L’Union gaulliste en 1946
p. 217-228
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Index géographique : France
Texte intégral
1« L’Union gaulliste pour la IVe République » – nom exact de la formation – occupe, dans la recomposition des droites une place secondaire mais intéressante et singulière. La brièveté de vie de l’Union gaulliste, entre juin 1946 et avril 1947, contribue à sa faible importance. Mais l’épisode, quoique bref, n’en est pas moins intéressant car l’Union gaulliste s’inscrit dans la longue histoire du gaullisme politique, comme le premier – à l’échelle nationale – et un des rares mouvements utilisant l’adjectif « gaulliste » dans son nom, même si d’autres partis, comme le mrp ou l’ udsr, se revendiquent à la même époque du gaullisme et si le qualificatif a déjà été utilisé par des listes en 1945. Enfin, l’histoire de l’Union gaulliste apparaît singulière car de Gaulle qui avait toujours refusé depuis 1940 de fonder un parti n’est pas à l’origine de celui-ci. L’initiative de créer l’Union gaulliste vient de René Capitant : de Gaulle ne l’a ni dissuadé, ni encouragé, exprimant seulement de fortes réserves sur l’emploi de l’épithète « gaulliste ». En privé, il a manifesté une réelle irritation mais teintée d’une certaine compréhension.
2Les grandes lignes de l’histoire de l’Union Gaulliste ont été tracées en 1997 et depuis, peu d’éléments sont venus enrichir la connaissance de ce mouvement à l’exception de la très riche thèse de Jean-Paul Thomas dans laquelle il étudie « l’indescriptible Union gaulliste » dans la décomposition et recomposition des droites de 1940 à 19471. Pour apprécier le rôle de l’Union gaulliste, il faut rappeler ici, très sommairement, les grands traits de son histoire : fondée en juin 1946, au lendemain de l’échec du projet constitutionnel, « pour réaliser les institutions de la IVe République telles qu’elles ont été définies par le général de Gaulle », pour « la Constitution de Bayeux », l’Union gaulliste mène campagne en espérant peser sur la deuxième Assemblée constituante, puis sur le vote des Français lors du référendum du 13 octobre 1946 2. Elle participe aux premières élections législatives de la IVe République le 10 novembre 1946 en accordant son investiture à trente-huit listes puis aux élections du Conseil de la République mais avec quatre listes seulement. Ses résultats sont très modestes, avec au maximum quatorze députés mais plus vraisemblablement dix. Si l’Union gaulliste a revendiqué, en septembre 1946, 500 000 membres, elle n’a pas dû dépasser la dizaine de milliers. Son existence réelle à l’échelon local – départemental – est contestable. Elle n’a pas acquis de véritable autonomie vis-à-vis des forces politiques avec lesquelles elle est alliée ou dont elle est issue, à l’exception de quelques rares cas comme la Loire-Inférieure, le Nord, la Seine, la Moselle et surtout le Bas-Rhin, avec l’ unar (Union nationale de rénovation). L’histoire de l’Union gaulliste s’achève en avril 1947 par un appel du comité exécutif qui demande aux membres du mouvement d’adhérer au Rassemblement du peuple français.
3Aujourd’hui, dans le cadre d’un colloque sur la recomposition des droites entre 1944 et 1948, nous nous interrogerons sur l’Union gaulliste et les droites en montrant d’abord les efforts de l’Union gaulliste pour ne pas apparaître comme un parti politique et encore moins à droite puis en appréciant le rôle de l’Union gaulliste dans la recomposition des droites de l’immédiat après-guerre.
