certaine manière, et elle s’inscrit dans une tradition datant, au moment de sa réalisation, de près d’un siècle puisqu’elle constitue une variation personnalisée de la représentation classique de la monarchie proposée par Cesare Ripa dans son Iconologia, livre fondateur d’une « science des images » comme le qualifient Marie-France Auzépy et Joël Cornette qui rappellent cette figure illustrée par « une jeune fille d’un visage altier, couronnée de rayons » lesquels « représentent encore ce haut lustre de grandeur et de majesté qui brille sur la personne des Monarques4 ». Une orthodoxie imaginale comme celle dont s’efforce de convaincre ses lecteurs François Lemée pour justifier dans son Traité des statues de 1688 la représentation jugée scandaleuse par beaucoup de Louis XIV place des Victoires5. Orthodoxes peut-être en effet à leur manière mais productrices d’une réalité qui, pour leurs spectateurs, pouvait ne pas l’être. Cette image absolue de l’imaginaire apollonien absolutiste de la monarchie de droit divin n’est pas une œuvre royale : elle est au cœur de son objet mais elle dénote et finit par sonner faux. Il faut alors se méfier de ce qui semble si bien mimée son objet qu’il peut faire oublier qu’il est à son aphélie et que le mieux peut être l’ennemi du bien.
4Peut-être faut-il dès lors prendre une image moins problématique et dont la répétition régulière et autorisée semble l’immuniser des risques interprétatifs d’un unicum toujours suspect finalement. Dans sa thèse d’histoire de l’art, Benoît Dauvergne attire l’attention de ses lecteurs sur la litanie monotone des ordres royaux répétés sur les supports les plus divers et les plus nombreux de la fin du xve siècle jusqu’aux années de la Révolution française6. Leur fréquence et leur régularité façonnent une image de la royauté que l’on ne regarde plus parce que l’on la reconnaît comme évidente. Elles seraient alors le triomphe d’une propagande ambitionnant son effet le plus haut en réalisant une telle information et un tel conditionnement du regard qu’il occulterait la vue même de son objet. Parce qu’on finit par ne plus rien voir de ces images, l’un des enjeux de cette étude originale est de regarder de plus près ces représentations du pouvoir produites par le pouvoir ; et de cette attention découle un inventaire de variations, subtiles ou étranges sinon aberrantes, contredisant l’intuition fausse d’une reproductibilité fidèle des formes et des intentions puisqu’elles proviendraient d’un même centre et qu’elles viseraient un même but :
« À côté de cette reconstitution théorique d’une désagrégation involontaire, il faut ajouter […] toutes les variations provenant soit de certaine licence qui peut bien entendu être regardée comme poétique, soit de certain zèle, le plus souvent politique (mais ces deux catégories peuvent-elles si facilement être délimitées ?). Plus il y a d’images, et il importe évidemment que le souverain soit vu partout, peint, gravé, sculpté, que les insignes des Ordres du roi – plus particulièrement – soient diffusés pour être désirés, plus il y a de chances ou de risques de variations, qui peuvent aller jusqu’à l’innovation ou l’incongruité7. »
5Comme l’a montré Jonathan Dumont pour la Renaissance, le pouvoir, même celui de Louis XIV, n’a pas la mainmise sur la production des textes et des images et l’on connaît par ailleurs les bricolages – et/ou l’attention distraite – avec lesquels leur réception peut être faite quand nous savons également de quelle déperdition inévitable de sens ces productions sont affectées de la part de sujets pourtant bien informés et aguerris8. En déportant de la sorte l’attention des effets et de la réception pour évoquer ces enjeux de production de l’imagerie royale, le but est bien de dissoudre la relation de ressemblance qui, via l’institutionnalisation monarchique des arts sous Louis XIV – soit l’invention de cette « institution iconique » ou de ce « ministère de la gloire » décrit et analysé par Gérard Sabatier et Joël Cornette9 –, ferait de la publicisation du souverain la parente ou l’origine des propagandes du xxe siècle. On connaît la proposition d’Edward Bernays dans son livre Propaganda, paru en 1928, citant Louis XIV dans la première phrase de son chapitre consacré à « La nouvelle propagande » pour établir une parenté forte entre les techniques de communication contemporaines mises en œuvre dans la publicité, les public relations et la propagande d’un côté et l’exaltation dithyrambique du Roi-Soleil de l’autre. En dépit de ruptures tant quantitatives que qualitatives, c’est l’histoire d’une même ambition qui lierait ainsi les membres de la Petite Académie, les spin doctors d’hier et les « raconteurs d’histoires » d’aujourd’hui quand, déjà, se pressent d’autres experts en la matière pour réduire le récit à l’anathème et la narration aux vitupérations du clash10. À la suite de Paul Veyne, de Michel de Certeau ou de Jean-Claude Passeron, de récents travaux, comme ceux, entre autres, de Nicole Hochner et d’Olivier Christin, par des approches distinctes, ont porté des coups sévères à l’acceptation naïve d’une propagande visuelle de la part de la monarchie, mettant en évidence pour la première, notamment, la nécessité de repenser la liaison entre idéologie et représentation imaginaire – la seconde n’étant pas tributaire d’une exclusive fonction d’illustration de la première –, tandis qu’Olivier Christin oblige à reconsidérer la géométrie traditionnelle qui postule une puissance d’institution idéologique dont l’action partirait du sommet de l’État et de ses élites pour se propager dans les strates inférieures de la société tout comme il met puissamment en garde contre un « absolutisme essentialisé en quête de légitimation par sa propre volonté11 ».
