Mme de Maintenon et Port-Royal
p. 57-64
Texte intégral
1Le 1er mai 1757, le rédacteur des Nouvelles ecclésiastique salue à sa manière la première publication des lettres de Mme de Maintenon en affirmant que la marquise aurait été une protectrice discrète du jansénisme à la cour, à travers le soutien qu’elle accordait à Noailles, cardinal-archevêque de Paris ; une affirmation péremptoire dont le neveu de Marie-Jeanne d’Aumale (1683-1756) se fit l’écho pour mieux la démentir, dans les corrections qu’il apporta au journal de sa tante1.
2De fait, les liens entre Mme de Maintenon et Port-Royal furent minces, pour ne pas dire quasi inexistants. Et pourtant, la question du jansénisme revient régulièrement dans sa correspondance. La protection qu’elle accorde à Noailles, plutôt bien connue, semble une sorte d’épiphénomène dans une cour traversée peut-être plus qu’on ne croit par la question du jansénisme et dont Mme de Maintenon apparaît tour à tour comme témoin et comme actrice.
3Plus qu’une question de sensibilité religieuse, le jansénisme reste à la cour un enjeu politique dont chacun des protagonistes peut être tour à tour acteur ou victime. Qu’en est-il de la marquise de Maintenon ?
Une maison de Dieu si haïe du monde
4La nomination de Louis-Antoine de Noailles à l’archevêché de Paris, le 19 août 1695, est généralement présentée comme l’ouvrage de Mme de Maintenon qui le tenait en haute estime. Pour autant, elle ne pouvait ignorer que le nouvel archevêque, ancien condisciple de Fénelon au collège du Plessis, était, dès ces années de formation, identifié comme un double défenseur de la théologie augustinienne et du gallicanisme. Protecteur de l’oratorien Pasquier Quesnel, Noailles, alors qu’il était évêque de Châlons, avait donné son approbation au livre des Réflexions morales. L’oratorien passait depuis la mort d’Antoine Arnauld en 1694 pour le chef de file du second jansénisme. Le prélat devenait par là suspect de jansénisme, accusation dont il ne parvint jamais à se libérer.
5Depuis 1679, les religieuses de Port-Royal des Champs ne pouvaient plus recevoir de novices. Alors qu’elle semblait condamnée à une lente agonie, la communauté religieuse, qui disposait toujours du droit d’élection malgré les efforts du roi pour la lui reprendre, avait eu la sage idée d’élire Agnès de Sainte-Thècle, tante de Jean Racine, comme abbesse cinq ans plus tôt en 1690, comptant sur l’influence de son neveu, historiographe du roi depuis 1677, pour plaider en sa faveur à la cour. Racine ne cacha jamais cette parenté. Il « alloit très-souvent » à Port-Royal des Champs et, écrivait Fénelon, « le disoit tout haut chez madame de M[aintenon]2 ». Mme de Maintenon ne s’impliqua qu’avec prudence dans les affaires du monastère, et peut-être les premières années qui suivirent la nomination de Noailles à Paris seulement :
« Vous parlâtes fort bien dans celle [l’affaire] de Port-Royal. Je m’apperçus du bon effet. Je continuai sur le même ton, en disant que votre personnage n’étoit pas de prendre un parti, mais de garder un milieu entre les deux extrémités, où les autres se jettent souvent. Je fus contente de la manière dont “on” reçut ce propos. Et vous devez l’être, Monseigneur, quand je le suis. Il ne faut pas se laisser dominer par le bon Père, mais dire ses raisons, avec une respectueuse fermeté3. »
6On sait du moins qu’elle interrogea Mme de Châteaurenaud, abbesse de Port-Royal de Paris, de passage à Saint-Cyr en octobre 1709, pour savoir « si elle avoit senti à Port-Royal des Champs cette onction qu’on dit s’y faire sentir de tous ceux qui y abordent4 ».