4Dans ses proclamations, l’Union gaulliste se défend d’être un parti. L’article2 de son programme l’affirme : « l’Union gaulliste pour la IVe République n’est pas un parti politique. Elle est le rassemblement au-dessus des partis politiques et autour des combattants de tous les Français résolus à se dévouer, dans l’esprit du 18 juin, à l’édification de la IVe République ». Dans son Manifeste, la distinction est faite entre partis et rassemblement et entre partis et gaullisme. René Capitant explique : « nous ne sommes pas un parti à côté des autres partis mais un mouvement qui doit permettre à des hommes et des femmes de tous partis de s’évader de leur organisation trop étroite pour se retrouver et se rassembler sur le plan national ». Mais un tel positionnement situe pourtant l’Union gaulliste dans la lignée d’autres tentatives de ces « rassemblements à droite » de l’entre-deux-guerres, étudiés par Gilles Le Béguec et Jean-Paul Thomas tels le Parti républicain de réorganisation nationale (1919-1922), l’union pour la nation (1934-1935) ou le Parti social français à partir de 1936, en attendant le rpf à compter de 19473. On retrouve dans l’Union gaulliste les principaux traits constitutifs de ces rassemblements : rassemblement d’objectifs, volonté de dépasser les clivages politiques traditionnels, place des personnalités extérieures au monde politique traditionnel, double appartenance.
5Le désir de l’Union gaulliste de ne pas être un parti comme les autres et de dépasser la division gauche-droite n’aboutit pourtant que très partiellement, comme le prouvent la composition de son personnel, la perception du mouvement par les autres forces politiques et la participation de l’Union gaulliste aux élections. La seule étude des dirigeants, c’est-à-dire les dix-sept membres du comité exécutif et les cinquante-sept membres du conseil national, est éclairante4. Le plus grand nombre vient des rangs du rgr ou de l’ udsr tels René Capitant, délégué général ou Étienne de Raulin-Laboureur, secrétaire général et quelques rares cas venus du mrp (jusqu’en septembre 1946) et de l’ unar dont Kalb, Cremer, Krieger, Orttner… À l’opposé d’un homme comme Capitant venu de la gauche des années 1930, Éric Duhamel a rappelé le passé de Raulin-Laboureur, venu de l’Action française, passé par la ligue nationale populaire puis le PSF avant de participer à la Résistance, d’appartenir au mln et de devenir député du Maine-et-Loire en octobre 1945 et Jean-Paul Thomas a montré, dans une étude nationale plus large, le poids des anciens du PSF dans l’Union gaulliste5. Aucune personnalité politique d’envergure nationale ne figure parmi les dirigeants de l’Union gaulliste6. Aux yeux du monde politique de l’époque, l’Union gaulliste est toujours perçue à droite voire à l’extrême-droite. C’est la gauche qui est la plus critique. Ainsi, la Gironde populaire, journal communiste, n’hésite pas, le 4 octobre 1946, à désigner les dirigeants de l’Union gaulliste comme des « Munichois, cagoulards, haute finance sous l’étendard de l’Union gaulliste » et à les accuser d’être « les commanditaires du 6 février et des adulateurs de Pétain et de Hitler… » ! Plus généralement, la gauche voit dans le mouvement de Capitant la menace d’un nouveau 2 décembre, la résurrection du boulangisme, des ligues voire du fascisme. Le mrp et l’ udsr, plus modérés, reprochent à l’Union gaulliste d’être un parti, de diviser les gaullistes et de risquer de provoquer un front antigaulliste. Jacques Baumel, député udsr, écrit au général de Gaulle pour lui faire part de ses inquiétudes car, à ses yeux, l’Union gaulliste risque de « multiplier les divisions7 ». À droite, le sentiment est identique et le prl, hostile, accuse : « l’Union gaulliste assassine le gaullisme8 ».