6Dès lors, si l’on ne peut pas établir cette parenté depuis les formes de réception de l’image politique, serait-il possible de la trouver dans l’intention et dans les moyens de sa production. Or si cette similitude est inquiétée comme le montrent les exemples mobilisés plus haut et ces travaux, la distinction de temporalités historiques propres est possible et la mobilisation de certaines notions spécifiques pleinement efficace, comme la convenance et l’apparat, afin d’écarter l’écrasement notionnel que peut faire peser sur elles le spectre trop convaincant, par son invocation même, de la propagande.
7Incertaine dans ses intentions, labile dans son exécution, la fragilité des effets de la propagande est considérable également. Florence Buttay dans sa précieuse analyse du militantisme jésuite parisien à travers la mobilisation partisane des élèves du collège de Clermont durant les années 1590-1592, a montré combien l’éducation à la détestation de l’ennemi (le huguenot, le politique), via de sophistiquées techniques pédagogiques reposant sur des énigmes et l’art emblématique, aboutissait à une gamme variée d’attitudes chez les enfants devenus adultes12. Si plusieurs de ces derniers ont satisfait aux attentes de leurs anciens maîtres, certains peut-être au-delà de leurs légitimes espérances comme le régicide Jean Chastel, combien d’autres, à l’image de Nicolas Regnault, n’ont-ils pas retourné contre l’endoctrinement et la propagande de leur jeunesse par les professeurs jésuites, les armes de la persuasion et les moyens de la manipulation que ceux-là mêmes leur avaient inculqués pour promouvoir l’exécration du « sanglier béarnais », de ses coreligionnaires et de ses partisans politiques ?
8Les contributions réunies dans ce volume collectif ont toutes été ainsi animées par la volonté de pondérer l’expérience propagandiste par l’examen exact de la « qualité des temps » dans lesquels elle se manifeste pour démontrer, et faire jouer, le riche nuancier auquel l’historien ne doit pas renoncer pour appréhender les expressions du pouvoir. Il en ressort une publicisation des idées politiques qui est moins celle d’une propagande que d’une propagation dans laquelle, comme le montre Marie-Claude Canova Green, un effort propagandiste peut être reconnu pour certains publics spécifiques seulement et non imprimer sa marque à l’ensemble d’un processus d’accroissement de l’information glorieuse. À partir des jetons distribués par le pouvoir royal en France, la contribution de Sabrina Valin apporte à la compréhension des mécanismes de diffusion de l’image du pouvoir monarchique un éclairage complémentaire sur les mécanismes de glorification par l’histoire métallique des actions de Louis XIII et de Louis XIV. Cette publicisation participe précisément d’un espace de l’information politique plus complexe dans lequel promouvoir une image flatteuse du pouvoir pouvait être également faire la publicité élogieuse du dithyrambe capable alors de favoriser, pour certains auteurs étudiés par Florence Alazard, leur carrière à la cour et confondre dans la publicité du roi la valorisation de celui qui l’exalte. Une promotion du souverain dont la réversibilité négative n’est, toutefois, jamais totalement conjurer comme le montre Joël Cornette à la fin de sa contribution en rappelant les mécanismes imparfaitement maîtrisés du façonnement d’une image glorieuse du roi dans laquelle les traits inquiétants d’un Alexandre criminel et vicieux doublent toujours l’éclat séduisants du conquérant et du pacificateur. La complexité de cette notion est aussi évoquée par Evonne Levy à travers la convocation de sa « fonction talismanique » et toute une gamme d’émotions et d’effets en accompagne la mobilisation : du faire croire au faire faire, du faire savoir au faire admirer, du faire agir à l’émotion. Cet écheveau de significations peut être en partie démêlé en requalifiant, depuis le prisme social et commercial, comme le propose Marion Brétéché, l’examen des motivations « propagandistes » à l’œuvre dans certaines campagnes d’opinions par la presse qui peuvent, dès lors, être comprises