7Noailles nomma Simon Roynette, son grand vicaire, supérieur de Port-Royal des Champs. Ancien condisciple de Jean Racine et Pierre-Thomas du Fossé aux petites écoles vers 1649, il avait été grand vicaire de Félix Vialart puis de Noailles à Châlons avant de le suivre dans les mêmes fonctions à Paris. Cet ecclésiastique, écrivait Jean Racine à la mère Agnès de Sainte-Thècle le 19 février 1696,
« fait des vœux pour le rétablissement de la maison, et croit que le bien de l’Église voudroit qu’on y élevât la jeunesse comme autrefois ; il déplore la manière peu chrétienne dont elle est élevée dans la plupart des maisons religieuses ; il est cependant un peu sensible à cette terreur universelle qui fait craindre de passer pour favorable à cette maison qui a des ennemis si puissants5 ».
8La même année, Jean Racine s’impliqua fortement dans le procès qui opposa les communautés de Port-Royal de Paris et de Port-Royal des Champs sur une révision du partage du temporel. Il rédigea un mémoire en faveur de la communauté des Champs et alla plaider la cause du monastère auprès du père de La Chaise6. De son côté, Noailles demanda, mais en vain, au souverain la permission de rétablir son noviciat. Germain Vuillart, correspondant de Pasquier Quesnel, réfugié à Bruxelles, rapportait dans une lettre du 9 juillet 1699, que l’archevêque faisait :
« tout son possible pour ôter au Roy, à diverses reprises, les impressions qu’il a contre P[ort] R[oyal]. Mais le Roy se croit si bien informé et par ses Confesseurs et par les prédecesseurs de nostre Prélat, que tout ce qu’il peut dire n’a fait d’autre effet jusques icy que de suspendre l’exécution des desseins qui vont à la ruine de cette maison7 ».
9La nomination de Noailles à l’archevêché de Paris avait éveillé bien des espoirs dans les rangs des défenseurs de l’abbaye. Mais ils devaient vite s’évanouir.
10Déjà, dès la mort de Jean Racine en avril 1699, les derniers soutiens du monastère de Port-Royal des Champs furent en butte à des difficultés toujours plus grandes. Ainsi, Élisabeth Hamilton, comtesse de Gramont, dame du palais depuis 1667, élevée dans son enfance au pensionnat de Port-Royal, avait pu dire à la marquise de Maintenon en 1696 qu’elle désirait passer la Semaine sainte à Port-Royal des Champs8, chose qu’elle n’aurait pas osée du temps d’Hardouin de Péréfixe mais qu’elle croyait possible après la nomination de Noailles. Le lien qui la rattachait à Port-Royal restait son point faible à la cour et Mme de Maintenon sut probablement s’en servir pour l’affaiblir dans l’esprit du roi. En juin 1699, deux mois après la mort de Racine, elle fut rayée de la liste des dames invitées aux promenades de Marly pour s’être rendue sans permission au monastère des Champs pour la Fête-Dieu.
« Le roi, notait Pasquier Quesnel, avait dit qu’elle avait d’autant plus tort qu’elle ne pouvait ignorer qu’il avait en horreur cette maison. Plus on voit le prince opposé, plus les courtisans se resserrent et se tiennent clos et couverts. Cela me sert à admirer la protection que Dieu donne à cette sainte maison, si haïe du monde, et qui est aux portes de Versailles. Le maître voudrait qu’elle fût détruite, et il ne le fait pas, parce qu’elle est dans la main de Dieu9. »
Mme de Maintenon, gallicane et janséniste ?
11Dans cette période, la cour fut nettement traversée par un conflit larvé entre deux factions dévotes, gallicans/romains, transposé sur le terrain symbolique de la lutte jansénistes/jésuites. Certains jésuites représentaient le courant romain à la cour ; mais on trouvait autour de la marquise les gallicans royalistes et les gallicans ecclésiastiques. C’est sans doute dans ce second cercle qu’on rencontrait les pro-jansénistes ou apparentés. Cette aile gallicane eut plusieurs années nettement l’avantage, avec la disgrâce de Fénelon et la faiblesse des jésuites à la cour10. Mais, si l’on en croit les Mémoires secrets du marquis de Louville, on aurait compté parmi les fidèles de la marquise, Henri, duc d’Harcourt, qui « fait le janséniste » ou Marie-Anne de La Trémoïlle, princesse des Ursins, présentée comme « la protectrice des jansénistes11 ».