6Plus grave pour les amis de Capitant, un certain nombre de gaullistes ne sont pas moins critiques. Dans l’entourage le plus proche du général de Gaulle, l’Union gaulliste est très mal vue de Claude Mauriac et de Claude Guy qui parle de « ligueurs9 ». François Mauriac partage le sentiment de son fils : « un ami m’écrit : c’est le foyer ligueur du 6 février que Capitant rallume… et je sens que ce doit être profondément vrai10 ». D’ailleurs, preuve de cette désapprobation, aucun grand nom du gaullisme de guerre, à l’exception de Capitant, ne rejoint l’Union gaulliste et son fondateur s’en plaint : « J’escomptais le concours d’un Soustelle, d’un Diethelm, d’un Pleven, d’un Malraux, d’un Giaccolbi, qui sais-je moi ? Et bien je le constate… Ils ne sont pas venus11 ». Lors des élections du 10 novembre 1946, l’Union gaulliste accorde son investiture à trente-huit listes mais seules vingt d’entre elles portent l’appellation « gaulliste », les autres ne faisant pas référence à de Gaulle dans leur titre12. Force est de constater que parmi ces trente-huit listes, on compte vingt-quatre dénominations différentes ! Douze sont des listes rgr, trois seulement des listes « Union gaulliste » et sept comportent la mention « union gaulliste » dans leur nom. Si les listes soutenues apparaissent très peu homogènes, leur positionnement politique est très clair : elles se présentent toutes en opposition au tripartisme et dans la campagne électorale, elles se montrent très dures envers les trois partis au pouvoir. Une telle position les situe à droite de l’échiquier politique : dans un tiers des circonscriptions, les listes investies par l’Union gaulliste regroupent toutes les forces à la droite du tripartisme et dans la moitié des circonscriptions, elles n’ont pour concurrence à droite qu’une liste radicale ou indépendante. Au lendemain du scrutin, les élus de l’Union gaulliste sont majoritairement des hommes de droite ou du centre droit13.
7Il est donc temps de poser la question : l’Union gaulliste a-t-elle contribué à la recomposition des droites au lendemain de la guerre ? Pour diverses formations politiques, l’épithète « gaulliste » a été considéré comme très utile : Jean-Paul Thomas évoque une « course à l’étiquette gaulliste14 ». Au-delà du mrp, « parti de la fidélité » et de l’ udsr, les adhésions de certaines personnalités et surtout l’examen des listes investies en novembre 1946 le montrent. Le « parrainage » est prestigieux même s’il n’a jamais été accordé par l’homme du 18 juin. Capitant le reconnaît : « De Gaulle, nous a-t-il donné, son patronage ? Non si l’on entend par là qu’il soit le chef de notre mouvement. Mais oui si l’on sait qu’il approuve les Français qui, comme nous, s’unissent à son appel pour défendre et faire triompher le programme national qu’il propose lui-même à notre pays15 ». Et il est exact que de Gaulle, sans donner son soutien, n’a pas condamné. Comme il l’a écrit à Jacques Baumel : « Je ne puis décourager des hommes de bonne volonté qui veulent faire campagne dans le pays pour mes propres idées constitutionnelles… d’autant plus que Capitant a des idées très saines sur la Constitution » ou encore à Claude Guy quelques mois plus tard : « le décourager maintenant, ce serait déloyal16 ». De Gaulle a donc laissé faire, lançant en quelque sorte un ballon d’essai. Il a pu apprécier l’appui accordé par l’Union gaulliste à son combat contre le projet constitutionnel.
8Cependant, pour le gaullisme le rôle du mouvement de Capitant est à double tranchant.
9D’un côté, il a pu apparaître positif. L’Union gaulliste n’est-elle pas une sorte d’avant-garde ou de brouillon du rpf ? Le vœu d’être un « rassemblement » et non pas un parti est identique. Plusieurs objectifs sont communs tels que le projet d’une « république fédérative » pour l’Union française ou les convictions économiques et sociales – « le capitalisme… doit être aboli comme toutes les féodalités » tout en rejetant « tout étatisme à tendance totalitaire » – en plus, bien sûr, des idées constitutionnelles17. L’acceptation de la double appartenance qui permet une relative ouverture au centre, vers l’ udsr et plus largement vers le rgr, est pratiquée par les deux mouvements, Union gaulliste et rpf. L’Union gaulliste a certainement contribué à convaincre de Gaulle qu’il lui fallait prendre l’initiative et que seul lui pourrait réussir. D’autres éléments communs aux deux mouvements sont incontestables, qu’il s’agisse, par exemple, de la géographie électorale qui montre des points forts au Nord-Est, à Paris, dans le Nord et l’Ouest ou une certaine continuité entre les hommes de l’Union gaulliste et du rpf (30 % des dirigeants et 15 % des candidats de l’Union gaulliste appartiennent au personnel gaulliste de l’après 1947 sous la IVe République18).
