La Conférence des évêques de France et les Journées mondiales de la jeunesse de 1997
p. 239-254
Texte intégral
1Les Journées mondiales de la jeunesse de Paris ont pu être vues comme le projet personnel du cardinal Lustiger1. De fait, c’est lui qui, de sa propre initiative, au printemps 1993, avait demandé à Jean-Paul II que les JMJ soit organisées dans son archidiocèse. C’est très largement lui qui les a façonnées, bataillant notamment pour que la veillée du samedi soir soit organisée autour du baptême de jeunes catéchumènes. Pendant l’événement, mais aussi dans les jours qui le précèdent et le suivent, il a été omniprésent médiatiquement, ce qui aurait énervé un certain nombre de ses confrères évêques. Le Canard enchaîné a attribué à l’un d’entre eux ces mots : « Il s’est débrouillé pour être toujours dans l’axe des caméras : s’il avait pu, il aurait porté le pape sur son dos2. » Pourtant, malgré cette implication personnelle extrêmement forte de l’archevêque de Paris, parfois perçu comme un franc-tireur ayant du mal à jouer collectif, les JMJ de 1997 ont été l’occasion d’une mise au travail de la collégialité épiscopale, sans doute davantage que lors des précédentes éditions. C’est le but de cette contribution que d’analyser la dynamique des interactions entre la CEF et les JMJ de Paris selon deux perspectives : quel est le rôle de la CEF dans l’organisation de l’événement ? Inversement, comment l’événement met-il en jeu les différentes conceptions concernant le rôle que doit avoir la CEF dans le catholicisme français ? L’enquête a été principalement menée à partir de la consultation des procès-verbaux des réunions du conseil permanent d’une part, des assemblées plénières de Lourdes d’autre part, auxquels nous avons pu exceptionnellement avoir accès pour la période allant de 1994 à 1998. Après avoir présenté des éléments de contexte, nous analyserons la manière dont les instances puis l’assemblée plénière de la conférence épiscopale se sont engagées dans les JMJ.
Les enseignements des précédentes éditions
2Pour les trois premières éditions internationales des JMJ (Buenos Aires en 1987, Saint-Jacques-de-Compostelle en 1989, Czestochowa en 1991), le rôle des conférences épiscopales a été mineur : Jean-Paul II et son entourage proche choisissent seuls le lieu du grand rassemblement3. L’archevêque ou l’évêque dont dépend le site choisi, souvent proche du pape, est mis au courant de la décision et se met à préparer l’événement, avec l’aide du Conseil pontifical pour les laïcs, l’organisme de la curie romaine chargé de superviser l’organisation des JMJ. La conférence épiscopale n’intervient qu’à la marge : si c’est parfois son président qui sert d’intermédiaire entre la curie et l’évêque du lieu choisi4, ses services se contentent pour l’essentiel de faire circuler les informations sur le rassemblement pour l’ensemble du pays. L’organisation concrète et la charge financière et logistique reposent sur le comité diocésain d’organisation5. Cette configuration montre ses limites lors de la JMJ de 1991 : le diocèse de Czestochowa ne boucle le budget du rassemblement qu’avec l’appui du Conseil pontifical pour les laïcs et de la conférence épiscopale italienne6.
3C’est pour remédier à cette situation, où les JMJ sont vues comme de la responsabilité du seul diocèse hôte, et non de l’ensemble des diocèses du pays, qu’à partir de l’édition américaine de 1993, le Saint-Siège cherche à impliquer les conférences épiscopales7. Ce choix peut paraître à contre-courant de la dynamique ecclésiologique du pontificat de Jean-Paul II : le code de droit canonique de 1983 et le motu proprio Apostolos Suos de 1998 ont plutôt tendu à limiter le rôle des conférences épiscopales qui ne devaient pas faire écran entre Rome et les diocèses et ne devaient pas non plus entraver la responsabilité individuelle des évêques8. Concernant spécifiquement les États-Unis, la curie romaine a par ailleurs court-circuité plusieurs initiatives de la NCCB (National Conference of Catholic Bishops9). Pourtant, malgré ce contexte, une procédure de décision collégiale est choisie. Elle se déploie de la manière suivante : le pape annonce que les JMJ de 1993 se tiendront aux États-Unis, sans préciser quelle sera la ville hôte. C’est le comité permanent et le secrétariat de la conférence des évêques qui sont chargés de lancer un appel à manifestation d’intérêt auprès des différents évêques américains. Trois diocèses, dotés d’une grande métropole et n’ayant pas encore reçu de visite papale, St. Paul-Minneapolis, Buffalo et Denver, déposent leur candidature. Le secrétariat de la conférence des évêques est chargé d’évaluer leurs propositions qui sont transmises à Rome, le pape restant le décisionnaire final. Au terme du processus, c’est le diocèse de Denver qui est choisi.
4Le dispositif fonctionne bien du point de vue financier. La conférence des évêques délivre en effet l’évêque de Denver de la charge économique de l’événement : l’assemblée plénière vote la motion préparée par le secrétariat général qui provisionne un budget de 4,5 millions de dollars pour l’accueil du pape. Les ressources sont constituées d’un prélèvement sur les fonds propres de la conférence, d’une taxe versée par l’ensemble des diocèses (à raison d’1,78 cent par catholique) et par du fundraising. Cela permet le recrutement d’un personnel spécifique et la prise en charge des frais d’organisation. Les différents services de la conférence des évêques concourent par ailleurs à l’événement. Un comité d’organisation ad hoc, sous la responsabilité de la conférence, est installé. Il est dirigé par le secrétaire général adjoint de la conférence, le P. Dennis Schnurr. Il se divise en deux bureaux, le premier localisé à Washington DC et le second à Denver, coordonné par le P. Edward Buelt, le secrétaire de l’archevêque de Denver, Mgr Stafford. Le fonctionnement choisi n’est cependant pas totalement satisfaisant : le processus de sélection de la ville engendre des coûts importants (St. Paul-Minneapolis et Buffalo utilisent un hélicoptère pour tenter d’emporter l’adhésion du comité de sélection) et apparaît peu transparent (Denver aurait été choisi par le pape dès le départ). Par ailleurs, la coordination fonctionne mal entre les deux bureaux, séparés par 3 000 km et deux heures de décalage horaire. Des conflits sur les finances ou sur les prérogatives respectives de l’archevêque hôte et de la conférence des évêques compliquent l’organisation du rassemblement10.