12La marquise de Maintenon a-t-elle jamais été séduite par le jansénisme et son austérité morale ? Dans une lettre du 18 juillet 1704 à Mme de Fontaines, elle reconnaissait qu’elle avait « beaucoup ouï parler de jansénisme » dans sa jeunesse12. En 1676, lorsque le père de La Chaise n’interdit pas les sacrements au roi, mais « se content[a] d’une demi-pénitence », elle s’écria : « vous voyez bien qu’il y a du vrai dans les petites lettres ! », preuve qu’elle connaissait et qu’elle avait peut-être lu les Provinciales13. Et après un entretien avec le confesseur du roi en 1695, elle s’écria dans une lettre à Noailles : « Le bon père m’a poussée à bout et bientôt, je serois janséniste, moi14 ! » Après l’abbé Gobelin qui assura sa direction à partir de 1668, le refus de Bourdaloue et la mise à l’écart de Fénelon, Mme de Maintenon se tourna vers l’abbé Paul Godet des Marais (1648-1709), qu’elle fit nommer évêque de Chartres en 1690. Farouche opposant au jansénisme, il put peut-être achever de l’en détourner, si elle avait jamais eu une quelconque forme d’attirance :
« Défendez toujours la vérité contre les nouveautez : elle en a un très grand besoin et c’est-là une de vos obligations : les décisions de l’église vous donnent le droit de parler en toute sûreté contre le jansénisme et le calvinisme : suggérez les moïens convenables pour détruire ces sectes : et dites avec le prophête : conduisez-moi, Seigneur, dans le chemin de la vérité15. »
13La marquise se défendit de subir en rien l’influence de son nouveau confesseur, déclarant à Mme de Fontaines, le 15 juillet 1704, que Dieu lui avait fait la grâce « de haïr tous les partis16 ». Il n’en reste pas moins troublant de voir que les accusations de jansénisme portèrent souvent sur le cercle de ses familiers les plus proches. Mme de Maintenon rapporta à Mme de Caylus une explication vive qu’elle avait eue à Saint-Cyr avec Mme de Dangeau, laquelle prétendit défendre le jansénisme avec des arguments qu’un Noailles, voir un Arnauld ou un Quesnel n’auraient certes pas déjugés :
« Elle me fit le matin un long éclaircissement sur le jansénisme, dans lequel elle me montra tout ce que j’avais cru voir en elle. Il n’y a point de jansénistes. C’est un prétexte pour persécuter les plus honnêtes gens. Leurs mœurs sont respectables. […] Tout ce que nous appelons le bon parti voulait plaire au Roi par intérêt17. »
14Mme de Maintenon connaissait le danger d’une accusation de jansénisme à la cour. C’est pourquoi elle bloqua elle-même le retour à la cour en 1699 de sa « nièce » Mme de Caylus, « convertie » sous l’influence de l’oratorien La Tour. L’Oratoire, auquel appartenait Pasquier Quesnel, penchait vers les thèses jansénistes et sa piété trop mondaine évoquait par trop celle des directeurs de Port-Royal :
« J’aurais été ravie si je l’avais vue simple, estimant la piété partout, lisant tout ce qui est bon, sans prétention et se tenant même à la plus grande simplicité qui est ce qui convient à notre sexe ; mais il n’y en a plus depuis ces nouveautés. Elles portent l’orgueil avec elles. Il faut des livres faits exprès. Il faut de belles traductions. Je ne sais comment les conducteurs de ces femmes-là, par politique même, ne les tiennent pas plus humiliées, car leur décision marque trop clairement qu’elles soutiennent un parti18. »
15Les relations entre les deux femmes se décrispèrent par la suite, et Mme de Maintenon confessa, dans une lettre à la princesse de Ursins :
« je m’accommode mieux avec madame de Caylus qu’autrefois, parce qu’elle me paraît revenue de l’entêtement qu’elle avait pour le Jansénisme, étant difficile de se trouver agréablement avec ceux qui pensent différemment de nous19 ».
Monsieur l’archevêque est-il janséniste ?