10D’un autre côté, l’Union gaulliste a eu un rôle néfaste dans les rapports entre de Gaulle et les partis politiques. Elle a creusé le fossé entre l’ancien chef du gprf et le mrp mais aussi le prl. Elle a été, pour le gaullisme, l’expérience qui « déflore la neige » selon la formule du général de Gaulle19. Elle a contribué à donner du gaullisme une image de mouvement « ligueur » et c’est pourquoi Claude Guy invitait Capitant à « gauchir » son mouvement20. De plus, elle apparaît comme un mouvement insuffisant quant à la solidité du gaullisme de ses membres et Claude Guy souhaitait « épurer une partie du personnel21 ». L’échec de l’Union gaulliste tient en grande partie à son image droitière et à un rassemblement très inachevé, notamment dans les rangs des gaullistes de guerre, compagnons de la première heure du Général. Il annonce celui du rpf même si ce dernier est allé plus loin et a mieux réussi.
11Faut-il pour autant en conclure comme Claude Mauriac, le 20 février 1947 : « on ne se rappellera jamais assez, mon Général, combien l’Union gaulliste vous a porté tort, combien elle a été nuisible à la France22 » ? Le jugement, à chaud, paraît trop sévère. L’Union gaulliste a annoncé, à maints égards, le rpf, y compris dans les antipathies qu’elle a suscitées et dans les déboires qu’elle n’a pas évités. Il lui manquait de toute façon pour accroître ses chances un souffle que seul de Gaulle pouvait lui donner. Mais l’avenir devait montrer que, même quand de Gaulle prend la tête d’un mouvement politique en 1947, cela ne suffit pas pour arriver au pouvoir et faire triompher ses idées.
Annexe 1 : Manifeste de l’Union gaulliste pour la IVe République (s. d. mais date probable : juillet ou août 1946. Source : collection particulière)
12UNION GAULLISTE POUR LA IVe RÉPUBLIQUE
13Siège provisoire : 13 rue Sainte-Cécile (3e étage) Paris-IXe
14Tél : PRO.70-72
MANIFESTE
15Dans son discours de Bayeux, le général de Gaulle a rappelé qu’après 1940 le salut vint d’une élite, jaillie à son appel des profondeurs de la Nation et qui, bien au-dessus de toute préoccupation de parti ou de classe, se dévoua au combat pour la libération, la grandeur et la rénovation de la France.
16C’est à l’action de ces patriotes et à l’appui qu’elle trouva dans la masse de la Nation que la France doit d’avoir sauvé son honneur, d’avoir continué la guerre aux côtés de ses Alliés et d’avoir été présente à la victoire.
17La tâche de ces Français est-elle achevée ? Non car si, la libération du territoire national est acquise, ni la grandeur, ni la rénovation de l’Union française ne sont assurées.
18Pourtant, après la libération, par respect pour la Loi suprême de la démocratie, le général de Gaulle, chef de la Résistance Française, a, en son nom, rendu la parole au peuple et transmis ses pouvoirs à la représentation nationale.
19Depuis lors, les partis – usurpant trop souvent à leur profit la souveraineté populaire – se sont chargés d’achever l’œuvre commencée et, notamment, d’élaborer la nouvelle constitution qui devra être ratifiée par le peuple français.
20Mais, une fois déjà, les partis ont échoué et ont été désavoués par le peuple. Et le risque n’est pas écarté que la seconde Assemblée, élue le 2 juin, ne persévère dans l’erreur et ne propose une constitution qui ne soit qu’une variante de la première.