5Pour les JMJ de 1995, c’est le président de la conférence des évêques philippins, Mgr Carmelo Morelos (et non l’archevêque de Manille, le cardinal Sin), qui prend l’initiative d’inviter le pape à tenir la Journée mondiale de la jeunesse dans la capitale du seul pays d’Asie où les catholiques sont majoritaires. La conférence est financièrement engagée et ses services pilotent l’événement, même si dans les faits, le rôle de l’archevêché de Manille devient de plus en plus important à partir du moment où les évêques des autres diocèses apprennent que le pape ne fera pas d’autres escales que Manille au cours de son voyage. Comme cela s’était produit aux États-Unis, les relations entre les services de la conférence épiscopale et ceux de l’archidiocèse d’accueil sont marquées par un certain nombre de conflits11.
La stratégie du cardinal Lustiger
6Quand le pape, en août 1993, fait suite à sa demande d’accueillir les JMJ à Paris, le cardinal Lustiger souhaite absolument recevoir le soutien de la CEF pour assurer ses arrières sur le plan financier : « J’avais dit au pape que je ne marchais que si les évêques de France et les finances suivaient12. » Cela ne va pas de soi. Il est en effet d’usage en France que les diocèses, ou les régions apostoliques, assument les conséquences économiques des visites papales. C’est ce qui est prévu pour les voyages de Jean-Paul II programmés en 1996 à Sainte-Anne-d’Auray, Tours et Reims. Pour obtenir de l’argent de la conférence épiscopale, Lustiger doit convaincre que les JMJ sont un projet ayant une portée nationale. Or, à l’inverse de ce qui s’est passé pour Denver et Manille, celle-ci n’a pas été l’interlocutrice du Saint-Siège quant au choix de la ville. Autre élément de complication : contrairement à la NCCB, qui dispose de ressources propres issues de fonds d’investissement ou de revenus immobiliers, les ressources de la CEF viennent quasi exclusivement des contributions des diocèses. C’est donc non seulement le bureau de la CEF, mais l’ensemble des évêques que Mgr Lustiger doit rallier.
7Au demeurant, l’accord de l’ensemble du corps épiscopal, au-delà de la présidence, est nécessaire pour permettre une mobilisation qui dépasse les frontières de l’espace francilien. Mgr Lustiger qui, une fois qu’il a su que Paris était choisi, s’est rendu aux États-Unis pour rencontrer les organisateurs des JMJ de 199313, a noté que l’implication du staff de la conférence n’avait pas entraîné celui de l’ensemble des prélats qui en étaient membres. Selon lui, « les Américains n’ont pas mesuré la chance que pouvait représenter la journée mondiale14 ». Il fallait proposer à ses confrères un projet fédérateur.
8La stratégie du cardinal se déploie en trois temps. Le premier, qui n’a pas laissé de traces dans les archives, est consacré à emporter l’adhésion du conseil permanent. Quoi qu’il en soit des arguments utilisés, à l’assemblée plénière de Lourdes en novembre 1994, le président de la CEF, Mgr Duval, présente implicitement le rassemblement de 1997 comme ayant un intérêt pour l’ensemble des diocèses. La réunion des évêques français dans la petite cité mariale des Pyrénées est l’occasion pour Lustiger de tenter une opération séduction. Il cherche à convaincre ses confrères que les JMJ peuvent bénéficier à tous les diocèses et y être « l’occasion […] d’une évangélisation de la jeunesse qui pourrait devenir un objectif prioritaire ». Il vise aussi à les persuader qu’il s’agira d’un projet collectif, qui sera le fruit de la délibération collégiale, en multipliant les éléments de langage montrant qu’il ne veut rien imposer. Tout en étant partagé, l’événement laissera une grande liberté à chaque évêque pour le décliner comme il l’entend dans son propre diocèse. La conférence peut devenir le lieu, déclare-t-il, d’un « concours d’idées […] sur la manière dont chacun peut se servir de ces journées pour entreprendre une mobilisation des différents mouvements, institutions, organisations de jeunes ». C’est dans cette perspective, visant à donner une place à chacun de ses pairs dans l’événement, qu’il propose une innovation par rapport aux précédentes éditions : l’organisation, préalablement aux journées parisiennes, de journées d’accueil d’une des délégations étrangères dans chacun des diocèses de province. Les JMJ seraient lancées à l’échelle de chaque diocèse par chacun des évêques avant que les jeunes étrangers et français ne convergent vers Paris15.
9Après cette rencontre, le cardinal traduit sa volonté d’impliquer pleinement la CEF dans les JMJ de Paris en proposant que Mgr Dubost en devienne le délégué général. Celui qui est alors évêque aux armées est perçu comme un homme ouvert, en harmonie avec la sensibilité qui domine à la CEF. Il avait réussi lors du congrès eucharistique international de Lourdes en 1981 à faire participer les différentes sensibilités des mouvements catholiques de jeunes16. Jean-Marie Lustiger propose par ailleurs que Paul Destable, prêtre du diocèse de Clermont-Ferrand, qui a été élu en 1993 secrétaire général adjoint de l’épiscopat en charge de l’apostolat des laïcs, soit nommé à la délégation générale des JMJ et s’y occupe du lien avec les diocèses. Sa nomination faciliterait l’implication des comités, des commissions et des services de la CEF dans la préparation du rassemblement.