16De son côté, Noailles fut obligé de donner très tôt des gages contre des accusations dont il était l’objet de complaisance voire de complicité avec les milieux jansénistes. Si le prélat obtint dès 1696 la condamnation de l’Exposition de la foi catholique touchant la grâce et la prédestination écrite par Martin de Barcos pour Nicolas Pavillon et que Gabriel Gerberon venait de publier à Mons chez Gaspard Migeot, il reprenait, dans son ordonnance du 20 août 1696, les termes d’un bref d’Innocent XI, expédié à Louvain deux ans plus tôt, pour demander
« qu’on ne se serve plus de cette accusation vague et odieuse de jansénisme pour décrier personne, à moins qu’il ne soit convaincu d’avoir enseigné de vive voix ou par écrit quelques-unes des propositions condamnées20 ».
17Jamais pourtant, Noailles, gallican convaincu, ne parvint à se dédouaner entièrement de ce soupçon de connivence avec les milieux jansénistes. Après avoir visité les visitandines de Melun en octobre 1698, Mme de Maintenon se hâte de l’informer de ce qu’une religieuse lui a dit sur son compte : « qu’il est janséniste et le protecteur de ceux qui le sont » et « qu’il fait son possible pour protéger et rétablir le Port-Royal des Champs21 ». Fénelon, de son côté, jugeait plus prudemment Noailles sur ses relations troubles avec les milieux de Port-Royal :
« Je me garderois bien, confessait-il, de presser M. l’archevêque de Paris de s’expliquer contre le jansénisme. Il a l’esprit court et confus. Nulle opinion précise n’est arrêtée dans son esprit. Son cœur est foible et mou22. »
18Mais lorsque, en 1699, le Nouveau Testament de Pasquier Quesnel fut déféré à Rome, le prélat l’en avertit par l’intermédiaire de Germain Vuillart, ajoutant : « Je suis sûr qu’en cela on m’en veut plus qu’au P. Quesnel23. » Il n’en fut pas moins élevé à la pourpre sur les instances de Louis XIV l’année suivante.
19Pour Mme de Maintenon, laver l’archevêque de tout soupçon de jansénisme lui aurait permis de prendre l’ascendant sur les jésuites en perte de vitesse à la cour : « le bonhomme n’a plus de crédit », écrit-elle à Noailles le 19 février 1703 de Marly, et d’exhorter par deux fois dans la même lettre :
« On ne vous accuse point d’être quiétiste, ni tous ceux qui vous environnent : pourquoi ne vous laverez-vous pas aussi-bien du soupçon de jansénisme24 ? »
20Ses exhortations devinrent de plus en plus pressantes après la publication en 1703 du Cas de conscience qui conduisit le roi à demander à Rome la condamnation des jansénistes par la bulle Vineam domini le 16 juillet 1705. La position de Noailles auprès de l’épouse du roi se détériora sensiblement à partir de cette date, comme auprès de Godet des Marais désormais antijanséniste ardent. Mme de Maintenon confessa, en avril 1706 au duc de Noailles : « M. le cardinal de Noailles et moi nous brouillons tous les jours de plus en plus25. » Elle réitéra vainement ce conseil à Noailles l’année suivante, dans une lettre fameuse du 24 septembre [1707] :
« Je voudrais que vous pussiez voir l’uniformité des discours sur vous, depuis les prélats jusqu’aux plus petites religieuses : “Monsieur le cardinal n’est point janséniste mais il les ménage trop, Monsieur le cardinal n’est point janséniste mais il les protège, Monsieur le cardinal n’est point janséniste mais il est obsédé par eux, Monsieur le cardinal n’est point janséniste dans le fond, mais son inclination est pour la cabale, Monsieur le cardinal n’est point janséniste, mais ils se parent de lui, quoique dans le fond ils en soient très-mécontents.”