21On peut craindre, en effet, que les partis ne veuillent pas d’une constitution véritable ; qu’ayant été investis de tous les pouvoirs ils n’acceptent pas de voir réduire leurs prérogatives ; qu’ils n’envisagent pas d’introduire dans la constitution d’autres institutions qu’eux-mêmes, et ne conçoivent celle-ci que sous la forme de leur propre féodalité ; qu’ils ne songent qu’à consolider leurs privilèges, par la loi électorale et par la constitution elle-même.
22Dans ces conditions, la République est en danger.
23C’est pourquoi le général de Gaulle a dû rompre le silence qu’il observait depuis sa retraite. C’est pourquoi, à Bayeux, il a défini les principes d’une constitution républicaine répondant aux besoins et aux nécessités de la France en 1946.
24Mais qui fera prévaloir ces principes, à défaut desquels il n’y a de salut ni pour la République, ni pour la France ? Les partis seuls ? Évidemment non, mais, au-dessus d’eux, les Résistants, qui doivent reprendre aujourd’hui leur tâche interrompue et se regrouper, au lendemain du discours de Bayeux, comme ils s’étaient groupés une première fois au lendemain de l’appel du 18 juin, sans préoccupation de parti ou de classe.
25Sans doute, trouve-t-on de nombreux résistants au sein des partis. Mais le fonctionnement de ceux-ci, tel qu’il s’est institué, a ses lois et ses fatalités, qui l’emportent, en eux, sur l’esprit de la résistance.
26Or ce n’est pas une œuvre partisane que d’édifier et de faire vivre cette Quatrième République, qui fut toujours l’objectif de la Résistance. Les partis y auront leur place, certes, comme dans toute démocratie, mais la constitution doit être d’abord le cadre dans lequel la nation puisse exercer légitimement et efficacement ses libertés.
27Dans ce nouveau combat, la Résistance n’emploiera que les armes pacifiques et légales dont la démocratie garantit l’usage à tous les citoyens.
28Elle s’adressera, à la masse des républicains et des patriotes, dans toute l’Union française.
29Elle continuera à s’inspirer de la pensée et de l’exemple de celui qui, après avoir été le premier résistant, est aujourd’hui le premier constituant de France.
30Elle luttera pour la République, contre la dictature, qu’elle déteste et condamne. Elle affirmera que les principes de la République hérités de 1789 sont éternels.
31Mais elle saura réaliser ces principes dans des institutions neuves, à la mesure du xxe siècle et non plus du xixe. Des institutions qui assurent à la France la grandeur et aux Français – à tous les Français, quelle que soit leur race et leur couleur – plus de liberté, plus d’égalité, plus de fraternité.
32C’est dans cet esprit et pour ces fins que les soussignés décident de créer « l’UNION GAULLISTE POUR LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE » dont le programme est joint à ce manifeste, et font appel à l’adhésion de tous les combattants et résistants et de tous les Français, quel que soit leur parti, qui veulent se dévouer, dans l’esprit du 18 juin, à l’édification d’une République nouvelle.
Annexe 2 : Programme de l’Union gaulliste pour la IVe République (s. d. mais date probable : juillet ou août 1946. Source : collection particulière)
33UNION GAULLISTE POUR LA IVe RÉPUBLIQUE
34Siège provisoire : 13 rue Sainte-Cécile (3e étage) Paris-IXe
35Tél : PRO.70-72
PROGRAMME
36Article premier : Le « Gaullisme » est le nom que ses ennemis ont, dès 1940, donné à la Résistance. Il n’a jamais signifié le pouvoir personnel du général de Gaulle. Il désigne le Mouvement de la résistance et de la rénovation françaises, né de l’appel du 18 juin, pur de toute préoccupation de parti ou de classe, animé par le seul amour de la Patrie et de la République.
37Article II : L’UNION GAULLISTE POUR LA IVe RÉPUBLIQUE n’est pas un parti politique. Elle est le rassemblement, au-dessus des partis politiques et autour des combattants, de tous les Français résolus à se dévouer, dans l’esprit du 18 juin, à l’édification de la Quatrième République.