Le rôle des instances de la CEF
10Lors de sa réunion des 13 et 14 février 1995, le conseil permanent accepte « volontiers » les propositions du cardinal Lustiger. Il donne un « mandat explicite » à Michel Dubost et à Paul Destable pour qu’ils deviennent les représentants de la CEF au sein de l’organisation en charge des JMJ17. Une sorte de joint-venture entre l’archevêché de Paris et la CEF est ainsi mise en place. Dans l’association loi 1901 chargée des aspects financiers, figurent le secrétaire général adjoint de la CEF pour les questions administratives et financières, le P. Bernard Jeuffroy18, ainsi que deux économes diocésains, nommés par le comité permanent pour les affaires économiques, présidé par Mgr Barbier. Ces trois représentants sont chargés de décider sur quelles dépenses s’engagent les évêques.
11Paul Destable s’acquitte avec beaucoup d’énergie de sa mission. À l’automne 1995, il réunit les responsables de la pastorale des jeunes de chaque diocèse, ainsi que les représentants des mouvements, pour leur présenter avec enthousiasme le projet. Il ne s’agit pas de créer une structure parallèle dédiée à l’organisation des JMJ, mais d’impliquer les acteurs de la pastorale « ordinaire19 ». Lors de l’assemblée plénière de novembre 1996, il s’emploie à mobiliser l’épiscopat, en donnant à voir la dynamique qu’il peut observer depuis son poste. Dans certains diocèses, leur raconte-t-il, il y a plus de familles qui veulent accueillir que de jeunes étrangers affectés : « 1200, ce n’est pas assez, il faut nous en envoyer d’autres. » Il essaye de convaincre les évêques qu’en dirigeant « leurs » jeunes vers les JMJ, ils bénéficieront d’un « retour sur investissement » dans leurs diocèses. Il prend notamment l’exemple des responsables d’équipes de volontaires dont la formation est assurée par l’organisation des JMJ : « Cinq cents jeunes qui vont vivre une formation et une expérience seront de retour dans dix mois, dans leur mouvement, leur service, leur diocèse. C’est un contenu qui pourra enrichir la pastorale des jeunes en France20. »
12Michel Dubost est pour sa part initialement chargé de concevoir le programme des JMJ, tandis que la mise en œuvre financière et matérielle est du ressort de l’association loi 1901 présidée par un prêtre de l’Emmanuel, Francis Kohn. Mais des conflits organisationnels aboutissent à la démission de celui-ci en janvier 1996. Michel Dubost, reprenant ses fonctions, accroît le champ de ses responsabilités. Lors des assemblées plénières de 1995 et de 1996, il est en première ligne face aux évêques à qui il présente les avancées et les difficultés du projet.
Les assemblées plénières des évêques durant les préparatifs
13La participation active des différents services et commissions de la CEF constitue le premier volet de l’implication de la CEF dans l’événement. Mais qu’en est-il de la manière dont les évêques s’engagent dans les préparatifs des JMJ lors de leurs assemblées plénières ?
Un a priori favorable
14Il faut tout d’abord souligner qu’un certain nombre d’entre eux ont déjà un a priori favorable sur les JMJ. Contrairement à une idée présentant la hiérarchie catholique française des années 1980-1990 dans une stratégie d’inertie vis-à-vis des initiatives du Saint-Siège21, l’épiscopat français a été parmi les premiers en Europe à s’organiser pour répondre aux propositions de grands rassemblements de jeunes venues de Rome. Lors du Jubilé des jeunes de 1984, prototype des JMJ, l’épiscopat français aurait été le seul, dans les souvenirs du cardinal Cordes qui supervisait l’événement, à nommer un coordonnateur national, ce qui avait permis la participation d’un grand nombre de jeunes Français. Quelques années plus tard, l’implication dans les préparatifs des JMJ de Compostelle du P. Bertrand Housset, alors secrétaire général adjoint en charge de l’apostolat des laïcs, a permis de faire découvrir à la plupart des évêques le potentiel évangélisateur du dispositif22. Depuis Czestochowa, la CEF a organisé et structuré la participation des jeunes français aux JMJ. Une vingtaine d’évêques, qui ne se situent pas tous dans la mouvance lustigérienne, ont participé aux JMJ de Compostelle et de Czestochowa, comme par exemple Mgr André Lacrampe, à l’époque évêque de la Mission de France, qui s’est rendu compte que l’événement permettait de fédérer des jeunes de sensibilités et de milieux sociaux divers23. Les évêques ont également en mémoire les succès des rassemblements des jeunes catholiques français avec le pape, que ce soit à Paris au Parc des Princes en 1980, à Lyon en 198624 ou à Strasbourg en 198825.
15Lors de l’assemblée plénière de 1995, on peut toutefois percevoir des inquiétudes sur le principe d’un nouveau rassemblement de jeunes autour de Jean-Paul II, compte tenu de la dégradation de son image dans l’opinion publique. Mgr Dardel (Clermont-Ferrand) se tracasse de « l’ambiance en France par rapport à une venue du pape ». Il faut dire qu’en février 1993, suite à sa tournée en Ouganda au cours de laquelle il avait déclaré que « la chasteté est l’unique façon sûre et vertueuse de mettre fin à la maladie tragique du sida », Léon Schwartzenberg, un professeur de médecine engagé en politique, l’a accusé d’être un assassin. Ces mots traduisent et alimentent le profond ressentiment d’une partie de la population française contre le chef de l’Église catholique, accusé d’interdire le préservatif et de contribuer à la diffusion du VIH26. Ses positions sur l’avortement, exprimées d’une manière qui fait polémique dans l’encyclique Evangelium vitae, publiée le 25 mars 1995, n’ont rien arrangé à l’affaire27. L’affaire Gaillot, qui a eu lieu en janvier 1995, a également laissé des traces. À l’assemblée plénière de novembre 1996, ces craintes semblent s’être dissipées, peut-être parce que le voyage du pape à Sainte-Anne-d’Auray, Tours et Reims, qui s’est déroulé fin septembre, s’est globalement bien passé.