Voilà, Monseigneur, ce que j’ai ouï moi-même, sans avoir encore trouvé une personne qui vous accuse de jansénisme, ni aucune aussi qui ne vous blâme de n’être pas hautement déclaré contre eux26. »
La victoire contre Noailles et la destruction de Port-Royal
21La contre-offensive des dévots romains, sous la conduite du duc de Bourgogne, consista à partir de 1708 à faire aboutir en cour de Rome la condamnation des livres tendancieux que Noailles avait approuvés – principalement le livre des Réflexions morales du père Quesnel arrêté à Bruxelles en 1701 par la police de Philippe V –, d’autre part à obtenir des sanctions contre les ordres religieux ouvertement favorables au jansénisme – symboliquement l’extinction du titre d’abbaye de Port-Royal des Champs. Le roi, frappé par la mort des trois dauphins en 1711-1712, s’était clairement prononcé pour la condamnation du jansénisme. L’abbé d’Étemare, auteur janséniste des Gémissemens d’une âme vivement touchée par la destruction de Port-Royal, lui appliqua le texte biblique : « Les iniquités des pères seront châtiées jusqu’à la troisième génération. » Les deux factions dévotes scellèrent leur réconciliation dans une sorte d’union antijanséniste. Le divorce entre Mme de Maintenon et Noailles sembla consommé au moment de la fulmination de la bulle Unigenitus. Bien que Noailles eût révoqué son approbation au livre des Réflexions morales dans un mandement publié avant la réception de la bulle, il en refusa avec sept autres prélats la réception pure et simple en 1713. Mme de Maintenon, qui passait depuis plusieurs mois par le duc de Noailles, lui écrivit en juillet 1714, le priant de se tenir à l’écart de son oncle, pour éviter d’être entraîné dans la disgrâce du cardinal :
« Si Monsieur votre oncle continue à préférer les intérêts du père Quesnel à ceux de sa famille, il n’est pas juste que je me sacrifie pour lui ni qu’il vous entraîne dans sa chute27. »
22Mme de Maintenon put voir, avec l’opposition d’une partie de l’épiscopat français à la bulle Unigenitus, les premières années d’une seconde crise janséniste, ravivée après la mort du roi par l’espoir d’un retour en grâce à la faveur de la Régence. Elle se prononça avec vivacité contre le jansénisme renaissant qu’elle percevait « si étendu et si puissant28 ». Après avoir tenté de s’appuyer sur Languet de Gergy, qu’elle fit nommer à l’évêché de Soissons en 1715 pour tirer le cardinal de Noailles de ses faiblesses envers le parti, elle sembla oublier son ancien attachement pour lui.
« Je n’imagine point de fin dans les affaires de l’Église que la rétractation ou la condamnation de monsieur le cardinal de Noailles : la première lui seroit honorable : présentement, il a reçu assez d’encens. Tout autre accommodement ne sera point, ce me semble, avantageux à la Religion, et n’empêchera pas le progrès du jansénisme29. »
23À plusieurs reprises, elle parla dans sa correspondance de la probabilité d’un schisme : « Il est bien à craindre, soupira-t-elle, qu’on ne se sépare de Rome30. » Et, avec la grâce accordée aux dernières survivantes de Port-Royal des Champs à l’automne 1716 :
« Savez-vous que les filles de Port-Royal sont en liberté ? Je crois que vous pourrez bien voir le Port-Royal rétabli31. »
⁂
24Beaucoup de choses auraient pu séduire Mme de Maintenon dans Port-Royal : l’« onction » de la communauté religieuse, la réputation de leur ancien pensionnat qui a pu l’influencer dans la création de Saint-Cyr, le recours poussé jusqu’à l’excès au beau langage dans les écrits ; la pratique plus forte que partout ailleurs de la Bible traduite en français, qui pouvait la rattacher à son milieu familial calviniste. Si le rigorisme religieux a jamais pu la séduire, elle a sans doute rejeté immédiatement la violence du parti et l’âpreté de la polémique. Elle aurait probablement ouvert une sorte de voie moyenne à la cour en s’appuyant sur Noailles. La faiblesse du cardinal archevêque de Paris ne lui permit pas de mener cette construction.