38Article III : Son but est d’achever l’œuvre de la Résistance, selon le programme tracé par le Général de Gaulle, dès le 18 juin 1943 : « Nos buts sont l’écrasement de l’ennemi, la libération du territoire, la rénovation nationale par la démocratie et dans la liberté ».
39L’UNION GAULLISTE luttera donc pour donner à la France libérée de nouvelles institutions politiques, économiques et sociales.
40Article IV : Les principes proclamés en 1789 sont les principes éternels de la République. La Quatrième République doit être fondée sur eux.
41Article V : En revanche, les institutions chargées d’appliquer ces principes doivent être entièrement renouvelées. Les institutions de la Troisième République se sont écroulées en 1940 ; elles étaient d’ailleurs en décadence depuis la première guerre mondiale. Il serait vain de vouloir les rétablir.
42Article VI : L’UNION GAULLISTE POUR LA IVe RÉPUBLIQUE adhère aux propositions formulées par le général de Gaulle, dans son discours de Bayeux, relativement aux institutions politiques de la IVe République.
43Celles-ci devront notamment reposer sur les principes suivants :
44A) L’Union française sera une République fédérative. Seul le fédéralisme peut, en effet, permettre d’accorder aux peuples d’outre-mer les libertés politiques dont ils réclament, à juste titre, le bénéfice et d’assurer à l’Union française une organisation adaptée à son rôle de grande puissance mondiale au xxe siècle.
45B) La Constitution fera prévaloir la souveraineté du peuple sur les féodalités de partis et d’intérêts.
46En conséquence :
47– Elle comportera deux Chambres placées sous l’arbitrage du peuple souverain elle s’accompagnera d’une loi électorale garantissant aux électeurs le libre choix de leurs élus
48C) Elle sera fondée sur la séparation des pouvoirs, qui est la véritable garantie des droits de l’homme
49D) Elle assurera la continuité de l’État.
50Article VII : Les institutions économiques et sociales doivent également être renouvelées.
51Le capitalisme, tel qu’il s’est développé, a engendré un régime de féodalité économique incompatible avec les principes de 1789. Ce régime doit donc être aboli comme toutes les féodalités.
52Tout étatisme à tendance totalitaire, étant également incompatible avec les libertés républicaines, doit, de même, être rejeté.
53Le régime économique et social de la Quatrième République doit donc être un régime nouveau, réalisant la véritable justice sociale et assurant à chacun le bénéfice réel des principes de liberté, d’égalité et de fraternité proclamés par la Révolution Française.
54En conséquence, le droit de participation des travailleurs à la gestion et au profit des entreprises doit être reconnu.
55Article VIII : La prospérité de l’Union française ne peut résulter que de la prospérité de l’ensemble des Républiques et des États qu’elle fédère.
56C’est pourquoi l’UNION GAULLISTE, répudiant tout colonialisme, luttera pour la mise en valeur des richesses naturelles, pour l’équipement économique, pour l’élévation du niveau social et culturel de chacun des peuples fédérés, ainsi que pour le développement des échanges entre eux et l’établissement d’une véritable fraternité française.
57Article IX : L’œuvre de la Résistance ne sera pas davantage achevée tant que ne seront pas réalisées les conditions de la sécurité française.
58Celles-ci résident d’abord dans la suppression du danger allemand, ensuite dans l’établissement d’un régime de sécurité internationale.
59C’est pourquoi l’UNION GAULLISTE a également pour but :
60A) la constitution sur le Rhin d’États allemands détachés de l’Allemagne et rattachés à la Fédération française par des liens de caractère fédéral ou international
61B) La participation active de l’Union française à un système réel et loyal de sécurité internationale
62Article X : L’UNION GAULLISTE veillera spécialement à faire proclamer et pratiquer le principe de solidarité nationale à l’égard des victimes de la guerre et de l’occupation. Elle s’appliquera particulièrement à faire reconnaître par la loi les droits des veuves et des orphelins, des combattants et des résistants.
63Article XI : Plus généralement, l’UNION GAULLISTE aura pour objet la reconstruction morale et matérielle et la grandeur de la France.