différemment que dans les termes simplistes de relais mécaniques des pouvoirs qui les autorisent. Tatiana Debbagi Baranova élargit le spectre thématique et chronologique de cette analyse aux horizons d’un royaume de France en guerre durant le xvie siècle afin d’éprouver les conditions d’emploi légitime de la notion de propagande et de démontrer la « diversité irréductible à la qualification » en ces termes de plusieurs campagnes de communication dont elle souligne combien la variabilité des moyens, des formes, des acteurs et des buts, appelle à une qualification propre à chacune. Dans son étude comparée de la construction et de la réception médiatiques du massacre des Vaudois en avril 1655, dans le Piémont, Stéphane Haffemayer analyse, dans le cadre anglais, l’effort propagandiste dont peut bénéficier Cromwell au regard d’une culture politique prise dans le temps long de la caractérisation des cruautés catholiques et de leur dénonciation scandalisée : la fabrication médiatique de l’événement traumatique devait assurer la promotion internationale du Lord Protector auprès des protestants européens affaiblis. C’est dans la compétition des pouvoirs politiques agitant la minorité de Charles II d’Espagne qu’Héloïse Hermant place son étude des campagnes de lettres ouvertes et de libelles mise en œuvre par Juan José de Austria en 1669 et en 1677. Attentive à la nécessité d’une historicisation critique de la notion de propagande dont l’usage irréfléchi masquerait, d’une part, la « nature du corps sociopolitique » dans lequel ces efforts de persuasion se manifestent, et contrarierait, d’autre part, la reconnaissance de « la spécificité des systèmes de communication activés », elle propose de qualifier le ressort propagandiste moins depuis une typologie des actes qui en ressortent que d’après la considération de leur écartement vis-à-vis des processus de publicisation ordinaire des postures et des identités politiques. L’économie de l’écart vis-à-vis de la rhétorique persuasive vaudrait dès lors davantage que la mobilisation de motifs et d’arguments singuliers comme marqueur d’une politisation inédite. La contribution de Sandro Landi permet dès lors de situer cette cartographie des normes et de leur transgression possible depuis l’étude des ressorts psychologiques du « vouloir croire » et du « laisser croire » politiques appréhendés par le moyen des traités médicaux du xvie siècle. Si l’analyse d’Héloïse Hermant s’intéressait à ce qui se réalise « au-delà de la rhétorique », c’est à l’intelligibilité des ressorts profonds de la persuasion que nous invite l’étude de Sandro Landi pour discriminer, sur la base des savoirs médicaux des contemporains, ce qui peut relever de la manipulation et ce qui est l’effet d’une persuasion efficace en portant son attention sur la qualité d’un consentement à se laisser fasciner qui repose sur un « pacte de croyance » préalable. C’est cette puissance affective et les ressorts des passions de l’âme sur lesquels reposerait l’économie de l’efficacité propagandiste qu’analyse parallèlement Jean-Vincent Blanchard. Reprenant, à la suite des travaux notamment de Gérard Sabatier et de Patrick Boucheron, la question de la rhétorique architecturale et de l’éloquence des bâtiments, il s’intéresse à la manière avec laquelle l’architecture créant des effets, peut ressortir alors de la catégorie des actes de propagande moins probablement là encore par les intentions ou les motivations qu’expliciteraient ces effets que parce que ces effets mêmes constituent comme la démonstration d’une puissance ordonnatrice des sentiments et des pensées de ceux qui en sont les sujets13. Faisant écho aux textes de Sandro Landi et d’Héloïse Hermant, il montre également combien l’articulation au sein même du dispositif propagandiste des tensions organiques entre le faire voir et le faire croire ménage derrière l’affect admiratif la puissance délibérative du jugement pour donner, in fine, foi – ou non – à ce qui s’imposerait pourtant avec tout l’éclat, possiblement énervant au sens premier du terme, et la force d’une intimidation émouvante de la raison.