Une volonté de limiter l’implication financière
16Globalement ouvert au principe d’une JMJ parisienne, les évêques sont plus réservés vis-à-vis de ses implications financières concrètes. Lors de l’assemblée plénière de novembre 1995, quand la résolution stipulant que la conférence épiscopale s’engagera financièrement sur les dépenses de l’association JMJ 1997, préalablement acceptées par les représentants de la CEF, un flot d’interventions manifeste l’inquiétude des participants. Les évêques, qui pour certains d’entre eux doivent déjà financer les visites de Jean-Paul II en 1996, qui ont compris également qu’ils devraient payer les pré-JMJ dans leur diocèse, s’inquiètent qu’une nouvelle ligne budgétaire destinée à couvrir une partie des dépenses de la phase parisienne des JMJ leur soit ajoutée. Mgr Rouet dit avec humour qu’il va devoir réinstaurer la dîme. Mgr Pican, inquiet d’un possible gonflement des coûts, souhaite un renforcement du rôle du P. Jeuffroy dans les statuts de l’association JMJ 1997. Celui qui est alors évêque de Bayeux demande qu’il ait explicitement un droit de veto28. Mgr Saudreau (Le Havre), s’abritant derrière « la prudence normande » tient à préciser : « Je ne suis solidaire de la conférence épiscopale que jusqu’à telle somme, et au-delà le diocèse du Havre ne peut plus payer […]. Autrement dit, […] je ne veux pas faire de vote en blanc pour qu’à terme, on dise : écoutez, on a fait ce qu’on a pu, mais vous devez payer tant. Il y a un plafond au-delà duquel le diocèse n’est plus solidaire de la conférence épiscopale29. » Mgr Gilson, qui intervient régulièrement dans le débat pour faire connaître ses craintes, annonce qu’il ne votera pas la résolution : « Je ne vois pas comment je peux [m’]engager sans un dialogue avec l’économe diocésain et le conseil, puisqu’en définitive, je m’engage à ce que d’autres signent des dépenses et [à ce qu’on me] demande, si cela ne marche pas bien, d’éponger ces dépenses. »
17Face à ces appréhensions, qui semblent indiquer que les évêques ne sont pas prêts à ouvrir facilement les cordons de leur bourse pour la phase parisienne des JMJ, les organisateurs mettent en avant l’idée d’une souscription nationale qui permettrait d’équilibrer les comptes des JMJ sans puiser dans la trésorerie des diocèses. Cette opération, qui nécessite aussi un vote de la CEF, est habilement appuyée par le P. Jeuffroy qui verbalise les réserves que cette idée est susceptible de générer, pour mieux les désamorcer : « Je comprends très bien la première réaction d’un évêque diocésain : si on ne lui parle pas et qu’on ne lui demande pas son accord avant, lorsqu’il verra arriver dans son diocèse des appels pour une souscription nationale, il commencera par dire : nous avons déjà assez de charges sur place, ne venez pas nous pomper pour d’autres charges au plan national. » Après avoir reconnu cette crainte, il invite les évêques à considérer que cette collecte, si elle est orientée vers le projet du rassemblement de jeunes pourrait toucher d’autres catégories que celles qui donnent habituellement. Si le principe de la souscription est adopté, ajoute le P. Jeuffroy, la résolution engageant la CEF dans les dépenses de l’association JMJ 1997 n’aura plus pour objet de faire contribuer les diocèses aux frais, mais de simplement sécuriser l’archevêché de Paris. Le cardinal Lustiger confirme ses propos : il fera tout pour que le budget soit en équilibre et trouver des ressources autres que celles des diocèses, mais a néanmoins besoin que les risques de déficit, trop grands pour son seul diocèse, soient mutualisés30.
18Finalement, la résolution engageant la responsabilité financière de la CEF, sous réserve de l’acceptation préalable des dépenses par ses représentants, est largement adoptée : 82 oui, 13 non, 3 blancs. Certains évêques ont dû la voter pour marquer leur soutien au projet, d’autres parce qu’ils pensaient qu’en l’absence de cette résolution, la CEF s’impliquerait quand même financièrement et qu’il n’y aurait aucun « verrou », pour reprendre l’expression de Mgr Duval qui a invité ses confrères à répondre positivement. La résolution approuvant l’organisation d’une souscription nationale est adoptée dans des proportions similaires : 81 oui, 13 non et 5 blancs31. Malgré ces votes positifs, l’assemblée plénière a fait passer un message clair : les évêques n’ont pas d’argent à mettre dans le rassemblement parisien. Cela met une certaine pression sur le P. Jeuffroy, qui confiera après coup : « On m’avait donné une responsabilité qui n’était pas très facile32. »
19Après l’échec relatif des premières souscriptions (la collecte effectuée au cours de la visite de Jean-Paul II en septembre 1996 a tout juste permis de rembourser les frais d’impression des tracts33), les organisateurs décident de demander une participation financière aux jeunes pèlerins pour les frais liés à l’organisation du rassemblement. Cela va occasionner un bras de fer avec le Conseil pontifical pour les laïcs, qui tenait à ce que la tradition de gratuité soit préservée, mais le front uni de l’archevêque de Paris et de la CEF a raison des réticences romaines34.