Notes de bas de page
1 Nouvelles ecclésiastiques, 1er mai 1757 ; Aumale, 1903, p. 230-231 : « C’est peut-être sur la considération qu’avoit madame de Maintenon pour ce prélat et sur la façon de penser avantageuse qu’elle avoit sur son compte, ainsi que sur celui de plusieurs personnes soupçonnées de jansénisme, que l’auteur de cet infâme libelle intitulé Nouvelles ecclésiastiques, s’est cru autorisé à essayer de persuader à ses lecteurs par quelques traits qu’il cita dans une de ses feuilles, il y a huit ou dix ans, qui avoient quelque rapport au jansénisme, que madame de Maintenon, loin d’être opposée à cette doctrine, s’en étoit montrée la protectrice. C’est une pure calomnie ; elle s’est toujours montrée aveuglément soumise aux décrets du Saint-Siège et aux décisions de l’Église. Je ne prétends pas qu’elle ne pensa jamais avantageusement de quelques personnes taxées ou soupçonnée de jansénisme, et qu’elle n’auroit pas désiré quelquefois pouvoir leur être favorable ; ses sentiments pour l’archevêque de Paris en sont un exemple ; mais on peut aimer et estimer des personnes, sans protéger leurs erreurs. »
2 Lettre de Fénelon au duc de Beauvilliers, 30 novembre 1699, Fénelon, 1848-1852, t. VII, p. 220.
3 Lettre au cardinal de Noailles, Versailles, 9 septembre (1697), Maintenon, 2010, p. 827.
4 Poulain, 1776, t. III, p. 186, 16 octobre 1709.
5 Guilbert, 1755-1756, t. I, p. 234-236.
6 BnF : ms. fr. 12887, fo 106-107 (brouillon) et fo 108-109 (texte définitif). Voir Forestier, 2006, p. 802.
7 Vuillart, 1951, p. 251.
8 Lettre au cardinal de Noailles, [Marly], 13 avril [1696], Maintenon, 2010, p. 673.
9 Lettre de Pasquier Quesnel, 18 juillet 1699, Quesnel, 1900, t. II, p. 61 ; voir lettre de Pasquier Quesnel, 8 août 1699, Quesnel, 1900, t. II, p. 63 ; voir Pommier, 1943.
10 Andurand, 2017.
11 Ravel, 2012, p. 35.
12 Lettre [à Mme de Fontaines], [Versailles], 18 juillet 1704, Maintenon, 2011a, p. 506.
13 Lettre à la comtesse de Saint-Géran, Versailles, (26 juillet 1676), Maintenon, 2009, p. 215.
14 Blanc, 2012, p. 46.
15 Godet des Marais, 1907, p. 146, lettre XLIX.
16 Lettre [à Mme de Fontaines], [Versailles], 18 juillet 1704, Maintenon, 2011a, p. 506.
17 Lettre de Mme de Maintenon à Mme de Caylus, 2 septembre 1716, Maintenon, 2011c, p. 520-521.
18 Lettre au cardinal de Noailles, Marly, 19 février (1703), Maintenon, 2011a, p. 397.
19 Lettre de Mme de Maintenon à la princesse des Ursins, Saint-Cyr, 26 août 1714, Maintenon et Ursins, 1826, t. III, p. 202.
20 Noailles, 1696, in-4o, 12 p.
21 Lettre au cardinal de Noailles, Marly, 13 octobre 1698, Maintenon, 2011a, p. 119-120. Blanc, 2012, p. 48.
22 Lettre de Fénelon au duc de Beauvilliers, 30 novembre 1699, Fénelon, 1827-1829, t. I, p. 81.
23 Lettre de Pasquier Quesnel à Germain Vuillart, 25 avril 1699, Quesnel, 1900, t. II, p. 53.
24 Lettre au cardinal de Noailles, Marly, 19 février (1703), Maintenon, 2011a, p. 395.
25 Lettre au duc de Noailles, [Versailles], 3 avril (1706), ibid., p. 750.
26 Lettre au cardinal de Noailles, [Fontainebleau], 24 septembre (1707), Maintenon, 2011b, p. 200-201.
27 Lettre au duc de Noailles, 4 août 1714, Maintenon, 2011c, p. 81.
28 Maintenon et Ursins, 1826, t. III., p. 216. Voir Ceyssens, 1986.
29 Aumale, 1902, 28 juillet 1716, p 129.
30 Ibid., 20 septembre 1716, p 153.
31 Ibid., 15 novembre 1716, p 169.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008