9Au regard des études rassemblées ici, il conviendrait de conclure, contrairement alors à la proposition de Luc Vaillancourt ouvrant le recueil « Des bruits courent » : rumeur et propagande au temps des Valois, lui reconnaissant une pertinence et une efficacité réelle, au caractère malcommode et souvent impropre du terme de propagande dont l’usage encombre plutôt qu’il n’éclaire les différences fortes entre la célébration du roi, la convenance qui sert à la publicité de celui-ci, la polémique politique, l’expression partisane, la promotion d’un auteur, le faste, l’apparat, l’ostentation, l’effort persuasif, la justesse décorative ou encore l’il-lustration du pouvoir et « l’art proclamatif » (Nicolas Milovanovic). À rebours d’une notion précieuse rendant intelligibles les mécanismes par lesquels la persuasion, la manipulation, l’acculturation, la construction d’orthodoxies et l’imposition d’orthopraxies se réalisent, son spectre référentiel et imaginaire écrase la particularité des situations et confond dans une même imprécision des forces et des usages dont les ressorts n’ont qu’une similitude superficielle. C’est donc à des nécessités déflationnistes de l’usage ce terme que nous invitent les principales conclusions de ces onze études de cas. À propos des portraits royaux, Emmanuel Coquery s’amuse ainsi de la propension des historiens à
« faire de l’exercice du pouvoir monarchique une stratégie de représentation et de l’image du monarque un instrument de pouvoir, l’ensemble de ses portraits devenant un fait de propagande. Une telle analyse […] isole le portrait du roi et néglige ce qui le lie aux traits généraux du portrait à l’époque. Tout portrait est alors une pièce de propagande individuelle. S’il y a bien propagande dans le portrait de Louis XIV, c’est pour établir non pas sa légitimité de roi, qui allait de soi, mais sa supériorité de plus grand roi de la terre et de l’histoire de France14 ».
10Dont l’adresse est moins d’ailleurs ses contemporains que la postérité… La propagande est nécessaire à un pouvoir qui s’affirme ; elle ne saurait désigner ce qui se joue dans l’apparat comme l’a montré Paul Veyne ni se confondre avec la convenance, au sens vitruvien du terme, qui doit normer et réguler ce qui sied aux princes comme l’a défendu Christian Michel15. C’est pour cette raison qu’en dépit de certaines similitudes, il faut bien se garder de confondre un objet que l’on vend à des consommateurs, une force que l’on veut imposer à des populations et le spectacle d’une gloire qui se donne. La publicité commerciale, la propagande politique et la propagation de la gloire ne se confondent pas16. La première vise à susciter un acte précis de consommation et la seconde à façonner une opinion et des gestes conformes ; la dernière n’attend rien de la part de ceux auxquels elle s’adresse car ils ne composent qu’une infime partie du public imaginé. Les deux premières sont artifices quand la propagation de la gloire est naturelle à l’apparat royal qui est lui-même une qualité essentielle du monarque, sa naturelle expression pour évoquer ici la boutade de Paul Veyne dans laquelle il signale que la grandeur royale se réduit, finalement, à prendre de grands airs : ceux-ci suffisent à condition qu’on soit le roi.
11« Peindre en leur âme des fantômes » n’est, décidément pas, bourrer des crânes.
Notes de bas de page
1 Meyer Véronique, Pour la plus grande gloire du roi. Louis XIV en thèses, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 64, fig. 11. Il s’agit d’une représentation du roi en buste, dessinée et gravée par Pierre Simon – et éditée par Guillaume Vallet – pour illustrer la thèse en théologie du prêtre Philibert Madon, soutenue en 1685 au couvent des Minimes de Marseille, et présidée par le Provincial Charles Guilhet.
2 Perrault Charles, Mémoires de ma vie, Paris, Macula, 1993, p. 133.
3 Meyer Véronique, Pour la plus grande gloire du roi, op. cit., p. 62.
4 Auzépy Marie-France et Cornette Joël, « Entre Byzance et l’Occident : quelques usages historiens de l’image », in id. (dir.), Des images dans l’histoire, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2008, p. 273-275.