Préserver l’autonomie des évêques
20Parallèlement à ces interrogations financières, on peut percevoir dans le procès-verbal de l’assemblée plénière de novembre 1995 des inquiétudes marginales, mais significatives, vis-à-vis d’un événement copiloté par la CEF et l’archevêché de Paris, qui risque de limiter l’autonomie épiscopale. Paradoxalement, les protagonistes semblent jouer à fronts renversés. Des représentants de l’aile marchante de l’épiscopat, en phase avec la synodalité promue par Vatican II, se présentent, en cette circonstance, comme de farouches défenseurs du respect de l’autonomie des évêques, qui ne doivent pas être contraints par les décisions prises par la conférence. Ainsi, pour ce qui est des invitations des délégations étrangères pour les pré-journées en diocèse, Mgr Gilson, évêque du Mans à l’époque, pose la question de sa liberté de choix : « Est-ce que nous aurons autorité pour dire que nous accueillons les Allemands de Paderborn, ou bien les Africains du Nord Cameroun ? Est-ce que j’aurai autorité de dire cela ou bien est-ce que c’est vous ? Là-dessus, il faudrait que nous partions aujourd’hui, ou bien demain, en ayant une ligne très claire35. » Il demande par ailleurs si, d’un point de vue juridique, son diocèse sera engagé par le vote de la résolution sur la solidarité financière, dans la mesure où il voté non36. Il n’obtient pas de réponse, car la conversation se poursuit sur d’autres sujets.
21L’année suivante, lors de l’assemblée plénière de novembre 1996, la conférence, amenée à élire ses présidents et vice-présidents, maintient un équilibre des pouvoirs concernant la gouvernance des JMJ. Mgr Louis-Marie Billé est élu à l’issue de quatre votes dont le premier avait placé Mgr Lustiger en tête37. L’élection de ce dernier à la tête de la CEF en aurait fait l’arbitre de la participation financière des diocèses aux JMJ qu’il organisait à Paris. Dans la résolution sur la solidarité financière de la CEF quant aux dépenses des JMJ, il était en effet mentionné qu’en cas de contestation, le conseil permanent arbitrerait. Il y avait potentiellement un conflit d’intérêts à ce que l’archevêque de Paris soit à la fois l’hôte des JMJ et le président de la CEF. Il serait aventureux d’expliquer le scrutin uniquement par ce facteur, mais il a pu entrer en compte dans la mesure où les évêques souhaitaient préserver leur autonomie budgétaire.
Proposer et contribuer
22Tout en assumant une fonction de régulation vis-à-vis du leadership du cardinal Lustiger, l’assemblée plénière joue aussi un rôle de conseil en favorisant la formulation de suggestions face aux problèmes qui sont soulevés. Mgr Daucourt (Troyes) explique comment il entend, malgré sa situation budgétaire compliquée, financer l’accueil des pèlerins étrangers dans son diocèse grâce à l’appui d’organisations caritatives catholiques comme Aide à l’Église en détresse38. Mgr Eyt (Bordeaux) rappelle à ses confrères que la situation qu’ils vivent n’est pas inédite. À l’occasion de l’organisation du congrès eucharistique international de Lourdes en 1981, l’ensemble des diocèses avait dû se solidariser autour d’un projet commun : « Il y a peut-être ici des archives, et le P. Jeuffroy pourra sans doute les retrouver. Il y a quand même un grand nombre d’analogies qui peuvent servir dans le débat que nous avons ce soir. Ce n’est pas à la même échelle, mais je parle d’analogies. Et je pense qu’un certain nombre de guides, de réactions, peuvent nous servir, quitte à tout faire autrement39. » Vis-à-vis de la souscription, Mgr de Saint-Blanquat suggère qu’elle soit présentée comme prioritairement destinée aux jeunes défavorisés : « On ne va pas se transformer en office de tourisme gratuit. » Pour qu’elle fonctionne, il faudrait que l’épiscopat s’engage à inviter un quota, « qu’il faudrait fixer », de jeunes issus des pays du Sud ou d’Europe de l’Est40. Mgr Dubost et le P. Jeuffroy en prennent bonne note.
Les assemblées plénières post-JMJ
23Les JMJ de Paris sont le succès inattendu que l’on sait. L’implication de la CEF y est symbolisée par le fait que c’est son président, Mgr Billé, qui prononce le mot d’accueil du pape lors de la cérémonie d’ouverture le jeudi 21 août sur le Champ-de-Mars. Lors de la réunion du conseil permanent du 9 septembre 1997, l’enthousiasme des évêques participants semble unanime. Ces derniers décident de consacrer la prochaine assemblée plénière à la « relecture » de l’événement41.
Un espace de partage, d’analyse collective et de mutualisation concernant la pastorale des jeunes
24De fait, quand les évêques se retrouvent à Lourdes en novembre 1997, ils consacrent une large partie de leurs travaux aux JMJ. Leur assemblée apparaît comme un espace de parole, permettant de partager des expériences vécues intérieurement ou des anecdotes qui les ont émerveillées. Mgr de Berranger (Saint-Denis) tient à partager « le lien qu’[il] a fait personnellement dans son cœur » entre les JMJ et la déclaration de Drancy (30 septembre 1997), au cours de laquelle il s’était fait le porte-voix de la « repentance » des évêques de France concernant la passivité de la plupart de leurs prédécesseurs face à la déportation des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale42. D’autres évêques rapportent des fioretti qui les ont marqués. Mgr Lacrampe a été le témoin d’un processus de réconciliation entre les délégations coréenne et japonaise qui ont profité des JMJ parisiennes pour revenir sur « leur histoire qui a créé un mur de haine et de division43 ». Mgr Duval (Rouen), arrivant en région parisienne pour retrouver les jeunes de son diocèse, est pris en charge par une personne qui vient de perdre son mari et transforme sa solitude en offre de service44. Mgr Sarrabère raconte l’histoire d’un jeune landais qui, à la fin des JMJ, a avoué au responsable du diocèse qu’il avait parfois quitté son groupe pour faire des visites. Se retrouvant dans les locaux de Fun Radio avec son badge des JMJ, il était passé à l’antenne et y avait défendu le rassemblement face aux sarcasmes des animateurs : « Voilà quelqu’un qui voulait passer un peu à côté et qui s’est trouvé témoin de la foi à Fun Radio », s’émerveille l’évêque d’Aire et de Dax45. On pourrait multiplier les exemples tant le compte rendu est riche de ce type de propos que les évêques ont comme besoin de partager avec leurs pairs.