64Article XII : Les Membres de l’UNION GAULLISTE n’emploieront que les moyens de propagande et d’action garantis à chaque citoyen par la démocratie.
Notes de bas de page
1 Bernard Lachaise, « L’Union gaulliste pour la IVe République », dans Cahiers de la Fondation Charles de Gaulle, n° 4, « La genèse du rpf », 1997, p. 199-232. Jean-Paul Thomas, Droite et rassemblement du psf au rpf 1936-1953. Hommes, réseaux, cultures. Ruptures et continuités d’une histoire politique, thèse de doctorat, sous la direction de Serge Berstein, iep de Paris, 2002.
2 Manifeste de l’Union gaulliste pour la IVe République et circulaire aux délégués des secteurs de l’Union gaulliste pour la IVe République (documents joints en annexe).
3 Gilles Le Béguec et Jean-Paul Thomas, « Projets et formules de rassemblement de 1919 à 1939 », dans Cahiers de la Fondation Charles de Gaulle, op. cit., p. 21-77. G. Le Béguec définit ainsi les rassemblements d’objectifs : « instruments de mobilisation de l’opinion publique autour d’un petit nombre de thèmes qui sont à la fois des thèmes de portée générale (la « rénovation », le « redressement », le « salut public » etc.) et des objectifs d’ordre pratique (la réforme constitutionnelle, par exemple…) ».
4 Les listes des dirigeants nationaux de l’Union gaulliste figurent dans Bernard Lachaise, op. cit., p. 229-231.
5 Éric Duhamel, L’udsr 1945-1963, Thèse de doctorat sous la direction de Jean-Marie Mayeur, Université de Paris IV, 1993, p. 118. Jean-Paul Thomas, op. cit., p. 414.
6 Les parlementaires représentent moins d’un cinquième des dirigeants (quatre proches de l’ udsr : Clostermann, Colonna, Krieger, Malbrant puis Bouvier O’Cottereau (droite), Viard ( mrp)).
7 Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets 1945-1951, Plon, 1985, p. 51.
8 Le Monde, 29 octobre 1946.
9 Claude Mauriac, Un autre de Gaulle. Journal 1944-1954, Hachette, 1970, p. 234.
10 François Mauriac, Le Figaro, 27 septembre 1946.
11 Claude Guy, En écoutant de Gaulle. Journal 1946-1949, Grasset, 1996, p. 138 (15 octobre 1946).
12 Selon les informations publiées par le journal L’Union gaulliste pour la IVe République, 6 novembre 1946.
13 Aux six minimum, un prl (Bouvier O’Cottereau), un républicain indépendant (de Récy), quatre udsr ou apparentés (Krieger, Clostermann, Raulin-Laboureur, Capitant) peuvent être ajoutés si on retient le chiffre de dix élus, un prl (Peytel), trois udsr ou apparentés (Mondon, Kaufmann, Wolff) et pour quatorze élus, il faut ajouter un apparenté prl (Marcellin), deux républicains indépendants (Triboulet et Theten), un UDSR (Bonnafous).
14 Jean-Paul Thomas, « La genèse du rpf», op. cit., p. 235.
15 L’Union gaulliste pour la IVe République, 6 novembre 1946.
16 Charles De Gaulle, Lettres, notes et carnets, 14 juillet 1946 et C. Guy, op. cit., p. 154 (30 octobre 1946).
17 Programme de l’Union gaulliste pour la IVe République (document joint en annexe).
18 Calculs élaborés à partir des listes publiées dans Bernard Lachaise, en collaboration avec Jérôme Pomeyrol, Pour une histoire des gaullistes sous la IVe République. Approche prosopographique. Guide de recherche, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, cahrc, 1998.
19 Claude guy, op. cit., p. 116 (7 septembre 1946).
20 Ibid., p. 138 (15 octobre 1946)
21 Ibid., p. 138 (15 octobre 1946).
22 Claude Mauriac, op. cit., p. 263.
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