5 Bodart Diane et Ziegler Hendrik (éd.), François Lemée, Traité des statues, Weimar, VDG, 2012 ; Van Eck Caroline, François Lemée et la statue de Louis XIV sur la place des Victoires. Les origines des théories ethnologiques du fétichisme, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2013.
6 Dauvergne Benoît, « Images et imaginaire des Ordres du roi », thèse de doctorat, Sorbonne Université, 2019, sous la direction d’Alain Mérot.
7 Ibid., p. 512.
8 Dumont Jonathan, « Une idéologie de papier. Pensée politique et propagande à la cour de France à l’aube de la Renaissance », in Luc Vaillancourt (dir.), « Des bruits courent » : rumeurs et propagande au temps des Valois, Paris, Hermann Éditeurs, 2017, p. 141-161.
9 Un phénomène d’absolutisation des arts dont il a pu être montré toute la puissance paradoxale d’émancipation artistique (Boucheron Patrick et alii, Le Prince et les Arts. France, Italie [xive-xviiie siècles], Neuilly-sur-Seine, Atlande, 2010, p. 11).
10 Bernays Edward, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie, Paris, Éditions La Découverte/Zones, 2007 ; Salmon Christian, Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, Éditions La Découverte, 2007 et L’ère du clash, Paris, Fayard, 2019. Un numéro de la revue Vingtième siècle propose un riche dossier dirigé par Irene Di Jorio et Véronique Pouillard dissipant les frontières que l’on voudrait dresser entre la sphère économique où fonctionnerait la publicité et la sphère politique où règnerait la propagande quand, avant l’ère de leur professionnalisation, Gustave Le Bon ou Gabriel Tarde les savait liées. L’étude de ces relations unissant publicité et propagande à partir des années 1920 éclaire alors les transferts entre les domaines et la porosité des techniques de communication et de persuasion (Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 101, janvier-mars 2009, p. 4-80).
11 Hochner Nicole, « Réflexion sur la multiplicité des images royales : incohérence ou quête d’identité », in Thomas W. Gaehtgens et Nicole Hochner (dir.), L’image du roi de François Ier à Louis XIV, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006, p. 19-32 ; Christin Olivier, Le roi-providence. Trois études sur l’iconographie gallicane, Chrétiens et Sociétés, « Documents et Mémoires », no 6, 2006, en particulier p. 97-109.
12 Buttay Florence, Peindre en leur âme des fantômes. Image et éducation militante pendant les guerres de Religion, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018.
13 Sabatier Gérard, Versailles ou la disgrâce d’Apollon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017 ; Boucheron Patrick, De l’éloquence architecturale. Milan, Mantoue, Urbino (1450-1520), Paris, Éditions B2, 2014.
14 Coquery Emmanuel, « Le portrait de Louis », in Olivier Bonfait et alii, Visages du Grand Siècle. Le portrait français sous le règne de Louis XIV, 1660-1715, Paris, Somogy, 2006, p. 75.
15 Veyne Paul, « Lisibilité des images, propagande et apparat monarchique dans l’Empire romain », Revue historique, no 621, 2002-1, p. 3-30 ; Michel Christian, « Les usages de la peinture à la cour de Louis XIV », in Chantal Grell et Benoît Pellistrandi (dir.), Les cours d’Espagne et de France au xviie siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2007, p. 196 – dans le même volume, voir également Michel Patrick, « Les collections royales françaises. Instrument de propagande au service de la monarchie ou ornement nécessaire à l’affirmation de la grandeur souveraine ? », p. 205-235.
16 Le titre de la thèse inédite de Michael Sherman, The Selling of Louis XII. Propaganda and Popular Culture in Renaissance France, 1499-1514, thèse de doctorat, université de Chicago, 1974, pose dès lors problème puisqu’il réunit une technique commerciale, un outil politique et un type de pouvoir étranger aux stratégies du marketing et du packaging comme au façonnement des mass media et aux finalités du « ministère du Reich à l’Éducation du peuple et à la propagande ». C’est de manière critique qu’a été également reçu le titre du livre de Kevin Sharpe, Selling the Tudor Monarchy. Authority and Image in Sixteenth-Century England, New Haven, Yale University Press, 2009.
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