25L’assemblée plénière sert aussi à analyser collectivement ce qui s’est joué au cours du rassemblement. Les participants de l’assemblée cherchent notamment à repérer ce que l’événement dit des attentes des jeunes : Mgr Marcus (Toulouse) et Paul Destable perçoivent dans le succès des catéchèses un besoin de formation, mais aussi d’une relation de type paternelle, « dans le bon sens du terme46 ». Ce qui apparaît « de façon urgente » à Mgr Herbulot (Corbeil-Essonnes), c’est l’attente qu’ont les jeunes « d’être reconnus comme responsables » : « Partout où les jeunes ont pris des responsabilités pendant plusieurs semaines et plusieurs mois, je m’aperçois que les suites viennent presque d’elles-mêmes47. » Le constat est partagé par Mgr Patenôtre (Saint-Claude48). Mgr Gaidon (Cahors) note que les JMJ ont montré que les jeunes n’avaient pas le même contentieux que leurs aînés pour certaines dévotions comme l’adoration eucharistique, le culte des saints ou les processions49.
26Les évêques s’interrogent également sur les ressorts du succès de la mobilisation. Plusieurs mettent en avant l’importance des journées en diocèse, qui seraient à l’origine de « la vague de fond50 » (Mgr Hardy de Beauvais). Mgr Jaeger relève que, dans son diocèse de Nancy, 40 % des inscriptions se sont faites à la dernière minute. Il attribue le phénomène à l’impact de l’arrivée des jeunes étrangers dans les familles et des rassemblements programmés pour les accueillir. Il souligne également le rôle positif de la télévision51. La manière dont le pape, malade et diminué, a su communiquer est relevée par Mgr Gilson, qui y voit une illustration de la parole de saint Paul : « C’est dans la faiblesse que je suis fort52. » À l’unisson, Mgr Patenôtre relève que Jean-Paul II « a été touchant dans sa faiblesse » et qu’il y a peut-être là un chemin à suivre : « La faiblesse pour porter l’Évangile53. »
27Dans les propos échangés, les retours sur le passé s’entremêlent avec des suggestions pour l’avenir. En ce sens, l’assemblée des évêques permet aussi de nourrir l’élaboration d’une pastorale de la jeunesse renouvelée dans chacun des diocèses. Davantage qu’une stratégie d’ensemble, il s’agit d’une mutualisation de « bonnes pratiques », comme l’exprime Mgr Coloni, chargé d’animer les échanges sur les manières de faire fructifier les JMJ : « On peut échanger. Personne ne fera comme le voisin, mais de savoir ce que fait le voisin enrichit l’imagination et la stimule. » Des instances de pastorale diocésaine des jeunes présidées par l’évêque sont envisagées par Mgr Soulier (Limoges54), Mgr Ghirard (Rodez55) et Mgr Labille (Soissons56). Il s’agit de prolonger la dynamique rassembleuse des JMJ, qui avaient permis de fédérer des mouvements de jeunes travaillant habituellement parallèlement. D’autres évêques privilégient la programmation de temps forts, dans lesquels ils s’impliquent personnellement. À Marseille, Mgr Panafieu élabore avec des jeunes un parcours de formation qui se déroulera durant plusieurs week-ends et soirées. Il s’engage à y assurer une catéchèse par trimestre57. Sans créer de nouveaux dispositifs, Mgr Defois (Reims) et Mgr Fruchaud (Saint-Brieuc) veulent infuser dans la catéchèse diocésaine l’esprit qui soufflait aux JMJ.
28Au-delà de ce partage d’initiatives destinées aux jeunes, les évêques visent aussi, selon le mot de Mgr Coloni, à « s’entraider » dans l’exercice de leur ministère. Mgr Patenôtre confie que la réussite des JMJ l’a fait réfléchir sur sa charge : « Il faut y croire, ne pas avoir peur de prendre des initiatives, pas simplement des reprises de ce qui se fait, mais essayer d’innover, de rechercher58. » Mgr Gourvès (Vannes) confesse que la manière d’être du pape l’incite à réfléchir sur la place du charisme dans son ministère et dans celui de ses prêtres59.
Un espace de délibération et de décision concernant les questions financières
29Concernant les aspects financiers, les évêques se retrouvent face à une situation qu’ils n’avaient pas anticipée. La souscription lancée pour combler les 30 millions de francs (soit 6 millions d’euros 2018) de déficit60 à l’issue des JMJ a fonctionné au-delà de toute espérance, rapportant plus de 80 millions de francs61 (soit 16 millions d’euros 2018), ce qui laisse entrevoir un excédent de 50 millions de francs (soit 10 millions d’euros 2018).
30Lors de l’assemblée de novembre 1997, deux points de vue s’opposent de manière feutrée. D’un côté, le conseil permanent de la CEF, relayé par le P. Jeuffroy, demande à ce que cette somme soit affectée à la CEF, via sa structure juridique, l’UADF, afin de constituer un fonds pour la pastorale des jeunes. Mgr Vilnet (Lille) appuie la proposition en faisant remarquer que, si la CEF était engagée « pour combler les trous », elle est concernée par l’usage « des excédents éventuels ». De l’autre, Mgr Dubost, président de l’association JMJ 1997, plaide pour que l’assemblée générale de l’association soit décisionnaire de l’affectation des fonds, qui pourraient par exemple financer la participation des jeunes Français aux JMJ prévues à Rome en 2000. Mgr Lustiger l’appuie en notant que la résolution de 1995 solidarisait la CEF sur les dépenses et non sur l’ensemble du budget62. Finalement, la résolution préparée par le conseil permanent n’obtient que 54 oui, ce qui est en-deçà de la majorité des deux tiers (62) nécessaire à son adoption.
31Le sujet revient sur la table l’année suivante, en novembre 1998. Le bénéfice final, après paiement des différents frais, est finalement de 42 millions de francs (8,5 millions d’euros 2018). Mgr Dubost, tout en maintenant sa position selon laquelle ce sont les administrateurs de l’association qui ont le pouvoir d’opérer la dévolution des actifs, précise que ces derniers souhaitent recueillir l’avis de l’assemblée des évêques. Le cardinal Lustiger intervient avec vivacité pour s’opposer à l’idée que l’argent puisse être géré par la CEF : « Je m’oppose fortement à ce que l’on ait une caisse centrale, ce serait contraire au principe même de responsabilité mis en jeu. » Son argumentation est la suivante : les JMJ « ont été faites en jouant à fond la responsabilité propre de chaque diocèse » à travers les journées préalables. Par conséquent, il doit être de la responsabilité de chaque évêque de définir la pastorale des jeunes de son diocèse. C’est, déclare-t-il, « moralement et ecclésialement très important63 ». Le propos peut paraître étonnant dans la mesure où, précisément, le cardinal Lustiger avait requis la solidarité financière de tous les diocèses, ne souhaitant pas endosser seul la responsabilité d’un déficit. La période des préparatifs des JMJ où les évêques ont joué à front renversé sur la collégialité épiscopale semble terminée.
32Au terme d’un débat dans lequel les évêques prennent en compte les contraintes légales, mais aussi morales (respect de l’intention des donateurs d’aider les jeunes), il est décidé à la quasi-unanimité (100 oui, 2 blancs) d’affecter les actifs de l’association JMJ 1997 aux diocèses, qui ne pourront les utiliser que pour des actions destinées aux jeunes. Mais une seconde résolution permet aux diocèses qui le souhaitent de mettre en commun une partie de la somme reçue pour mener des initiatives partagées. Dans un souci éthique, les évêques décident par ailleurs, un peu moins unanimement, puisque 12 s’y opposent, de détruire le fichier des six millions de donateurs64.
⁂
33L’événement JMJ révèle qu’en cette fin des années 1990, les évêques français semblent avoir pleinement intégré les directives romaines visant à éviter que les conférences épiscopales n’aient un pouvoir décisionnaire contraignant. Les évêques, quelle que soit leur sensibilité ecclésiologique, n’hésitent pas à s’y référer quand une initiative leur paraît menacer leur autonomie. Cela pourrait amener à penser que l’idéologie n’est pas la seule variable expliquant les positionnements concrets des responsables de la hiérarchie catholique vis-à-vis de la collégialité épiscopale : des considérations pragmatiques semblent également entrer en compte. Compte tenu de cette conception partagée, la CEF a principalement joué, pour les JMJ, un rôle d’amplification, mais aussi de régulation des initiatives prises par l’archevêque de Paris. La mobilisation de ses instances a permis d’enrôler les forces vives des diocèses sur l’ensemble du territoire, et non seulement en Île-de-France. La délibération de l’assemblée plénière contribue à faire évoluer le modèle économique des JMJ en instaurant une participation des pèlerins aux frais d’organisation. Quand on compare avec la manière dont la conférence épiscopale canadienne s’est impliquée dans les JMJ de Toronto de 2002, on est frappé par les différences. La décision de candidater aux JMJ, puis le choix de la ville hôte, fait l’objet d’un long processus de discernement collégial sur près de deux ans. Mais le déficit non résorbé de près de 38 millions de dollars canadiens (32 millions d’euros 2018, soit plus de cinq fois le déficit des JMJ de Paris) laisse un goût amer aux évêques qui ne prennent pas vraiment le temps de relire collectivement l’événement65. On touche sans doute là le poids des cultures nationales dans le fonctionnement des conférences épiscopales.
Notes de bas de page
1 Je me permets de renvoyer sur ce point à mon intervention sur « les JMJ de Paris » dans le cadre du colloque « Jean-Marie Lustiger, entre crises et recompositions catholiques, de 1954 à 2007 » (12-14 octobre 2017), dont l’enregistrement est disponible en ligne sur le site ktotv.com.
2 Le Canard enchaîné, mercredi 27 août 1997.
3 Le cardinal Pironio présente Buenos Aires comme « une décision personnelle du pape » (L’Osservatore Romano, 9 avril 1987, p. 2). Selon Guzmán Carriquiry Lecour, c’est au cours du vol effectué à l’occasion des JMJ de Buenos Aires que le pape aurait eu l’idée de Compostelle pour le rassemblement suivant (entretien avec l’auteur, 14 décembre 2016).
4 Mgr Nowak, l’évêque de Czestochowa, apprend que le pape a choisi sa ville pour les JMJ de 1991 par la bouche du primat de Pologne, le cardinal Glemp (Mgr Nowak, entretien avec l’auteur, 24 novembre 2018).
5 Compte rendu de la XLVII assemblée plénière de la CEE, 18-23 avril 1988, Arch. dioc. Saint-Jacques-de-Compostelle, 1320 1989 CEE ; Duda Marian, « VI Światowy Dzień Młodzieży Częstochowa ’91 Spotkanie Młodych Wschodu i Zachodu », in Veritati et Caritati, 2014, vol. 3, p. 247-267 ; Marian Duda, entretien avec l’auteur, 23 octobre 2018.
6 Mgr Stanislaw Nowak, entretien avec l’auteur, 24 octobre 2018.
7 Edward Buelt, entretiens avec l’auteur, 9 avril 2018 : « C’était l’intérêt des JMJ qu’elles soient financées par la NCCB [National Conference of Catholic Bishops] et non pas un simple diocèse. Dès lors, dans le but de financer cet événement, la NCCB devait avoir un rôle à jour dans le choix du lieu. »
8 Miccoli Giovanni, Le pontificat de Jean-Paul II : un gouvernement contrasté, Bruxelles, Lessius, 2012, p. 154-155.
9 Reese Thomas J., A Flock of Shepherds: the National Conference of Catholic Bishops, Kansas City, Sheed & Ward, 1992, p. 247.
10 Les informations ici mentionnées ont été trouvées dans les fonds relatifs aux JMJ conservées dans les archives de la Catholic University of America et dans celles de l’archidiocèse de Denver.
11 Archives de la Catholic Bishops’ Conference of the Philippines, Papal Visit.
12 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-10 novembre 1998, CNAEF, p. 454.
13 Dennis Schnurr, entretien avec l’auteur, 2 mai 2018.
14 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-9 novembre 1994, CNAEF, p. 454.
15 Ibid.
16 En cela, son profil se rapproche de celui d’Emmanuel Payen, le prêtre diocésain qui avait été chargé par le cardinal Decoutray d’organiser la rencontre entre les jeunes et le pape à Lyon en octobre 1986. Voir Hervieu-Léger Danielle, Cohen Martine, Séguy Jean et Champion Françoise, Voyage de Jean-Paul II en France, Paris, Cerf, 1988, p. 60-61.
17 Pro manuscripto de la réunion du conseil permanent, 24 et 14 février 1995.
18 Voir son interview sur sa mission dans « L’argent de Dieu, une affaire très catholique », in Les Échos, 19 septembre 1996.
19 Cette volonté apparaît notamment dans la réunion d’information sur les JMJ du 11 novembre 1995 (Archives Institut Jean-Marie Lustiger, 257.33).
20 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-10 novembre 1995, CNAEF, p. 640.
21 Laloux Ludovic, « Les Journées mondiales de la jeunesse : des pèlerinages sous une forme actualisée ? Stratégies de mise en œuvre et réception dans l’espace public », in Grévy Jérôme, Chantre Luc et D’Hollander Paul (dir.), Politiques du pèlerinage du xvie siècle à nos jours, Rennes, PUR, 2014, p. 221-222.
22 Vayne François, Rollier Ariane et Boccardo Renato, Jean-Paul II, les jeunes et les JMJ, entretiens avec Mgr Boccardo, Paris, Parole et silence, 2005, p. 20.
23 Lettre d’André Lacrampe aux évêques de la région Île-de-France, 11 septembre 1989, archives Institut Jean-Marie Lustiger, 257.32.
24 Hervieu-Léger Danielle, Cohen Martine, Séguy Jean et Champion Françoise, Voyage de Jean-Paul II, op. cit.
25 Willaime Jean-Paul « Jean-Paul II, le stade et les jeunes », in Willaime Jean-Paul (dir.), Strasbourg, Jean-Paul II et l’Europe, Paris, Cerf, 1991, p. 81-108.
26 Lecomte Bernard, Jean-Paul II, Paris, Gallimard, 2003, p. 483.
27 Ibid., p. 479.
28 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-10 novembre 1995, CNAEF, p. 777.
29 Ibid., p. 781.
30 Ibid., p. 783.
31 Ibid., p. 782.
32 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-10 novembre 1997, p. 271, CNAEF, p. 280.
33 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-9 novembre 1996, p. 271, CNAEF, p. 636.
34 Compte rendu de la réunion entre le comité français et le conseil pontifical à Rome le 18 décembre 1996, CNAEF, 62 CE 5.
35 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-10 novembre 1995, CNAEF, p. 811.
36 Ibid., p. 784.
37 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-9 novembre 1996, CNAEF, p. 756.
38 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-10 novembre 1995, CNAEF, p. 782.
39 Ibid., p. 786.
40 Ibid., p. 785.
41 Pro manuscripto du conseil permanent de la CEF, 8-10 septembre 1997, CNAEF, p. 3-4.
42 Pro manuscripto de l’assemblée plénière de la CEF, 4-10 novembre 1997, CNAEF, p. 271.
43 Ibid., p. 244-245.
44 Ibid., p. 244.
45 Ibid., p. 246.
46 Ibid., p. 245-246.
47 Ibid., p. 248-249.
48 Ibid., p. 262.
49 Ibid., p. 263.
50 Ibid., p. 261.
51 Ibid., p. 266.
52 Ibid., p. 244.
53 Ibid., p. 262.
54 Ibid., p. 268.
55 Ibid., p. 269-270.
56 Ibid., p. 272.
57 Ibid., p. 274.
58 Ibid., p. 262.
59 Ibid., p. 276.
60 Ibid., p. 282.
61 Ibid., p. 280.
62 Ibid., p. 437-440.
63 Ibid., p. 454.
64 Ibid., p. 460-461.
65 Mercier Charles, « Les évêques canadiens et la Journée mondiale de la jeunesse de 2002 : essai d’histoire transnationale et politique du catholicisme », in Recherches sociographiques, 2017, vol. 58, no 3, p. 603-627.
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